12.056 Message relatif à l'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple» du 16 mai 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple» en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

16 mai 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-1820

5231

Condensé L'élection du Conseil fédéral par le peuple présenterait des avantages, mais aussi toute une série d'inconvénients et d'impondérables pour le système politique dans son ensemble. L'élection du Conseil fédéral par l'Assemblée fédérale est un système qui a fait ses preuves depuis de très longues années. Il n'y a donc pas lieu de changer la répartition des compétences. Le Conseil fédéral propose à l'Assemblée fédérale de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons sans lui opposer de contre-projet, en leur recommandant de la rejeter.

L'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple» a été déposée le 7 juillet 2011, munie de 108 826 signatures valables. Elle demande que le Conseil fédéral ne soit plus élu par l'Assemblée fédérale, mais par le peuple, au scrutin majoritaire et parallèlement au renouvellement du Conseil national. Elle prévoit de garantir deux sièges au Conseil fédéral pour les minorités francophone et italophone et de laisser au Conseil fédéral plutôt qu'à l'Assemblée fédérale le soin d'élire le président de la Confédération.

Si l'initiative était acceptée, le peuple obtiendrait un droit politique supplémentaire.

Comme l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral serait élu par le peuple et jouirait de ce fait d'une légitimité accrue. Les élections au Conseil fédéral constitueraient l'occasion d'animer un débat national sur l'avenir de la politique gouvernementale.

Cela pourrait stimuler la démocratie représentative, l'élection du Conseil national et du Conseil des Etats y compris. L'investissement supplémentaire que représenterait une élection par le peuple pourrait rendre les départs anticipés plus rares, et ainsi accroître la stabilité du Conseil fédéral. Enfin, l'élection du Conseil fédéral deviendrait plus transparente, au moins de prime abord.

Mais les inconvénients ne manquent pas: ­

Le Conseil fédéral in corpore ne serait plus au-dessus de la mêlée, car ses membres seraient plus qu'aujourd'hui considérés comme des représentants de leurs partis respectifs. Leur rôle de conseillers fédéraux et de chefs de département se confondrait avec leur nouvelle fonction de porte-étendard de leur parti, de candidat et de moteur pour les élections. Ils devraient plus qu'aujourd'hui collaborer avec les médias en vue de leur réélection. Il faudrait observer comment pourrait s'appliquer le principe de la collégialité dans cette nouvelle configuration.

­

Certes le Conseil fédéral aurait plus de légitimité démocratique. Toutefois l'Assemblée fédérale se trouverait dans le même temps dépourvue d'une compétence majeure et serait affaiblie dans l'exercice de ses tâches.

L'équilibre des pouvoirs s'en trouverait affecté. Des conflits de compétences stériles risqueraient d'éclater, avant tout en cas de majorités partisanes différentes au Conseil fédéral et à l'Assemblée fédérale, et de présence de personnalités populistes au sein du collège gouvernemental. Dans ces cas-là, les blocages pourraient se multiplier, et certains projets du Conseil fédéral risqueraient l'échec au Parlement.

5232

­

La procédure proposée perturberait l'équilibre entre cantons puisque, contrairement à aujourd'hui, le système préconisé favoriserait ceux qui sont fortement peuplés. Les villes et les agglomérations seraient légèrement favorisées par rapport aux zones rurales. Il n'y aurait plus d'obligation de veiller à ce que les régions soient équitablement représentées. Il serait plus difficile qu'aujourd'hui de faire en sorte que les personnes élues répondent à plusieurs critères (parti, appartenance linguistique, région, sexe).

­

Les partis nationaux devraient assumer de nouvelles tâches de sélection des candidats et d'organisation de la campagne électorale. Ils gagneraient en influence à moyen terme par rapport aux sections cantonales. Il pourrait en résulter une dynamique centralisatrice et une dépendance financière accrue des partis vis-à-vis de leurs membres, de riches particuliers, d'entreprises ou de lobbies.

­

Les conseillers fédéraux seraient très pris par la campagne électorale durant la deuxième partie de la législature. En comparaison avec les conseillers d'Etats, qui doivent aussi se faire réélire, les conseillers fédéraux sont aujourd'hui déjà bien plus chargés (séances de commissions, débats au plénum des deux chambres, rencontres avec d'autres ministres, contacts bilatéraux et multilatéraux). S'ils devaient mener campagne, ils atteindraient sans doute leurs limites. Il pourrait en résulter des conséquences fâcheuses en cas de crise.

­

Le quota de deux conseillers fédéraux prévu pour la Suisse latine, bien que partant d'une bonne intention, est inutile et contre-productif. Il serait difficile pour les électeurs de comprendre comment le résultat des conseillers élus grâce à la règle du quota aurait été calculé. La Confédération devrait édicter des dispositions d'exécution pour définir comment les cantons bilingues devraient procéder pour déterminer les aires géographiques à prendre en compte pour les francophones et italophones. La protection dont jouiraient ces deux communautés linguistiques serait toute relative. La réglementation prévue serait défavorable à la bonne entente entre les communautés linguistiques puisqu'elle ne prendrait pas en compte les régions romanches et qu'elle mettrait les régions francophones et italophones en concurrence. Le canton du Tessin et les régions italophones du canton des Grisons seraient défavorisés en raison de leur faible poids démographique.

Il apparaît que le problème que l'initiative populaire vise à résoudre n'en est en réalité pas un. L'élection des conseillers fédéraux par l'Assemblée fédérale a fait la preuve de son efficacité. Le collège gouvernemental élu par le Parlement, dans lequel les femmes ont leur place depuis 1984, représente les principaux partis, régions et groupes linguistiques, jouit d'une reconnaissance au sein de la population, a vaincu au fil des ans les écueils des guerres et des crises économiques, entre autres menaces, et a su relever de nouveaux défis, tels que la construction européenne et la mondialisation. Il est dès lors difficile de comprendre pourquoi il faudrait modifier un système qui a fait ses preuves.

5233

Le Conseil fédéral renonce à opposer un contre-projet à l'initiative. Aucune des solutions envisagées pour répondre aux préoccupations essentielles de l'initiative ne permettrait de pallier les inconvénients liés à une élection par le peuple du Conseil fédéral. Des propositions de réforme globale dépasseraient le cadre de l'initiative; l'Assemblée fédérale a de plus déjà examiné à plusieurs reprises certaines réformes ponctuelles, mais les a rejetées en raison des inconvénients qu'elles présentaient.

Le Conseil fédéral propose à l'Assemblée fédérale de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons sans lui opposer de contre-projet et en leur recommandant de la rejeter.

5234

Table des matières Condensé

5232

1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

5237 5237 5238 5239

2 Contexte 2.1 Procédure actuelle d'élection des membres du Conseil fédéral et du président de la Confédération 2.2 Appartenance partisane des membres du Conseil fédéral 2.3 Origine linguistique et géographique des membres du Conseil fédéral 2.4 Répartition entre hommes et femmes au sein du Conseil fédéral 2.5 Critères multiples pour l'élection du Conseil fédéral 2.6 Tentatives précédentes de révision de la procédure d'élection du Conseil fédéral

5239

3 Buts et contenu 3.1 Buts visés 3.2 Dispositif proposé 3.3 Commentaire du texte de l'initiative 3.3.1 Art. 136, al. 2 3.3.2 Art. 168, al. 1 3.3.3 Art. 175, al. 2 3.3.4 Art. 175, al. 3 3.3.5 Art. 175, al. 4 3.3.6 Art. 175, al. 5 et 6 3.3.7 Art. 175, al. 7 3.3.8 Art. 176, al. 2

5246 5246 5247 5248 5248 5248 5248 5248 5249 5249 5252 5253

4 Appréciation de l'initiative 4.1 Revendications de l'initiative 4.2 Conséquences en cas d'acceptation 4.2.1 Un nouveau système d'élection du Conseil fédéral 4.2.2 Aspects de droit comparé du système proposé 4.2.3 Sélection des candidats et campagne électorale 4.2.4 Probabilité d'un deuxième tour 4.2.5 Probabilité de vacances au Conseil fédéral et délais prévisibles pour les élections de remplacement 4.2.6 Majorités politiques différentes à l'Assemblée fédérale et au Conseil fédéral 4.2.7 Investissement des conseillers sortants dans la campagne et chances d'être réélus 4.2.8 Intérêts des partis et projets du gouvernement 4.2.9 Principe de la collégialité et exposition aux médias 4.2.10 Rapports entre le Conseil fédéral et l'administration fédérale

5253 5253 5254 5254 5254 5256 5257

5239 5240 5241 5242 5243 5243

5258 5259 5260 5261 5262 5262 5235

4.2.11 Equilibre des pouvoirs entre Conseil fédéral et Assemblée fédérale 4.2.12 Représentation des langues latines au Conseil fédéral 4.2.13 Equilibre confédéral 4.2.14 Election du président de la Confédération et du vice-président du Conseil fédéral 4.2.15 Questions ouvertes concernant l'entrée en vigueur et droit transitoire 4.2.16 Conséquences financières 4.3 Avantages et inconvénients 4.4 Bilan

5263 5264 5267 5268 5269 5269 5270 5272

5 Pas de contre-projet direct ni indirect

5273

6 Conclusions

5275

Bibliographie

5276

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple» (projet)

5279

5236

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte

L'initiative populaire vise à modifier comme suit la Constitution fédérale (Cst.)1 en vigueur: Articles constitutionnels en vigueur

Texte de l'initiative

Art. 136, al. 2 Droits politiques 2 Ils peuvent prendre part à l'élection du Conseil national et aux votations fédérales et lancer et signer des initiatives populaires et des demandes de référendum en matière fédérale.

Art. 136, al. 2 Droits politiques 2 Ils peuvent prendre part à l'élection du Conseil fédéral, à l'élection du Conseil national et aux votations fédérales, lancer des initiatives populaires et des demandes de référendum en matière fédérale et les signer.

Art. 168, al. 1 Elections 1 L'Assemblée fédérale élit les membres du Conseil fédéral, le chancelier ou la chancelière de la Confédération, les juges au Tribunal fédéral et le général.

Art. 168, al. 1 Elections 1 L'Assemblée fédérale élit le chancelier ou la chancelière de la Confédération, les juges au Tribunal fédéral et le général.

Art. 175, al. 2 à 4 Composition et élection 2 Les membres du Conseil fédéral sont élus par l'Assemblée fédérale après chaque renouvellement intégral du Conseil national.

3 Ils sont nommés pour quatre ans et choisis parmi les citoyens et citoyennes suisses éligibles au Conseil national.

4 Les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées au Conseil fédéral.

Art. 175, al. 2 à 7 Composition et élection 2 Les membres du Conseil fédéral sont élus par le peuple au suffrage direct selon le système majoritaire. Ils sont choisis parmi les citoyens et citoyennes suisses éligibles au Conseil national.

3 Le Conseil fédéral est renouvelé intégralement tous les quatre ans, en même temps que le Conseil national. Les sièges vacants sont pourvus au moyen d'une élection de remplacement.

4 La Suisse forme une seule circonscription électorale. Les candidats qui obtiennent la majorité absolue sont élus au premier tour.

Celle-ci se calcule en divisant le nombre de suffrages valables obtenus par l'ensemble des candidats par le nombre de sièges à pourvoir, puis en divisant le quotient par deux; la majorité absolue est égale à l'entier supérieur.

Si un nombre insuffisant de candidats est élu, un deuxième tour est organisé. Celui-ci se déroule à la majorité simple. En cas d'égalité des voix, les candidats sont départagés par tirage au sort.

5 Le Conseil fédéral doit être composé d'au moins deux citoyens domiciliés dans les cantons du Tessin, de Vaud, de Neuchâtel, de Genève ou du Jura, dans les régions franco-

1

RS 101

5237

Articles constitutionnels en vigueur

Texte de l'initiative

phones du canton de Berne, de Fribourg ou du Valais ou dans les régions italophones du canton des Grisons.

6 Si la composition du Conseil fédéral issue des urnes selon les règles de l'al. 4 ne respecte pas la règle visée à l'al. 5, les candidats domiciliés dans les cantons et les régions visés à l'al. 5 qui ont obtenu la moyenne géométrique la plus élevée sur la base des suffrages obtenus dans l'ensemble de la Suisse, d'une part, et dans les cantons et les régions visés à l'al. 5, d'autre part, sont élus.

Les candidats élus aux termes de l'al. 4 qui ne sont pas domiciliés dans les cantons et les régions visés à l'al. 5 et qui ont obtenu le moins de voix sont éliminés.

7 La loi règle les modalités.

Art. 176, al. 2 Présidence 2 L'Assemblée fédérale élit pour un an un des membres du Conseil fédéral à la présidence de la Confédération et un autre à la viceprésidence du Conseil fédéral.

1.2

Art. 176, al. 2 Présidence 2 Le Conseil fédéral élit pour un an un de ses membres à la présidence de la Confédération et un autre de ses membres à la viceprésidence du Conseil fédéral.

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 12 janvier 20102 et a été déposée le 7 juillet 2011 avec le nombre de signatures requis.

Par décision du 23 août 2011, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 108 826 signatures valables et qu'elle avait donc abouti.3 L'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple» vise une modification partielle de la Constitution et est présentée sous la forme d'un projet rédigé.

Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, le Conseil fédéral avait jusqu'au 7 juillet 2012 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Conformément à l'art. 100 LParl, l'Assemblée fédérale a jusqu'au 7 janvier 2014 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

2 3 4

FF 2010 269 FF 2011 6085 RS 171.10

5238

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, Cst.: a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international, puisqu'elle ne contrevient à aucune d'elles.

En conséquence, l'initiative doit être déclarée valable.

2

Contexte

2.1

Procédure actuelle d'élection des membres du Conseil fédéral et du président de la Confédération

Les sept membres du Conseil fédéral sont élus par les Chambres fédérales réunies après chaque renouvellement intégral du Conseil national (art. 175, al. 1 et 2, Cst.), c'est-à-dire lors de la première session d'hiver du Conseil national nouvellement élu.

En cas de vacance (par ex. en raison d'un retrait anticipé ou d'un décès), l'élection a lieu en principe lors de la session qui suit la réception de la lettre de démission, la survenance d'une vacance imprévue ou la constatation de l'incapacité à exercer la fonction (art. 133 LParl). Lors d'un renouvellement intégral ou en cas de vacances multiples, les sièges sont repourvus un à un, par ordre d'ancienneté des titulaires précédents (art. 132, al. 2, LParl).

Sont élus les candidats qui obtiennent la majorité absolue. Les bulletins blancs et les bulletins nuls ne sont pas pris en compte dans le calcul de la majorité absolue (art. 130, al. 3, LParl). Lorsque personne n'obtient la majorité absolue au premier tour de scrutin, d'autres tours ont lieu. Lors des deux premiers tours de scrutin, toute personne éligible peut être élue (art. 132, al. 3, 1re phrase, LParl), mais, dès le troisième tour, aucune nouvelle candidature n'est admise. Est éliminé, à partir du deuxième tour de scrutin, toute personne candidate qui obtient moins de dix voix, et, à partir du troisième tour, la personne qui obtient le moins de voix, sauf si ces voix se répartissent de façon égale sur plusieurs candidats (art. 132, al. 4, LParl).

En principe, tous les citoyens suisses disposant du droit de vote sont éligibles (art. 175, al. 3, en relation avec les art. 143 et 136, al. 1, Cst.).

Lors d'un renouvellement, les membres du Conseil fédéral sont élus pour toute la durée de la législature, et, en cas de vacance, jusqu'à la fin de la législature en cours.

