08.458 Initiative parlementaire Investigation secrète. Restreindre le champ d'application des dispositions légales Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 3 février 2012

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification du code de procédure pénale et de la procédure pénale militaire, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

3 février 2012

Au nom de la commission: Le président, Yves Nidegger

2012-0704

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Condensé Jusqu'à un arrêt du Tribunal fédéral de 2008, les praticiens distinguaient les recherches secrètes de l'investigation secrète et n'appliquaient les dispositions strictes de la loi qu'à la deuxième de ces mesures. Mais le Tribunal fédéral les a placées sur un pied d'égalité, limitant ainsi fortement les possibilités d'enquêter secrètement. La police se voyait tout à coup dans l'incapacité de réaliser des achats fantômes de drogue pour confondre les petits trafiquants. Le problème s'est renforcé avec l'abrogation de la loi fédérale sur l'investigation secrète, qui était la base légale fondant les mesures préventives d'investigation secrète, et l'entrée en vigueur du code de procédure pénale. Les policiers enquêtant dans les «chatrooms», en particulier, ont vu leur travail entravé par cette nouvelle situation juridique. La commission estime qu'il faut éviter de compromettre plus longtemps encore l'efficacité du travail de la police et remédier rapidement aux défauts constatés. Dans le domaine de compétences de la Confédération, elle demande donc que le code de procédure pénale et la procédure pénale militaire soient modifiés dans le sens du projet ci-joint.

5168

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Initiative parlementaire

Le 29 septembre 2008, le conseiller national Daniel Jositsch a déposé une initiative parlementaire visant à faire compléter le code de procédure pénale (CPP)1 pour éviter que des mesures simples d'investigation utilisant des formes simples de mensonge ou d'achats fantômes soient soumises aux dispositions sur l'investigation secrète. Le 4 mai 2009, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (la commission) a procédé à un examen préalable de l'initiative et a décidé de lui donner suite par 21 voix contre 0 et deux abstentions, comme l'y autorise l'art. 109, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)2. La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a approuvé cette décision sans opposition le 22 avril 2010 (art. 109, al. 3, LParl).

1.2

Travaux de la commission

En 2011, la commission s'est penchée sur la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire à deux reprises. Le 12 mai 2011, elle a entendu un expert en la matière ainsi que des représentants de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), avant d'approuver un avant-projet à l'unanimité. Ce dernier a été mis en consultation du 30 mai 2011 au 16 septembre 2011.

La commission a pris acte des résultats de la consultation le 3 février 2012 et a adopté à l'unanimité le projet d'acte ci-joint, après y avoir apporté quelques modifications mineures.

La commission a été soutenue dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police, en application de l'art. 112, al. 1, LParl.

2

Grandes lignes du projet

2.1

Contexte

En adoptant la loi fédérale du 20 juin 2003 sur l'investigation secrète (LFIS)3, le législateur fédéral a créé une base légale inédite permettant de faire intervenir des agents infiltrés. Bien que la loi ne contienne pas de définition de l'investigation secrète, elle indiquait à son art. 1 que le but de cette mesure était «d'infiltrer le milieu criminel par des membres de la police qui ne sont pas reconnaissables comme tels (agents infiltrés) et de contribuer ainsi à élucider des infractions particulièrement graves».

1 2 3

RS 312.0 RS 171.10 RO 2004 1409, 2006 2197, annexe ch. 29, 2006 5437, art. 2, ch. 2, 2007 5437, annexe ch. II 6. 2010 1881, annexe 1, ch. I 2

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Les praticiens ont conclu de cette disposition que toutes les mesures d'investigation par lesquelles des membres de la police qui ne sont pas reconnaissables comme tels entrent en contact avec des personnes cibles n'étaient pas soumises aux règles de l'investigation secrète. Ils considéraient que ces règles n'étaient applicables que si l'intention était d'infiltrer un milieu criminel pour élucider des infractions particulièrement graves et que si la mission était d'une certaine durée et impliquait l'utilisation de moyens permettant de tromper la personne visée (notamment l'emploi de faux titres pour créer une fausse identité [identité d'emprunt]). Les recherches secrètes, par contre, celles où les policiers n'enquêtent pas ouvertement, agissent dans le cadre d'une intervention de courte durée où leur identité n'est pas reconnaissable, sans être munis d'une identité d'emprunt attestée par un titre, n'étaient pas considérées comme étant soumises à la LFIS4.

