12.082 Message concernant la modification du code pénal et du code pénal militaire (Allongement des délais de prescription) du 7 novembre 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons d'accepter le projet de modification du code pénal et du code pénal militaire concernant l'allongement des délais de prescription.

Nous vous proposons également de classer les interventions parlementaires suivantes: 2009

M 08.3806

Prescription des délits économiques (N 3.6.09, Jositsch; E 10.12.09)

2010

M 08.3930

Prescription des délits économiques (E 12.3.09, Janiak; N 3.3.10)

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

7 novembre 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-1642

8533

Condensé Les deux motions au titre et au contenu identiques («Prescription des délits économiques», Jositsch 08.3806 et Janiak 08.3930), déposées le 15 et le 18 décembre 2008, chargent le Conseil fédéral de rallonger les délais de prescription prévus par le droit pénal en ce qui concerne les délits économiques. Elles ont toutes deux été acceptées par les Chambres fédérales.

Vu qu'il n'existe pas de définition précise de la notion de «délit économique» et que les délais de prescription doivent être fixés sur la base d'un seul et même critère, à savoir la gravité objective de l'acte, elle-même exprimée par la peine maximale prévue par la loi, le Conseil fédéral propose la chose suivante: Pour répondre aux exigences des deux motions, le projet prévoit de porter de sept à dix ans le délai de prescription général fixé pour les délits à l'art. 97, al. 1, let. c, du code pénal et à l'art. 55, al. 1, let. c, du code pénal militaire. Cet allongement ne doit toutefois s'appliquer qu'aux délits les plus graves, dont l'auteur encourt une peine privative de liberté de trois ans au plus. Pour les délits de moindre gravité, passibles d'une peine plus légère, le délai reste de sept ans.

8534

Message 1

Présentation générale du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Mandat parlementaire

Le conseiller national Daniel Jositsch et le conseiller aux Etats Claude Janiak ont déposé respectivement le 15 et le 18 décembre 2008 deux motions au titre et au contenu identiques (08.3806 et 08.3930) chargeant le Conseil fédéral de rallonger les délais de prescription prévus par le droit pénal en ce qui concerne les délits économiques.

Le Conseil fédéral a proposé le 25 février 2009 d'accepter les deux motions. La motion Jositsch a été adoptée le 3 juin 2009 par le Conseil national et le 10 décembre 2009 par le Conseil des Etats; la motion Janiak a été adoptée le 12 mars 2009 par le Conseil des Etats et le 3 mars 2010 par le Conseil national.

Dans son rapport du 30 octobre 20091, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) constate que, depuis quelques années et pour diverses raisons, la durée des procédures pénales se prolonge de plus en plus, de sorte que les autorités de poursuite pénale doivent parfois renoncer à toute poursuite en raison de la prescription. En ce sens, elle estime qu'il est judicieux de réexaminer le système des délais de prescription. La commission souligne toutefois que la prolongation des délais ne constitue pas la panacée, sachant que plus il s'écoule de temps entre l'infraction et les débats au tribunal, plus il est difficile d'établir des preuves.

L'échec des procédures n'est généralement pas imputable à la prescription, mais notamment au fait que les preuves sont parfois difficiles à établir. Une solution efficace serait de doter les autorités de poursuite pénale de ressources suffisantes.

Enfin, la commission plaide en faveur du maintien d'un système de prescription aussi cohérent que possible dans l'ensemble du droit pénal, afin que les délais soient déterminés pour tous les délits sur la base des mêmes critères, selon une gradation équilibrée.

1.1.2

Critique du droit de la prescription

Les deux motions critiquent le fait que les délais de prescription applicables aux graves délits économiques sont actuellement si courts que les autorités de poursuite pénale sont régulièrement contraintes de renoncer à les poursuivre ou forcées de travailler en suivant un calendrier extrêmement serré. Il en va systématiquement ainsi lorsque le cas présente une certaine complexité, comme dans les affaires «Pétrole contre nourriture» et «Swissair».

1

www.parlament.ch > Documentation > Rapports > Rapports des commissions législatives > Commission des affaires juridiques CAJ > Rapports CAJ-N.

8535

Il faut noter, au sujet des deux exemples cités, que les délais de prescriptions applicables relevaient de l'ancien droit de la prescription ­ moins sévère du point de vue de l'auteur de l'infraction ­ en raison de la date des faits2. Comme certains participants à la consultation l'ont remarqué, à raison, lesdits faits ne peuvent que partiellement être invoqués pour justifier la nécessité d'allonger les délais de prescription des infractions économiques. Les problèmes de prescription, notamment, ne se seraient peut-être pas (plus) posés avec le droit en vigueur3.

Un sondage réalisé auprès des autorités de poursuite pénale révèle toutefois que les délais de prescription applicables dans les procédures pénales économiques sont jugés trop courts pour les enquêtes4. Deux participants à la consultation se sont également exprimés dans ce sens5.

Les délits économiques ne sont le plus souvent pas connus ni dénoncés immédiatement après les actes délictueux, mais, selon les cas, après des années. Les procédures pénales concernant des délits économiques prennent généralement du temps et sont donc susceptibles de tomber sous le coup de la prescription. La longue enquête menée par le ministère public est généralement suivie, après transmission au tribunal, par un long travail de mise au courant des juges. Divers instruments judiciaires (par ex. propositions relatives aux moyens de preuves, demandes de prolongation des délais, entraide judiciaire, etc.) peuvent encore retarder la procédure.

Plusieurs interventions parlementaires ont notamment été déposées en 2006 à la suite de l'affaire «Swissair», qui abordent entre autres la question des délais de prescription des infractions économiques. Nous les présentons brièvement ci-dessous dans la mesure où elles concernent la prescription pénale: Groupe socialiste, question urgente (06.1068): Swissair. Allons-nous vers un «grounding» de la justice?

Le groupe s'enquérait des raisons pouvant justifier que certains chefs d'accusation risquent de tomber sous le coup de la prescription et des possibilités d'éviter ce risque. Il voulait également savoir si le Conseil fédéral considérait que les nouvelles dispositions pénales en matière de prescription étaient aussi adéquates pour sanctionner des infractions économiques complexes. Le Conseil fédéral n'a pas pris position
sur le risque de prescription, invoquant que la procédure pénale relevait de la compétence du canton de Zurich. Il a indiqué pour l'essentiel, quant aux moyens d'obvier au risque de prescription, qu'il était théoriquement possible d'abroger l'interdiction d'appliquer avec effet rétroactif de nouvelles réglementations plus strictes de la prescription, mais qu'il était indigne d'un Etat de droit d'arranger après coup la teneur d'une loi de telle sorte qu'elle permette de parvenir au résultat souhaité dans un cas d'espèce. Le Conseil fédéral a également expliqué que l'une des difficultés majeures, dans le cadre de la poursuite d'infractions complexes relevant de la criminalité économique, était de prouver qui, à quel moment et avec quel degré 2 3

4 5

Voir ch. 1.1.4.

Pour plus de détails: Synthèse des résultats de la procédure de consultation sur le rapport explicatif et l'avant-projet de modification du code pénal et du code pénal militaire; allongement des délais de prescription de mars 2012. Publiée sous: www.admin.ch > Documentation > Législation > La procédure de consultation > Procédures de consultation terminées (ci-après: synthèse de la consultation), p. 8 ss.

Le sondage a été réalisé dans le cadre d'un travail de doctorat. Voir Grisch 2006, p. 65 ss.

Voir la synthèse de la consultation, p. 10.

8536

d'intention et de connaissances a pris une décision ou l'a appuyée. En effet, plus le temps s'écoule et plus il est difficile de reconstituer des faits précis et d'en établir la preuve.