Il n'existe aucune procédure de destitution5. Néanmoins, avant tout en cas de maladie grave, l'Assemblée fédérale peut constater l'incapacité d'un membre du Conseil fédéral à exercer sa fonction et déclencher la procédure applicable en cas de vacance 5

Toutefois, sous la pression politique ou sous celle des médias et du public, plusieurs membres du Conseil fédéral se sont retirés, notamment les conseillers fédéraux Hoffmann en 1917, Pilet-Golaz en 1944 et Chaudet en 1966, de même que la conseillère fédérale Kopp en 1989 (cf. Altermatt 1991: 88 à 91).

5239

(art. 140a LParl). Depuis le 5 décembre 2011, l'Assemblée fédérale peut, lorsque des membres d'autorités ou des magistrats élus par l'Assemblée fédérale se rendent coupables d'infractions en rapport direct avec leur activité ou situation officielle, décider de leur suspension provisoire sur proposition des commissions compétentes des deux Chambres (art. 14 de la loi du 14 mars 1958 sur la responsabilité; LRCF6).

La durée de fonction des membres du Conseil fédéral n'est pas limitée.

L'élection du président de la Confédération incombe également à l'Assemblée fédérale, de même que celle du vice-président (art. 176, al. 2, Cst.; cf. les précisions au ch. 4.2.14).

Pour l'élection du Conseil fédéral, la clause des cantons est restée en vigueur jusqu'au 7 février 1999: il ne pouvait y avoir deux membres du Conseil fédéral issus du même canton (art. 96, al. 1, 2e phrase, de la Constitution fédérale du 29 mai 18747 [aCst.]). Jusqu'en 1986, l'appartenance cantonale était déterminée par le lieu d'origine. Après la deuxième guerre mondiale, la mobilité croissante des personnes candidates a eu pour conséquence que, de plus en plus souvent, le canton de leur lieu d'origine n'était pas le même que celui où elles étaient domiciliées ou que celui où elles étaient enracinées et poursuivaient leur carrière politique. Dès 1986, on a ainsi tenu pour déterminant dans la mise en oeuvre de la clause des cantons le lieu de domicile de la personne candidate, et non plus son lieu d'origine. Cela a conduit certains candidats à transférer à court terme leur domicile dans un autre canton afin de pouvoir être élus au Conseil fédéral. Ce phénomène est une des raisons pour lesquelles la clause des cantons a été abrogée. Cette dernière a été remplacée en 1999 par l'actuel art. 175, al. 4, Cst., qui dispose à propos de la composition du Conseil fédéral que «les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées»8. Ainsi, l'Assemblée fédérale peut aujourd'hui mieux tenir compte des aptitudes des personnes candidates. A plus long terme, l'abolition de la clause cantonale devrait renforcer les chances des personnes issues des grands cantons et affaiblir celles des personnes issues des cantons de petite et de moyenne tailles.

A l'exception du remplacement de la clause cantonale par une disposition
constitutionnelle moins restrictive pour l'éligibilité des candidats, les règles formelles de l'élection du Conseil fédéral sont les mêmes depuis 1848. En revanche, le contexte, les règles informelles et l'appartenance partisane des membres du Conseil fédéral ont évolué.

2.2

Appartenance partisane des membres du Conseil fédéral

Après la fondation de l'Etat fédéral, le Conseil fédéral a longtemps été dominé par les radicaux-libéraux, qui disposaient de la majorité absolue à l'Assemblée fédérale.

L'opposition catholique-conservatrice était alors exclue du pouvoir (Altermatt 1991: 6 7 8

RS 170.32 Recueil systématique des lois et ordonnances 1848­1947, vol. 1: 32 Tandis que les versions française et italienne emploient les formulations «doivent être» et «devono essere», la version allemande utilise la formulation «Rücksicht nehmen». Les apparentes différences quant au degré de force contraignante résultent de considérations rédactionnelles.

5240

6 à 48). Il a fallu attendre l'année 1891 pour voir le premier catholique-conservateur rejoindre le Conseil fédéral en la personne de Josef Zemp, qui a remplacé le conseiller fédéral Welti, démissionnaire après le refus en votation populaire d'un objet important (le rachat des chemins de fer). En 1929, Rudolf Minger est devenu le premier conseiller fédéral membre du Parti des paysans, artisans et bourgeois (PAB).

Les socialistes, qui se renforçaient pourtant, sont longtemps restés exclus du gouvernement. Ce n'est qu'en 1943 que le premier représentant du parti socialiste, Ernst Nobs, a été élu au Conseil fédéral. En 1953, le conseiller fédéral socialiste Max Weber a créé la surprise en démissionnant de ses fonctions après le refus d'un objet financier, et les socialistes ont rejoint l'opposition. En 1959, quatre conseillers fédéraux ont démissionné simultanément, et l'ère de la formule magique a commencé: un Conseil fédéral composé de deux radicaux (PRD), de deux conservateurs chrétiens sociaux (aujourd'hui PDC), de deux socialistes (PSS) et d'un représentant du PAB (aujourd'hui UDC). La formule magique a été maintenue dans cette composition jusqu'en 2003. Entre 2003 et 2007, l'UDC, qui s'était renforcée, a occupé deux postes au détriment du PDC. Durant la législature qui a débuté en 2007, et après l'élection d'Eveline Widmer-Schlumpf à la place de Christoph Blocher, le Conseil fédéral a regroupé d'abord deux représentants du PSS, du PRD et de l'UDC, et une représentante du PDC; par la suite, les deux membres du Conseil fédéral issus de l'UDC ont rejoint les rangs du PBD nouvellement créé. A la fin de l'année 2008, le conseiller fédéral Samuel Schmid (PBD) a cédé sa place au conseiller fédéral Ueli Maurer (UDC). Depuis lors, le Conseil fédéral se compose de deux représentants du PSS et du PLR (anciennement PRD), et d'un représentant de l'UDC, du PDC et du PBD.

Durant les 163 années qui se sont écoulées depuis la fondation de l'Etat fédéral, et à l'exception d'une courte parenthèse, le Conseil fédéral a couvert au moins 60 % des partis représentés au Conseil national, et durant la moitié de cette période environ 80 % (Schwarz 2011: 33). Ce sont avant tout l'inclusion des catholiques-conservateurs en 1891 et celle des socialistes en 1943, puis en 1959, qui ont permis de renforcer la concordance.

2.3

Origine linguistique et géographique des membres du Conseil fédéral

Après la fondation de l'Etat fédéral, l'Assemblée fédérale n'a pas retenu le seul critère de l'appartenance partisane des membres du Conseil fédéral, mais toute une série d'autres caractéristiques. Ainsi, le premier Conseil fédéral était certes d'obédience entièrement radicale-démocratique, mais, eu égard au fait qu'il regroupait cinq Alémaniques (des cantons de ZH, BE, SO, AG et SG), un Romand (du canton de VD) et un Tessinois, il traduisait un certain équilibre entre les diverses régions du pays; seule la Suisse centrale n'était pas représentée, le parti radical-démocratique n'y disposant que de peu d'électeurs, sauf dans le canton de Lucerne. Pour l'élection du Conseil fédéral, l'Assemblée fédérale a durant toutes ces années tenu compte non seulement des aptitudes et de l'appartenance partisane des personnes candidates, mais encore de leur langue et de leur région d'origine.

5241

L'Assemblée fédérale a particulièrement mis l'accent sur une représentation adéquate des minorités linguistiques. Durant les 163 ans d'existence de l'Etat fédéral, le Conseil fédéral a réuni les représentants suivants: ­

durant cinq ans au total: un Romand et six Alémaniques;

­

durant 74 ans: deux Romands et cinq Alémaniques;

­

durant six ans: trois Romands et quatre Alémaniques;

­

durant 36 ans: un Tessinois, un Romand et cinq Alémaniques, et

­

durant 42 ans: un Tessinois, deux Romands et quatre Alémaniques.

On notera que depuis peu, en raison de leur mobilité accrue et de leurs connaissances linguistiques, il devient difficile d'attribuer sans équivoque certains membres du Conseil fédéral (Ruth Dreifuss et Joseph Deiss) à l'une ou l'autre des communautés linguistiques.

Pour ce qui est de l'origine cantonale des membres du gouvernement, on constate également une grande diversité. Les cantons les plus peuplés (ZH, BE, VD) ont eu la plupart du temps un (et jusqu'à l'abolition de la clause cantonale en 1999, un seul) représentant au Conseil fédéral. Les cantons d'Argovie, de Saint-Gall, de Lucerne, de Soleure, de Neuchâtel et du Tessin y ont également été bien représentés9. Presque tous les cantons ont eu au moins un représentant au Conseil fédéral (à l'exception de SH, UR, SZ, NW et JU). On retiendra à cet égard que, jusqu'en 1986, l'origine des membres du Conseil fédéral était définie par le canton d'origine, puis jusqu'en 1999 par le canton de domicile (cf. les considérations sur la clause cantonale au ch. 2.1).

2.4

Répartition entre hommes et femmes au sein du Conseil fédéral

Après l'introduction en Suisse du droit de vote des femmes en 1971, il a fallu attendre presque quatorze ans jusqu'à ce que la première femme, Elisabeth Kopp, soit élue au Conseil fédéral, le 2 octobre 1984. Après sa démission en janvier 1989, le Conseil fédéral n'a compté plus que des hommes jusqu'au 10 mars 1993, date à laquelle Ruth Dreifuss a été élue. Entre 2000 et 2003, de même qu'en 2006 et 2007, deux femmes ont siégé au Conseil fédéral, entre 2008 et l'automne 2010 trois, et même quatre de l'automne 2010 à la fin de 2011. Depuis 2012, le Conseil fédéral compte trois femmes parmi ses membres.

9

Le canton du Tessin n'est toutefois plus représenté au Conseil fédéral depuis treize ans (1999).

5242

2.5

Critères multiples pour l'élection du Conseil fédéral

Pour l'Assemblée fédérale, outre les deux critères formels (la région et la communauté linguistique10), d'autres caractéristiques informelles jouent actuellement un rôle pour l'élection au Conseil fédéral11: ­

l'expérience acquise (notamment en qualité de membre de l'Assemblée fédérale ou d'un gouvernement cantonal) et les aptitudes personnelles pour une élection dans un organe collégial;

­

l'appartenance partisane, et

­

le sexe.

Lors des scrutins destinés au remplacement d'un membre du Conseil fédéral, l'Assemblée fédérale tente de tenir compte autant que faire se peut de tous les critères. Il existe une certaine tension entre ces derniers. Notamment, en cas de vacance unique, le cercle des personnes aptes à occuper le poste est souvent restreint si l'on veut tenir compte à la fois de l'appartenance partisane souhaitable et de l'origine géographique, voire du sexe.

2.6

Tentatives précédentes de révision de la procédure d'élection du Conseil fédéral

La procédure d'élection du Conseil fédéral a fait l'objet de plusieurs initiatives populaires et interventions parlementaires.

L'élection du Conseil fédéral par le peuple a été discutée dans la perspective de la création de l'Etat fédéral et rejetée à une courte majorité (Commission de révision 1847: 68). Dans le cadre de la révision de la Constitution de 1872, l'élection du Conseil fédéral par le peuple a été proposée au Conseil national, mais encore une fois rejetée, nettement cette fois-ci (Krebs 1968: 74).

En 1898, la Société suisse du Grütli, groupement proche des socialistes de l'époque12, a déposé une initiative populaire fédérale «Election du Conseil fédéral par le peuple et augmentation du nombre des membres de cette autorité»13.

L'initiative prévoyait une augmentation du nombre des membres du Conseil fédéral de sept à neuf, leur élection par le peuple et une clause imposant la présence d'au moins deux membres issus de Suisse «romane» (latine). Le peuple (par 65 % des voix) et quatorze cantons ont refusé l'initiative le 4 novembre 190014.

En 1939, le Parti socialiste suisse a déposé une initiative populaire fédérale «Election du Conseil fédéral par le peuple et augmentation du nombre des membres». De manière semblable à la précédente, l'initiative proposait de relever le nombre des 10

11

12 13 14

Il convient de relever que les termes utilisés dans les textes français («communauté linguistique») et italien («componenti linguistiche») de l'art. 175, al. 4, Cst. sont légèrement différents du terme employé dans le texte allemand («Sprachregion»).

Le critère confessionnel, particulièrement important lors du Kulturkampf (premières décennies ayant suivi l'année 1848), a perdu depuis longtemps de son importance et n'est plus guère pertinent.

La Société suisse du Grütli a fusionné en 1901 avec le Parti socialiste suisse. Elle a été formellement dissoute en 1925.

FF 1899 IV 906 FF 1900 IV 920

5243

membres du Conseil fédéral de sept à neuf, leur élection par le peuple et une clause relative aux communautés linguistiques (au moins trois membres issus des régions francophones, italophones et romanches, et au moins cinq membres issus des régions germanophones). De plus, les personnes candidates devaient réunir sur leur nom 30 000 signatures de citoyens disposant du droit de vote15. L'initiative a été refusée le 25 janvier 1942 par 67,6 % des votants et par tous les cantons16. Quelque deux ans plus tard, le 15 décembre 1943, et suite au rapprochement des partis durant la Seconde Guerre mondiale, le premier socialiste a été élu au Conseil fédéral en la personne d'Ernst Nobs, de sorte que l'une des revendications implicites de l'initiative s'en est trouvée satisfaite.

On remarquera que les deux initiatives populaires évoquées, de même que la présente initiative, ont été lancées par des groupements ou des partis qui, au moment du lancement de l'initiative, n'étaient pas représentés au sein du Conseil fédéral (initiatives populaires fédérales de la Société suisse du Grütli de 1898 et du Parti socialiste suisse de 1939), ou n'y étaient ou n'y sont qu'insuffisamment représentés au regard de leur poids dans l'électorat (initiative actuelle de l'UDC). Les tentatives de modification du système d'élection du Conseil fédéral ont été et sont toujours liées à la revendication d'une meilleure représentation au sein du Conseil fédéral. Il faut toutefois distinguer l'aspect politique et l'aspect institutionnel de l'élection du Conseil fédéral par le peuple: cette dernière peut très bien favoriser un parti ou un groupement spécifique d'un côté, et avoir des effets négatifs pour les institutions politiques de l'autre, ou l'inverse (cf. l'analyse des conséquences au ch. 4.2).

Durant les 20 années écoulées, trois initiatives parlementaires ont été déposées auprès de l'Assemblée fédérale pour une élection du Conseil fédéral par le peuple, mais aucune d'entre elles n'a reçu de suite17. Deux pétitions visant l'élection du Conseil fédéral par le peuple ont connu le même sort18.

D'autres interventions et initiatives parlementaires ont porté ces dernières décennies sur des aspects différents de l'élection et sur la durée de fonction du Conseil fédéral: ­

15 16 17

18

19

plusieurs interventions ont visé à ce que, à l'occasion d'un renouvellement intégral ou de plusieurs vacances, la procédure actuelle de l'élection successive de chaque membre du Conseil fédéral soit remplacée par une élection individuelle parallèle19. Un député a également proposé que «seule peut être candidate à l'élection, la personne éligible à la fonction, qui a accepté d'être candidate et qui est soutenue par au moins dix membres de l'Assemblée

FF 1940 I 611 FF 1942 I 89 93.412 Iv. pa. Leni Robert «Election du Conseil fédéral par le peuple»; 93.418 Iv. pa.

Hämmerle «Election du Conseil fédéral par le peuple»; 08.453 Iv. pa. Zisyadis «Election du Conseil fédéral par le peuple».

09.2009 Pétition Fischer Eugen «Election du Conseil fédéral par le peuple»: voir également le rapport y afférent de la Commission des institutions politiques du 20 août 2009; 10.2024 Pétition Tang Martin «Election du Conseil fédéral par le peuple»: voir Commission des institutions politiques 2010.

