12.053 Message concernant l'initiative populaire «Protection contre les chauffards» du 9 mai 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Protection contre les chauffards», en leur recommandant de la rejeter, et de renoncer à un contre-projet direct.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

9 mai 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-0434

5057

Condensé Le Conseil fédéral salue le principe défendu par l'initiative. Toutefois, les principales mesures de cette dernière figurent d'ores et déjà dans le programme «Via sicura» ou seront abordées dans le projet «Harmonisation des peines». En conséquence, le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire.

Le 15 juin 2011, le comité d'initiative a transmis à la Chancellerie fédérale, dans le délai imparti, les signatures récoltées à l'appui de l'initiative populaire fédérale «Protection contre les chauffards». Dans sa décision du 5 juillet 2011, la Chancellerie fédérale a constaté l'aboutissement de l'initiative, celle-ci ayant recueilli 105 763 signatures valables.

L'objectif de l'initiative populaire est d'infliger des peines plus sévères aux chauffards et de mieux protéger les autres usagers de la route. Quiconque se voit qualifier de chauffard selon la définition qui en a été proposée doit se voir retirer son permis de conduire pendant une période prolongée et être condamné à des peines plus lourdes. Les véhicules des chauffards doivent être confisqués, et le produit de la réalisation doit servir à aider les victimes de la route, mais les intérêts de tiers qui sont dignes de protection sont réservés. En cas de soupçon d'infraction qualifiée commise par un chauffard, le permis de conduire doit être retiré à titre préventif jusqu'à l'entrée en force de la décision.

Le Conseil fédéral salue le principe défendu par l'initiative, mais recommande le rejet de cette dernière. L'Assemblée fédérale a repris les principaux points de l'initiative populaire dans le programme «Via sicura» (10.092). Sur le fond, seul le retrait impérieux du permis de conduire à titre préventif a été rejeté, car cette option est déjà possible à ce jour dans certains cas justifiés, et cette mesure contraignante pourrait enfreindre le principe de la présomption d'innocence. Les mesures devant faire l'objet d'une réglementation dans le code pénal sont traitées dans le projet du DFJP «Harmonisation des peines», en cours d'élaboration. Outre les mesures proposées par le Conseil fédéral et adoptées par le Parlement, le programme «Via Sicura» comporte un train de mesures complet et efficace destiné à protéger la population contre les chauffards. En conséquence, le Conseil fédéral rejette l'initiative populaire.

5058

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire «Protection contre les chauffards» a la teneur suivante: La Constitution fédérale1 est modifiée comme suit: Art. 123c (nouveau)

Protection contre les chauffards

Toute personne qui, en enfreignant intentionnellement les règles élémentaires de la circulation, s'est accommodée d'un fort risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules à moteur, est un chauffard passible d'une peine privative de liberté d'une durée comprise entre un et quatre ans. Par excès de vitesse particulièrement importants on entend en tout cas les dépassements de la limite autorisée d'au moins 40 km/h dans les zones où la vitesse maximale autorisée est fixée à 30 km/h, d'au moins 50 km/h à l'intérieur des localités, d'au moins 60 km/h à l'extérieur des localités et d'au moins 80 km/h sur les autoroutes.

1

Le chauffard est passible d'une peine plus sévère si son comportement entraîne pour autrui la mort ou des lésions corporelles graves.

2

Le véhicule du chauffard est confisqué. Le produit de la réalisation du véhicule revient à l'Etat, qui s'en sert en particulier pour aider les victimes de la route. Les intérêts de tiers qui sont dignes de protection sont réservés.

3

4

Le permis de conduire d'un chauffard est retiré: a.

dans le cas d'une première infraction: pour au moins deux ans;

b.

en cas de récidive: à vie; la loi peut prévoir la restitution du permis à titre exceptionnel, mais au plus tôt après dix ans.

Le chauffard qui s'est fait retirer son permis de conduire peut obtenir sa restitution s'il passe avec succès une expertise de psychologie routière. La loi peut subordonner la restitution à des conditions supplémentaires ou l'assortir de charges.

5

Si de graves soupçons laissent présumer qu'une infraction a été commise par un chauffard, le permis de conduire de ce dernier est retiré à titre préventif jusqu'à ce que la décision soit entrée en force.

