08.473 Initiative parlementaire Suppression de l'obligation de remboursement imposée au canton d'origine Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats du 19 juin 2012

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi fédérale sur la compétence en matière d'assistance des personnes dans le besoin (loi fédérale en matière d'assistance, LAS), que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

19 juin 2012

Pour la commission La présidente: Christine Egerszegi-Obrist

2012-1553

7197

Condensé La modification législative exposée dans le présent rapport vise à supprimer l'obligation faite au canton d'origine de contribuer financièrement aux prestations de l'aide sociale dont bénéficient ses ressortissants qui sont domiciliés dans un autre canton. Concrètement, l'obligation de remboursement imposée au canton d'origine pendant les deux années qui suivent l'établissement du bénéficiaire dans sa nouvelle commune de domicile sera abolie. Le projet prévoit un délai transitoire de quatre ans, afin que les cantons puissent s'adapter aux nouvelles dispositions.

Depuis la Première Guerre mondiale, les cantons sont progressivement passés, en ce qui concerne l'aide sociale, du principe du lieu d'origine au principe du lieu de domicile. Il s'agit maintenant de mener cette évolution à terme en supprimant complètement l'obligation de remboursement faite au canton d'origine. En effet, depuis plusieurs générations, la mobilité de la population n'a cessé d'augmenter; les citoyens entretiennent donc généralement un lien moins étroit que par le passé avec leur canton d'origine. Par conséquent, la charge administrative considérable que les demandes de remboursement de prestations d'assistance entraînent pour les différents cantons ­ voire, dans certains cantons, pour les différentes communes ­ ne se justifie plus. Entre 2005 et 2010, le solde des remboursements qui, d'une part, ont été effectués par les cantons d'origine et, d'autre part, ont été perçus par les cantons de domicile s'est élevé, en moyenne, à quelque 18,5 millions de francs par an; ce chiffre doit être mis en rapport avec la somme des dépenses nettes effectuées par les cantons et les communes dans le domaine de l'aide sociale, soit près de 1,8 milliard de francs par an.

7198

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Interventions relatives à la suppression de l'obligation de remboursement imposée au canton d'origine et travaux de la commission

Le 3 octobre 2008, le conseiller aux Etats Philipp Stähelin a déposé l'initiative parlementaire 08.473 é, intitulée «Suppression de l'obligation de remboursement imposée au canton d'origine». Cette initiative demande que la loi fédérale du 24 juin 1977 sur la compétence en matière d'assistance des personnes dans le besoin (loi fédérale en matière d'assistance, LAS)1 soit modifiée de telle sorte que les dispositions relatives à l'obligation de remboursement imposée au canton d'origine soient abrogées.

Dans son développement, l'auteur de l'initiative a mentionné deux autres actions visant à la réalisation de ce même objectif, en indiquant toutefois qu'il ne s'attendait guère à ce qu'elles aboutissent rapidement à l'effet escompté. La première est la motion 07.3712 n, intitulée «Abrogation de l'art. 16 LAS». Déposée le 5 octobre 2007 par le conseiller national J. Alexander Baumann, cette intervention a été classée le 25 septembre 2009, car elle était pendante depuis plus de deux ans. La seconde correspond aux investigations du groupe de travail que la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) a institué à l'automne 2006, afin qu'il se penche activement sur les questions d'une éventuelle révision de la LAS et de l'élaboration d'une réglementation-cadre de l'aide sociale au niveau fédéral. Le groupe en question a publié son rapport final2 au mois d'août 2008 (cf. ch. 2.3).

A noter que l'initiative 10.315 é intitulée «Loi fédérale sur la compétence en matière d'assistance des personnes dans le besoin. Modification» poursuivait le même objectif que l'initiative 08.473 é de Philipp Stähelin. Déposée le 31 mars 2010 par le canton de Thurgovie, l'initiative 10.315 é demandait que la Confédération abroge l'art. 16 de la LAS.

Le 19 janvier 2010, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E) a donné suite à l'initiative parlementaire de Philipp Stähelin par 7 voix contre 6. La CSSS-N a approuvé cette décision le 18 février 2011, par 13 voix contre 10.