87.953 Mo. Kühne «Réélection des Conseillers fédéraux. Modification du règlement»; 95.3140 Mo. Weyeneth «Election du Conseil fédéral. Modification de la procédure»; 04.3608 Mo. Weyeneth «Modifier la procédure pour les élections au Conseil fédéral»; 04.464 Iv. pa. Groupe de l'Union démocratique du centre «Election des conseillers fédéraux. Scrutin de liste».

5244

fédérale»20. Ces interventions ont été rejetées, et les initiatives parlementaires n'ont pas reçu de suite;

20 21

22 23 24

­

scrutin de liste: il a été plusieurs fois proposé que les membres de l'Assemblée fédérale choisissent entre différentes listes bloquées21. Les partisans de cette modification en attendaient davantage de cohérence au sein du Conseil fédéral et un renforcement du principe de collégialité. L'Assemblée fédérale a jusqu'à aujourd'hui toujours rejeté ces interventions au motif qu'une telle solution restreindrait fortement le choix électoral de chacun des membres du Parlement et mènerait à un système de concurrence parlementaire susceptible d'entrer en conflit avec les procédures de décision du Parlement et les droits populaires (communiqué de presse de la CIP-N du 18 août 2006);

­

destitution de membres du Conseil fédéral: actuellement, les membres du Conseil fédéral sont élus jusqu'à la fin de la législature (cf. ch. 2.1). Lors des débats sur la nouvelle Constitution fédérale, il a été proposé d'introduire une procédure de destitution des conseillers fédéraux: trois quarts des membres de l'Assemblée fédérale devaient pouvoir la déclencher. Ce projet n'a pas trouvé de majorité aux Chambres. Une initiative parlementaire a proposé d'accorder au peuple le droit de destituer un membre du Conseil fédéral22: 50 000 citoyens suisses disposant du droit de vote devaient pouvoir demander la tenue d'une votation portant sur la destitution d'un ou de plusieurs membres du Conseil fédéral. L'initiative était motivée ainsi: «il est regrettable qu'un certain nombre de citoyens ne puissent pas soumettre au vote la question de la destitution d'un conseiller fédéral en exercice, quand une grande partie de la population a le sentiment que, dans un domaine important, un ou plusieurs conseillers fédéraux ne tiennent pas compte des intérêts du pays ou ne les défendent pas, ou pas assez». Le 20 décembre 1999, le Conseil national a refusé de donner suite à l'initiative parlementaire. La commission chargée de l'examen préalable craignait une déstabilisation du système politique et de fréquentes campagnes nationales de destitution personnalisées: le Parlement s'en se serait trouvé affaibli. Le droit de référendum proposé aurait profité principalement à des groupes financiers issus de la Suisse alémanique, capables de s'offrir de telles campagnes et susceptibles d'exercer un chantage sur les autorités démocratiquement légitimées sans devoir prendre eux-mêmes de responsabilités23;

­

retrait de membres du Conseil fédéral durant la législature à titre exceptionnel seulement: une motion24 a entendu charger le Conseil fédéral, dans le cadre de la réforme de la direction de l'Etat, de formuler des propositions afin que la démission de ses membres en cours de législature soit l'exception et non plus la règle. Le Conseil des Etats a adopté la motion le 10 juin 2010; par contre, le Conseil national l'a rejetée le 17 décembre 2010 en défendant 93.414 Iv. pa. Guinand «Modification de la procédure d'élection des conseillers fédéraux» 09.525 Iv. pa. Hiltpold «Un gouvernement qui gouverne. Election du Conseil fédéral sur des listes bloquées»; 10.412 Iv. pa. Groupe des Verts «Election du Conseil fédéral au scrutin de liste»; 05.444 Iv. pa. Markwalder «Pour plus de cohésion et de cohérence au sein du Conseil fédéral».

98.438 Iv. pa. Schlüer «Destitution de conseillers fédéraux» 98.438 Iv. pa. Schlüer «Destitution de conseillers fédéraux» (CIP-CN). Rapport de la Commission des institutions politiques du 11 novembre 1999.

10.3135 Mo. Cramer «Pour des législatures complètes des conseillers fédéraux»

5245

le point de vue selon lequel les membres du Conseil fédéral devaient continuer de pouvoir décider eux-mêmes du moment de leur retrait du gouvernement. Contraindre un membre du Conseil fédéral désireux de mettre fin à son mandat de rester au sein du Conseil fédéral serait contre-productif. Une autre motion dans le même sens a été retirée le 17 décembre 201025; ­

limitation de la durée de fonction des membres du Conseil fédéral: une motion a proposé que les membres du Conseil fédéral ne puissent exercer leurs fonctions que durant deux législatures au plus26. Le Conseil national a classé cette motion le 23 décembre 2011 parce qu'elle était pendante depuis plus de deux ans.

3

Buts et contenu

3.1

Buts visés

Par l'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple», le comité d'initiative proche de l'Union démocratique du centre (UDC) veut promouvoir la démocratie directe27. La démocratie part du principe que le peuple est souverain. En réclamant l'élection du Conseil fédéral par le peuple, le comité d'initiative souhaite combler une «lacune du système de démocratie directe de la Suisse».

Simultanément, le comité d'initiative (2010: 2) veut approfondir la séparation des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif. A l'avenir, «le Conseil fédéral sera engagé auprès du peuple et non plus auprès du Parlement». Vis-à-vis du Conseil fédéral, le Parlement se trouve, selon le comité, dans une situation juridique privilégiée, qui contredit l'idée de la séparation des pouvoirs. L'élection par le peuple permettrait de mieux contrôler le pouvoir et prendrait ainsi «le contre-pied de l'extension constante [...] du pouvoir du gouvernement et de l'administration», régulièrement critiquée en politique.

Le comité d'initiative attend également de sa proposition des règles transparentes et équitables pour l'élection du Conseil fédéral. Une élection par le peuple accroîtrait aussi les chances de personnalités politiques confirmées ou de personnes issues d'autres secteurs, par exemple l'économie. Le peuple est, selon le comité, capable de prendre des décisions juridiquement contraignantes sur les questions matérielles les plus complexes, et il est par conséquent parfaitement apte à élire sept membres du Conseil fédéral. L'élargissement du paysage médiatique (presse, télévision, radio, Internet) a entraîné au cours des dernières décennies une démocratisation du savoir.

En raison du renforcement de la présence médiatique, les auteurs de l'initiative estiment que le peuple est en mesure de juger de la personnalité et des prestations des membres du Conseil fédéral aussi bien que les parlementaires. Se fondant sur les expériences vécues dans les cantons, le comité réfute l'argument selon lequel l'élection du Conseil fédéral par le peuple mènerait à une «américanisation» de la campagne électorale. Ce ne seraient pas des multimillionnaires, des populistes ou des démagogues qui seraient élus au Conseil fédéral, mais des hommes et des fem25 26 27

09.3829 Mo. Hodgers «Pour une meilleure prévisibilité des retraits du Conseil fédéral» 09.4323 Mo. Leutenegger Filippo «Limitation de la durée de fonction des conseillers fédéraux» Dans la mesure du possible, les buts mentionnés dans ce chapitre sont repris textuellement de l'argumentaire ou des explications du comité d'initiative (2010).

5246

mes ordinaires par lesquels le peuple serait représenté de manière crédible. Le comité d'initiative estime que l'élection du Conseil fédéral par le peuple animerait la politique suisse et permettrait de lutter contre l'abstention et le désintérêt dont souffre la politique.

Le comité d'initiative souligne que le texte proposé garantirait une représentation adéquate des minorités linguistiques: le Conseil fédéral devrait comporter au moins deux représentants de la Suisse francophone et italophone. De la sorte, l'élection du Conseil fédéral par le peuple protégerait mieux les minorités linguistiques que ne le fait la réglementation actuelle.

Le comité d'initiative ne croit pas que l'élection du Conseil fédéral par le peuple favoriserait les personnes candidates issues des agglomérations au détriment des petits cantons faiblement peuplés. Au contraire, une élection par le peuple mettrait fin aux droits des grands cantons fondés sur les habitudes.

Enfin, en invoquant les expériences des cantons, le comité d'initiative estime que l'élection du Conseil fédéral par le peuple apporterait davantage de stabilité et de continuité. Il se réfère en particulier à la non-réélection de Christoph Blocher, qui montrerait bien que la procédure parlementaire d'élection du Conseil fédéral aurait atteint ses limites. Sur la base des expériences faites dans les cantons, le comité d'initiative est convaincu que le principe de la collégialité et la collaboration entre représentants de divers partis politiques ne seraient pas mises en péril.

3.2

Dispositif proposé

Le comité d'initiative propose de modifier quatre articles de la Constitution fédérale.

Quatre points essentiels sont concernés28: 1.

les sept membres du Conseil fédéral ne seront plus élus par l'Assemblée fédérale, mais par le peuple, parallèlement au renouvellement du Conseil national. L'élection par le peuple s'appliquera également en cas de vacance;

2.

les membres du Conseil fédéral seront élus au scrutin majoritaire. Il y aura un premier tour de scrutin obéissant au principe de la majorité absolue, puis, si nécessaire, un second à la majorité simple;

3.

deux sièges au Conseil fédéral seront garantis à la minorité linguistique francophone et italophone (c'est-à-dire à la Suisse latine; cf. détails au ch. 3.3.6);

4.

le président de la Confédération et le vice-président du Conseil fédéral ne seront élus ni par l'Assemblée fédérale (comme c'est le aujourd'hui), ni par le peuple (comme le Conseil fédéral selon le texte de l'initiative), mais par le Conseil fédéral.

Le comité d'initiative renonce à une élection par le peuple du chancelier de la Confédération et laisse cette prérogative (de même que la faculté d'élire les juges du Tribunal fédéral et le général) à l'Assemblée fédérale.

28

Cf. comité d'initiative (2010: 4)

5247

3.3

Commentaire du texte de l'initiative

3.3.1

Art. 136, al. 2

L'art. 136 Cst. «Droits politiques» définit dans son al. 1 le cercle des personnes habilitées à exercer les droits politiques. Cette disposition ne subit aucun changement.

L'al. 2 énumère les droits politiques en vigueur (participation à l'élection du Conseil national et aux votations fédérales, lancement et signature des initiatives populaires et des demandes de référendum). La modification que propose l'initiative place au premier rang des droits politiques la participation à l'élection du Conseil fédéral.

3.3.2

Art. 168, al. 1

L'actuel art. 168 Cst. «Elections» énumère les personnes élues par l'Assemblée fédérale (les membres du Conseil fédéral, le chancelier de la Confédération, les juges au Tribunal fédéral et le général). L'élection par le peuple supprime l'élection des membres du Conseil fédéral par l'Assemblée fédérale. La partie de phrase correspondante est ainsi biffée.

3.3.3

Art. 175, al. 2

L'al. 1 de l'art. 175 Cst. «Composition et élection», qui ne subit aucune modification, dispose que le Conseil fédéral se compose de sept membres. L'al. 2 du texte de l'initiative remplace l'al. 2 en vigueur, qui prévoit l'élection du Conseil fédéral «par l'Assemblée fédérale après chaque renouvellement intégral du Conseil national». Le moment de l'élection du Conseil fédéral est fixé à l'art. 175, al. 3 (cf. ch. 3.3.4).

La première phrase de l'al. 2 du texte de l'initiative ancre le principe de l'élection du Conseil fédéral au suffrage direct et prévoit pour ce faire le système majoritaire.

Contrairement au système proportionnel, les voix ne sont pas décomptées par partis mais uniquement par candidats. Les caractéristiques du système majoritaire sont exposées à l'al. 4 (cf. ch. 3.3.5).

La deuxième phrase de l'al. 2 du texte de l'initiative précise les critères d'éligibilité au Conseil fédéral, actuellement fixés à l'art. 175, al. 3, Cst. Les conditions en vigueur sont reprises sans modification. Ainsi resteraient éligibles tous les citoyens suisses ayant le droit de vote (art. 175, al. 2, du texte de l'initiative en relation avec les art. 143 et 136, al. 1, Cst.).

3.3.4

Art. 175, al. 3

Actuellement, «les membres du Conseil fédéral sont élus par l'Assemblée fédérale après chaque renouvellement intégral du Conseil national» (art. 175, al. 2, Cst.). En vertu de l'art. 175, al. 3, du texte de l'initiative, le renouvellement intégral du Conseil fédéral interviendrait en même temps que celui du Conseil national. L'élection du Conseil fédéral et celle du Conseil national seraient soumises à une même périodicité de quatre ans.

5248

La deuxième phrase de l'al. 3 du texte de l'initiative règle la procédure en cas de vacance. Cette éventualité n'est aujourd'hui pas réglée au niveau constitutionnel, mais dans l'art. 133 LParl. Etant donné que la présente initiative constitutionnelle vise à créer un nouveau droit populaire, il se justifie de compléter la Constitution.

La disposition proposée ne mentionne pas d'élection tacite. Notamment pour les élections de remplacement, il serait en soi possible ­ quoique peu vraisemblable eu égard à la féroce concurrence entre partis au niveau fédéral ­ que les partis ne présentent pas plus de candidats qu'il n'y aurait de sièges à repourvoir au sein du Conseil fédéral. Pour autant, la disposition proposée n'exclut pas une élection tacite, dont les conditions devraient toutefois être précisées dans la loi d'exécution (cf. ch. 3.3.7).

3.3.5

Art. 175, al. 4

La disposition fixe les principes du scrutin, et notamment le «principe majoritaire» (art. 175, al. 2, du texte de l'initiative).

La Suisse formerait une seule circonscription électorale. En d'autres termes, on renonce à créer plusieurs circonscriptions électorales29. Une deuxième circonscription interne au sens de l'art. 175, al. 5 et 6, du texte de l'initiative, ne serait formée que si un ou deux représentants de la Suisse francophone et italophone n'étaient pas élus selon la procédure ordinaire (cf. ch. 3.3.6).

Deux tours de scrutin sont prévus pour l'élection du Conseil fédéral. Au premier tour, les personnes qui obtiendraient la majorité absolue seraient élues. Les bulletins blancs ou nuls ne seraient pas pris en considération. Les conditions permettant d'atteindre la majorité absolue seraient donc relativement peu sévères30.

Lors du second tour de scrutin éventuel, la majorité simple suffirait: seraient alors élues les personnes qui auraient obtenu le plus grand nombre de voix, jusqu'à ce que tous les sept postes du Conseil fédéral soient pourvus.

La procédure prévue pour l'élection du Conseil fédéral correspond largement aux dispositions cantonales régissant l'élection des membres du gouvernement; il existe néanmoins des différences entre les cantons, notamment en ce qui concerne la prise en compte des bulletins non valables dans le calcul de la majorité absolue et les conditions de participation au second tour de scrutin.

3.3.6

Art. 175, al. 5 et 6

Les deux dispositions portent sur la protection des régions linguistiques francophones et italophones lors de l'élection du Conseil fédéral. Elles visent à garantir: a.

29 30

qu'au moins deux membres du Conseil fédéral aient leur domicile dans les cantons du Tessin, de Vaud, de Neuchâtel, de Genève ou du Jura, dans les Krebs (1968: 164 ss) a proposé dans sa thèse sept circonscriptions électorales pour l'élection du Conseil fédéral par le peuple.

Des conditions plus sévères existent notamment dans les cantons qui tiennent également compte des lignes vides des bulletins valables dans le calcul de la majorité absolue (cf. Vatter, Milic et Bucher 2012: 11 à 15).

5249

régions francophones des cantons de Berne, de Fribourg ou du Valais, ou dans les régions italophones du canton des Grisons (c'est-à-dire en Suisse latine31; art. 175, al. 5, du texte de l'initiative), et b.

que les électeurs domiciliés en Suisse latine aient une influence plus que proportionnelle dans l'élection de ces deux conseillers fédéraux (art. 175, al. 6, 1re phrase, du texte de l'initiative) lorsque la procédure électorale ordinaire (art. 175, al. 4, du texte de l'initiative) n'a pas donné lieu à un résultat satisfaisant.

