Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes Rapport de la Commission de gestion du Conseil national à l'attention du Conseil fédéral du 21 octobre 2011

Madame la Présidente de la Confédération, Mesdames et Messieurs les Conseillers fédéraux, La Commission de gestion du Conseil national (CdG-N) a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de mener une évaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Il s'agissait notamment d'analyser ce sujet sous l'angle de l'évolution des salaires au cours de l'ouverture du marché suisse du travail et d'apprécier la mise en oeuvre ainsi que le pilotage des mesures idoines.

Se fondant sur les rapports du CPA, la CdG-N a tiré certaines conclusions qu'elle expose dans le présent rapport.

Veuillez croire, Madame la Présidente de la Confédération, Mesdames et Messieurs les Conseiller fédéraux, à l'assurance de notre haute considération.

21 octobre 2011

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: La présidente, Maria Roth-Bernasconi La secrétaire, Beatrice Meli Andres

2011-2440

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Table des matières 1 Introduction

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2 Constatations et recommandations 2.1 Constats d'ordre général 2.2 Carences du pilotage 2.3 Mise en oeuvre différenciée des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes 2.4 Communication inadaptée 2.5 Constats d'ordre juridique

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3 Récentes mesures du Conseil fédéral

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4 Conclusions

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5 Considérations finales

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Annexe: Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national 1039

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Rapport Remarque préliminaire Ce rapport se fonde sur l'évaluation du CPA annexée. Considérant cet écrit comme un complément à l'évaluation susmentionnée, la CdG-N se contente d'y exposer ses principales conclusions et recommandations.

1

Introduction

Les mesures d'accompagnement ont été introduites le 1er juin 2004 afin d'éviter que l'assouplissement de l'accès au marché suisse du travail découlant de l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'Union européenne n'entraîne une détérioration des salaires et des conditions nationales de travail. Les mesures avaient notamment pour but d'éviter la sous-enchère salariale et sociale au détriment des travailleurs résidant en Suisse, ainsi que de protéger les travailleurs détachés en leur garantissant les mêmes conditions de travail qu'un résident.

Depuis l'introduction des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, de nombreuses interrogations et craintes de la population ont trouvé écho auprès des milieux médiatiques et politiques. Dans ce contexte, la Commission de gestion du Conseil national a chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), dès le mois de juin 2010, de procéder à une évaluation de l'application et de l'efficacité desdites mesures.

Aussi, il convient de souligner que le CPA n'a pas évalué l'accord sur la libre circulation des personnes, mais a uniquement analysé l'évolution des salaires au cours de l'ouverture du marché suisse du travail, respectivement évalué les mesures d'accompagnement sous l'angle de leur pilotage/mise en oeuvre, leurs effets et leur efficacité. A ce jour, l'étude portant sur l'évolution des salaires est la seule qui est appuyée par des données individuelles directes et non agrégées. Par exemple, pour l'année 2008, elle est basée sur un échantillon total supérieur à 1,6 millions de personnes.

Au vu des rapports du CPA1, il y a lieu de reconnaître la complexité du pilotage des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Celui-ci s'opérant à plusieurs niveaux, notamment Confédération, cantons, commissions paritaires et tripartites, il présente de grandes difficultés et relève d'un grand défi.

Le présent rapport expose les conclusions que la CdG-N a tirées des travaux du CPA. Le 21 octobre 2011, la commission a approuvé cet écrit et en a autorisé la publication conjointement avec l'évaluation du CPA.

1

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, rapport du CPA (en français et en allemand) du 16.6.2011 et rapport explicatif du CPA (seulement en français) du 16.6.2011.

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2

Constatations et recommandations

2.1

Constats d'ordre général

Les résultats présentés par le CPA démontrent que l'ouverture du marché du travail s'est accompagnée d'une pression sur les salaires2 déjà en 2004 et aussi bien dans une situation de haute conjoncture (2006) que durant les périodes économiquement difficiles (2008). Les effets ont débuté dans les régions frontalières et se sont étendus à l'ensemble du territoire suisse. Les premiers travailleurs concernés étaient d'origine étrangère. Toutefois, les travailleurs de nationalité suisse ont aussi fini par être affectés de pressions salariales. La catégorie la plus affectée par ce phénomène est composée des travailleurs les moins qualifiés. La pression sur les salaires n'est pas forcément exercée dans les branches dites à risque.

