12.073 Message concernant l'initiative populaire «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire» du 14 septembre 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons de soumettre au vote du peuple et des cantons l'initiative populaire «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire» en leur recommandant de la rejeter.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

14 septembre 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2012-1533

7659

Condensé L'initiative populaire «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire» se propose de supprimer les obligations militaires pour les citoyens suisses. Le Conseil fédéral recommande le rejet de l'initiative parce que celle-ci ferait dépendre la sécurité de la Suisse du nombre suffisant ou non d'engagés volontaires, supprimerait un devoir citoyen ancré au plus profond de la tradition suisse et aussi, finalement, parce que le modèle d'armée actuel est le plus efficace pour fournir les prestations exigées.

Le 5 janvier 2012, le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a déposé l'initiative populaire «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire», munie de 106 995 signatures valables. L'objectif de l'initiative est d'abolir les obligations militaires et de remplacer l'armée actuelle basée sur les obligations militaires et la milice par une milice plus petite, composée de volontaires. L'égalité face aux obligations militaires n'étant plus assurée du point de vue des auteurs de l'initiative, ils demandent un changement fondamental du système. Selon eux, la possibilité doit être donnée aux hommes et aux femmes d'accomplir volontairement le service militaire et le service civil. La taxe d'exemption de l'obligation de servir serait de ce fait supprimée. Par contre, le comité d'initiative ne se prononce pas sur l'avenir de l'obligation de servir dans la protection civile.

Le Conseil fédéral accueille favorablement le fait que l'initiative permette une vaste discussion au niveau politique sur l'un des piliers du système actuel de l'obligation de servir (obligations militaires, service civil au titre de service de remplacement, obligation de servir dans la protection civile et taxe d'exemption de l'obligation de servir; service militaire à titre volontaire pour les femmes), mais compte tenu des conséquences, il s'oppose toutefois à l'initiative. Son acceptation aurait des conséquences graves pour la Suisse et sa sécurité. Le Conseil fédéral voit avant tout trois raisons de s'y opposer.

Premièrement, l'acceptation de l'initiative signifierait que la Suisse ferait dépendre la sécurité du pays et de la population d'hommes et de femmes qui devraient être en nombre suffisant, disposer des compétences requises et trouver assez d'avantages personnels à un engagement dans l'armée pour s'annoncer
volontairement. Ce principe s'appliquerait non seulement à la situation actuelle de faibles menaces d'attaques militaires, mais aussi à l'appui aux autorités civiles pour assurer la sécurité intérieure et la maîtrise des catastrophes et des situations d'urgence. Si la situation venait à se dégrader sur le plan de la politique de sécurité, il faudrait de surcroît d'abord adapter la Constitution avant de pouvoir réintroduire les obligations militaires.

Deuxièmement, l'engagement personnel des citoyens au service de l'intérêt général est un principe inhérent à la société suisse. Notre pays n'a pas pour habitude de déléguer cette tâche à des volontaires contre rémunération. L'organisation du système politique au niveau fédéral, cantonal et communal, de même que l'armée, se fondent sur ce principe. Les droits sont indissociables des devoirs; le service mili-

7660

taire obligatoire est un devoir du citoyen. Les obligations militaires font partie intégrante de la politique nationale, elles ont une légitimité démocratique et sont conformes au droit international public.

Troisièmement, c'est avec une armée de milice comprenant les obligations militaires que l'armée est le mieux en mesure de fournir les prestations exigées. L'armée doit avoir la possibilité, dans le pire des cas, de mobiliser un nombre important de troupes. En outre, la mise à profit des compétences et des aptitudes civiles, la diversité sociale et régionale que l'on retrouve à l'armée, le lien étroit qui unit l'armée et la société et finalement la tradition de défense parlent en faveur du modèle actuel des obligations militaires et du principe de l'armée de milice.

Le Conseil fédéral conçoit l'égalité face aux obligations militaires comme l'exécution objective, transparente et équitable du système de l'obligation de servir; elle ne dépend pas du taux d'aptitude au service comme le suggèrent les auteurs de l'initiative. Ils font valoir des points de vue qui sont dépassés depuis l'introduction du service civil et de l'obligation de servir dans la protection civile. Dans ces organisations, les citoyens et les citoyennes suisses fournissent aussi une contribution au service de la communauté, en fonction de leurs possibilités.

Par conséquent, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l'initiative.

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Table des matières Condensé

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1 Aspects formels et validité de l'initiative 1.1 Texte de l'initiative 1.2 Aboutissement et délais de traitement 1.3 Validité

7663 7663 7663 7664

2 Contexte du lancement de l'initiative 2.1 Termes service militaire obligatoire, obligations militaires, système de l'obligation de servir 2.2 Historique de la discussion au niveau politique 2.3 Groupe de réflexion sur le système de l'obligation de servir 2.4 Evolution en Europe

7664

3 Objectifs et demandes de l'initiative 3.1 Objectifs de l'initiative 3.2 Autres demandes de l'initiative 3.3 Dispositions transitoires

7671 7671 7671 7672

4 Appréciation de l'initiative 4.1 Appréciation des demandes de l'initiative 4.1.1 Obligations militaires et milice, milice de volontaires 4.1.2 Système de l'obligation de servir 4.1.3 Service civil 4.1.4 Egalité face aux obligations militaires 4.1.5 Intégration des femmes 4.1.6 Effectif et coûts de l'armée 4.2 Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative 4.2.1 Conséquences pour la politique de sécurité 4.2.2 Conséquences pour l'armée 4.2.3 Conséquences pour le service civil 4.2.4 Conséquences pour la protection civile 4.2.5 Conséquences financières pour la Confédération 4.2.6 Conséquences pour les cantons et les communes 4.2.7 Conséquences économiques 4.3 Avantages et inconvénients de l'initiative 4.3.1 Importance des obligations militaires sur le plan de la politique de sécurité 4.3.2 Importance politique et institutionnelle des obligations militaires 4.4 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

7672 7672 7672 7674 7675 7676 7677 7678 7678 7679 7680 7682 7683 7683 7685 7686 7686 7686 7689 7690

5 Conclusions

7692

Arrêté fédéral relatif à l'initiative populaire «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire» (Projet)

7693

7662

7664 7665 7669 7670

Message 1

Aspects formels et validité de l'initiative

1.1

Texte de l'initiative

L'initiative populaire fédérale «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire» a la teneur suivante: I La Constitution1 est modifiée comme suit: Art. 59

Service militaire et service civil

1

Nul ne peut être astreint au service militaire.

2

La Suisse a un service civil volontaire.

La Confédération légifère sur l'octroi d'une juste compensation pour la perte de revenu des personnes qui effectuent un service.

3

Les personnes qui sont atteintes dans leur santé dans l'accomplissement d'un service ont droit, pour elles-mêmes ou pour leurs proches, à une aide appropriée de la Confédération; si elles perdent la vie, leurs proches ont droit à une aide analogue.

4

II Les dispositions transitoires de la Constitution sont modifiées comme suit: Art. 197, ch. 8 (nouveau) 8. Dispositions transitoires ad art. 59 (Service militaire et service civil) Si la législation fédérale afférente n'est pas entrée en vigueur dans un délai de cinq ans à compter de l'adoption par le peuple et les cantons de l'abrogation du service militaire obligatoire et de l'introduction du service civil volontaire conformément à l'art. 59, al. 1 et 2, le Conseil fédéral édicte les dispositions d'application par voie d'ordonnance.

1.2

Aboutissement et délais de traitement

L'initiative populaire fédérale «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire» a fait l'objet d'un examen préliminaire par la Chancellerie fédérale le 22 juin 20102, et elle a été déposée le 5 janvier 2012 avec le nombre requis de signatures.

Par sa décision du 31 janvier 2012, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 106 995 signatures valables et qu'elle avait donc abouti.3 1 2

RS 101 FF 2010 4005

7663

L'initiative est présentée sous la forme d'un projet rédigé. Le Conseil fédéral ne lui oppose pas de contre-projet. Conformément à l'art. 97, al. 1, let. a, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)4, le Conseil fédéral avait jusqu'au 5 janvier 2013 pour soumettre à l'Assemblée fédérale un projet d'arrêté fédéral accompagné d'un message. Si elle arrive à la même conclusion que le Conseil fédéral, l'Assemblée fédérale a, conformément à l'art. 100 LParl, jusqu'au 5 juillet 2014 pour adopter la recommandation de vote qu'elle présentera au peuple et aux cantons.

1.3

Validité

L'initiative remplit les critères de validité énumérés à l'art. 139, al. 3, de la Constitution (Cst.): a.

elle obéit au principe de l'unité de la forme, puisqu'elle revêt entièrement la forme d'un projet rédigé;

b.

elle obéit au principe de l'unité de la matière, puisqu'il existe un rapport intrinsèque entre ses différentes parties;

c.

elle ne contrevient à aucune disposition impérative du droit international et remplit ainsi les exigences constitutionnelles minimales concernant la conformité au droit international.

L'initiative doit par conséquent être déclarée valable.

2

Contexte du lancement de l'initiative

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a lancé l'initiative populaire «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire» le 17 avril 2010. A ce moment-là, l'élaboration du rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur la politique de sécurité de la Suisse (rapport sur la politique de sécurité)5 était en voie d'achèvement. Le rapport sur la politique de sécurité a ensuite été approuvé par le Conseil fédéral le 23 juin 2010 et transmis aux Chambres fédérales. Le rapport traite aussi des obligations militaires, mais il n'est pas à l'origine du lancement de l'initiative.

Celle-ci résulte plutôt d'une longue discussion politique sur l'organisation du système de l'obligation de servir.

2.1

Termes service militaire obligatoire, obligations militaires, système de l'obligation de servir

Les termes «service militaire obligatoire» (ou obligation générale de servir) et «obligations militaires» doivent être clarifiés. Le titre de l'initiative demande l'abrogation du service militaire obligatoire Dans le texte même de l'initiative, c'est au contraire le terme «obligations militaires» qui est cité à l'art. 59, al. 1, Cst. Le terme «service 3 4 5

FF 2012 999 RS 171.10 FF 2010 4681

7664

militaire obligatoire» n'est plus utilisé dans la Constitution fédérale ni dans la loi.

Dans ces actes, il est question d'obligations militaires. Pour cette raison, dans le présent message, le terme employé est «obligations militaires».

Le système de l'obligation de servir regroupe les obligations militaires, le service civil, l'obligation de servir dans la protection civile (protection civile) et la taxe d'exemption de l'obligation de servir avec les bases constitutionnelles et légales spécifiques en vigueur.6 Ce terme englobe des devoirs de service ancrés dans la loi par la Confédération et ne doit pas être confondu avec la notion d'obligation générale de servir qui laisse le libre choix entre différents types de service.7

2.2

Historique de la discussion au niveau politique

Jusqu'à présent, c'est seulement à l'occasion de débats sur l'abolition de l'armée ou sur des adaptations du système de l'obligation de servir que la question des obligations militaires a été évoquée. L'initiative fait pour la première fois de l'abolition des obligations militaires l'objet en soi d'une discussion politique à grande échelle.

Elle permet aussi de faire un état des lieux de l'évolution du système de l'obligation de servir, résultant des décisions démocratiques intervenues au cours des dernières décennies, et d'indiquer les adaptations qui sont étudiées actuellement.

Révision de la Constitution La nouvelle constitution, en vigueur depuis le 1er janvier 2000, n'a pas apporté de changement concret aux obligations militaires; ces dernières n'étaient pas soumises à la discussion dans le cadre de la révision totale. Sur le plan linguistique, la formulation «Chaque Suisse est tenu au service militaire. La loi prévoit l'organisation d'un service civil» (art. 18, al. 1, de la Constitution fédérale du 29 mai 1874)8 a été remplacée par la formulation en vigueur: «Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire. La loi prévoit un service civil de remplacement.» (art. 59, al. 1, Cst.).