Le Tribunal fédéral a balayé cette distinction en 20085, bien que constatant que la doctrine dominante ne considère pas toutes les investigations secrètes comme relevant de la LFIS, mais seulement celles où la tromperie et l'intervention sont d'une certaine intensité. Il a reconnu que la LFIS était visiblement faite pour des interventions de longue durée relativement délicates6. Pourtant, il a défini l'investigation secrète comme «toute prise de contact avec un suspect aux fins d'élucidation d'une infraction par un fonctionnaire de police qui n'est pas reconnaissable comme tel»7, indépendamment des moyens mis en oeuvre pour tromper le suspect et de l'intensité de l'intervention. Le Tribunal fédéral a confirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises8. Les auteurs de doctrine sont partagés à ce sujet, mais sont dans leur majorité plutôt critiques9.

En conséquence, tant les mesures d'investigation secrète que les recherches secrètes, au cours desquelles des membres de la police dissimulent leur fonction et leur identité véritables, n'étaient plus admissibles que pour les infractions mentionnées dans la LFIS. Les mesures secrètes déployées par la police dans un but préventif ou dans le but de vérifier les premiers indices dans un stade antérieur à l'ouverture de la procédure devaient également être considérées comme investigation secrète. Si,
avant l'arrêt du Tribunal fédéral, il était possible de mener de telles mesures préventives sans base légale expresse, elles devaient après cet arrêt être fondées sur l'art. 4, al. 1, let. a, LFIS, la phrase «des infractions particulièrement graves (...) pourraient vraisemblablement être commises» pouvant également fonder des investigations préventives. Cela dit, avec l'entrée en vigueur du CPP le 1er janvier 2011 et l'abrogation de la LFIS, les investigations préventives ne pouvaient plus se fonder sur cette loi, ni d'ailleurs sur le CPP, dont l'art. 286, al. 1, let. a n'autorise l'investigation secrète 4

5 6 7 8 9

Daniel Jositsch/Angelika Murer Mikolásek, Wenn polizeiliche Ermittler im Chatroom in Teufels Küche kommen - oder wie das Bundesgericht neue Probleme geschaffen hat, PJA 2011, 182; Thomas Hansjakob, Verdeckte Ermittlung - Gesetz und Rechtsprechung.

Einige Gedanken zu BGE 134 IV 266, forumpoenale 2008, 362; Franz Bättig, Verdeckte Ermittlung nach Inkrafttreten des BVE aus polizeilicher Sicht, Kriminalistik 2/2006, 132 s.; Wolfgang Wohlers, Das Bundesgesetz über die verdeckte Ermittlung. Taugliches Instrument zur effizienten Bekämpfung der Organisierten Kriminalität?, RPS 123 (2005), 223 s.

ATF 134 IV 266 ATF 134 IV 273, c. 3.3.

ATF 134 IV 266, c. 3.6.

ATF 6B_837/2009 et 6B_743/2009 du 8 mars 2010.

Voir les références dans Daniel Jositsch/Angelika Murer Mikolásek, Wenn polizeiliche Ermittler im Chatroom in Teufels Küche kommen ­ oder wie das Bundesgericht neue Probleme geschaffen hat, PJA 2011, 185, note de bas de page 46.

5170

qu'à la condition que des soupçons laissent présumer qu'une infraction «a été commise».

Vu le contexte, la commission estime que la nécessité de légiférer ne fait aucun doute. Il s'agira selon elle d'atteindre deux objectifs connexes: d'une part, comme le demande également l'auteur de l'initiative parlementaire, définir clairement dans le CPP les mesures d'investigation qualifiées d'«investigation secrète» (uniquement les mesures qui portent atteinte de manière non négligeable à la situation juridique de la personne visée) et, d'autre part, créer une base légale fondant les mesures d'investigation moins intrusives que des membres de la police non reconnaissables comme tels mènent pour entrer directement en contact avec des personnes cibles. La procédure pénale militaire du 23 mars 1979 (PPM)10 sera également modifiée en conséquence.