Bien que l'existence de la pression salariale soit avérée, il n'est pas possible de se prononcer sur la présence ou non de sous-enchère salariale abusive et répétée. En effet, cette notion n'a pas été définie par le législateur et les différentes pratiques rendent ce constat impossible. Par ailleurs, il n'existe aucune donnée permettant une comparaison de la situation actuelle avec une situation identique sans mesures d'accompagnement. Par conséquent, l'effet des mesures d'accompagnement sur la sous-enchère salariale ne peut pas être mesuré.

2.2

Carences du pilotage

Bien que les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes soient entrées en vigueur le 1er juin 2004, aucune stratégie de pilotage du Conseil fédéral ni du Département fédéral de l'économie (DFE) n'a existé avant 2010. La CdG-N est alarmée de cette inactivité dans un domaine aussi sensible, tant politiquement qu'économiquement.

Grâce aux inquiétudes et au travail de la Direction du travail du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), une stratégie pertinente et complète a été établie en 2010.

Néanmoins, selon le CPA, le système des mesures d'accompagnement disposera des outils nécessaires à sa surveillance au plus tôt à partir de 2012.

Tant au niveau du concept de mise en oeuvre que de sa dotation en personnel le Conseil fédéral et respectivementle SECO ont visiblement longtemps négligé la thématique sensible des mesures d'accompagnement. Le législateur a souhaité octroyer une certaine autonomie aux acteurs chargés de la mise en oeuvre des mesures, tout en chargeant le Conseil fédéral d'en contrôler l'application. Toutefois, ce dernier n'a pas fait usage de sa marge de manoeuvre, ni pour mieux définir, en collaboration avec les différents acteurs de la mise en oeuvre, les lignes directrices et méthodes visant à détecter la sous-enchère salariale, ni pour mieux cibler les contrôles.

Le pilotage politique des mesures d'accompagnement ne s'est pas basé sur des constats relatifs à leur efficacité, mais son évolution a été et est influencée par des considérations politiques. Le développement des mesures d'accompagnement ainsi

2

Selon les informations recueillies sur le terrain par le CPA, les praticiens évoquent dans certains cas des différences salariales d'un facteur 3 chez les travailleurs détachés.

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que la fixation des objectifs devraient se fonder sur des indicateurs objectifs et être basés sur des faits établis quant à leur efficacité.

A titre d'exemple, près de la moitié des contrôles effectués annuellement est concentrée sur les travailleurs détachés qui représentent moins de 0,15 % du volume total de l'emploi au niveau national, soit environ l'équivalent de 4 900 emplois à plein temps. Ces contrôles représentent le trois quarts des dépenses liées aux mesures d'accompagnement3.

Sous l'angle de la répartition des contrôles selon la réglementation des rapports de travail, les domaines professionnels couverts par des conventions collectives de travail étendues concentrent plus de la moitié des contrôles alors qu'ils ne représentent qu'environ 13 %4 de la population active et bénéficient déjà de la meilleure protection face à la sous-enchère salariale.

En outre, les effets de la libre circulation des personnes se manifestent par d'autres canaux, dont notamment par les travailleurs frontaliers ou les résidents soumis à une autorisation de séjour, mais également dans d'autres branches que celles dites sensibles.

Ces constats démontrent un manque de pilotage, une mise en oeuvre partielle des mesures d'accompagnement et posent un problème majeur sous l'angle du pilotage stratégique. Pour être plus efficaces, les contrôles devront à l'avenir prendre mieux en compte les objectifs généraux des mesures d'accompagnement et être aussi plus ciblés.

Le rapport du CPA démontre également que la pression salariale est plus forte sur le personnel nouvellement engagé. La CdG-N y voit un domaine sujet à examen et invite le Conseil fédéral à y porter une attention particulière.

