12.028 Message relatif à la révision de la loi sur les cartels et à une loi sur l'organisation de l'autorité de la concurrence du 22 février 2012

Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation un projet de révision de la loi fédérale sur les cartels, qui inclut une proposition de loi sur l'organisation de l'autorité de la concurrence.

Nous vous prions d'agréer, Messieurs les Présidents, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 février 2012

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Eveline Widmer-Schlumpf La chancelière de la Confédération, Corina Casanova

2011-2206

3631

Condensé La législation relative à la concurrence joue un rôle essentiel en matière d'efficience économique. C'est pourquoi l'efficacité de la loi sur les cartels (LCart) a été renforcée en 1995. Elle a encore été améliorée en 2003 par la mise en place de nouveaux instruments (sanctions directes à l'encontre des entreprises et programme de clémence).

L'évaluation, conformément à l'art. 59a LCart, de la loi révisée a montré que la loi et les nouveaux instruments avaient globalement fait leurs preuves. Elle a néanmoins également démontré la nécessité d'une révision à plusieurs égards. Cette nécessité concerne en premier lieu l'organisation institutionnelle des autorités en matière de concurrence. Une révision s'avère également nécessaire en ce qui concerne toute une série de dispositions de droit matériel. Enfin, indépendamment de l'évaluation, des enjeux de taille se sont greffés à la révision de la LCart, dont le mandat du Parlement lié à la transmission de la motion Schweiger (07.3856), qui exige une reconsidération du système des sanctions, ainsi que la situation économique due à l'appréciation significative du franc suisse, qui réclame des mesures assurant une meilleure transmission vers les clients finals des avantages réalisés sur les achats à l'étranger grâce à une monnaie forte.

Concernant la réforme institutionnelle, la loi en vigueur prévoit que les décisions en matière de droit de la concurrence sont prises par une commission indépendante, la Commission de la concurrence (COMCO), qui dispose de son propre secrétariat. La révision de 2003 a accentué le caractère quasi pénal des décisions rendues par la COMCO. Sous l'angle de la légalité, il n'est pas satisfaisant qu'un organe au sein duquel siègent des représentants d'associations économiques prononce des sanctions administratives dont les montants peuvent atteindre plusieurs millions de francs. C'est pourquoi la réforme vise à créer une Autorité de la concurrence indépendante, qui mène les enquêtes et présente ses propositions à un tribunal de première instance indépendant qui statue. Au sein de ce Tribunal de la concurrence, devront siéger des juges spécialisés chargés de représenter la pratique économique.

Tous les juges devront satisfaire à des exigences élevées en matière d'indépendance par rapport à d'éventuels intérêts économiques
et politiques. Ce nouveau tribunal sera entièrement intégré au sein du Tribunal administratif fédéral.

Sous l'angle du droit matériel, le Conseil fédéral demande, premièrement, une adaptation de l'art. 5 LCart. Le 17 août 2011, le Conseil fédéral a décidé de faire interdire par la voie légale les accords horizontaux sur les prix, les quantités et la répartition géographique, ainsi que les ententes verticales sur les prix et les cloisonnements territoriaux, tout en autorisant des possibilités de justification. Son but était ­ et reste ­ de dynamiser la concurrence sur le marché suisse. La différence fondamentale par rapport au droit en vigueur réside dans le fait que l'illicéité des accords horizontaux et verticaux particulièrement nuisibles dépendra du type de l'accord. En ce qui concerne les cinq types d'accords qui sont déjà directement punissables, il n'y aura plus obligation d'apporter la preuve que l'accord constitue, dans le cas d'espèce, une atteinte notable à la concurrence.

3632

Deuxièmement, la révision concerne la procédure civile du droit des cartels. A l'heure actuelle, seuls ont qualité pour agir les acteurs économiques dont l'accès à la concurrence ou son exercice sont entravés. L'élargissement de la qualité pour agir aux clients finals permet de pallier l'inégalité générée par le fait que ceux-ci ne peuvent pas faire valoir le dommage qu'ils subissent en raison des cartels.

Troisièmement, le contrôle des concentrations suisse doit être renforcé et simplifié.

Même selon la pratique récente de la COMCO, il y a lieu de constater que le contrôle des concentrations, inchangé depuis 1995, est peu efficace lorsqu'il s'agit d'empêcher des concentrations du marché importantes, aux effets préjudiciables. Le critère d'appréciation doit faire l'objet d'une nouvelle réglementation afin de prévenir l'accumulation de pouvoir économique de manière plus efficace. En outre, les doublons dans l'examen des concentrations à l'échelle internationale doivent être réduits et les délais procéduraux harmonisés avec ceux de l'Union européenne.

Quatrièmement, en réponse à l'adoption de la motion Schweiger (07.3856), le Conseil fédéral propose que les programmes de conformité efficaces et adéquats mis en place par les entreprises pour assurer le respect des conditions du droit des cartels (compliance) soient considérés sur le plan légal en tant que facteur pouvant mener à une réduction de sanctions administratives. L'adaptation de l'art. 49a LCart permet de mettre en oeuvre cette exigence.

Enfin, il est impératif d'améliorer la procédure d'opposition. Une telle procédure doit permettre aux entreprises de bénéficier à temps d'une certaine sécurité juridique en cas de comportements discutables sous l'angle du droit des cartels, compte tenu des sanctions importantes qu'elles sont susceptibles d'encourir. Afin d'améliorer la fonction de la procédure d'opposition, l'entreprise n'encourra une sanction qu'à compter de l'ouverture d'une enquête, et non dès l'ouverture d'une simple enquête préalable, comme c'est le cas actuellement.

La révision de la LCart vise à renforcer la dynamique de concurrence sur le marché suisse, au sens d'un ordre orienté vers une économie de marché libérale. La sécurité juridique se doit d'être renforcée. Par une réforme institutionnelle, une légitimation maximale doit
être accordée aux instruments introduits en 2003 qui se sont révélés efficaces. La révision tient également compte de l'évolution de la législation européenne pour garantir un encadrement légal de la concurrence qui soit conforme aux besoins d'une économie qui dégage un des plus élevés revenus par tête dans le monde.

3633

Table des matières Condensé

3632

Abréviations

3636

1 Grandes lignes du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Evolution et évaluation de la loi sur les cartels 1.1.2 Motion Schweiger (07.3856) 1.1.3 Mesures consécutives à l'appréciation du franc suisse 1.1.4 Autres interventions parlementaires 1.1.5 Buts de la révision 1.2 Solutions étudiées 1.2.1 Première procédure de consultation 1.2.2 Deuxième procédure de consultation: motion Schweiger 1.2.3 Troisième procédure de consultation: art. 5 LCart 1.2.4 Propositions rejetées de la présente révision 1.3 Changements proposés 1.3.1 Vue d'ensemble 1.3.2 Renforcement de l'indépendance des institutions 1.3.3 Révision de l'art. 5 LCart 1.3.4 Renforcement du volet civil du droit des cartels 1.3.5 Contrôle des concentrations d'entreprises 1.3.6 Réduction de la sanction grâce à des mesures de conformité (compliance) 1.3.7 Amélioration de la procédure d'opposition 1.4 Justification et appréciation de la solution proposée 1.4.1 Procédures de consultation 1.4.2 Appréciation générale de la première consultation 1.4.3 Appréciation générale de la deuxième consultation 1.4.4 Appréciation générale de la troisième consultation 1.5 Corrélation entre les tâches et les ressources financières 1.6 Comparaison avec le droit étranger, notamment avec le droit européen 1.7 Application

3638 3638 3638 3639 3640 3641 3642 3642 3642 3644 3644 3645 3646 3646 3647 3652 3654 3655

2 Commentaire par article 2.1 Modification de la loi sur les cartels 2.1.1 Changements d'ordre rédactionnel 2.1.2 Préambule 2.1.3 Dispositions du droit matériel (chap. 2) 2.1.3.1 Restrictions illicites à la concurrence (section 1) 2.1.3.2 Concentrations d'entreprises (section 2) 2.1.4 Disposition de procédure civile (chap. 3) 2.1.5 Procédure administrative (chap. 4) 2.1.5.1 Autorité de la concurrence et Tribunal de la concurrence (section 1) 2.1.5.2 Restrictions à la concurrence (section 2) 2.1.5.3 Concentrations d'entreprises (section 3)

3666 3666 3666 3666 3666 3666 3670 3673 3675

3634

3657 3658 3659 3659 3660 3661 3662 3663 3663 3665

3675 3676 3678

2.1.5.4 Dispositions procédurales et voies de droit (section 4) 2.1.5.5 Sanctions administratives (section 6) 2.1.5.6 Emoluments (section 7) 2.1.6 Sanctions pénales (chap. 5) 2.1.7 Evaluation (chap. 6a) 2.1.8 Modification de la loi sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF) 2.1.9 Dispositions transitoires et dispositions finales 2.2 Loi fédérale sur l'Autorité de la concurrence (LAC) 2.2.1 Autorité de la concurrence 2.2.2 Personnel 2.2.3 Financement et budget 2.2.4 Indépendance et surveillance 2.2.5 Dispositions finales

3679 3684 3686 3687 3687 3687 3691 3692 3692 3697 3698 3702 3702

3 Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes 3.3 Conséquences économiques 3.3.1 Nécessité d'une action de l'Etat 3.3.2 Conséquences pour les différents acteurs économiques 3.3.3 Conséquences économiques

3704 3704 3705 3705 3705 3705 3708

4 Lien avec le programme de la législature et le plan financier

3709

5 Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité et légalité 5.2 Conformité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Frein aux dépenses 5.4 Conformité à la loi sur les subventions 5.5 Délégations de compétences législatives

3709 3709 3711 3711 3711 3711

Loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (Loi sur les cartels, LCart) (Projet)

3713

Loi fédérale sur l'Autorité de la concurrence (Loi sur l'Autorité de la concurrence, LAC) (Projet)

3731

3635

Abréviations AFF CC CEDH CER-E CO COMCO Conseil de l'AC CPP Cst.

DFE DPA EEE ICN LA LAC LCart LCD LCo LETC LMI LOGA LPers LRCF LRTV LSPr LSu

3636

Administration fédérale des finances Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210) Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales («Convention européenne des droits de l'homme») Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième; Droit des obligations; RS 220) Commission de la concurrence Conseil de l'Autorité de la concurrence Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP; RS 312.0) Constitution fédérale, Cst.; RS 101 Département fédéral de l'économie Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0) Espace économique européen International Competition Networks Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA; RS 748.0) Nouvelle loi fédérale sur l'Autorité de la concurrence (LAC) Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (Loi sur les cartels, LCart; RS 251) Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD; RS 241) Loi fédérale du 18 mars 2005 sur la procédure de consultation (Loi sur la consultation, LCo; RS 172.061) Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC; RS 946.51) Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI; RS 943.02) Loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA; RS 172.010) Loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers; RS 172.220.1) Loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (Loi sur la responsabilité, LRCF; RS 170.32) Loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40) Loi fédérale du 20 décembre 1985 concernant la surveillance des prix (LSPr; RS 942.20) Loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les

indemnités (Loi sur les subventions, LSu; RS 616.1) Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF; RS 173.32) LTC Loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC; RS 784.10) LTF Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) LTVA Loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (Loi sur la TVA, LTVA; RS 641.20) MPC Ministère public de la Confédération OCC Ordonnance du 17 juin 1996 sur le contrôle des concentrations d'entreprises (RS 251.4) OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OEmol-LCart Ordonnance du 25 février 1998 relative aux émoluments prévus par la loi sur les cartels (Ordonnance sur les émoluments LCart, OEmol-LCart; RS 251.2) OPers Ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers; RS 172.220.111.3) OS LCart Ordonnance du 12 mars 2004 sur les sanctions en cas de restrictions illicites à la concurrence (Ordonnances sur les sanctions LCart, OS LCart; RS 251.5) OTVA Ordonnance du 27 novembre 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RS 641.201) PA Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021) P-LCart Projet de révision de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (Loi sur les cartels, LCart; RS 251) qui fait l'objet du présent message SIEC Significant Impediment to Effective Competition TAF Tribunal administratif fédéral suisse UE Union européenne LTAF

3637

Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Evolution et évaluation de la loi sur les cartels

Après le rejet de l'entrée de la Suisse dans l'espace économique européen (EEE) en 1992 et afin d'améliorer les conditions-cadres d'intervention au vu de la globalisation des marchés, le Conseil fédéral a élaboré au début des années 1990 un vaste programme de «régénération de l'économie de marché», avec notamment pour objectif une loi sur les cartels (LCart) plus dissuasive1. La révision de la LCart de 1995 a redéfini fondamentalement l'orientation à donner au droit suisse de la concurrence, l'objectif étant de stimuler une concurrence efficace. Sur le plan matériel, la LCart de 1995 repose sur trois piliers: la lutte contre les accords illicites entre entreprises (art. 5 LCart), la lutte contre les pratiques abusives d'entreprises bénéficiant d'une position dominante (art. 7 LCart) et le contrôle des concentrations (art. 9 LCart).

La révision partielle de la LCart, entrée en vigueur le 1er avril 2004, avait pour but de parfaire le changement de paradigme annoncé dans la révision de 1995, notamment par l'instauration de sanctions directes, la mise en place d'un programme de clémence et la possibilité de perquisitions. Malgré ces changements matériels significatifs, aucune modification essentielle n'a été apportée jusqu'ici à la structure institutionnelle.

Conformément à l'art. 59a LCart, une évaluation de la loi a été engagée en 2008 pour que le Conseil fédéral puisse à terme soumettre son rapport à l'adresse du Parlement. Le Groupe d'évaluation mis en place a soumis sa synthèse au Département fédéral de l'économie (DFE) le 5 décembre 20082. Son rapport dresse un bilan globalement positif de la mise en oeuvre de la loi; il relève notamment que les nouveaux instruments introduits en 2003 atteignent l'objectif d'un renforcement de l'effet préventif de la loi et doivent dès lors être maintenus.

Le groupe d'évaluation a toutefois relevé, à différents niveaux, des améliorations possibles et nécessaires justifiant une révision de la loi, notamment en ce qui concerne une refonte de la structure institutionnelle. Il a identifié les priorités suivantes: renforcement de l'indépendance des autorités en matière de concurrence et professionnalisation de l'organe de décision par le biais d'un taux d'occupation plus élevé; base légale formelle permettant, à certaines conditions, une collaboration plus étroite
avec les autorités de concurrence étrangères; harmonisation du contrôle des concentrations suisse avec celui de l'Union européenne (UE); abandon, en ce qui concerne les restrictions aux accords verticaux, de l'actuelle présomption légale de suppression de la concurrence efficace. Le groupe d'évaluation mentionne d'autres améliorations souhaitables dans le cadre d'une révision de la loi, notamment un renforcement du volet civil du droit des cartels, des améliorations en matière de droit procédural, la confirmation du caractère punissable des cartels durs illicites (indé1 2

Voir le message concernant la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence du 23 novembre 1994 (FF 1995 I 472), objet 94.100 Voir le site www.weko.admin.ch/dokumentation/00216/01035/index.html?lang=fr.

3638

pendamment de la réfutation de la présomption de la suppression de la concurrence), une amélioration de la procédure d'opposition et un examen de l'introduction de sanctions à l'encontre des personnes physiques.

Dans le cadre de son travail, le groupe d'évaluation a pu s'appuyer sur les recommandations essentielles qui découlaient d'un examen de la politique suisse en matière de concurrence auquel le Comité de la concurrence de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait procédé en 20063.

Celles-ci demandaient notamment une plus grande indépendance de l'organe décisionnel, un renforcement de l'effet dissuasif de la LCart, un durcissement du contrôle des concentrations, l'introduction de sanctions à l'encontre des personnes physiques, une accélération de la procédure, ainsi qu'un renforcement de la collaboration internationale.

Le 25 mars 2009, le Conseil fédéral a approuvé, à l'adresse du Parlement, le rapport concernant l'évaluation de la LCart établi en exécution de l'art. 59a LCart4 et s'est prononcé sur les mesures à prendre. Dans ce rapport, le Conseil fédéral s'est rallié, pour l'essentiel, aux conclusions de l'évaluation et a proposé au législateur de maintenir la conception actuelle de la LCart et de conserver les nouveaux instruments. Il a également admis les carences de la loi relevées par le groupe d'évaluation et a chargé le DFE d'élaborer un projet d'ici le printemps 2010. Aux résultats de l'évaluation, le Conseil fédéral a ajouté un point qui s'est avéré essentiel pour la réforme institutionnelle, à savoir l'examen de mesures destinées à accélérer les procédures et, si nécessaire, l'élaboration de propositions de modifications de la loi dans ce sens.

Le projet de révision de la LCart, mis en consultation entre le 30 juin et le 19 novembre 2010, portait donc sur six points: la révision institutionnelle de l'autorité de la concurrence, l'amélioration de la procédure d'opposition, la révision du traitement des accords verticaux, le renforcement et la simplification du contrôle des concentrations, la mise en place sur le plan légal d'une meilleure coopération avec les autorités de concurrence étrangères et le renforcement de la procédure civile dans le droit des cartels.

1.1.2

Motion Schweiger (07.3856)

Parallèlement à l'évaluation et aux travaux consécutifs qui ont mené au premier projet de révision de la LCart mis en consultation en juin 2010, le Parlement a traité la motion Schweiger «Droit des cartels. Equilibrer le dispositif des sanctions et le rendre plus efficace» (07.3856). Celle-ci réclame, premièrement, une atténuation de la sanction fondée sur les efforts déployés pour assurer la conformité avec la LCart (programmes de respect des prescriptions du droit des cartels) et, deuxièmement, l'introduction dans la LCart de sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques. Le Conseil fédéral, pour sa part, s'est toujours déclaré opposé à la mise en

3

4

Voir OECD, 2006, Examens de l'OCDE de la réforme de la réglementation, «La réforme de la réglementation en Suisse: le rôle de la politique de la concurrence dans la réforme de la réglementation», Paris.

Ce rapport peut être consulté sur le site suivant: www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/15255.pdf.

3639

oeuvre de la motion Schweiger et a demandé le rejet de la motion, car il redoutait un affaiblissement global de l'impact de la LCart.

A l'origine, la motion demandait que l'existence de programmes de conformité conduise jusqu'à l'exemption de la sanction. Le Conseil national a considéré qu'une telle solution allait trop loin; il a donc modifié la motion sur ce point pour ne prévoir plus qu'une atténuation de la sanction. Le 21 septembre 2010, le Conseil des Etats a adopté la motion dans sa nouvelle version.

Les débats au sein du Conseil des Etats ont pu se baser sur un document de l'administration présentant différentes options pour une mise en oeuvre de la motion Schweiger5 et sur un avis de droit que le département compétent avait commandé, compte tenu de la transmission imminente de la motion. Sur la base de cet avis de droit, rédigé par les professeurs de droit pénal Günter Heine, de l'Université de Berne, et Robert Roth, de l'Université de Genève6, et des travaux internes à l'administration, le Conseil fédéral a ouvert, quelques mois après la transmission définitive de la motion, une deuxième consultation qui a débuté le 30 mars 2011 et s'est terminée le 6 juillet 2011. Dans ce cadre, il s'est déclaré prêt à transposer la première partie de la motion, à savoir la réduction de sanction en faveur des entreprises prenant des mesures de conformité, mais a exprimé ses réserves quant à l'introduction de sanctions pénales à l'encontre des personnes physiques.

1.1.3

Mesures consécutives à l'appréciation du franc suisse

Suite à l'appréciation significative du franc suisse, certains secteurs, en particulier l'industrie d'exportation, connaissent des difficultés sur le plan économique. Cette situation préoccupante a amené le Conseil fédéral à décider, le 17 août 2011, d'intervenir via un train de mesures destiné au soutien de la place économique suisse7. Parmi les mesures proposées, figure la volonté de stimuler la concurrence en Suisse en assurant une meilleure répercussion des diminutions de coûts dont les entreprises bénéficient incontestablement de par leurs achats à l'étranger. Les accords entre entreprises peuvent en effet entraver une telle répercussion, prétéritant ainsi la compétitivité nationale, car ils empêchent les entreprises actives sur le marché suisse ou dirigées vers l'exportation et les consommateurs finals de bénéficier des gains de change. Par conséquent, le DFE a été chargé de préparer une révision de l'art. 5 LCart dans le sens d'une interdiction plus efficace des accords horizontaux sur la fixation des prix, les restrictions quantitatives et la répartition géographique, ainsi que des ententes verticales sur les prix et les exclusions territoriales, tout en autorisant des possibilités de justification pour ces types d'accords.

Afin de garantir une mise en oeuvre rapide d'une adaptation légale, la troisième procédure de consultation relative à la révision de la LCart a été ouverte dès le 23 septembre 2011 et s'est déroulée sous la forme d'une conférence le 5 octobre 2011, conformément à l'art. 7 de la loi fédérale sur la procédure de consultation 5 6 7

Ce document peut être consulté sur le site suivant: www.seco.admin.ch/themen/02860/04210/index.html?lang=fr.

Cet avis peut être consulté sur le site suivant: www.seco.admin.ch/themen/02860/04210/index.html?lang=fr.

Voir les communiqués sur les sites suivants: www.news.admin.ch/dokumentation/00002/00015/index.html?lang=fr&msg-id=40629 et www.news.admin.ch/dokumentation/00002/00015/index.html?lang=fr&msg-id=40867.

3640

(LCo)8. Les participants invités à se prononcer avaient également la possibilité d'envoyer une prise de position écrite jusqu'au 10 octobre 2011.

1.1.4

Autres interventions parlementaires

La motion de Buman «Pour une véritable concurrence et des prix plus bas» (10.3302) a été rejetée à une courte majorité et sans débat le 19 septembre 2011 par le Conseil national. La motion reprenait les recommandations essentielles qui découlaient de l'examen de la politique suisse en matière de concurrence effectué par l'OCDE en 2006 (cf. ch. 1.1.1).

L'Assemblée fédérale délibère actuellement de l'initiative parlementaire Kaufmann «Amendes contre les cartels. Menace pour la viabilité des entreprises» (08.443).

Cette initiative demande une exemption de sanction en cas de mise en oeuvre d'un programme de conformité, ainsi que l'introduction simultanée de peines privatives de liberté à l'encontre des employés fautifs qui ont participé intentionnellement à un accord cartellaire au sens de l'art. 5, al. 3, LCart si les entreprises impliquées représentent au total une part de marché supérieure à 30 %. En exigeant l'exemption de sanction, cette motion va plus loin que la motion Schweiger sous la forme transmise.

Le 30 mars 2010, compte tenu des travaux entamés dans le cadre du traitement de la motion Schweiger, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) a décidé de ne pas donner suite à cette initiative parlementaire dans l'immédiat. Ce dossier est désormais transmis au Conseil national qui en débattra en plénum.

Dans le cadre des discussions portant sur la force du franc et la répercussion des gains de change jugée insuffisante, quatre motions ont été déposées le 30 septembre 2011 au Conseil national.