2.2

Réglementation proposée

2.2.1

La notion d'investigation secrète

La réglementation proposée décrit l'investigation secrète de manière plus limitée que la jurisprudence du Tribunal fédéral et réduit son champ d'application aux cas que le législateur avait l'intention de soumettre à la LFIS. Le projet prévoit également une base légale pour la forme moins intrusive, soit les recherches secrètes.

Dans la conception proposée, les investigations secrètes ont les caractéristiques suivantes:

10

­

Les agents infiltrés sont toujours munis d'une identité d'emprunt attestée par un titre. Les agents affectés aux recherches secrètes, bien que dissimulant ­ ou ne divulguant pas ­ leur identité ou leur fonction véritables, ne se servent que de formes simples de mensonge ou de tromperie (ils font par ex. de fausses déclarations sur leur sexe, leur âge et leur domicile et utilisent un pseudonyme sur les sites de chat).

­

L'investigation secrète s'étend habituellement sur la durée (en règle générale sur plusieurs mois), pour permettre une infiltration du milieu criminel et l'instauration d'une relation de confiance véritable avec la personne visée grâce à l'établissement de contacts ciblés et actifs. Les recherches secrètes s'inscrivent quant à elles dans le cadre d'interventions de courte durée (par ex. achats fantômes de drogue auprès de petits trafiquants), les agents qui y sont affectés n'instaurant pas de relation de confiance avec les personnes cibles.

­

L'agent infiltré peut être un membre d'un corps de police, ou, dans des cas spécifiques, un particulier (art. 287, al. 1, let. b, CPP et art. 73b, al. 1, let. b, PPM). Les recherches secrètes sont quant à elle l'apanage de la police.

­

Si le tribunal des mesures de contrainte (ou le président du Tribunal militaire de cassation) donne son approbation, le ministère public (ou le juge d'instruction) peut garantir aux agents infiltrés que leur identité véritable ne sera pas révélée au cours de la procédure, pas même après leur mission (notamment s'ils sont auditionnés en tant que témoins). Cette mesure resRS 322.1

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treint les droits de défense de l'accusé. Les agents affectés aux recherches secrètes apparaissent sous leur identité véritable dans le cadre de la procédure une fois l'intervention terminée et peuvent être confrontés à l'accusé.

2.2.2

Réglementation des recherches secrètes

La réglementation proposée par la commission crée des dispositions sur les recherches secrètes analogues à celles des art. 282 s. CPP, dans la mesure où ces recherches se rapprochent de l'observation. Contrairement à l'investigation secrète, les recherches secrètes ne nécessitent pas l'autorisation du juge. Tout comme l'observation, elles seront ordonnées par la police et devront recueillir l'autorisation du ministère public (ou, dans le cas de la procédure pénale militaire, du juge d'instruction) dans un délai d'un mois. Il serait illogique que le juge doive autoriser également les recherches secrètes, car l'atteinte à la situation juridique de la personne visée est bien inférieure en matière de recherches secrètes que d'investigation secrète. Il en résulterait en outre des difficultés pratiques.

La commission rappelle que les dispositions proposées concernent uniquement les cas où il existe des soupçons d'infraction. Il suffit que ces soupçons soient vagues11.

Or il existe de nombreux cas, dont ceux où les policiers participent à des conversations dans les «chatrooms» pour prévenir la commission d'infractions sexuelles sur des enfants, ou encore ceux où des achats-tests d'alcool sont effectués, où il n'y a pas encore de soupçons concrets. Les mesures secrètes déployées ne peuvent donc pas s'appuyer sur les dispositions proposées. La Confédération ne pourrait pas édicter les bases légales nécessaires, car il ne s'agit pas de mesures relevant du droit de la procédure pénale, pour lesquelles elle serait autorisée à légiférer en vertu de l'art. 123, al. 1. de la Constitution fédérale (Cst.)12. Il s'agit de mesures antérieures à l'ouverture de la procédure pénale, qui servent à prévenir ou à révéler une infraction potentielle. Les bases légales nécessaires doivent s'inscrire dans la législation policière cantonale. Les compétences législatives dont dispose la Confédération en matière de droit policier sont en effet purement ponctuelles et inappropriées en rapport avec la présente thématique13. Il existe déjà une situation semblable dans le droit de la procédure pénale: l'observation, qui présente certaines similitudes avec les recherches secrètes, n'est réglée dans le CPP que dans la mesure où il s'agit d'élucider une infraction déjà commise. L'art. 282, al. 1, let. a, CPP ne permet d'ordonner une
observation qu'à la condition qu'il existe «des indices concrets laissant présumer que des crimes ou des délits ont été commis». Si une observation a pour objectif de prévenir ou de révéler des infractions qui pourraient être commises, elle ne peut se fonder sur les art. 282 s. CPP, mais nécessite, selon une doctrine