En raison de la grande marge de manoeuvre et du manque de pilotage, la situation sur le terrain s'est complexifiée et des fossés se sont creusés dans les pratiques, respectivement dans l'application des mesures d'accompagnement, favorisant ainsi une hétérogénéisation des processus. Le pilotage actuel ne permet pas d'assurer que les mesures d'accompagnement soient correctement mises en oeuvre.

Parallèlement, les bases d'informations du SECO se sont révélées peu pertinentes et incomplètes. Selon le CPA, les organes d'exécution transmettent des données incomplètes, de qualité médiocre et difficilement comparables, ne pouvant pas refléter la réalité avec certitude5. Les conclusions tirées de celles-ci faussent un potentiel pilotage efficace et ne reflètent pas la réalité de la situation.

3 4 5

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, rapport du CPA, pp. 23 à 24.

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, rapport du CPA, pp. 11 à 24.

A titre d'exemple, les infractions résolues ou conciliées ne sont plus considérées comme des infractions par de nombreuses commissions paritaires. L'information n'est donc pas transmise à l'autorité compétente. En conséquence, l'appréciation de la situation en vue du pilotage est erronée, puisqu'aucun constat d'infraction n'est émis en retour.

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Recommandation 1

Pilotage stratégique et opérationnel

La CdG-N invite le Conseil fédéral à s'investir dans la mise en oeuvre rapide d'une stratégie de pilotage claire et à s'assurer que celle-ci soit basée sur des indicateurs objectifs considérant l'ensemble du marché suisse du travail. Dans cette tâche, le Conseil fédéral devra tenir compte des enseignements tirés, respectivement de l'ensemble des constatations du CPA et des recommandations de la CdG-N. Une attention particulière sera notamment portée sur la problématique du personnel nouvellement engagé.

2.3

Mise en oeuvre différenciée des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes

La mise en oeuvre des cantons et des commissions paritaires est trop différenciée, notamment en raison des carences du pilotage, subsidiairement de l'absence de définition de la sous-enchère salariale. Il existe de fortes disparités dans la quantité et les pratiques des contrôles, mais également et surtout dans les suites qui y sont données. Ceci soulève également la question de l'impartialité et de l'égalité de traitement.

A titre d'exemples, sur la base des résultats du CPA, la CdG-N relève que:

6 7 8 9

­

les contrôles en matière d'annonces préalables présentent des variations extrêmes d'un canton à l'autre, faisant varier le taux d'infractions de 0 à 100 % selon les cantons6;

­

dans le cadre des contrôles des domaines non couverts par une convention collective de travail étendue, soit environ 85 % de la population active occupée, plus de trois quarts des infractions sont constatées dans seulement cinq cantons alors que onze cantons n'ont constaté aucune infraction malgré l'importance économique de certains d'entre eux7;

­

les définitions de la sous-enchère salariale et les méthodes d'identification de celle-ci sont très variables, allant d'un écart de valeur (> fr. 500.­) à un écart en pourcent (variation de 0 %, 5 %, 10 %, 20 %) du salaire usuel, en passant par des estimations spécifiant que l'abus concerne le 25 % des travailleurs les moins bien payés d'une branche ou encore par des définitions au cas par cas8;

­

le degré d'atteinte des objectifs en termes de nombre de contrôles dans le domaine des travailleurs détachés varie de 9 % à 288 % selon les commissions paritaires9;

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, rapport du CPA, p. 19.

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, rapport du CPA, pp. 19 à 20.

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, rapport du CPA, p. 20.

Ibidem

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­

certaines commissions tripartites ne sont pas en mesure d'effectuer les constats de sous-enchère abusive et répétée en raison de méthodes insuffisamment élaborées ou de critères non définis. Ainsi, certaines commissions tripartites ne font volontairement pas de comparaison avec les salaires usuels10.