6

1

RS 101

5059

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Protection contre les chauffards» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 13 avril 20102, et elle a été déposée le 15 juin 2011 avec le nombre requis de signatures.

Dans sa décision du 5 juillet 2011, la Chancellerie fédérale a constaté l'aboutissement formel de l'initiative, celle-ci ayant recueilli 105 763 signatures valables.3 L'initiative revêt la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. En vertu de l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, le Conseil fédéral a jusqu'au 14 juin 2012 pour présenter un projet d'arrêté et un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 14 décembre 2013 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, Cst.: a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

En conséquence, l'initiative doit être déclarée valable.

2

Contexte

2.1

Accidents causés par des chauffards

Depuis des années, les chauffards occupent régulièrement une place prépondérante dans l'actualité médiatique. Le canton de Zurich a pris l'habitude d'employer l'équivalent allemand de ce qualificatif («Raser»), non encore défini par la loi, pour désigner les personnes commettant un excès de vitesse particulièrement important, se livrant à une course automobile dans un cadre privé ou réalisant des manoeuvres périlleuses sur la voie publique.5 Ce type de comportement est souvent à l'origine d'accidents entraînant des blessures graves et des décès.

Road Cross Suisse6 a déposé l'initiative «Protection contre les chauffards»7 en vue de lutter contre ce phénomène. Road Cross Suisse est une fondation oeuvrant pour les victimes de la route, née de l'Association des familles des victimes de la route.

2 3 4 5 6 7

FF 2010 2409 FF 2011 5747 RS 171.10 Jürg Boll, Le phénomène des chauffards: nouvelles perceptions et réactions, in: Trafic routier, automobile et criminalité (GSC), volume 25, Berne 2007, p. 122.

www.roadcross.ch www.raserinitiative.ch

5060

Elle a pour objectif la prévention et l'éradication des accidents et des dommages dus à la circulation routière. Conformément à sa charte, la fondation s'est fixé les buts suivants: ­

le renforcement de la sécurité routière;

­

l'encouragement d'un développement sain et mesuré de la circulation routière;

­

la diminution du nombre de victimes et de personnes lésées dans la circulation routière;

­

le conseil et le soutien aux victimes ainsi qu'à leurs proches.

2.2

Interventions cantonales et interventions parlementaires

Depuis 2009, il a été donné suite aux initiatives cantonales et aux initiatives parlementaires suivantes, et le postulat suivant a été transmis: 2009 Iv. pa. 09.447

Confisquer les véhicules des chauffards (N 31.1.11, Malama)

2009 Iv. pa.. 09.448

Chauffards condamnés. Installation obligatoire d'une boîte noire (N 31.1.11, Segmüller)

2009 Iv. pa. 09.449

Punir plus sévèrement les chauffards (N 31.1.11, Aeschbacher)

2009 Iv. pa. 09.450

Indemnisation des victimes de chauffards avec le produit de la réalisation des véhicules de ces derniers (N 31.1.11, Teuscher)

2009 Iv. pa. 09.451

Chauffards et retrait de permis. Dispositions plus sévères (N 31.1.11, Jositsch)

2009 Iv. pa. 09.452

Restitution du permis de conduire aux chauffards (N 31.1.11, Galladé)

2009 Iv. pa. 09.453

Restitution du permis de conduire sur la base d'une évaluation de psychologie routière (N 31.1.11, Moser)

2009 Iv. ct.

09.326

Obligation de suivre des programmes éducatifs pendant la durée d'un retrait d'admonestation du permis de conduire (31.1.11, AG)

2009 Iv. ct.

09.327

Retrait préventif du permis de conduire après un grave accident de la circulation (31.1.11, AG)

2010 Iv. ct.

10.303

Mesures de lutte contre les chauffards (31.1.11, SO)

2011 Po.

09.3518 Détention préventive pour les chauffards (N 2.3.11, Segmüller)

5061

2.3

Droit en vigueur et pratique

2.3.1

Dispositions pénales

Actuellement, les infractions commises par des chauffards peuvent être caractérisées par les éléments constitutifs suivants: meurtre ou homicide par négligence (art. 111 et 117 du code pénal, CP8)

­

En cas de meurtre, la loi prévoit actuellement une peine privative de liberté de cinq ans au moins. Les homicides par négligence sont punis d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

­

lésions corporelles intentionnelles ou par négligence (art. 122, 123 et 125 du CP) Celui qui aura causé intentionnellement des lésions corporelles graves sera puni d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins. Conformément au droit en vigueur, l'auteur de lésions corporelles simples infligées intentionnellement ou de lésions corporelles causées par négligence s'expose à une peine privative de liberté de trois ans au plus ou à une peine pécuniaire.