Bea Heim, question (06.5107): Affaire Swissair et prescription L'auteur de la question demandait au Conseil fédéral s'il était prêt à modifier l'art. 337, al. 1, aCP (interdiction de la rétroactivité) pour éviter que l'affaire Swissair ne soit classée en raison de l'écoulement des délais de prescription. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a indiqué ­ comme il l'avait fait en réponse à la question urgente du groupe socialiste ­ qu'il était indigne d'un Etat de droit d'arranger après coup la teneur d'une loi de telle sorte qu'elle permette de parvenir au résultat souhaité (voir plus haut).

Walter Schmied, question (06.1089): Plainte pénale dans l'affaire Swissair.

Prescription L'auteur de la question demandait au Conseil fédéral quelle était la probabilité que les prévenus échappent à un jugement entré en force du fait de la prescription et s'il était prêt à prendre des mesures dans le cas où les parties essaieraient de faire traîner la procédure en longueur jusqu'à ce qu'il y ait prescription. Le Conseil fédéral a indiqué les infractions pour lesquelles l'action pénale se prescrirait durant l'été 2008. Il ne s'est pas exprimé sur la question de savoir si un jugement entrerait en force d'ici là. Et, concernant les mesures à prendre, il a fourni à peu près la même explication que dans sa réponse à la question urgente du groupe socialiste (interdiction de la rétroactivité, voir plus haut).

Luc Recordon, postulat (06.3362): Fonctionnement convenable de la justice en matière de délits économiques L'auteur du postulat priait le Conseil fédéral de présenter un catalogue de mesures législatives ou organisationnelles propres à garantir le bon aboutissement, dans des délais raisonnables, des procédures concernant des délits économiques, y compris les plus complexes, en matière pénale et civile. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a évoqué les différents moyens prévus par le code de procédure pénale (CPP)6, alors en cours d'élaboration, pour permettre de respecter la maxime de célérité: adoption du modèle «Ministère public», introduction d'un principe de l'opportunité élargi, procédure simplifiée et limitation des voies
de droit. Il a signalé que l'une des difficultés majeures était d'administrer les preuves et qu'un allongement des délais de prescription ne ferait que l'aggraver, ajoutant que les normes régissant la prescription avaient été durcies depuis 2002. En conclusion, le Conseil fédéral a considéré que les dispositions en vigueur étaient adéquates, y compris dans le cadre de procédures pénales complexes. Le Conseil national a classé le postulat Recordon le 13 juin 2008.

6

RS 312.0

8537

Bea Heim, initiative parlementaire (06.402): Code pénal suisse.

Régime de la prescription L'initiative parlementaire visait notamment à prolonger le délai de prescription de la répression de certains actes punissables. Elle proposait entre autres qu'une réglementation analogue à celle existant dans le droit allemand et dans le droit autrichien soit envisagée (début de la prescription au moment où l'acte produit ses effets). Le Conseil national a décidé le 3 mars 2009 de ne pas donner suite à l'initiative, par 159 voix contre 30. Il a notamment invoqué qu'il n'était pas question de modifier le système de prescription au point de faire courir le délai de prescription à la date où l'acte punissable déploie ses effets.

1.1.3

Droit de la prescription en vigueur

Objet de la prescription Le principe de la prescription est motivé par le fait que l'injustice causée et la culpabilité de l'auteur diminuent avec le temps et que l'action pénale et l'exécution de la peine paraissent disproportionnées vues sous cet angle. Si la personnalité de l'auteur de l'acte évolue, l'aspect de la resocialisation par la peine perd de son poids. Il s'ensuit que la perturbation de la paix juridique engendrée par l'infraction s'affaiblit au fil des années; le besoin de représailles de la collectivité ­ qui n'est pas forcément celui de la victime ­ peut s'émousser. Au plan de la procédure, le risque augmente que les faits déterminants ne puissent être reconstitués ou ne puissent l'être que partiellement (difficultés concernant l'administration des preuves). Les erreurs judiciaires en sont une conséquence possible. Mais les délais de prescription ont aussi pour conséquence de limiter le travail de poursuite pénale, d'alléger le fardeau de l'appareil de poursuite et de contraindre les autorités à accélérer la procédure (principe de célérité)7.

Prescription de l'action pénale et prescription de la peine Le droit pénal en vigueur distingue la prescription de l'action pénale (art. 97 ss et 109 du code pénal [CP]8; art. 55 et 60e du code pénal militaire du 13 juin 1927 [CPM]9) et la prescription de la peine (art. 99 ss CP; art. 57 CPM)10. La prescription de l'action pénale a pour effet que les autorités pénales ne peuvent plus poursuivre.

Lorsqu'un jugement de première instance est rendu avant l'échéance de la prescription, celle-ci ne court plus en vertu de l'art. 97, al. 3, CP (art. 55, al. 3, CPM). La prescription de la peine met en revanche un terme à l'exécution d'un jugement entré en force.

Le Conseil fédéral ne vise que la prescription de l'action pénale11, raison pour laquelle seule celle-ci est traitée.

7 8 9 10 11

Müller, 2007, avant l'art. 97, n. marg. 31 ss.

RS 311.0 RS 321.0 Voir aussi art. 184 et 185 CPM sur la prescription des sanctions disciplinaires.

Voir développement des motions au ch. 1.1.2.

8538

Fixation des délais de prescription de l'action pénale Le délai de prescription est en principe fixé en fonction de la gravité objective de l'infraction, elle-même exprimée par la peine maximale pouvant être requise.

En vertu de l'art. 97, al. 1, CP (art. 55, al. 1, CPM), l'action pénale se prescrit, pour les crimes12 et délits13, ­

par 30 ans si l'infraction est passible d'une peine privative de liberté à vie (let. a);

­

par quinze ans si elle est passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (let. b);

­

par sept ans si elle est passible d'une autre peine (let. c).

Pour les contraventions14, l'action pénale se prescrit par trois ans en vertu de l'art. 109 CP (art. 60e CPM).

Par contre, la prescription de l'action pénale pour les actes d'ordre sexuel et les actes de violence graves envers des enfants de moins de 16 ans court en tout cas jusqu'au jour où la victime a 25 ans15. Certaines infractions, comme le génocide et les actes d'ordre sexuel ou pornographique sur des enfants impubères sont même imprescriptibles16.

A côté des dispositions sur la prescription de l'action pénale figurant dans la partie générale du code pénal (PG-CP) et la partie 1 du CPM, on trouve des dispositions dérogatoires dans la partie spéciale du CP et la partie 2 du CPM17 et dans de nombreuses lois spéciales de la Confédération18. Elles raccourcissent ou allongent en partie les délais de prescription et priment sur les dispositions de la PG-CP (et de la première partie du CPM). Il faut considérer en outre, pour le droit pénal accessoire, l'art. 333, al. 6, CP, qui aligne largement les lois fédérales contenant des dispositions pénales qui n'ont pas encore été révisées sur le droit de la prescription figurant aux art. 97 ss CP.

Point de départ Le délai de prescription court dès le jour où l'auteur de l'infraction a exercé son activité coupable (art. 98 CP, art. 56 CPM). Le résultat éventuel de son acte ne joue aucun rôle, c'est-à-dire qu'une infraction peut être prescrite avant même d'avoir provoqué des dommages19.

12 13 14 15 16

17 18

19

Voir définition aux art. 10, al. 2, CP, et 12, al. 2, CPM.

Voir définition aux art. 10, al. 3, CP, et 12, al. 3, CPM.

Voir définition aux art. 103 CP et 60 CPM.

Art. 97, al. 2, CP; art. 55, al. 2, CPM.