Tout en respectant l'autonomie voulue par le législateur, le Conseil fédéral aurait pu édicter des directives ou définir des lignes de conduite en collaboration avec les acteurs chargés de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement. Ceci aurait permis une approche plus cohérente et homogène des cantons et commissions paritaires. A défaut de le faire lui-même, le Conseil fédéral aurait au moins dû initier une démarche et exiger que tous les cantons formulent leurs propres critères et éléments de définition de la sous-enchère. Idéalement, le Conseil fédéral aurait instauré un dialogue en ce sens avec les cantons. Il leurs aurait ainsi marqué sa volonté de les soutenir dès le début, tout en gardant la souplesse située entre une définition rigide (pas souhaitée par le législateur) et une absence totale de définition (le cas actuel).

Recommandation 2

Harmonisation des processus

La CdG-N invite le Conseil fédéral à soutenir, dialoguer et collaborer avec les différents acteurs chargés de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement, afin d'établir une ligne de conduite, une méthode et des critères en matière de sous-enchère abusive et répétée. La CdG-N est convaincue que cela doit permettre de réduire les écarts de mise en oeuvre des mesures d'accompagnement ainsi que de répondre aux exigences fixées par le législateur.

2.4

Communication inadaptée

Comme mentionné au ch. 2.2, les bases d'informations sur lesquelles se fonde le Conseil fédéral, respectivement le SECO, pour communiquer au sujet des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, ne se sont pas de qualité suffisante. Les données à disposition ne permettent ni de déterminer si les mesures d'accompagnement sont correctement appliquées et efficaces ni s'il y a présence ou non de sous-enchère salariale. Elles rendent les conclusions tirées par le Conseil fédéral et le SECO généralement inexactes et par conséquent génèrent une communication inadaptée. Une remise en question des constats de Conseil fédéral et du SECO s'impose.

A titre d'exemples: ­

10 11

en 2007, le Conseil fédéral estimait que la libre circulation des personnes n'avait pas conduit à des pressions salariales et que les mesures d'accompagnement étaient efficaces11;

Evaluation de la surveillance et des effets des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes, rapport du CPA, pp. 21 à 22.

Défis 2007­2011, Conseil fédéral, p. 57

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­

en 2007, le SECO a communiqué que l'immigration découlant de la libre circulation des personnes n'avait pas d'effet négatif sur l'emploi et l'évolution des salaires12;

­

en 2009, le SECO a conclu que les mesures d'accompagnement étaient efficaces13;

­

en 2009, le SECO a annoncé que les mesures d'accompagnement avaient, une fois encore, permis d'éviter une évolution négative du côté des bas salaires14;

­

en 2010, le Conseil fédéral a affirmé que les rapports annuels du SECO sur la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement et ceux de l'Observatoire sur les effets de la libre circulation des personnes permettaient de savoir si les mesures étaient efficaces et si les conditions de rémunération en Suisse étaient respectées15.

Ce problème reste toutefois récurrent comme le montre le communiqué de presse du SECO datant du 3 mai 201116, dans lequel, sur la base des dernières données disponibles (2010), il est à nouveau conclu que les mesures d'accompagnement sont efficaces, sous prétexte que les contrôles ont permis de constater davantage de cas de sous-enchère salariale et d'infractions. Le CPA a démontré qu'il ne s'agissait pas de résultats probants. En effet, les évolutions signalées par le SECO sont d'ordre global et s'expliquent par une hausse des contrôles dans seulement deux domaines bien spécifiques17. De surcroît, les très grandes variations de données entre cantons et entre commissions paritaires subsistent18. Aucun lien ne peut objectivement être établi entre cette augmentation et l'efficacité des mesures d'accompagnement. La CdG-N souligne que cette communication ne reflète pas la réalité et n'intègre pas l'ensemble du marché suisse du travail.

Dans un domaine économiquement et politiquement si important, le Conseil fédéral et le SECO auraient dû s'assurer que les données dont ils disposaient étaient appropriées avant de se prononcer. Une base de données pertinente est la source d'un pilotage adéquat et d'une communication conforme à la réalité.