­

mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP) Celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

­

confiscation et destruction des véhicules des chauffards (art. 69 CP) La législation actuelle permet de confisquer et de détruire des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public.

2.3.2

Disposition du droit pénal accessoire

Actuellement, les infractions commises par des chauffards sont caractérisées par l'élément constitutif suivant relevant du droit pénal accessoire: ­

violation grave des règles de la circulation au sens de l'art. 90, ch. 2, de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)9 Celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, aura créé un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en aura pris le risque, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

8 9

RS 311.0 RS 741.01

5062

2.3.3

Retrait du permis de conduire et restitution

Les chauffards peuvent se voir retirer leur permis de conduire en application des dispositions suivantes en vigueur: ­

retrait du permis de conduire après une infraction grave conformément à l'art. 16c LCR Le permis de conduire des chauffards est retiré pour trois mois au minimum s'il s'agit de la première infraction (art. 16c, al. 2, let. a, LCR). Si l'auteur en est à son deuxième délit de même gravité (en l'espace de cinq ans), le permis de conduire est retiré pendant douze mois au minimum, conformément à l'art. 16c, al. 2, let. c, LCR. Si un troisième délit est commis (en l'espace de dix ans), le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée, qui ne peut toutefois être inférieure à deux ans, et définitivement en cas de nouveau délit (art. 16c, al. 2, let. d et e, LCR).

­

retrait de sécurité pour cause d'inaptitude caractérielle à la conduite conformément à l'art. 16d, al. 1, let. c, et 3, LCR Les personnes dont le caractère les rend inaptes à la conduite doivent se voir retirer leur permis de conduire pour une durée indéterminée dès la première infraction, et le retrait doit être définitif pour les conducteurs incorrigibles.

­

saisie sur-le-champ à titre préventif conformément à l'art. 54, al. 3, LCR La police peut saisir sur-le-champ le permis de conduire de tout conducteur de véhicule automobile qui, par une violation grave de règles élémentaires de la circulation, a prouvé qu'il était particulièrement dangereux.

Actuellement, les règles de restitution du permis de conduire sont les suivantes: ­

2.3.4

La restitution du permis dépend du cas de figure et est souvent assortie de charges (art. 17, al. 2, LCR). Conformément à l'art. 17, al. 3, LCR, le permis de conduire retiré pour une durée indéterminée ne peut être restitué qu'après expiration d'un délai d'attente. De même, le permis de conduire retiré définitivement ne peut être restitué qu'à certaines conditions (art. 17, al. 4, en relation avec l'art. 23, al. 3, LCR).

Problématique de la réglementation en vigueur

En cas d'infraction commise par un chauffard, il s'agit de déterminer si le chauffard a commis son acte par négligence consciente ou par dol éventuel. La distinction est importante, car les sanctions pénales encourues sont très différentes: en cas d'homicide par négligence, la peine maximale est de trois ans, tandis que la peine minimale en cas d'acte intentionnel est déjà une peine privative de liberté de cinq ans. L'auteur de lésions corporelles par négligence s'expose à une peine privative de liberté de trois ans au plus ou à une peine pécuniaire; s'il s'agit de lésions corporelles graves infligées intentionnellement, il est passible d'une peine privative de liberté de dix ans au plus ou d'une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins.