L'art. 175, al. 5, constitue ainsi un filet de sauvetage pour les régions linguistiques latines, et l'art. 175, al. 6, précise la manière de procéder lorsque le filet de sauvetage est utilisé. La seconde de ces dispositions crée alors une deuxième circonscription électorale pour les régions linguistiques latines, les voix obtenues par les candidats de ces régions étant décomptées selon une procédure spéciale.

Le critère de l'origine «latine» des membres du Conseil fédéral serait celui du domicile des candidats. A cet égard, le texte de l'initiative ne précise pas le jour à retenir pour déterminer le domicile.

Pour ce qui est de l'origine géographique des votants («suffrages obtenus dans l'ensemble de la Suisse»; «suffrages obtenus dans les cantons et les régions visés»: art. 175, al. 6, 1re phrase, du texte de l'initiative), le texte de l'initiative entend vraisemblablement le lieu de domicile des électeurs au moment de l'élection du Conseil fédéral.

Ainsi, l'initiative concrétise l'objectif de la protection des régions linguistiques latines par le lieu de domicile des personnes candidates et des votants.

En Suisse, on trouve dans deux cantons des solutions particulières pour la protection des minorités linguistiques, à savoir dans les cantons du Valais32 et de Berne. Selon ses propres affirmations, le comité d'initiative (2010: 4) voulait par les présentes dispositions transposer au niveau fédéral les art. 84 et 85 de la Constitution du canton de Berne du 6 juin 199333 applicables à l'élection du Conseil-exécutif, qui compte sept membres. La Constitution bernoise garantit un siège au Jura bernois, composé des districts de Courtelary, de Moutier et de La Neuveville. Les électeurs de ces districts disposent d'une influence plus que proportionnelle dans la désignation de «leur» membre du Conseil-exécutif. Pour ce faire, on ne se contente pas de comptabiliser l'ensemble des suffrages recueillis par les candidats domiciliés dans le Jura bernois. On compte séparément les suffrages obtenus par ces derniers à l'échelle du canton et ceux obtenus à l'échelle du Jura bernois, puis on calcule la moyenne géométrique34 de ces deux totaux; le siège garanti au Jura bernois est attribué au candidat qui obtient la moyenne géométrique la plus élevée. Dans le 31

32

33 34

L'expression «Suisse latine» désignera dorénavant les régions évoquées. Toutefois, les régions romanches du canton des Grisons ne sont pas incluses dans le champ d'application de l'art. 175, al. 5, du texte de l'initiative.

Le canton du Valais compte trois circonscriptions électorales qui doivent fournir chacune un membre du Conseil d'Etat; les deux autres membres sont choisis sur l'ensemble de tous les électeurs du canton. Toutefois, il ne pourra y avoir plus d'un conseiller d'Etat nommé parmi les électeurs d'un même district (art. 52, al. 2 et 3, de la Constitution du canton du Valais du 8 mars 1907; RS 131.232). On garantit ainsi une large base géographique, et partant linguistique, des membres du Conseil d'Etat.

RS 131.212 La moyenne géométrique des nombres n correspond à la racine n-ième du produit des nombres n.

5250

calcul de la moyenne géométrique, la partie la plus petite est plus fortement valorisée que dans le cas d'une simple addition des voix. Par la solution choisie, on a voulu éviter que les régions germanophones du canton de Berne puissent influencer de manière prépondérante l'élection des candidats du Jura bernois. Au cours des dernières années, la disposition a donné satisfaction dans le canton de Berne. Il faut néanmoins relever que, dans le cas d'une transposition au niveau fédéral, la situation se présenterait autrement, respectivement exigerait des solutions quelque peu différentes: ­

il n'existe dans le canton de Berne qu'une seule minorité linguistique (francophone), alors que la Suisse en compte trois: les minorités francophone, italophone et romanche;

­

la Constitution du canton de Berne définit le champ d'application de la protection des minorités par des critères géographiques (territoire des trois districts du Jura bernois); la ville bilingue de Bienne échappe au champ d'application. L'initiative définit la protection des minorités dans les cantons mixtes par des critères linguistiques;

­

contrairement à la solution du canton de Berne, l'initiative exclut un calcul fondé sur la moyenne géométrique lorsque deux candidats de la Suisse latine sont déjà élus selon la procédure ordinaire.

En vertu des dispositions de l'art. 175, al. 4 à 6, du texte de l'initiative, la procédure suivante s'appliquerait à la Suisse latine:

35

a.

lors des premier et second tours de scrutin, on additionnerait dans un premier temps les voix obtenues par les personnes candidates, y compris les voix de celles issues de la Suisse latine (art. 175, al. 4). On retiendrait le principe de la majorité absolue (premier tour) ou de la majorité simple (second tour);

b.

si, à l'issue du premier ou du second tour de scrutin, deux personnes issues de la Suisse latine n'étaient pas élues, nous partons du principe35 qu'il faudrait combler cette lacune en recalculant les voix obtenues par les personnes candidates issues de la Suisse latine en fonction de la moyenne géométrique des suffrages obtenus dans l'ensemble de la Suisse, et de ceux obtenus en Suisse latine. Comme signalé plus haut, ce mode de calcul aurait pour effet que l'électorat de la Suisse latine pèserait davantage sur le choix des candidats issus de la Suisse latine que l'électorat suisse dans son ensemble. Mais cette solution empêcherait également que seul l'électorat de la Suisse latine puisse désigner celles et ceux qui le représenteront au Conseil fédéral; les personnes candidates devraient ainsi avoir une aura plus ou moins nationale.

Les personnes issues de la Suisse latine ayant obtenu les meilleurs résultats conformément à la procédure évoquée seraient élues;

La relation entre les al. 4 (exigence d'un second tour) et 6 (élection des candidats latins au moyen de la règle du quota) de l'art. 175 du texte de l'initiative n'est pas tout à fait claire.

La présente interprétation est celle qui implique la mise en oeuvre la moins lourde. Il serait également envisageable d'interpréter l'art. 175, al. 4, du texte de l'initiative comme impliquant un second tour quand tous les candidats requis (et par conséquent notamment les deux personnes latines) n'obtiennent pas la majorité absolue au premier tour.

Le législateur devra selon toute vraisemblance se prononcer sur cette question en cas d'acceptation de l'initiative, de même que sur toutes celles qui ne trouvent pas de réponse claire dans le texte de l'initiative.

5251

c.

les candidats surnuméraires issus de la Suisse alémanique et de la Suisse romanche seraient exclus.

3.3.7

Art. 175, al. 7

Le texte de l'initiative part du principe que les dispositions constitutionnelles proposées devront être concrétisées et que la loi devra régler les détails.

Les points suivants devraient faire l'objet d'une réglementation: ­

l'habilitation à annoncer les personnes candidates, les délais d'inscription, les quotas de signatures;

­

le second tour (possibilités de désistement, éventuellement changements de candidatures, délais, etc.);

­

éventuellement les élections de remplacement;

­

les conditions d'une éventuelle élection tacite;

­

la procédure de recours;

­

les régions francophones et italophones.

En ce qui concerne les cinq premiers points, le droit cantonal (régissant l'élection de l'exécutif) et la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques36 contiennent déjà des dispositions susceptibles de fournir des indications quant à la façon de régler la procédure d'élection du Conseil fédéral. Par contre, on s'aventure en terre inconnue pour ce qui est du sixième point (régions francophones des cantons de Berne, de Fribourg et du Valais, et régions italophones du canton des Grisons selon l'art. 175, al. 5 et 6, du texte de l'initiative). La délimitation des régions francophones et italophones serait d'autant plus complexe que, dans les cantons mixtes, les régions linguistiques ne sont pas toujours très clairement définies: outre des communes homogènes, on y trouve en effet des communes mixtes. Il est probable que la Confédération, dans la législation d'exécution, doive déléguer la délimitation des régions francophones et italophones aux cantons de Berne, de Fribourg, des Grisons et du Valais. A cette fin, les cantons en question pourraient s'appuyer sur leur législation en matière de langues officielles. Certains d'entre eux (BE, FR, GR) connaissent deux langues officielles pour une partie de leurs régions administratives, arrondissements administratifs, districts, arrondissements ou communes. Dans ces unités administratives, les bulletins de vote de l'électorat germanophone et romanche, d'une part, et ceux de l'électorat francophone et italophone, d'autre part, devraient être de couleur différente si l'on veut éviter que les voix des électeurs germanophones et romanches soient incluses dans le calcul fondé sur la moyenne géométrique (cf. ch. 3.3.6). Cette façon de faire permettrait de compter séparément les voix des francophones et des italophones pour le cas on l'on devrait recourir à la règle des quotas.

36

RS 161.1

5252

3.3.8

Art. 176, al. 2

Alors qu'aujourd'hui le président de la Confédération et le vice-président du Conseil fédéral sont élus par l'Assemblée fédérale, cette tâche incomberait à l'avenir au Conseil fédéral lui-même en vertu de l'art. 176, al. 2, du texte de l'initiative. Les autres conditions régissant la charge de la présidence de la Confédération seraient maintenues: élection pour un an et non-renouvellement pour l'année suivante (art. 176, al. 3, Cst.). On rappellera que l'Assemblée fédérale discute actuellement de la durée de la présidence de la Confédération et de la vice-présidence du Conseil fédéral37.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Revendications de l'initiative

Si l'initiative était acceptée, l'élection du Conseil fédéral ne serait plus la prérogative de l'Assemblée fédérale, mais du peuple. Aux droits politiques (actifs) existants (participation à l'élection du Conseil national et aux votations fédérales, lancement et signature des initiatives populaires et des demandes de référendum) viendrait s'ajouter un droit supplémentaire: l'élection du Conseil fédéral.

La préoccupation principale de la présente initiative populaire (cf. ch. 3.1) est la démocratie. Selon la volonté du comité d'initiative, le Conseil fédéral ne devrait plus être élu par un organe démocratiquement élu (les Chambres fédérales réunies), mais par le peuple au suffrage direct. Au lieu d'une légitimité démocratique indirecte38, le Conseil fédéral acquerrait une légitimité démocratique directe ou immédiate.

Les auteurs de l'initiative voient dans leur proposition un complément à la démocratie directe au niveau fédéral. Dans leur argumentaire, ils invoquent avec force la tradition de démocratie directe de la Suisse.

Toutefois, il ne s'agit pas d'un renforcement de la démocratie directe: en effet, cette notion se réfère communément à la participation de l'électorat à des votations sur des objets matériels (par le biais de l'initiative populaire et du référendum obligatoire ou facultatif). La présente initiative populaire porte en revanche sur la désignation d'un organe qui incarne ou représente le peuple. Il est néanmoins incontestable que l'élection du Conseil fédéral par le peuple au suffrage direct enrichirait les droits politiques.

Lors de la création de l'Etat fédéral, et plus tard à l'occasion de deux initiatives populaires, la proposition d'une élection du Conseil fédéral par le peuple a été examinée en détail avant d'être à chaque fois rejetée (cf. ch. 2.6). Le rejet ne se fondait pas sur un refus global de l'élection du Conseil fédéral au suffrage direct, mais sur d'autres valeurs que les projets en question risquaient de mettre en cause.

Le principe démocratique n'a pas une portée illimitée, et il faut également tenir compte d'autres valeurs, telles la cohésion de notre Etat plurilingue, la stabilité de nos institutions, la prévention d'une accumulation disproportionnée de droits auprès 37 38

Message additionnel du 13 octobre 2010 sur la réforme du gouvernement, FF 2010 7119, ch. 2.1.1 et 2.2.1 Eichenberger (1996: ch. marg. 1) utilise le terme de représentation populaire de deuxième degré («Volksrepräsentation der zweiten Stufe»).

5253

de certains pouvoirs, la garantie de l'équilibre fédéraliste et l'évitement de charges financières inutiles.

Ce sont notamment les liens avec ces autres valeurs ou préoccupations qui expliquent que les spécialistes du droit public et les politologues ­ à de rares exceptions près (Auer 2011)39 ­ font valoir avant tout les aspects problématiques de la présente initiative, dont ils craignent des effets indésirables. Bien que le Conseil fédéral ne partage pas toutes les appréciations de la doctrine, il convient néanmoins de tenir compte du fait qu'une acceptation de l'initiative ne se bornerait pas à introduire une nouvelle procédure électorale pour la désignation du Conseil fédéral, mais entraînerait indirectement de profonds changements du système politique avec des répercussions dans de nombreux domaines.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation

4.2.1

Un nouveau système d'élection du Conseil fédéral

L'acceptation de l'initiative aurait pour conséquence que le Conseil fédéral ne serait plus élu par l'Assemblée fédérale, mais par le peuple au scrutin majoritaire. Lors du premier tour de scrutin, le principe de la majorité absolue s'appliquerait, et lors du second le principe de la majorité simple. Au sein du Conseil fédéral, deux sièges seraient réservés à la Suisse latine.

4.2.2

Aspects de droit comparé du système proposé

En droit comparé et pour la détermination des conséquences possibles de l'initiative, on se référera d'une part à d'autres Etats et d'autre part aux cantons.

En sciences politiques, en comparaison internationale, la Suisse passe pour avoir un système de gouvernement particulier. Ce dernier se caractérise par le fait que le Conseil fédéral est élu par le Parlement pour une période de quatre ans (législature).

Le système de gouvernement de la Suisse se distingue d'une part du système de gouvernement parlementaire, dans lequel le gouvernement est tributaire de l'appui direct ou indirect du Parlement en ce qui concerne sa désignation et son maintien en exercice: le système suisse ne connaît pas le vote de confiance ni la destitution du gouvernement, et témoigne par conséquent d'une grande stabilité. Le système suisse se distingue d'autre part du système de gouvernement présidentiel, qui prévoit l'élection du président par le peuple et dans lequel l'exécutif et le législatif sont relativement indépendants l'un de l'autre.

39

Auer (2011: 408) pense que l'élection par le Parlement est regrettable et contraire au système, et qu'elle représente par conséquent un point noir de la démocratie suisse.

Il suggère une ample réforme dont les caractéristiques principales seraient: a) un Conseil fédéral réduit à trois membres à qui seraient subordonnés de neuf à douze secrétaires d'Etat chargés des affaires opérationnelles; b) une élection par le peuple des trois membres du Conseil fédéral; c) une désignation des secrétaires d'Etat par le Conseil fédéral suivie d'une ratification individuelle par l'Assemblée fédérale; d) une limitation à huit ans du mandat des membres du Conseil fédéral et à dix ans de celui des secrétaires d'Etat (Auer 2011: 409 à 416).

5254

L'introduction de l'élection du Conseil fédéral par le peuple rapprocherait un peu la Suisse du système de gouvernement présidentiel, dans lequel l'exécutif et le législatif bénéficent chacun d'une légitimation démocratique directe, qui peut poser problème lorsque le parti de la présidence n'est pas celui du parti dominant le Parlement40.

Contrairement à ce qui se passe dans les pays qui connaissent le système de gouvernement présidentiel, l'acceptation de l'initiative impliquerait pour la Suisse que non seulement le président (et le cas échéant le vice-président) soient élus par le peuple au suffrage direct, mais l'ensemble du gouvernement. En comparaison internationale, il s'agirait d'un système particulièrement coûteux.