Le 31 mars 2011, la CSSS-E a institué la sous-commission «Iv. pa. Suppression de l'obligation de remboursement imposée au canton d'origine (Stähelin; 08.473)»3, qu'elle a chargée d'élaborer un projet d'acte. Pour mener à bien son mandat, la souscommission a eu recours aux services
d'un expert de l'Office fédéral de la justice; elle a en outre prié la CDAS d'enquêter auprès des cantons afin de récolter des informations actuelles sur les remboursements effectués par les cantons d'origine 1 2

3

RS 851.1 Le rapport intitulé «Loi fédérale en matière d'assistance ­ LAS, Rapport final du groupe de travail CDAS, août 2008», peut être téléchargé depuis le site www.sodk-cdas-cdos.ch (en suivant le chemin d'accès Domaines > Sécurité sociale > aide sociale).

Egerszegi-Obrist, Brändli, Fetz, Frick, Stähelin

7199

dans le cadre de la LAS. Lors de sa séance du 31 août 2011, la sous-commission a entendu des représentants de la CDAS, de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CDF), de l'Association des communes suisses (ACS) et de l'Union des villes suisses (UVS). Elle a également entamé l'élaboration d'un avantprojet et d'un rapport explicatif à l'intention de la CSSS-E, tâche qu'elle a poursuivie à sa séance du 5 octobre 2011. Le 14 novembre 2011, la CSSS-E a adopté les documents concernés par 8 voix contre 2 et 1 abstention. Elle a alors décidé de mettre l'avant-projet en consultation4.

A sa séance du 19 juin 2012, la CSSS-E a pris acte des résultats de la consultation (cf. ch. 1.2) et a approuvé, par 11 voix contre 0 et 1 abstention, les présents rapport et projet d'acte.

1.2

Résultats de la consultation

Vingt-six cantons, six partis politiques et sept organisations ont rendu un avis lors de la consultation, qui a duré du 2 décembre 2011 au 16 mars 2012.

Vingt-et-un cantons (AG, AI, AR, BE, BL, FR, GL, GR, JU, LU, NW, OW, SH, SG, SO, SZ, UR,VS, TG, TI et ZG) se sont prononcés, sans émettre de réserve, pour la suppression de l'obligation imposée au canton d'origine de rembourser le canton qui fournit l'aide sociale; quatre partis (PDC, PEV, PLR et UDC) et cinq organisations5 ont fait de même. Selon eux, le lieu d'origine est un critère désuet et la suppression de l'obligation de remboursement permettrait de diminuer sensiblement les coûts administratifs.

Cinq cantons (BS, GE, NE, VD et ZH) ont rejeté cette suppression ou ne l'ont approuvée qu'à condition qu'une compensation soit prévue; deux partis (PES et PSS) et deux organisations6 ont fait de même. A titre de compensation, ils ont proposé, notamment, d'augmenter la compensation des charges socio-démographiques dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches (RPT).

Enfin, sept cantons (AG, OW, SG, SZ, UR, VS et ZG) ont approuvé le délai transitoire de quatre ans prévu dans l'avant-projet avant la suppression pure et simple de l'obligation de remboursement. Quatre cantons (AR, GL, JU et LU) ont estimé que ce délai était de plutôt long à beaucoup trop long.

4

5 6

Ont été invités à prendre part à la procédure de consultation les cantons, les partis politiques ainsi que les associations faîtières suisses des communes, des villes, des régions de montagne et de l'économie.

Centre Patronal, Groupement suisse pour les régions de montagne, senesuisse, Union suisse des arts et métiers et Association des communes suisses Fédération des entreprises romandes et Union des villes suisses

7200

2

Grandes lignes du projet

2.1

Contexte

Jusqu'à la Première Guerre mondiale, l'assistance des personnes dans le besoin incombait entièrement aux collectivités dont ces personnes étaient originaires. Entre 1916 et 1960, les cantons ont conclu plusieurs concordats dans ce domaine. S'ils y ont introduit progressivement le principe de l'assistance par le canton de domicile, ils y ont néanmoins maintenu des possibilités, parfois considérables, d'exiger des remboursements de la part des cantons d'origine7.

Le 7 décembre 1975, le peuple et les cantons ont accepté la révision des art. 45 et 48 de l'ancienne Constitution fédérale (aCst.). La Suisse est alors passée, en matière d'assistance intercantonale, du principe de l'origine à celui du domicile8.