12 13 14 15 16 17 18

Libre circulation des personnes: effets positifs sur le marché du travail, communiqué de presse du SECO du 31.5.2007 Mesures d'accompagnement: davantage de contrôles, salaires en vigueur majoritairement respectés, communiqué de presse du SECO du 23.4.2009 Augmentation de l'immigration et accélération de la croissance grâce à la libre circulation des personnes, communiqué de presse du SECO du 2.7.2009 Réponse du Conseil fédéral à l'interpellation de Grunder Hans, « Libre circulation des personnes. Renforcement des mesures d'accompagnement » du 24.2.2010 (09.4086) Mesures d'accompagnement: étoffement des contrôles, communiqué de presse du SECO du 3.5.2011 Menuiserie et serrurerie/artisanat du métal Les données 2010, selon l'analyse complémentaire du CPA (rapport complémentaire non publié), démontre par exemple que: 60 % des infractions sont communiquées par deux commissions paritaires, 81 % des infractions sont communiquées par quatre commissions paritaires, 55 % des infractions sont communiquées dans deux cantons et 76 % des infractions sont communiquées dans cinq cantons.

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Recommandation 3

Communication fondée sur des données fiables

La CdG-N invite le Conseil fédéral et le SECO à baser leurs communications et leurs conclusions sur des données pertinentes, complètes, fiables et objectives afin d'atteindre davantage de transparence.

2.5

Constats d'ordre juridique

L'évaluation du CPA démontre également que des lacunes juridiques créent des obstacles à l'efficacité des mesures d'accompagnement. Certaines imprécisions légales amoindrissent non seulement l'efficacité des mesures d'accompagnement, mais peuvent également se répercuter sur leur pilotage.

La CdG-N relève notamment que: ­

la mise en place des contrats-types de travail avec salaires minimaux ne constitue pas un instrument efficace, dès lors que les employeurs suisses y contrevenant ne sont pas punissables. Par ailleurs, cet outil n'a été utilisé qu'à une seule reprise au niveau fédéral et à cinq reprises entre trois cantons.

Le Conseil fédéral devrait examiner l'opportunité d'introduire une base légale afin de sanctionner tous les contrevenants et de les contraindre à rétrocéder la différence salariale aux employés lésés;

­

dans le cas des chaînes de sous-traitance, il est difficile de sanctionner les abus constatés. Pour favoriser la responsabilisation de certains employeurs (maîtres d'ouvrage, donneurs d'ordre), ces chaînes de sous-traitance devraient être indissociables et sanctionnées dans leur ensemble en cas d'abus.

Si le Conseil fédéral s'était plus impliqué et avait activement piloté la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes dès leur entrée en vigueur, il aurait constaté rapidement ces lacunes et aurait proposé des modifications législatives avec diligence.

Postulat 1

Examen d'une solution législative

La CdG-N invite le Conseil fédéral à examiner d'une part une solution législative pour combler les lacunes juridiques dans le domaine des contrats-types de travail et d'autre part, à apprécier la problématique des chaînes de sous-traitance.

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3

Récentes mesures du Conseil fédéral

Au vu des communiqués de presse du Conseil fédéral et du DFE du mois de juillet 201119 20, la CdG-N constate que certains aspects du contenu de l'évaluation du CPA ont déjà retenu leur attention. Le Conseil fédéral et le DFE ont notamment engagé des démarches positives.

Néanmoins, la CdG-N regrette que le Conseil fédéral et le DFE continuent à affirmer que les mesures d'accompagnement sont un instrument efficace de contrôle des conditions de salaire et de travail, alors que les données utilisées et la mise en oeuvre actuelle ne permettent manifestement pas un tel constat.

Le 6 juillet 2011, le Conseil fédéral a chargé le DFE de prendre des mesures notamment pour lutter contre l'indépendance fictive. Bien que la CdG-N soit d'accord qu'il s'agisse d'un sujet important, elle rappelle également que l'activité indépendante soumise à l'obligation d'annonce ne représente qu'une part infime21 du volume total du travail en Suisse et que le SECO a introduit au 1er janvier 2011 une directive permettant aux organes de mise en oeuvre de mieux déceler les faux indépendants.