Initiatives populaires La première initiative demandant l'abolition de l'armée, l'initiative populaire fédérale déposée par le GSsA «pour une Suisse sans arme et pour une politique globale de paix», refusait tous les modèles d'armée. Soumise en votation populaire le 26 novembre 1989, elle a été rejetée par le peuple et les cantons à 64,4 % des votants et seulement deux cantons l'ont acceptée. La deuxième initiative visant à abolir l'armée, l'initiative populaire fédérale «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée» a également été rejetée en votation le 2 décembre 2001 par tous les cantons et à une majorité de 78,1 % des suffrages exprimés. Cette initiative autorisait explicitement «la participation armée, à l'étranger, à des activités interna6

7 8

Art. 59, al. 1 et 2, Cst.; art. 61, al. 3, Cst.; loi du 3 février 1995 sur l'armée (RS 510.10), loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile (RS 520.1), loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le service civil (RS 824.0), loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (RS 661).

Le rapport entre les obligations militaires, le service civil, la protection civile et la taxe d'exemption de l'obligation de servir est exposé au ch. 4.1.2.

RS 1 3. Dans la formulation de l'arrêté fédéral pour l'introduction du service civil pour les objecteurs de conscience du 13 décembre 1991.

7665

tionales en faveur de la paix», sans préciser toutefois si, en cas d'acceptation de l'initiative, cette participation devait se composer de formations professionnelles, de formations de conscrits ou de formations de volontaires.

Interventions parlementaires et initiatives parlementaires Depuis 1990, à plusieurs reprises, des motions, des postulats et des initiatives parlementaires9 visant à supprimer les obligations militaires ou à élargir l'obligation générale de servir ont été déposés. Ils demandaient parfois, en complément, la création d'un service civil volontaire et parfois, son ouverture aux femmes sur une base volontaire. Le service obligatoire pour les femmes n'a jamais été à l'ordre du jour. Aucune de ces interventions n'a obtenu l'aval du Parlement et il n'a été donné suite à aucune des initiatives parlementaires.10 Les mêmes thèmes ont été repris en 2008/2009 dans des interpellations.11 Dans ses réponses, le Conseil fédéral indiquait alors que ces questions devraient être clarifiées dans le cadre du rapport sur la politique de sécurité du 23 juin 201012 et dans le cadre du développement de l'armée.

Dans le rapport sur la politique de sécurité, le Conseil fédéral a conforté son intention de conserver les obligations militaires. Cette idée n'a pas ou peu rencontré d'opposition dans les auditions et les débats parlementaires, pas plus que lors de la discussion parlementaire au sujet du rapport sur l'armée 2010 du 1er octobre 201013.

Rapports sur le système de l'obligation de servir Le Conseil fédéral a déjà demandé un examen complet du système de l'obligation de servir dans les années 90 (commission d'études sur l'obligation générale de servir, rapport final du 20 août 1996)14 et étudié différents aspects, en réponse au postulat Wicki du 29 mai 2005 (05.3526 Etablissement d'un rapport sur l'égalité face aux obligations militaires) et au postulat Hêche du 29 septembre 2010 (10.3723 Intégrer le cas des personnes inaptes ou réformées dans la réflexion sur le service civil).15 9

10 11

12 13 14 15

En 1990 la motion Blocher (90.429; Obligation de servir dans le cadre de la défense générale); en 1991 la motion Rhinow (91.3143; Service communautaire); en 1994 le postulat Bircher (94.3266; Service à la communauté obligatoire. Rapport de base); en 2002 l'initiative parlementaire Zäch (02.450; Instauration d'un service social); en 2004 les motions Frick (04.3369) et du groupe démocrate-chrétien (04.3379; Obligation générale de servir pour les hommes); en 2005 l'initiative parlementaire Darbellay (05.409; Obligation générale de servir pour les hommes, retirée) et la motion Lang (05.3252; Suppression du service militaire obligatoire. Création d'un service volontaire pour la société et pour la paix); en 2006 deux postulats Haering (06.3295; Suspension des obligations militaires; et 06.3405; Service civil facultatif); en 2007 la motion John-Calame (07.3684; Femmes et service civil); en 2008 l'initiative parlementaire Roth-Bernasconi (08.460; Pour un service volontaire, civil ou militaire, pour femmes et hommes) ainsi qu'en 2009 l'initiative parlementaire Allemann (09.508; Suppression de l'obligation générale de servir). Le postulat Galladé (11.3783; Armée. Pour un modèle de base prometteur) est encore en suspens.

Seule la motion Rhinow (91.3143) a été acceptée sous la forme atténuée de postulat. La demande n'a pas été prise en considération lors de la révision de la Constitution.

L'interpellation urgente du groupe des Verts (08.3466; Crise de l'armée et de la politique de sécurité) et l'interpellation du groupe socialiste (08.3467; Crise de l'armée. Des réformes en profondeur s'imposent), les interpellations Français (08.3905; Armée. Quelle stratégie pour demain?) et Allemann (09.4126; Pour une armée moderne adaptée à des scénarios de menaces réalistes).

FF 2010 4681 FF 2010 8109 Ce rapport donne aussi un condensé de la discussion extraparlementaire au sujet de l'obligation générale de servir.

Cf. ch. 4.1.3

7666

Révision du système de l'obligation de servir Le système de l'obligation de servir a été modifié en 1995 et 2003 par les réformes de l'armée et en 1996 par l'introduction du service civil. Les propositions du Conseil fédéral ont été largement soutenues par le Parlement. Les obligations militaires et la milice n'ont jamais été abordées.

Réformes de l'armée et système de l'obligation de servir Les effectifs de l'armée ont été progressivement réduits par l'abaissement de l'âge de licenciement qui a, en conséquence, fait diminuer le nombre de classes d'âge astreintes au service militaire. La réforme de l'armée XXI a instauré un nouvel élément dans le système de l'obligation de servir: le modèle de militaire en service long, c'est-à-dire la possibilité d'accomplir le service militaire en une seule fois.

Une limite légale, établie à 15 % au maximum d'une classe de recrutement, a été fixée pour la part des militaires en service long (art. 54a, al. 3, de la loi du 3 février 1995 sur l'armée, LAAM),16 afin de ne pas prétériter le principe de l'armée de milice.17 Complément par le service civil Jusqu'en 1996, les hommes aptes au service qui ne pouvaient concilier le service militaire avec leur conscience étaient poursuivis pénalement. En 1992, la base constitutionnelle pour un service civil a été acceptée en votation populaire et le refus d'accomplir du service militaire pour des raisons de conscience décriminalisé.18 La loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le service civil19 a été adoptée en 1995 et elle est entrée en vigueur au 1er octobre 1996.

Auparavant, la demande d'instaurer un service civil n'avait pas obtenu de majorité.20 La problématique avait été atténuée en accordant la possibilité d'accomplir le service militaire sans arme. En 2009, la suppression de l'examen de conscience21 a entraîné une forte augmentation des demandes d'admission au service civil: en 2010, 7391 demandes ont été déposées, alors qu'on en recensait environ 1800 par an depuis 1996. Le Conseil fédéral décida d'adapter la procédure au niveau de l'ordonnance, mais sans entreprendre une nouvelle révision de la loi sur le service civil, pour réintroduire l'examen de conscience comme l'avaient demandé des initiatives

16 17 18

19 20

21

RS 510.10 Expertise du professeur Schindler du 14 avril 1999 à l'intention du DDPS (JAAC 65.38).

En 1992, adoption de l'article constitutionnel (art. 18, al. 1, de l'ancienne Cst.; art. 59 Cst.). Depuis 1992 , les objecteurs de conscience ne sont plus emprisonnés mais astreints à des travaux civils (réforme Barras).

RS 824.0 La proposition du Conseil fédéral de mettre en oeuvre l'initiative populaire «pour la création d'un service civil (initiative de Münchenstein)» (message: FF 1976 II 937; résultat de la votation: FF 1978 I 665) a obtenu la majorité au Parlement, mais elle a pourtant été rejetée en votation populaire en 1977, de même que l'initiative populaire fédérale «pour un authentique service civil basé sur la preuve par l'acte» en 1984 (message FF 1982 III 1; résultat de la votation: FF 1984 I 1385).

La modification du 3 octobre 2008 de la LSCI, en vigueur depuis le 1er avril 2009, à l'origine de laquelle on trouve la motion Studer (04.3672 «Service civil. Introduire la preuve par l'acte».

7667

parlementaires.22 Le nombre des demandes d'admission au service civil a donc diminué: en 2011, 5800 demandes ont été déposées et 4670 d'entre elles ont été acceptées.

En 2011, le Conseil fédéral a présenté un rapport sur la possibilité d'intégrer des personnes inaptes ou réformées dans le service civil, répondant ainsi au postulat Hêche (10.3723 Intégrer le cas des personnes inaptes ou réformées dans la réflexion sur le service civil).

Protection civile et système de l'obligation de servir Les effectifs de la protection civile, comme ceux de l'armée d'ailleurs, ont été réduits en 1995 (réforme de la protection de la population XXI).23 Dès lors, la protection civile pouvait se limiter à recruter des hommes inaptes au service militaire pour atteindre ses effectifs. Le système en vigueur auparavant a été supprimé. Il prévoyait que les conscrits accomplissent encore quelques années au service de la protection civile après leur service militaire. L'effectif est passé de 380 000 à 120 000 hommes.

Taxe d'exemption de l'obligation de servir La taxe d'exemption de l'obligation de servir a aussi été l'objet de discussions politiques à diverses occasions. Sont en principe assujetties à cette taxe, les personnes qui n'accomplissent pas de service militaire, soit parce qu'elles sont inaptes au service, soit parce qu'elles ont déplacé un service militaire ou un service civil pour des raisons personnelles.24 Le deuxième cas n'étant pas contesté, il n'y a pas lieu de le détailler ici. Le montant de la taxe peut être réduit si une personne inapte au service militaire mais apte au service de protection accomplit des jours de service dans la protection civile (4 % par jour). Les personnes libérées du service militaire (par ex. gardes-frontière ou policiers) par le législateur ou du service civil sont exonérées de la taxe d'exemption. La règle selon laquelle les personnes inaptes au service militaire, y compris les personnes handicapées, acquittent la taxe d'exemption de l'obligation de servir a fait l'objet de controverses.25 En 1990, une initiative déposée par le canton du Jura a conduit à dispenser les personnes souffrant d'un handicap considérable du paiement de la taxe d'exemption.26 La motion Lumengo du 9 décembre 2009 (09.4115 Pas de taxe d'exemption de l'obligation de servir pour les personnes partiellement
invalides) qui voulait étendre l'exemption aux personnes partiellement invalides a été classée. Le Conseil fédéral avait indiqué qu'une telle pratique porterait atteinte à l'égalité face aux obligations militaires. Afin de renfor22

23 24 25

26

Cf. les rapports du Conseil fédéral du 23 juin 2010 (10.074) et du 27 juin 2012 sur les effets de la solution de la preuve par l'acte au service civil.

Sont encore en suspens au Parlement, la motion Eichenberger (09.3861 Rapport équitable entre la durée du service civil et celle du service militaire); l'initiative parlementaire Engelberger (10.528 Pour un service civil, et non un libre service) ainsi que la motion Lachenmeier (11.3957 Service civil facultatif pour tous).

Révision de la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi; RS 520.1).

Art. 1 de la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (LTEO; RS 661).