Dans certains cas, il peut être difficile de distinguer le dol éventuel de la négligence consciente. L'auteur de l'infraction, qu'il agisse aussi bien par dol éventuel que par 5063

négligence consciente, a connaissance de la possibilité ou du risque de réalisation du fait constitutif. Du point de vue de la connaissance de cause, les deux aspects de l'élément subjectif de l'infraction se recoupent. Toutefois, des différences existent quant à l'intention exprimée. L'auteur de l'infraction agissant par négligence consciente mise (par une imprévoyance coupable) sur le fait que le résultat qu'il estime possible ne se produira pas, autrement dit que le risque de réalisation du fait constitutif ne se matérialisera pas. Il en va de même pour l'auteur de l'infraction qui s'affranchit inconsidérément de l'éventualité de la réalisation de l'acte constitutif et agit avec la conviction qu'il ne se passera rien. En revanche, l'auteur agissant par dol éventuel prend au sérieux la possible survenance du résultat, l'envisage et s'en accommode.10 Le dol éventuel doit se rapporter à un danger objectif suffisamment sérieux. L'auteur de l'acte doit lui-même effectivement identifier ce danger comme tel.

Le Tribunal fédéral a été confronté à plusieurs reprises à des affaires impliquant des chauffards. Dans la mesure où l'acte par négligence est généralement retenu dans ce type d'accidents, il a confirmé dans son jugement du 6 octobre 1986 la condamnation, par l'instance inférieure, d'un conducteur de voiture de sport accusé de meurtre, qui roulait de nuit sur l'autoroute à une vitesse d'au moins 240 km/h quand il percuta un véhicule accidenté arrêté sur la chaussée, blessant mortellement deux personnes11.

Le 26 avril 2004, il a condamné deux conducteurs de véhicules pour homicide multiple par dol éventuel. Ces deux personnes s'étaient livrées à une coursepoursuite spontanée qui avait entraîné un accident et coûté la vie à deux piétons étrangers à ce rodéo.12 Un cas similaire s'est produit le 2 avril 2006: l'auteur a perdu le contrôle de son véhicule lors d'une course-poursuite, s'est déporté sur la voie de gauche et est entré en collision avec le véhicule venant de face. Deux personnes ont perdu la vie. Le conducteur du véhicule a été condamné pour homicide multiple par dol éventuel.13 Un autre jugement dans une affaire impliquant un chauffard est tombé le 21 janvier 2007, dont la sanction a été plus clémente: lorsque l'auteur a remarqué qu'un autre conducteur voulait le doubler, il a accéléré,
si bien que le véhicule qui le dépassait a percuté un véhicule venant de face qui était à sa place. Des personnes sont mortes, et d'autres ont été grièvement blessées dans cet accident. Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation pour homicide par négligence, car, en cas d'infraction à la législation routière, on ne peut pas conclure de fait à un dol ou à l'accommodation de la forte probabilité de survenance du résultat conforme à l'énoncé de fait légal.

Les conducteurs ont tendance, d'une part, à sous-estimer les dangers et, d'autre part, à surestimer leurs capacités, si bien qu'ils ne sont pas conscients, dans certaines circonstances, de l'importance du risque de réalisation des faits constitutifs de l'infraction. Il n'y a pas de dol éventuel involontaire. S'agissant des blessures ou de la mort résultant d'un accident de la route, le Tribunal fédéral estime que le dol éventuel doit être admis avec la plus grande retenue et uniquement dans les cas particulièrement graves.14

10 11 12 13 14

ATF 130 IV 58, consid. 8.3 Arrêt du Tribunal fédéral Str. 61/1986 ATF 130 IV 58 Arrêt du Tribunal fédéral 6B_168/2010 ATF 133 IV 9, consid. 4.4

5064

Ainsi, la distinction subtile entre homicide par négligence (consciente) et meurtre (ou homicide par dol éventuel) contraste avec la différence relativement grande entre les peines applicables.

2.4

Révisions en cours

2.4.1

«Via sicura» ­ modification de la loi fédérale sur la circulation routière

Le programme d'action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière («Via sicura»)15 comporte différentes mesures de lutte contre les chauffards. Dans son message du 20 octobre 2010, le Conseil fédéral a proposé les mesures suivantes: ­

détermination obligatoire de l'aptitude à la conduite en cas de violation des règles de la circulation routière dénotant un manque flagrant d'égard envers les autres usagers de la route (art. 15d, al. 1, let. c, projet LCR);

­

éducation routière obligatoire après un grave délit de vitesse (art. 16e, al. 1, let. a, projet LCR);

­

installation d'un enregistreur de données («boîte noire») après un grave délit de vitesse (art. 17a, al. 1, projet LCR);

­

confiscation des véhicules automobiles en cas d'acte commis sans scrupule (art. 90a projet LCR).