L'art. 48 aCst. a été repris pour l'essentiel à l'art. 115 de la Constitution fédérale du 18 avril 19999, dont voici la teneur: «Les personnes dans le besoin sont assistées par leur canton de domicile. La Confédération règle les exceptions et les compétences.» L'art. 48, al. 2, aCst. a toutefois maintenu la possibilité, pour la Confédération, de régler le recours contre le canton d'un précédent domicile ou le canton d'origine. La Confédération a d'ailleurs fait usage de ce droit lors de l'élaboration de la LAS qui, dans sa version initiale du 24 juin 1977, prévoyait une possibilité de recours contre le canton d'origine pendant dix ans: si la personne dans le besoin était établie depuis moins de deux ans de manière ininterrompue dans un canton, le canton de domicile pouvait exiger du canton d'origine le remboursement de l'intégralité des frais d'assistance; lorsque l'établissement dans le nouveau canton datait de plus de deux ans et de moins de dix ans, ces frais étaient pris en charge à égalité par le canton de domicile et le canton d'origine; à compter de dix ans et au delà, le canton d'origine n'était plus tenu à aucun remboursement. La révision de la LAS du 14 décembre 1990 a limité l'obligation de remboursement faite au canton d'origine aux deux premières années qui suivent l'établissement dans un autre canton.

Dans le condensé figurant au début de son message du 22 novembre 1989 sur la révision précitée, le Conseil fédéral indiquait que l'enquête qui avait été effectuée auprès des gouvernements des cantons avait montré «qu'il serait prématuré de ne retenir, dans les dispositions qui régissent
le droit de l'assistance, que le seul principe du lieu de domicile, comme le prévoit l'art. 48 de la constitution. Les cantons d'immigration, notamment, souhaitent voir maintenir l'obligation faite au canton d'origine de rembourser les prestations d'assurance»10.

7

8

9 10

Cf. réponse du Conseil fédéral du 21 sept. 2001 à la question ordinaire «Loi en matière d'assistance. Délais de remboursement» posée par le conseiller national Stéphane Rossini (01.1077).

Werner Thomet, 1994, Commentaire concernant la Loi fédérale sur la compétence en matière d'assistance des personnes dans le besoin (LAS), deuxième édition (actualisée), Zurich, Schulthess, p. 35.

RS 101 FF 1990 I 47

7201

2.2

Nouvelle réglementation proposée

Eu égard à la mobilité croissante de la population et à l'évolution de la législation des cantons relative à l'aide sociale, le moment est venu de mener à terme le passage du principe du canton d'origine au principe du canton de domicile, en abolissant l'obligation faite au canton d'origine de rembourser les frais. La révision de la LAS entrera en vigueur après un délai transitoire de quatre ans qui doit permettre aux cantons de se préparer au changement de régime. Passé ce délai, c'est le canton dans lequel une personne aura élu domicile qui assumera financièrement l'aide sociale fournie à cette personne et ce, dès le premier jour de son établissement dans le nouveau canton. S'agissant des relations entre les communes d'un même canton, elles seront soumises aux dispositions législatives des cantons concernés.

Les citoyens devenant toujours plus mobiles, ils entretiennent désormais un lien moins étroit que par le passé avec leur canton d'origine. Ce changement date généralement de plusieurs générations. Entre 1900 et 1970, la proportion de Suisses domiciliés dans leur canton d'origine a décru de façon continue, passant de 79,2 % à 60,4 %11. Bien que l'on ne dispose pas de données fiables plus récentes, aucun signe ne laisse penser que cette tendance a pris fin ou s'est inversée.

L'évolution des dispositions en vigueur dans les cantons illustre d'ailleurs très bien la perte d'importance du principe du lieu d'origine dans le domaine de l'aide sociale.

Le canton de Thurgovie ayant décidé de supprimer, à compter du 1er janvier 2012, l'obligation de remboursement faite à la commune d'origine12, seul le canton de Saint-Gall connaît encore un régime prévoyant une telle obligation, obligation pour laquelle la LAS s'applique par analogie13. S'agissant du droit international, le principe du seul lieu de domicile s'est là aussi largement imposé; en témoigne notamment la Convention européenne d'assistance sociale et médicale du 11 décembre 1953, à laquelle se réfère l'art. 13, al. 4, de la Charte sociale européenne.