8 9

­

La motion Birrer-Heimo «Réviser la loi sur les cartels pour lutter contre les différences de prix abusives» (11.3984) demande que la LCart soit complétée par un article qui poserait le principe selon lequel les entreprises qui vendent leurs produits de marque à l'étranger à des prix inférieurs aux prix pratiqués en Suisse agissent de façon illicite si elles refusent d'approvisionner les entreprises ou les consommateurs en Suisse, par l'intermédiaire de leurs sociétés de distribution situées à l'étranger, aux prix et conditions applicables à l'étranger, ou si elles prennent des mesures pour empêcher que des tiers ne puissent fournir des produits en Suisse aux clients qui en font la demande.

­

La motion Birrer-Heimo «Réviser la loi sur les cartels afin de renforcer les droits des organisations de défense des consommateurs» (11.3985) veut charger le Conseil fédéral de modifier l'art. 26 LCart afin de renforcer les droits des organisations de défense des consommateurs qui pourraient requérir l'ouverture d'une enquête préalable.

­

La motion Birrer-Heimo «Agir efficacement contre la cherté des produits importés» (11.3986) demande la présentation au Parlement d'un projet de modification de la loi fédérale concernant la surveillance des prix (LSPr)9 de RS 172.061 RS 942.20

3641

sorte que le champ d'application visé à l'art. 2 s'applique également aux entreprises qui distribuent des produits d'importation de marque à des prix nettement plus élevés que ceux pratiqués dans le pays de provenance.

­

La motion Leutenegger Oberholzer «Interdiction d'accords entravant la concurrence» (11.4004) veut que les accords en tout genre qui entravent la concurrence soient combattus efficacement, en particulier par la révision de l'art. 5 LCart, de manière à lutter contre la cherté de la Suisse. Elle demande plus précisément l'interdiction de tout accord, des exceptions pouvant être consenties en cas de nécessité économique, qui, le cas échéant, doit être prouvée par les entreprises.

Le Conseil fédéral a recommandé le rejet des quatre motions pour les raisons mentionnées dans ses réponses du 16 novembre 2011. Le 21 décembre 2011, le Conseil national a rejeté les trois dernières motions, tandis que la motion Birrer-Heimo (11.3984) a été adoptée par 113 voix contre 74. Etant donné que le Conseil des Etats n'a pas encore traité cette motion, sa transmission est pour le moment ouverte et, par conséquent, elle n'est pas abordée ici de manière plus détaillée.

1.1.5

Buts de la révision

La révision partielle de la LCart vise à renforcer la dynamique de concurrence sur le marché suisse, au sens d'un ordre orienté vers une économie de marché libérale.

Afin d'améliorer l'efficacité des instruments préventifs introduits dans le cadre de la révision de la LCart en 2003, la présente révision doit renforcer la sécurité juridique et l'efficacité de la mise en oeuvre de la politique de concurrence, en assurant notamment l'indépendance entre enquêtes et décisions rendues en matière de droit cartellaire. L'évolution de la législation européenne est également considérée afin de garantir une efficacité du droit cartellaire qui satisfasse aux besoins d'une économie avancée et bien imbriquée dans les échanges internationaux.

1.2

Solutions étudiées

1.2.1

Première procédure de consultation

Structure institutionnelle La révision mise en consultation le 30 juin 2010 a proposé la création d'une autorité de la concurrence indépendante, qui mène les enquêtes et présente des propositions, ainsi que d'un tribunal de première instance indépendant qui rend les décisions.

Premièrement, l'actuel secrétariat de la Commission de la concurrence (COMCO) devait être revalorisé et devenir une autorité de concurrence autonome, indépendante du Conseil fédéral et indépendante des intérêts économiques.

Deuxièmement, l'institution d'un tribunal fédéral de la concurrence, instance distincte de l'Autorité de la concurrence chargée de rendre les décisions et d'infliger des sanctions en cas d'accords et d'abus de pouvoir sur le marché, a été proposée.

Cette instance devait se composer de juges traitant actuellement des questions relatives au droit des cartels au sein du Tribunal administratif fédéral (TAF) et d'experts indépendants (à l'instar des membres indépendants de la COMCO) assurant le lien 3642

avec la vie économique quotidienne et la théorie économique en matière de concurrence.

Troisièmement, les décisions du Tribunal de la concurrence devaient être directement susceptibles de recours devant le Tribunal fédéral, accélérant ainsi considérablement la procédure de recours jusqu'à ce que soit rendue la décision de dernière instance.

Réglementations matérielles Le Conseil fédéral a proposé également une modification de la procédure d'opposition de la LCart (art. 49a, al. 3, let. a, LCart), laquelle prévoit qu'une entreprise peut annoncer préalablement à l'Autorité de la concurrence les comportements qu'elle envisage adopter à l'avenir et qui sont susceptibles d'être qualifiés de restrictions illicites à la concurrence. Dans ce cadre, le Conseil fédéral a proposé de réduire de cinq à deux mois à compter de l'annonce le délai dans lequel l'autorité doit agir pour qu'une entreprise reste sujette à sanction du fait du comportement annoncé. De plus, seule l'ouverture d'une enquête formelle au sens de l'art. 27 LCart, et non l'ouverture d'une simple enquête préalable au sens de l'art. 26 LCart, comme c'est le cas actuellement, exposerait l'entreprise au risque de sanction bien qu'elle ait annoncé la restriction à la concurrence.

Le Conseil fédéral a proposé aussi l'adaptation de l'art. 5, al. 4, LCart, portant sur les accords entre différents échelons de marché (accords verticaux) sur les prix et la répartition géographique. Dans ce cadre, il a soumis deux variantes quant au traitement différencié de ces accords, afin que ces derniers ne soient pas interdits per se mais soient jugés au cas par cas. La variante 1 prévoyait la suppression de la présomption selon laquelle les accords verticaux portant sur les prix et la répartition géographique éliminent toute concurrence (suppression de l'art. 5, al. 4, LCart) et donc un traitement systématique au cas par cas des accords en maintenant les sanctions prévues à l'art. 5, al. 4, LCart pour les deux types d'accords. La variante 2 conservait la présomption de suppression de concurrence. Etant donné le potentiel hautement dommageable des deux types d'accords verticaux, la disposition aurait été complétée par l'introduction de safe harbors dans les cas de faibles parts de marché et de compatibilité des accords mis en place avec l'EEE.

Afin de moderniser
le contrôle des concentrations d'entreprises, le Conseil fédéral a proposé, premièrement, de mieux cerner à l'avenir les effets anti-compétitifs de la concurrence découlant des concentrations d'entreprises et, deuxièmement, d'alléger les charges administratives en cas de fusion entraînant une délimitation internationale du marché. Le but de la révision est de lutter contre les doublons en cas de fusion internationale. Le Conseil fédéral a également proposé deux variantes quant aux modifications des critères d'appréciation. La variante 1 prévoyait la reprise des critères appliqués au sein de l'UE (test SIEC, Significant Impediment to Effective Competition [entraves significatives à la concurrence]) qui permettent d'interdire les fusions affectant la concurrence de manière notable, tandis que la variante 2 ne retenait que la position dominante sur le marché au titre de critère d'appréciation et omettait la seconde condition, selon laquelle la concentration doit en sus être capable de supprimer la concurrence efficace. Enfin, le Conseil fédéral a proposé une harmonisation des délais et procédures avec ceux de l'UE, ainsi qu'un délai d'ordre de trois mois accordé au Tribunal de la concurrence pour statuer sur les éventuels recours en matière de contrôle des concentrations.

3643

Le projet de révision prévoyait également une adaptation de la situation juridique existante en matière de collaboration internationale et de communication de données aux autorités de la concurrence étrangères.

Enfin, il proposait un renforcement du volet civil du droit des cartels en étendant la possibilité d'intenter une action civile, actuellement réservée aux concurrents, à toute personne touchée par des cartels. Le délai de prescription du droit civil en matière de cartels serait, de plus, suspendu entre l'ouverture d'une enquête et la date à laquelle la décision devient exécutoire.

1.2.2

Deuxième procédure de consultation: motion Schweiger

La révision proposée dans le cadre de la deuxième procédure de consultation se divise en deux parties, correspondant aux deux exigences de la motion Schweiger.

Transposer la première exigence, c'est-à-dire la réduction de la sanction en faveur des entreprises prenant des mesures de conformité, revenait à modifier l'art. 49a LCart, afin que les programmes de conformité soient expressément mentionnés sur le plan légal comme facteur déterminant de la sanction. Cette disposition prévoit que les mesures adaptées à l'activité commerciale et à la branche concernées et destinées à lutter contre les infractions à la législation sur les cartels amènent une réduction de la sanction si les entreprises démontrent qu'elles ont pris de telles mesures à même de prévenir efficacement les infractions.

Le second volet de la motion propose l'introduction de sanctions à l'encontre des personnes physiques et a donné lieu à l'élaboration de deux variantes: l'instauration de mesures administratives (variante A) et l'instauration de mesures pénales (variante B). La première prévoit, d'une part, de restreindre ou d'interdire pendant une durée limitée l'exercice d'une activité professionnelle dans les sociétés ayant pris part à l'accord cartellaire et, d'autre part, de confisquer les éléments de la rémunération tels que les bonus, réalisés grâce à l'accord cartellaire. La variante B interprète la motion Schweiger à la lettre. Les peines encourues sont une peine pécuniaire ou une peine privative de liberté de trois ans au plus. La variante B envisage deux procédures indépendantes l'une de l'autre. L'enquête de l'Autorité de la concurrence, conclue par la décision du Tribunal de la concurrence, est dirigée uniquement contre l'entreprise, tandis que la procédure menée à l'encontre des employés responsables incombe au Ministère public de la Confédération (MPC) et est portée devant le Tribunal pénal fédéral pour une décision de première instance.

1.2.3

Troisième procédure de consultation: art. 5 LCart

Les propositions de révision de l'art. 5 présentées lors de la première consultation poursuivent un double objectif: d'une part, améliorer la sécurité juridique quant aux accords en matière de concurrence susceptibles de sanctions (abandon de la présomption légale, en règle générale renversée, de la suppression de concurrence) et, d'autre part, permettre une analyse plus nuancée des accords verticaux prenant mieux en considération les effets de ces accords sur la concurrence (effets anticompétitifs et pro-compétitifs). Les variantes s'inspirent toutes deux de la tendance de l'économie de ne pas interdire per se des types d'accords verticaux, mais de les 3644

juger au cas par cas. Elles autorisent les accords qui améliorent l'efficacité, voire encouragent la concurrence, et permettent simultanément de lutter contre les problèmes de cloisonnement du marché et de prix surfaits.

Les deux objectifs, sécurité juridique et examen au cas par cas, restent également valables pour la troisième consultation. La décision du Conseil fédéral du 17 août 2011 de faire interdire par la voie légale cinq types d'accords horizontaux et d'accords verticaux a pourtant rendu caduques les propositions concrètes d'amendement de l'art. 5 soumises lors de la première consultation. Cependant, il ne s'agit pas de procéder à un changement radical de position. D'abord, la figure légale d'interdiction partielle des ententes cartellaires est optimale du point de vue de la sécurité juridique, alors qu'il est explicitement fait mention que les considérations économiques doivent être prises en compte pour une analyse des accords au cas par cas, pour autant qu'elles améliorent l'efficacité économique. La différence fondamentale par rapport au droit en vigueur et aux deux variantes proposées dans le cadre de la première procédure de consultation réside dans le fait que l'illicéité d'un accord tient à son type et non plus à ses effets économiques directs, à savoir à une atteinte notable à la concurrence. En conséquence, des types d'accords directement illicites ont été désignés. Il s'agissait concrètement des cinq types d'accords qui sont déjà directement passibles de sanctions aujourd'hui. Le fait que l'illicéité d'un accord tienne dans le cas d'espèce à son type et non plus à ses effets économiques directs constituait une nette amélioration, du moins sous l'angle de la sécurité juridique. En effet, la présomption légale d'une atteinte à la concurrence a régulièrement été renversée, notamment suite au premier arrêt du Tribunal fédéral concernant le prix unique du livre10, et doit par conséquent être supprimée de la loi. Par ailleurs, la proposition rapproche le dispositif suisse de lutte contre les cartels des standards internationaux et notamment de l'UE, mais sans les reproduire, l'UE connaissant un régime législatif prohibitif général assorti de certaines possibilités d'exemption.

1.2.4

Propositions rejetées de la présente révision

Parmi les points de révision proposés dans le cadre des procédures de consultation, les éléments qui suivent n'ont pas été repris dans le présent projet.

­

10

L'introduction d'une base légale dans la LCart promouvant la coopération entre autorités de la concurrence suisses et étrangères, telle que prévue dans le premier projet mis en consultation, visait à renforcer la lutte contre les cartels internationaux. La consultation a mis en évidence la préférence des organisations interrogées pour la variante qui consiste à conclure des accords de coopération avec d'autres Etats et leurs réserves à l'égard de l'inscription dans la LCart de la volonté suisse de collaborer avec toutes les autorités étrangères de la concurrence. La Suisse mène d'ailleurs à l'heure actuelle des négociations avec l'UE en vue d'un accord de coopération en matière de concurrence. L'idée d'un tel accord n'est pas d'intégrer le droit matériel de l'UE en matière de concurrence, mais de s'accorder sur un principe de collaboration réciproque et de coordonner les démarches anti-cartellaires mises en oeuvre par les autorités suisses et européennes de la concurrence, au

ATF 129 II 18 E. 9.

3645

niveau des différentes procédures, sur la base de leurs régimes juridiques respectifs similaires en matière de concurrence.

­

Le projet qui a fait l'objet de la deuxième consultation mettait en discussion la possibilité d'une poursuite des personnes physiques ayant participé à des accords cartellaires à discussion. En raison des résultats négatifs obtenus dans le cadre de la procédure de consultation, le Conseil fédéral demande le classement du second volet de la motion Schweiger par le Parlement. Ce point est commenté en détail dans le «Rapport du Conseil fédéral concernant le classement de la motion Schweiger»11.

1.3

Changements proposés

1.3.1

Vue d'ensemble

Le Conseil fédéral souligne que la réforme de la LCart doit porter principalement sur le domaine institutionnel. Dans ce but, une meilleure séparation entre l'instance chargée de mener l'enquête et l'instance décisionnelle est nécessaire. Sur ce point, le Conseil fédéral peut s'appuyer sur le résultat très net de la première procédure de consultation du 30 juin 2010. La réforme se base donc sur la création d'une Autorité de la concurrence et la mise en place d'un Tribunal de la concurrence de première instance.

L'Autorité de la concurrence prend la forme d'un établissement autonome de droit public, dont les tâches principales sont, d'une part, les enquêtes dans les cas de restrictions à la concurrence, soit l'ouverture et l'exécution des procédures dans les cas définis aux art. 5 et 7 LCart, débouchant sur une proposition auprès du TAF et, d'autre part, l'examen des fusions d'entreprises conformément aux art. 9 et 10 LCart, pour lesquelles l'Autorité de la concurrence statue elle-même.

Le TAF est désigné en tant que Tribunal de la concurrence de première instance dans les cas d'accords cartellaires illicites et abus de position dominante selon les art. 5 et 7 LCart, sur requête de l'Autorité de la concurrence. En outre, l'organe de décision doit être professionnalisé et comprendre des juges au bénéfice d'une formation juridique et employés à plein temps ou à un taux d'activité élevé. Doivent s'y ajouter des juges qui disposent de connaissances dans le domaine de l'économie industrielle ou d'une expérience entrepreneuriale. Enfin, la procédure doit être accélérée, moyennant le raccourcissement des voies de droit.

Afin de renforcer la dynamique de concurrence sur le marché suisse, le Conseil fédéral propose des adaptations sur le plan du droit matériel qui prennent en considération l'évolution de la législation européenne. Il s'agit de créer un droit cartellaire suisse qui satisfasse aux besoins d'une économie avancée et bien imbriquée dans les échanges internationaux. Par conséquent, le Conseil fédéral entend entreprendre une révision dans les domaines qui suivent.

Il préconise une adaptation de l'art. 5 LCart selon la proposition faite lors de la troisième consultation, ainsi qu'un renforcement de la procédure de voie civile tel que prévu dans le cadre de la première procédure de consultation. La révision de l'art. 5 doit notamment permettre de mieux combattre le cloisonnement du marché 11

Voir FF 2012 1635.

3646

suisse, tandis que le renforcement du volet civil du droit des cartels doit se faire de manière nuancée, comme le proposait l'avant-projet, afin d'écarter le souci de voir se multiplier les actions judiciaires en raison d'un élargissement de la qualité pour agir.

En ce qui concerne les fusions internationales, le Conseil fédéral propose un allègement des procédures ainsi qu'une harmonisation des délais avec ceux de l'UE. Le contrôle des concentrations fait en effet actuellement l'objet de doublons, puisqu'une même fusion est examinée dans différents Etats. Les entités entendues ont unanimement demandé des simplifications en la matière. Le projet redéfinit en outre les critères d'appréciation afin de donner à l'Autorité de la concurrence la possibilité de traiter au mieux les cas de concentrations sur le marché.

Le Conseil fédéral propose également une réglementation sur le plan légal d'une réduction de sanction dans le cas de mise en oeuvre de programmes de conformité adéquats et efficaces (compliance), répondant en cela en partie aux exigences de la motion Schweiger.

Il propose enfin d'améliorer la procédure d'opposition afin de garantir une meilleure sécurité juridique aux entreprises. Cette amélioration passe par la réduction du délai durant lequel l'Autorité de la concurrence doit agir à deux mois, ainsi que par la possibilité de sanctions uniquement dès l'ouverture d'une enquête formelle, et non pas, comme à l'heure actuelle, dès l'ouverture d'une simple enquête préalable.

1.3.2

Renforcement de l'indépendance des institutions

Objectifs En sa qualité d'organe de décision, la COMCO est demeurée une grande commission de milice qui n'est pas clairement séparée de l'autorité chargée de l'enquête (son secrétariat). Le maintien du modèle actuel mêlant la Commission et son secrétariat n'est plus jugé opportun (voir l'examen de la politique suisse en matière de concurrence effectué par l'OCDE en 2006, l'avis de droit relatif à l'évaluation de la LCart par Carl Baudenbacher12, le rapport du Conseil fédéral du 25 mars 200913, et le rapport et les analyses comparatives du groupe d'évaluation de 200814). Les cas de plus en plus complexes constituent une charge croissante pour un pur système de milice. Cela ne signifie pas pour autant que le système actuel ne fonctionne pas; il a simplement ses limites. Des améliorations sont nécessaires et sont aussi possibles sans «académisation» du droit des cartels.

Les enquêtes doivent relever de la compétence d'une Autorité de la concurrence indépendante, forte et efficace. Si les faits établis sont susceptibles d'être interdits, les décisions doivent être prises par un tribunal indépendant du cercle politique et de l'organe d'enquête. Pour cette raison, le nouvel organe décisionnel doit comprendre des juges de formation ­ professionnalisation nécessaire compte tenu de l'importance des sanctions imposées ­, mais également des juges qui disposent de l'expé12 13 14

Baudenbacher Carl, 2009, Evaluation Kartellgesetz ­ Institutionelles Setting/Vertikale Abreden/Sanktionierung von Einzelpersonen/Zivilrechtliche Verfahren, Berne.

Ce rapport peut être consulté sur le site suivant: www.weko.admin.ch/dokumentation/00216/01035/index.html?lang=fr.

Voir le site suivant: www.weko.admin.ch/dokumentation/00216/01035/index.html?lang=fr.

3647

rience pratique en matière de gestion d'entreprise et bénéficient des connaissances nécessaires dans le domaine de l'analyse économique et industrielle. Devant ce tribunal doit avoir lieu une procédure ouverte et équitable entre le prévenu, à savoir l'entreprise ou les entreprises inculpée(s) pour infraction à la LCart, et l'Autorité de la concurrence en sa qualité de demanderesse.

Enfin, les structures institutionnelles doivent être aménagées de sorte que les procédures puissent être menées à terme le plus rapidement possible jusqu'à la décision de dernière instance. Les procédures qui demeurent pendantes durant une période excessive grèvent le fonctionnement du marché et de l'économie. L'ouverture des marchés augmente le risque que le contexte économique ne corresponde plus, lors de l'entrée en force des jugements, à la situation qui existait au moment de l'enquête.

A l'occasion de la consultation du 30 juin 2010, les intervenants ont vivement critiqué le rattachement plus fort de l'Autorité de la concurrence à l'administration fédérale centrale, en raison du risque que cette Autorité soit fortement soumise aux directives d'organes supérieurs. C'est la raison pour laquelle il a été décidé, au terme de la consultation, de donner à l'Autorité de la concurrence la forme d'un établissement. Ce choix juridique permet de conserver l'indépendance fonctionnelle de cette autorité à l'image de celle dont jouit aujourd'hui la COMCO. La forme juridique choisie apparaît en effet comme indiquée pour les organismes chargés d'assumer, en tant qu'organe supérieur, des tâches de surveillance dans le secteur de l'économie. Outre l'indépendance que la forme de l'établissement octroie à l'Autorité de la concurrence, elle permet de souligner le caractère de droit public de sa mission et résout la question de la surveillance critiquée dans le cadre de la consultation de manière élégante.

Ce choix correspond aux arguments développés par le Conseil fédéral dans son Rapport du 13 septembre 2006 sur l'externalisation et la gestion des tâches de la Confédération (Rapport sur le gouvernement d'entreprise; FF 2006 7799 ss) ainsi que dans les rapports subséquents fondés sur le premier15. Il ressort de ces rapports que l'établissement autonome de droit public est une entité autonome et décentralisée de l'Administration
fédérale sur le plan financier et organisationnel, qu'elle est chargée d'une tâche de droit public spécifique et pourvue de moyens personnels et financiers propres. Le fait d'intégrer cette nouvelle autorité dans le cercle de l'administration fédérale décentralisée apparaît particulièrement pertinent s'agissant de la teneur des tâches assumées et de celles ayant trait aux relations internationales entre autorités dont l'activité se situe à la croisée de l'administratif et du judiciaire16.

Ce choix se justifie également du fait que l'Autorité examine elle-même les concentrations et se prononce sur leur possible mise en oeuvre.

La réalisation de tous les objectifs fixés constitue un enjeu de taille. C'est pourquoi la révision proposée implique une réorganisation institutionnelle substantielle.

15

16

Voir le Rapport du Conseil fédéral du 25 mars 2009 complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise ­ Mise en oeuvre des résultats des délibérations du Conseil national (FF 2009 2299 ss), ainsi que le Rapport explicatif du 13 septembre 2006 de l'Administration fédérale des finances concernant le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise.

Voir à ce propos le Rapport explicatif du 13 septembre 2006 de l'Administration fédérale des finances concernant le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise, p. 15 ss.

3648

Solution Premièrement, l'actuel secrétariat de la COMCO doit être revalorisé et devenir une autorité en matière de concurrence autonome, indépendante du Conseil fédéral, des intérêts économiques et des organes décisionnels. En cas de restriction à la concurrence, la nouvelle Autorité de la concurrence doit mener les enquêtes et présenter une proposition au Tribunal de la concurrence (voir ci-après). En outre, l'Autorité de la concurrence doit pouvoir conseiller les entreprises, se porter publiquement garante d'une concurrence efficace et prendre position dans le cadre de consultations.