Pour ce qui est de la comparaison avec les cantons, le système d'élection du gouvernement tel que proposé par l'initiative au niveau fédéral est appliqué à l'échelon cantonal41 et, dans l'ensemble, donne satisfaction. Cela ne signifie pas nécessairement que les expériences positives des cantons puissent être simplement transposées au niveau fédéral, où la réalité est bien plus complexe (cf. Biaggini 2011: 423; Hermann 2011a: 124; Kübler 2011: 4): ­

les parlements cantonaux ne comptent qu'une seule chambre, alors que le Parlement fédéral compte deux conseils. Le temps nécessaire aux débats est par conséquent bien plus important, et la charge temporelle de tous les acteurs (membres des conseils, du Conseil fédéral et de l'administration fédérale) est bien plus lourde que dans le système monocaméral;

­

l'attention du public et l'intérêt des médias pour le gouvernement fédéral sont bien plus prononcés que dans les cantons;

­

bien que plusieurs cantons abritent diverses langues et cultures (avant tout les cantons plurilingues), les défis linguistiques et culturels sont plus importants au niveau fédéral;

­

au niveau cantonal, les membres du gouvernement sont certes très attachés à une forte coopération intercantonale, voire internationale dans les cantons frontaliers, mais, au niveau fédéral, la politique étrangère et la coopération aux niveaux européen (notamment les réunions ministérielles de l'UE) et international revêtent davantage de signification.

Toutes ces différences permettent de penser que les expériences globalement positives42 des cantons en matière d'élection du gouvernement par le peuple ne peuvent être transposées au niveau fédéral, où il faudrait s'attendre à une autre dynamique et à d'autres conséquences.

40

41 42

Dans les pays anglo-saxons, on parle dans ce cas de «divided government», et de «cohabitation» en France. Ces situations présentent un risque d'immobilisme (cf. Kriesi 2003: 15).

A l'exception de Zoug et du Tessin (qui appliquent le système proportionnel), tous les cantons recourent au système majoritaire pour l'élection du Conseil d'Etat.

Pour une légère relativisation de ce constat, en raison des différences entre la composition partisane du gouvernement cantonal et celle du parlement cantonal, cf. ch. 4.2.6.

5255

4.2.3

Sélection des candidats et campagne électorale

Le déroulement de l'élection du Conseil fédéral se trouverait modifié de manière significative en cas d'acceptation de l'initiative.

Dans la forme actuelle des élections fédérales, il s'écoule un laps de temps relativement court entre l'annonce des résultats des élections au Conseil national (fin octobre) et l'élection du Conseil fédéral pendant la session d'hiver (décembre). La plupart des partis attribuent à leurs sections cantonales la compétence de nommer les candidats au Conseil fédéral. Ce sont ensuite les groupes parlementaires qui décident quels candidats de leur parti sont proposés à l'Assemblée fédérale. Les plus grands partis représentés à l'Assemblée fédérale invitent les nouveaux candidats à des auditions (hearings), à l'issue desquelles ils prennent leur décision. Les candidats sortants s'investissent peu quant à eux en faveur de leur réélection. C'est ensuite aux chambres réunies qu'il revient d'élire le Conseil fédéral.

En cas d'acceptation de l'initiative, l'élection du Conseil fédéral, qui aurait lieu parallèlement à celle du Conseil national, gagnerait en publicité. Pour que les candidats aient une chance d'être élus, il faudrait les présenter à temps aux électeurs en passant par les canaux médiatiques. Les partis mettraient leurs candidats en avant très tôt, sans doute déjà deux ans à l'avance, en les faisant participer par exemple à des débats TV et radio. Chaque parti d'envergure nationale devrait mener campagne pour l'élection au Conseil fédéral. Rhinow et Schefer (2009: ch. marg. 2523) prédisent une campagne nationale d'une nouvelle forme, largement influencée par les médias de masse et la publicité. Il en résulterait une charge fortement accrue pour tous les acteurs impliqués, des membres du Conseil fédéral aux nouveaux candidats, en passant par les partis.

Le mode de scrutin prévu par l'initiative, c'est-à-dire le scrutin majoritaire, conduirait sans doute les partis à présenter seulement autant de candidats que de sièges qu'ils espèrent remporter. En en proposant plus, ils risqueraient une dispersion des voix (cf. Vatter, Milic et Bucher 2012: 20). Selon toute vraisemblance, les grands partis présenteraient ainsi deux ou trois candidats, dont un représentant de la communauté germanophone et un de la communauté francophone. Les petits partis, bien qu'ayant peu de chances
d'obtenir un siège, présenteraient sans doute aussi des candidats, dans le but de se profiler pour les élections au Conseil national et au Conseil des Etats.

On peut imaginer aussi que les grands partis, jugeant une élection au premier tour peu vraisemblable, présentent plus de deux ou trois candidats; les candidats les mieux placés seraient alors envoyés au deuxième tour. Il n'est pas exclu en outre que des sections cantonales ou des groupes sans étiquette politique présentent des candidatures («sauvages» aux yeux des partis nationaux) pour défendre par exemple les intérêts des régions de montagne, des villes, du Nord-ouest de la Suisse, de la Suisse romande ou du Tessin au Conseil fédéral. La palette des candidats pourrait donc être relativement vaste. Les électeurs pourraient principalement choisir entre les candidats de différents partis, tandis que la variété au sein des partis serait quant à elle assez limitée. Certains candidats, ceux des grands partis, jouiraient d'une notoriété à l'échelon national.

L'Assemblée fédérale a jusqu'ici avant tout élu des candidats issus de son giron (anciens parlementaires ou parlementaires en fonction) ou, plus rarement, des conseillers d'Etat. Elle a ainsi pu, à partir d'un réservoir de candidats relativement 5256

grand, choisir en fonction de l'aptitude, du parti d'appartenance, de la langue ou région linguistique et du sexe. En cas d'élection du Conseil fédéral par le peuple, le cercle des candidats se réduirait sans doute assez rapidement aux personnes connues à l'échelon national du fait de leur habileté médiatique. Plusieurs auteurs prédisent, en cas d'élection du Conseil fédéral par le peuple, l'ascension de personnalités populaires, mais peu aptes au compromis (Kriesi 2003: 15; dans le même ordre d'idées Rhinow et Schefer 2009: ch. marg. 2523), voire attendent des dérives populistes (Kölz 2000: 99). D'autres en revanche y perçoivent une chance de faire entrer des personnalités fortes au Conseil fédéral (Hermann 2011c: 6). A ces craintes ­ ou à cet espoir - on opposera le constat que les personnes qui défendent des positions extrêmes sont rarement élues dans un exécutif cantonal.

Ce transfert de prérogative de l'Assemblée fédérale au peuple impliquerait pour les partis d'envergure nationale de choisir leurs candidats eux-mêmes et de devoir mener et financer des campagnes. Il est fort probable que les frais de campagne pour l'élection au Conseil fédéral dépassent de loin les frais engagés en moyenne pour un siège de parlementaire, soit environ 130 000 francs (Hermann et Novak 2012: 26).

Les partis nationaux seraient soumis à une certaine pression financière, mais gagneraient sans doute en importance à long terme, au détriment des sections cantonales.

Le système politique de la Suisse se rapprocherait alors de celui d'autres Etats démocratiques, où les partis d'envergure nationale jouent un rôle de premier ordre.

Le facteur financier rendrait les partis plus fortement dépendants des dons de leurs membres, d'entreprises ou de groupes d'intérêt. Le pouvoir financier des partis pourrait avoir une influence sur l'issue du scrutin. De riches individus pourraient, comme c'est le cas dans d'autres pays, proposer leur candidature et mettre leur fortune au service du parti et de la campagne.

Il est évident que les changements esquissés ci-dessus auraient également des conséquences pour les candidats sortants briguant un nouveau mandat (cf. ch. 4.2.7).

4.2.4

Probabilité d'un deuxième tour

Comme cela a été exposé au ch. 3.3.5, l'initiative place la barre relativement bas s'agissant de la détermination de la majorité absolue (un système majoritaire «modéré» dans lequel les bulletins blancs ou nuls ne seraient pas pris en compte). Trois facteurs augmenteraient les chances qu'un nombre suffisant de candidats atteignent la majorité absolue au premier tour: premièrement, un nombre moindre de candidats (par ex. 10 au lieu de 25); deuxièmement, une faible dispersion des voix entre les candidats; et troisièmement, un nombre élevé d'électeurs qui préféreraient voter blanc plutôt que d'inscrire d'autres candidats sur le bulletin de vote. Vatter, Milic et Bucher (2012: 52) considèrent la probabilité d'un deuxième tour comme plutôt faible en cas d'élection du Conseil fédéral par le peuple. L'expérience des cantons montre que les deuxièmes tours constituent l'exception dans le système majoritaire «modéré». Ils ne s'imposent généralement que lorsque les bulletins sont presque complètement remplis. Un tel cas de figure serait peu probable en cas d'élection du Conseil fédéral par le peuple, où la concurrence serait rude et les fronts marqués.

5257

4.2.5

Probabilité de vacances au Conseil fédéral et délais prévisibles pour les élections de remplacement

Le système de l'élection par le peuple s'imposerait tant pour le renouvellement intégral que pour les vacances au Conseil fédéral.

Dans le système actuel, la majorité des conseillers fédéraux démissionnaires quittent leur poste avant la fin de la législature pour influencer le contexte politique de l'élection (Ehrenzeller 1998: ch. marg. 23) et donner de meilleures chances aux candidats de leur parti. Au cours des sept dernières législatures (depuis 1983), il y a eu de ce fait un peu plus de deux vacances par législature.43 Les démissions avant la fin du mandat pourraient rester la règle en cas d'élection du Conseil fédéral par le peuple. Les conseillers démissionnaires choisiraient le moment idéal pour se retirer en accord avec la direction de leur parti et donneraient ainsi les meilleures chances à leurs candidats favoris. Les candidats d'autres partis auraient un certain retard à combler pour se faire connaître dans les médias, à moins que les partis tiennent des candidats prêts à tout moment pour repourvoir les postes vacants. Si la fréquence des vacances restait la même après le changement de système, il y aurait en moyenne par législature une élection pour le renouvellement intégral du Conseil fédéral et deux élections pour le remplacement de conseillers fédéraux démissionnaires. Il va sans dire que ce mode de scrutin mettrait fortement à contribution le peuple et les autorités.44 Il est également possible que les démissions en cours de mandat deviennent plus rares. En effet, chaque siège vacant risquerait d'être revendiqué par d'autres partis et l'un d'entre eux pourrait bien l'emporter. Le parti en place devrait déployer des efforts certains pour garder son siège, à moins d'un vote tacite. Les démissions en cours de mandat et, partant, les élections de remplacement pourraient alors devenir plus rares, puisque les partis en place auraient plus à en pâtir qu'à en gagner. Une telle évolution pourrait contribuer à renforcer la stabilité du Conseil fédéral.45 Il n'est pour l'heure pas possible de déterminer lequel des deux scénarios se réaliserait, ni combien de démissions auraient lieu en moyenne en cours de législature.

En cas de vacance au Conseil fédéral, il faudrait certainement beaucoup plus de temps pour repourvoir le poste qu'à l'heure actuelle (en règle générale, pendant la session
qui suit la réception de la lettre de démission du titulaire ­ art. 133, al. 1, LParl). Il faudrait compter environ quatre mois pour préparer l'élection (délai de candidature, préparation, impression et expédition de la documentation électorale). Il convient de noter qu'il n'y a que quatre dates possibles par an pour les votations et, partant, pour l'élection au Conseil fédéral.46 Il n'est d'ailleurs pas certain qu'il soit possible de combiner ces deux types de rendez-vous politiques. En fonction de l'objet sur lequel le peuple serait amené à s'exprimer en même temps qu'aurait lieu 43

44 45 46

Depuis 1983, les conseillers fédéraux suivants ont démissionné en cours de mandat: Fritz Honegger, Hans Hürlimann, Rudolf Friedrich, Kurt Furgler, Alphonse Egli, Elisabeth Kopp, René Felber, Otto Stich, Jean-Pascal Delamuraz, Adolf Ogi, Ruth Dreifuss, Joseph Deiss, Samuel Schmid, Pascal Couchepin, Hans-Rudolf Merz, Moritz Leuenberger.

Les élections de remplacement tacites seraient certainement rares (cf. ch. 3.3.4).

Dans les cantons fortement peuplés que sont Zurich, Berne et Vaud, les démissions en cours de mandat des conseillers d'Etat sont relativement rares.

Les élections et votations fédérales ne doivent pas tomber sur des jours fériés, des jours de fêtes nationales ou de fêtes cantonales importantes, sur des élections cantonales importantes ainsi que sur les vacances ou sur les sessions de l'Assemblée fédérale.

5258

l'élection au Conseil fédéral, on mobiliserait des couches différentes de la population. Or, la différence de composition de l'électorat influencerait forcément les résultats. Il serait donc préférable de ne pas combiner votations et élections de remplacement. Il en résulterait des retards de plusieurs mois, soit pour les élections de remplacement, soit pour les votations.

Les conseillers fédéraux en partance devraient donc vraisemblablement assumer leur fonction plus longtemps pour éviter des vacances de plusieurs mois au sein du Conseil fédéral.

4.2.6

Majorités politiques différentes à l'Assemblée fédérale et au Conseil fédéral

L'essentiel de l'Assemblée fédérale est aujourd'hui élue selon le scrutin proportionnel47. La représentation des partis joue aussi un rôle dans l'élection du Conseil fédéral, si bien que les partis qui dominent à l'Assemblée fédérale sont représentés dans des proportions semblables au Conseil fédéral (cf. ch. 2.2).

En cas d'acceptation de l'initiative, le Conseil fédéral serait élu au scrutin majoritaire. La différence de mode de scrutin pourrait donner lieu à des majorités différentes au sein de l'exécutif et du législatif. Certes, les exécutifs cantonaux sont généralement aussi formés selon les règles de la concordance, et il ne devrait pas y avoir de révolution en la matière (Bochsler et Bousbah 2011: 13). Mais on constate occasionnellement des différences significatives entre les majorités au sein des cantons: majorités roses-vertes au Conseil d'Etat et bourgeoises au Parlement (canton de Berne de 1986 à 1990 et depuis 2006, canton de Neuchâtel de 1989 à 1993 et canton de Vaud de 1996 à 1998) ou, à l'inverse, gouvernement bourgeois et majorité de gauche au Parlement (canton de Genève de 1997 à 2000) (Vatter 2002: 89). La collaboration entre le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale pourrait s'en ressentir si leurs majorités venaient à diverger de la sorte. Si le Conseil fédéral était à dominante rose-verte et si l'Assemblée fédérale était majoritairement à droite ­ ou inversement ­, les projets du Conseil fédéral passeraient difficilement la rampe au Parlement, et il pourrait y avoir des blocages. Selon Kriesi (2003: 15), le risque de blocage pourrait être important si le peuple élisait des personnalités populistes au Conseil fédéral.

Pour évaluer les répercussions d'une élection du Conseil fédéral par le peuple sur sa composition partisane, l'Office fédéral de la justice a chargé l'Institut des sciences politiques de l'Université de Berne (Vatter, Milic et Bucher 2012) de simuler une élection selon ce système pour 2011, en se fondant sur les résultats des élections aux exécutifs cantonaux au cours des deux législatures précédentes (2003­2011). Les auteurs ont, dans un premier temps, développé un modèle prévisionnel pour les candidats aux exécutifs cantonaux des cinq partis réunissant le plus d'électeurs. Sur

47

Le Conseil national est élu à la proportionnelle, sauf les représentants des cantons qui n'ont droit qu'à un seul siège (UR, OW, NW, GL, AR et AI), qui sont de fait élus au scrutin majoritaire puisque c'est la personne qui obtient le plus de voix qui l'emporte.

Les représentants de tous les cantons au Conseil des Etats sont élus au scrutin majoritaire, sauf ceux du Jura et de Neuchâtel, élus à la proportionnelle. Sur les 246 membres qui composent l'Assemblée fédérale, 198 sont donc élus à la proportionnelle et 48 au scrutin majoritaire.