Le postulat Vetsch (78.567 Service de remplacement pour les personnes handicapées) proposait, comme solution, de créer un service de remplacement pour les personnes handicapées. L'initiative populaire fédérale «Une Suisse sans taxe militaire» a déjà échoué au stade de la collecte des signatures en 1994 (FF 1994 V 525).

Révision de 1994/95 de la LTEO (RS 661).

7668

cer encore cette égalité, le Parlement a décidé en 2010 de renforcer la loi fédérale du 12 juin 1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (LTEO)27; entre autres, la taxe minimale d'exemption est passée de 200 à 400 francs, un remboursement n'est accordé que si la personne astreinte a accompli la durée totale des services obligatoires et pour bénéficier d'une réduction de moitié de la taxe, la personne astreinte doit avoir accompli plus de la moitié de ses jours de service. Avant la révision de la LTEO, il suffisait d'avoir accompli trois jours de service militaire ou cinq jours de protection civile.

Femmes et obligation de servir Les femmes ont pu s'engager sur une base volontaire, tout d'abord dans le service complémentaire féminin (SFC), puis elles ont été progressivement intégrées dans l'armée. Aujourd'hui, des unités spécialement réservées aux femmes n'existent plus que dans le Service Croix-Rouge (SCR), mais elles sont aussi incorporées dans la structure de l'armée. Les interventions parlementaires qui souhaitaient donner aux femmes la possibilité d'être admises au service civil ont déjà été mentionnées.

L'obligation de servir pour les femmes est une question qui n'a jamais été posée au Parlement.

En résumé, on peut dire que le système de l'obligation de servir a été adapté dans tous les domaines pendant les deux dernières décennies. Toutes les options relatives à son organisation ont été discutées à maintes reprises. Le principe des obligations militaires a toujours été conservé. Rien ne laissait supposer qu'une alternative aux obligations militaires ou au principe de l'armée de milice serait en mesure d'obtenir une majorité par la voie démocratique. En outre, aucun événement sur le plan de la politique de sécurité n'a constitué un motif pour s'écarter du système actuel.

2.3

Groupe de réflexion sur le système de l'obligation de servir

Le Conseil fédéral a examiné à plusieurs reprises le système de l'obligation de servir et l'a adapté quand il était nécessaire de le faire. L'organisation actuelle peut encore être améliorée. Le Conseil fédéral propose à ce sujet, dans le rapport «Stratégie de la protection de la population et de la protection civile 2015+» du 9 mai 2012, de mettre sur pied un groupe de réflexion représentant une grande partie des intérêts en présence et chargé d'examiner le système actuel de l'obligation de servir. Les obligations militaires et le système de l'armée de milice ne font pas partie des discussions. Concrètement, le groupe de réflexion est chargé d'examiner si et comment l'on peut satisfaire aux demandes suivantes: a.

27

L'obligation de servir dans la protection civile, accomplie jusqu'à présent uniquement dans la protection civile, devrait pouvoir l'être aussi dans une autre organisation partenaire de la protection de la population (par ex. le service du feu ou le service sanitaire), dans des organisations non gouvernementales qui sont des partenaires reconnus de la protection de la population dans les cantons (par ex., la Croix-Rouge, les samaritains, REDOG) ou dans une institution sociale.

RS 661

7669

b.

La protection civile (et les organisations qui, selon le paragraphe ci-dessus pourraient dorénavant profiter de l'obligation de servir dans la protection civile) devrait pouvoir recruter non seulement des conscrits inaptes au service militaire mais aussi (dans un nombre limité), des conscrits déclarés aptes au service militaire. L'armée doit cependant conserver la priorité dans le recrutement. La liberté de choix ne doit pas exister. En revanche, la possibilité de rendre le système de l'obligation de servir plus ouvert et plus flexible (par ex. en appliquant différents degrés d'aptitude) est une question qui peut être étudiée. Le groupe de réflexion est chargé d'élaborer différentes variantes à ce sujet.

c.

En collaboration avec le DFE, il doit aussi étudier la possibilité d'intégrer le service civil dans la protection de la population, soit comme une organisation, soit sous la forme d'une collaboration, dans une palette de possibilités, pouvant être élargie par rapport à la protection civile actuelle, d'accomplir l'obligation de servir dans la protection civile. Ce faisant, il faudrait que la charge de travail corresponde au moins à celle du service militaire, mais on ne pourrait pas exclure a priori une charge de travail inégale dans l'obligation de servir dans la protection civile, selon qu'elle résulte d'une attribution ou de raisons de conscience par rapport au service militaire.

d.

Tous les militaires de milice du système coordonné de la protection de la population ont droit à une indemnisation correcte pour leur engagement.

Dans ce contexte, il faut vérifier si, aux termes de la loi sur les allocations pour perte de gain, un droit à l'indemnisation pourrait être appliqué aux militaires de milice et aux volontaires du système coordonné de la protection de la population et si, pour être applicable, ce droit nécessiterait de se distancer des structures d'instruction organisées selon le principe du fédéralisme. Les conséquences en matière de coûts pour le régime des allocations pour perte de gain et la taxe d'exemption de l'obligation de servir devraient être démontrées. Il convient en particulier d'étudier dans quelle mesure il faudrait augmenter les cotisations des employés et des employeurs à la suite de l'extension du droit à une indemnité. Il faut aussi prévoir l'élaboration de possibilités qui rendent le service civil si possible équivalent au service militaire (par ex. le nombre de jours de service, l'indemnité, les mesures d'incitation).

Par égard pour l'initiative, le groupe de réflexion ne doit commencer ses travaux qu'après la votation populaire.

2.4

Evolution en Europe

Depuis la fin de la guerre froide, 23 Etats d'Europe ont suspendu l'obligation générale de servir: l'Allemagne, l'Albanie, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, l'Espagne, la France, la Hongrie, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Macédoine, le Monténégro, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède et la Tchéquie. Mais elle n'a été officiellement supprimée qu'en Bulgarie et en Macédoine. Les autres pays ont conservé les bases légales relatives à l'obligation générale de servir même si elles ne sont plus appliquées. Tous ces pays ont remplacé leur armée de conscription par une armée professionnelle. Le modèle d'une milice de volontaires n'est jamais entré en ligne 7670

de compte.28 Les 17 Etats qui ont conservé les obligations militaires sont les suivants: l'Autriche, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, Chypre, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Grèce, le Kazakhstan, la Moldavie, la Norvège, la Russie, la Suisse, la Turquie, l'Ukraine. Des discussions sont en cours dans certains de ces Etats sur la suppression ou le maintien des obligations militaires.

Ces changements doivent être vus comme la conséquence d'une réorientation des forces armées dans ces Etats. L'intention notamment d'engager les forces armées en dehors des frontières nationales a conduit certains pays à abolir les obligations militaires. Malgré cette tendance européenne, dans tous les pays, les missions des forces armées ainsi que le choix d'un système de défense approprié font l'objet de discussions. Ces questionnements à l'échelle nationale ne sont que le reflet de l'évaluation, propre à chaque pays, des changements sociaux, technologiques, économiques et de politique internationale. La définition de l'équilibre entre les arguments de politique de sécurité et de politique nationale diffère aussi d'un pays à l'autre. N'étant que rarement transposables aux conditions qui prévalent en Suisse, ces évaluations n'ont aucune incidence sur les discussions au sujet de la présente initiative.

3

Objectifs et demandes de l'initiative

3.1

Objectifs de l'initiative

L'initiative vise à supprimer les obligations militaires pour les hommes. Elle demande que l'accomplissement du service militaire et du service civil se fasse sur une base volontaire, tant pour les hommes que pour les femmes, mais que l'armée reste cependant organisée selon le principe de l'armée de milice. L'initiative ne demande donc pas la création d'une armée professionnelle mais d'une milice composée de Suisses et de Suissesses qui s'engagent volontairement.

La base sur laquelle se fonde la taxe d'exemption de l'obligation de servir que toute personne qui n'accomplit pas de service militaire ou de service civil doit en principe payer aujourd'hui étant de ce fait annulée, la taxe s'en trouve supprimée.

L'initiative maintient le service civil instauré en 1996 comme service de remplacement au service militaire et demande son ouverture aux personnes qui souhaitent s'engager sur une base volontaire.

3.2

Autres demandes de l'initiative

Indirectement l'initiative vise une série d'autres objectifs, comme on peut le lire dans l'argumentaire du comité de l'initiative du GSsA.29 Elle souhaite: ­

28 29

supprimer les injustices et les inégalités: elle estime premièrement que la durée du service civil ne doit pas être supérieure à celle du service militaire; deuxièmement, elle considère la taxe d'exemption de l'obligation de servir comme injuste; troisièmement, le GSsA critique le fait que les obligations militaires ne s'appliquent plus qu'à une minorité de jeunes hommes; quaAu sujet des différents modèles d'armée, cf. ch. 4.1.1.

Cf. www.gssa.ch/spip/spip.php?rubrique23.

7671

trièmement, les hommes et les femmes doivent avoir les mêmes droits de s'engager; ­

réduire la taille de l'armée: le GSsA avance l'argument selon lequel l'effectif actuel de l'armée étant trop élevé, l'armée assume des tâches superflues;

­

modifier la clé de répartition des recettes fiscales: une armée plus petite permet d'économiser de l'argent dont on a besoin, selon le GSsA, pour effectuer d'autres tâches;

­

supprimer une contrainte qui n'est pas compatible avec une société libérale: le GSsA met en garde contre la mauvaise influence des obligations militaires sur la culture démocratique de la Suisse. L'initiative amènerait en outre des allègements aux jeunes hommes concernés aujourd'hui par les obligations militaires tant pour leurs études qu'au niveau de leurs vies professionnelle et familiale.

3.3

Dispositions transitoires

Si l'initiative était acceptée, il faudrait adapter notamment la loi sur l'armée (LAAM)30, la loi sur la protection de la population et sur la protection civile (LPPCi)31, la loi sur le service civil (LCS)32 et les ordonnances afférentes. La loi fédérale sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (LTEO)33 et les ordonnances correspondantes devraient être abrogées. L'initiative comporte déjà une clause si jamais les nouvelles dispositions légales n'entraient pas en vigueur dans un délai de cinq ans à compter de l'acceptation de l'initiative. Cette clause prévoit d'intégrer dans les dispositions transitoires de la Constitution fédérale que le Conseil fédéral dispose, le cas échéant, de la compétence d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires par voie d'ordonnance.

4

Appréciation de l'initiative

4.1

Appréciation des demandes de l'initiative

4.1.1

Obligations militaires et milice, milice de volontaires

Les obligations militaires sont une caractéristique essentielle de l'armée. Elles déterminent qui doit accomplir le service militaire: il est obligatoire pour les citoyens suisses et facultatif pour les citoyennes suisses qui peuvent s'engager à titre volontaire. Comme les hommes ne sont pas tous aptes au service militaire, les obligations militaires sont combinées avec la protection civile, l'exemption de l'obligation de servir (taxe d'exemption) et le service civil (service de remplacement). L'initiative change radicalement tous ces éléments et les rapports qu'ils ont les uns aux autres.

30 31 32 33

RS 510.10 RS 520.1 RS 824.0 RS 661

7672

L'initiative a pour objectif la création d'une milice de volontaires. Afin de pouvoir placer ce nouvel élément dans l'organisation actuelle, il faut clarifier le rapport entre les obligations militaires et le principe de l'armée de milice. Les deux éléments font partie de la conception traditionnelle que l'on a de la politique de sécurité de la Suisse. L'initiative veut changer la donne.

Sur le plan politique, les obligations militaires et la milice sont étroitement liées et ancrées toutes deux dans la Constitution.34 Ce sont deux principes organisationnels de l'armée suisse qui peuvent être conservés ou supprimés indépendamment l'un de l'autre.