L'Autorité de la concurrence doit par ailleurs prendre les décisions administratives de première instance dans le cadre du contrôle des concentrations, car les fusions d'entreprises constituent un point particulièrement critique en termes de délais. Dans le cadre de procédures relatives aux fusions, en outre, seul est présent un élément susceptible d'influencer les conditions futures du marché, sans aucun élément de sanction. Il apparaît dès lors justifié de donner la compétence de décider à une première autorité administrative et de charger le Tribunal de la concurrence de n'agir que comme instance de recours.

Dans les cas de restriction illicite à la concurrence, l'étape de la décision est dorénavant bien mieux distinguée du stade de l'enquête. Le deuxième élément veut donc que l'Autorité de la concurrence enquête et soumette sa proposition, alors que le Tribunal de la concurrence décide et, le cas échéant, prononce une sanction. Comme à l'avenir ce sera déjà un tribunal conforme à la Constitution (Cst.)17 et à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)18 qui décidera en première instance, les entreprises qui souhaitent un jugement par un tribunal ne sont plus obligées d'engager la voie de recours, contrairement à ce qui se passe actuellement après une décision de la COMCO. Le Tribunal de la concurrence est rattaché au TAF. A cet effet, une nouvelle chambre sera probablement constituée. Dans la mesure où les cas relevant du droit des cartels sont passablement complexes et exigeants sur le plan technique, il est important qu'en tant que corps décisionnel en la matière, le Tribunal de la concurrence rassemble autant des compétences juridiques qu'économiques et possède en outre une certaine connaissance
du monde entrepreneurial. Il sera donc nécessaire d'élire au sein du TAF des juges qui satisfont à ces exigences spécifiques.

Le cas échéant, leur taux d'activité sera plutôt bas. Ces juges devront également être garants des principes stricts d'indépendance propre à une autorité judiciaire. Il est exclu qu'ils soient des représentants de groupes d'intérêts.

Troisièmement, les décisions du Tribunal de la concurrence sont directement susceptibles de recours devant le Tribunal fédéral. Cela accélère considérablement la procédure de recours jusqu'à ce que soit rendue la décision de dernière instance. La proposition de séparer enquêtes et propositions, d'une part, et décisions et fixation des sanctions, d'autre part, compense une éventuelle critique d'un amoindrissement de la protection juridique en raison de la suppression d'une instance de recours, puisque cette séparation renforce considérablement l'égalité entre les parties et l'Autorité de la concurrence. Le droit des cartels continuera à être mis en oeuvre sur la base de l'organisation judiciaire fédérale, notamment la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)19. La raison réside dans le fait qu'il s'avère souvent nécessaire d'établir des règles de comportement et des interdictions 17 18 19

RS 101 RS 0.101 RS 172.021

3649

qui soient précises, afin de rétablir un marché concurrentiel. Cet aspect de devoir régler un comportement futur est en particulier présent dans les décisions portant sur des accords verticaux et des abus de position dominante. Le fait qu'il s'agisse autant de rétablir une saine concurrence que de discipliner les acteurs du marché par la menace de sanctions confirme que le Tribunal doit nécessairement disposer de connaissances spécifiques dans le domaine de l'économie.

Résultant de ces trois premiers points, l'Autorité de la concurrence mène, quatrièmement, la phase décisionnelle portant sur les restrictions à la concurrence en rédigeant une «proposition» qu'elle remet au Tribunal de la concurrence20 et dans laquelle elle décrit les faits jugés anti-concurrentiels, développe son appréciation en droit et formule ses conclusions. Le Tribunal de la concurrence se prononce sur la suite à donner à cette proposition. Il requiert en principe un échange d'écritures et décide en fonction du cas concret de mener une audience d'instruction ou de procéder à l'administration des preuves. Il n'est pas lié par la proposition de l'Autorité de la concurrence, ni en fait ni en droit. Notamment, lorsqu'il estime que les faits qui y sont établis sont incomplets, il est habilité à renvoyer le dossier à l'Autorité de la concurrence pour complément. Le Tribunal tranche ensuite le cas, en principe dans une composition de cinq juges.

Lien avec le modèle institutionnel en place Plusieurs participants à la consultation ont suggéré de mettre en oeuvre une meilleure séparation entre l'autorité d'enquête et l'autorité décisionnelle au sein du cadre institutionnel et juridique existant. Le Conseil fédéral a examiné en détail la possibilité de mieux dissocier la COMCO de son secrétariat et est arrivé à la conclusion que cette solution restait à mi-chemin. En effet, aller au-delà de cette dissociation factice est impératif dans la mesure où la réforme institutionnelle poursuivie devait également permettre d'accélérer la procédure sans générer de frais supplémentaires importants.

Tenter une séparation entre phase d'enquête et phase décisionnelle dans le modèle existant, c'est-à-dire une dissociation physique (lieu et personnes) entre la COMCO et son secrétariat, impliquerait que la première dispose de son propre personnel et de
ses propres ressources. En effet, dans un tel cas, la COMCO ne pourrait plus faire appel à son secrétariat pour mener à bien ses tâches; elle ne pourrait plus, concrètement, s'appuyer sur les compétences des collaborateurs scientifiques du secrétariat dans le cadre de l'élaboration et de la motivation de ses décisions. Une séparation plus marquée entre COMCO et secrétariat générerait donc rapidement d'énormes besoins en ressources, sachant que les collaborateurs de la COMCO, qui seraient exclusivement rattachés à elle (greffiers), devraient eux-mêmes réexaminer chaque dossier, ce qui prolongerait par conséquent les procédures. Par ailleurs, la crédibilité et l'acceptation des décisions diminueraient avec une telle solution de séparation au sein d'une autorité en comparaison avec une pure séparation entre autorité d'enquête et tribunal.

Si, de par la séparation entre tâches d'enquête et tâches de décision, la COMCO était constituée en une instance judiciaire ou quasi-judiciaire, cela correspondrait approximativement à la proposition du Conseil fédéral qui veut la transformation de 20

La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (RS 173.32) ne connaît actuellement que la plainte (conçue en tant qu'instrument destiné à trancher les litiges entre collectivités territoriales) et le recours.

3650

la COMCO en Tribunal de la concurrence. Afin d'économiser des ressources et de bénéficier de gains d'efficacité, le Conseil fédéral rattache ce Tribunal de la concurrence au TAF en tant que chambre. Ainsi, la solution du Conseil fédéral ne s'arrête pas à mi-chemin. La séparation simplement plus marquée entre secrétariat et COMCO conduirait en revanche, dans le cas où cette séparation serait conséquente, c'est-à-dire comprendrait une séparation en termes de lieu et de personnel, à une entité certes indépendante, mais sans rattachement clair. Ainsi, la question resterait ouverte de savoir si la COMCO, après une telle séparation, serait qualifiée d'instance judiciaire au sens de la Cst. ou de la CEDH. Une éviction de toute représentation de groupes d'intérêts serait également nécessaire dans le cadre de cette solution.

En définitive, il ressort de cette solution intermédiaire inconséquente que, d'une part, elle nécessiterait plus de ressources et que, d'autre part, elle ne conduirait pas à un raccourcissement des procédures. La Cst. et la CEDH n'exigent pas une instance de recours qui siège avant le Tribunal fédéral si un tribunal conforme à la CEDH et à la Cst. officie déjà en première instance (voir également l'exemple du Tribunal pénal fédéral). Ainsi, en conférant au Tribunal de la concurrence (rattaché au TAF) le pouvoir de trancher en première instance et en renonçant à la procédure de recours devant le TAF, il est possible de raccourcir la durée de la procédure. Cette étape permet en outre d'atteindre un deuxième objectif, à savoir la professionnalisation de l'organe de décision recommandée notamment par l'OCDE. Les juges et greffiers officiant à l'heure actuelle au sein de l'autorité de recours du TAF sont dorénavant à disposition pour la procédure d'instruction et feront naturellement partie du Tribunal de la concurrence à créer. Afin de conserver le lien avec la pratique, qui demeure essentiel notamment en première instance, il sera nécessaire de faire appel à des juges provenant du monde de l'entreprise et de se rallier des compétences académiques dans le domaine économique. Dans sa nouvelle fonction, le TAF doit donc se renforcer par la présence de nouveaux juges présentant ce profil. En créant une unité organisationnelle de droit de la concurrence (chambre) au sein du TAF, le système
ainsi défini peut être mis en place aisément.

La solution proposée a pour avantage de régler les problèmes qui demeureraient si l'on se limitait à procéder à une claire séparation entre secrétariat et COMCO. Elle permet, premièrement, d'accélérer la procédure, comme escompté et, deuxièmement, de limiter les coûts, dans la mesure où elle génère, outre un gain de temps, une économie de moyens grâce à l'intégration de la nouvelle structure dans un tribunal existant et à la suppression d'une instance de recours. Troisièmement, cette solution professionnalise l'autorité de décision qui perd dès lors sa qualité d'organe de milice. Quatrièmement, la séparation entre autorité d'enquête et autorité de décision est rendue plus crédible aux yeux de l'extérieur; en effet, il ne suffit pas, pour supprimer le sentiment que les collaborateurs du secrétariat de la COMCO chargés de l'enquête influencent, le cas échéant, ceux de la COMCO qui rédigent la décision, de mettre en place des directives internes visant à éviter que les informations sensibles ne transpirent entre secrétariat et COMCO (chinese walls).

Concernant ce premier point, il faut préciser la volonté d'accélération des procédures: la phase de décision devant la COMCO (temps écoulé entre la proposition du secrétariat de la COMCO et la décision de cette dernière) prend aujourd'hui six mois au minimum. Si la COMCO devait officier comme un tribunal, les procédures devant son autorité devraient durer approximativement une année. Si les parties font recours contre sa décision, il devrait s'écouler environ 17 mois jusqu'à la décision 3651

du TAF21. A l'inverse, dans le modèle proposé par le Conseil fédéral, le temps de la procédure devant la COMCO et le TAF disparaît (23 mois environ). En contrepartie, approximativement douze mois devraient s'écouler entre le transfert de la requête de la COMCO au Tribunal de la concurrence et la décision de ce dernier, soit environ un an de moins que dans une procédure découlant du modèle prônant une plus forte séparation entre la COMCO et son secrétariat.

1.3.3

Révision de l'art. 5 LCart

Objectif Conformément à la décision de stimuler la concurrence en Suisse qu'il a prise lors de sa séance du 17 août 2011 dans le contexte du franc fort, le Conseil fédéral entend interdire plus efficacement, outre les accords horizontaux sur les prix, les quantités et la répartition géographique visés à l'art. 5, al. 3, LCart, les ententes verticales sur les prix et les cloisonnements territoriaux visées à l'al. 4. Dans la constellation actuelle, les cloisonnements territoriaux sont particulièrement déterminants. Ce faisant, on lutte également sur le long terme contre l'îlot de cherté que constitue notre pays et on oeuvre en faveur de sa compétitivité sur le plan international. Il s'agit, d'une part, de faire en sorte que les entreprises en Suisse puissent acheter et importer leurs matières premières aux mêmes conditions que leurs concurrents étrangers. D'autre part, les consommateurs doivent également pouvoir se procurer des marchandises importées à des prix le plus possible comparables à ceux pratiqués à l'étranger, ce qui non seulement agit sur la prospérité mais permet également de contenir l'augmentation du coût de la vie et, par extension, les éléments de renchérissement dans la progression des salaires. Il en résulte ­ même avec un taux de change nominal donné ­ un renforcement de la compétitivité-prix des entreprises exportatrices et des entreprises domestiques confrontées à une concurrence à l'importation forte. Le renforcement de la compétitivité est en outre également la raison de la lutte intensifiée contre les autres types d'accords en matière de concurrence, nouvellement déclarés interdits.

Solution Dorénavant, les cinq types d'accords aujourd'hui mentionnés aux al. 3 et 4 de l'art. 5 LCart seront illicites sous réserve qu'un examen consécutif au cas par cas ne conclut pas qu'ils sont justifiés par des motifs d'efficacité économique.

La révision proposée, celle d'une interdiction partielle des cartels avec possibilité de justification, peut être mise en oeuvre en exigeant peu de travail législatif. Il n'y a pas de changement concernant la distinction qui est faite actuellement entre les accords classiques énoncés à l'al. 1, qui peuvent être interdits, et les cinq types d'accords rigides visés aux al. 3 et 4 (accords horizontaux sur les prix, les quantités et la répartition géographique
et accords verticaux sur les prix et les cloisonnements territoriaux), qui entraînent une sanction. L'énumération des différents types d'accords illicites en matière de concurrence, sujets à sanction sous réserve de possibilité de justification, est exhaustive.

21

Voir le rapport d'évaluation «Verfahrensdauer kartellrechtlicher Verfahren», rapport de projet P6, 2008.

3652

La révision entraîne une simplification et une accélération des procédures en droit cartellaire. L'accélération découle paradoxalement du fait que le processus introduit par le législateur en 1995, et dont le but était de raccourcir la durée de la procédure en cas d'accords particulièrement préjudiciables à la concurrence, ne doit plus être appliqué. La présomption légale prévue jusqu'à présent pour ces types d'accords était quasi systématiquement renversée (en particulier après le premier arrêt prononcé par le Tribunal fédéral dans l'affaire des prix du livre22) et ne remplissait dès lors pas le but du législateur de simplifier une intervention. En raison des critères peu exigeants relatifs à l'intensité de la concurrence résiduelle, tels qu'établit dans l'arrêt sur le prix unique du livre, il s'est régulièrement avéré nécessaire de prouver au cas par cas l'atteinte notable à la concurrence. La présomption a en outre généré, dès 2003, un certain nombre de confusions concernant le caractère punissable de l'accord, inconvénient éliminé grâce à l'introduction d'une interdiction formelle. La simplification consiste dans le fait que l'on conclue que ces cinq types d'accords ont des effets particulièrement dommageables sur la concurrence, étant donné qu'ils étaient déjà jugés de manière généralement abstraite. L'atteinte notable à la concurrence ne doit plus être prouvée au cas par cas. Il est à noter que la loi n'est pas basée sur la forme d'un accord, mais sur ses effets économiques. L'entente doit consister en un accord horizontal sur les prix, les quantités ou la répartition géographique ou en un accord vertical imposant des prix minimaux ou fixes ou un cloisonnement territorial strict. Le droit européen ne prévoit pas non plus que ces restrictions doivent être examinées au cas par cas sous l'angle de l'atteinte notable; il se limite à examiner l'aspect de l'efficience (restrictions caractérisées / «liste noire» des clauses interdites). L'atteinte notable à la concurrence peut, le cas échéant, servir de critère d'intervention et être prise en compte dans le cadre de la fixation de la sanction. Au demeurant, les lois en matière de cartels prévoient d'une manière ou d'une autre dans presque tous les pays une interdiction de types définis d'accords.

Interdire de manière générale certains types d'accords
pose toutefois problème du point de vue économique car cela peut nuire à une coopération économique efficace entre les entreprises. Cela vaut notamment pour les deux types d'accords verticaux directement punissables aujourd'hui en vertu de l'art. 5, al. 4, LCart. Du reste, ce n'est pas le Conseil fédéral mais le législateur qui a assimilé, en 2003, ces deux formes d'accords aux cartels horizontaux rigides que sont les accords portant sur les prix, la répartition géographique et les quantités, accords dont le caractère nuisible est généralement reconnu. Le Conseil fédéral a souhaité corriger cela en 2010 dans le cadre de la première procédure de consultation portant sur une révision de la LCart, en laissant encore inchangé l'art. 5, al. 3, LCart (accords portant sur les prix, la répartition géographique et les quantités), mais en prévoyant, en référence à l'art. 5, al. 4, LCart, un examen au cas par cas qui incluait encore, à l'époque, un examen de l'importance des effets. En mettant désormais l'accent sur le type, en vue d'une application simplifiée du droit cartellaire, cette adaptation ne s'appliquera pas uniquement aux accords visés par l'actuel al. 4, mais s'appliquera également et surtout aux accords visés à l'art. 5, al. 3, LCart.

Il convient toutefois de continuer de prendre en compte les considérations économiques qui parlent en faveur d'un traitement au cas par cas. Conformément à la décision du Conseil fédéral du 17 août 2011, les accords visés à l'art. 5, al. 3 et 4, LCart doivent être considérés au cas par cas comme licites à partir du moment où, dans le 22

ATF 129 II 18 E. 9

3653

cas spécifique, des motifs prépondérants d'efficacité économique plaident pour leur tolérance. Ce que l'on retient en principe au titre de l'analyse des gains en efficacité ressort de l'al. 3 inchangé (l'actuel al. 2) et sera précisé au niveau d'une ordonnance qui prendra en considération la Communication sur les accords verticaux (CommVert)23 de la COMCO.

En fin de compte, si la nouvelle solution simplifie et accélère les procédures et apporte une plus grande sécurité juridique aux entreprises et aux autorités, elle rapproche également le dispositif suisse de lutte contre les cartels des standards internationaux (et plus particulièrement de la législation de l'UE, sans toutefois la reproduire).

1.3.4

Renforcement du volet civil du droit des cartels

Objectifs Actuellement, la procédure devant les autorités occupe une fonction centrale dans la mise en oeuvre pratique de la LCart. En revanche, l'invocation du droit des cartels par des particuliers devant des tribunaux civils ne revêt qu'une importance mineure, voire sporadique. Les raisons en sont multiples: selon l'interprétation dominante, le droit en vigueur refuse la qualité pour agir au client final (en particulier au consommateur). Comme dans d'autres domaines du droit civil, le délai de prescription des actions relevant du droit des cartels est à considérer comme trop court dans le droit existant24. En outre, la procédure administrative concurrence au moins partiellement la voie de droit civil: la voie de la COMCO évite les frais et les risques d'une procédure civile et apporte, si l'affaire est décidée dans l'intérêt des consommateurs, une amélioration de leur situation future, même si les victimes d'une restriction illicite à la concurrence ne peuvent pas obtenir, dans le cadre de la procédure administrative, la réparation du dommage subi.

Des modifications conformes au système permettraient d'augmenter sensiblement les attraits d'une action civile. Il ne s'agit pas de renforcer le volet civil du droit des cartels au détriment du volet administratif de ce même droit. Il convient plutôt d'améliorer l'application globale du droit des cartels. Les expériences réalisées dans les Etats étrangers européens montrent d'ailleurs qu'il est possible d'augmenter l'attractivité de la voie civile sans entraîner de procédures excessives. La réforme a pour but de permettre aux personnes concernées par des restrictions à la concurrence de mieux agir par leurs propres moyens afin d'être indemnisées (p. ex. par le biais d'actions consécutives à la procédure administrative) ou de pouvoir prendre des initiatives dans un sens plus large (p. ex. action en cessation de l'entrave) et ainsi de ne plus dépendre de l'ordre de priorité de l'Autorité de la concurrence.

Solution Premièrement, le Conseil fédéral propose d'étendre la possibilité d'intenter une action civile, actuellement réservée aux autres participants au marché, à toutes les personnes touchées par des cartels. Cela permettrait notamment aux clients finals, 23 24

Voir Communication concernant l'appréciation des accords verticaux, décision de la Commission de la concurrence du 28 juin 2010.

Voir le rapport de l'Office fédéral de la justice relatif à l'avant-projet de révision du code des obligations (droit de la prescription), août 2011.

3654

ainsi qu'aux adjudicateurs publics, de faire valoir leurs droits sur le plan civil. Si une entreprise, se basant sur une décision d'un tribunal civil, fournit des prestations aux personnes lésées, ceci est à considérer en conséquence dans la détermination de la sanction administrative, qui devrait respectivement pouvoir être partiellement remboursée si elle a déjà été payée.

Deuxièmement, le délai de prescription du droit civil en matière de cartels sera à l'avenir suspendu (ou ne courra même pas) entre la date d'ouverture d'une enquête et la date à laquelle la décision devient exécutoire. Une telle suspension évite qu'une action civile ne puisse pas être intentée de manière efficace au cas où une procédure administrative durerait longtemps (cela concerne avant tout les actions en réparation du dommage ou en remise du gain réalisé indûment qui se fondent sur les conclusions de la procédure administrative).

1.3.5

Contrôle des concentrations d'entreprises

Objectifs Le contrôle actuel des concentrations d'entreprises en Suisse n'appréhende pas leurs effets négatifs et positifs de manière satisfaisante et ne réalise qu'insuffisamment les buts de la LCart. En effet, sur des marchés concentrés, les fusions peuvent prendre de telles proportions que non seulement elles affectent les partenaires commerciaux (à savoir les consommateurs, les petites entreprises en amont, les sous-traitants dénués de pouvoir sur le marché et d'alternative de vente), mais diminuent également la prospérité globale. C'est pourquoi le Conseil fédéral veut que le test de dominance actuellement appliqué par la COMCO soit abandonné au profit du test SIEC. Ce dernier ne se concentre plus uniquement sur les cas de dominance de marché, mais concerne toutes les concentrations qui affectent la concurrence de manière notable.

Il convient de revoir l'approche actuelle selon laquelle même des concentrations problématiques qui créent une position dominante sur le marché sont souvent tolérées, tant qu'elles n'affectent pas la concurrence. Certes, au travers de l'examen des abus de position dominante visés à l'art. 7 LCart, il existe un instrument qui permet d'atténuer, voire de corriger, de manière ex post certains effets anti-compétitifs dus aux concentrations. Cependant, cet examen ne remplace pas un contrôle structurel qu'est le contrôle des concentrations. En effet, il est essentiel de considérer plus strictement qu'aujourd'hui les effets unilatéraux et coordonnés25 qui découlent d'une concentration, tout en attribuant le poids nécessaire aux gains d'efficacité. Non seulement l'instauration ou le renforcement d'une position dominante, mais également la diminution de la concurrence efficace doit devenir un critère d'appréciation pour le contrôle des fusions.

Sur le plan international, dans le cadre du contrôle des concentrations, les autorités de concurrence tendent à passer d'un test de dominance à un test mesurant la diminution significative de la concurrence (Significant Lessening of Competition, SLC) ou un test mesurant les entraves significatives à la concurrence efficace (Significant Impediment to Effective Competition, SIEC)26. Le premier est notamment mis en 25 26

Voir à ce sujet le commentaire de l'art. 10 P-LCart au ch. 2.1.3.2.

Les tests SIEC et SLC sont comparables du point de vue économique.

3655

oeuvre aux Etats-Unis, alors que le second a été adopté par l'UE. Afin d'harmoniser les pratiques suisses et européennes, il est justifié d'introduire le test SIEC également en Suisse. Le Conseil fédéral reconnaît ainsi l'évolution internationale vers des tests autres que le test de dominance.

Simultanément, il convient de considérer que l'actuel contrôle des concentrations risque de mobiliser inutilement des ressources en cas de fusion prenant effet sur le plan international. De nos jours, les fusions d'entreprises actives sur des marchés internationaux sont souvent annoncées et examinées parallèlement dans plusieurs Etats. Cela génère un surplus de travail et de frais pour les entreprises et l'Autorité de la concurrence, souvent sans que la procédure menée en Suisse n'apporte de valeur ajoutée. La simplification proposée en cas de fusions internationales assure une économie de ressources tant pour les entreprises que pour l'Autorité de la concurrence.