L'abolition de l'obligation de remboursement faite au canton d'origine réduira considérablement les charges administratives. En 2009, la Suisse a enregistré 4938 cas d'aide sociale pour lesquels le canton de domicile pouvait en principe exiger du canton d'origine, en vertu de la LAS, le
remboursement des prestations d'assistance14; ces cas concernaient en tout 7149 personnes. L'art. 32, al. 1 et 2, LAS dispose que, à la fin de chaque trimestre, le canton créancier présente au canton débiteur un compte global des frais à rembourser, en y joignant pour chaque cas un 11

12 13 14

Recensement fédéral de la population, Office fédéral de la statistique (OFS). En raison d'une erreur de traduction, les données du recensement de 1980 ne reflètent pas véritablement la situation en ce qui concerne la Suisse romande et la Suisse italophone. Depuis le recensement de 1990, la commune d'origine n'est plus prise en considération dans l'évaluation des résultats et ce, pour plusieurs raisons: le droit matrimonial a fait l'objet d'une révision; l'utilisation du nom de la commune d'origine qui figure dans le registre des habitants rend l'évaluation plus difficile que ne le ferait l'utilisation du code postal; lorsque, à la suite d'une fusion entre communes, la commune d'origine change, elle ne fait pas l'objet d'un suivi automatique.

Art. 20, al. 1, de la loi du 29 mars 1984 sur l'aide sociale publique (Gesetz über die öffentliche Sozialhilfe, RB 850.1).

Art. 24, al. 1, de la loi du 27 septembre 1998 sur l'aide sociale (Sozialhilfegesetz, sGS 381.1).

Office fédéral de la statistique (OFS), analyse des statistiques relatives à l'aide sociale.

Cas pour lesquels une prestation a été perçue durant la période considérée, doubles comptages inclus, sans les informations concernant le canton de Neuchâtel (ce document n'existe qu'en allemand).

7202

état des dépenses et des recettes. Ainsi, cette procédure engendre une charge administrative aussi bien pour le canton de domicile, qui fait valoir son droit au remboursement, que pour le canton d'origine, qui doit examiner la requête en question. Par ailleurs, si chaque canton peut être amené à exiger des remboursements, il est également tenu d'en effectuer lui-même.

Le remboursement, entre cantons, des frais découlant de l'aide sociale ne concerne qu'un très faible pourcentage de dossiers relatifs à ce type d'aide. Entre 2007 et 2009, les bénéficiaires de l'aide sociale pour lesquels les conditions légales justifiant l'obligation de remboursement faite au canton d'origine étaient remplies représentaient 3 à 4 % de l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale en Suisse15. Quant au montant global des remboursements effectués par les cantons d'origine, il est lui aussi relativement peu important. De 2005 à 2010, les cantons ont remboursé, au total, près de 60 millions de francs par an, en moyenne, en tant que cantons d'origine16. Si l'on tient compte des remboursements que ces cantons ont à leur tour obtenus en tant que cantons de domicile, la somme des montants qui ont été effectivement déplacés d'un canton à un autre n'est plus que de quelque 18,5 millions de francs par an. Ce chiffre doit être mis en rapport avec la somme totale des dépenses nettes effectuées chaque année par les cantons et les communes dans le domaine de l'aide sociale: de 2005 à 2010, ces dépenses se sont en moyenne élevées à 1,8 milliard de francs par an17.

2.3

Options examinées

La suppression de l'obligation de remboursement faite au canton d'origine n'aura pas les mêmes répercussions financières dans tous les cantons, ainsi que le montrent les résultats de l'enquête de la CDAS (cf. annexe et ch. 4.2). Aussi la commission s'est-elle demandé s'il y avait lieu de prévoir un système de compensation et, le cas échéant, quel devrait en être le fonctionnement.

Elle a pris acte du fait que le groupe de travail de la CDAS avait examiné les options présentées ci-après, mais qu'il ne les avait finalement pas retenues, estimant qu'elles n'étaient pas réalistes ou qu'elles ne permettraient pas d'atteindre l'objectif fixé18:

15 16 17 18

­

Simplification du règlement des factures grâce à la révision de l'art. 32 LAS et à une facturation forfaitaire des coûts par cas: le groupe de travail a jugé que les données statistiques disponibles étaient insuffisantes pour permettre le passage à un système de forfaits par cas.