Le Parlement a complété le programme «Via sicura» avec les mesures suivantes, qui sont formulées dans les initiatives parlementaires et les initiatives cantonales ainsi que dans l'initiative populaire «Protection contre les chauffards»16: ­

définition de la notion d'«acte commis par un chauffard» (art. 90, al. 2bis et 2ter, projet LCR);

­

durcissement des peines pour les infractions commises par des chauffards (uniquement pour les délits de mise en danger sans accident; art. 90, al. 2bis et 2ter, projet LCR);

­

prolongation de la durée de retrait du permis de conduire pour les premiers délits et en cas de récidive (art. 16c, al. 2, let. abis, et 16d, al. 3, let. b, projet LCR).

2.4.2

Révision du code pénal

Le durcissement, dans le code pénal, des peines pour les infractions matérielles, autrement dit lorsqu'une conduite périlleuse met concrètement autrui en danger de mort imminent ou que des personnes sont tuées ou grièvement blessées à la suite d'infractions commises par des chauffards, n'est pas prévu dans le cadre de «Via Sicura», mais dans le cadre du projet «Harmonisation des peines»17 du Département fédéral de justice et police (DFPJ). A cette occasion, le Conseil fédéral souhaite 15 16 17

FF 2010 7703 BO 2011 E 681; BO 2011 N 2160 www.dfjp.admin.ch > Thèmes > Sécurité > Législation > Harmonisation des peines

5065

mieux harmoniser les peines dans la partie spéciale du code pénal, afin de pouvoir sanctionner les infractions pénales de manière plus congruente. Le 8 septembre 2010, il a mis en consultation un projet de loi relatif à l'harmonisation des peines qui prévoit de fixer à six mois la peine privative de liberté minimale en cas de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP), et à plus de deux ans en cas de lésions corporelles graves (art. 122 CP). Les homicides par négligence (art. 117 CP) et les lésions corporelles graves par négligence (art. 125, al. 2, CP) seront punis d'une peine privative de liberté qui passera de trois à cinq ans au plus. Le durcissement des peines maximales vise à atténuer la différence entre les peines prévues pour les actes commis par négligence ou par dol éventuel. Les tribunaux auraient alors la possibilité d'infliger des peines privatives de liberté supérieures à trois ans en cas d'acte commis par négligence. Il ne serait plus nécessaire, comme c'est le cas aujourd'hui, d'apporter la difficile preuve du dol éventuel pour prononcer des peines plus sévères. Par ailleurs, cette mesure permettrait de tenir compte du désir manifesté par la population de sanctionner plus sévèrement les usagers de la route dépourvus d'égards qui causent un accident à l'issue duquel des morts ou des blessés graves sont à déplorer.

3

Buts et contenu

3.1

Buts visés

L'initiative populaire «Protection contre les chauffards» vise principalement à sanctionner plus sévèrement les chauffards et à mieux protéger la population par le biais de retraits de permis de conduire de plus longue durée. Les excès de vitesse particulièrement importants doivent être systématiquement considérés comme une infraction pénale qualifiée afin que la définition d'un chauffard et la peine à prononcer en conséquence ne soient pas laissées à la seule appréciation des juges.

3.2

Dispositif proposé

Pour atteindre les buts visés, l'initiative s'appuie sur les mesures suivantes: ­

la notion de «chauffard», inexistante dans le droit en vigueur, sera définie;

­

les délits de mise en danger, c'est-à-dire lorsque les conducteurs qui, par une violation intentionnelle des règles élémentaires de la circulation, s'accommodent d'un fort risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, seront punissables d'une peine privative de liberté d'une durée comprise entre un et quatre ans;

­

dans ce cas, si une personne est grièvement blessée ou tuée, le chauffard sera puni plus sévèrement;