Une adaptation des délais à ceux de l'UE est prévue pour faciliter les procédures internationales quand un examen du projet est également nécessaire en Suisse à cause d'une délimitation nationale de certains marchés.

Le but de la révision est donc, premièrement, de mieux cerner à l'avenir les effets anti-compétitifs découlant des concentrations d'entreprises et, deuxièmement, d'alléger les charges administratives en cas de fusions entraînant une délimitation internationale du marché.

Solution Premièrement, le Conseil fédéral entend lutter contre les doublons en cas de fusions internationales. Le traitement des concentrations effectuées au moins à l'échelle de la Suisse et de l'EEE ou de plus grands marchés doit à l'avenir être fortement simplifié en Suisse, car de telles concentrations sont de toute manière déjà évaluées par les instances européennes. Cette solution permet à l'Autorité et aux entreprises d'économiser des ressources financières et des ressources en matière de personnel qui peuvent être utilisées à meilleur escient.

Deuxièmement, le Conseil fédéral propose une modification des critères d'appréciation qui contribuera à un traitement mieux adapté, à l'avenir, des fusions préjudiciables à l'économie nationale. En outre, les critères d'appréciation appliqués au sein de l'UE et dans la plupart des nations industrielles modernes doivent
être repris (test SIEC). Les entreprises peuvent invoquer, en contrepartie, des motifs d'efficacité plaidant en faveur de la concentration. Ainsi, cette nouvelle appréciation présente l'avantage de prendre pleinement en compte les effets négatifs et positifs des fusions sur l'économie et sur les consommateurs. En outre, elle harmonise le contrôle des concentrations avec le système de l'UE.

Troisièmement, les délais et les procédures sont harmonisés avec ceux de l'UE, et ce en faveur des entreprises. L'UE a modifié ses délais procéduraux en 2004. Les entreprises actives sur le plan international doivent dès lors gérer des délais différents et des coûts de coordination et de concentration plus élevés. La proposition du Conseil fédéral supprime de telles divergences. Après la révision de la loi suivrait également une modification dans le même sens de l'ordonnance sur le contrôle des concentrations d'entreprises.

Quatrièmement, le Tribunal de la concurrence se voit désormais impartir un délai de trois mois pour statuer sur les éventuels recours en matière de contrôle des concentrations. Cela permettra d'abord de prendre en considération le fait que les concen3656

trations d'entreprises doivent souvent être exécutées dans des délais très courts et laissera une meilleure possibilité de réexamen d'un projet de concentration interdit par l'Autorité en cas de recours. Cela permettra ensuite de soumettre plus souvent les conditions et les charges à un examen, ce qui favorisera l'émergence d'une pratique juridique par les tribunaux dans ce domaine.

1.3.6

Réduction de la sanction grâce à des mesures de conformité (compliance)

L'instauration et la mise en oeuvre de programmes de conformité adaptés et efficaces doivent être saluées. Dans de nombreux cas, de tels programmes permettent d'éviter des comportements inadéquats de la part des dirigeants et des employés et, dès lors, des infractions à la LCart. Il s'ensuit que les efforts en matière de conformité apportent une contribution précieuse à la poursuite de l'objectif de la LCart que constitue la lutte contre les effets nuisibles des restrictions à la concurrence sur les plans économique et social.

Le Conseil fédéral souligne cependant que la réduction de la sanction consécutive aux efforts en matière de conformité, telle que réclamée par la motion Schweiger, constitue une «récompense» pour des efforts s'étant révélés dans le cas concret infructueux; elle est à ce jour une figure inconnue de l'ordre juridique suisse, du moins sous cette forme. Si l'on effectue des comparaisons au niveau international, les efforts de conformité en tant que motif d'atténuation de la sanction dans le domaine du droit des cartels constituent en outre une exception: depuis qu'ils ont modifié leur pratique, les tribunaux de l'UE, notamment, refusent depuis de nombreuses années de considérer les programmes de conformité comme des motifs d'atténuation des sanctions en avançant qu'en cas d'infraction au droit des cartels, ces programmes n'ont pas réussi à empêcher une telle infraction. Dans ce contexte, une réduction de la sanction motivée par des efforts en matière de conformité représente une concession significative en faveur des entreprises.

Pour le Conseil fédéral, cette innovation ne doit rien changer au concept de sanction de la révision de la LCart de 2003: la preuve d'une faute commise dans le cadre de l'organisation de l'entreprise ne sera toujours pas une condition pour que l'entreprise puisse être sanctionnée pour une infraction à la LCart conformément à l'art. 49a. Le fait qu'une entreprise ait mis en place un programme de conformité satisfaisant à des exigences élevées doit toutefois influer sur l'appréciation de la sanction conformément à la motion.

Solution La révision proposée ancre expressément dans une disposition de la LCart la demande de la motion de tenir compte des programmes de conformité pour atténuer les sanctions.

Une réduction de la sanction n'entre en ligne de
compte que pour les programmes de conformité qui contribuent efficacement à la mise en oeuvre du droit des cartels. Il incombe à l'Autorité de la concurrence, et aux tribunaux, de décider au cas par cas si les conditions d'une réduction de la sanction sont réalisées. Cette décision se fondera sur les informations qui démontreront que, dans des cas similaires, les mécanismes mis en place ont fonctionné.

3657

Les autorités, et les tribunaux, devront évaluer au cas par cas l'ampleur de la réduction de la sanction. En effet, une réduction appropriée implique une incitation supplémentaire à lutter contre les infractions à la concurrence, alors qu'une réduction trop importante (voire, dans les cas extrêmes, une quasi-exemption de toute sanction) incite à ne mettre en place des programmes qui visent essentiellement à produire des preuves à la seule fin d'échapper aux sanctions. Malgré la réduction de la sanction, l'entreprise doit en tout état se voir privée du gain qu'elle a réalisé illicitement par le biais de l'infraction au droit de la concurrence («rente cartellaire») dans la mesure où il est possible de le déterminer. Le programme de conformité permet de réduire, voire d'éviter, une sanction financière allant au-delà de ce gain. De par leur nature, les sanctions administratives doivent contribuer au rétablissement d'une situation de marché correcte, donc non faussée par des entreprises qui peuvent réinvestir des gains réalisés par des ententes illicites.

En outre, la perspective d'une réduction de la sanction grâce à la mise en oeuvre d'un programme de conformité ne doit pas aller jusqu'à priver, dans un calcul coûtsbénéfices, de son caractère attrayant l'instrument très efficace introduit par la révision de la LCart en 2003 qu'est le programme de clémence (art. 49a, al. 2, LCart; art. 49a, al. 3, du projet de révision de la LCart [P-LCart]), de sorte qu'il ne soit plus utilisé.

Selon les expériences faites, il pourra s'avérer nécessaire que le Conseil fédéral édicte ultérieurement des réglementations plus détaillées sous forme d'ordonnance.

1.3.7

Amélioration de la procédure d'opposition

Objectifs La procédure d'opposition de la LCart (art. 49a, al. 3, let. a, LCart) prévoit qu'une entreprise peut annoncer préalablement à l'Autorité de la concurrence les comportements qu'elle envisage d'adopter à l'avenir et qui sont susceptibles d'être qualifiés de restrictions illicites à la concurrence. Selon la loi actuelle, aucune sanction administrative n'est prononcée du fait du comportement concerné si l'Autorité de la concurrence n'ouvre pas de procédure dans un délai de cinq mois à l'encontre de cette entreprise. La procédure permet aux entreprises d'obtenir en temps utile une appréciation de la part de l'autorité sur le caractère éventuellement punissable d'un comportement.

La procédure actuelle a toutefois fait l'objet de critiques: les acteurs du marché interrogés ont notamment jugé insatisfaisant le délai d'opposition de cinq mois prévu par la loi, perçu comme trop long pour des marchés dynamiques. Les entreprises sont par ailleurs confrontées au dilemme suivant: si elles ont la possibilité d'adopter le comportement annoncé à l'Autorité sitôt après l'annonce, elles ne veulent toutefois pas risquer de sanction. Elles doivent donc revoir leur comportement sitôt après la simple ouverture de l'enquête préalable à laquelle l'Autorité peut procéder sans autres conditions. Ceci comporte le risque que l'entreprise renonce à un comportement raisonnable sur le plan économique, et licite. Ce risque est d'autant plus réel que l'Autorité de la concurrence, qui n'est tenue de motiver l'ouverture d'une enquête préalable, aurait tendance, en cas de doute sur l'absence effective de problèmes relevant du droit des cartels, à ouvrir une telle enquête.

3658

Solution Le Conseil fédéral propose tout d'abord de réduire de cinq à deux mois à compter de l'annonce le délai dans lequel l'Autorité doit agir pour qu'une entreprise reste sujette à sanction du fait du comportement annoncé. Si l'Autorité n'ouvre ni enquête, ni enquête préalable dans ce délai, le comportement annoncé perd définitivement tout caractère punissable.

Ensuite, seule l'ouverture d'une enquête formelle au sens de l'art. 27 permet que le risque de sanction demeure; ce risque ne subsiste plus lorsqu'une simple enquête préalable au sens de l'art. 26 est ouverte, comme c'est le cas actuellement. Les exigences relatives à l'ouverture d'une enquête sont supérieures aux exigences relatives à l'ouverture d'une enquête préalable; en effet, l'ouverture d'une enquête exige la présence d'indices de l'existence d'une restriction illicite à la concurrence.

Seul le Tribunal de la concurrence peut clore une enquête (ce qui n'est pas le cas pour la simple enquête préalable). L'Autorité de la concurrence est donc incitée à ne pas ouvrir de manière irréfléchie des enquêtes, d'autant plus qu'elle devra assumer elle-même ses coûts de procédure en cas de classement ou de déboutement et verser des dépens aux entreprises concernées.

Le raccourcissement du délai conduit immanquablement à un renforcement de la sécurité juridique pour les entreprises. De par leur démarche, les entreprises obtiennent l'assurance dans les deux mois qu'elles ne courent aucun risque de sanction.

Comme le risque de sanction n'existe, désormais, que par la notification de l'ouverture d'une enquête formelle, la période durant laquelle la démarche peut être mise en oeuvre impunément est allongée par rapport à la situation actuelle. La seconde modification doit en particulier empêcher que les entreprises, en raison de sanctions potentiellement menaçantes, renoncent à un comportement en soi raisonnable et licite. Ainsi, la révision permet de diminuer l'effet inhibiteur d'investissements induit par la menace de sanction. Aussi bien pendant les deux mois de la procédure d'opposition que durant et après l'enquête préalable (jusqu'à l'ouverture d'une enquête formelle), l'entreprise peut mettre en place le comportement annoncé sans risque de sanction.

Si après la mise en oeuvre du comportement annoncé (le cas échéant sous une forme modifiée),
l'Autorité de la concurrence parvient à la conclusion, sur la base des effets sur le marché, qu'il existe effectivement des indices de restriction illicite à la concurrence, elle informera l'entreprise qu'elle est sur le point d'ouvrir une enquête.

Jusqu'à l'ouverture de l'enquête, l'entreprise a alors encore la possibilité d'éviter une sanction en renonçant au comportement restreignant la concurrence ou en le modifiant dans un délai convenu.

1.4

Justification et appréciation de la solution proposée

1.4.1

Procédures de consultation

En août et en septembre 2009, le groupe de projet constitué en avril 2009 par le DFE pour préparer une proposition de réforme de la LCart a procédé à l'audition de groupes d'intérêts et des autorités directement concernées. Ont été entendus les groupes d'intérêts qui siègent actuellement à la COMCO (economiesuisse, Union suisse des paysans, Union suisse des arts et métiers, Union syndicale suisse, organisations de consommateurs [Fondation pour la protection des consommateurs, Kon3659

sumentenforum et Fédération romande des consommateurs]), des organisations qui prennent part de manière particulièrement active à la discussion politique en matière de LCart (notamment la Fédération suisse des avocats, la Communauté d'intérêt du commerce de détail suisse, Promarca et Swissholdings), ainsi que les autorités directement concernées (le président de la COMCO et le Surveillant des prix).

Trois procédures de consultation ont ensuite été organisées par le DFE, sur mandat du Conseil fédéral (cf. ch. 1.2.1 à 1.2.3). La participation à ces trois consultations est résumée dans le tableau.

Tableau Nombre de participants aux procédures de consultation Cantons

Partis politiques

Associations économiques et autres organisations

1re procédure

23

6

70

2e procédure

25

5

42

3e

14

4

41

procédure

1.4.2

Appréciation générale de la première consultation

La nette majorité des participants à la procédure de consultation accueille favorablement la séparation plus claire entre l'autorité chargée de l'enquête et l'autorité de jugement.

Divers participants critiquent la création d'un Tribunal de la concurrence, craignant surtout un rallongement des procédures. Bon nombre d'entre eux indiquent toutefois qu'ils seraient disposés à soutenir un Tribunal de la concurrence intégré ou rattaché au TAF. Un petit nombre de participants estiment qu'il n'est pas nécessaire d'intervenir dans le domaine institutionnel, confiants dans le fait que la légalité des procédures (en conformité avec l'art. 6, al. 1, CEDH) est garantie par le TAF.

Concernant les procédures, certains participants pensent que l'Autorité de la concurrence pourrait éventuellement mieux travailler dans le cadre d'une procédure administrative que d'une procédure judiciaire. Des avis émanant surtout des milieux des avocats voient au contraire dans les procédures menées dans le cadre de la structure institutionnelle actuelle un nombre considérable de déficits sous l'angle de la légalité. Beaucoup de voix demandent un renforcement de l'indépendance de l'Autorité de la concurrence par rapport à l'administration.

L'amélioration de la procédure d'opposition est largement saluée, le raccourcissement des délais étant particulièrement bien accueilli. Certains milieux consultés arguent que le risque d'investissement pour l'entreprise n'est cependant toujours pas assez atténué. Pourtant, personne ne conteste le fait que le projet de réforme apporte des améliorations.

Quelques participants saluent l'abandon proposé du principe du lien automatique entre accord vertical et caractère notable de la restriction à la concurrence. D'autres sont clairement opposés à une atténuation des dispositions, introduites par le Parlement en 2003, prévoyant la sanction directe de certaines formes d'accords verticaux.

3660

D'autres encore estiment que ce point de la révision n'est pas impératif ou qu'il est prématuré. Ils précisent que la COMCO n'a adapté sa CommVert à la situation de l'UE que le 1er juillet 2010, confirmant ainsi sa pratique alors encore maigre en la matière. Aucune préférence tranchée ne se dégage en faveur de l'une ou de l'autre des deux variantes présentées dans le projet mis en consultation; de nombreux participants ont suggéré des combinaisons d'éléments puisés dans les deux options.

La simplification des fusions internationales a été de manière générale bien accueillie, de même que l'adaptation des délais. Concernant les critères d'appréciation, le soutien aux deux variantes est partagé, mais l'abandon du double critère (variante 2) a essuyé des critiques relativement moins virulentes. La modernisation des critères d'appréciation (variante 1) a été jugée utile et pertinente par environ la moitié des participants à la consultation.

Concernant l'amélioration des possibilités de collaboration internationale, les milieux consultés penchent en faveur de l'option de la réciprocité sur la base d'accords de coopération internationaux en matière de concurrence, au détriment d'une disposition unilatérale inscrite dans la LCart.

Le renforcement du volet civil du droit des cartels est notamment salué par les milieux des consommateurs, qui trouvent des avantages dans la réforme; mais il est considéré comme peu utile dans la forme proposée. Or la limitation du risque financier pour le consommateur qui se pourvoit en justice est vivement rejetée par les organisations du secteur de la production et de la distribution, qui craignent de possibles plaintes collectives ou le gonflement des frais administratifs résultant de plaintes individuelles déposées par un grand nombre de consommateurs.

1.4.3

Appréciation générale de la deuxième consultation

La première exigence de la motion Schweiger, à savoir la proposition d'introduire au niveau légal une réduction de sanctions pour les programmes de conformité, récolte une majorité faible auprès des participants. La plupart des cantons s'y opposent.

Certains participants, notamment dans les milieux économiques, considèrent comme étant justifiées les préoccupations de la motion quant à l'ancrage légal des programmes de conformité, mais la plupart rejette le projet de révision. Certains participants estiment qu'il manque une mise en oeuvre cohérente du principe de la faute.

Plusieurs participants critiquent le fait que les entreprises doivent démontrer l'efficacité des programmes de conformité mis en oeuvre (renversement du fardeau de la preuve). De nombreux participants relèvent que les bases juridiques pour une réduction de sanctions sont déjà existantes (art. 3 et 6 de l'ordonnance du 12 mars sur les sanctions LCart [OS LCart]27) et que l'ancrage légal est donc superflu. Certains participants font observer que la durée des procédures va s'allonger. Une grande partie des participants réclame une exception pour les petites et moyennes entreprises (PME), ou du moins une adaptation de la réglementation. Quelques participants demandent que l'OS LCart soit modifiée (considération obligatoire des efforts de conformité) dans le cas où la révision de la LCart serait repoussée ou abandonnée.

27

RS 251.5

3661

Concernant la seconde exigence de la motion, la majorité des participants s'oppose à l'introduction de sanctions à l'encontre des personnes physiques. Pour plusieurs d'entre eux, la criminalisation des collaborateurs contredit notre tradition juridique.

Le droit cartellaire doit rétablir la concurrence en cas d'abus et la correction du comportement de l'entreprise, ainsi que la sanction de celle-ci doivent rester au centre. Certains participants craignent que la direction de l'entreprise ne rejette la responsabilité sur ses employés. D'autres participants jugent que de telles sanctions à l'encontre des personnes physiques sont déjà possibles aujourd'hui dans le cadre de la LCart (au moins en cas de récidive, dans le cadre du droit pénal administratif).

Plusieurs participants relèvent que la preuve de la préméditation sera difficile à apporter et conduira à des procédures longues et complexes aux issues incertaines.

Beaucoup de participants considèrent comme difficile la coordination des procédures à l'encontre de l'entreprise et des personnes physiques. Un tel système, indiquent-ils, ne fonctionnerait que si le jugement des personnes physiques n'a lieu qu'après la condamnation définitive de l'entreprise, si bien que les personnes physiques devraient attendre le verdict pendant des années. Parmi les participants opposés à toute sanction à l'encontre des personnes physiques, près de la moitié se déclarerait favorables aux sanctions administratives (variante A), mais ne soutiendrait en aucun cas l'introduction de sanctions pénales (variante B). A l'inverse, parmi les participants qui soutiennent de telles sanctions, un plus grand nombre serait en faveur de la variante B. Ces cercles estiment cependant que les modalités concrètes de cette variante devraient être retravaillées de manière approfondie.

1.4.4

Appréciation générale de la troisième consultation

L'adaptation de l'art. 5 LCart dans le sens d'une interdiction partielle des cartels avec possibilités de motifs justificatifs a été rejetée par la majorité des participants, notamment au sein des milieux économiques. La grande partie des participants salue la volonté d'intervenir pour une meilleure répercussion des gains de change, mais ne considère pas que la modification de l'art. 5 LCart soit la solution adéquate. Par ailleurs, une très grande majorité des participants critique le lien fait entre franc fort et accords cartellaires. Quelques-uns précisent que les instruments actuels suffisent et qu'il est encore trop tôt, en raison du manque de pratique, pour une telle adaptation. A l'inverse, les cantons et les associations de protection des consommateurs soutiennent de manière générale une interdiction partielle des cartels avec possibilité de justification. La majorité des partis politiques soutiennent également l'adaptation de l'art. 5.

Une grande partie des participants n'approuve pas la manière rapide avec laquelle la consultation a été menée, d'autant plus qu'il s'agit d'une révision importante de la conception juridique. Par ailleurs, plusieurs participants regrettent que les conséquences économiques de la modification n'aient pas été traitées dans le rapport explicatif.

De nombreux participants estiment que la proposition est contraire à l'art. 96 Cst., du fait que ce n'est plus l'effet notable de l'accord sur la concurrence qui est pris en compte, mais uniquement sa forme. La question du renversement du fardeau de la preuve est un point très controversé du projet.

3662

Quelques participants marquent une préférence pour que les motifs justificatifs soient précisés au niveau d'une ordonnance et non pas d'une communication de la COMCO.

Plusieurs participants soulèvent le revirement du Conseil fédéral par rapport à la première proposition d'évaluation des accords verticaux qu'il a mise en consultation le 30 juin 2010.

1.5

Corrélation entre les tâches et les ressources financières

Selon l'OCDE, la dotation en personnel de la COMCO et de son secrétariat est plutôt faible en comparaison internationale. Les ressources actuelles sont donc insuffisantes pour pouvoir réaliser une plus nette séparation entre phase d'enquête et phase de décision. Le transfert de tâches décisionnelles importantes d'une commission décisionnelle à un tribunal permet néanmoins de raccourcir la voie de droit. Il est donc possible, au final, de procéder à une réforme institutionnelle profonde visant à accroître la légalité du système sans pour autant y consacrer des moyens financiers considérables.

1.6

Comparaison avec le droit étranger, notamment avec le droit européen

En passant d'un système légal totalement fondé sur les abus à un système qui relativise partiellement cette conception d'abus au travers d'interdiction partielle des accords cartellaires, le droit suisse des cartels se rapproche des standards internationaux, qui reposent quant à eux sur une législation basée sur l'interdiction. Au travers de l'amendement de l'art. 5 LCart lié à la concrétisation, par voie d'ordonnance, des justifications possibles en matière d'accords horizontaux et verticaux, les entreprises obtiennent une meilleure compréhension concernant les comportements susceptibles de porter atteinte à la concurrence. De plus, l'autorité qui édictera l'ordonnance prendra également en compte, pour la fixation de motifs d'efficacité économique, le règlement en vigueur dans l'UE. Un rattachement à la situation juridique européenne et la prise en considération de la jurisprudence qui en découle conduiront à l'instauration relativement rapide d'une sécurité juridique suffisante pour les entreprises, malgré le nombre peu élevé de cas en Suisse.

Le traitement des concentrations d'entreprises s'étendant à la Suisse et aux marchés de l'EEE devrait s'en trouver largement simplifié en Suisse dans la mesure où ces concentrations auront déjà occupé les autorités de l'UE. Dans ce cas de figure, il en résulte une reprise des jugements européens. Dans les autres cas, l'introduction du test SIEC constitue un rapprochement important entre le contrôle suisse des concentrations d'entreprises et le système prévalant au sein de l'UE et de la plupart des Etats membres.

La révision doit également améliorer l'attrait de la voie civile, ce qui constitue une revendication importante sur le plan international. Ce faisant, il importe d'éviter de tomber dans un régime similaire à celui des Etats-Unis prônant la plainte à tout-va.

Dans sa démarche, l'UE prévoit d'accorder la qualité pour agir aux clients finals dans les affaires liées au droit des cartels. Ceci est également proposé présentement 3663

pour le droit des cartels suisse, mais les modifications dans le domaine du droit civil restent néanmoins en deçà du système prévu dans l'UE (qui envisage p. ex. d'introduire la plainte collective).