Selon son communiqué de presse du 23 septembre 201122, le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation visant à adapter, d'un point de vue légal, les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. La CdG-N constate que certaines problématiques qu'elle a soulevées sont en partie intégrées au projet du Conseil fédéral. Cependant, elle reste convaincue que son rapport et l'évaluation du CPA apporteront des éléments concrets supplémentaires au Conseil fédéral pour optimiser ses analyses et compléter ses travaux dans le futur.

4

Conclusions

Malgré la parution, en mai 2011, d'un rapport du SECO fondé sur les données les plus récentes (2010)23, les résultats du CPA basés sur les données disponibles jusqu'en 2009 restent entièrement valables24. Aucun changement sur le fond n'a eu lieu et il n'y a pas eu d'évolution majeure du système des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes. Les rares modifications sont souvent le reflet de changements intervenus au niveau de quelques cas ou de quelques cantons. Les grandes variations et écarts constatés entre commissions et cantons subsistent.

19 20 21 22 23

24

Combler les lacunes légales au niveau de l'exécution des mesures d'accompagnement, communiqué de presse du Conseil fédéral du 6.7.2011.

Table ronde sur les mesures d'accompagnement avec le conseiller fédéral SchneiderAmmann, communiqué de presse du DFE du 5.7.2011.

~0,05 % du volume total du travail en Suisse, soit l'équivalent de 1 900 emplois à plein temps. L'indépendance fictive constitue quant à elle une fraction encore plus ténue.

Libre circulation des personnes: mise en consultation du projet de modification des mesures d'accompagnement, communiqué de presse du Conseil fédéral du 23.9.2011 Mise en oeuvre des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes Suisse ­ Union européenne (1er janvier - 31 décembre 2010), rapport FlaM du SECO du 3.5.2011.

Analyse complémentaire portant sur les données actualisées du SECO publiées en mai 2011, document de travail du Contrôle parlementaire de l'administration à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national (rapport non publié) du 29.6.2011.

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En 2011, suite à l'évaluation du SECO des effets des mesures d'accompagnement, le Conseil fédéral a finalement initié certains changements.

Toutefois, au regard de l'évaluation du CPA et sur la base des données existantes, il n'est pas possible de conclure à l'efficacité des mesures d'accompagnement.

Actuellement et en l'absence d'un référentiel, il est impossible de statuer sur l'existence de sous-enchère salariale. En revanche, il peut être conclu à: ­

des pressions réelles sur les salaires;

­

une application partielle et inégale des mesures d'accompagnement;

­

un pilotage tardif, complexe et mal ciblé;

­

une communication basée sur des données inadaptées.

Bien que le fédéralisme d'exécution et les autorités paritaires ne simplifient pas la tâche du Conseil fédéral, le législateur a voulu garantir une certaine autonomie cantonale, tant au niveau de l'exécution que de la définition de la sous-enchère salariale. Une prise en main du Conseil fédéral aurait été souhaitable en amont, afin de garantir une certaine harmonie d'exécution et une cohérence dans l'application des mesures d'accompagnement, tout en évitant de nombreuses années d'indigence.

La situation actuelle ne correspond donc pas à la volonté du législateur et n'entre pas en adéquation avec les objectifs fixés par celui-ci.

La CdG-N est étonnée par l'inexistence du pilotage du Conseil fédéral pendant sept ans et s'interroge sur la gestion et l'adéquation des ressources nécessaires dans un domaine d'une si haute importance. A l'avenir, le Conseil fédéral devra veiller à ce qu'un contingent en personnel suffisant soit à disposition dans ce domaine.

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Considérations finales

La CdG-N prie le Conseil fédéral de bien vouloir prendre position sur ses constatations et recommandations, ainsi que sur les évaluations du CPA d'ici la fin de mois de janvier 2012. Elle l'invite en outre à indiquer au moyen de quelles mesures et dans quel délai il envisage de mettre en oeuvre les recommandations de la commission.

21 octobre 2011

Au nom de la Commission de gestion du Conseil national: La présidente, Maria Roth-Bernasconi La secrétaire, Beatrice Meli Andres La présidente de la sous-commission DFF/DFE, Brigitta M. Gadient Le secrétaire de la sous-commission DFF/DFE, Vanya Karati

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