5259

la base de ce modèle, les résultats de ces candidats ont ensuite fait l'objet d'une simulation dans les conditions de l'élection du Conseil fédéral par le peuple.

Les auteurs de l'étude ont passé en revue deux scénarios: dans le premier, les quatre grands partis présentaient chacun deux candidats; dans le deuxième, l'UDC, le PS et le PLR en présentaient trois. Le résultat le plus probable dans les deux scénarios serait le rétablissement de la formule magique. Le PS et le PLR sont fortement représentés en Suisse romande. Ils auraient donc de bonnes chances d'obtenir l'un des deux sièges dévolus aux régions francophones. Le PDC serait le grand gagnant du changement de système puisqu'il obtiendrait vraisemblablement un deuxième siège, le septième siège tant convoité. L'UDC serait sans doute placée dans une position proche de celle qu'elle occupe dans les élections aux exécutifs cantonaux, menées selon le scrutin majoritaire. Elle obtiendrait toutefois un résultat moins élevé que celui qui serait le sien avec un système de scrutin proportionnel. Il est ainsi fort probable, dans ces conditions, que l'UDC obtienne un siège au gouvernement, mais, selon les estimations, elle ne pourrait conquérir un deuxième siège qu'en concluant des alliances électorales.

Les simulations prennent pour contexte une élection «normale» et ne tiennent pas compte des caractéristiques individuelles des candidats. S'agissant de celles-ci, on notera que les données cantonales montrent que le sexe n'influence pas les chances d'être élu (concernant les chances de réélection des titulaires des sièges, cf. le dernier paragraphe du ch. 4.2.7).

4.2.7

Investissement des conseillers sortants dans la campagne et chances d'être réélus

La campagne, qui commencerait plus tôt et nécessiterait un plus grand investissement (ch. 4.2.3), aurait également des répercussions sur les conseillers fédéraux sortants désireux d'être réélus. Ils devraient mener campagne et ainsi participer à des débats TV et radio, entre autres manifestations publiques. Ils seraient soumis à des contraintes horaires bien plus importantes qu'aujourd'hui puisqu'ils devraient, selon toute vraisemblance, être en campagne permanente (Commission des institutions politiques 2010; Hermann 2011b: 3). Ils risqueraient ainsi d'atteindre leurs limites (Hermann 2011: 129). Ils seraient probablement plus chargés encore que les conseillers d'Etat, qui doivent eux aussi se soumettre au verdict du peuple pour être réélus.

Les conseillers fédéraux ont en effet une plus grande responsabilité (rapportée à l'ensemble du pays et non à un seul canton) et sont plus accaparés par leurs tâches en raison du bicaméralisme (nombreuses séances de commission et débats au plénum des conseils, participation à l'élimination des divergences), de la coopération internationale, du contrôle exercé par l'opinion publique et les médias et de la diversité culturelle à l'échelon fédéral (cf. ch. 4.2.2). Si plusieurs cantons ont réduit le nombre de leurs conseillers d'Etat au cours des dernières années ou décennies, on parle plutôt, à l'échelon fédéral, de la surcharge de travail à laquelle est confronté le gouvernement et des possibilités de lui donner des moyens supplémentaires ou d'étendre le nombre de ses membres48.

48

Message du 19 décembre 2001 relatif à la réforme de la direction de l'Etat, FF 2002 1979; message additionnel du 13 octobre 2010 sur la réforme du gouvernement, FF 2010 7119.

5260

Les chances de réélection des conseillers fédéraux sortants resteraient à peu de choses près les mêmes dans le nouveau système. Vatter, Milic et Bucher (2012: 40), s'appuyant sur leur simulation de l'élection du Conseil fédéral par le peuple fondée sur les résultats des élections aux exécutifs cantonaux, estiment que les membres sortants du gouvernement entreraient en course avec une avance de 23 points de pourcentage et que même ceux appartenant à des partis plus petits (si le contexte politique leur a permis d'entrer au Conseil fédéral) seraient plus ou moins sûrs d'être réélus.

4.2.8

Intérêts des partis et projets du gouvernement

Le rôle du Conseil fédéral changerait s'il était élu par le peuple. Les ministres joueraient subitement un rôle important dans la campagne, en particulier celui de moteur pour les élections au Conseil national et, dans une moindre mesure, au Conseil des Etats. Ils ne seraient plus considérés comme les membres d'un organe situé au-dessus des partis, mais comme des individus animés par l'intérêt d'être réélus ou comme des représentants de leur parti (cf. Commission des institutions politiques 2010).

Du fait de la personnalisation du gouvernement, les annonces et les projets des départements présentés par les conseillers fédéraux ne passeraient plus comme résultant de l'activité du collège, mais de plus en plus comme des instruments de campagne. Les médias s'empareraient de chaque projet présenté par un département et se perdraient en conjectures sur le bénéfice que le conseiller fédéral concerné espérerait en retirer en termes électoraux. Les conseillers fédéraux subiraient une pression de la part de leur parti, pour conserver autant que possible les projets impopulaires dans un tiroir et ne présenter que ceux qui auraient des chances de remporter l'adhésion du peuple.

Campagne et démocratie directe ne feraient pas forcément bon ménage. Ainsi, les votations qui concernent un ou plusieurs départements spécifiques seraient prises dans les turbulences de la pré-campagne. L'opinion publique percevrait l'acceptation ou le refus d'un objet en votation populaire comme l'expression de la confiance ou de la défiance dont le représentant du département concerné ferait l'objet. Il serait donc préférable de renoncer à organiser des votations au sommet de la campagne et d'attendre que l'élection soit passée. Cela ne serait toutefois pas possible pour les initiatives populaires, en raison des délais prévus par la loi pour leur traitement.

Il est admis depuis longtemps, dans la littérature en matière de sciences politiques et économiques, que le cycle électoral tel qu'on le connaît dans les systèmes de gouvernement présidentiel et parlementaire (cf. ch. 4.2.2) peut avoir des conséquences (négatives) sur la capacité des gouvernements à résoudre les problèmes. Les nouveaux gouvernements tentent de faire passer leurs projets au Parlement immédiatement après les élections pour avoir un bilan à présenter aux prochaines
élections.

Souvent, la qualité des projets, élaborés à la va-vite, en pâtit. Avant les élections, par contre, les gouvernements rechignent à prendre des mesures impopulaires, bien que peut-être nécessaires, pour ne pas péjorer leurs chances de réélection. Il ne leur reste donc plus qu'une période limitée pour résoudre les problèmes. L'élection du Conseil fédéral par le peuple pourrait avoir des répercussions de ce type en Suisse.

5261

4.2.9

Principe de la collégialité et exposition aux médias

L'art. 177 Cst. indique que le Conseil fédéral prend ses décisions en autorité collégiale (principe de la collégialité) et répartit les affaires entre ses membres par département pour la préparation et l'exécution des décisions (principe de la division en départements).

Le pluripartisme est de mise au Conseil fédéral depuis 1891 (ch. 2.2). Quoi qu'en disent les critiques, la collaboration fonctionne bien, surtout si on ne la mesure pas à un idéal, mais à la réalité que vivent d'autres gouvernements, qu'ils se composent d'un seul parti ou de plusieurs. «Le Conseil fédéral incarne la diversité du pays, mais il est aussi le creuset qui doit ramener cette diversité vers l'unité. En prenant ses décisions de manière collégiale, il donne à chacun de ses membres le même poids dans la décision. Le gouvernement a vocation d'assurer la diversité dans l'unité, et l'unité dans la diversité.»49 L'élection du Conseil fédéral par le peuple entraînerait de plus fortes personnalisation et médiatisation de ce dernier. Les médias focaliseraient leur attention avant tout sur ses membres, et les divergences d'opinion internes seraient mises à jour et rendues publiques. Les conseillers fédéraux désireux d'être réélus deviendraient plus dépendants de leur parti, des sondages d'opinion, des médias et de l'opinion publique. Les juristes et les politologues qui se sont exprimés sur la question soulignent les risques que représente l'élection du Conseil fédéral par le peuple pour la collégialité (Kübler 2011: 4). Rhinow (2011: 46) annonce un verdict sans appel: la personnalisation au lieu de la collégialité. Neidhart (2010: 24) indique que si le Conseil fédéral était élu par le peuple, il ne pourrait sans doute pas fonctionner sans être doté d'un président fort. Or, une telle institution mettrait à mal le principe de la collégialité.

4.2.10

Rapports entre le Conseil fédéral et l'administration fédérale

L'élection du Conseil fédéral par le peuple pourrait également avoir des répercussions sur les relations entre les conseillers fédéraux et leurs subordonnés. L'administration fédérale est aujourd'hui relativement indépendante des partis, et l'appartenance politique ne joue en général qu'un rôle mineur dans l'attribution des postes de travail. En cas de renouvellement intégral du Conseil fédéral, d'élection de remplacement ou de redistribution des départements entre conseillers fédéraux, on ne remplace actuellement tout au plus que les secrétaires généraux, les chefs des services d'information des secrétariats généraux, les collaborateurs personnels des chefs de département (cf. art. 26, al. 2 et 3, de l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération; OPers50) et, plus rarement, certains membres de la direction des offices fédéraux. Une élection du Conseil fédéral par le peuple pourrait favoriser les remplacements. D'une part, il est à prévoir que les candidats engageraient de jeunes collaborateurs pour une durée déterminée afin de bénéficier d'une campagne électorale professionnelle et que ceux-ci, en cas de succès, aspireraient à rester dans le giron des conseillers fédéraux fraîchement élus. D'autre part, les 49 50

Message du 19 décembre 2001 relatif à la réforme de la direction de l'Etat; FF 2002 1995.

RS 172.220.111.3

5262

projets du Conseil fédéral aux arrière-pensées électoralistes, ou du moins soupçonnés d'avoir une motivation de ce type, pourraient être source de dissonances entre l'administration fédérale et le chef du département concerné. Celui-ci pourrait manifester des velléités de remplacer certains hauts cadres de l'administration fédérale.

La stabilité de celle-ci en pâtirait.

Il n'est pas dit pour autant que les conseillers fédéraux auraient plus de pouvoir sur leurs collaborateurs. Puisque les ministres seraient plus pris par leur campagne (cf. ch. 4.2.7), l'administration pourrait gagner en influence. Il n'est pas possible de trancher la question.

4.2.11

Equilibre des pouvoirs entre Conseil fédéral et Assemblée fédérale

Si l'initiative était acceptée, l'Assemblée fédérale transférerait au peuple sa compétence d'élire le Conseil fédéral et au Conseil fédéral celle d'élire le président de la Confédération. Elle perdrait de l'importance en tant qu'organe de recrutement et en tant qu'organe électoral.

Conformément à l'art. 148, al. 1, Cst., l'Assemblée fédérale est l'autorité suprême de la Confédération, sous réserve des droits du peuple et des cantons. Cette position s'exprime notamment dans le mode d'élection du Conseil fédéral. Selon Rhinow (2011: 46), en cas de changement de système, le Parlement perdrait sa compétence première vis-à-vis du gouvernement, c'est-à-dire celle de l'élire et de le réélire. Le Conseil fédéral aurait en revanche plus de légitimité démocratique et serait placé sur un plan d'égalité avec l'Assemblée fédérale; il renforcerait même sa position au détriment de celle-ci (Commission des institutions politiques 2010). Biaggini va plus loin en indiquant que l'élection par le peuple lui conférerait une légitimité démocratique directe et le mettrait à égalité avec l'Assemblée fédérale, voire plus haut, puisque le découpage électoral préconisé lui conférerait une légitimité à l'échelon national, tandis qu'il suffit aux membres du Conseil national et du Conseil des Etats de remporter les suffrages de leurs circonscriptions respectives (les cantons) (Biaggini 2011: 424; avec des citations d'Auer 2011: 415). L'élection du Conseil fédéral par le peuple accroîtrait son importance à court ou long terme au détriment de l'Assemblée fédérale et, selon Häfelin, Haller et Keller (2008: ch. marg. 1622), affaiblirait encore le Parlement. Selon Biaggini (2011: 424 s.), il n'est pas exclu que l'Assemblée fédérale subisse le même sort que les parlements cantonaux, pris en étau entre des droits populaires étendus et des gouvernements élus par le peuple.

Gross (2009: 188) ajoute qu'en raison de la complexité croissante des dossiers et de l'importance grandissante des relations internationales, les exécutifs ont de toute manière trop de poids dans toutes les démocraties.

Le Conseil fédéral aurait sans doute une attitude beaucoup plus confiante en cas de conflit de compétences avec l'Assemblée fédérale. Kölz (2000: 99) prédit des conflits stériles entre exécutif et législatif en raison d'une plus forte séparation
des pouvoirs. Ehrenzeller (2008: ch. marg. 9) escompte les mêmes tendances que dans un Etat à l'exécutif fort; Delley (2011: 49 s.) pense que l'équilibre des pouvoirs serait perturbé.

5263

La nouvelle assurance dont jouirait le Conseil fédéral pourrait fortement compliquer la haute surveillance exercée par les Chambres fédérales sur le gouvernement et l'administration (Ehrenzeller 2008: ch. marg. 9). Schwarz et Vatter (2011: 39) pensent qu'en cas de litige, l'Assemblée fédérale aurait peu de chances d'imposer ses vues, alors que ses capacités de contrôle sont déjà lacunaires. Ils prédisent donc un affaiblissement de fait des fonctions de contrôle du législatif, qui se répercuterait négativement sur la capacité du corps électoral de juger les prestations du Conseil fédéral et de voter en toute connaissance de cause (Schwarz et Vatter 2011: 39).

L'élection du Conseil fédéral par le peuple renforcerait la séparation des pouvoirs et rendrait le gouvernement plus indépendant vis-à-vis de l'Assemblée fédérale.

Ce dernier agirait davantage de manière autonome. Il va sans dire que ce regain d'indépendance n'arrangerait en rien la surcharge de travail évoquée au ch. 4.2.7. Il est en effet prévisible que les conseillers fédéraux, pris dans la campagne, seraient moins présents aux séances des commissions préparatoires. La collaboration étroite entre le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale s'en trouverait menacée. Or, cette collaboration étroite a permis à plusieurs reprises à la Confédération de réagir de manière efficace en comparaison internationale à des événements critiques tels que la crise financière.

4.2.12

Représentation des langues latines au Conseil fédéral

Un quota pour la Suisse latine Si l'initiative était acceptée, il y aurait, en vertu de son art. 175, al. 5, un quota de deux conseillers fédéraux représentant les régions francophones et italophones (cf. ch. 3.3.6). Ce quota remplacerait l'exigence citée à l'art. 175, al. 4, Cst. en vigueur, selon laquelle les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées au Conseil fédéral. Comme cela a été mentionné sous ch. 2.3, l'Assemblée fédérale a toujours veillé ­ à l'exception des années 1875 à 1880 ­ à élire deux ou trois représentants des régions francophones ou italophones au Conseil fédéral.

La Suisse ne formerait en principe qu'une seule circonscription électorale. Une circonscription subsidiaire, composée des cantons et régions francophones et italophones, serait toutefois créée. Deux sièges au moins seraient réservés aux candidats de ces régions. Si ce quota n'était pas atteint par la comptabilisation des suffrages obtenus dans toute la Suisse, il faudrait recalculer les suffrages des candidats latins, en faisant la moyenne géométrique des voies obtenues dans toute la Suisse et de celles obtenues dans les seuls cantons et régions latins. Ainsi, les voix de la circonscription latine auraient un poids légèrement plus important que leur simple poids proportionnel.

La règle du quota s'appliquerait aussi bien en cas de renouvellement intégral que de remplacement en cours de mandat.