Figure 1

Par rapport à la disponibilité (présence) ainsi qu'au mode de recrutement du personnel, quatre modèles d'armée sont possibles. L'initiative ne souhaite pas introduire une armée professionnelle mais une milice de volontaires (cf. ch. 3).

La milice se réfère au taux de présence (pas d'armée permanente, conduite des formations par des cadres de milice, à côté de leurs obligations professionnelles) et les obligations militaires à la forme de recrutement. Il en résulte quatre modèles d'armée sur le plan de la politique de sécurité qui se distinguent les uns des autres comme suit: premièrement, le système actuel avec les obligations militaires et la milice; deuxièmement un système sans obligations militaires mais avec une milice (milice de volontaires; but de l'initiative); troisièmement un système sans obliga-

34

Principe de l'armée de milice: art. 58, al. 1, Cst.; astreinte au service militaire: art. 59, al. 1, Cst.

7673

tions militaires et sans milice (armée professionnelle)35 et quatrièmement, un système avec des obligations militaires mais sans milice (armée de conscription).

L'obligation générale de servir n'est pas un modèle d'armée, car elle ne concerne pas directement l'organisation de l'armée mais l'accomplissement de tâches qui vont au-delà du domaine de la politique de sécurité.

Une armée de conscription, comme il en existe en Autriche ou en Finlande, est une armée dans laquelle les militaires astreints au service sont dirigés par des cadres professionnels et non par des officiers ou sous-officiers de milice. En Suisse, si toutes les personnes astreintes au service accomplissaient leur service en une seule fois, on obtiendrait une armée de militaires en service long qui serait très semblable aux armées de conscription mentionnées.

Le point commun entre une milice de volontaires et l'armée de milice actuelle, c'est le fait qu'elles sont toutes deux dirigées en grande partie par des cadres de milice qui exercent cette activité à côté de leur emploi habituel. La Garde nationale des EtatsUnis est un exemple de milice de volontaires. Elle ne constitue toutefois qu'une partie des forces armées des Etats-Unis d'Amérique qui disposent en plus de nombreuses composantes professionnelles et de réserve (l'armée de terre, les forces aériennes, la marine et le corps des Marines). Dans aucun pays les forces armées ne sont organisées exclusivement sous la forme d'une milice de volontaires. En fait, l'initiative propose un modèle inédit, sans possibilité de comparaison ni de moyens de référence à l'expérience.

L'initiative ne veut pas modifier les tâches de l'armée stipulées à l'art. 58, al. 2, Cst.

Par conséquent, il faut simplement définir si le modèle d'armée doit reposer seulement sur le principe de l'armée de milice ou aussi sur les obligations militaires, comme c'est le cas aujourd'hui.

4.1.2

Système de l'obligation de servir

L'initiative modifie fondamentalement les rapports entre le service militaire, le service civil, la protection civile et l'exemption de l'obligation de servir. Le principe qui prévaut actuellement est le suivant: c'est au recrutement que l'on détermine, sur la base de critères médicaux, si un citoyen suisse doit accomplir ou non le service militaire. Le taux d'aptitude lors du recrutement est en moyenne de 65 % sur les dix dernières années, auquel s'ajoute 16 % de personnes astreintes à servir dans la protection civile, si bien que plus de 80 % des personnes concernées accomplissent personnellement du service, que ce soit à l'armée, au service civil ou à la protection civile. Les obligations militaires sont la base en la matière. L'obligation de servir dans la protection civile s'appuie sur l'art. 61 Cst., lequel n'est pas l'objet de l'initiative. Cet article rend possible une obligation de servir dans la protection civile sans la prescrire impérativement; elle est réglée au niveau légal. Cependant, en raison du système de recrutement, la protection civile est liée au service militaire.

Aujourd'hui, une personne accomplit le service de protection dans la protection civile si elle est apte avec restrictions (inapte au service militaire mais apte au service de protection). La protection civile est donc concernée par l'initiative sans 35

On utilise aussi parfois le terme d'armée de volontaires. Selon la durée de leur engagement, les militaires d'une armée professionnelle sont désignés par les termes de soldats professionnels ou de soldats contractuels.

7674

qu'il en soit fait mention dans le texte. On ne sait pas si les auteurs de l'initiative envisagent aussi la suppression de l'obligation légale de servir dans le service de protection.36 Les auteurs de l'initiative demandent la suppression de la taxe d'exemption de l'obligation de servir. L'initiative ne propose pas toutefois de modifications essentielles de la réglementation qui s'applique à la perte de gain et à la couverture d'assurance pour les militaires en service.

L'initiative ne vise pas à élargir la question des obligations militaires à l'obligation générale de servir, comme cela a été discuté plus d'une fois au niveau politique.37 Un élargissement représenterait un changement fondamental du système actuel de l'obligation de servir qui ne concernerait pas la politique de sécurité mais la politique nationale, étant donné que l'obligation générale de servir comprendrait des tâches (par ex. dans le domaine de la santé) qui sortent du cadre de la politique de sécurité.38

4.1.3

Service civil

Si une personne est déclarée apte au service militaire, mais ne peut l'accomplir pour des raisons de conscience, elle a la possibilité de déposer une demande pour effectuer du service civil. Le service civil est, de ce fait, un service de remplacement au service militaire (art. 59, al. 1, Cst.). L'initiative veut changer ce statut: elle demande que le service militaire et le service civil soient égaux en droits, proposés en même temps et accomplis à titre volontaire.

L'initiative ne dit pas toutefois les raisons pour lesquelles elle estime qu'il faut un service civil volontaire. La raison d'être de l'armée et de la protection civile est fixée dans la Constitution (art. 58 Cst. et art. 61 Cst.); aujourd'hui, la raison d'être du service civil est de tenir lieu de service de remplacement au service militaire.

L'initiative demande la suppression de ce dernier, sans que soit réglé dans la Constitution l'objectif, la raison d'être et les tâches d'un service civil volontaire L'art. 59, al. 2, Cst. proposé dans l'initiative ne le prévoit pas.

L'initiative ne précise pas plus si le service civil sur une base volontaire s'adresse seulement aux Suisses et aux Suissesses. Le Conseil fédéral aurait donc la possibilité, dans la mise en oeuvre, d'admettre aussi des étrangers ou des jeunes au service civil.

Actuellement, la durée du service civil est généralement une fois et demie supérieure à celle du service militaire. Les auteurs de l'initiative estiment que c'est une injustice. La durée fixée actuellement a pour but d'une part de compenser le temps de travail plus long et les désagréments plus grands du service militaire et d'autre part, de donner aux personnes qui accomplissent le service civil la possibilité de 36 37 38

Cf. ch. 4.2.4 au sujet des conséquences pour la protection civile.

Cf. ch. 2.2.

Par ex. des tâches dans le domaine social. La politique de sécurité englobe toutes les mesures fédérales, cantonales et communales prises pour prévenir, écarter ou maîtriser les menaces et les actions politico-militaires ou criminelles dont l'objectif est de restreindre l'autonomie de la Suisse ainsi que celle de sa population ou de leur porter préjudice. Elle comprend aussi la maîtrise des catastrophes naturelles ou anthropiques et autres situations d'urgence. Cf. le rapport sur la politique de sécurité 2010, ch. 1.

7675

faire la preuve par l'acte (cf. art. 8, al. 1, LSC) qu'ils ne peuvent concilier le service militaire avec leur conscience. Le choix du facteur le plus approprié pour tenir compte des différences entre le service militaire et le service civil est un point qui a déjà soulevé maintes controverses. La motion Eichenberger du 24 septembre 2009 (09.3861 Rapport équitable entre la durée du service civil et celle du service militaire) est en suspens. Elle demande de donner au Parlement la compétence, en cas de besoin, de relever le facteur à 1,8. La présente initiative souhaite s'engager dans une voie totalement différente.

La perte de gain subie par les personnes qui accomplissent le service civil doit, à l'avenir aussi, être indemnisée correctement. La proposition qui est faite pour l'art. 59, al. 3, s'inspire beaucoup de la formulation utilisée jusqu'ici. Ceci laisse supposer que les indemnisations seront toujours versées par le régime des allocations pour perte de gain. Jusqu'à présent, le Conseil fédéral s'est prononcé contre cette façon d'indemniser certains domaines du travail volontaire. Il considère que cela reviendrait à déprécier tous les autres domaines du travail volontaire accompli traditionnellement à titre bénévole ou indemnisé seulement de manière symbolique.

4.1.4

Egalité face aux obligations militaires

Le comité d'initiative tient le système actuel de l'obligation de servir pour injuste.

Sa proposition de créer une milice de volontaires règle en soi la question de l'égalité face aux obligations militaires, puisqu'elle demande en même temps la suppression de l'obligation de fournir une prestation personnelle dans l'armée. L'initiative ne propose donc pas de solution pour rétablir l'égalité face aux obligations militaires qui n'existe plus selon elle, mais un changement de système. Or, un changement en ce qui concerne l'égalité face aux obligations militaires ne serait indiqué qu'en cas de lacunes graves ou auxquelles il ne serait pas possible de remédier; de l'avis du Conseil fédéral, ce n'est pas le cas.

Sur le plan légal, la règle en vigueur est la suivante: une personne déclarée apte avec restrictions, en raison d'un handicap physique ou psychique, une personne qui ne peut concilier le service militaire avec sa conscience ou une personne qui accomplit ailleurs des tâches importantes pour la communauté (par ex. ecclésiastique ou policier), n'est pas tenue d'accomplir le service militaire. Une personne passible de sanction ne doit pas avoir accès aux armes et est de ce fait exclue de l'armée. Avec ce système, on obtient un effectif de l'armée adapté à la situation actuelle en matière de politique de sécurité. L'égalité face aux obligations militaires n'existerait plus si le système de l'obligation de servir perdait sa légitimité démocratique, sa transparence et son équité d'exécution.

L'essentiel en matière d'égalité, c'est la façon dont les obligations militaires sont exécutées dans le système de l'obligation de servir en vigueur. Trois éléments sont décisifs: premièrement, il faut déterminer, sur la base de critères objectifs, qui accomplit le service militaire, le service civil, le service de protection dans la protection civile et qui n'accomplit pas de service. Deuxièmement, il faut que la plus grande partie possible des personnes astreintes accomplisse ses obligations militaires par une prestation personnelle à l'armée, au service civil ou à la protection civile.

Troisièmement, il faut être certain que toutes les personnes qui accomplissent du service sont globalement soumises aux mêmes contraintes, selon leur capacité. Afin de garantir cette égalité, il faut considérer les contraintes temporelles, physiques et 7676

psychiques dans leur intégralité. De la sorte, l'égalité face aux obligations militaires est respectée, indépendamment du nombre de personnes affectées aux différents domaines qui composent le système de l'obligation de servir.

Part des militaires en service par classe d'âge Les auteurs de l'initiative prétendent que seule une petite partie des hommes accomplit encore le service militaire dans son intégralité. Pour le Conseil fédéral, l'égalité face aux obligations militaires se mesure, sur le plan quantitatif, à l'aune de la part des personnes qui accomplissent personnellement du service pour le pays à l'armée, au service civil ou à la protection civile. Cette approche s'impose en matière de politique institutionnelle.

Plus de deux tiers d'une classe d'âge a accompli personnellement du service ces dernières années. Les chiffres exacts diffèrent selon la période considérée: au recrutement, leur part s'élève à environ 78 %, à l'âge de 30 ans à environ 67 %. La part des personnes accomplissant du service militaire diminue entre le recrutement et l'âge de 30 ans, celle des personnes astreintes au service civil et des personnes inaptes au service augmente, celle des personnes incorporées dans la protection civile reste stable dans l'ensemble. On ne dispose de chiffres exacts que pour quelques classes d'âge, ce qui ne permet pas de porter un jugement définitif.