11 12 13

Nathan Landshut, in: Donatsch/Hansjakob/Lieber (Hrsg.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich/Bâle/Genève 2010, no 26 ad. art. 309.

RS 101 Cf. l'avis exprimé par le Conseil fédéral en réponse à la motion Schmid-Federer 08.3841 «Investigations secrètes avant l'ouverture d'une procédure pénale».

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unanime14, une base légale dans le droit policier. Sept cantons15 se sont dotés des bases légales nécessaires aux recherches secrètes. Dans neuf autres cantons16 les travaux législatifs en la matière sont en cours ou en préparation. Il convient de veiller à l'harmonisation des dispositions du CPP et des législations policières cantonales afin d'éviter les difficultés lors de l'exploitation dans le cadre de la procédure pénale des informations obtenues grâce à des mesures policières préventives. C'est pourquoi la commission a coordonné ses travaux avec ceux de la CCDJP, qui a élaboré un modèle de réglementation à l'intention des cantons.

2.2.3

Résultats de la procédure de consultation17

L'avant-projet a été mis en consultation du 30 mai 2011 au 16 septembre 2011. Au total, 25 cantons, six partis politiques, trois tribunaux, 21 organisations et institutions ainsi qu'un particulier ont pris position sur la question. Sept participants ont entièrement approuvé l'avant-projet. Quant à la plupart des participants, s'ils ont globalement approuvé le texte, ils ont contesté certaines dispositions ou au moins émis des réserves. L'impossibilité pour les agents affectés aux recherches secrètes d'utiliser une identité d'emprunt, la divulgation de leur véritable identité et la limitation des recherches secrètes aux seuls policiers ont en particulier fait l'objet de critiques. Plusieurs participants souhaitaient en outre que certaines mesures secrètes préventives fassent l'objet d'une réglementation au niveau fédéral. Par ailleurs, il a été souligné qu'il était également nécessaire de modifier la PPM en conséquence.

Enfin, cinq participants ont expressément rejeté le projet.

14

15 16 17

Annegret Katzenstein, in: Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung. Jugendstrafprozessordnung, Bâle 2011, no 12 ad. art. 282 (avec une référence au refus du Parlement d'étendre cette disposition aux infractions qui pourraient être commises); Thomas Hansjakob, in: Donatsch/Hansjakob/Lieber (éd.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), Zurich/Bâle/Genève 2010, no 6 ad. art. 282; Franz Riklin, StPO Kommentar, Zurich 2010, no 4 ad. art. 282; Niklaus Schmid, Schweizerische Strafprozessordnung Praxiskommentar, Zurich/St-Gall 2009, no 2 ad. art. 282; Beat Rhyner/Dieter Stüssi, in: Albertini/Fehr/Voser (éd.), Polizeiliche Ermittlung. Ein Handbuch der Vereinigung der Schweizerischen Kriminalpolizeichefs zum polizeilichen Ermittlungsverfahren gemäss der Schweizerischen Strafprozessordnung, Zurich 2008, p. 473; Edy Meli, in: Bernasconi/Galliani/Marcellini/Meli/Mini/ Noseda (éd.), Codice svizzzero di procedura penale (CPP). Commentario, Zurich/St-Gall 2010, no 2 ad. art. 282; Olivier Guéniat/Frédéric Hainard, in: Kuhn/Jeanneret (éd.), Commentaire romand. Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, no 2 ad. art. 282.