Art. 101, al. 1, CP; art. 59, al. 1, CPM; art. 123b Cst. en relation avec art. 101, al. 1, let. e (nouvelle) et 3, 3e phrase (nouvelle), CP, et art. 59, al. 1, let. e [nouvelle] et 3, 3e phrase (nouvelle), CPM; voir ch. 1.1.4.

Par ex. pour les délits contre l'honneur (art. 178 CP, art. 148b CPM) et l'interruption de grossesse (art. 118, al. 4, CP).

Voir par ex. art. 11, al. 1, de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA, RS 313.0), art. 105 de la loi du 12 juin 2009 sur la TVA (LTVA, RS 641.20) ou art. 36 du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin, RS 311.1).

Müller, 2007, art. 98, n. marg. 2.

8539

1.1.4

Précédentes révisions du droit de la prescription

Le droit de la prescription de l'action pénale a fait l'objet d'une refonte et d'une simplification en 2001/2002.

Dans l'ancien droit, les délais de prescription de 20, 10, 5 ou 1 an (art. 70 et 109 aCP) pouvaient être suspendus; la prescription était suspendue si le délinquant subissait à l'étranger une peine privative de liberté (art. 72, ch. 1, aCP). La prescription pouvait également être interrompue par tout acte d'instruction ou décision du juge à l'encontre de l'auteur ou par tout recours contre une décision; à chaque interruption, un nouveau délai commençait à courir. L'action pénale se prescrivait en tout cas dès que le délai ordinaire était dépassé de moitié ­ à l'expiration d'un délai du double de la durée normale pour les contraventions et les infractions contre l'honneur ­. Dès qu'un jugement était formellement entré en force, il ne pouvait plus y avoir prescription (art. 72, ch. 2, aCP).

La révision de 2001/2002 a supprimé la suspension et l'interruption (sous réserve de l'art. 11, al. 3, DPA). En contrepartie, les délais de prescription ont en principe été allongés de moitié, de sorte qu'ils correspondent aux délais absolus de l'ancien droit.

Le délai fixé pour les contraventions a été porté à trois ans. Les règles de conversion prévues à l'art. 333, al. 6, CP s'appliquent aux délais de prescription du droit pénal accessoire. Autre nouveauté: il n'est plus besoin d'un jugement formellement entré en force pour invalider toute prescription, un jugement de première instance suffit20.

Des critères spéciaux ont pour le reste été introduits pour la prescription d'actes graves contre des enfants (art. 97, al. 2, CP; art. 55, al. 2, CPM).

Le Conseil fédéral a approuvé le 22 juin 2011 le message à l'appui des modifications législatives nécessaires à la mise en oeuvre de «l'initiative pour l'imprescriptibilité» (art. 123b de la Constitution; RS 101)21. L'art. 101, al. 1, let. e (nouvelle), et 3, 3e phrase (nouvelle) CP (art. 59, al. 1, let. e [nouvelle], et 3, 3e phrase [nouvelle] CPM) concrétise l'imprescriptibilité de certains actes sexuels commis sur des enfants prépubères. Les Chambres fédérales ont délibéré sur le projet lors des sessions du printemps et de l'été 2012 et l'ont adopté en vote final le 15 juin 201222.

1.1.5

L'avant-projet

Donnant suite aux deux motions «Prescription des délits économiques»23, le Département fédéral de justice et police (DFJP) a rédigé un avant-projet de modification du CP et du CPM et leurs rapports explicatifs.

L'avant-projet proposait de porter de sept à dix ans le délai de prescription général fixé pour les délits. Cet allongement ne devait toutefois s'appliquer qu'aux délits les plus graves, passibles «d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire». Pour les délits de moindre gravité, passibles d'une peine plus légère, le délai restait de sept ans (voir tableau ci-dessous).

20 21 22 23

Art. 97, al. 3, CP; art. 55, al. 3, CPM.

FF 2011 5565 FF 2012 5475 Voir ch. 1.1.1.

8540

Art. 97, al. 1, CP, art. 55, al. 1, CPM (droit en vigueur)

Art. 97, al. 1, AP-CP, art. 55, al. 1, AP-CPM (avant-projet)

1

1

L'action pénale se prescrit: a. par 30 ans si l'infraction est passible d'une peine privative de liberté à vie; b. par quinze ans si elle est passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans; c. par sept ans si elle est passible d'une autre peine.

L'action pénale se prescrit: a. par 30 ans si l'infraction est passible d'une peine privative de liberté à vie; b. par quinze ans si elle est passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans; c. par dix ans si elle est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire; d. par sept ans si elle est passible d'une autre peine.

Le 12 octobre 2011, le Conseil fédéral a chargé le DFJP de soumettre le projet (et son rapport)24 à une procédure de consultation. Le DFJP a donc invité les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale et les institutions et organisations intéressées à donner leur avis avant le 21 janvier 2012.

1.1.6

La consultation

51 participants se sont exprimés lors de la procédure de consultation, dont 25 cantons, 5 partis politiques, 4 associations faîtières de l'économie oeuvrant au niveau national et 11 organisations ou institutions. 6 participants ont explicitement renoncé à prendre position: l'Union des villes suisses, l'Union patronale suisse, le Tribunal fédéral, le Tribunal pénal fédéral, le Tribunal militaire de cassation et l'Association suisse des magistrats de l'ordre judiciaire25.

31 participants approuvent le projet quasi sans réserve26. 14 le rejettent27.

Les différents commentaires et critiques avancés sont abordés dans la justification de la solution proposée et les explications des dispositions28.

1.2

La nouvelle réglementation proposée

Le Conseil fédéral propose de mettre en oeuvre les motions «Prescription des délits économiques» par une nouvelle réglementation correspondant aux résultats de la consultation29.

24

25

26 27 28 29

L'avant-projet et son rapport peuvent être consultés sous: www.admin.ch > Dossiers politiques > Procédures de consultation et d'audition > Procédures terminées > 2011 > Département fédéral de justice et police.

Pour plus de détails: Synthèse de la consultation. Publiée sous: www.admin.ch > Documentation > Législation > La procédure de consultation > Procédures de consultation terminées.

22 cantons, 3 partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, 2 associations faîtières de l'économie oeuvrant au niveau national et 4 organisations ou institutions.

3 cantons, 2 partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, 2 associations faîtières de l'économie oeuvrant au niveau national et 7 organisations ou institutions.

Voir ch. 1.3 et ch. 2.

Voir ch. 1.1.5.

8541

Quelques participants étaient d'avis que la teneur de l'art. 97, al. 1, let. c, AP-CP (art. 55, al. 1, let. c, AP-CPM) n'était pas claire30. Le contenu de la norme a donc été retravaillé au plan rédactionnel. Le Conseil fédéral propose la formulation suivante:31 Art. 97, al. 1, CP, art. 55, al. 1, CPM (droit en vigueur)

Art. 97, al. 1, P-CP, art. 55, al. 1, P-CPM (projet)

1

1

L'action pénale se prescrit: a. par 30 ans si l'infraction est passible d'une peine privative de liberté à vie; b. par quinze ans si elle est passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans; c. par sept ans si elle est passible d'une autre peine.

L'action pénale se prescrit: a. par 30 ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté à vie; b. par quinze ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de plus de trois ans; c. par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans; d. par sept ans si la peine maximale encourue est une autre peine.

L'allongement de la prescription vise à laisser davantage de temps aux autorités de poursuite pénale et aux tribunaux pour enquêter et juger des affaires qui leurs sont soumises, et plus particulièrement dans le cas des délits graves du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal accessoire commis dans le domaine de la criminalité économique. Si la mesure ne règle pas le problème de la prescriptibilité des infractions économiques, elle en atténue la gravité.