­

les véhicules des chauffards seront confisqués et réalisés. Le produit de la réalisation reviendra à l'Etat, qui s'en servira en particulier pour aider les victimes de la route. Les intérêts de tiers qui sont dignes de protection sont réservés;

­

la durée du retrait de permis de conduire des chauffards sera définie. En cas de première infraction, il est prévu de retirer le permis de conduire pendant

5066

deux ans au moins. En cas de récidive, le permis de conduire sera retiré définitivement. Dans de tels cas, le permis peut être restitué à titre exceptionnel, mais au plus tôt après dix ans; ­

la restitution du permis de conduire sera conditionnée à la réussite d'une expertise psychologique. Le législateur pourra subordonner la restitution à des conditions supplémentaires ou l'assortir de charges;

­

de plus, l'initiative prévoit l'obligation de retirer le permis de conduire à titre préventif jusqu'à l'entrée en force du jugement si de graves soupçons laissent présumer qu'une infraction a été commise par un chauffard.

3.3

Commentaire et interprétation du texte de l'initiative

Eu égard à la systématique de la Constitution fédérale, l'art. 123c qui a été proposé devra figurer dans la section 10, intitulée «Droit civil, droit pénal, métrologie», après la disposition relative à la compétence fédérale en matière de droit pénal.

Al. 1 Toute personne qui, en enfreignant intentionnellement les règles élémentaires de la circulation, s'est accommodée d'un fort risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort est considérée comme un chauffard passible d'une peine privative de liberté d'une durée comprise entre un et quatre ans.

Quiconque commet des excès de vitesse particulièrement importants, effectue des dépassements téméraires ou participe à des courses de vitesse illicites avec des véhicules à moteur, enfreint les règles élémentaires de la circulation. La disposition constitutionnelle prévoit que les dépassements de la limite autorisée d'au moins 40 km/h dans les zones où la vitesse maximale autorisée est fixée à 30 km/h, d'au moins 50 km/h à l'intérieur des localités, d'au moins 60 km/h à l'extérieur des localités et d'au moins 80 km/h sur les autoroutes sont considérés comme des excès de vitesse particulièrement importants. Selon le texte de l'initiative, doivent être considérés comme des chauffards punissables d'une peine privative de liberté d'une durée de un à quatre ans non seulement les conducteurs de véhicules automobiles commettant des excès de vitesse, mais également tous les usagers de la route qui enfreignent intentionnellement les règles élémentaires de la circulation et s'accommodent ainsi d'un fort risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort.

En vertu de l'art. 12 CP, agit intentionnellement (ou par dol éventuel) quiconque commet un acte avec conscience et volonté. Par conséquent, les conducteurs de véhicules automobiles doivent savoir ou estimer possible qu'ils enfreignent les règles élémentaires de la circulation et s'accommodent ainsi d'un fort risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort. Par ailleurs, ils doivent avoir la volonté de violer les règles élémentaires de la circulation et de risquer de commettre un accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, ou du moins accepter ce résultat, c'est-à-dire s'en accommoder même s'ils ne le souhaitent pas.

Al. 2 Contrairement à l'al. 1, l'al. 2 aborde la matérialisation du risque de causer un accident provoquant des blessures graves ou la mort. Si d'autres personnes meurent ou 5067

sont grièvement blessées, le chauffard doit se voir infliger une sanction plus lourde qu'une peine privative de liberté d'un à quatre ans comme énoncé à l'al. 1. L'initiative prévoit donc également une peine minimale en cas de négligence. Du fait de l'absence de limitation de peine dans le texte de l'initiative, les tribunaux pourraient prononcer des peines privatives de liberté pouvant aller jusqu'à vingt ans (art. 40 CP). Au moment d'établir la peine, les tribunaux s'appuieront sur le régime de peines prévu dans le code pénal aussi bien en cas de meurtre que de lésions corporelles intentionnelles.

Al. 3 L'al. 3 prévoit de confisquer et de réaliser les véhicules des chauffards. Le produit de la réalisation des véhicules doit revenir à l'Etat et servir en particulier à aider les victimes de la route. Les intérêts de tiers qui sont dignes de protection sont réservés.