Une mesure vraisemblablement inutile Il est à prévoir que, même sans quota, le peuple élirait deux conseillers fédéraux ou plus issus des régions francophones et italophones. La Suisse romande et la Suisse italophone ont en effet suffisamment de poids démographique pour que ce soit le cas. Dans leur propre intérêt, les grands partis présenteraient chacun deux candidats 5264

de langues différentes, pour obtenir des voix de la Suisse entière (cf. ch. 4.2.3). Les candidats ne se limiteraient d'ailleurs pas à faire campagne dans leur région linguistique d'origine, mais feraient en sorte de couvrir tout le pays. Les candidats suisses alémaniques et romanches, par exemple, prendraient part à des meetings électoraux en Suisse romande, au Tessin et dans les régions italophones du sud des Grisons, tandis que les candidats issus de ces régions iraient présenter leur programme en Suisse alémanique et dans les régions romanches. Cela pourrait éveiller la sensibilité des candidats aux autres communautés linguistiques et régions, et ainsi avoir des effets positifs sur la cohésion nationale. L'exemple des cantons de Fribourg et des Grisons51 montre qu'en raison du poids démographique des minorités et des intérêts partisans (conquérir le territoire le plus vaste possible), les minorités linguistiques sont représentées de manière adaptée même sans dispositif spécifique (cf. Stojanovic 2008: 247). Vatter, Milic et Bucher (2012: 44), se fondant sur une analyse des élections au Conseil d'Etat bernois, confirment le bonus que les électeurs accordent aux candidats issus de leur région linguistique, mais estiment qu'il ne représente pas plus de 6 à 8 % des voix. Dans leur simulation de l'élection du Conseil fédéral par le peuple sur la base des élections à l'exécutif cantonal, ils constatent que les sièges dévolus aux régions francophones et italophones seraient sans doute pourvus dès le premier tour, si bien que la règle du quota (avec sa moyenne géométrique) s'avérerait inutile dans la majorité des cas. Même en cas de deuxième tour, elle ne s'appliquerait sans doute qu'à titre exceptionnel (Vatter, Milic et Bucher 2012: 55).

Le quota proposé dans l'initiative donnerait aux régions linguistiques concernées une participation au gouvernement (28,6 %) reflétant presque exactement la part démographique qu'elles représentent (recensement populaire 2010: 28,7 %). Le quota permettrait également d'apaiser les peurs de sous-représentation liées à l'application du scrutin majoritaire.52 Mais le quota serait également source de problèmes.

La question linguistique à l'échelon fédéral La Confédération n'a jusqu'ici pas établi beaucoup de règles sur l'usage des langues nationales (art. 4 Cst.) et
officielles (art. 70 Cst.). A l'art. 70, al. 2, Cst., elle délègue aux cantons la compétence de déterminer leurs langues officielles et cite les principes qu'ils doivent prendre en compte. Si l'initiative était acceptée, la Confédération devrait définir dans une loi53 quelles régions francophones des cantons de Berne, de Fribourg et du Valais (en plus des cantons de Vaud, de Neuchâtel, de Genève et du Jura) et quelles régions italophones du canton des Grisons (en plus du canton du Tessin) seraient soumises au champ d'application de l'art. 175, al. 5, Cst. correspondant au texte de l'initiative. Même si elle déléguait aux cantons bilingues ou trilingues (BE, FR, GR, VS) la compétence de déterminer les territoires concernés (cf.

ch. 3.3.7), elle aborderait indirectement la question linguistique. Il n'est pas exclu que cela ait des effets sur les conflits linguistiques intracantonaux, et vice versa.

51 52

53

Contrairement aux cantons de Berne et du Valais (cf. ch. 3.3.6), les cantons de Fribourg et des Grisons ne protègent pas leurs minorités linguistiques.

Les données en provenance des cantons de Fribourg et des Grisons, lesquels ne prennent pas de dispositions particulières pour protéger leurs minorités linguistiques, ne confirment nullement ces craintes.

Cf. l'art. 175, al. 7, Cst. proposé

5265

Protection des minorités aux échelons fédéral et cantonal Le texte de l'initiative prévoit une solution à l'échelon fédéral qui ne correspond pas forcément à celle que le canton de Berne a prévue pour protéger ses minorités. Ce dernier prévoit en effet pour l'élection à l'exécutif cantonal un territoire (trois districts du Jura sud) où les minorités bénéficient d'une protection. Les communes bilingues de Bienne et de Leubringen n'en font pas partie (cf. ch. 3.3.6). Dans le texte de l'initiative, les territoires favorisés sont définis selon des critères linguistiques (territoires francophones et italophones). Si on y incluait les communes bilingues de Bienne et de Leubringen ­ et il y aurait des raisons de le faire ­, la protection des minorités linguistiques pour les élections du Conseil-exécutif dans le canton de Berne et celle pour l'élection du Conseil fédéral ne coïncideraient pas géographiquement. Il n'en résulterait toutefois pas de problèmes insolubles.

Difficultés de mise en oeuvre La mise en oeuvre de l'art. 175, al. 5 et 6, de l'initiative pourrait s'avérer compliquée dans la mesure où la protection dont jouiraient les minorités latines ne prend pas pour critère l'appartenance des candidats à telle ou telle communauté linguistique54, mais leur domicile. Un Suisse alémanique domicilié en zone linguistique francophone ou italophone, qui y aurait fait sa carrière politique et aurait été proposé par son parti comme candidat au Conseil fédéral pourrait donc profiter du quota sans être un véritable Romand ou un véritable italophone. A l'inverse, une personne domiciliée dans une commune bilingue pourrait, bien que parfaitement francophone ou italophone, ne pas pouvoir profiter du quota pour la simple raison que cette commune a changé de langue officielle en raison d'un afflux de Suisses alémaniques.

L'adoption d'une législation d'exécution pourrait susciter d'autres questions délicates. Si on déterminait l'appartenance linguistique au moment de l'élection du Conseil fédéral, il serait aisé pour les candidats de contourner la règle en changeant de domicile, ce qui relativiserait la protection accordée aux régions francophones et italophones. Si, au contraire, on déterminait cette appartenance à une date donnée (par ex. deux ou quatre ans avant l'élection du Conseil fédéral), le système présenterait
alors des rigidités.55 Comportement des électeurs par région linguistique La règle du quota pourrait avoir deux inconvénients supplémentaires: Certains électeurs suisses alémaniques ou romanches pourraient refuser de donner leur voix à des candidats de Suisse latine puisque leur représentation n'aurait plus à être assurée uniquement par le vote, mais le serait de plus par un mécanisme prévu dans la Constitution. Une telle évolution ne serait pas idéale pour la cohésion du pays. Certes, la règle du quota n'aurait une réelle portée que si, à l'issue du premier et du deuxième tours selon le processus décrit à l'art. 175, al. 4, du texte de l'initiative, il n'y avait pas deux conseillers fédéraux issus des régions francophones et

54 55

Une telle solution impliquerait que l'on fasse passer un test de langue aux candidats, ce qui ne serait pas raisonnable.

Une candidate comme Ruth Dreifuss, de langue maternelle française et qui a grandi à Genève, mais qui a exercé sa profession et son activité politique à Berne, ne serait pas considérée comme une représentante des régions francophones. Elle devrait se domicilier en Suisse romande avant de pouvoir faire acte de candidature pour entrer au Conseil fédéral.

5266

italophones. Toutefois, la simple existence d'un tel filet de sécurité pourrait modifier les comportements de vote en Suisse alémanique et dans les régions romanches.

Autre inconvénient, le quota, s'il était appliqué, pourrait restreindre la légitimité des personnes élues par ce biais et en faire des conseillers fédéraux de seconde classe (Hermann 2011b: 3). Pour les candidats de Suisse alémanique ou de Suisse romanche qui ne seraient pas élus du fait même de l'existence de la règle du quota, la défaite serait amère.

Peu favorable au canton du Tessin La règle du quota lierait la minorité francophone à la minorité italophone, alors même que celles-ci ne sont pas très proches géographiquement et qu'elles font souvent valoir des intérêts et des préférences différents. La procédure prévue mettrait en concurrence la Suisse romande, le Tessin et les vallées du sud des Grisons.

La Suisse romande étant plus peuplée, ce seraient avant tout les candidats issus de cette région qui pourraient profiter de la règle du quota. Cette solution ne serait pas bénéfique à une bonne cohabitation entre les deux communautés linguistiques; elle ne serait pas avantageuse pour la communauté italophone, et notamment le canton du Tessin. Un fossé pourrait se creuser entre ce dernier et le reste de la Suisse.

Oubli des régions romanches La règle du quota n'inclut pas les régions romanches.56 La petite minorité romanche serait assimilée à la majorité suisse alémanique.

4.2.13

Equilibre confédéral

L'initiative aurait des répercussions à divers niveaux sur l'équilibre entre les entités qui composent la Confédération: Premièrement, le mode de scrutin proposé donnerait plus de poids aux cantons fortement peuplés. Actuellement, à l'Assemblée fédérale, les cantons sont d'une part représentés proportionnellement à leur population résidante (200 conseillers nationaux) et d'autre part par une (OW, NW, BS, BL, AR et AI) ou deux (les autres cantons) personnes (46 conseillers aux Etats). Dans l'ensemble, les cantons peu peuplés sont donc légèrement mieux représentés qu'ils ne le seraient sur la base de leur population de résidence. En cas d'élection par le peuple, l'influence des cantons fortement peuplés serait légèrement renforcée puisque seul le nombre d'électeurs compterait.

Deuxièmement, il serait plus difficile qu'aujourd'hui d'appliquer le principe selon lequel «les diverses régions et les communautés linguistiques doivent être équitablement représentées au Conseil fédéral» (art. 175, al. 4, Cst.). Cette disposition, qui a remplacé la «clause des cantons», serait tout simplement abrogée. Elle comporte deux éléments: régions et communautés linguistiques. Le quota en faveur des régions francophones et italophones est une manière de veiller à la représentation équitable des communautés linguistiques (deuxième élément). Par contre, on ne tiendrait plus compte de la représentation des régions (premier élément). Dans le système actuel, les membres de l'Assemblée fédérale peuvent tenir compte de plu56

Cf. note de bas de page 31

5267

sieurs critères à la fois (aptitude, parti, région, langue, sexe)57. En cas d'élection par le peuple, les préférences des partis et l'attrait des candidats joueraient un rôle déterminant. Les partis veilleraient certes à présenter des candidats des grandes régions et communautés linguistiques. Mais, dans la mesure où tous les conseillers fédéraux seraient élus en même temps (au premier, éventuellement au deuxième tour), et vu la part de hasard que contient le scrutin majoritaire, certaines régions pourraient ne pas être représentées équitablement au Conseil fédéral. Plusieurs auteurs (Ehrenzeller 2008: ch. marg. 9; Tschannen 2011: 492; Neidhart 2011: 15) considèrent par conséquent que l'équilibre des partis, des langues, des régions et des sexes au sein du Conseil fédéral pourrait être menacé.

Les partis nationaux gagneraient en influence par rapport aux sections cantonales (cf. ch. 4.2.3). Cela pourrait indirectement renforcer les forces centralisatrices au sein de l'Etat fédéral, au détriment des forces fédéralistes (Kölz 2000: 99). Selon Neidhart (2010: 25), une élection directe du Conseil fédéral entraînerait même une centralisation massive et une personnalisation du système politique tout entier.

Enfin, et comme nous l'avons mentionné plus haut, le canton du Tessin, de même que les électeurs italophones du canton des Grisons, auraient moins de chances d'être représentés au Conseil fédéral. Des tensions pourraient apparaître entre les différentes communautés linguistiques.

4.2.14

Election du président de la Confédération et du vice-président du Conseil fédéral

A l'heure actuelle, le président de la Confédération et le vice-président du Conseil fédéral sont élus par l'Assemblée fédérale (cf. ch. 2.1 et 3.3.8). Si l'initiative était acceptée, c'est au Conseil fédéral que reviendrait cette compétence. Le comité d'initiative a renoncé à attribuer cette tâche au législatif ­ qui est pourtant l'autorité d'élection habituelle dans la majorité des cantons ­ c'est-à-dire à l'Assemblée fédérale.

Il est possible que ce transfert de compétences n'ait pas de répercussions notables.

L'Assemblée fédérale applique aujourd'hui la règle non écrite selon laquelle le conseiller fédéral qui assume la fonction de président est celui qui ne l'a pas exercée depuis le plus longtemps ou qui ne l'a jamais exercée. Le nombre de voix obtenues, sans pour autant avoir d'influence sur l'exercice de la fonction, a néanmoins valeur de test de popularité. Si le président était élu par le Conseil fédéral, cet élément, certes peu important, disparaîtrait.

En cas d'élection du Conseil fédéral par le peuple, la fonction de président pourrait se politiser. Son titulaire et le parti auquel il appartient deviendraient plus visibles, d'où de meilleures chances d'être réélus. Il n'est pas exclu dès lors que les considérations partisanes jouent un plus grand rôle à l'avenir dans l'élection du président de la Confédération: les grands partis tendraient à vouloir monopoliser cette fonction.

57

Cf. ch. 2.5

5268

4.2.15

Questions ouvertes concernant l'entrée en vigueur et droit transitoire

L'initiative entrerait en vigueur le jour de son acceptation par le peuple et les cantons. Les dispositions actuelles seraient dès lors remplacées par celles de l'initiative.

Ces dispositions ne seraient néanmoins pas directement applicables puisque, comme le prévoit très justement l'art. 175, al. 7, leurs modalités d'exécution, et notamment les détails du nouveau mode de scrutin (cf. ch. 3.3.7), devraient être réglées dans une loi. Après l'entrée en vigueur des dispositions d'exécution, il faudrait attendre près de quatre mois avant que le nouveau droit s'applique et qu'une élection du Conseil fédéral ait lieu (cf. ch. 4.2.5). Plusieurs années s'écouleraient donc vraisemblablement entre l'acceptation des nouvelles dispositions constitutionnelles et la première élection du Conseil fédéral par le peuple. Les autorités politiques subiraient sans doute une grande pression en vue d'accélérer le processus.

Pour éviter de fixer une date d'élection de manière irréfléchie et conserver la maîtrise des événements, le Conseil fédéral devrait, après l'acceptation de l'initiative et l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, élaborer en toute priorité la législation d'application conformément à l'art. 175, al. 7, et la soumettre à l'Assemblée fédérale. Il prévoirait aussi des délais minimaux pour la préparation des élections du Conseil fédéral. On pourrait ainsi garantir le bon déroulement des premières élections du Conseil fédéral par le peuple et permettre aux partis, aux autorités et aux électeurs de se préparer convenablement.

4.2.16

Conséquences financières

Conformément au texte de l'initiative, le peuple élirait le Conseil fédéral au scrutin majoritaire en deux tours au maximum.

Tout citoyen suisse ayant le droit de vote pourrait être élu au Conseil fédéral (cf.

ch. 3.3.3), soit près de 5,1 millions de personnes. Puisqu'il n'existe pas à l'heure actuelle de registre électoral central,58 le mécanisme prévu dans l'initiative exigerait qu'on instaure une obligation d'inscription avec quorum de signatures (par ex.

1000 signatures). Les attestations de la qualité d'électeur seraient comme précédemment disponibles dans les communes. Il appartiendrait à la Chancellerie fédérale de les contrôler ainsi que d'imprimer et de distribuer les bulletins électoraux aux cantons.

Comme indiqué au ch. 4.2.5, il y a eu un renouvellement intégral du Conseil fédéral et deux élections de remplacement par législature durant les sept dernières législatures. Si le nombre d'élections de remplacement restait le même en cas d'acceptation de l'initiative et si deux tours de scrutin avaient lieu à chaque fois, il y aurait six tours de scrutin par législature. S'il n'y avait qu'un renouvellement intégral du Conseil fédéral, avec un seul tour, il n'y aurait alors qu'un scrutin par législature.