1.3

Justification et appréciation de la solution proposée

1.3.1

Pas de définition du terme de «délit économique»

Il n'existe pas encore en Suisse de définition précise des notions de «délit économique» ou de «criminalité économique» et les auteurs de doctrine doutent qu'il soit possible d'en trouver une32.

Si le législateur utilise le terme de «criminalité économique» dans le titre de l'art. 24 CPP, il ne le définit pas. Pour concrétiser cette notion imprécise, il énumère les infractions qu'elle comprend. Il s'agit des infractions visées aux titres 2 et 11 PS-CP (infractions contre le patrimoine et faux dans les titres) et de celles qui sont mentionnées à l'art. 24, al. 1, CPP (organisation criminelle, financement du terrorisme, blanchiment d'argent, défaut de vigilance en matière d'opérations financières, corruption d'agents publics)33.

L'art. 51 de la loi du 11 juin 2009 du canton de Berne portant introduction du code de procédure civile, du code de procédure pénale et de la loi sur la procédure pénale applicable aux mineurs34 fournit une autre indication de ce qu'on peut entendre par délit économique. Il prévoit que l'instruction d'affaires importantes relevant de la 30 31 32 33 34

Voir la synthèse de la consultation, p. 11.

Voir ch. 2.

Weber, 2008, n. marg. 1; Herren, 2006, p. 5; Schnell, 2007, p. 3; Schmid 1985, p. 150 ss.

Müller, 2001, p. 425.

LiCPM; RSB 271.1.

8542

criminalité économique incombe au Ministère public cantonal chargé de la poursuite des infractions économiques lorsque les affaires présentent au moins deux des caractéristiques suivantes: (1) prédominance d'infractions contre le patrimoine (art. 137 à 172ter CP), de faux dans les titres (art. 251 à 257 CP) ou d'actes de blanchiment d'argent (art. 305bis et 305ter CP); (2) complexité et ampleur de l'instruction; (3) infraction portant sur un montant élevé et dossier volumineux; (4) ramifications intercantonales ou internationales; (5) nombre élevé de personnes prévenues, de personnes lésées ou d'entreprises concernées; (6) nécessité de faire appel à des experts-comptables ou expertes-comptables; (7) probabilité que l'accusation doive être portée devant le Tribunal pénal économique. Tel est le cas lorsque les caractéristiques suivantes se présentent: prédominance d'infractions contre le patrimoine, de faux dans les titres ou d'actes de blanchiment d'argent; nécessité, pour les juges, de disposer de connaissances particulières en économie, et nombre élevé de moyens de preuve écrits (art. 55 LiCPM).

Les auteurs de doctrine sont d'avis que la notion de «criminalité économique» peut couvrir toutes les infractions commises lors de l'exercice d'une activité économique par l'emploi abusif de la confiance nécessaire au déroulement de la vie économique, actes qui, par un préjudice individuel, lèsent les intérêts de la communauté. Le sens de la criminalité économique se manifeste également dans l'ampleur de son potentiel dommageable, dans le nombre élevé de cas et de lésés et dans la complexité des faits, leur dimension souvent internationale et les lourdes enquêtes qu'ils réclament35. Certains auteurs ajoutent encore l'absence de recours à la force ou limitent les infractions aux crimes et délits36.

Toutes ces caractéristiques s'appliquent, on le voit, à un éventail extraordinairement large d'actes punissables permettant d'utiliser le système économique légal à des fins criminelles. Ces infractions se situent non seulement dans le domaine du droit pénal commun, mais aussi dans celui du droit pénal accessoire37.

Il ne s'agit toutefois pas d'infractions économiques à proprement parler; ces infractions peuvent ­ selon le contexte dans lequel elles sont commises ­ être qualifiées de telles ou non. Les caractéristiques mentionnées ne sont que des indices pouvant signaler, dans le cas concret, s'il y a infraction économique ou non.

1.3.2

Allongement des délais généraux de prescription dans le droit pénal

Le Conseil fédéral propose, pour les raisons évoquées au ch. 1.3.1 de ne pas définir le terme de «délit économique» ni introduire un délai de prescription spécial, applicable aux seules infractions économiques38. Il faut au contraire allonger les délais généraux de prescription figurant dans le droit pénal. Prévoir des délais de prescription selon le même critère, à savoir la gravité objective de l'acte, elle-même expri-

35 36 37

38

Herren, 2006, p. 5.

Queloz, 1999, p. 28 ss; Blattner, 2001, p. 407; Weber, 2001, n. marg. 3.

On trouve par ex. des infractions économiques dans les domaines du droit de la propriété intellectuelle, de la concurrence déloyale, des marchés financiers, des produits thérapeutiques et des denrées alimentaires, de la fiscalité, du matériel de guerre et des armes, des douanes et dans le domaine de l'application des sanctions internationales.

Voir ch. 1.3.3.

8543

mée par la peine maximale prévue par la loi, pour tous les délits possibles, c'est garantir la cohérence du droit de la prescription.

La majorité des participants à la consultation soutiennent (parfois expressément) cette manière de procéder39. Quelques-uns sont d'avis, en revanche, que le projet dépasse l'objectif des motions40. Le Conseil fédéral en est conscient, il estime toutefois que les délais de prescription spéciaux doivent rester l'exception (voir ch. 1.1.3), et s'en tient, pour les raisons évoquées plus haut, à l'allongement général des délais de prescription. Il propose cependant de n'allonger que la prescription des délits graves (voir ci-dessous).

Allongement du délai de prescription pour les seuls délits Le Conseil fédéral propose d'allonger seulement le délai de prescription pour les délits (art. 97, al. 1, let. c, P-CP et art. 55, al. 1, let. c, P-CPM). Premièrement, parce que c'est justement la brièveté de ces délais qui se révèle problématique en matière de criminalité économique. Deuxièmement, parce qu'on n'a pas connaissance de cas, dans le domaine de la criminalité économique, où les délais de prescription plus longs (par ex. quinze ans) prévus pour les crimes se sont avérés courts ou insuffisants. Cette mesure serait d'ailleurs problématique vue sous l'angle du principe de célérité et au plan de l'administration des preuves41. Des délais de prescription trop longs rendent l'enquête plus difficile et comportent le risque que les faits pertinents ne puissent être établis ou l'être suffisamment au plan juridique. Le Conseil fédéral ne prévoit donc pas d'allonger le délai de quinze ans applicable aux crimes (art. 97, al. 1, let. a et b, CP; art. 55, al. 1, let. a et b, CPM). Les mêmes arguments peuvent en principe être avancés pour les infractions imprescriptibles. Mais ils n'ont pas été jugés appropriés dans ce contexte tandis que d'autres ont bénéficié de plus de poids (par ex. meilleure protection possible des enfants, gravité exceptionnelle des infractions et portée internationale).

Quelques participants à la consultation pensent que ces arguments pourraient aussi être opposés à la révision proposée42. Au fond, ils seraient même contraires à tout allongement des délais de prescription. Le Conseil fédéral estime toutefois avoir tenu adéquatement compte de la problématique
de l'administration des preuves et du principe de célérité en traitant la question du degré de l'allongement nécessaire (voir ci-dessous).

Le délai de prescription applicable aux contraventions (trois ans) ne doit pas être allongé non plus43, même si quelques infractions économiques au droit pénal commun44 et de nombreuses infractions au droit pénal accessoire sont des contraventions et ­ comme le note à raison un participant à la consultation ­ peuvent engendrer un état de fait complexe et une longue procédure45. Le Conseil fédéral est cependant d'avis qu'il ne serait guère approprié de relever le délai de prescription pour ces infractions au vu de leur faible gravité. Le même participant à la consultation avance 39 40 41 42 43 44 45

Voir la synthèse de la consultation, p. 7, 9 ss.

Voir la synthèse de la consultation, p. 9.

Le délai de conservation prévu par le droit commercial est par ex. de dix ans seulement.