Le texte de l'initiative ne précise pas clairement si cette réserve se rapporte à la confiscation ou à la réalisation, ou encore si les véhicules peuvent être systématiquement confisqués mais pas réalisés si des intérêts de tiers dignes de protection sont en jeu.

Al. 4 L'initiative laisse au législateur la possibilité de prévoir des exceptions en cas de récidive, selon lesquelles le permis de conduire retiré définitivement peut être restitué.

Al. 5 L'initiative prévoit que la restitution des permis de conduire retirés aux délinquants primaires pendant deux ans au moins et de ceux retirés définitivement aux récidivistes est conditionnée à la réussite d'une expertise psychologique. En imposant cette condition, l'initiative définit également les retraits de permis de conduire des délinquants primaires comme des retraits de sécurité.

Le législateur peut subordonner la restitution à des conditions supplémentaires et l'assortir de charges si le permis de conduire a été retiré pendant deux ans au moins pour les délinquants primaires ou définitivement pour les récidivistes. On pense notamment à l'installation d'un enregistreur de données («boîte noire»).

Al. 6 Les graves soupçons naissent de l'hypothèse qu'un acte a été commis par une personne suspecte et que des faits concrets existent, qui permettent une subsomption provisoire sous l'infraction décrite à l'al. 1 ou 2. Une décision entre en force lorsque toutes les voies de recours
possibles sont épuisées (instances jusqu'au Tribunal fédéral) ou si aucun recours n'a été déposé avant l'expiration du délai de recours.

Dans de tels cas de figure, le retrait du permis de conduire est considéré sur la forme comme un retrait de sécurité. Toutefois, sur le fond, il équivaut à un retrait d'admonestation à caractère punitif, car la durée du retrait dépend de la gravité du délit et non du degré d'aptitude à la conduite.

5068

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Comparaison avec le programme «Via sicura»

Les mesures de lutte contre les chauffards figurant dans le programme «Via sicura» poursuivent le même but que celles de l'initiative populaire «Protection contre les chauffards». La quasi-totalité des propositions de l'initiative populaire a été reprise dans «Via sicura» à l'issue de la procédure parlementaire.

L'al. 1 de l'initiative figure dans le programme «Via sicura». A l'instar de l'initiative, l'art. 90, al. 2bis et 2ter, du projet LCR prévoit que les conducteurs qui, par une violation intentionnelle des règles élémentaires de la circulation, se sont accommodés d'un fort risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, doivent être punis d'une peine privative de liberté d'une durée comprise entre un et quatre ans.

Le contenu de l'al. 3 de l'initiative populaire se retrouve également dans «Via sicura» (art. 90a, projet LCR). Le texte de l'initiative manque de clarté: selon l'interprétation que l'on en fait, les véhicules devraient être systématiquement confisqués et réalisés. Les intérêts de tiers dignes de protection sont réservés afin que l'on puisse tenir compte par exemple des contrats de leasing existants. En revanche, le programme «Via sicura» prévoit que les véhicules doivent être confisqués uniquement si cette mesure peut empêcher l'auteur de commettre d'autres violations graves des règles de la circulation. Cette règle tient compte du principe de proportionnalité qui doit être observé lorsque des mesures sont prises ou en cas d'atteinte à la garantie de la propriété, tout en permettant de prendre en considération les contrats de leasing existants.

Le contenu des al. 4 et 5 apparaît également dans «Via sicura» (art. 16c, al. 2, let. abis, et 16d, al. 3, let. b, projet LCR; art. 17, al. 4, projet LCR). La seule différence est que le programme «Via sicura» impose de passer avec succès une expertise de psychologie routière uniquement en cas de restitution exceptionnelle d'un permis de conduire retiré définitivement. L'initiative prévoit également une telle expertise pour la restitution de permis de conduire retirés pendant deux ans au moins. Toutefois, cela va à l'encontre du système juridique des mesures administratives en vigueur, qui classe les retraits de permis en deux catégories: les retraits d'admonestation et les retraits de sécurité. Si le permis de conduire
est retiré pour une durée limitée (retrait d'admonestation), celui-ci est restitué sans condition à l'échéance de la période de retrait.