Une particularité suisse du projet consiste à prévoir, dans la loi, une atténuation de la sanction fondée sur les programmes de conformité (programmes de respect des prescriptions du droit des cartels). La Commission européenne a certes récemment souligné dans une brochure l'importance considérable de ce type de programmes, pour les entreprises, en matière de lutte contre les infractions à la législation sur les cartels, sans toutefois leur attribuer un rôle d'atténuation des sanctions28. Les informations à notre disposition font penser qu'aucun Etat membre de l'UE ou de l'OCDE ne possède une disposition comparable.

Le mandat de négociation concernant un accord de coopération avec l'UE dans le domaine de la concurrence, adopté par le Conseil fédéral le 18 août 2010, se fonde sur la similarité des principes matériels et procéduraux en Suisse et dans l'UE. Le présent projet renforce le contenu matériel de l'accord dans la mesure où les propositions qui y sont faites se rattachent, sur le plan formel, à certains types d'accord, à l'image de ce qui prévaut dans l'UE. En outre, le traitement des concentrations d'entreprises dans notre pays s'apparentera de façon plus accrue encore avec celui de l'UE dans la mesure où nous devrions dorénavant appliquer la même méthode d'appréciation que l'UE. Il est néanmoins important de ne pas occulter le fait que la législation suisse doit appréhender simultanément ce qui, en Europe, l'est parallèlement par les régimes juridiques des Etats membres et celui de l'UE, c'est-à-dire l'examen des concentrations d'entreprises sous l'angle de leurs effets au niveau des Etats membres et au niveau communautaire. Dans l'ensemble, le projet renforce les fondements matériels d'un accord de coopération, à condition néanmoins que l'on renonce à mettre en oeuvre la seconde partie de la motion Schweiger (07.3856) relative à l'introduction de sanctions pénales.

Afin d'améliorer la concurrence sur le territoire suisse, il s'effectue un rapprochement de notre système juridique avec celui de l'UE. Ainsi l'activité des entreprises qui opèrent en Suisse et dans le marché européen s'en trouvera
facilitée à plusieurs égards. Ces entreprises pourront par exemple conclure des accords de distribution homogénéisés. De plus, ce rapprochement améliore la sécurité du droit, tenant compte du peu de cas par an auquel notre pays est confronté et qui permettent l'évolution du droit.

A l'inverse de ce qui est proposé sur le plan matériel et, du moins en partie, sur le plan de la conception du système, aucun rapprochement n'est prévu entre les systèmes suisse et européen au niveau institutionnel: d'une part, les autorités de la concurrence des différents Etats membres présentent une constellation profondément hétérogène et la solution appliquée par l'UE ne peut et ne doit pas être reprise; d'autre part, aucun mouvement ne peut être observé à l'heure actuelle visant à créer 28

Cf. www.ec.europa.eu/competition/antitrust/compliance/compliance_matters_en.pdf.

European Commission, Competition Directorate: Compliance matters ­ What companies can do to better respect EU competition rules, Special first edition, November 2011; voir notamment p. 20: «... the mere existence of a compliance programme will not be considered as an attenuating circumstance (see, for example, Joined Cases T-101/05 and T-111/05, BASF and UCB, paragraph 52, and Case T-138/07, Schindler Holding, paragraph 282). Nor will the setting-up of a compliance programme be considered as a valid argument justifying a reduction of the fine in the wake of investigation of an infringement».

3664

un modèle européen unifié concernant l'organisation institutionnelle des autorités de la concurrence. Eu égard au fait qu'il n'existe aucun modèle idéal type d'autorités de la concurrence sur le plan européen (cf. le rapport d'évaluation «Internationaler Vergleich», rapport de projet P9 [non traduit], 2008), la proposition formulée ici répond entièrement aux défis propres à notre pays, en particulier à la préoccupation de séparer clairement la phase de l'enquête et la phase de décision. Ainsi, l'enquête doit être menée sous l'égide d'une instance indépendante, et la décision rendue par un tribunal, et cela ­ contrairement à ce qui était prévu dans le projet mis en consultation ­ dans le respect de notre propre régime institutionnel. Le fait de faire intervenir un tribunal à un niveau précoce de la procédure n'est pas unique en Europe; la Belgique et l'Autriche ont choisi une solution identique. En Allemagne, l'office fédéral des cartels (Bundeskartellamt) n'est pas habilité à prononcer des sanctions s'il n'y a pas d'accord amiable. Il doit même impliquer le ministère public d'un Land pour pouvoir imposer juridiquement une sanction. L'on voit ainsi que certains pays ont adopté un modèle judiciaire pour prononcer les sanctions dans le domaine des cartels. Toute autorité de la concurrence jouit d'une compétence étendue en matière de sanctions et le modèle proposé ici n'isole pas la Suisse, mais lui accorde un rôle de précurseur dans la résolution de certains problèmes d'ordre juridique.

1.7

Application

L'un des objectifs du Conseil fédéral dans le cadre de la présente réforme vise à accélérer la procédure applicable aux art. 5 (accords illicites) et 7 (abus de position dominante) LCart. Cet objectif est principalement atteint grâce à la suppression de la première instance de recours dès lors qu'il est prévu qu'un tribunal conforme à la Cst. et à la CEDH tranche déjà en première instance. Parallèlement, le secrétariat de la COMCO se trouve revalorisé en devenant un établissement autonome. Cette évolution permet d'appliquer les principes du gouvernement d'entreprise aux tâches étatiques en matière de surveillance de l'économie. Ce mouvement évolutif, couplé à une meilleure mise en oeuvre des principes juridiques tels que la séparation entre autorités d'enquête et autorités de décision, permettra d'améliorer l'efficacité de la procédure et d'accroître la légitimité des décisions rendues par les autorités de la concurrence.

Les dispositions de droit matériel révisées ne semblent poser aucun problème de mise en oeuvre. Toute une série d'Etats européens connaissent des dispositions similaires sans que leur contenu ait laissé apparaître des difficultés d'application.

Seule l'introduction du test SIEC pourrait générer un travail accru dans le cadre de concentrations d'entreprises problématiques exigeant un examen approfondi (en moyenne 4 sur 28 concentrations annuelles annoncées).

3665

2

Commentaire par article

2.1

Modification de la loi sur les cartels

2.1.1

Changements d'ordre rédactionnel

La séparation plus marquée entre enquête et décision instaurée avec le nouveau régime institutionnel dans le droit des cartels aboutit à faire de l'ancien secrétariat de la COMCO une véritable Autorité de la concurrence et de l'ancienne COMCO un tribunal de la concurrence, chargé de statuer en première instance, qui est rattaché au TAF. Ainsi la LCart subit tout une série de changements d'ordre rédactionnel.

Sont concernés les art. 3, 6, 9, 10, 15, 25, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 40, 42, 42a, 43, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 53, 54, 57 et 58 LCart. Ces changements rédactionnels ne sont pas commentés davantage ci-après.

2.1.2

Préambule

La présente révision partielle offre la possibilité de biffer la mention de l'art. 27, al. 1, Cst., introduite accidentellement dans le préambule. L'art. 27 Cst. n'a pas sa place dans le préambule, puisqu'il ne concerne pas les compétences législatives de la Confédération.

2.1.3

Dispositions du droit matériel (chap. 2)

2.1.3.1

Restrictions illicites à la concurrence (section 1)

Art. 5

Accords illicites

Al. 1: Principe Comme à l'heure actuelle, les accords ne sont en principe illicites que s'ils affectent notablement la concurrence et ne sont pas justifiés par des motifs d'efficacité économique. Par rapport à la version actuelle, la nouvelle version renonce à mentionner expressément les accords qui conduisent à la suppression d'une concurrence efficace. Cette formulation visait principalement les types d'accords désormais réglés à l'al. 2 sous forme d'interdiction partielle des cartels. Elle était d'ailleurs superflue dans la mesure où toute suppression d'une concurrence efficace est toujours une entrave notable à la concurrence et où la possibilité de motifs justificatifs d'un accord éliminant la concurrence est déjà exclue au travers de l'al. 3, let. b, P-LCart (art. 5, al. 2, let. b, LCart). Elle peut donc être supprimée sans conséquence.

Al. 2: Accords rigides Par rapport à l'al. 1, le nouvel al. 2 représente une règle spéciale pour certains types d'accords ou cartels particulièrement graves (dits «rigides»). Cependant, la loi fait toujours référence à l'objet concret, c'est-à-dire à la teneur économique de l'accord, et non pas à sa seule forme: il doit concerner au cas par cas un accord horizontal sur les prix, les quantités ou la répartition géographique, ou une fixation verticale des prix sous forme de prix minimaux ou fixes ou un cloisonnement territorial au sens strict du terme. Ces types d'accords sont toujours illicites, que la preuve d'une 3666

restriction notable de la concurrence soit apportée ou non, à moins que l'accord ne soit justifié, dans le cas d'espèce, par des motifs d'efficacité économique. L'al. 2 reprend tels quels les cinq types d'accord déjà cités explicitement aux al. 3 et 4 de la loi actuelle, qui sont considérés par le législateur comme étant particulièrement graves et qui, pour cette raison, peuvent déjà aujourd'hui être sanctionnés directement en vertu de l'art. 49a LCart. Pour maintenir les mêmes possibilités de sanctions, il faut d'ailleurs procéder à une adaptation d'ordre rédactionnel du renvoi à l'art. 49a, al. 1, LCart.

La légère différence en ce qui concerne la définition du cloisonnement territorial (protection territoriale absolue) à la let. b, ch. 2, est motivée par des raisons d'ordre linguistique et est la conséquence de la présentation proposée. Eu égard au fait que ce ch. 2 se rapporte aux «autres fournisseurs agréés», l'élément «les contrats de distribution» devient superflu; la suppression de cet élément n'entraîne donc pas de modification matérielle. Pour des raisons de clarté dans la version italienne du texte légal, l'expression «distributori esterni» est complétée par «riconosciuti».

Al. 3: Justification pour des motifs d'efficacité économique L'al. 3 reprend en grande partie la réglementation du droit matériel actuel (al. 2); reste en particulier inchangé le catalogue des motifs de justification possibles.

La répartition du fardeau de la preuve fait l'objet d'une clarification explicite. On remarquera d'abord que cette clarification ne change rien à la validité de la maxime inquisitoire, qui astreint l'autorité à instruire aussi bien à charge qu'à décharge. Ceci vaut de manière analogue pour le tribunal. La répartition du fardeau de la preuve règle uniquement la question de savoir ce qui se passe quand ni l'existence ni la nonexistence d'un certain fait n'est prouvée, à savoir les conséquences de l'absence de preuve. Objectivement, on ne peut exiger ni des autorités ni des entreprises qu'elles fournissent la preuve (impossible) de la non-existence d'un fait (preuve négative).

La tâche de prouver l'existence d'une entente cartellaire et, si l'al. 1 est invoqué, sa gravité, incombe à l'autorité. Autrement dit, il n'y a pas violation de l'art. 5 si l'existence de ces faits n'est pas prouvée,
mais n'est par exemple que présumée. En revanche, si cette preuve est apportée, il faut, dans un deuxième temps, examiner s'il existe des motifs d'efficacité. Pour que les autorités puissent remplir leur devoir de toujours chercher aussi des arguments à la décharge des entreprises, c'est aux entreprises intéressées qu'il revient d'exposer les motifs d'efficacité qui les ont conduites à conclure l'entente incriminée et de présenter les documents existants. On est en effet en droit d'attendre d'une entreprise qui entend recourir au moyen d'une entente cartellaire potentiellement interdite (surtout lorsqu'elle est rigide) qu'elle élucide soigneusement à l'avance (éventuellement par une procédure d'opposition au sens de l'art. 49a LCart) si l'entente envisagée est justifiable ou non, et qu'elle documente son cas en conséquence. Ceci vaut en particulier pour l'interdiction partielle des cartels selon l'al. 2. Si, en fin de compte, de tels motifs d'efficacité ne sont pas avérés ­ par l'autorité de la concurrence, les parties et le tribunal ­, il y a accord illicite, conformément à la répartition du fardeau de la preuve, désormais ancrée de manière explicite sur le plan légal.

Au final, cette règle conduit à une répartition appropriée du fardeau de la preuve, puisque personne, c'est-à-dire ni l'autorité, ni les entreprises, ne porte de fardeau de la preuve pour la non-existence d'un fait (selon le Tribunal fédéral, ce n'est pas aux

3667

autorités qu'il incombe de prouver la non-existence, donc l'absence de motifs d'efficacité économique29). Selon le Tribunal fédéral30, il ressort déjà des termes de la loi que les restrictions de la concurrence qui violent l'art. 5, al. 1, LCart ne sont licites que si elles sont effectivement justifiées par des motifs d'efficacité économique, et non si de tels motifs ne peuvent être exclus ou semblent un tant soit peu plausibles. Une absence de preuves quant aux motifs justificatifs joue par conséquent en défaveur des entreprises qui ont conclu un tel accord. Selon la jurisprudence actuelle du Tribunal fédéral, elles portent ainsi le fardeau de la preuve tel qu'il doit être fixé désormais explicitement dans la loi. Cependant, il faut considérer qu'on ne peut pas exiger des moyens de preuve qui seraient impossibles à présenter de manière réaliste pour justifier l'existence de motifs justificatifs. Les analyses économiques sont liées à une certaine incertitude, en raison de données souvent manquantes, voire de la représentation incomplète de la réalité; c'est pourquoi une preuve absolue de motifs justificatifs ne peut pas être demandée. Il est suffisant, pour justifier un accord, que la raison d'efficience invoquée soit très probable.

Cette répartition du fardeau de la preuve correspond de plus en principe au droit en vigueur dans l'UE et dans presque tous les Etats membres de l'UE (art. 2 du règlement (CE) no 1/200331), mais sans aller aussi loin. Il ressort de l'art. 101, al. 3, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) que les entreprises doivent fournir quatre preuves cumulées pour justifier une entente pour motifs d'efficacité. Celle-ci doit a) améliorer l'efficacité, b) être indispensable pour obtenir les gains d'efficacité avancés, c) réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte et d) n'amener en aucun cas une suppression de la concurrence.

En Suisse, le troisième de ces quatre critères tombe sous sa forme spécifique, à savoir qu'une partie des gains d'efficacité doit parvenir aux consommateurs. La loi suisse sur les cartels n'est en effet pas tributaire d'une norme de bien-être pour les consommateurs, mais est axée sur le bien-être macroéconomique. En revanche, savoir si les gains d'efficacité sont répercutés en aval est quand même une indication
de bien-être macroéconomique intéressante, puisqu'elle montre que la concurrence a et conserve une intensité suffisante sur le marché correspondant, et que le quatrième critère (exclusion de la concurrence) n'intervient donc en aucun cas. Une autre différence avec la réglementation de l'UE réside dans le fait qu'en Suisse, selon la norme inchangée fixée à l'art. 5, al. 3, let. b, P-LCart (art. 5, al. 2, let. b, LCart), l'Autorité de la concurrence (et non les entreprises, comme dans l'UE) porte le fardeau objectif de la preuve de la suppression d'une concurrence efficace.

Pour ce qui est des gains d'efficacité exigés pour une justification, une amélioration de la rentabilité de l'exploitation ne suffit pas à elle seule comme motif justificatif.

L'analyse doit se faire sur le plan de l'économie dans son ensemble. Ainsi, des gains d'efficacité doivent aussi être réalisés dans l'espace économique suisse. Les avantages retirés par les entreprises doivent donc être opposés aux désavantages liés à la réduction de l'intensité de la concurrence qui résulterait de l'entente envisagée. Dans les types d'ententes énumérés à l'al. 2, le législateur postule que de tels désavantages se produiront, d'où le fait qu'elles soient soumises à une interdiction partielle. Pour compenser d'éventuelles difficultés que peut rencontrer une entreprise pour juger par elle-même de l'existence de motifs justificatifs ­ notamment lorsqu'il s'agit 29 30 31

ATF du 6.2.2007, 2A.430/2006, E. 10.3.

ATF du 6.2.2007, 2A.430/2006, E. 10.3.

Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JO L 1 du 4.1.2003, p. 1.

3668

d'apprécier la dimension macroéconomique ­, la LCart tient à disposition la procédure d'opposition dans les cas d'accords susceptibles d'être sanctionnés; pour les autres cas, l'Autorité de la concurrence peut être sollicitée pour des conseils. En particulier si la connaissance de données du marché qui seraient difficiles, voire impossibles à obtenir pour les entreprises (notamment celles de concurrents), est nécessaire pour l'appréciation, la mise en oeuvre d'une procédure d'opposition (ou la revendication à un conseil) est indiquée. Si une entreprise conclut malgré tout un accord conforme à l'un des cinq types punissables sans récolter les clarifications nécessaires (ou sans lancer une procédure d'opposition), elle ne pourra invoquer plus tard comme excuse qu'elle ne possédait pas les données de marché nécessaires pour l'appréciation.

Etant donné l'importance accrue des motifs d'efficacité économique et pour assurer le plus de sécurité juridique possible aux entreprises, il paraît nécessaire que les motifs de justification énumérés à l'art. 5, al. 3, P-LCart (l'actuel al. 2 reste inchangé) soient présentés de façon compréhensible, en profitant de l'art. 6 LCart qui permet un règlement par voie d'ordonnance. Les règles régissant la justification doivent être basées sur les actes matériels existants ainsi que sur la pratique des autorités de la concurrence et des tribunaux, et tenir compte du droit correspondant de l'UE, tout en observant les conditions juridiques et économiques régnant en Suisse; on évite ainsi l'isolement des marchés suisses et on instaure une sécurité juridique. On notera ici que les effets positifs d'ententes horizontales rigides (art. 5, al. 2, let. a, P-LCart) sont en règle générale minimes comparés aux dommages économiques causés par la restriction de la concurrence (une exception à cette règle générale pourrait, sous certaines conditions, consister par exemple en coopérations d'achats). En comparaison, les ententes verticales sont plus susceptibles de produire des gains d'efficacité capables de compenser les effets négatifs des ententes (suppression du phénomène du «passager clandestin» au niveau des distributeurs ou lancement de nouveaux marchés).32 Un tel résultat pourrait même se produire, dans un cas concret, si l'entente prend la forme de prix minimaux ou fixes ou
encore d'un cloisonnement territorial absolu (art. 5, al. 2, let. b, P-LCart). Pour anticiper sur l'ordonnance ultérieure, on peut déjà envisager ici qu'en cas d'entente verticale, les entreprises pourront faire valoir les motifs d'efficacité suivants33: la protection limitée dans le temps d'investissements nécessaires à la pénétration d'un nouveau marché géographique ou à l'introduction d'un nouveau produit sur le marché; la nécessité d'assurer l'uniformité et la qualité des produits contractuels; la protection d'investissements propres à une relation contractuelle qui ne peuvent pas être utilisés hors de cette relation d'affaires, ou seulement moyennant une perte considérable (problème du hold-up); le fait d'éviter un niveau sous-optimal de mesures de promotion des ventes (par exemple conseils à la clientèle), qui peut survenir lorsqu'un producteur ou distributeur peut détourner à son profit les efforts promotionnels d'un autre producteur ou distributeur (problème dit du «passager clandestin» ou parasitisme); le fait d'éviter l'imposition d'une double majoration de prix qui peut survenir 32

33

Voir Bühler, Stefan, Halbheer, Daniel, 2010, «Ökonomische Grundlagen und Grundbegriffe», in: Marc Amstutz und Mani Reinert (éd.), Basler Kommentar, Kartellgesetz, p. 33 ss., 46 ss.; Groupe d'évaluation Loi sur les cartels, études de dispositions isolées (art. 3, al. 2 LCart: restrictions à l'importation, propriété intellectuelle; art. 5, al. 4 LCart: accords verticaux), Evaluation de la LCart, 2008.

Ces motifs justificatifs sont déjà mentionnés dans la Communication de la Commission de la concurrence du 28 juin 2010 concernant l'appréciation des accords verticaux (Communication sur les accords verticaux, CommVert).

3669

lorsque tant le producteur que le distributeur disposent d'un pouvoir de marché (problème de la double marginalisation); l'encouragement à la transmission d'un savoir-faire substantiel; enfin la garantie d'engagements financiers (par exemple des prêts) qui ne peuvent pas être fournis par le marché des capitaux.

Pour les ententes entre PME n'ayant qu'un impact restreint sur le marché, l'art. 6, al. 1, let. e, LCart prévoit une justification facilitée. En accord avec le droit européen, la communication en vigueur restreint toutefois cette facilité à la catégorie des ententes qui, en Suisse, ne sont pas directement punissables. La notion d'impact restreint sur le marché devra elle aussi être précisée dans la nouvelle ordonnance prévue, sous la forme d'une règle de minimis. Pour les cinq types d'accords évoqués plus haut, qui peuvent être directement sanctionnés, il n'est cependant pas prévu actuellement d'introduire une telle règle (qui pourrait cependant être considérée pour les cas de coopérations d'achats).

Art. 8

Autorisation exceptionnelle fondée sur des intérêts publics prépondérants

Comme l'illicéité des accords en matière de concurrence et des pratiques d'entreprises ayant une position dominante n'est plus constatée par l'autorité compétente mais par le tribunal compétent, l'art. 8 est adapté de manière analogue à l'art. 11.

2.1.3.2 Art. 9

Concentrations d'entreprises (section 2) Notification des opérations de concentration

Une partie des concentrations d'entreprises notifiées aux autorités en matière de concurrence concerne des fusions d'entreprises internationales. Leur caractère transfrontalier implique que de telles fusions soient évaluées en parallèle par les autorités en matière de concurrence de différents Etats, ce qui entraîne des efforts démultipliés pour les entreprises et les autorités concernées. La modification proposée à l'art. 9, al. 1bis, P-LCart devrait réduire une telle démultiplication des efforts.

Sous l'angle du droit des cartels, l'obligation de notifier les concentrations d'entreprises dont les produits ou les prestations de service concernent des marchés comprenant au moins la Suisse et l'EEE devrait être sensiblement simplifiée à l'avenir. En effet, dans la mesure où les instances de l'UE interdisent les concentrations ou ne les autorisent qu'à certaines conditions dans ces marchés, une telle décision déploie ses effets dans tout l'EEE indépendamment du pays, et donc aussi en Suisse. Une appréciation par les autorités suisses s'avère inutile dans de tels cas.

Il suffit que l'autorité de la concurrence ait connaissance au travers des entreprises du processus de concentration en cours et de la décision de l'UE. Si, au moment de la notification, les entreprises ont considéré à tort que les conditions prévues à l'art. 9, al. 1bis, P-LCart étaient réalisées, mais que le contraire s'est avéré lors de l'évaluation de la concentration par la Commission européenne (p. ex. parce que certains des marchés se sont avérés être des marchés nationaux), les entreprises doivent alors annoncer a posteriori la concentration également en Suisse.