Voir la synthèse de la consultation, p. 8.

Art. 109 CP, art. 60e CPM.

Par ex. inobservation des prescriptions légales sur la comptabilité, art. 325 CP.

Voir la synthèse de la consultation, p. 12. Le délai qui s'applique à elles est de trois ans en vertu de l'art. 333, al. 1, CP, pour autant que le droit pénal accessoire ne prévoie pas de disposition dérogatoire (comme l'art. 11, al. 1, DPA).

8544

également que lesdites infractions, commises intentionnellement, présentent cependant une gravité élevée46. Dans ces cas, il serait plus adéquat de relever la fourchette des peines en fonction du degré de gravité, chose qui aurait pour conséquence un allongement de la prescription.

Degré de l'allongement du délai de prescription pour les délits Le Conseil fédéral propose dans son projet de faire passer le délai de prescription pour les délits de sept à dix ans. Divers participants à la consultation sont explicitement favorables à cette manière de procéder47.

Les réflexions qui ont amené le Conseil fédéral à prendre cette décision ont été les suivantes: L'allongement du délai de prescription à dix ans garantirait une certaine gradation par rapport aux délais de prescription applicables aux crimes, indispensable compte tenu de la différence de gravité des faits.

Le Conseil fédéral a également tenu compte du fait que les infractions économiques ne sont le plus souvent pas connues ni dénoncées immédiatement après les actes délictueux, tandis que le délai de prescription court dès que lesdits actes sont commis48, et les procédures pénales concernant les infractions économiques prennent généralement du temps49.

Il a considéré, à l'inverse, l'argument selon lequel plus le délai de prescription est long, plus l'administration des preuves est difficile et plus le risque augmente que les autorités de poursuite pénale doivent classer la procédure faute de preuves ou que les tribunaux doivent prononcer un acquittement, argument également invoqué dans la consultation. Si, dans les affaires pénales économiques qui ne sont connues et dénoncées que longtemps après, un délai de prescription plus long est la condition même pour que les preuves objectives (documents par ex.) puissent être administrées et que les procédures ne doivent pas être classées pour prescription, la difficulté particulière réside précisément dans l'attribution des faits aux auteurs du point de vue subjectif. Cette preuve serait de plus en plus difficile à apporter avec le temps. Le Conseil fédéral a également tenu compte du principe de célérité en ne proposant qu'un allongement modéré du délai de prescription.

Il a en outre observé qu'un délai de prescription, aussi long soit-il, ne sert à rien si les autorités de poursuite pénale ou les
tribunaux ne disposent pas des ressources nécessaires (par ex. savoir-faire). Plusieurs participants à la consultation ont également signalé ce point. Certains d'entre eux sont d'avis que le problème des délais de prescription pour les infractions économiques ne réside pas tant dans la durée de ces délais, que dans le manque de ressources des autorités de poursuite pénale50.

S'oppose également à un allongement plus important du délai de prescription le fait que la révision du droit de la prescription de 2001/200251 a atténué le problème puisqu'un jugement de première instance rendu dans le délai suffit aujourd'hui pour exclure la prescription. Les autorités de poursuite pénale et les tribunaux de première 46 47 48 49 50 51

Voir la synthèse de la consultation, p. 12.

Voir la synthèse de la consultation, p. 10.

Voir art. 98 CP, art. 56 CPM.

Voir ch. 1.1.2.

Voir la synthèse de la consultation, p. 10.

Voir ch. 1.1.4.

8545

instance ont donc davantage de temps pour enquêter et juger des infractions économiques. Quelques participants à la consultation sont eux aussi d'avis que le droit de la prescription ne devrait pas être révisé une nouvelle fois au bout de dix ans, sauf réelle nécessité, pour des raisons de sécurité du droit52.

Le CPP en vigueur depuis le 1er janvier 2011 prévoit de plus aux art. 358 ss un outil de rationalisation. La procédure dite simplifiée permet aux parties qui se sont entendues sur la question de la culpabilité, de la mesure de la peine et des prétentions civiles, de soumettre directement le cas pour jugement ­ en sautant certaines étapes de la procédure préliminaire ­ au tribunal compétent pour statuer au fond53. La procédure simplifiée s'appliquera justement aux affaires pénales économiques complexes. L'omission de certains stades de la procédure préliminaire augmente les chances de pouvoir mener à son terme une procédure complexe dans le délai imparti en première instance. L'introduction du modèle «Ministère public», qui permet de renoncer au juge d'instruction et d'éviter des doublons, vise elle aussi à accélérer la procédure.

Différenciation des délais de prescription pour les délits en fonction des différentes peines (gravité des actes) Il existe, pour les délits comme pour les crimes, différentes peines, censées illustrer les différents degrés de gravité des actes. Le délai de prescription pour les délits, en revanche, se monte uniformément à sept ans dans le droit en vigueur54.

La peine maximale encourue pour les délits les plus graves est une peine privative de liberté de trois ans. La sanction abstraite est formulée comme suit: «peine privative de liberté n'excédant pas trois ans ou peine pécuniaire». Tel est le cas non seulement de la plupart des délits relevant du droit pénal commun, mais aussi de nombreux délits relevant du droit pénal militaire et du droit pénal accessoire; c'est là que se situent nombre d'infractions économiques55.

52 53 54 55

Voir la synthèse de la consultation, p. 8.

Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1279.

Voir ch. 1.1.3.

Droit pénal commun: par ex. faux renseignements sur des entreprises commerciales (art. 152 CP), gestion déloyale (art. 158, ch. 1, CP), blanchiment d'argent (art. 305bis, ch. 1, CP), violation de l'obligation de tenir une comptabilité (art. 166 CP). Droit pénal accessoire: par ex. concurrence déloyale (art. 23, al. 1, de la loi du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale, RS 241) ou infractions au droit des marchés financiers (art. 46, al. 1, et art. 47, al. 1, de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne, RS 952.0; art. 148, al. 1, de la loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs de capitaux, RS 951.31).

8546

Les délits moins graves sont passibles «d'une peine privative de liberté de deux ans au plus ou d'une peine pécuniaire»56 ou «d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire»57. Les peines maximales prévues pour les délits mineurs sont de 30, 90 ou 180 jours-amende58.

Pour tenir compte des différentes peines, c'est-à-dire des différents degrés de gravité des actes punissables, le Conseil fédéral ne propose pas de relever à dix ans le délai de prescription figurant à l'art. 97, al. 1, let. c, CP (art. 55, al. 1, let. c, CPM) non pas uniformément, mais seulement pour les délits (les plus graves), «si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans».

Le délai de prescription applicable aux délits de faible à moyenne gravité (autres peines) reste de sept ans (art. 97, al. 1, let. d, P-CP; art. 55, al. 1, let. d, P-CPM).

Divers participants complimentent expressément la différenciation proposée59, mais deux rejettent cette distinction en arguant que le droit pénal ne distingue pas entre délits «mineurs» et «graves»60.

Le Conseil fédéral estime qu'il ne serait pas correct de renoncer à cette différence.

Car, d'une part, le délai de prescription de dix ans que prévoit le projet ne s'appliquera pas seulement aux délits économiques (complexes) risquant d'être prescrits trop tôt, mais aussi aux délits «normaux» du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal accessoire, pour lesquels il ne devrait pas y avoir de problème. Et parce qu'il serait difficile, d'autre part, de justifier un délai de prescription de dix ans pour un délit ne se distinguant guère d'une contravention par sa gravité (par ex. peines maximales de 30 ou 90 jours-amende). Il existe d'ailleurs une telle différenciation dans les délais de prescription pour les crimes61.