AG, BE, OW, SZ, TG (pas encore en vigueur), UR, ZG BL, BS, GL, LU, SG, SO, SH, VD, ZH Une synthèse plus complète des résultats de la procédure de consultation peut être téléchargée à l'adresse suivante: www.parlament.ch/f/dokumentation/berichte/ vernehmlassungen/08-458/Documents/vernehmlassungsergebnisse-08-458-dezember2011-f.pdf

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3

Commentaire des dispositions

3.1

Investigation secrète

Art. 285a (nouveau) P CPP et art. 73 P PPM

Définition

Ces dispositions vont plus loin que l'art. 1 LFIS, simple description du but de l'investigation secrète. La définition proposée resserre le cadre fixé par le Tribunal fédéral et limite l'investigation secrète aux cas que la LFIS était censée régler.

L'investigation secrète a pour but d'infiltrer un milieu criminel et d'instaurer une relation de confiance avec la personne visée. Les agents infiltrés sont pour ce faire munis d'une fausse identité attestée par un titre (document d'identité, carte de crédit, etc.). Contrairement au droit en vigueur, l'identité d'emprunt est considérée comme un élément définitoire de l'investigation secrète; cela n'aura pas de répercussions importantes dans la pratique puisqu'à l'heure actuelle, les agents infiltrés sont régulièrement munis d'une identité d'emprunt.

Comme dans le droit en vigueur, l'investigation secrète vise à élucider des infractions particulièrement graves.

Art. 288, al. 1 et 2, P CPP et art. 73c, al. 1 et 2, P PPM L'al. 1 est modifié pour tenir compte du fait que les agents infiltrés seront désormais toujours munis d'une identité d'emprunt. Le remplacement du ministère public ou du juge d'instruction par la police en tant qu'autorité munissant les agents infiltrés d'une identité d'emprunt est une adaptation de la situation juridique à la pratique.

La modification de l'al. 2 est de nature purement rédactionnelle.

3.2

Recherches secrètes

Du fait que l'on donne une définition plus étroite de l'investigation secrète, il y a un vide législatif concernant les mesures moins intrusives, au cours desquelles les membres d'un corps de police entrent en contact avec des personnes cibles sans révéler leur identité ni leur fonction véritables. Ces mesures seront réglées dans une nouvelle section sous le nom de recherches secrètes.

Art. 298a (nouveau) P CPP et art. 73o (nouveau) P PPM

Définition

Tout comme les art. 285a P CPP et 73 P PPM définissent l'investigation secrète, deux articles à part entière, les art. 298a P CPP et 73o P PPM, définissent les recherches secrètes. Leurs caractéristiques sont les suivantes: ­

Les recherches secrètes sont en règle générale de courte durée. Mais puisque l'on ne saurait exclure qu'elles durent un certain temps, l'art. 298b, al. 2, P CPP et l'art. 73p, al. 2, P PPM exigent l'autorisation du ministère public ou du juge d'instruction après un mois.

­

Contrairement à l'investigation secrète, les recherches secrètes sont l'apanage des policiers. La police ordonne elle-même les recherches secrètes sans avoir besoin d'une autorisation du juge. S'il était possible de recourir à des particuliers, il n'y aurait pas d'instance indépendante pour vérifier leur apti-

5174

tude. La police devrait décider seule qui elle peut affecter aux recherches secrètes. Comme il ne s'agit pas d'une simple observation et que les personnes affectées aux recherches secrètes entrent directement en contact avec des personnes cibles, une telle réglementation paraîtrait problématique.

­

Le recours aux recherches secrètes n'est pas limité à certaines infractions comme c'est le cas pour l'investigation secrète, mais s'étend à tous les crimes et délits. Les recherches secrètes ne sont pas autorisées toutefois en cas de simples contraventions, du fait que l'observation, moins intrusive que les recherches secrètes, est réservée aux crimes et aux délits (art. 282, al. 1, let. a, CPP).

L'al. 2 met en exergue deux différences majeures entre les recherches secrètes et l'investigation secrète: d'une part, les agents affectés aux recherches secrètes ne sont jamais munis d'une fausse identité attestée par un titre (identité d'emprunt) et, d'autre part, après l'intervention, leur identité véritable est révélée dans la procédure. De ce fait, l'intensité de l'atteinte à la situation juridique de la personne visée est bien moins forte qu'en cas d'investigation secrète: sans identité d'emprunt, l'intensité de la tromperie est moins élevée; puisque le nom de l'agent affecté aux recherches secrètes est révélé dans la procédure, les droits de défense de l'accusé ne subissent aucune limitation.