La modification apportée à l'art. 9, al. 5, P-LCart est de nature rédactionnelle: depuis la nouvelle conception quant aux formes des actes suite à la révision de la Cst., il n'y

3670

a plus d'arrêté fédéral de portée générale qui ne soit pas soumis au référendum. Les ordonnances que l'Assemblée fédérale édicte remplissent la fonction d'un tel arrêté.

Art. 10

Appréciation des concentrations d'entreprises

La communauté internationale reconnaît aujourd'hui largement la nécessité de disposer, pour le contrôle des concentrations d'entreprises, d'instruments qui puissent bloquer les fusions préjudiciables à l'économie nationale34. Peuvent nuire à l'économie nationale notamment les concentrations d'entreprises qui interviennent sur des marchés concentrés, c'est-à-dire marqués par le fait que certaines entreprises détiennent de larges parts de marché. L'art. 7 LCart (contrôle des abus) fournit certes un instrument susceptible, dans certains cas, de corriger ou d'atténuer après coup les effets anticoncurrentiels des concentrations d'entreprises, mais on s'accorde pour dire que ce contrôle des abus ne saurait remplacer le contrôle structurel qui représente le noyau du contrôle des concentrations. Pour être moderne, le contrôle des concentrations d'entreprises doit tenir compte du contexte économique et disposer d'un arsenal d'instruments adéquat. Il faut pouvoir considérer aussi bien l'effet anticoncurrentiel que les gains d'efficacité économique de ces concentrations.

Lorsque la concentration du marché dépasse certaines proportions ou lorsqu'une opération de concentration crée une position dominante, la doctrine et la recherche économiques distinguent deux catégories d'effets nuisibles susceptibles de se produire.

­

Effets non coordonnés (unilatéraux): si la pression concurrentielle diminue suite à une concentration ou si une position dominante se met en place, les entreprises qui fusionnent peuvent être tentées de modifier les conditions du marché au détriment de leurs clients, par exemple en augmentant les prix.

En conséquence, les autres entreprises actives sur le marché sont tentées d'adapter leur comportement, par exemple en augmentant également leur prix.

­

Effets coordonnés: si seul un petit nombre d'entreprises sont encore actives sur un marché, une fusion peut aussi contribuer à ce que les acteurs encore en place sur le marché en question se mettent d'accord, expressément ou par actes concluants, sur un comportement au détriment de leurs clients.

Le contrôle actuel des concentrations tient insuffisamment compte de ces effets anticompétitifs, tandis que la modification de l'art. 10, al. 1 et 2, proposée dans le P-LCart (recourir sur le modèle du test SIEC [Significant Impediment to Effective Competition] appliqué par les autorités de l'UE) permettra un examen exhaustif des effets négatifs et positifs d'une concentration. La formulation de l'art. 10, en particulier l'emploi du terme «entraver», s'appuie sur la formulation de l'UE et non pas sur l'art. 7. Comme le contrôle actuel des concentrations d'entreprises, le test SIEC s'accompagne de la possibilité d'interdire des concentrations, ou de les assortir de charges et de conditions. Dorénavant, une interdiction serait possible au cas par cas 34

Cf. par exemple International Competition Network ICN (2010), Recommended Practices for Merger Analysis (BAZ/BCL/FJS); OCDE (2010), Standard for Merger Review, with a particular Emphasis on Country Experience with the Change of Merger Review Standard from the Dominance Test to the SLC/SIEC Test, DAF/COMP(2009)21; Groupe d'évaluation Loi sur les cartels (2008), Contrôle des concentrations d'entreprises; examen de la nécessité d'une revision, rapport P17 du Groupe d'évaluation LCart fondé sur l'art. 59a LCart, Berne.

3671

même si une entrave notable à la concurrence existe, sans la nécessité de création ou de renforcement d'une position dominante.

Par analogie avec la réglementation éprouvée de l'UE, le passage au test SIEC s'accompagne de la prise en compte des gains d'efficacité d'une concentration d'entreprises (art. 10, al. 2, let. b, P-LCart), supprimant ainsi une faiblesse du régime actuel. Pour autant que les gains d'efficacité compensent les effets négatifs de la concentration pour le consommateur, l'Autorité de la concurrence doit autoriser la fusion. Les motifs d'efficacité doivent être présentés par les entreprises. Leur prise en considération implique également le choix d'un niveau de bien-être ou du standard de bien-être à appliquer. Concernant l'art. 10 LCart, le Conseil fédéral propose de recourir à un standard dynamique de bien-être des consommateurs35 (l'autorité européenne de la concurrence, comme diverses autres autorités, n'applique pas le standard du bien-être total dans le contrôle des fusions36). Ce standard met l'accent sur la maximisation durable du bien-être des consommateurs et impose de tenir compte non seulement des effets statiques, mais encore des effets économiques dynamiques importants (si une concentration d'entreprises produit par exemple des synergies R&D qui se répercutent sinon immédiatement, du moins à moyen terme et de façon avérée sur les prix des produits ou des services, ces avantages peuvent être pris en compte). Pour que les gains d'efficacité puissent être pris en compte dans l'appréciation d'une concentration d'entreprises, ils doivent satisfaire aux exigences d'être vérifiables et propres à la concentration, condition qui s'ajoute au fait que les consommateurs doivent également bénéficier des avantages induits.

Avec l'introduction du test SIEC, les concentrations qui ont des effets anticompétitifs sur la concurrence et dont les effets négatifs ne sont pas compensés par des gains d'efficacité peuvent être bloquées plus efficacement que sous le régime actuel. Pourtant, la comparaison internationale montre que le passage au test SIEC ne provoque pas de grandes modifications en ce qui concerne le taux d'intervention, la sécurité juridique et la complexité et que les résultats sont dans l'ensemble positifs37. Dans les Etats qui sont passés à ce critère, le taux d'intervention
n'a pas augmenté, la sécurité juridique n'a pas été compromise et le test SIEC ne s'est pas avéré plus complexe que le test de dominance. En contrepartie, le test SIEC permet de relever les concentrations qui posent problème de manière plus aisée (il faut moins souvent recourir au critère d'une dominance collective) et l'examen détaillé de leurs effets négatifs et positifs.

La Suisse ne doit pas non plus s'attendre à de grands changements concernant la sécurité juridique, la complexité et la charge de travail occasionnée. Ainsi, les travaux d'appréciation de l'Autorité de la concurrence restent en principe les mêmes dans leur conception, sauf en ce qui concerne la prise en compte des gains d'efficacité. La publication de lignes directrices du type de celles de l'UE38 peut apporter un supplément de clarté et de sécurité juridique. L'Autorité de la concur35 36

37 38

Voir Groupe d'évaluation Loi sur les cartels, Contrôle des concentrations d'entreprises, mentionné dans la note de bas de page 34.

Pour le choix de ce standard de bien-être, voir Groupe d'évaluation Loi sur les cartels, Contrôle des concentrations d'entreprises, mentionné dans la note de bas de page 34, p. 32 s.

Tiré de OCDE (2009), p. 8, mentionné dans la note de bas de page 34.

Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JO C 031 du 05/02/2004, p.5.

3672

rence pourra en outre s'appuyer sur la vaste pratique juridique de l'UE. Pour ce qui est de la notification d'une concentration d'entreprises, la charge pour les entreprises restera dans le cadre actuel, puisqu'à part les motifs d'efficacité, elles devront remettre les mêmes informations que celles exigées par le contrôle en vigueur.

Concernant les concentrations qui s'avèrent problématiques et qui doivent faire l'objet d'un examen approfondi (en moyenne 4 concentrations sur 28 notifiées par année), la charge pour les entreprises et l'Autorité de la concurrence sera plus élevée en raison du changement des critères d'appréciation. Les concentrations qui ne posent pas de problème n'entraîneront que peu de charge supplémentaire. Concernant la modification du taux d'intervention, il faut noter que les seuils d'intervention seront, d'une part, abaissés en passant à un test SIEC et, d'autre part, relevés par la prise en compte de l'efficacité. Si l'on considère l'expérience internationale, le taux d'intervention reste en principe identique avec le passage à un test SIEC. Cependant, comme le contrôle des concentrations suisse actuel ne prend selon une appréciation largement partagée guère en compte les effets anti-compétitifs, le nouveau critère pourrait conduire à une légère augmentation du taux d'intervention.

Etant donné que les valeurs-seuils qui entraînent l'obligation de notifier ne sont pas abaissées, aucune modification quant au nombre de concentrations devant être notifiées n'est attendue. Ce nombre ne sera pas non plus influencé par le passage au test SIEC.

2.1.4 Art. 12

Disposition de procédure civile (chap. 3) Actions découlant d'une entrave à la concurrence

Selon l'opinion largement dominante, la formulation actuelle de cette disposition ne permet pas aux clients finals, et en particulier aux consommateurs, de faire valoir des prétentions civiles en cas de restriction illicite à la concurrence. Cela entraîne notamment une lacune choquante en matière de responsabilité civile, car celui qui viole le droit des cartels n'a à répondre envers personne; le plus souvent, il peut se défendre (passing on defence) contre les prétentions en dommages-intérêts des entreprises en leur opposant qu'elles n'ont elles-mêmes subi aucun dommage au sens juridique du terme, car elles ont pu répercuter l'excédent de prix payé en raison de l'atteinte illicite à la concurrence sur l'échelon du marché situé en aval (en dernier lieu les consommateurs). Les prétentions des consommateurs, lésés par une telle répercussion du dommage, se heurtent par la suite au défaut de légitimation active dans la loi. Le fait d'étendre une telle légitimation à tous ceux dont les intérêts économiques sont menacés ou lésés par une restriction illicite à la concurrence supprime cette lacune en matière de responsabilité et permet désormais aux consommateurs lésés sur le plan financier, tout comme aux autres clients finals, d'agir en justice. Les organisations de consommateurs peuvent agir si les consommateurs leur cèdent leurs prétentions conformément aux règles générales valables en droit civil.

La condition d'une entrave à la concurrence n'étant désormais plus requise, il convient de modifier la formulation du titre de l'art. 12 P-LCart et de la disposition de l'art. 12, al. 1, let. a, P-LCart et de supprimer l'al. 2 désormais superflu.

3673

Par analogie avec l'art. 9, al. 1, let. c, LCD39 et avec l'art. 28a, al. 1, ch. 3, CC40, et en relation avec la LCart de 1985, l'art. 12, al. 1, let. b, P-LCart reprend un droit à faire constater l'illicéité d'une restriction à la concurrence.

En revanche, l'actuel al. 3 doit être supprimé sans être remplacé. Cette disposition, qui provient encore de la LCart de 1985, est contraire au système actuel dans la mesure où elle fonde une responsabilité civile du fait d'un comportement licite (en procédure civile) sous l'angle du droit des cartels.

Art. 12a

Prescription

Les actions prévues à l'art. 12, al. 1, let. a et b, P-LCart, à savoir la cessation, la suppression et la constatation ne se prescrivent pas. Selon la nouvelle disposition, la prescription des prétentions découlant de restrictions illicites à la concurrence au sens de l'art. 12, al. 1, let. c et d, P-LCart ne court pas ou est suspendue si elle a commencé à courir pendant une enquête de l'Autorité de la concurrence (il peut également s'agir de la Commission européenne conformément à l'accord sur le transport aérien), c'est-à-dire entre l'ouverture de l'enquête et la décision exécutoire.

Conformément à l'art. 134, al. 2, du code des obligations (CO)41, la prescription commence à courir ou reprend son cours ultérieurement. Cette solution permet de résoudre la problématique posée dans le droit actuel par le délai de prescription relatif d'une année prévu à l'art. 60 CO, et applicable selon l'opinion dominante, lequel contraint les victimes d'une infraction au droit des cartels à intenter rapidement une action, compromettant ainsi, le cas échéant, leurs chances de succès. La possibilité d'attendre désormais la fin de la procédure menée devant les autorités compétentes en matière de concurrence protège d'un côté les entreprises impliquées dans une procédure administrative contre des actions civiles précipitées et permet de l'autre côté aux lésés d'exercer plus facilement leurs prétentions civiles, renforçant l'aspect civil du droit des cartels dans son ensemble. Le message en cours d'élaboration concernant la révision du droit de prescription réexaminera cette disposition. Dans le but d'uniformiser et d'harmoniser le droit de prescription général, il pourra s'avérer nécessaire que l'on puisse renoncer à cette règle légale spécifique dans la LCart.

Art. 13

Exercice des actions en suppression ou en cessation de l'entrave

Par rapport à la version actuelle de la let. a, selon laquelle le tribunal «décide» que des contrats sont nuls, la nouvelle formulation n'entraîne aucune modification juridique sur le fond. Le texte législatif est simplement adapté à l'opinion juridique dominante selon laquelle les dispositions contractuelles violant la LCart sont nulles et non avenues dès le début (ex tunc), la décision du tribunal n'étant donc pas assortie d'un effet constitutif. Les modifications rédactionnelles de la let. b découlent de la modification de la qualité pour agir à l'art. 12 P-LCart.

39 40 41

RS 241 RS 210 RS 220

3674

2.1.5

Procédure administrative (chap. 4)

2.1.5.1

Autorité de la concurrence et Tribunal de la concurrence (section 1)

Art. 24a

Autorités d'enquête et de décision

A l'al. 1, la Confédération crée une Autorité de la concurrence chargée de réaliser les buts de la LCart. Concrètement, celle-ci reprend non seulement les fonctions de l'actuel secrétariat de la COMCO, mais encore les tâches qui incombent aujourd'hui à la COMCO elle-même et qui ne sont pas désormais transférées au Tribunal de la concurrence. Citons avant tout l'appréciation des concentrations d'entreprises soumises à l'obligation de notification et sa fonction d'ouvrir des enquêtes concernant les entraves à la concurrence. Il s'y ajoute que l'Autorité de la concurrence exerce également une fonction de conseil, c'est-à-dire que, conformément au but de la loi, elle conseille les services officiels et les entreprises sur des questions relatives à la LCart. Cela permet de communiquer aux services officiels et aux entreprises des informations importantes sur l'appréciation juridique d'éventuelles restrictions à la concurrence. L'Autorité de la concurrence n'est cependant pas supposée réagir uniquement sur demande; elle devra agir de sa propre initiative et se pencher par exemple sur les domaines présentant des problèmes de concurrence. Cette compétence (rôle dit d'advocacy) découle avant tout de l'art. 46, qui l'habilite à adresser aux autorités des recommandations visant à promouvoir la concurrence et à s'exprimer dans le cadre des procédures de consultation. Cette fonction conduit également à ce que les tâches de l'Autorité de la concurrence dépassent celles d'une pure autorité d'enquête et justifie le choix de la forme de l'établissement. Cette forme permet enfin de maintenir la possibilité d'édicter, en plus des ordonnances, des communications afin de concrétiser l'application prévue de la LCart.

La tâche principale de l'Autorité de la concurrence consistera à mener les procédures d'enquête dans les cas de restriction à la concurrence, dans lesquelles le Tribunal de la concurrence statue par la suite. Elle peut mener ces procédures de manière autonome, y compris en ce qui concerne les ordonnances procédurales. En matière d'appréciation des concentrations d'entreprises, l'Autorité de la concurrence est ellemême compétente sur le plan décisionnel. L'attribution de cette compétence est fondée sur le caractère particulièrement urgent de telles décisions pour les entreprises prenant part à une concentration
soumise à notification.

L'al. 2 stipule que l'Autorité de la concurrence participe au développement du droit cartellaire et des actes législatifs correspondants, ainsi qu'à l'évaluation de la LCart, en partageant ses connaissances.

Selon l'al. 3, le TAF statue en tant que Tribunal de la concurrence. Alors que le présent message désigne par «Tribunal de la concurrence» l'entité du TAF en charge des cas relevant du droit de la concurrence, la loi utilise de manière uniforme le terme de «Tribunal administratif fédéral». Le Tribunal de la concurrence statue en première instance dans les cas énumérés à l'art. 36a de la loi sur le TAF (LTAF)42 (mais non sur les plaintes de droit civil). Il fonctionne également comme première instance de recours dans les cas où l'Autorité de la concurrence prononce elle-même

42

RS 173.32

3675

des décisions (prévues essentiellement pour l'examen des concentrations d'entreprises, mais pouvant comprendre aussi des ordonnances procédurales).

2.1.5.2 Art. 27

Restrictions à la concurrence (section 2) Enquête

Titre: le titre de l'article est adapté à son contenu et suit la logique du titre de l'art. 26.

Al. 1: l'Autorité de la concurrence est désormais seule compétente pour ouvrir une enquête. A cet effet, elle n'a pas besoin, en particulier, de l'accord d'une instance supérieure. Comme à l'heure actuelle, le DFE peut cependant exiger l'ouverture d'une enquête, mais l'Autorité reste entièrement libre quant à la conduite et aux résultats de l'enquête. Cette disposition ne devrait donc pas soulever de problèmes concernant l'indépendance de l'Autorité, pour autant du moins que le DFE ne fasse qu'un usage modéré de sa possibilité d'intervenir. Le droit d'exiger l'ouverture d'une enquête ne revient cependant pas au Tribunal de la concurrence, étant donné que l'Autorité de la concurrence en charge de l'enquête doit être indépendante du Tribunal en charge des jugements. En revanche, seul le Tribunal de la concurrence peut clore des enquêtes ouvertes.

L'al. 2 stipule que seule l'Autorité de la concurrence (actuel secrétariat de la COMCO) réalise les enquêtes et établit les priorités nécessaires, ce qui implique qu'elle agit en toute autonomie et indépendance.

Art. 29

Accord amiable

Comme à l'heure actuelle avec le secrétariat de la COMCO, les entreprises pourront convenir avec la nouvelle Autorité de la concurrence d'un accord amiable dans lequel elles s'entendent quant aux modalités de la suppression d'une restriction à la concurrence. En cas d'accord amiable, l'Autorité de la concurrence peut renoncer à des mesures d'investigation supplémentaires pour des motifs d'économie de procédure, ce qui ménage les coûts des parties et de la procédure. Un tel accord ne supprime cependant pas le caractère punissable du comportement illicite adopté précédemment et des accords amiables sur la sanction à prononcer continueront à ne pas être admissibles, car la décision portant sur la sanction incombe au Tribunal de la concurrence. En revanche, l'Autorité de la concurrence peut informer les parties de la sanction qu'elle entend proposer au Tribunal de la concurrence.

Selon l'al. 2, les accords amiables conclus entre l'Autorité de la concurrence et les parties sont soumis à l'approbation du Tribunal de la concurrence. Celui-ci peut soit approuver, soit refuser ces accords; mais il ne peut les modifier unilatéralement. Si un accord amiable est refusé ou si le cadre de la sanction que l'Autorité de la concurrence a laissé entrevoir aux entreprises est outrepassé, il incombe au Tribunal de la concurrence de statuer lui-même sur les mesures à prendre et de prononcer la sanction.

3676

Art. 30

Proposition et décision

Al. 1: contrairement à la pratique actuelle, on distingue rigoureusement la phase de l'enquête de celle de la décision. L'Autorité de la concurrence est chargée des enquêtes et des propositions (parmi lesquelles peuvent également figurer les ordonnances procédurales et les décisions incidentes); le Tribunal de la concurrence rend les décisions et prononce les éventuelles sanctions. Cette séparation claire ne sera qu'exceptionnellement rompue, à moins qu'une telle situation ne soit inévitable pour la protection de la bonne foi des parties (par exemple dans le cadre de la communication concernant la renonciation à une sanction pour une autodénonciation [art. 11 LCart en relation avec l'art. 9, al. 3, OS LCart]).

Al. 2: la procédure auprès du Tribunal de la concurrence devient pendante avec l'entrée de la proposition de l'Autorité de la concurrence. Dans le nouveau droit, la proposition de l'Autorité de la concurrence a une autre fonction que la requête actuelle du secrétariat de la COMCO. Jusqu'ici, celle-ci était envoyée aux entreprises, ce qui leur donnait la possibilité de prendre position avant même que la COMCO ne se soit occupée du cas. Elle ressemblait donc à un projet de décision au sujet duquel les entreprises pouvaient s'exprimer. A l'avenir, la proposition lancera la procédure devant le Tribunal de la concurrence et en justifiera la litispendance.

C'est pourquoi elle doit aussi être adressée au Tribunal de la concurrence, lequel tranchera quant à la suite à y donner et déterminera en particulier s'il convient de la transmettre aux parties pour avis. La proposition ne sert donc plus à octroyer aux entreprises le droit d'être entendues; sa fonction est plutôt comparable à celle d'une plainte ou d'une demande d'introduction. L'énumération des points à désigner dans la proposition n'a pas besoin d'être commentée et montre que la proposition au sens du nouveau droit correspond plus ou moins, en termes de contenu et de volume, à la proposition actuelle (al. 2, let. a à g). Du fait du changement de fonction de la proposition dans le nouveau droit, la règle prévue dans l'actuel al. 2 n'est pas reprise dans le nouveau droit. Les prescriptions générales concernant le droit des parties d'être entendues (art. 29 ss. PA) continuent de s'appliquer.

Al. 3: il est exclu que le Surveillant des prix
siège à l'Autorité de la concurrence ou au Tribunal de la concurrence (comme il le faisait à la COMCO) du fait de son manque d'indépendance vis-à-vis du DFE. La collaboration entre Autorité de la concurrence et Surveillant des prix est toutefois maintenue, conformément aux art. 5, al. 2, 3 et 4, LSPr. Par ailleurs, par analogie avec l'art. 5, al. 4, LSPr, l'Autorité de la concurrence doit désormais consulter le Surveillant des prix dans le cadre des procédures relatives aux prix inéquitables imposés ou à la sous-enchère en matière de prix contre des concurrents déterminés. Le fait de ne pas reprendre dans le nouveau droit la règle contenue dans l'actuel al. 3 n'entraîne pas de modification matérielle, puisque la possibilité d'une révocation ou d'une modification d'une décision en raison de changements essentiels des comportements dans les faits ou sur le plan juridique vaut déjà en raison des principes généralement appliqués en procédure administrative quant aux prononcés ou décisions permanents.

Al. 4: le Tribunal de la concurrence n'est pas lié par la proposition de l'Autorité de la concurrence et peut donc prononcer d'autres mesures, ainsi que des sanctions administratives inférieures ou supérieures à celles proposées par l'Autorité de la concurrence. Conformément à sa fonction en tant que première instance à pouvoir d'examen complet, il constate les faits d'office et peut administrer lui-même des preuves (voir commentaire de l'art. 39, al. 1, P-LCart). L'enquête proprement dite incombe cependant à l'Autorité de la concurrence, qui dispose des moyens néces3677

saires. Si, dans une procédure, le Tribunal de la concurrence estime que les mesures d'investigation supplémentaires qu'elle requiert dépassent ses possibilités, il peut renvoyer la proposition à l'Autorité de la concurrence. Ce sera notamment le cas si le Tribunal juge nécessaire de procéder à des recherches approfondies, par exemple en interrogeant un grand nombre d'acteurs du marché. Malgré cette suspension (momentanée) de la litispendance auprès du Tribunal de la concurrence, ce renvoi ne constitue pas une décision finale, car la procédure devra de toute façon être retraitée en première instance par le Tribunal de la concurrence lui-même, quelle que soit la nouvelle proposition de l'Autorité de la concurrence. La contestation du renvoi obéit donc à l'art. 93 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF)43 et les conditions ne devraient généralement pas en être remplies.