56

57

58

59 60 61

Art. 88, al. 2, de la loi du 21 décembre 1948 sur l'aviation (RS 748.0) en relation avec l'art. 333, al. 2, let. b, CP. Il est prévu, dans le cadre du projet de loi fédérale sur «l'harmonisation des peines dans le code pénal, le code pénal militaire et le droit pénal accessoire», de transformer cette peine en «une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire». Voir son rapport explicatif, p. 60; téléchargeable sous: www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1935/Bericht.pdf.

Il s'agit par ex., dans le domaine des délits économiques, du défaut de vigilance en matière d'opérations financières et droit de communication (art. 305ter CP) ou des infractions douanières simples (art. 118 ss de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes, RS 631.0), des infractions simples au droit de la propriété intellectuelle (par ex. art. 81, al. 1, de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets, RS 232.14; art. 61, al. 1 de la loi du 28 août 1992 sur la protection des marques, RS 232.11) et des infractions à la loi du 22 mars 2002 sur les embargos (art. 9, al. 1, RS 946.231).

Sont par ex. passibles d'une telle peine les infractions par négligence du droit pénal accessoire (par ex. art. 33, al. 3, de la loi du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre, RS 514.51, ou art. 47, al. 3, de la loi du 9 octobre 1992 sur les denrées alimentaires, RS 817.0, ou encore art. 86, al. 3, de la loi du 15 décembre 2000 sur les produits thérapeutiques, RS 812.21). Les peines maximales de 30 et 90 jours-amende devraient être portées à 180 jours-amende ou à une peine privative de liberté de six mois au plus dans le cadre du projet d'harmonisation des peines. Voir rapport explicatif (www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/1935/Bericht.pdf ), p. 7.

Voir la synthèse de la consultation, p. 9.

Voir la synthèse de la consultation, p. 10.

Voir art. 97, al. 1, let. a et b, CP.

8547

1.3.3

Options de mise en oeuvre rejetées

Dans le cadre des travaux de mise en oeuvre des motions «Prescription des délits économiques», on a envisagé deux autres options.

Liste d'infractions économiques dotées d'un délai de prescription spécial On a envisagé l'introduction d'une liste des infractions économiques dans le CP (CPM), auxquels s'appliquerait un délai de prescription spécial (plus long). Ce délai n'aurait pas tenu compte du principe selon lequel la prescription doit obéir à un seul et même critère, à savoir la gravité objective de l'acte, elle-même exprimée par la peine maximale prévue par la loi.

Deux options ont été examinées: a.

Les infractions économiques pour lesquelles on prévoirait un délai de prescription plus long auraient pu être énumérées individuellement dans une liste d'infractions (par ex. sur le modèle de l'art. 97, al. 2, CP ou de l'art. 55, al. 2, CPM) au titre 6 du CP (et 5 du CPM). Il aurait toutefois fallu, dans ce cas, trouver une définition précise du terme d'«infraction économique» pour que les infractions correspondantes puissent être placées dans cette liste.

b.

Pour ne pas avoir à créer de définition précise, on aurait pu prévoir de manière générale un délai de prescription spécial au titre 6 de la PS-CP (et 5 de la partie 1 du CPM) pour les infractions des titres 2 et 11 ­ les infractions économiques du droit pénal commun se présentent souvent sous ces deux titres ­ et pour certaines autres infractions du CP (par ex. sur le modèle de l'art. 24 CPP).

L'introduction d'une pareille liste a été jugée problématique et rejetée pour les raisons suivantes: Option a: comme il est dit plus haut (voir ch. 1.3.1), il n'existe pas de définition précise de la notion de «délit économique». On peut se demander s'il est judicieux d'en créer une. Le risque est en effet que la définition se révèle par la suite insuffisante, unilatérale et, finalement, inefficace. Etant donné que l'économie et ses règles ­ et par voie de conséquence les comportements délictueux62 ­ ne cessent d'évoluer, une liste des infractions risquerait fort de devenir incomplète.).

Option b: si on introduisait un délai de prescription spécial pour toutes les infractions des titres 2 et 11 de la PS-CP, le premier problème consisterait dans le fait que c'est précisément dans le domaine des infractions contre le patrimoine (titre 2) que sont énumérés les éléments constitutifs d'infraction qui ne sont typiquement pas considérés comme des infractions économiques, tels que le brigandage (art. 140 CP) ou l'extorsion et le chantage (art. 156 CP). Ces deux titres contiennent ensuite les crimes et délits, qui font l'objet de délais de prescription différents. Les actes en question n'étant pas de la même gravité, il serait injustifié de mettre leurs délais de prescription sur le même plan.

Dans les deux options, il serait également préjudiciable qu'une liste des infractions ne s'applique que dans le domaine du droit pénal commun; les nombreux textes législatifs du droit pénal accessoire qui contiennent également des infractions économiques resteraient ignorés. Le délai de prescription spécial serait en outre 62

Weber, 2008, n. marg. 16; Herren, 2006, p. 7.

8548

contraire au principe selon lequel la prescription de l'action pénale est fonction de la gravité objective de l'infraction (voir ch. 1.1.3). Pour des raisons d'égalité et de cohérence du droit de la prescription, il faut éviter autant que possible que des délais de prescription différents s'appliquent à des infractions de gravité comparable. La CAJ-N s'est exprimée dans ce sens dans son rapport du 30 octobre 2009 (voir ch. 1.1.1).

Fixation du début de la prescription à la date où l'infraction produit ses effets On a également envisagé la possibilité de considérer la date du point de départ du délai de prescription (art. 98 CP et art. 56 CPM) et de créer une règlementation analogue à celle existant dans le droit allemand, au § 78a du code pénal. Dans le droit pénal allemand, la prescription court dès que l'infraction a été commise. Si l'effet de cette infraction ne se produit qu'à une date ultérieure, la prescription court à cette date. On trouve une réglementation analogue au § 58 du code pénal autrichien. C'est également la solution proposée dans l'initiative parlementaire Bea Heim (06.402)63.

Une révision de l'art. 98 CP (art. 56 CPM) dans ce sens a toutefois été rejetée aux motifs suivants: Le droit de la prescription a été examiné et révisé il n'y a pas si longtemps (2001/2002, voir ch. 1.1.4). Pour des raisons de sécurité du droit, il ne faudrait pas le modifier une nouvelle fois de manière radicale. De plus, toutes les infractions économiques ne seraient pas couvertes par une telle réglementation, mais seulement les infractions matérielles. Dans ce cas, les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis s'il y a non seulement un acte, mais aussi un certain résultat (par ex. dommage pécuniaire). De nombreuses infractions sont pourtant des infractions formelles.

Dans ce cas-là, les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis dès le moment où l'acte est commis, quel que soit son résultat. Il ne pourrait s'ensuivre qu'un manque d'uniformité. Cette solution n'est guère susceptible d'obtenir une majorité politique.

Le Conseil national a donc décidé le 3 mars 2009, à une forte majorité, de ne pas donner suite à l'initiative parlementaire Bea Heim (06.402)64.

Option proposée par des participants à la consultation Quelques participants à la consultation ont eux aussi proposé des solutions65.
L'une serait de prévoir, au cas par cas, une peine plus lourde pour certaines infractions (telle la gestion déloyale, art. 158, ch. 1, CP), mesure qui aurait pour conséquence d'allonger le délai de prescription. Le Conseil fédéral n'approuve pas cette proposition. Alourdir les sanctions pour les infractions économiques nécessiterait qu'une définition précise en soit donnée, chose qui n'est guère possible ni judicieuse pour les raisons mentionnées plus haut. Pour que ces infractions soient soumises à un délai de prescription plus long, il faudrait qu'elles soient qualifiées de crimes; la différence de gravité des actes ne saurait le justifier (voir l'option «Liste d'infractions»).