Le taux d'aptitude au service peut être chiffré exactement lors du recrutement. Ces dix dernières années, il s'élevait en moyenne à environ 65 % d'une classe d'âge. Les autres chiffres à ce sujet, comme l'évolution au fil du temps de la part d'une classe d'âge accomplissant du service militaire, reposent sur des sondages. Ils donnent le tableau suivant: environ 5 % d'une classe d'âge a dû être licenciée de l'école de recrues pour inaptitude au service militaire. Les autres raisons pour lesquelles une personne n'accomplit pas entièrement son service militaire sont nombreuses.39 Prises séparément, elles n'influencent que peu l'effectif de l'armée, mais cumulées sur dix ans, elles représentent des départs correspondant à environ 15 % d'une volée de recrues. Finalement, environ 45 % d'une volée de recrues accomplit entièrement les obligations militaires.

4.1.5

Intégration des femmes

L'initiative demande que l'égalité des droits des hommes et des femmes soit entièrement mise en oeuvre à l'armée et au service civil, c'est-à-dire que les hommes et les femmes puissent accomplir volontairement du service dans les deux organisations. Si l'initiative était acceptée, les changements seraient minimes pour les femmes, puisqu'elles peuvent, aujourd'hui déjà, accomplir volontairement du service militaire. Elles pourraient en plus s'engager dans le service civil sur une base volontaire. Ce que l'on ne sait pas, c'est si cette nouveauté entraînerait une 39

Les six raisons suivantes conduisent aussi les hommes aptes au service à quitter l'armée: 1. ils s'établissent durablement à l'étranger; 2. ils sont libérés du service (ecclésiastique, policier, garde-frontière, etc.); 3. ils sont libérés de manière anticipée des obligations militaires (dans des cas de rigueur ou s'ils ont été exemptés du service pendant plus de cinq ans); 4. ils sont exclus de l'armée à la suite de délinquance civile; 5. ils disparaissent sans laisser de traces; 6. ils sont décédés.

7677

diminution du nombre de femmes présentes au service militaire. Il n'est pas possible d'estimer à l'heure actuelle combien de femmes feraient usage de cette offre élargie.

Tout dépend des conditions générales.

4.1.6

Effectif et coûts de l'armée

La volonté déclarée des auteurs de l'initiative, sans citer de chiffres, est que l'effectif de la milice de volontaires soit inférieur à celui de l'armée actuelle. Le Parlement et le Conseil fédéral veulent aussi réduire l'effectif de l'armée, mais ils estiment que 100 000 militaires est le nombre requis pour répondre aux impératifs de la politique de sécurité. Comme dans les réformes de l'armée de 1995 et 2004, l'effectif de l'armée doit être réduit en abaissant le nombre de jours de service à accomplir et en écourtant la durée d'incorporation dans l'armée. La réserve sera en outre supprimée.

En théorie, on pourrait envisager de réduire l'effectif de l'armée en fixant des critères plus sévères en matière d'aptitude (sans motif médical), mais le Conseil fédéral a toujours estimé que cette pratique n'était pas compatible avec le principe de l'égalité face aux obligations militaires. Pour la suite du développement de l'armée, il reste du même avis.

Si les effectifs baissent, comme le projette l'initiative, une partie des prestations fournies actuellement par l'armée devrait être compensée d'une façon ou d'une autre, car rien ne laisse présager que ces prestations ne seront plus nécessaires à l'avenir. S'accommoder de lacunes est une décision qui devrait résulter d'une discussion sur les menaces et les dangers menée au niveau de la politique de sécurité.40 Si l'on diminue l'effectif de l'armée, on ne parviendra à réduire les coûts qu'en abaissant en même temps le nombre de jours de service accomplis par année.41 La question est de savoir si le coût d'une milice de volontaires est inférieur à celui de l'armée actuelle. La réponse ne dépend pas seulement du modèle d'armée et de l'effectif de l'armée, mais aussi du niveau technologique, du modèle d'instruction et du type et de la fréquence des engagements.

Il faut en outre tenir compte du fait qu'une réduction de l'effectif de l'armée équivaut à reporter les coûts sur d'autres instruments fédéraux et cantonaux de politique de sécurité si ces derniers doivent assurer les prestations fournies précédemment par l'armée.

4.2

Conséquences en cas d'acceptation de l'initiative

Le changement de système demandé par l'initiative a des conséquences considérables. Des points essentiels de la loi sur l'armée, de la loi sur la protection de la population et sur la protection civile et de la loi sur le service civil devraient être adaptés.

40 41

Cf. ch. 4.3.1 Cf. ch. 4.2.5 au sujet des conséquences financières pour la Confédération.

7678

L'acceptation de l'initiative signifierait un changement fondamental de l'orientation prise jusqu'ici et qui a toujours reçu l'approbation du souverain.42 Les planifications déjà bien avancées pour le développement de l'armée devraient être reprises depuis le début, si bien que la mise en oeuvre prévue à partir de 2016 serait considérablement différée.

L'initiative exige de surcroît l'abolition de l'obligation faite au citoyen d'apporter sa contribution personnelle à l'accomplissement des tâches de l'armée visant à la protection du pays et de la population. Une acceptation entraînerait un changement fondamental de la conception que l'on se fait en Suisse de la politique de sécurité et des devoirs du citoyen.

4.2.1

Conséquences pour la politique de sécurité

L'initiative demande l'abrogation de la base constitutionnelle sur laquelle se fondent les obligations militaires. La suppression de cette base restreindrait la marge de manoeuvre de la Suisse sur le plan de la politique de sécurité. Si la situation dans ce domaine venait à se dégrader et rendait nécessaire la réintroduction des obligations militaires (parce que la milice de volontaires ne serait pas en mesure de remplir les tâches de sécurité exigées par la situation), il faudrait procéder à une révision partielle de la Constitution et la soumettre ensuite à la votation populaire. Le temps requis par cette procédure diminuerait la capacité de réaction de la Suisse en matière de politique de sécurité.

Le passage à une milice de volontaires permettrait, si l'on se réfère à l'intention des auteurs de l'initiative, de réduire l'effectif de l'armée. Par rapport aux prestations attendues de l'armée, une réduction de l'effectif entraînerait des lacunes qui ne pourraient être comblées que de deux façons: soit en étant compensées en interne (par une augmentation du personnel professionnel ou par une amélioration de la technologie) soit en recourant à d'autres instruments de politique de sécurité. Dans 42

Toutes les initiatives populaires concernant des questions de politique militaire déposées depuis 1986 ont été rejetées: en 1989, l'initiative populaire «pour une Suisse sans arme et pour une politique globale de paix» a été rejetée par 18 6/2 des cantons et par 64,4 % des votants (FF 1990 I 216); en 1993, l'initiative populaire «pour une Suisse sans nouveaux avions de combat» a été rejetée par 17 4/2 cantons et 57,2 % des votants (FF 1993 II 1327); la même année, l'initiative populaire «40 places d'armes, ça suffit! ­ L'armée doit aussi se soumettre à la législation sur la protection de l'environnement» a été rejetée par 14 4/2 des cantons et 55,3 % des votants (FF 1993 II 1326); en 2000, l'initiative populaire «Economiser dans l'armée et la défense générale ­ pour davantage de paix et d'emplois d'avenir (Initiative en faveur d'une redistribution des dépenses)» a été rejetée par 16 6/2 des cantons et 62,4 % des votants (FF 2001 1082); en 2001, l'initiative populaire «pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée» a été rejetée par tous les cantons et par 78,1 % des votants (FF 2002 1160); en 2008 pour terminer, l'initiative populaire «Contre le bruit des avions de combat à réaction dans les zones touristiques» a été rejetée par tous les cantons et par 68,1 % des votants (FF 2008 2457).

La réforme de l'armée 95 a pu entrer en vigueur en 1995 sans qu'un référendum ait été déposé. En 2001, 51 % des votants se sont exprimés en faveur des engagements armés de l'armée à l'étranger (révision de la LAAM; FF 2001 4460). Un référendum a été déposé contre Armée XXI; lors de la votation, 76 % des votants se sont exprimés pour la réforme (révision de la LAAM; FF 2003 4670).

Seule la création de troupes de casques bleus a été refusée lors du scrutin référendaire de 1994 par 57,2 % des votants (FF 1994 III 1232).

7679

ce cas, une concertation entre la Confédération, les cantons et les communes serait nécessaire, afin de définir la marche à suivre et la répartition des coûts.

4.2.2

Conséquences pour l'armée

Il est très difficile d'évaluer les conséquences pour l'armée, car l'on manque de valeurs de comparaison. Actuellement, aucun pays n'a organisé ses forces armées sous la forme d'une milice de volontaires.

Recrutement La question qui se pose est de savoir si l'on parviendrait à recruter un nombre suffisant de professionnels qualifiés prêts à s'engager sur une base volontaire. Si l'on regarde ce qui se passe dans les pays européens qui ont remplacé leur armée de conscription par une armée de volontaires (armée professionnelle), tout incite à la prudence: dans ces pays, les forces armées sont confrontées à d'importants problèmes de recrutement. Elles peinent à trouver un nombre suffisant de volontaires qualifiés. Cet aspect a été sous-estimé un peu partout. Pour recruter, ces pays doivent proposer différents avantages (par ex. de l'argent, une formation ou la perspective d'obtenir la nationalité). En Suisse, seules des incitations financières permettraient de résoudre les problèmes de recrutement rencontrés par les milices de volontaires.

L'initiative pourrait conduire à ce qu'un nombre insuffisant de personnes ou des personnes qui ne correspondent pas au profil recherché s'annoncent pour faire du service dans la milice de volontaires. Toute armée peut être confrontée au problème de l'attrait que le service militaire peut aussi exercer sur des personnes ayant des convictions politiques radicales ou un goût démesuré de l'aventure. Dans une armée de conscription, reflet de l'ensemble de la société, ces groupes à risque sont dans tous les cas une minorité. Dans une milice de volontaires, ce problème peut par contre s'amplifier. Il faudrait compter avec des risques de ce type en cas d'acceptation de l'initiative.

Volontariat La volonté des auteurs de l'initiative est de réduire l'effectif de l'armée. Une partie des prestations actuelles de l'armée devrait être compensée en convoquant plus souvent la milice de volontaires, à l'effectif réduit, pour des engagements. En pratique, on ne peut toutefois pas faire dépendre les engagements de la participation volontaire. L'armée serait inapte à l'engagement et les procédures d'autorisation démocratiques inutiles pour les engagements de l'armée si on laissait la nécessité de chaque engagement à l'appréciation des membres de la milice de volontaires.

Pour pouvoir
compter sur un certain effectif, il faudrait prescrire une période minimale de service obligatoire. Tant pour les engagements que pour les services d'instruction de la milice de volontaires, il faudrait fixer des règles plus strictes pour l'octroi de dispenses. Des contraintes qui relèguent l'idée de volontariat à l'arrièreplan. Une idée qui ne porterait finalement que sur la question essentielle, à savoir si quelqu'un souhaite accomplir le service militaire.

7680

Adhésion des entreprises et de la société En pratique, les conditions-cadre décrites devraient avoir des répercussions négatives sur l'attractivité d'un service volontaire dans l'armée et sur la popularité d'une milice de volontaires auprès des entreprises. Les difficultés que rencontrent aujourd'hui les militaires de milice pour concilier la vie professionnelle et familiale, la formation et le service militaire seraient plus grandes encore. Pour les cadres de milice censés accomplir davantage de jours de service volontaire que les soldats de la milice de volontaires, la situation ne ferait qu'empirer. Aujourd'hui, les obligations militaires procurent aux militaires une protection légale contre des préjudices sur le marché du travail. Tandis que face à des volontaires, les employeurs auraient l'entière liberté de les engager ou non.