Al. 5: si l'Autorité de la concurrence propose elle-même le classement d'une enquête, il est logique, pour des motifs d'économie de procédure et par analogie avec la réglementation concernant la radiation du rôle des causes devenues sans objet (art. 23, al. 1, let. a, LTAF), d'en confier la décision à un juge unique.

2.1.5.3 Art. 32

Concentrations d'entreprises (section 3) Ouverture de la procédure d'examen

Les différences de réglementation entre la Suisse et l'UE posent, tant aux entreprises qu'aux autorités en matière de concurrence, des problèmes de coordination dans les cas de fusions transnationales d'entreprises qui occasionnent ainsi des frais administratifs. D'une part, les délais prévus par l'UE sont plus longs et d'autre part, il est possible, au sein de l'UE, de les prolonger (p. ex. lors de l'examen de charges et de conditions ou à la demande des entreprises). Les entreprises souhaitent en général éviter que l'autorité suisse en matière de concurrence ne statue avant l'UE. La modification proposée maintient le délai principal, mais aménage la possibilité de compenser les différences de délais entre la Suisse et l'UE par le biais de prolongations de délai. Afin que l'Autorité de la concurrence ne puisse pas prolonger le délai de son propre chef, une telle prolongation suppose l'accord des entreprises notifiantes. Les motifs «importants» exigés par la loi pour prolonger le délai (notamment l'examen de conditions et de charges, l'harmonisation avec la procédure européenne relative à la concentration) devront être prévus après la présente révision partielle dans l'ordonnance sur le contrôle des concentrations d'entreprises (OCC)44.

La durée maximale de la prolongation du délai se calcule de la manière suivante: le délai prévu par l'UE comprend 25 jours ouvrés pour l'examen préalable, ce qui correspond à environ cinq semaines ou 35 jours (soit 4 à 7 jours ou jusqu'à une semaine de plus qu'en Suisse). Dans l'UE, le délai peut être prolongé de 10 jours ouvrés, soit d'environ deux semaines ou 14 jours. Dès lors, le délai doit pouvoir être prolongé au maximum de trois semaines, ou de 21 jours, en Suisse.

43 44

RS 173.110 RS 251.4

3678

Art. 33

Procédure d'examen

Al. 2: par analogie avec l'actuel art. 32, al. 2, LCart, le complément de phrase «sur demande des entreprises participantes» garantit que l'initiative d'une réalisation provisoire (avant la décision de l'Autorité de la concurrence) incombe aux entreprises. Cela correspond par ailleurs à la pratique actuelle. Les autres adaptations sont d'ordre linguistique et n'entraînent aucune modification sur le contenu.

Al. 4: par analogie avec l'art. 32 et pour les mêmes motifs, une prolongation de délai est également prévue pour l'examen approfondi des concentrations d'entreprises. La durée maximale de la prolongation du délai se calcule de la manière suivante: le délai prévu par l'UE comprend 90 jours ouvrés pour l'examen approfondi, ce qui correspond à environ 18 semaines ou 126 jours (soit 3 à 6 jours de plus qu'en Suisse). Dans l'UE, le délai peut être prolongé de 35 jours ouvrés, soit d'environ sept semaines ou 49 jours. Par ailleurs, les jours fériés européens durant lesquels le délai ordinaire de l'UE est suspendu doivent être compensés dans les grandes lignes. Dès lors, le délai doit pouvoir être prolongé au maximum d'un peu plus de huit semaines, ou de deux mois, en Suisse.

Al. 5: les concentrations sont soumises à d'importantes contraintes de temps. Les entreprises concurrentes doivent pouvoir compter sur des décisions claires et prises rapidement. C'est pourquoi des délais sont impartis à l'Autorité de la concurrence pour examiner les concentrations. Si les entreprises ne sont pas d'accord avec une décision prise par l'Autorité (en cas d'interdiction ou d'autorisation assortie de charges et de conditions), elles doivent pouvoir la contester rapidement par voie judiciaire. Si la procédure de recours est trop longue, elle dissuade, dans certains cas, les entreprises de recourir. Il convient donc d'introduire un délai de trois mois imparti au Tribunal de la concurrence pour statuer sur les recours, délai qui commence à courir dès la réception du recours. De l'art. 34 P-LCart, il ressort a contrario qu'il s'agit d'une délai d'ordre (et non d'un délai de péremption comme pour l'Autorité de la concurrence), dans le sens d'un appel à l'instance de recours de statuer de manière rapide.

Art. 34

Effets juridiques

En raison de la possibilité de prolonger le délai (art. 32, al. 3, et art. 33, al. 4, P-LCart), un renvoi est ajouté à l'art. 34 à ces deux nouvelles dispositions.

2.1.5.4 Art. 39

Dispositions procédurales et voies de droit (section 4) Principe

L'al. 1 règle le droit procédural applicable. L'Autorité de la concurrence est soumise aux mêmes règles que l'ancien secrétariat de la COMCO et la COMCO elle-même (ce qui permet de se référer à la jurisprudence et aux publications antérieures); sa procédure suit donc les dispositions de la PA, sous réserve de règles contraires fixées dans la loi (par exemple art. 42 et 57 LCart). Il en va de même pour le Tribunal de la concurrence: sous réserve de dispositions particulières fixées dans la LCart, sa procédure suit la LTAF et la PA. Selon que le Tribunal intervient comme instance de recours ou comme première instance (cf. commentaire de l'art. 24a P-LCart), sont désormais appliquées des dispositions différentes de la PA. Le TAF ayant déjà 3679

exercé la fonction d'instance de recours, il n'est pas nécessaire de prévoir des compléments. En revanche, le Tribunal de la concurrence fonctionnera désormais comme première instance dans certaines procédures. Ici, les normes procédurales applicables lui laissent une marge d'appréciation considérable pour ce qui est du déroulement concret de chaque procédure, ce qui permet une procédure taillée sur mesure pour chaque affaire et la formation progressive d'une pratique par groupe de cas. Voici une esquisse du déroulement possible de la procédure dans un cas où l'Autorité de la concurrence requiert des mesures et des sanctions administratives.

Toutes les procédures dans lesquelles le Tribunal de la concurrence fonctionne comme première instance ont en commun d'avoir été déclenchées par une proposition de l'Autorité de la concurrence justifiant la litispendance. Avec sa proposition, l'Autorité est également tenue de remettre ses dossiers au Tribunal. A partir de ce moment, il est probable qu'il faudra engager une correspondance, notamment pour transmettre la proposition aux entreprises concernées et leur fixer un délai de réponse. Souvent, il pourra être nécessaire de demander réplique et duplique. Cette correspondance peut se fonder sur une application par analogie de l'art. 31 PA, encore que l'art. 30 PA puisse aussi être invoqué. Après cela, le juge instructeur chargé de conduire la procédure décidera en général s'il convient d'administrer des moyens de preuve et, le cas échéant, lesquels (cf. art. 39 LTAF); il est également concevable qu'il s'avère nécessaire de renvoyer la proposition à l'Autorité de la concurrence (cf.

commentaire de l'art. 30 P-LCart). La nécessité de mener une audience d'instruction et, le cas échéant, d'en fixer la date (par exemple pour éclaircir des malentendus) dépend du cas concret, mais doit être une éventualité envisagée. Enfin, des débats publics ont lieu (cf. art. 40, al. 1, LTAF), sous réserve d'abandon de la part de l'Autorité de la concurrence et de toutes les autres parties. La délibération et le prononcé du jugement par le Tribunal de la concurrence suivent les art. 41 et 42 LTAF.

L'al. 2 consacre dans la loi la pratique actuelle, selon laquelle des mesures provisionnelles sont également possibles dans les procédures d'enquête relatives aux restrictions à la
concurrence. Au demeurant, l'art. 56 PA est désigné comme applicable en substance. L'al. 2 n'entraîne pas de modification matérielle. Il est cependant clair que l'Autorité de la concurrence ne peut pas elle-même ordonner des mesures provisionnelles. Cela correspond au droit actuel, dans lequel c'est la COMCO et non son secrétariat qui a la compétence d'ordonner des mesures provisionnelles. En raison des dispositions spéciales, le régime est différent pour le contrôle des concentrations d'entreprises (cf. art. 32, al. 2, et art. 33, al. 2, LCart).

Ici, c'est l'Autorité de la concurrence qui décide elle-même si la réalisation provisoire de la concentration d'entreprises est admise ou non, car c'est aussi elle qui tranche en matière de concentrations d'entreprises.

Dans la pratique, l'initiative d'ordonner des mesures provisionnelles vient fréquemment des entreprises. Pour ce faire, celles-ci doivent s'y prendre différemment selon l'état de la procédure. Si la procédure est déjà pendante auprès du Tribunal de la concurrence au moment où une entreprise demande l'ordonnance de mesures provisionnelles (ou la modification, voire la suspension de mesures provisionnelles ordonnées), elle le fera directement auprès du Tribunal. Cependant, les entreprises ne peuvent engager elles-mêmes de procédure devant le Tribunal de la concurrence (voir art. 30, al. 1, P-LCart et art. 36a LTAF). Tant qu'aucune procédure n'y est pendante, elles doivent donc adresser une demande d'ordonnance de mesures provisionnelles à l'Autorité de la concurrence. Cette dernière examine alors si elle juge 3680

l'ordonnance de mesures provisionnelles appropriée ou non en raison de «l'intérêt public pour la protection d'une concurrence efficace» (ATF 130 II 149 E. 2.4). Dans le premier cas, elle dépose une proposition correspondante auprès du Tribunal de la concurrence et lui fait parvenir la demande de l'entreprise. Dans le deuxième cas, il faut de nouveau distinguer entre deux possibilités: si aucune enquête au sens de l'art. 27 LCart n'a encore été ouverte à cette date, l'Autorité de la concurrence communique à l'entreprise son refus des mesures provisionnelles dans une lettre informelle (ATF 130 II 521 E. 2.7.4); l'entreprise reste alors toujours libre d'emprunter la voie de droit civil. Si, en revanche, une enquête a déjà été ouverte, l'Autorité de la concurrence peut communiquer d'abord à l'entreprise qu'elle ne juge pas l'ordonnance de mesures provisionnelles nécessaire pour des raisons d'intérêt public. Si l'entreprise ne retire pas sa demande auprès de l'Autorité de la concurrence, celle-ci la transmet avec sa propre requête en refus au TAF tout en prenant en compte l'urgence de la mesure demandée, après quoi le Tribunal statue.

L'al. 3 confère à l'Autorité de la concurrence la qualité pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision du Tribunal de la concurrence ­ que celui-ci se soit prononcé en première instance ou comme instance de recours (cf. art. 42, al. 3).

Cette réglementation tient compte tant des exigences du Tribunal fédéral en matière de base légale formelle que de la volonté du Conseil fédéral de préserver l'indépendance de l'Autorité de la concurrence dans le cadre des procédures de recours devant le Tribunal fédéral.

Art. 39a (nouveau)

Frais de procédure et dépens

L'art. 39a règle les coûts et indemnités liés à la procédure d'enquête relative aux restrictions à la concurrence, pour autant que ce soit le Tribunal de la concurrence qui statue. La disposition ne vaut donc pas pour les procédures s'arrêtant à l'Autorité de la concurrence.

Selon l'al. 1, les art. 63 à 65 PA s'appliquent par analogie, sauf disposition contraire de la LCart. De telles divergences sont prévues aux al. 2 et 3.

Comme ces procédures du Tribunal de la concurrence sont des procédures de première instance, par conséquent coûteuses, l'augmentation du plafond à 100 000 francs fixée à l'al. 2 pour les émoluments prévus dans le cadre des procédures de recours à l'art. 63, al. 4bis, PA est justifiée. Il faut mentionner que les émoluments pour les coûts de l'Autorité de la concurrence, qui seront également transmis au Tribunal de la concurrence, ne font pas partie de ces émoluments pour les décisions judiciaires, mais s'y ajoutent.

L'al. 3 prévoit que les tiers impliqués (comme c'est déjà le cas actuellement devant la COMCO) ne reçoivent aucun dépens et ne peuvent pas être condamnés à en verser à moins qu'ils n'aient, de manière téméraire ou par négligence grave, entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci difficile. Ils peuvent cependant être concernés par les coûts de procédure s'ils obtiennent la qualité de parties.

Concrètement, la règle prévue à l'art. 39a concernant les coûts de procédure signifie qu'en général, les frais de procédure sont mis à la charge de la partie déboutée (art. 63, al. 1, PA). Ces frais comportent aussi les émoluments relatifs à la procédure dirigée par l'Autorité de la concurrence conformément aux art. 26 à 30 P-LCart, mais qui sont fixés par le Tribunal de la concurrence (art. 53a, al. 2, P-LCart). Si le Tribunal de la concurrence ordonne des mesures à l'encontre d'une entreprise ou lui 3681

impose des sanctions, cette entreprise doit en principe assumer les coûts de procédure. Ceci vaut de manière analogue en cas d'approbation d'un accord amiable par le Tribunal de la concurrence. Si le Tribunal de la concurrence statue contre la proposition de l'Autorité, aucun frais de procédure n'est mis à la charge de cette dernière (art. 63, al. 2, PA). Pour les tiers qui participent à une enquête, l'obligation de supporter les frais de procédure dépend de ce qu'ils ont ou non qualité de partie au sens de l'art. 6 PA. Les tiers n'ayant pas qualité de partie ne peuvent pas se voir imposer des frais. En revanche, les tiers ayant qualité de partie supporteront en général les frais de procédure s'ils sont déboutés. Pour le montant imputé, le Tribunal de la concurrence dispose d'une importante marge d'appréciation (cf. art. 63, al. 4bis, PA), dans le cadre de laquelle il peut tenir compte en particulier de la mesure dans laquelle les réquisitions de tiers ayant qualité de partie concordent avec celles de l'Autorité de la concurrence ou les dépassent, d'où une augmentation des dépens.

En ce qui concerne les dépens, l'art. 39a prend en compte l'art. 64, al. 1, PA qui stipule qu'ils peuvent être alloués à la partie ayant eu gain de cause. Sont couverts ici les frais occasionnés pendant toute la période d'enquête et de décision. Ne sont remboursables toutefois que les frais indispensables, ce qui aboutira à un remboursement partiel, particulièrement en cas d'avis et de demandes inutilement longs. Si une enquête est classée par le Tribunal de la concurrence, ces dépens sont en faveur de l'entreprise à l'encontre de laquelle l'enquête se dirigeait et sont supportés par l'Autorité de la concurrence (art. 64, al. 2, PA). Sous réserve de complication volontaire de la procédure, les tiers participants (à titre de partie ou non) n'ont pas à verser de dépens au sens du présent al. 3, en particulier s'ils sont déboutés. On évite ainsi que des tiers ne s'abstiennent de participer à une procédure d'enquête relative aux restrictions à la concurrence par crainte de devoir verser des dépens, ce qui ne serait pas souhaitable. S'ils ne sont pas tenus de payer en cas de déboutement, le même principe doit valoir vice versa s'ils ont gain de cause. Même si l'Autorité de la concurrence a gain de cause, elle ne se voit pas allouer de dépens (cependant, les coûts sont remboursés via le Tribunal; cf. art. 53a, al. 2, P-LCart).

Art. 41

Assistance administrative et entraide judiciaire

Le devoir de collaborer des services officiels fixé à l'art. 41 s'applique tant vis-à-vis de l'Autorité de la concurrence que, nouvellement, vis-à-vis du Tribunal de la concurrence, ce qui entraîne une adaptation du titre.

Art. 42

Mesures d'enquête

L'al. 1 précise que l'Autorité de la concurrence et le Tribunal de la concurrence peuvent l'un et l'autre procéder à des auditions de témoins et de parties et enregistrer des dépositions.

Al. 2: en raison des modifications institutionnelles, l'al. 2 transfère à la seule autorité chargée de l'enquête, à savoir l'Autorité de la concurrence, la compétence d'ordonner des perquisitions et la saisie de preuves. Au sein de l'Autorité de la concurrence, cette compétence est aux mains du directeur (art. 42, al. 2, P-LCart, en lien avec art. 48, al. 3, de la loi sur le droit pénal administratif [DPA]45). Cette règle est com-

45

RS 313.0

3682

parable avec la répartition des compétences prévue par l'art. 198, al. 1, let. a, du code de procédure pénale (CPP)46.

Les mesures de contrainte mises à disposition de l'Autorité de la concurrence conformément à l'art. 42, al. 2, P-LCart, correspondent dans une large mesure à la situation actuelle. L'extension modérée prévue concernant les fouilles de personnes s'avère nécessaire, car la pratique a montré que les membres du personnel d'une entreprise touchée par une perquisition pouvaient être tentés de cacher d'éventuels moyens de preuve sur leur propre personne. A défaut de base légale permettant de procéder à une fouille, effectuée en général par les membres présents de la police cantonale, de tels objets (comme d'autres moyens de preuve que les personnes portent sur elles en temps normal, p. ex. des téléphones portables) seraient purement et simplement soustraits aux responsables de l'enquête. Par ailleurs, il est ainsi explicite que même les objets de l'entreprise qui ne sont pas clairement affectés aux locaux commerciaux, tels les véhicules, peuvent être fouillés par l'Autorité de la concurrence.

Al. 3: à la différence du principe prévu à l'art. 39, les recours formés contre les décisions relatives aux mesures de contrainte citées à l'art. 42, al. 2 (perquisitions, fouilles, mais aussi saisies) doivent être adressés à la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, qui statue aussi dans d'autres domaines sur de tels recours. Dans la mesure où le Tribunal de la concurrence ne participe pas déjà à l'examen de la licéité de certaines mesures de contrainte lors de la phase de l'enquête (notamment à l'examen de la condition liée au caractère suffisant des charges), toute partialité éventuellement problématique sous l'angle du droit est ainsi évitée. S'appliquent par ailleurs aux recours adressés au Tribunal pénal fédéral les dispositions de la DPA.

Tout comme celles du Tribunal de la concurrence, les décisions sur recours rendues par le Tribunal pénal fédéral peuvent être attaquées aussi par l'Autorité de la concurrence devant le Tribunal fédéral. Cette réglementation crée une base légale claire pour la qualité à recourir et assure l'indépendance de l'Autorité de la concurrence dans le cadre des procédures de recours devant le Tribunal fédéral.

Art. 42a

Enquêtes lors de procédures engagées au titre de l'accord sur le transport aérien entre la Suisse et l'UE

Le Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne a mis fin à l'existence de la Communauté européenne (CE), remplacée en droit par l'UE. Le libellé de l'art. 42a doit donc être adapté; il n'y a toutefois pas lieu de modifier le nom de l'autorité européenne qui a conclu l'accord. Le renvoi, à l'al. 2, à l'art. 44 LCart, abrogé depuis le 1er janvier 2007, est supprimé. Ces adaptations n'entraînent pas de modifications matérielles.

46

RS 312.0

3683

2.1.5.5

Sanctions administratives (section 6)

Art. 49a

Sanctions en cas de restrictions illicites à la concurrence

Al. 2: Atténuation de la sanction pour effort de conformité (compliance) L'actuel al. 1 est divisé en deux parties. L'adaptation de la fin de l'al. 2 est nouvelle et répond à un souci de la motion Schweiger, à savoir l'atténuation de la sanction pour effort de conformité (compliance) avec le droit des cartels. Ces efforts des entreprises doivent constituer une contribution efficace à l'imposition du droit des cartels. Pour satisfaire aux exigences élevées de la loi, les mesures de conformité adoptées doivent manifester un effort durable de l'entreprise pour empêcher non seulement les infractions générales au droit des cartels, mais encore et plus particulièrement celles du type commis. La mise en conformité (compliance) doit être considérée comme un élément important de la culture d'entreprise et être assurée par la mise sur pied d'un système adéquat sur le plan des ressources humaines, financières et organisationnelles. Les efforts de conformité doivent être adaptés à la taille de l'entreprise, à son activité et à la branche à laquelle elle appartient, et être mis en oeuvre efficacement au niveau interne. Il ne suffit pas d'édicter simplement des règles de comportement et d'attendre qu'elles soient respectées, il s'agit bien davantage d'analyser régulièrement les risques juridiques encourus, d'imposer les directives internes édictées, de sensibiliser la direction et le personnel aux exigences du droit des cartels, de les former périodiquement en fonction de la branche ou du poste occupé et de contrôler régulièrement les connaissances acquises et leur application pratique. Une des nombreuses mesures organisationnelles des entreprises sera par exemple de ne fixer que des objectifs atteignables sans infraction au droit des cartels. Des mécanismes de contrôle interne seront en outre mis en place afin de déceler et corriger le plus vite possible d'éventuelles infractions, et de les sanctionner au niveau interne (par exemple plaintes pénales [cf. Rapport Schweiger], demande en réparation de dommages, retrait de bonus, licenciement des collaborateurs fautifs, etc.).

Il incombe aux entreprises désireuses d'obtenir une réduction de sanction de prouver qu'elles ont pris, appliqué et respecté des mesures de conformité suffisantes; les simples déclarations ne suffisent pas. Les entreprises doivent donc
démontrer que les mesures adoptées étaient en principe adéquates, mais qu'elles ont échoué dans un cas particulier, du fait de circonstances spéciales qu'elles ne pouvaient éviter. Malgré la réduction de sanction, la rente cartellaire obtenue dans le cas particulier devrait être confisquée, ce qui peut signifier que l'entreprise sera certes tenue de rendre le gain illicite obtenu grâce au cartel, mais sans se voir infliger de charge financière supplémentaire.

Il est évident qu'il faudra toujours examiner attentivement au cas par cas le programme de conformité adopté et sa mise en oeuvre concrète. Dans les grandes entreprises à hiérarchie complexe et à forte dispersion des compétences décisionnelles et autres, les mesures de conformité devront par exemple être plus détaillées que dans les petites entreprises, où la direction ne délègue généralement guère ses compétences et intervient donc la plupart du temps elle-même dans les actes menaçant la concurrence. Etant donné la variété des rapports commerciaux et des actions entrepreneuriales possibles, on ne saurait donner ici de directives théoriques générales, contraignantes et détaillées pour la conception d'un système de conformité adéquat.

Ce serait d'ailleurs contre-productif, puisque les entreprises s'inspireraient alors 3684

aveuglément de ces directives abstraites au lieu d'élaborer et de mettre en oeuvre le programme de conformité le plus adapté à leur situation concrète. Il est évident que l'Autorité de la concurrence et les tribunaux auront ici une importante marge d'appréciation.

Al. 5: Procédure d'opposition La présente révision confirme la conception fondamentale de la procédure d'opposition adoptée en 2003 par le législateur (l'annonce de restrictions à la concurrence libère du risque d'une sanction tant qu'aucune procédure n'est ouverte).

Deux modifications devraient cependant contribuer à améliorer considérablement, dans la pratique, le fonctionnement de la procédure d'opposition, que ce soit pour les entreprises ou pour l'Autorité de la concurrence.