63 64 65

Voir ch. 1.1.2.

BO 2009 N 58 Voir la synthèse de la consultation, p. 11 s. Un participant a suggéré que les délais proposés dans le cadre de la révision du droit de la responsabilité civile soient repris dans le CP et dans le CPM à des fins d'uniformisation; voir la synthèse de la consultation, p. 12.

8549

Il a également été proposé de réintroduire la suspension des délais de prescription.

Le Conseil fédéral ne l'envisage pas, car cette institution a précisément été abolie en 2001/2002 à des fins de simplification.

Le Conseil fédéral rejette également, parce qu'il la juge impraticable, la proposition consistant à relever les délais de prescription de manière abstraite lorsque, par exemple, une société est impliquée dans une affaire ou lorsqu'un certain nombre de personnes sont impliquées, soit du côté de la partie lésée soit du côté de la partie coupable.

1.3.4

Révisions abandonnées

Pas de dispositions transitoires dans le droit de la prescription (non-rétroactivité) Le principe de la non-rétroactivité en droit pénal signifie que tout acte doit être jugé selon la loi en vigueur au moment où il a été commis (art. 2, al. 1, CP). Une norme pénale ne doit donc avoir aucun effet rétroactif sur un comportement intervenu avant son entrée en vigueur. L'interdiction de la rétroactivité est toutefois relativisée par le principe de la lex mitior: le code est aussi applicable aux crimes et aux délits commis avant la date de son entrée en vigueur si l'auteur n'est mis en jugement qu'après cette date et si le présent code lui est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l'infraction (art. 2, al. 2, CP). Dans le domaine de la prescription, le principe de la lex mitior figure explicitement à l'art. 389 CP. L'application d'un nouveau délai de prescription à des faits intervenus avant que ce délai ne coure n'est possible, en vertu de cette disposition, que s'il est plus favorable à l'auteur de l'acte.

La révision proposée du droit de la prescription représente un durcissement du droit pour certains délits (voir ch. 1.3.2), raison pour laquelle le délai de prescription prévu par le droit en vigueur (plus favorable) s'applique aux faits survenus avant l'entrée en vigueur du nouveau délai.

Le législateur peut s'écarter de cette règle pour autant qu'il le prévoie explicitement dans la loi (art. 389, al. 1, première partie de la phrase, CP) et s'il a d'importants motifs pour le faire66. Il n'a jusqu'ici fait usage de cette possibilité que dans le domaine des infractions d'ordre sexuel commises envers des enfants67. C'est pourquoi nous renonçons à introduire une disposition dérogatoire, malgré l'avis divergeant d'un participant à la consultation68.

Pas d'allongement de la prescription dans le droit pénal des entreprises La punissabilité des entreprises est régie par les art. 102 CP et 59a CPM. L'entreprise peut être punie d'une amende de cinq millions de francs au plus quand un crime ou un délit qui est commis en son sein, dans l'exercice d'activités commerciales conformes à ses buts, est imputé à l'entreprise s'il ne peut être imputé à aucune personne physique déterminée en raison du manque d'organisation de l'entreprise 66 67

68

Stratenwerth, 2005, § 4, n. marg. 11.

Art. 97, al. 4, CP, art. 55, al. 4, CPM et art. 101, al. 3, 3e phrase, CP; art. 59, al. 3, 3e phrase, CPM du projet référendaire de loi fédérale portant mise en oeuvre de l'art. 123b de la Constitution concernant l'imprescriptibilité des actes d'ordre sexuel ou pornographique commis sur des enfants impubères (FF 2012 5475).

Voir la synthèse de la consultation, p. 11.

8550

(art. 102, al. 1, CP, art. 59a, al. 1, CPM). Pour certaines infractions, l'entreprise est punie indépendamment de la punissabilité des personnes physiques (art. 102, al. 2, CP, art. 59a, al. 2, CPM).

La doctrine est partagée sur le fait de savoir si l'art. 102 CP (art. 59a CPM) est une simple norme d'imputation de l'infraction (crime ou délit) ou s'il décrit les éléments constitutifs d'une infraction, autrement dit une contravention (art. 103 CP)69. Dans le premier cas, la prescription obéirait à l'art. 97, al. 1, CP (art. 55, al. 1, CPM).

Dans le second, le délai de prescription serait de trois ans (art. 109 CP, art. 60e CPM).

Un participant à la consultation regrette que le projet n'ait pas abordé le problème de la punissabilité des personnes morales. L'art. 102 CP présentant les éléments constitutifs d'une contravention, une entreprise ne pourrait plus être poursuivie après trois ans. Ce délai est trop court, parce qu'une enquête pénale ne peut être introduite à l'encontre d'une entreprise, en vertu de l'art. 102, al. 1, CP (art. 59a, al. 1, CPM), que lorsque l'infraction ne peut être imputée à une personne physique70.

Le délai de prescription relativement court applicable aux contraventions dans le droit pénal des entreprises ne parait problématique qu'à première vue, pour la raison suivante. Le reproche figurant à l'art. 102 CP (art. 59a CPM) ne concerne pas la commission de l'infraction, mais le manque d'organisation de l'entreprise. Aussi longtemps que ce manque subsiste, il n'est pas possible d'imputer l'infraction à une personne physique. Vu sous cet angle, il s'agit d'une infraction continue et la prescription ne court pas aussi longtemps que cet état subsiste (art. 98, let. c, CP).71 Le Conseil fédéral a également renoncé à allonger la prescription pour les contraventions en raison de leur moindre gravité. Si on entend l'art. 102 CP (art. 59a CPM) comme élément constitutif d'une contravention, cet abandon vaut aussi, logiquement, pour le droit pénal des entreprises. La création d'un délai de prescription propre (plus long) dans le droit pénal des entreprises ne se justifie pas pour des raisons de cohérence (voir ch. 1.3.2). Il serait de plus inapproprié si on compare la gravité des actes72.

Pas d'allongement de la prescription de l'action pénale pour les infractions commises par
les mineurs L'art. 36 du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)73 règle les délais de prescription de l'action pénale applicables aux auteurs d'infraction de moins de 18 ans. Ces délais sont en principe fonction de la gravité objective des faits, comme dans le droit pénal applicable aux adultes. Ils sont toutefois considérablement plus courts. Ainsi, en vertu de l'art. 36, al. 1, DPMin, l'action pénale se prescrit par cinq ans si l'infraction est passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans en vertu des dispositions de la PS-CP (crime). Si l'infraction est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus (délit), l'action pénale se prescrit par trois ans. Le délai de prescription est d'un an pour les délits passibles d'une autre peine (par ex. une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire) et pour les contraventions. Pour les actes de violence graves commis envers des enfants 69 70 71 72 73

Niggli/Gfeller 2007, art. 102, n. marg. 18 ss.

Voir la synthèse de la consultation, p. 12.

Niggli/Gfeller 2007, art. 102, n. marg. 45 ss.

Niggli/Gfeller 2007, art. 102, n. marg. 42.

RS 311.1

8551

de moins de seize ans, la prescription de l'action pénale court en tout cas jusqu'au jour où la victime a 25 ans, dérogeant à l'al. 1 (art. 36, al. 2, DPMin).

Ces délais de prescription raccourcis se justifient du fait que le droit pénal des mineurs est régi par d'autres principes que le droit pénal des adultes. Le premier est un droit pénal axé sur l'auteur, dédié à l'idée d'éduquer. La personnalité et le développement de l'adolescent occupent le premier plan. Les buts visés ne sont pas la punition et la rétorsion, mais l'éducation, l'encouragement et l'intégration74. Dans le droit pénal des mineurs, la peine doit en particulier suivre rapidement l'infraction.