Tout ceci amène à une évaluation critique des possibilités de recrutement d'une milice de volontaires; une fois de plus, seules des incitations financières permettraient de compenser les inconvénients. Elles ont pour objectif d'accroître la valeur ajoutée personnelle qu'un individu peut retirer de son service dans une milice de volontaires. Elles relèguent toutefois au second plan la perspective qu'il s'agit d'un service au profit de la collectivité.

Dans une milice de volontaires, il ne faut pas s'attendre à trouver des volontaires prêts à occuper toutes les fonctions nécessaires. Certains domaines sont plus attractifs que d'autres. Pour compenser les désagréments des fonctions les moins intéressantes, il faudrait de nouveau recourir à des incitations financières. Mais cette différence de traitement est en contradiction avec l'idée de la milice. Elle reviendrait aussi à privilégier l'armée par rapport à d'autres activités de milice accomplies dans la société.

Cadres de milice et cadres professionnels Dans le système actuel, il est parfois difficile de trouver suffisamment de cadres de milice à tous les échelons et de les garder. Cette difficulté serait accentuée par la suppression des obligations militaires. Afin de garantir le fonctionnement d'une milice de volontaires, compte tenu des difficultés de recrutement supposées, il serait nécessaire de disposer d'un nombre suffisant de cadres professionnels, ce qui, justement avec un effectif de l'armée réduit, pourrait
même remettre en question l'esprit de milice qui caractérise la milice de volontaires. Aujourd'hui déjà, il est difficile de recruter des cadres professionnels sur le marché du travail.

Pour recruter du personnel militaire qualifié (officiers et sous-officiers de carrière, militaires contractuels, officiers et sous-officiers de carrière spécialistes) en nombre suffisant, l'armée doit disposer d'un réservoir le plus grand possible de personnes ayant suivi une instruction militaire, afin de pouvoir choisir celles qui ont les qualifications requises.

Promotion de la paix Disposer d'un réservoir le plus grand possible est aussi utile pour sélectionner du personnel pour les engagements de l'armée à l'étranger. Un recrutement plus difficile pour ces engagements serait préjudiciable à l'intention du Conseil fédéral d'accroître ses engagements dans des missions de promotion de la paix avec des moyens militaires. Dans une milice de volontaires, on peut certes organiser des filières d'instruction spécifiques aux missions de promotion de la paix, puisque tous les engagés sont assurément des volontaires et que, par conséquent, l'une des condi7681

tions requises pour un engagement militaire à l'étranger serait déjà remplie au moment de l'entrée dans l'armée. Ce serait toutefois aux dépens des autres prestations que l'armée doit fournir. Si la milice de volontaires manque de professionnels qualifiés, la qualité de ses contributions à la promotion de la paix serait inférieure à celle que l'on peut fournir aujourd'hui.

4.2.3

Conséquences pour le service civil

Pour le service civil, l'initiative entraînerait aussi un changement fondamental du système: au lieu d'être un service de remplacement au service militaire, il deviendrait une possibilité choisie volontairement et serait dorénavant aussi ouvert aux femmes. On estime que ce changement provoquerait de nombreux départs, peutêtre aussi quelques arrivées. Beaucoup d'hommes accomplissent aujourd'hui le service civil pour la seule raison qu'il représente une alternative prévue par la loi au service militaire obligatoire. A l'inverse, une partie des hommes qui accomplissent actuellement le service militaire pourraient être davantage tentés par le service civil volontaire que par le service militaire volontaire. Il faudrait procéder à une analyse détaillée pour savoir quelle option serait privilégiée par les femmes. L'évolution des effectifs du service civil dépend en particulier aussi de l'organisation des dédommagements. Selon la situation économique générale et l'évolution de la situation des assurances sociales, un service civil volontaire pourrait attirer plus ou moins de personnes. Comme il n'est pas possible d'estimer les effectifs, on ne peut savoir si le service civil pourrait reprendre des tâches de l'armée à l'effectif réduit. Le service civil n'étant pas structuré en formations et ne disposant pas d'infrastructure, aucune adaptation ne serait nécessaire dans ces domaines en cas d'acceptation de l'initiative. Le règlement d'exécution actuel du service civil pourrait être maintenu.

Les auteurs de l'initiative souhaitent que la durée du service civil ne soit pas supérieure à celle du service militaire sans qu'il soit nécessaire d'inscrire cette disposition dans la Constitution. Elle peut être mise en oeuvre de deux façons.

Si la demande de l'initiative est prise en compte, à savoir que le service militaire et le service civil soient égaux en droits, ils pourraient être tous deux d'une durée équivalente. Cette règle aurait pour conséquence que la durée du service civil serait définie par la durée du service militaire, étant donné que cette dernière devrait être considérablement prolongée pour les raisons évoquées plus haut et pour atteindre les effectifs requis par l'armée. Le Conseil fédéral estime qu'il est inapproprié de prolonger de telle sorte le service civil pour les hommes et les femmes
tant que l'on ne sait pas quelles seront les affectations des personnes qui accomplissent le service civil. On ne peut pas savoir si une prolongation aurait des répercussions négatives sur l'attractivité du service civil. Si les candidats masculins au service civil sont moins nombreux, cela permettrait de stabiliser l'effectif.

Si l'on considère en priorité la demande des auteurs de l'initiative, c'est-à-dire que le service civil ne soit plus rattaché au service militaire en tant que service de remplacement, la question du rapport entre les durées de service dans les deux organisations ne se pose plus. La durée du service civil pourrait être définie librement selon les tâches à effectuer.

Quoi qu'il en soit, le Conseil fédéral reste d'avis qu'il est difficile d'établir une comparaison entre des jours de service militaire et des jours de service civil par 7682

rapport aux horaires de travail et aux désagréments. L'initiative contribue à faire prendre conscience de la nécessité de se poser la question de la comparabilité du service militaire et du service civil.

4.2.4

Conséquences pour la protection civile

La protection civile n'est pas mentionnée dans l'initiative. L'obligation de servir dans la protection civile s'appuie sur l'art. 61 Cst. et non sur l'art. 59 qui est l'objet de l'initiative (cf. ch. 4.1.2). Néanmoins, une acceptation aurait aussi d'importantes conséquences dans ce domaine. La protection civile peut être concernée de deux façons par la suppression des obligations militaires.

Si l'obligation de servir dans la protection civile était également supprimée par une modification de la loi sur la protection de la population et sur la protection civile, sans que cette décision réponde à une nécessité sur le plan de la politique de sécurité, les mêmes questions se poseraient que pour l'armée: qui doit fournir les prestations accomplies jusqu'ici? Faut-il professionnaliser la protection civile ou faut-il compter sur des volontaires? Comment peut-on garantir un effectif qualitatif et quantitatif suffisant? Que doit-on faire si l'on ne trouve pas suffisamment de volontaires pour tous les domaines? Quelles charges incomberaient aux effectifs réduits?

Si l'on maintenait l'obligation en vigueur de servir dans la protection civile, on assisterait à une multiplication des effectifs de la protection civile, étant donné que tous les jeunes hommes attribués jusqu'à présent à l'armée devraient aussi servir dans la protection civile. Les cantons pourraient de la sorte couvrir une partie de leur nouveau besoin en personnel pour la maîtrise des catastrophes et des situations d'urgence dû à la diminution des effectifs de l'armée après l'acceptation de l'initiative. Sans une révision de la loi sur la protection de la population et sur la protection civile, l'initiative débouche sur une obligation unique de servir dans la protection civile. Une conséquence qui contournerait sans doute l'idée de l'initiative qui est d'introduire le système de la milice de volontaires pour l'armée. Si tous les jeunes hommes aptes étaient obligés d'effectuer du service dans la protection civile, il serait difficile d'imaginer que certains d'entre eux s'annoncent en plus, volontairement, pour accomplir du service dans l'armée.

4.2.5

Conséquences financières pour la Confédération

Finances et personnel pour l'armée et le service civil La Confédération devrait toujours assumer les coûts de l'armée et du service civil.

On ne peut pas chiffrer les conséquences financières pour l'armée, du fait que l'on ne dispose d'aucune valeur issue de l'expérience concernant une milice de volontaires et que l'on ne peut considérer le changement de modèle d'armée isolé de son contexte. Ce changement aurait des conséquences considérables sur la capacité de l'armée qui devrait être entièrement remodelée. Il faudrait notamment apporter des réponses à toute une série de questions: combien de volontaires faut-il recruter? Estce qu'un nombre suffisant de personnes qualifiées s'annonceraient volontairement?

Quelles ressources financières faut-il prévoir pour les incitations afin d'atteindre l'effectif visé? Quelle doit être la durée de l'incorporation des membres de la milice 7683

de volontaires et combien de jours de service doivent-ils accomplir par année? Quel doit être l'équipement et l'armement des volontaires de la milice? Que requiert la politique de sécurité, que peut-on financer, qu'est-ce qui est faisable par rapport aux exigences de l'instruction? Combien de personnel (personnel civil et personnel militaire) serait nécessaire à cet effet? S'il fallait chiffrer les conséquences financières pour l'armée, on devrait se fonder sur une série de valeurs arbitraires qui, selon celles qui seraient retenues, auraient des conséquences très différentes sur les coûts.

Il n'y a pas seulement des facteurs internes à l'armée qui rendent impossible le calcul des conséquences financières de l'initiative. Il faudrait tout d'abord tenir compte de l'évolution de la conjoncture dont les répercussions sur les possibilités de recrutement d'une milice de volontaires sont plus importantes que sur le système actuel. Ensuite, il faudrait faire face aux lacunes résultant de l'effectif réduit par rapport aux prestations attendues de l'armée. Elles ne pourraient être compensées que de manière limitée en interne, à l'armée: soit par un niveau technologique nettement supérieur, soit par du personnel professionnel (mais le principe de l'armée de milice fixé dans la Constitution pose des limites sur ce point). Il faut partir de l'idée que l'on devrait recourir à d'autres instruments de politique de sécurité pour compenser ces lacunes. Une partie des coûts serait donc reportée sur les cantons et les communes.

En ce qui concerne le service civil, les coûts dépendent essentiellement de l'effectif.

Etant donné que l'on ne peut pas prévoir l'évolution des effectifs, il n'est pas possible de chiffrer les conséquences financières. Aujourd'hui, l'obligation qui est faite aux établissements d'affectation de verser des contributions financières pour les personnes astreintes permet de couvrir une grande partie des coûts. Le besoin de financement net du service civil était jusqu'à présent inférieur à 10 millions de francs par an.

Par conséquent, on ne peut pas estimer quel serait le montant du transfert de deniers publics souhaité par les auteurs de l'initiative.

Conséquences pour les assurances sociales Les dépenses en allocations pour perte de gain dépendent du nombre total de jours de service accomplis
dans la milice de volontaires et dans le service civil. Elles ne peuvent pas être estimées. Si elles diminuent, cette baisse ne décharge pas la caisse de la Confédération mais le régime des allocations pour perte de gain qui est financé par des pourcentages prélevés sur les salaires. En 2011, 856 millions de francs ont été versés en tout à 268 414 bénéficiaires (conscrits, jeunes tireurs, militaires en service dans l'armée, le service civil et la protection civile ainsi que dans le cadre de Jeunesse et Sport), dont 150 681 ont accompli du service militaire.

Les coûts de l'assurance militaire dépendent du nombre total de bénéficiaires de prestations à l'armée et au service civil. En 2011 l'assurance a versé 199 millions de francs de prestations, dont 111 millions de francs pour des rentes. Ces obligations demeurent dans tous les cas, même si l'effectif total de l'armée et du service civil venait à diminuer.