La commission souligne que les mesures de protection visées aux art. 149 ss CPP s'appliquent également aux personnes affectées aux recherches secrètes.

Art. 298b (nouveau) P CPP et art. 73p (nouveau) P PPM

Conditions

Ces dispositions correspondent en grande partie à celle sur l'observation (art. 282 CPP), à la différence près qu'il faut des «soupçons» pour fonder des recherches secrètes alors qu'il ne faut que des «indices concrets» pour fonder une observation (art. 282, al. 1, let. a, CPP). La raison en est que les recherches secrètes sont plus intrusives que l'observation. Les agents affectés aux recherches secrètes ne se contentent pas d'observer la personne visée mais l'induisent en erreur en communiquant avec elle.

L'al. 1, let. a exige que des soupçons laissent présumer qu'un crime ou un délit a été commis. Cette formulation exclut le recours aux recherches secrètes dans le but de prévenir ou de révéler des infractions potentielles (parce qu'une telle mesure relèverait du droit policier), mais n'implique pas pour autant que l'infraction ait déjà été menée à son terme. L'al. 1, let. a peut donc fonder des recherches secrètes même s'il n'existe que des soupçons qu'une infraction est en cours.

Une minorité de la commission (Rickli Natalie, Fehr Hans, Jositsch, Kaufmann, Lehmann, Neirynck, Nidegger) estime qu'il faudrait inscrire les recherches secrètes préventives dans le droit fédéral sur le modèle de l'art. 4, al. 1, let. a, LFIS (loi abrogée avec l'entrée en vigueur du CPP). Ainsi, toute la Suisse appliquerait les mêmes règles en la matière. Pour sa part, la majorité de la commission rejette cette proposition, rappelant que la Confédération n'a pas la compétence législative nécessaire et que les cantons ont entamé, voir terminé, des travaux dans ce domaine18.

L'al. 1, let. b reprend la clause de subsidiarité inscrite à l'art. 286, al. 1, let. c, CPP et à l'art. 73a, al. 1, let. c, PPM.

18

Cf. aussi ch. 2.2.2

5175

Al. 2: Si les recherches secrètes prennent en règle générale la forme d'interventions de courte durée, il n'est pas nécessaire pour autant de fixer une limite temporelle puisque l'atteinte à la situation juridique de la personne visée n'est pas trop sévère et que les recherches secrètes ne sont permises qu'en cas de soupçons. Toutefois, la police doit faire autoriser les recherches secrètes par le ministère public ou par le juge d'instruction un mois après les avoir ordonnées dans le cadre d'une investigation policière au sens des art. 306 s. CPP, pour qu'elles ne se prolongent pas indéfiniment. Cette disposition est analogue à celle sur l'observation (art. 282, al. 2, CPP).

Art. 298c (nouveau) P CPP et art. 73q (nouveau) P PPM

Qualités requises de l'agent affecté aux recherches secrètes et modalités d'exécution

Les qualités requises de l'agent sont les mêmes que pour l'investigation secrète (art. 287 CPP et art. 73b PPM), à la différence que seuls les membres d'un corps de police peuvent effectuer des recherches secrètes.

Art. 298d (nouveau) P CPP et art. 73r (nouveau) P PPM

Fin des recherches et communication

Ces dispositions sont identiques sur le fond aux dispositions correspondantes sur l'investigation secrète (art. 297 CPP et art. 73l PPM). Seules différences, les recherches secrètes ne doivent être autorisées ni par le tribunal des mesures de contrainte, ni par le président du Tribunal militaire de cassation, mais tout au plus par le ministère public ou par le juge d'instruction, et que seuls des membres de la police et non des particuliers peuvent les mener.

4

Conséquences

Les modifications proposées n'ont aucune conséquence en matière de finances et de personnel.

5

Constitutionnalité

Les recherches secrètes comme l'investigation secrète sont des mesures d'enquêter sur des soupçons relatifs à une infraction commise, soit des mesures relevant de la procédure pénale et non de la police. La Confédération est habilitée à édicter les modifications nécessaires en se fondant sur ses compétences législatives en matière de procédure pénale (art. 123, al. 1, Cst.). En outre, en vertu de l'art. 60 Cst., la législation en matière de procédure pénale militaire relève de la compétence de la Confédération.

5176