­

Création d'un «service de clearing» LAS national: le groupe de travail a rejeté cette option, car il a estimé que les difficultés liées à la centralisation des travaux administratifs ­ en particulier, à la mise en place de l'unité concernée, à la gestion des contacts entre la centrale et les cantons et au financement ­ seraient disproportionnées par rapport à l'allègement administratif dont pourraient bénéficier les cantons.

OFS, analyse des statistiques relatives à l'aide sociale.

Résultats de l'enquête de la CDAS du 11 août 2011; cf. annexe 1.

OFS, Statistique financière des prestations sociales sous condition de ressources.

Rapport final du groupe de travail CDAS, p. 10 à 12.

7203

­

«Modèle transitoire»: selon ce modèle, les cantons devraient s'indemniser mutuellement sur la base de forfaits indépendants du cas particulier, durant une période transitoire limitée à compter de la suppression de l'obligation d'effectuer des remboursements. La négociation bilatérale des forfaits entre les 26 cantons constituerait toutefois une procédure très lourde, d'autant plus que ce modèle n'aurait cours que pour un temps limité.

Quant à l'option privilégiée par la CDAS19, à savoir une compensation au moyen de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), elle n'a pas obtenu le soutien de la commission et ce, principalement pour trois raisons: ­

La CDAS propose d'augmenter la compensation des charges socio-démographiques (CCS), qui tient compte des composantes «pauvreté», «âge», «intégration des étrangers» et «problématique des villes-centres». Or, la CCS fait partie de la compensation des charges opérée par la Confédération (redistribution verticale), tandis que les remboursements réalisés par les cantons d'origine s'inscrivent dans une logique horizontale, puisqu'ils sont effectués sur le plan intercantonal. Il serait donc contraire à l'esprit du système d'associer la Confédération, via la RPT, à cette compensation financière: l'aide sociale et son financement sont en principe du ressort des cantons.

­

Etant donné que les critères de répartition de la RPT sont d'ores et déjà définis, la «compensation» prônée par la CDAS profiterait clairement à certains cantons, au détriment d'autres cantons. C'est ce qu'illustrent les résultats du modèle de calcul exposé dans le rapport final du groupe de travail CDAS.

Cette situation est également liée au fait que, en plus des cantons qui supportent des charges excessives dues à des facteurs socio-démographiques (tels que Genève, Zurich, Vaud ou Bâle-Ville), d'autres cantons (comme Soleure ou Thurgovie) perçoivent en général davantage de remboursements de la part des cantons d'origine qu'ils n'en effectuent eux-mêmes.

­

Plusieurs années de négociation ont été nécessaires pour aboutir au système de la RPT, qui répond à un équilibre subtil et porte sur un volume de paiements compensatoires nets de 3,1 milliards de francs20. Remettre en question ce système pour un montant aussi modeste, en comparaison du chiffre précité, que le solde des remboursements effectués par les cantons d'origine serait peu judicieux: les quelque 18,5 millions de francs concernés ne représentent qu'une proportion d'environ 0,6 % par rapport aux paiements nets de la RPT. Toutefois, la commission attirera l'attention du Conseil fédéral, par écrit, sur le transfert des frais d'aide sociale entre les cantons induit par le présent projet en prévision de modifications de la RPT et notamment de la compensation des charges socio-démographiques..

La commission s'est également penchée sur une cinquième option consistant à remplacer l'obligation de remboursement faite au canton d'origine par une obligation de remboursement incombant au précédent canton de domicile. Une telle solution correspondrait davantage au principe du lieu de domicile. A ce propos, quatre 19 20

Décision de la réunion plénière de la CDAS du 6 juin 2008; rapport final du groupe de travail CDAS, p. 4.

Département fédéral des finances; chiffres provisoires pour 2012.