Les pouvoirs publics dépensent en moyenne 8 millions de francs par tour de scrutin fédéral. Il en résulterait donc des coûts compris entre 8 et 48 millions de francs par

58

Les registres électoraux sont tenus par les services désignés comme compétents par le droit cantonal (le plus souvent, ils sont rattachés aux communes).

5269

législature. Sur le plan des ressources humaines, la Confédération aurait des coûts annuels supplémentaires de l'ordre de 0,5 à 1,5 poste à plein temps.

4.3

Avantages et inconvénients

En cas d'acceptation de l'initiative, les avantages seraient les suivants: ­

Un nouveau droit politique pour le peuple: les électeurs pourraient influencer directement la composition du gouvernement et auraient de ce fait des droits de participation démocratique supplémentaires.

­

Plus de légitimité pour le Conseil fédéral: le Conseil fédéral se retrouverait au même niveau que l'Assemblée fédérale, elle aussi élue par le peuple. En cas de conflits de compétences ou de mésententes sur des questions politiques, il pourrait s'appuyer sur son élection directe par le peuple.

­

Un débat national sur la future politique du gouvernement: l'élection du Conseil fédéral serait l'occasion d'un grand débat national, incluant toutes les régions linguistiques. Elle retiendrait toute l'attention des médias. Cela pourrait avoir des conséquences positives sur le taux de participation aux élections et aux votations.59

­

Promotion de la cohésion nationale: pour augmenter leurs chances d'être élus, les candidats participeraient à des meetings électoraux en dehors de leur zone linguistique et se confronteraient aux questions et aux défis des autres régions. Ces contacts et débats pourraient avoir un effet positif sur la cohésion nationale.

­

Stabilité au sein du Conseil fédéral: il est possible que les incertitudes et les investissements plus importants liés à l'élection par le peuple rendent les départs anticipés plus rares, d'où une plus grande stabilité au Conseil fédéral.60

­

Plus de transparence dans l'élection du Conseil fédéral: les sièges du Conseil fédéral ne seraient plus répartis selon des ententes entre partis ou entre groupes parlementaires, mais selon la volonté du peuple. L'élection serait extérieurement plus transparente.61

Les inconvénients prévaudraient cependant: ­

59

60 61

Intérêts partisans des conseillers fédéraux: le Conseil fédéral ne serait plus au-dessus de la mêlée. Ses membres seraient considérés avant tout comme des acteurs politiques, et leur rôle de conseillers fédéraux et chefs de département se confondrait avec celui de porte-étendard et de moteur électoral qu'ils assument pour leur parti, et avec celui de candidat à une réélection.

Dans leur simulation, Vatter, Milic et Bucher (2012: 19) estiment toutefois que le taux de participation ne serait pas significativement et durablement plus élevé que pour les élections au Conseil national. Ils tablent sur un taux de participation de 50 %.

Cette évolution n'aura pas forcément lieu, cf. ch. 4.2.5. De plus, il n'y a pas que des avantages à ce que les conseillers fédéraux restent en fonction plus longtemps.

Il y aurait néanmoins des accords entre partis sur un soutien (réciproque) accordé aux candidats. De plus, avec l'élection du Conseil fédéral par le peuple, la question de la transparence du financement des partis et des campagnes électorales serait encore plus d'actualité.

5270

­

Mise en danger du principe de la collégialité: pour favoriser leur réélection, les conseillers fédéraux devraient coopérer davantage avec les médias.

Ceux-ci rendraient publics les désaccords et les conflits au sein du collège, ce dont pourrait pâtir le principe de collégialité. Il faudrait de très fortes personnalités pour perpétuer loyalement ce principe.

­

Surcharge du Conseil fédéral: les conseillers fédéraux seraient sans doute accaparés par la campagne dès la deuxième partie de la législature. En comparaison avec les conseillers d'Etat, qui doivent eux aussi se soumettre à la réélection, les conseillers fédéraux sont beaucoup plus chargés en raison des séances de commission et en plénum des deux conseils (premier et deuxième conseils, voire élimination des divergences) et de l'interdépendance internationale (réunions ministérielles, contacts bilatéraux et multilatéraux). Ils pourraient atteindre leurs limites et devenir moins aptes à maîtriser les crises.

­

Affaiblissement du Parlement: l'Assemblée fédérale perdrait une compétence importante si le Conseil fédéral était élu par le peuple. L'exécutif et le législatif auraient le même niveau de légitimité, d'où un affaiblissement probable du Parlement. Il pourrait y avoir des conflits de compétences stériles entre ces deux pouvoirs. Le contrôle de l'Assemblée fédérale sur le Conseil fédéral et l'administration fédérale serait rendu plus difficile.

­

Menace de blocages: en particulier si la composition politique du Conseil fédéral différait de celle de l'Assemblée fédérale et si des personnalités populistes siégaient au gouvernement, les blocages pourraient se multiplier, et certains projets du Conseil fédéral pourraient échouer.

­

Renforcement des partis nationaux au détriment des sections cantonales: les partis nationaux devraient assumer l'organisation et le financement des élections. A moyen terme, ils gagneraient en influence par rapport aux sections cantonales.

­

Menace pour l'équilibre confédéral: le mode de scrutin proposé favoriserait légèrement les cantons fortement peuplés, de même que les villes et les agglomérations, au détriment des régions périphériques. Les nouvelles dispositions ne garantiraient plus une représentation équitable des diverses régions du pays. Le renforcement des partis nationaux au détriment des sections cantonales pourrait pousser à la centralisation et nuire à l'équilibre confédéral. De manière générale, il serait plus difficile qu'aujourd'hui de concilier les différents critères (aptitude, parti, appartenance linguistique, région, sexe). Enfin, le canton du Tessin et les régions italophones du canton des Grisons auraient moins de chances d'être représentés au Conseil fédéral.

­

Dépendance financière des partis: l'élection du Conseil fédéral par le peuple rendrait les partis plus fortement dépendants de leurs membres, des grandes entreprises, des riches donateurs et des lobbies.

­

Une règle du quota vraisemblablement superflue, facile à contourner et contre-productive: le quota de deux conseillers fédéraux prévu pour les régions francophones et italophones est sans doute inutile si l'on considère leur poids démographique. Les conflits linguistiques pourraient dépasser les frontières cantonales et s'inviter à l'échelon fédéral. En fonction de la forme de la législation d'exécution, il pourrait y avoir de nombreux moyens de 5271

contourner la règle ou, au contraire, il y aurait trop de rigidité. Il serait en tous les cas impossible d'imposer que la règle du quota ne bénéficie qu'aux «véritables» francophones et italophones. La règle, qui occulte totalement les régions romanches et ferait des régions francophones et italophones des concurrentes, serait défavorable à une bonne cohabitation entre entre les communautés linguistiques. Un fossé pourrait se creuser entre le canton du Tessin et le reste de la Suisse. La règle du quota serait en tous les cas moins performante que le système actuel, qui tient compte de l'aptitude, de l'appartenance politique et linguistique, de la région d'origine et du sexe des candidats.

­

Une réglementation compliquée: la règle du quota et le système électoral seraient obscurs pour les citoyens. Lors du premier et du deuxième tours, il y aurait comme toujours un décompte des voix. Si la procédure habituelle ne permettait pas d'élire deux personnes issues des régions francophones et italophones, on appliquerait la règle du quota. Les candidats des régions germanophones et romanches ayant comptabilisé le moins de voix devraient quitter la course, et on recalculerait les voix des candidats de Suisse latine au moyen d'une procédure compliquée. Il serait difficile d'expliquer aux citoyens ces résultats et les différences de calcul du nombre de voix des régions germanophones et romanches, d'une part, et francophones et italophones, d'autre part. Les candidats romands et italophones auraient du mal à définir une stratégie électorale optimale (campagne axée sur la région linguistique ou sur toute la Suisse) étant donnés les deux modes de calcul.

Enfin, il convient de noter que l'initiative tente de résoudre un problème qui n'en est pas un. L'élection du Conseil fédéral par l'Assemblée fédérale est efficace et a jusqu'ici donné satisfaction. Le Parlement élit un collège, où les femmes sont entrées en 1984, qui représente les principaux partis, régions et communautés linguistiques, qui jouit d'une reconnaissance au sein de la population et qui, au fil des années, a réussi à surmonter les guerres et les crises économiques entre autres menaces et à composer avec succès avec la construction européenne et la mondialisation. Le mode de scrutin actuel assure la bonne entente entre les communautés linguistiques et, par là même, la stabilité et la prospérité du pays. Rien dès lors ne saurait inciter à changer de système.

4.4

Bilan

Le Conseil fédéral ne perçoit dans le mode actuel d'élection du Conseil fédéral aucun problème qui appelle un remède. L'élection du Conseil fédéral par l'Assemblée fédérale a largement fait la preuve de son efficacité et a contribué à la bonne collaboration entre les institutions politiques majeures et à la stabilité du contexte politique. L'acceptation de l'initiative pourrait mettre à mal cette collaboration et la stabilité politique de nos institutions, alors qu'elles permettent à notre pays de réagir relativement efficacement en comparaison internationale à des événements difficiles comme la crise financière.

5272

5

Pas de contre-projet direct ni indirect

Le Conseil fédéral a examiné différentes possibilités de contre-projets directs, qui pourraient s'articuler autour des axes suivants: ­

Premièrement, éliminer les faiblesses de l'initiative populaire en procédant notamment aux améliorations suivantes: a. Faire élire le Conseil fédéral au scrutin proportionnel plutôt que majoritaire (art. 175, al. 2, du texte de l'initiative) pour que la représentation des partis au Conseil fédéral reste plus proche de celle qui prévaut à l'Assemblée fédérale. Cela permettrait d'éviter les blocages. En cas d'élection à la proportionnelle, on pourrait éviter une élection de remplacement en cas de démission en cours de mandat (cf. ch. 4.2.5); il suffirait alors de confier le siège vacant à la personne qui arrivait en deuxième position lors de la dernière élection pour le renouvellement intégral.

b. Renoncer au quota pour les régions francophones et italophones, source de complications, vraisemblablement inutile et facile à contourner.

Le Conseil fédéral renonce à ce type de contre-projet, qui ne corrigerait que quelques défauts de l'initiative.

­

Deuxièmement, faire une grande réforme du gouvernement, telle que celle proposée par Andreas Auer (cf. note de bas de page 39). Cette entreprise dépasserait cependant largement le cadre de l'initiative populaire, et les défauts de l'élection par le peuple demeureraient. De plus, le Parlement a déjà rejeté l'idée d'un gouvernement à deux niveaux proposée dans le cadre de la réforme de la direction de l'Etat. Enfin, il serait exagéré de réduire le Conseil fédéral à trois personnes, dans la mesure où la représentation des principaux partis et communautés linguistiques ne serait plus garantie. Une réforme aussi drastique ne pourrait guère remporter de majorité.

­

Troisièmement, faire élire le président de la Confédération par le peuple.

Une telle solution mettrait cependant à mal le concept du collège puisque le président jouirait d'une légitimité plus grande que les autres membres du Conseil fédéral. La représentation des diverses régions et des communautés linguistiques poserait des problèmes en raison de la politisation de la fonction de président. Il est donc préférable de continuer de faire élire le président par l'Assemblée fédérale.

­

Quatrièmement, limiter l'éligibilité au sein du Conseil fédéral à des membres de l'Assemblée fédérale. Les futurs conseillers fédéraux devraient ainsi se soumettre au verdict des électeurs de leur canton. Cette proposition rappelle le temps où les radicaux siégeaient seuls au Conseil fédéral (1848­1891) et où les conseillers fédéraux devaient participer aux élections au Conseil national pour tester leur popularité (cf. Chancellerie fédérale 2011). L'entrée des catholiques conservateurs (aujourd'hui PDC) au Conseil fédéral et le passage du système de concurrence au système de concordance tel qu'on le connaît aujourd'hui ont mis fin à cet exercice de légitimation et laissé la place aux mécanismes de la démocratie directe (mise en place de l'initiative populaire suite à la révision partielle de la Constitution en 1891) et à la compétition entre partis. Restreindre l'éligibilité au Conseil fédéral à des membres de l'Assemblée fédérale limiterait également la palette des per5273

sonnes aptes à être élues62. Les membres des gouvernements cantonaux désireux de se faire élire au Conseil fédéral devraient exercer dans le même temps la fonction de député. Or, certains cantons n'autorisent pas les doubles mandats (BE, GL, FR, SH, GR, TI, VD, GE, JU). Les candidats au Conseil fédéral devraient déployer des efforts supplémentaires pour se faire élire d'abord à l'Assemblée fédérale. Ils n'auraient pas beaucoup plus de légitimité pour autant.

­

Cinquièmement, poser la question de confiance au peuple. On pourrait prévoir la réélection des conseillers fédéraux à la majorité simple par le peuple.

Ceux qui ne seraient pas élus au premier tour rejoindraient les nouveaux candidats et se soumettraient au vote de l'Assemblée fédérale (Hermann 2011a: 132­145). Cette solution présenterait les mêmes problèmes que l'élection du Conseil fédéral par le peuple; de plus, les conseillers fédéraux n'auraient pas tous la même légitimité.

­

Sixièmement, instaurer un droit de destitution. Si l'on créait ce nouveau droit populaire, 50 000 citoyens par exemple pourraient obtenir un vote destiné à relever un ou plusieurs conseillers fédéraux de leurs fonctions. L'Assemblée fédérale a déjà examiné cette possibilité et l'a rejetée (cf. ch. 2.6), car elle remettrait en cause la stabilité du Conseil fédéral, qui est essentielle à la gouvernabilité du pays et qui détermine la capacité du gouvernement de relever les défis qui se posent. Le Conseil fédéral deviendrait vulnérable au chantage des lobbies. De plus, il est arrivé à plusieurs reprises qu'un conseiller fédéral quitte son poste sous la pression de l'opinion publique.63 Il est à noter que l'instauration d'un droit de destitution ne correspondrait plus du tout à l'objet de l'initiative.

Le Conseil fédéral pourrait également proposer un contre-projet indirect. Plusieurs possibilités s'offrent à lui: ­

Si les partis élisaient le Conseil fédéral sur la base de listes fixes, ils seraient amenés à chercher des terrains d'entente, d'où une politique plus cohérente.

La question de savoir si un tel projet devrait être concrétisé au plan constitutionnel ou au plan légal demeure ouverte.

­

On pourrait éviter les jeux tactiques lors des élections au Conseil fédéral en faisant élire tous les conseillers simultanément.

L'Assemblée fédérale a déjà examiné ces possibilités de changer le mode de scrutin ainsi que d'autres et les a toutes rejetées (cf. ch. 2.6). Le Conseil fédéral, lui aussi sceptique, préfère renoncer à tout contre-projet indirect.

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Si l'on se réfère aux 30 dernières années, on s'aperçoit que les conseillers fédéraux suivants n'étaient pas membres de l'Assemblée fédérale au moment de leur élection: Otto Stich, René Felber, Ruth Dreifuss, Ruth Metzler, Micheline Calmy-Rey et Eveline Widmer-Schlumpf.

Cf. note de bas de page 5

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Conclusions

Au vu de ce qui précède, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de soumettre l'initiative populaire «Election du Conseil fédéral par le peuple» au peuple et aux cantons en leur recommandant de la rejeter. En cas d'acceptation de l'initiative, on remplacerait un système qui a fait ses preuves par un autre beaucoup plus pesant pour tous les acteurs concernés et qui pourrait perturber la stabilité de nos institutions et l'équilibre confédéral.

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