Le contenu de l'al. 6 a fait l'objet de discussions dans le cadre de «Via sicura», mais n'a pas été repris dans le programme. De l'avis du Parlement, auquel se joint le Conseil fédéral, le droit en vigueur (art. 54, al. 2 et 3, LCR) est suffisant; ce dernier prévoit de retirer le permis de conduire à titre préventif uniquement lorsque des réserves sont émises concernant la sécurité. Pour les autres cas de soupçon d'infraction commise par un chauffard, il convient d'attendre la procédure pénale du fait des conséquences graves qu'entraîne un retrait prolongé du permis de conduire pour les personnes innocentées par la suite.

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4.2

Comparaison avec le projet «Harmonisation des peines»

L'al. 2 de l'art. 123c proposé par l'initiative porte sur les peines applicables en cas d'infractions matérielles (lésions corporelles et homicide). Ces infractions pénales sont régies par le code pénal. Dans le cadre du projet «Harmonisation des peines», le Conseil fédéral souhaite proposer au Parlement des mesures de lutte contre les chauffards qui fassent l'objet d'une réglementation dans le code pénal. Le 8 septembre 2010, il a mis en consultation un avant-projet de loi relatif à l'harmonisation des peines qui prévoit, comme le souhaite l'initiative, de durcir les sanctions en cas de lésions corporelles graves, de mise en danger de la vie d'autrui et d'homicide par négligence: en cas de lésions corporelles graves infligées intentionnellement (art. 122 projet CP) et de mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 projet CP), les sanctions prononcées seront désormais une peine privative de liberté respectivement de plus de deux ans et de six mois. Les lésions corporelles graves par négligence (art. 125, al. 2, projet CP) et les homicides par négligence (art. 117 projet CP) seront punis d'une peine privative de liberté qui passera de trois à cinq ans au plus. Cette peine maximale sera ainsi alignée sur la peine minimale applicable en cas de meurtre (art. 111 CP). La seule différence avec le texte de l'initiative réside dans le fait qu'aucune peine minimale n'est prévue en cas de lésions corporelles graves par négligence et d'homicide par négligence, mais que la peine maximale sera alourdie.

4.3

Conséquences en cas d'acceptation

Les délibérations parlementaires sur le projet relatif au programme «Via sicura» sont déjà bien avancées; les mesures de lutte contre les chauffards contenues dans la LCR pourront ainsi entrer en vigueur prochainement. Les durcissements de peine en cas d'infractions matérielles sont abordés dans le cadre du projet «Harmonisation des peines» du DFJP. En cas d'acceptation de l'initiative populaire, le contenu de l'initiative serait inscrit dans la loi sur la circulation routière, dans le code pénal, mais également dans la Constitution. Cela donnerait lieu à des redondances et à des conflits de normes et reviendrait par ailleurs à inscrire une disposition pénale concrète dans la Constitution fédérale, bien que la compétence pour édicter des dispositions pénales soit attribuée au législateur fédéral en vertu de l'art. 123 Cst.

5

Conclusions

Le Conseil fédéral salue le principe défendu par l'initiative. Toutefois, «Via sicura» comporte d'ores et déjà des mesures de lutte contre les chauffards très similaires à celles présentées dans l'initiative populaire. Dans le cadre du projet «Harmonisation des peines» en cours d'élaboration, les sanctions applicables en cas d'infractions matérielles seront renforcées aux mêmes fins que l'initiative. L'acceptation de l'initiative produirait ainsi des redondances, car le même contenu serait inscrit aussi bien dans la Constitution fédérale que dans la LCR et dans le CP.

L'al. 6 de l'initiative est difficilement compatible avec le principe de la présomption d'innocence en droit pénal. Pour les personnes finalement innocentées, le retrait impérieux du permis de conduire à titre préventif jusqu'à l'entrée en force de la décision en cas de soupçon d'infraction commise par un chauffard aurait de graves 5070

conséquences. Si la confiscation des «véhicules des chauffards» est clairement réglementée dans le programme «Via sicura», l'initiative populaire, quant à elle, ne précise pas si les intérêts des tiers dignes de protection doivent être pris en compte dès la confiscation ou uniquement au moment de la réalisation.

Par conséquent, le Conseil fédéral propose de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons, en leur recommandant de la rejeter, et de renoncer à un contre-projet.

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