C'est pourquoi il est absurde d'infliger une mesure de protection ou une peine à un adolescent pour un acte commis dans un passé lointain75.

Pour ces raisons et comme il est peu vraisemblable que des mineurs comptent au nombre des auteurs d'infractions économiques, dont l'âge moyen est d'environ 30 à 35 ans, il paraît disproportionné et inopportun de réviser les délais de prescription spéciaux prévus à l'art. 36, al. 1, DPMin.

Pas d'allongement de la prescription de la confiscation En vertu de l'art. 70, al. 3, CP (art. 51a, al. 3, CPM), le droit d'ordonner la confiscation de valeurs se prescrit par sept ans. Lorsque la poursuite de l'infraction est soumise à un délai de prescription plus long, c'est ce délai qui s'applique. En conséquence, le Conseil fédéral estime que la révision partielle proposée n'exige aucune modification de la prescription de la confiscation, contrairement à l'avis de quelques participants à la consultation76.

1.3.5

Répercussions sur d'autres lois

Un allongement des délais de prescription aurait aujourd'hui des effets sur plusieurs lois fédérales. Il faut mentionner en particulier l'art. 60, al. 2, du code des obligations (CO)77, qui prévoit que si les dommages-intérêts dérivent d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s'applique à l'action civile78.

Il est prévu, dans le cadre de la mise en oeuvre de la motion CAJ-N «Délais de prescription en matière de responsabilité civile» (07.3763), d'uniformiser le droit de la prescription dans le domaine de la responsabilité civile et d'allonger adéquatement les délais. L'objectif est de supprimer le délai de prescription extraordinaire pour les créances découlant d'actes punissables, autrement dit d'abroger purement et simplement l'art. 60, al. 2, CO, dont l'application pratique a soulevé d'innombrables difficultés. La disposition est de plus largement évincée par l'allongement du délai

74 75 76 77 78

Gürber/Hug/Schläfli, 2007, art. 2, n. marg. 1.

Gürber/Hug/Schläfli, 2007, art. 36, n. marg. 1.

Voir la synthèse de la consultation, p. 13.

RS 220 Voir art. 760, al. 2, CO, art. 455, al. 2, CC (RS 210) et les nombreuses dispositions existant dans le domaine du droit des assurances sociales.

8552

de prescription relatif ­ et absolu dans le cas des dommages corporels ­ proposé dans le cadre de la révision du droit de la responsabilité civile79.

La critique exprimée lors de la consultation, selon laquelle le projet, par le biais de l'art. 60, al. 2, CO, allongerait également le délai de prescription applicable en droit civil, chose inacceptable80, est ainsi balayée.

1.4

Classement d'interventions parlementaires

La modification de loi proposée remplit les objectifs des motions évoquées au ch. 1.1.1, que le Parlement a transmises.

2

Commentaire des articles

Art. 97, al. 1, let. a et b, P-CP Les dispositions ont seulement été remaniées au plan rédactionnel. Matériellement, les délais de prescription applicables aux crimes restent les mêmes.

Art. 97, al. 1, let. c, P-CP Les délits passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus sont soumis dorénavant à un délai de prescription de dix ans.

Quelques participants à la consultation ont critiqué le manque de clarté de l'art. 97, al. 1, let c AP-CP (art. 55, al. 1, let. c, AP-CPM)81. Le Conseil fédéral en a tenu compte et propose une nouvelle formulation. La let. c ne repose donc plus sur la fourchette des sanctions, comme dans l'avant-projet, mais ­ comme les let. a et b ­ sur la peine maximale encourue. Ne sont ainsi soumis au nouveau délai de prescription de dix ans que les délits pour lesquels la peine abstraite encourue est «une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire».

Dans le cas des délits certes passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus, mais pour lesquels la loi prévoit un autre délai de prescription (par ex. plus court), c'est ce délai spécial qui continue de s'appliquer. Le principe est que la norme spéciale l'emporte sur la norme générale (lex specialis derogat lex generalis).

Ainsi, l'interruption de grossesse régie par l'art. 118, al. 3, CP se prescrit par trois ans (art. 118, al. 4, CP). La calomnie (art. 174 CP) se prescrit par quatre ans en vertu de l'art. 178, al. 1, CP et les outrages aux Etats étrangers (art. 296 CP) ou à des institutions interétatiques (art. 297 CP) se prescrivent par deux ans (art. 302, al. 3, CP). Ce principe vaut également dans le domaine du droit pénal accessoire82.

79

80 81 82

Voir le rapport relatif à l'avant-projet de révision du droit de la prescription, ch. 4.6, p. 23 (www.ejpd.admin.ch > Thèmes > Economie > Législation > Délais de prescription ­ en droit privé. Doivent également être biffées, selon l'avant-projet, les dispositions d'autres textes renvoyant, comme l'art. 60, al. 2, ou l'art. 760, al. 2, CO, à la prescription pénale (par ex. art. 455, al. 2, CC ou art. 52, al. 4, LAVS).

Voir la synthèse de la consultation, p. 11 ss.

Voir la synthèse de la consultation, p. 11.

Art. 333, al. 1 et 6, CP.

8553

Art. 97, al. 1, let. d, P-CP Pour les délits du code pénal, du code pénal militaire et du droit pénal accessoire qui ne sont pas passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus, c'est-à-dire ceux pour lesquels la peine encourue est plus légère, (par ex. «peine privative de liberté de deux ans ou peine pécuniaire» ou «peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus»), le délai de prescription reste de sept ans83.

Les délais de prescription spéciaux l'emportent, ici aussi, sur le délai général de sept ans84.

Art. 55, al. 1, let a et b, P-CPM Les délais de prescription applicables aux crimes n'ont pas changé au plan matériel.

Comme les dispositions du CP, ces dispositions parallèles n'ont subi qu'une modification d'ordre rédactionnel.

Art. 55, al. 1, let. c et d, P-CPM Les dispositions parallèles du CPM sont révisées de la même manière que celles du CP. Les commentaires fournis au sujet de l'art. 97, al. 1, let. c et d, P-CP et les explications données au ch. 1.3 valent aussi pour l'art. 55, al. 1, let. c et d, P-CPM.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

L'allongement du délai de prescription pour les délits passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus pourrait entraîner une augmentation du nombre des dénonciations et du nombre et de la durée des poursuites pénales. Il pourrait donc s'ensuivre un surplus de travail pour les autorités de poursuite pénale, mais il est difficile d'évaluer à l'heure actuelle les besoins en personnel qui pourraient en résulter. On peut cependant partir du principe que la révision ne devrait pas entraîner un surcroît de travail impossible à régler avec le personnel disponible. Il ne devrait pas y avoir d'autres conséquences.

3.2

Conséquences pour les cantons

Les remarques faites au ch. 3.1 sont également valables pour les autorités pénales des cantons.

Seuls quelques cantons ont émis des critiques à ce sujet dans le cadre de la consultation85. Mais la grande majorité des cantons soutient le projet (voir ch. 1.1.6).

83 84 85

Pour ce qui est des peines plus légères, voir ch. 1.3.2 et notes 57 et 58.

Par ex. art. 173 (diffamation) ou art. 177 (injure) en relation avec art. 178, al. 1, CP.

Voir la synthèse de la consultation, p. 10

8554

4

Rapport avec le programme de la législature

Le projet est annoncé dans le message du 25 janvier 2012 sur le programme de la législature 2011 à 201586.

5

Aspects juridiques

Le projet repose sur l'art. 123, al. 1, de la Constitution87, qui attribue à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit pénal et de procédure pénale.

Les modifications proposées sont pleinement compatibles avec les engagements internationaux de la Suisse.

Le projet ne contient aucune délégation de compétences législatives.

86 87

FF 2012 349 479 RS 101

8555

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