Taxe d'exemption de l'obligation de servir Le seul élément que l'on peut chiffrer avec précision est la diminution des recettes de la Confédération résultant de la suppression de la taxe d'exemption de l'obligation de servir: elles se sont élevées au cours des dernières années en moyen7684

ne à 123 millions de francs. En outre, une suppression de la taxe entraînerait la disparition de quatre postes dans l'administration fédérale.

4.2.6

Conséquences pour les cantons et les communes

Si, comme le prévoient les auteurs de l'initiative, les effectifs diminuent, une partie des prestations fournies par l'armée devrait être compensée par des convocations plus fréquentes des formations de milice; une autre partie devrait être fournie à l'avenir par les cantons et les communes. Non seulement les corps de police seraient concernés, mais aussi les moyens des cantons et des communes pour la maîtrise des catastrophes et des situations d'urgence. Les cantons et les communes devraient augmenter leurs moyens d'engagement et assumer des coûts supplémentaires pour compenser en partie le manque d'effectif de l'armée. L'initiative prive la Confédération, les cantons et les communes de leurs réserves pour les situations extraordinaires.

Au cours des dix dernières années, l'armée a effectué des engagements subsidiaires de sûreté (engagements de l'armée pour la protection de représentations étrangères, pour la sécurité du trafic aérien et pour l'appui au Cgfr ainsi que pour la protection du WEF et de conférences) qui ont représenté en moyenne 280 000 jours de service par an. Elle a aussi consacré environ 3500 jours de service par an pour l'aide en cas de catastrophe (dans ce domaine, les chiffres fluctuent fortement pour des raisons naturelles: en 2005, 17 089 jours de service, en 2008, aucun).

Dans son rapport du 2 mars 201243, donnant suite au postulat Malama du 3 mars 2010 (10.3045 Sécurité intérieure. Clarification des compétences), le Conseil fédéral a souligné l'importance du rôle de l'armée comme réserve de sécurité. Il deviendrait difficile d'organiser des conférences internationales ou des manifestations comme le WEF si l'initiative était acceptée, car il serait disproportionné et non rentable de mobiliser les effectifs des corps de police dans des engagements aussi extrêmes. Le rapport du 9 mai 201244 «Stratégie de la protection de la population et de la protection civile 2015+» expose les prestations de l'armée pour la maîtrise des catastrophes et de situations d'urgence. Le Conseil fédéral a constaté, dans ce rapport aussi, que l'armée fournit un appui efficace aux cantons et aux communes. Les deux rapports ont été préparés en collaboration avec les cantons qui partagent cette conception.

Les cantons exécutent, sur mandat de la Confédération, des tâches administratives dans le domaine
de l'armée. Si l'on réduisait la taille de l'armée, ces postes ne seraient plus nécessaires et pourraient de ce fait être supprimés. On ne sait pas si, pour des raisons de rationalisation, toutes les tâches administratives seraient regroupées auprès de la Confédération. Rien que par la suppression de l'exemption de l'obligation de servir, environ 75 postes seraient supprimés dans les cantons. Dans une armée aux effectifs considérablement réduits, ce ne serait pas rentable de répartir l'infrastructure dans les régions. Les régions périphériques seraient plus durement touchées que les agglomérations urbaines.

43 44

FF 2012 4161 FF 2012 5075

7685

Dans les cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures, du Valais et de Genève, les obligations militaires sont ancrées dans la constitution cantonale.45 Ces constitutions devraient être adaptées à la nouvelle réglementation fédérale si l'initiative était acceptée, puisque, comme le stipule l'art. 49 Cst., le droit fédéral prime.

4.2.7

Conséquences économiques

Dans le cadre de la discussion sur la milice de volontaires, d'aucuns ont évoqué le fait que, considérée du point de vue de l'économie publique, l'armée actuelle génère des coûts cachés. Il s'agit d'une part des coûts des travaux préparatoires effectués en dehors du travail et du service, supportés en partie par les entreprises et en partie par les cadres de l'armée eux-mêmes et, d'autre part, des coûts d'opportunité: la main d'oeuvre engagée à l'armée manque à l'économie. Si la milice de volontaires accomplit un nombre inférieur de jours de service, les coûts d'opportunité diminuent.

Ensuite, toujours d'un point de vue économique, on constate des pertes de productivité: quand un employé très qualifié effectue des travaux moins qualifiés en tant que soldat ou dans la protection civile, cette différence engendre des coûts économiques. Un nombre total inférieur de jours de service dans la milice de volontaires écourterait dans l'ensemble les absences des cadres et le temps qu'ils consacrent au travail de préparation. Les coûts économiques diminueraient, sans que l'on puisse pour autant déterminer l'ampleur de cette réduction.

Le Conseil fédéral reste persuadé que les prestations de l'armée et du service civil justifient les coûts économiques. Il ne voit dans cet aspect aucune raison de changer le système actuel du fait que ces coûts sont supportés de manière solidaire par la collectivité et répartis entre les employeurs et les employés.

4.3

Avantages et inconvénients de l'initiative

4.3.1

Importance des obligations militaires sur le plan de la politique de sécurité

Veiller à la sécurité de sa population contre des dangers menaçant les conditions d'existence fait partie des tâches premières d'un Etat. Pour mener cette tâche à bien, l'Etat dispose du monopole de la force qu'il exerce en entretenant, en plus d'autres instruments, une armée. L'initiative associe la prise en charge de tâches centrales en matière de sécurité et le principe du volontariat: la sécurité de la Suisse dépendrait en fin de compte du nombre suffisant ou non de volontaires, et de volontaires disposant des capacités requises, prêts à servir dans l'armée.

L'un des avantages que peut faire valoir l'initiative est une meilleure prise en compte, dans la marche du service à l'armée, des besoins des militaires, afin de ne pas nuire à l'attractivité de la milice de volontaires. Une personne qui accomplit volontairement le service le fait en période de faible menace avec probablement, en 45

Le canton de Genève a rédigé un projet de nouvelle constitution cantonale qui ne prévoit plus d'obligations militaires. Il sera soumis en votation le 14 octobre 2012. Dans le canton de Schwyz, une nouvelle constitution cantonale sans obligations militaires a été acceptée en votation le 24 novembre 2010; la nouvelle constitution schwyzoise n'est pas encore garantie à ce jour par l'Assemblée fédérale.

7686

moyenne, une plus grande motivation et de meilleures performances que ne le ferait un conscrit. Selon l'effectif global, la mixité serait aussi plus marquée dans une milice de volontaires que dans le système actuel.

Efficience et efficacité de l'armée Les obligations militaires et le système de l'armée de milice ne sont pas une fin en soi mais des moyens qui servent des objectifs supérieurs, à savoir l'efficience, l'efficacité et l'ancrage de l'armée dans la société. L'essentiel consiste à choisir le modèle d'armée le plus approprié pour répondre à la préoccupation principale de l'armée suisse, à savoir la protection du pays et de la population. Le principe des «citoyens soldats» du système actuel convient parfaitement.

Le Conseil fédéral a étudié à plusieurs reprises ces dernières années la question du maintien du modèle d'armée actuel avec les obligations militaires et la milice. Il est arrivé à la conclusion, dans le rapport du 23 juin 2010 sur la politique de sécurité de la Suisse46, que le système actuel reste la solution appropriée pour la Suisse: une armée de milice, qui repose sur les obligations militaires, avec un noyau d'officiers et de sous-officiers de carrière et la possibilité, pour une partie des militaires de milice, d'accomplir en une fois le service d'instruction, comme militaire en service long. Cette solution permet de faire concorder les nécessités liées à la politique de sécurité avec les impératifs de la politique nationale et les contraintes financières.

Taille et adaptabilité de l'effectif de l'armée Le Conseil fédéral estime qu'il n'est pas responsable de réduire l'effectif de l'armée simplement à la suite d'un changement de modèle d'armée. Il est d'avis que la situation n'a pas fondamentalement changé depuis l'élaboration du rapport sur la politique de sécurité de la Suisse en 2010 et donc, qu'un nouveau débat sur l'effectif de l'armée ne se justifie pas. Il considère qu'un effectif de 100 000 militaires est nécessaire pour des raisons de politique de sécurité.

Actuellement, l'armée doit, avec relativement peu de forces, effectuer des engagements au pied levé ou après un bref temps de préparation. L'engagement de grandes formations n'est nécessaire qu'après un temps de préparation plus long, mais il reste tout à fait possible. Les obligations militaires permettent
une disponibilité adaptée.

Elles sont une condition si l'on veut disposer d'une grande réserve de personnel dans le pire des cas et, dans tous les autres cas, si l'on veut pouvoir convoquer les militaires en fonction du besoin qui résulte de la situation spécifique en matière de menaces ou de dangers.

Les obligations militaires permettent aussi, en cas d'aggravation de la menace, d'augmenter de manière relativement flexible l'effectif de l'armée. Si les militaires étaient libérés des obligations militaires une année plus tard, l'effectif de l'armée s'en trouverait augmenté immédiatement de 20 000 militaires. Dans une milice de volontaires, on ne peut recruter ultérieurement qu'au prix de grands efforts. Si un nombre insuffisant de volontaires s'annonce, on devrait renoncer au principe du volontariat en cas d'aggravation de la situation. Une milice de volontaires présente les mêmes défauts qu'une armée de métier. En temps de paix elle est trop grande, et en cas d'engagement, elle est trop petite.

46

FF 2010 4681

7687

La Suisse, en tant qu'Etat neutre, ne peut pas s'appuyer sur une alliance pour combler un manque d'effectif si la situation se dégrade.

Ancrage de l'armée dans la société Tous les membres d'une milice de volontaires exerceraient leur activité dans l'armée sur une base volontaire et à côté de leurs obligations professionnelles. Par conséquent un changement pour une milice de volontaires ne résout aucune des difficultés qui se posent à l'armée de milice. Se trouvant à l'intersection de l'activité professionnelle, des études, de la formation continue, des tâches éducatives dans le cercle familial d'une part et de l'armée d'autre part, elle serait soumise à une pression encore plus forte pour s'adapter en cas d'internationalisation croissante.

Efficience de l'instruction Comme exposé, pour des raisons d'effectif, la durée d'incorporation des membres de la milice de volontaires devrait être supérieure à celle des militaires astreints au service. Mais ils n'exerceraient pas non plus leur activité militaire de façon permanente. Par conséquent, un membre de la milice de volontaires ne pourrait pas avoir une maîtrise bien meilleure des systèmes d'armes et de conduite complexes qu'un militaire astreint au service. De ce fait, la milice de volontaires, comme l'armée actuelle, ne pourrait pas se passer de composantes professionnelles (par ex. des pilotes militaires de carrière). Vu sous cet angle, un changement de système n'apporterait aucun avantage.

Autres avantages du système actuel Outre les raisons exposées qui parlent en faveur du système actuel, la conjonction des obligations militaires et de la milice permet de mieux mettre à profit les compétences et les aptitudes civiles pour l'armée. L'armée de milice profite de multiples façons du système de formation professionnelle suisse de haute qualité; les professionnels peuvent être engagés à l'armée dans leur domaine de compétence. Une milice de volontaires devrait combler en interne des lacunes en matière d'instruction. Une solution très coûteuse et pouvant entraîner des gaspillages.

On dispose déjà de règles claires pour la coordination de la formation et des obligations militaires. Les hautes écoles (degré tertiaire A) disposent de leurs propres services de coordination. La formation professionnelle supérieure (degré tertiaire B) présente un potentiel
d'amélioration mais qui ne justifie pas de renoncer aux obligations militaires.