7204

cantons ont prévu dans leur législation que, pendant un an (Fribourg et Obwald)21 ou deux (Schaffhouse et le Valais)22, c'est la précédente commune de domicile qui est tenue de rembourser les prestations concernées. Obliger le précédent canton de domicile à rembourser les frais d'aide sociale pourrait en outre contribuer à la bonne application de l'art. 10 LAS, qui porte sur l'interdiction d'inviter au départ une personne dans le besoin. Par contre, une telle mesure ne permettrait pas de réduire l'importante charge administrative découlant de la facturation mutuelle des frais d'assistance. Par ailleurs, la détermination du dernier lieu de domicile du bénéficiaire de l'aide sociale risquerait d'entraîner davantage de discussions et de problèmes entre les cantons que l'application des dispositions actuelles fondées sur le lieu d'origine. Ces arguments ont finalement incité la commission à renoncer à l'idée du remboursement par le précédent canton de domicile.

3

Commentaire des dispositions

3.1

Préambule

Le préambule, qui renvoie encore à l'ancienne Constitution fédérale, sera adapté aux dispositions de la nouvelle Constitution. A l'art. 48 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 correspond l'art. 115 de la constitution en vigueur.

3.2

Calcul de la durée du domicile pour fixer l'obligation de rembourser les frais (abrogation de l'art. 8)

Les art. 14, al. 2, et 16 LAS portent sur le délai pendant lequel les frais d'aide sociale doivent être remboursés par le canton de domicile ou le canton d'origine.

Quant à l'art. 8 LAS, il règle le calcul du délai concerné pour les époux, les partenaires enregistrés et les enfants mineurs ayant acquis un domicile d'assistance indépendant. Etant donné que les art. 14, al. 2, et 16 LAS seront abrogés, l'art. 8 n'a plus lieu d'être. Il sera donc lui aussi abrogé.

3.3

Extension des obligations du canton de domicile (abrogation de l'art. 14, al. 2)

L'art. 14, al. 2, LAS restreint l'obligation, faite au canton de domicile, de rembourser les frais d'aide sociale lorsque le canton de séjour est également canton d'origine: dans ce cas, le remboursement n'est dû que si la personne concernée est domiciliée depuis plus de deux ans dans le canton de domicile actuel. Lorsque le législateur a édicté cette disposition, il est parti du principe qu'il existait généralement un lien personnel entre le canton ou lieu d'origine et la personne concernée.

Or, ainsi que cela a été expliqué plus haut, ce lien a maintenant disparu pour la 21

22

Art 9a de la loi du canton de Fribourg du 14 novembre 1991 sur l'aide sociale (RSF 831.0.1); art. 19 de la loi du canton d'Obwald du 23 oct. 1983 sur l'aide sociale (Sozialhilfegesetz; 870.1).

Art. 39, al. 1, de la loi du canton de Schaffhouse du 21 nov. 1994 sur l'aide sociale (Sozialhilfegesetz; SHR 850.100); art. 19, al. 1, de la loi du canton du Valais du 29 mars 1996 sur l'intégration et l'aide sociale (850.1).

7205

plupart des citoyens, qui n'ont souvent jamais vécu dans leur lieu d'origine. Il convient, par conséquent, de renoncer à la restriction prévue à l'art. 14, al. 2, LAS et d'étendre ainsi l'obligation de remboursement faite au canton de domicile.

3.4

Suppression des obligations du canton d'origine (abrogation des art. 15 à 17)

La deuxième section du chapitre consacré à l'obligation de rembourser les frais est constituée de trois articles qui règlent l'obligation faite au canton d'origine de rembourser au canton de domicile ou au canton de séjour les frais d'aide sociale que ceux-ci ont assumés pour ses ressortissants. L'art. 15 concerne les personnes qui n'ont pas de domicile en Suisse et l'art. 16, celles qui sont domiciliées depuis moins de deux ans dans un autre canton que leur canton d'origine. Quant à l'art. 17, il traite des cas dans lesquels les personnes concernées ont le droit de cité dans plusieurs cantons.

Les motifs invoqués précédemment appellent la suppression complète de la possibilité d'exiger des remboursements de la part du canton d'origine. Aussi les art. 15 à 17 doivent-ils être abrogés.

3.5

Familles dont les membres ont des droits de cité différents (abrogation de l'art. 19)

L'abrogation de cette disposition découle directement de la décision de principe de ne plus faire appel au canton d'origine pour le remboursement des frais d'aide sociale. Il n'est en effet plus nécessaire de prévoir une disposition réglant le cas des personnes qui ont le droit de cité dans plusieurs cantons.