La tradition de défense et le système actuel qui tisse un lien étroit entre l'armée et la société parlent en faveur du maintien des obligations militaires. En temps de crise, on a besoin à tous les échelons de militaires disciplinés, sachant faire preuve de bon sens et bien intégrés dans la société. Les obligations militaires et la milice sont sans nul doute mieux armées pour représenter ces valeurs qu'une milice de volontaires.

7688

4.3.2

Importance politique et institutionnelle des obligations militaires

Droits et devoirs Selon la conception suisse, les droits des citoyens sont indissociables de leurs devoirs. Au niveau fédéral, ces derniers comprennent l'école primaire obligatoire, l'assujettissement à l'impôt et, pour les hommes, les obligations militaires. Dans les cantons, outre l'assujettissement fiscal, les citoyens sont soumis à l'obligation de servir dans les corps de sapeurs pompiers47 ainsi qu'à des devoirs constitutionnels, notamment d'observer l'ordre juridique,48 d'exercer le droit de vote et d'éligibilité,49 d'assumer des charges officielles50 ou des responsabilités envers l'environnement, la collectivité et les générations futures.51 Quatre constitutions cantonales intègrent les obligations militaires52 et deux fixent le principe de l'obligation de fournir des prestations personnelles pour des tâches d'intérêt général.53 Au fil du temps, le nonrespect d'obligations générales des citoyens a été de moins en moins sanctionné en Suisse; les droits et les devoirs ont été organisés de diverses façons, mais les obligations militaires n'ont jamais été les seuls devoirs du citoyen. L'initiative prétend supprimer l'un des devoirs qui est le plus ancré dans la tradition suisse.

L'idée qui sous-tend le principe des obligations militaires est de permettre à l'Etat de pouvoir compter sur la prestation personnelle de ses citoyens pour la défense contre des dangers menaçant les conditions d'existence. En cas de situations extrêmes, l'Etat doit avoir la possibilité de recourir à une mesure de contrainte. Cette forme de contrainte est légitimée par l'objectif qui est de protéger la population contre des dangers qui menacent son existence. Elle est aussi soumise au contrôle démocratique, étant donné que la Constitution et la loi fixent des lignes directrices claires à l'armée. Les droits des personnes astreintes au service sont protégés par la loi et par le règlement de service. L'art. 4 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l'homme, CEDH)54 reconnaît expressément cette forme de contrainte exercée par l'Etat. Les obligations militaires sont admises par le droit international.

Elles sont conciliables avec un système libéral, sont légitimées démocratiquement et fixées en Suisse au niveau institutionnel. Le Conseil fédéral ne peut pas considérer les obligations militaires comme une contrainte dépassée.

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51 52 53 54

Ceci s'applique aux hommes et aux femmes de tous les cantons à l'exception des cantons de Zurich, du Tessin et de Genève.

Constitutions des cantons de Berne, Lucerne, Uri, Obwald, Nidwald, Glaris, Fribourg, Soleure, Bâle-Ville et Bâle-Campagne, Schaffhouse, Tessin et Jura.

La participation obligatoire aux votations est fixée dans les constitutions des cantons d'Uri, Obwald, Nidwald, Glaris, Zoug, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Intérieures, Argovie et Tessin.

L'obligation d'accepter son élection ou d'exercer certaines fonctions est codifiée par les constitutions des cantons d'Uri, Nidwald, Appenzell Rhodes-Intérieures et Tessin. Dans le canton de Schwyz, une nouvelle constitution cantonale sans cette obligation a été acceptée en votation populaire le 24 novembre 2010; la nouvelle constitution cantonale de Schwyz n'est pas encore garantie par l'Assemblée fédérale.

Selon les règles spécifiques des constitutions des cantons de Lucerne, Glaris, Bâle-Ville, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, St-Gall, Argovie et Tessin.

Appenzell Rhodes-Intérieures et Valais. Concernant la situation dans les cantons de Schwyz et de Genève, cf. ch. 4.2.6.

Appenzell Rhodes-Extérieures et St-Gall.

RS 0.101

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Contribution de l'armée à la cohésion sociale et nationale Les obligations militaires et la milice créent un modèle d'armée démocratique qui oblige à un engagement personnel, indépendamment du niveau social et économique. Personne ne peut se faire libérer des obligations militaires. Si une personne s'engage dans une milice de volontaires, elle le fait avant tout pour des motifs économiques. C'est en contradiction avec l'idée de la milice telle qu'elle est présente au niveau institutionnel.

A l'armée, des citoyens aux points de vue politiques différents se rencontrent, en provenance de toutes les régions du pays et issus de toutes les couches sociales. Cet effet sera assurément plus faible avec la réduction de l'armée (et seulement très peu de femmes sont concernées) mais il subsiste. Si les obligations militaires sont supprimées, une plate-forme de rencontre disparaît avec elles. Ces suppressions auraient des répercussions négatives sur la cohésion sociale. Dans ce contexte, la milice de volontaires est une solution plus mauvaise, car elle ne regrouperait que peu de personnes d'une classe d'âge et pour ainsi dire que des personnes qui ont les mêmes opinions. L'intégration des nouveaux citoyens, la cohésion sociale et le contrôle politique du système de l'intérieur sont réalisés de la meilleure façon qui soit par les obligations militaires, car elles permettent l'intégration du plus grand nombre possible de personnes d'une classe d'âge dans l'armée. Compte tenu de ce qui précède, il est difficile de comprendre comment l'on peut prétendre que les obligations militaires exercent une mauvaise influence sur la culture démocratique de la Suisse. Le citoyen soldat sait concilier ordre et obéissance à l'armée et participation à la vie politique. Son service dépend d'un devoir légal et non d'une contrepartie financière qui donnerait des motifs tout autres à son engagement. L'intégration nécessaire et limitée sur le plan juridique dans l'armée peut être garantie en plus de la liberté d'opinion dans l'Etat démocratique. Ce bilan n'est pas entaché par le potentiel d'optimisation dans la culture de conduite, d'instruction et d'éducation de l'armée que le Conseil fédéral a exposé dans son rapport du 1er septembre 2010 «Ethique militaire dans l'armée suisse. Rapport du Conseil fédéral sur la conduite interne de l'armée donnant suite au postulat 05.3060 Widmer du 10 mars 2005».

4.4

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Afin de déterminer si l'initiative obéit au principe de la conformité aux obligations internationales, il faut examiner en premier lieu si elle est compatible avec les devoirs de la Suisse qui résultent de son statut international d'Etat neutre permanent.

Il se pose ensuite la question de savoir si l'initiative, en cas d'acceptation, enfreint des conventions qui lient la Suisse avec des organisations internationales pour la promotion militaire de la paix.

Le statut de neutralité perpétuelle de la Suisse a été choisi par la Suisse et reconnu de façon contraignante par le droit international dans le contexte du Congrès de Vienne de 1815 et dans la pratique des Etats qui a suivi. Aujourd'hui, la neutralité de la Suisse est respectée et connue sur le plan international.

7690

Les droits et les devoirs des Etats neutres sont fixés de manière contraignante dans les Conventions de la Haye55 de 1907 et dans le droit international coutumier. Ces règles s'appliquent, en cas de conflit interétatique, aux Etats qui se déclarent neutres.

La Suisse a choisi le statut particulier de la neutralité permanente. De ce statut particulier choisi librement et du principe de la confiance qui imprègne les relations entre Etats, la Suisse doit respecter des obligations juridiques et mener une politique crédible déjà en temps de paix. En cas de guerre, un Etat neutre n'est pas autorisé à mettre entre autres son territoire à disposition d'un Etat belligérant en vertu des Conventions de la Haye. Afin que la Suisse, en cas de guerre, puisse défendre son territoire de manière crédible, elle doit assurer en temps de paix une certaine compétence de défense militaire. On ne peut cependant déduire de ce principe des critères précis en matière de droit international pour déterminer la façon d'organiser cette compétence et son étendue. Le droit international public ne comporte pas de prescriptions indiquant comment la Suisse doit organiser son armée ou comment elle doit veiller à disposer d'un nombre suffisant de soldats. Le droit international public ne prescrit pas de modèle précis d'armée. Par conséquent, une acceptation de l'initiative ne contrevient pas aux devoirs de la Suisse en tant qu'Etat neutre permanent, pas plus qu'elle ne contraindrait la Suisse à abandonner sa neutralité armée permanente.

La participation de la Suisse avec des troupes à une mission de promotion de la paix s'effectue toujours sur la base d'un mandat de l'ONU ou de l'OSCE, conformément aux dispositions de l'art. 66, al. 1, de la loi sur l'armée56. Sur la base des décisions du Conseil fédéral et du Parlement requises pour tout engagement, le DDPS communique le type et l'ampleur de la contribution de la Suisse à l'organisation qui met en oeuvre une mission de promotion de la paix (par ex. ONU, UE, OTAN). En vertu de l'art. 66b, al. 2, LAAM, le Conseil fédéral conclut les conventions internationales nécessaires à l'exécution de l'engagement. La participation de la Suisse est volontaire. La Suisse peut aussi mettre un terme à une participation en cours. En cas de changement de système pour une milice de volontaires, il faut
partir du principe que l'on devrait aussi pouvoir recruter le personnel pour des engagements militaires à l'étranger à hauteur de l'effectif requis. Du fait que la Suisse n'est pas membre d'une alliance militaire, elle n'est de toute façon pas tenue par des obligations générales résultant d'une alliance.

L'initiative est donc compatible avec les obligations internationales de la Suisse. Il a déjà été constaté au ch. 1.3 que l'initiative obéit au principe de la conformité aux règles impératives du droit international.

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Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances et des personnes neutres en cas de guerre sur terre (RS 0.515.21; 5e Convention de La Haye); Convention du 18 octobre 1907 concernant les droits et les devoirs des puissances neutres en cas de guerre maritime (RS 0.515.22; 13e Convention de La Haye).

RS 510.10

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Conclusions

Le Conseil fédéral, sur la base des motifs exposés, arrive à la conclusion suivante: ­

D'abord, une acceptation de l'initiative mettrait en danger la sécurité du pays et de la population. La sécurité reposerait sur des hommes et des femmes qui devraient être en nombre suffisant et trouver assez d'avantages personnels à un engagement dans l'armée pour s'annoncer volontairement.

Cette condition influencerait la capacité de l'armée en matière de défense et d'appui aux autorités civiles. En cas d'aggravation de la situation sur le plan de la politique de sécurité, il faudrait d'abord adapter la Constitution avant de pouvoir réintroduire les obligations militaires.

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Ensuite, l'engagement personnel des citoyens au service de l'intérêt général fait partie de la tradition suisse. Notre pays n'a pas pour habitude de déléguer cette tâche à des volontaires contre rémunération. L'obligation de servir est un devoir du citoyen; les droits sont indissociables des devoirs. L'organisation du système politique au niveau fédéral, cantonal et communal, de même que l'armée, se fondent sur ce principe. Les obligations militaires font partie intégrante des institutions nationales, elles ont une légitimité démocratique et sont conformes au droit international public.

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Enfin, le modèle d'armée, composé des obligations militaires et de la milice, reste le modèle le plus approprié pour atteindre les objectifs d'efficience, d'efficacité et d'ancrage de l'armée dans la société. Il permet à l'armée, dans le pire des cas, de mobiliser un nombre important de troupes, même si une telle probabilité varie actuellement selon la mission. La tradition de défense, la mise à profit des compétences et des aptitudes civiles à l'armée, la diversité sociale et régionale que l'on retrouve à l'armée ainsi que le lien étroit qui unit l'armée et la société parlent en faveur du modèle actuel.

Pour les raisons exposées ci-dessus, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative populaire «Oui à l'abrogation du service militaire obligatoire».

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