3.6

Structure du chapitre 2 consacré à l'obligation de rembourser les frais

A la suite de l'abrogation des art. 15 à 17 et de l'art. 19, le chapitre portant sur l'obligation de rembourser les frais ne comportera plus que deux articles. Il est donc superflu de le diviser en sections. Les titres des sections 1 et 2 deviendront ceux des art. 14 et 18.

3.7

Tarifs pour les soins (art. 24)

L'art. 24 LAS définit les tarifs applicables au remboursement des frais relatifs à un séjour dans un hôpital ou un home ainsi qu'à d'autres soins. En conséquence de la décision de principe de ne plus faire appel au canton d'origine pour le remboursement des frais d'aide sociale, l'al. 1, qui concerne précisément les remboursements effectués par les cantons d'origine, sera abrogé. Des modifications d'ordre rédactionnel seront apportées à l'al. 2.

7206

3.8

Obligation d'entretien et dette alimentaire fondées sur le droit de la famille (art. 25)

L'art. 25 LAS indique quel canton est compétent pour faire valoir, le cas échéant, les contributions au titre de l'obligation d'entretien ou de la dette alimentaire fondées sur le droit de la famille. Les al. 2 et 3 règlent le cas de figure relatif au canton d'origine; en vertu de la décision de principe de ne plus faire appel au canton d'origine pour le remboursement des frais d'aide sociale, ces dispositions seront abrogées.

3.9

Remboursement (art. 26)

L'art. 26 LAS définit qui a droit aux montant remboursés ultérieurement par les bénéficiaires de l'aide sociale. Là encore, il convient d'abroger les dispositions concernant les cantons d'origine, à savoir les al. 2 et 4.

3.10

Rectification (art. 28, al. 2)

Les cantons concernés par les remboursements peuvent demander une rectification de la solution adoptée ou de la décision prise dans un cas d'assistance, lorsqu'il apparaît que cette solution ou cette décision repose manifestement sur une erreur (al. 1). Les cantons d'origine ne pouvant plus être mis à contribution pour des remboursements, il n'y a plus lieu de ménager à leur intention la possibilité de demander une rectification. L'al. 2 doit être corrigé en conséquence.

3.11

Avis d'assistance (art. 30 et 31)

Les articles relatifs à l'avis d'assistance visent à garantir que le canton tenu d'effectuer un remboursement se voie notifier rapidement le cas concerné et qu'il puisse donner des instructions au canton qui fournit l'aide sociale. A l'avenir, seul l'avis du canton de séjour au canton de domicile aura lieu d'être. L'avis au canton d'origine n'étant ainsi plus requis, l'art. 31 sera abrogé. Quant au titre de l'art. 30, il sera abrogé puisque le chapitre 2 ne sera plus constitué que d'un article.

3.12

Dispositions transitoires (ch. II)

Le décompte des frais d'assistance dont le remboursement est exigé devra être présenté au canton tenu d'effectuer celui-ci au plus tard une année après l'entrée en vigueur de la loi révisée.

7207

3.13

Entrée en vigueur (ch. III)

Ainsi que l'explique le chiffre 4.2, chaque canton devra examiner les répercussions que la présente modification de la LAS aura sur ses dépenses en matière d'aide sociale et sur ses ressources humaines. Afin de laisser le temps aux cantons de s'adapter à la situation, le nouveau droit entrera en vigueur quatre ans seulement après l'échéance du délai référendaire ou après l'acceptation de la loi par le peuple.

4

Conséquences

4.1

Conséquences pour la Confédération

Les modifications de la LAS proposées par la commission n'auront aucune incidence sur les finances de la Confédération; en effet, elles concerneront exclusivement les flux financiers entre les cantons. Ces modifications ne se répercuteront pas davantage sur les ressources humaines de la Confédération.

4.2

Conséquences pour les cantons

L'abandon de l'obligation de remboursement faite au canton d'origine se traduira par une augmentation des dépenses des cantons qui fournissent les prestations d'aide sociale. A l'inverse, les cantons qui, jusqu'ici, devaient satisfaire à des demandes de remboursement verront leurs charges diminuer d'autant. Il est toutefois difficile d'établir un pronostic valable pour tous les cantons: les changements qui, à la suite de la révision dont il est ici question, affecteront les dépenses en matière d'aide sociale seront différents pour chaque canton. Les facteurs suivants seront déterminants à cet égard: ­

le nombre de ressortissants originaires d'un autre canton qui bénéficient de l'aide sociale (aucun remboursement ne pourra plus être exigé pour ces personnes);

­

le nombre de ressortissants du canton qui bénéficient de l'aide sociale fournie par un autre canton (aucun remboursement ne devra plus être effectué pour ces personnes);

­

la charge correspondant au traitement de chaque dossier concerné.

Quant à savoir si les conséquences financières évoquées ci-dessus affecteront uniquement les cantons ou si, au contraire, elles concerneront également les communes, c'est la législation de chaque canton qui permettra de répondre à cette question.

Bien que les flux financiers résultant des remboursements entre les différents cantons varient d'une année à l'autre, ils se situent toujours dans une certaine fourchette. Si, pour certains cantons (le Tessin, par ex.), le bilan des remboursements perçus et effectués est quasiment neutre, pour d'autres, il se traduit régulièrement par un bénéfice (Zurich, notamment) ou par un déficit (Berne, par ex.). L'annexe présente un tableau synoptique des remboursements qui ont été effectués entre 2005 et 2010.

7208

4.3

Autres conséquences

Le présent projet n'a aucune incidence particulière sur l'économie, la société ou l'environnement.

5

Compatibilité avec le droit international

Les modifications législatives proposées sont compatibles avec le droit international, en particulier avec l'Accord entre la Confédération suisse, l'Union européenne et la Communauté européenne sur l'association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l'application et au développement de l'acquis de Schengen (accord d'association à Schengen; AAS)23 et avec l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (accord sur la libre circulation des personnes)24.

6

Bases légales

6.1

Constitutionnalité

La base constitutionnelle du présent projet figure à l'art. 115 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999.

6.2

Délégation de compétences législatives

Le présent projet ne prévoit pas de délégation de compétences législatives.

6.3

Forme de l'acte à adopter

Le présent projet consiste en la révision d'une loi fédérale.

23 24

RS 0.362.31 RS 0.142.112.681

7209

Annexe

Remboursement des frais d'aide sociale entre les cantons Canton

Remboursement effectué1

Remboursement perçu1

Différence en francs1

Différence exprimée en pourcentage de l'ensemble des frais d'aide sociale2

BE AG GR FR LU SG VS SZ JU AR UR AI GL NW OW BL TI SH ZG TG NE SO GE VD BS ZH

11 117 084 5 135 540 2 429 906 2 807 321 3 487 440 4 609 833 1 961 520 1 622 509 1 165 667 1 092 555 558 075 533 415 757 652 429 692 451 705 2 849 136 1 267 113 942 675 594 311 1 943 953 1 073 762 2 678 589 792 826 1 919 177 1 751 667 5 748 000

5 456 985 3 096 508 816 114 1 312 108 2 164 666 3 434 167 986 780 741 481 318 000 626 863 115 689 95 580 470 387 156 580 233 909 2 741 252 1 273 569 990 564 784 145 2 248 258 2 262 818 3 943 670 2 741 307 5 309 970 5 271 667 12 618 833

­5 660 099 ­2 039 032 ­1 613 793 ­1 495 213 ­1 322 774 ­1 175 667 ­974 740 ­881 028 ­847 667 ­465 692 ­442 385 ­437 836 ­287 265 ­273 112 ­217 796 ­107 884 6 457 47 889 189 834 304 305 1 189 056 1 265 081 1 948 481 3 390 794 3 520 000 6 870 833

1.6 2.9 6.9 5.6 2.5 2.3 3.7 5.1 11.4 6.8 20.6 41.2 4.6 11.3 10.3 0.2 0.0 0.4 1.5 1.3 1.7 1.8 1.6 1.6 3.0 1.5

1 2

Source: CDAS, résultats de l'enquête concernant la suppression de l'obligation de remboursement faite au canton d'origine, moyenne des années 2005 à 2010 Source: calculs établis par la commission. Indications relatives aux dépenses nettes des cantons en matière d'aide sociale: Statistique financière des prestations sociales sous condition de ressources, Office fédéral de la statistique, moyenne des années 2005 à 2010.

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