Premièrement, le voeu maintes fois exprimé par les entreprises d'un raccourcissement des délais est entendu: le délai dans lequel l'Autorité de la concurrence doit agir est ramené de cinq à deux mois. Le comportement annoncé perd donc définitivement tout caractère punissable pour autant que l'Autorité de la concurrence n'ouvre ni enquête préalable ni enquête dans les deux mois suivant l'annonce. Si ultérieurement le comportement s'avère malgré tout contraire à la législation sur les cartels, il ne peut être interdit que pour l'avenir et toute sanction est exclue.

Deuxièmement, seule l'ouverture d'une enquête formelle au sens de l'art. 27 LCart permet désormais au risque de sanction de subsister. Après l'ouverture d'une enquête préalable informelle (art. 26 LCart), l'entreprise a donc la possibilité d'adopter le comportement concerné «sous réserve» (c'est-à-dire jusqu'à l'ouverture éventuelle d'une enquête formelle) sans risquer de sanction. Le but visé est de pouvoir juger, sur la base des effets sur le marché, si, dans les cas annoncés délicats, soit ceux qui ne peuvent être qualifiés d'emblée de tolérables ou d'interdits, il y a ou non restriction illicite de la concurrence.

Si, à l'issue d'une enquête préalable, l'Autorité de la concurrence parvient à la conclusion qu'il existe effectivement des indices donnant à penser que le comportement annoncé (le cas échéant, sous une forme modifiée) constitue une restriction illicite à la concurrence, elle informe au préalable l'entreprise qu'elle est sur le point d'ouvrir une enquête pour que celle-ci puisse encore
réagir. Jusqu'à ce moment, l'entreprise a donc la possibilité de renoncer au comportement restreignant la concurrence ou de le modifier (éventuellement d'entente avec l'Autorité de la concurrence). Si l'entreprise maintient la restriction à la concurrence telle quelle malgré l'ouverture d'une enquête formelle et que cette restriction s'avère effectivement contraire à la LCart (art. 49a LCart) par la suite, elle encourt alors le risque d'une sanction.

Al. 6: Prise en compte des dommages-intérêts versés A l'avenir, il pourrait y avoir plus de cas particuliers de double charge illégitime d'une entreprise (quoique cela soit déjà concevable dans le droit actuel), l'entreprise étant d'abord sommée d'acquitter le montant de la sanction administrative, puis condamnée à payer des dommages et intérêts suite à une procédure civile. Si une entreprise frappée de sanction au terme de la procédure administrative doit verser par la suite des dommages et intérêts ou des réparations sur la base du jugement exécutoire d'un tribunal civil ou qu'elle doive procéder à une restitution des gains, elle peut adresser une proposition à l'Autorité de la concurrence. Celle-ci demande alors au Tribunal de la concurrence de réduire la sanction administrative de manière 3685

appropriée ou, si l'entreprise a déjà payé, de lui en restituer une partie appropriée.

Signalons enfin que, dans le cas plutôt rare où une entreprise serait d'abord condamnée à payer des dommages et intérêts d'ordre civil, puis à acquitter un montant au titre d'une sanction administrative, le paiement effectué doit déjà être pris en compte (al. 2) dans le cadre du calcul du profit présumé.

Art. 50

Violations de décisions et d'accords amiables

Dans le titre ainsi que dans la formulation de l'article, il est pris en considération, comme à l'art. 54 LCart, du fait qu'en raison de la réforme institutionnelle seul le non-respect d'accords amiables et des décisions du Tribunal de la concurrence ou du Tribunal fédéral peut être sanctionné (l'inobservation «d'une décision entrée en force prononcée par les autorités en matière de concurrence» devient caduque). Pour des raisons de lisibilité, la dernière phrase de l'article est déplacée dans le nouvel al. 2.

2.1.5.6

Emoluments (section 7)

Art. 53a L'art. 53a P-LCart règle les émoluments de l'Autorité de la concurrence (ceux du Tribunal de la concurrence sont régis par la LTAF, en liaison avec l'art. 39a PLCart).

Au début de la let. a de l'al. 1, la partie de phrase «décisions concernant l'enquête relative aux restrictions à la concurrence» est remplacée par «procédure» pour tenir compte des changements institutionnels (c'est désormais le Tribunal de la concurrence qui statue en matière d'enquêtes). On précise encore de la sorte que des émoluments peuvent aussi être perçus pour des enquêtes préalables au sens de l'art. 26 LCart, lesquelles ne se concluent pas par une décision (en particulier en cas d'arrêt de la procédure suite à un changement de comportement des entreprises; a contrario art. 53a, al. 3, let. b, P-LCart). Cela n'entraîne pas de modification matérielle.

Par la même occasion, la let. c de l'al. 1 est complétée par une base légale expresse concrétisant la pratique actuelle incontestée des autorités en matière de concurrence.

L'al. 2 précise que, dans les cas aboutissant à une décision du Tribunal de la concurrence conformément à l'art. 30, al. 1, P-LCart, l'Autorité de la concurrence ne perçoit pas elle-même les émoluments relatifs à la procédure qu'elle a dirigée conformément aux art. 26 à 30 LCart, ces émoluments étant fixés par le Tribunal de la concurrence et non par l'Autorité elle-même. Une telle solution permet de tenir compte du principe de la partie qui succombe, tel que prévu à l'al. 3, let. c. Pour être complets, expliquons encore pourquoi l'al. 2 contient une référence à l'art. 26 LCart.

On précise ainsi que les émoluments pour une enquête préalable doivent être fixés par le tribunal conjointement avec ceux de l'enquête formelle consécutive et qu'il n'est pas nécessaire de les percevoir séparément.

Al. 3: cet alinéa ancre désormais dans la loi la situation juridique actuellement concrétisée aux art. 2 et 3, al. 2, de l'ordonnance du 25 février 1998 sur les émolu-

3686

ments LCart (OEmol-LCart)47. La LCart contient ainsi désormais une réglementation claire, tant en ce qui concerne l'obligation de verser des émoluments découlant du principe de causalité (première phrase) qu'en ce qui concerne les cas dans lesquels aucun émolument n'est perçu, notamment en raison du principe de la partie qui succombe (deuxième phrase).

L'al. 4 reprend l'actuel al. 2 et l'al. 5 reprend la disposition actuellement fixée à l'al. 3 en l'adaptant selon la nouvelle organisation institutionnelle.

2.1.6 Art. 54

Sanctions pénales (chap. 5) Violations de décisions et d'accords amiables

Dans le titre ainsi que dans la formulation de l'article, il est pris en considération, comme à l'art. 50, du fait qu'en raison de la réforme institutionnelle seul le nonrespect d'accords amiables et des décisions du Tribunal de la concurrence ou du Tribunal fédéral peut être sanctionné (le non-respect «d'une décision entrée en force prononcée par les autorités en matière de concurrence» devient caduc).

Art. 56

Prescription

L'al. 1 est une conséquence rédactionnelle de la modification du titre de l'art. 54.

2.1.7

Evaluation (chap. 6a)

Art. 59a La publication du rapport du Conseil fédéral concernant l'évaluation de la LCart et la suite à donner au dossier concrétise l'actuel article relatif à l'évaluation. Le Conseil fédéral considère que la marche à suivre actuelle a fait ses preuves et propose de prévoir, à intervalles périodiques, une évaluation de l'efficacité et des mesures de la LCart à l'intention du Parlement. En effet, une évaluation périodique permet au Conseil fédéral et au Parlement d'examiner l'orientation de la législation sur les cartels et, le cas échéant, de la redéfinir. Pour la réalisation de cette évaluation, le Conseil fédéral impliquera l'Autorité de la concurrence, en particulier le conseil de l'Autorité de la concurrence (conseil de l'AC).

2.1.8 Art. 6

Modification de la loi sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF) Incompatibilité à raison de la fonction

Les al. 1, 3 et 4 restent inchangés, tandis que l'al. 2 est complété.

La participation à un organe ou le statut d'employé d'une association économique ou professionnelle ou d'une organisation de protection des consommateurs devrait 47

RS 251.2

3687

souvent être incompatible avec l'activité de juge au TAF du seul fait de la clause générale. Car le soupçon que des organes ou employés ne peuvent pas exercer une activité de juge indépendamment de «leur» organisation se manifeste régulièrement.

La deuxième phrase introduite à l'al. 2 fixe simplement explicitement que, pour les juges en charge de procédures cartellaires, la participation à un tel organe ou le statut d'employé sont toujours exclus. On s'assure ainsi qu'aucun groupement d'intérêts ne puisse influencer le TAF et y siéger à travers ses représentants, comme c'était le cas jusqu'ici à la COMCO.

Art. 16

Cour plénière

Les al. 1 et 2 restent inchangés.

Al. 3: pour satisfaire aux exigences de composition de la cour du Tribunal fixées à l'art. 21, al. 3, LTAF, il faut tenir compte du fait que seront désormais élus au TAF des juges à faible temps partiel, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Accorder à ceuxci une voix entière en cour plénière ne serait guère logique. C'est pourquoi il est prévu, pour des raisons de commodité et dans une certaine mesure par souci de simplification, qu'ils désignent parmi eux un représentant disposant d'une voix par groupe de trois, étant entendu qu'ils auront au moins un représentant quel que soit leur nombre.

Art. 21

Composition

2e

Al. 2, phrase: en règle générale, les corps décisionnels du TAF siègent à trois juges, exceptionnellement à cinq. Ce principe est aussi valable pour les procédures de recours en droit des cartels, ce qui signifie par exemple, lors d'un recours contre une décision de l'Autorité de la concurrence dans le contrôle des fusions que c'est au Tribunal de décider s'il est opportun de siéger à cinq juges. En revanche, pour les examens en première instance selon l'art. 36a, let. a à c, LTAF, il sied d'inverser cette règle/exception pour les procédures cartellaires. Pour la nouvelle 2e phrase de l'art. 21, al. 2, LTAF, la formation à cinq juges se justifie surtout par l'équilibre à trouver entre l'efficacité de la jurisprudence et l'assise la plus large possible des arrêts. Elle répond ensuite à l'intérêt pour le développement du droit et l'unité de la jurisprudence. Dans le droit des cartels, en effet, il y a un besoin particulier de développement et d'unité en raison du nombre limité de cas par an et, simultanément, de l'importance économique que ceux-ci revêtent par leur effet préjudiciel.

Enfin la composition à cinq simplifie la réalisation des exigences stipulées à l'al. 3, pour le corps décisionnel (c'est-à-dire l'exigence de connaissances économiques et d'expérience entrepreneuriale). Le Tribunal de la concurrence reste de toute façon libre de déroger à la règle dans un cas opportun et de prévoir exceptionnellement de siéger à trois juges. Cette éventualité est concevable, par exemple, s'il s'agit d'approuver un accord amiable. Reste réservée par ailleurs la compétence du juge unique prévue à l'art. 30, al. 5, P-LCart.

Al. 3: le Tribunal de la concurrence se prononce sur des cas complexes situés à mi-chemin entre droit et pratique économique, ce qui exige des juges des connaissances approfondies de ces deux domaines. La désignation d'une formation appelée à statuer qui réunit des juges formés et expérimentés sur le plan juridique et des juges avec des connaissances économiques ou au bénéfice d'une expérience entrepreneuriale constitue dès lors une condition indispensable pour arriver à une décision adéquate. Cette nécessité s'impose également du fait que le TAF ne fonctionne3688

ra plus comme instance de recours, mais comme première instance dans le droit des cartels (sauf en ce qui concerne le contrôle des concentrations d'entreprises), et que ses constatations de fait ne seront plus soumises à un examen avec plein pouvoir de cognition en cas de recours au Tribunal fédéral. Pour satisfaire à ces exigences, il faudra élire au TAF des juges compétents, notamment des spécialistes de l'économie et avec une expérience entrepreneuriale.

Pour assurer les connaissances nécessaires dans les procédures cartellaires, il faut que chaque corps décisionnel comprenne aussi bien de juges disposant de connaissances juridiques que des juges avec des connaissances économiques ­ c'est-à-dire des juges avec des connaissances d'économie publique, en particulier d'économie industrielle, ainsi que des juges au bénéfice d'une expérience entrepreneuriale ­ et cela dans une proportion appropriée. Si le tribunal siège à cinq juges, il faut au moins deux juges disposant de connaissances économiques; s'il siège à trois juges, il en faut au moins un. Des exceptions à cette règle peuvent être prévues si des raisons valables le justifient, par exemple lorsqu'un recours est formé contre une décision incidente. Le règlement du TAF concrétisera l'art. 24 LTAF.

Pour que l'Assemblée fédérale désigne des personnes avec les connaissances souhaitées en tant que juges au sein du TAF, il est pertinent d'inscrire dans la loi sur le Parlement une règle qui oblige le législateur et qui complète cet art. 21, al. 3, LTAF (art. 40a, al. 3bis, LParl); désormais, la composition de la formation ordinaire du Tribunal de la concurrence ne sera conforme sur le plan légal que si des juges possédant les connaissances nécessaires sont choisis.

En prenant en compte la charge de travail attendue, les suppléances à assurer, ainsi que la faculté de compenser un juge récusé, il est nécessaire d'élire environ six juges, bien que le chiffre exact dépende du taux d'occupation (encore inconnu) de chaque juge. Ces exigences formelles ne doivent pas faire l'objet d'une réglementation détaillée; l'autorité compétente en matière de nomination doit jouir de la liberté d'appréciation appropriée pour désigner les membres du tribunal et le champ des candidats potentiels ne doit pas être inutilement restreint. L'expérience montre qu'il pourrait
être difficile de trouver des personnes suffisamment qualifiées en économie ou en gestion d'entreprise et intégrées dans la pratique économique qui soient intéressées par une activité de juge à plein temps ou à temps partiel; il faut donc pouvoir envisager des taux d'occupation bas. Dans leur ensemble, les taux d'occupation de ces quelque six juges devraient correspondre à environ deux postes à plein temps.

Art. 23

Juge unique

L'al. 2 est complété par une référence à la compétence du juge unique prévue à l'art. 30, al. 5, P-LCart.

Art. 33

Autorités précédentes

L'art. 33 est adaptée pour donner la possibilité de recourir auprès du TAF contre la révocation d'un membre du conseil de l'AC par le Conseil fédéral, prévue à l'art. 4, al. 5, de la loi fédérale sur l'Autorité de la concurrence (LAC). Une adaptation correspondante pour le directeur n'est pas nécessaire, la résiliation de son rapport de travail devant être approuvée par le Conseil fédéral selon l'art. 5, al. 1, let. f, LAC.

Dans ce cas, en effet, le recours contre la décision du Conseil fédéral (décision d'approbation en l'espèce) est possible au travers de l'art. 33, let. a, qui régit le 3689

recours contre les décisions relatives aux rapports de travail du personnel de la Confédération.

Art. 36a (nouveau) L'art. 36a, qui figure sous la nouvelle section 2a «Propositions de l'Autorité de la concurrence», fonde la compétence du Tribunal de la concurrence de statuer en première instance sur les propositions de l'Autorité de la concurrence. L'instrument de la proposition est examiné dans le commentaire de l'art. 30 P-LCart (cf. plus haut). Il faut relever que la proposition qui déclenche la procédure de première instance auprès du Tribunal de la concurrence doit émaner de l'Autorité de la concurrence et que seule cette dernière peut justifier la litispendance de la procédure auprès du Tribunal (cf. art. 30 P-LCart). Les entreprises ou tiers ne peuvent donc pas déposer de proposition, d'où il ressort clairement que même à l'avenir le TAF ne sera pas compétent pour les procédures cartellaires civiles. Les éléments énumérés aux let. a à d correspondent à ceux de l'art. 30, al. 1, P-LCart.

Signalons enfin à titre de complément que la compétence du TAF en tant qu'instance de recours contre les décisions de l'Autorité de la concurrence, par exemple en matière de procédure ou de contrôle des concentrations d'entreprises, découle de l'art. 33, let. e, LTAF, puisque l'Autorité de la concurrence sera désormais effectivement un établissement au sens de cette disposition. L'art. 42, al. 3, P-LCart y prévoit une seule exception: l'instance de recours qui statue sur les mesures de contrainte au sens de l'art. 42, al. 2, P-LCart décidées par l'Autorité de la concurrence reste la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral; elle ne sera pas le Tribunal de la concurrence.

Art. 40

Débats

L'art. 40 LTAF règle la conduite de débats publics devant le Tribunal de la concurrence. Dans le règlement actuel, cette publicité est une exception. Dans les procédures qui tombent sous le coup de l'art. 6, al. 1, CEDH ­ ce qui est régulièrement le cas des procédures cartellaires ­ l'art. 40, al. 1, LTAF prévoit la publicité des débats publics si un intérêt public le justifie (let. b48) ou si une partie le demande (let. a).

L'ajout d'une nouvelle clause, let. c, renverse désormais le rapport règle/exception pour les procédures cartellaires dans lesquelles l'Autorité de la concurrence dépose des propositions ayant des conséquences importantes pour les entreprises (propositions au sens de l'art. 36a, let. a à c). Dans ce cas-là, les débats sont publics, à moins que toutes les parties, y compris l'Autorité de la concurrence, y renoncent. Cela se justifie d'une part parce que le Tribunal de la concurrence intervient ici ­ ce qui n'est pas usuel ­ en tant que première instance et non comme instance de recours, et d'autre part en raison de la portée (économique), des conséquences importantes pour les entreprises ainsi que de l'effet préjudiciel considérable des décisions du Tribunal.

A noter que pour protéger les secrets d'affaires des entreprises, il sera souvent justifié de prononcer un huis-clos partiel. L'al. 3 fournit la base légale à cet effet.

48

L'ajout d'un nouvel élément (let. c dans les versions allemande et italienne) justifie pour le confort de lecture, que l'on adopte également en français la forme de l'énumération.

3690

Art. 44 La modification d'ordre rédactionnel de l'al. 1 sert à préciser que, conformément au titre de la section, cette disposition s'applique uniquement aux procédures d'action et non aux procédures cartellaires au sens de l'art. 36a LTAF, dans lesquelles le TAF interviendra également en tant que première instance.

2.1.9

Dispositions transitoires et dispositions finales

Art. 1

Droit applicable à l'examen des concentrations d'entreprises

L'art. 1 précise que le droit actuel reste applicable aux procédures d'examen des concentrations d'entreprises déjà engagées à la date de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, et cela autant pour les dispositions matérielles que pour les dispositions procédurales. Il en résulte que l'actuelle COMCO devra subsister un certain temps, soit une année au plus à partir de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions (art. 25 LAC).

Art. 2

Droit de procédure applicable aux enquêtes concernant des restrictions à la concurrence

Pour les enquêtes qui sont en cours auprès de la COMCO ou de son secrétariat (actuel) à la date de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, la question du droit de procédure applicable dépend de ce que la proposition du secrétariat de la COMCO aura déjà été communiquée ou non aux parties. Si elle l'a été, on en reste aux compétences et au droit de procédure actuels (al. 1); dans le cas contraire, le nouveau droit s'appliquera (al. 2). Cette démarcation a été choisie en fonction du statut différent des propositions dans l'ancien et dans le nouveau droit (cf. commentaire de l'art. 30 P-LCart). Selon l'al. 3, les recours en procédure cartellaire déjà pendants devant le TAF à la date de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions seront régis par l'ancien droit de procédure. Dans ces procédures en recours, la COMCO assumera ses tâches pendant encore un an avant de les céder à l'Autorité de la concurrence.

Art. 3

Droit applicable aux procédures au sens de l'art. 49a, al. 5

L'art. 3 prévoit qu'en procédure d'opposition (art. 49a, al. 5, P-LCart), le délai de cinq mois fixé dans le droit actuel reste valable si l'annonce a encore été déposée avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. On évite ainsi que l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, où l'ancien délai de cinq mois est raccourci à deux mois, n'entraîne l'échéance d'un délai qui courrait encore sous l'ancien droit.

A part cette question de délai, les nouvelles dispositions sont applicables dès leur entrée en vigueur à ces procédures. Les entreprises qui s'annoncent en retirent l'avantage que le risque de sanction ne naît qu'à partir de l'ouverture d'une enquête formelle (art. 27 LCart).

3691

Art. 4

Prescription de prétentions en matière de droit civil

Selon l'art. 4, les prétentions prescrites le restent (par analogie avec l'ATF 124 III 266). Il ne serait en effet guère compatible avec la sécurité juridique qu'une telle prétention redevienne opposable suite à l'entrée en vigueur de l'art. 12a P-LCart. Si en revanche une prétention n'est pas encore prescrite à la date d'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, l'art. 12a P-LCart sera applicable à cette prétention.

2.2

Loi fédérale sur l'Autorité de la concurrence (LAC)

2.2.1

Autorité de la concurrence

Art. 1

Forme juridique

L'Autorité de la concurrence est un établissement de droit public doté d'une personnalité juridique propre (al. 1). En tant qu'établissement de droit public, elle fait donc partie de l'administration fédérale décentralisée, à l'instar de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IFPI). Comme cela s'est avéré pratique pour les déplacements des entreprises concernées et la collaboration avec l'administration, l'Autorité reste domiciliée à Berne.

Les al. 2 et 3 précisent l'autonomie de l'Autorité de la concurrence en matière d'organisation et de gestion dans le cadre de la présente loi. L'Autorité tient sa propre comptabilité et applique les principes d'une gestion économique.

Art. 2

Tâches

L'art. 2 dispose que l'Autorité de la concurrence exerce les tâches qui lui sont confiées par la LAC, la LCart, la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le marché intérieur (LMI)49 ainsi que par d'autres lois. Sont en particulier concernées la loi fédérale du 20 décembre 1985 concernant la surveillance des prix (LSPr)50, la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur les entraves techniques au commerce (LETC)51, la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation (LA)52, la loi du 30 avril 1997 sur les télécommunications (LTC)53 et la loi fédérale du 24 mars 2006 sur la radio et la télévision (LRTV)54. Il s'agit en particulier des tâches suivantes:

49 50 51 52 53 54

­

édicter et publier des communications (art. 6 LCart);

­

examiner l'admissibilité d'une restriction à la concurrence dans les procédures civiles (art. 15 P-LCart) et rédiger des expertises pour d'autres autorités (art. 47 P-LCart);

­

conseiller les services officiels et les entreprises sur des questions relatives à la LCart (art. 24a, al. 1, P-LCart);

­

participer à l'élaboration des actes normatifs dans le domaine du droit de la concurrence (art. 24a, al. 2, P-LCart); RS 943.02 RS 942.20 RS 946.51 RS 748.0 RS 784.10 RS 784.40

3692

­

communiquer des données au Surveillant des prix (art. 25, al. 3, P-LCart);

­

examiner les restrictions à la concurrence (art. 26 à 30, 42 et 42a P-LCart) et participer aux procédures devant le Tribunal de la concurrence;

­

examiner les concentrations d'entreprises (art. 32 à 38 P-LCart);

­

demander des mesures provisionnelles (art. 39, al. 2, P-LCart);

­

déposer des recours (art. 39, al. 3 et art. 42, al. 3, P-LCart);

­

observer la situation de la concurrence de façon suivie (art. 45, al. 1, P-LCart);

­

adresser aux autorités des recommandations (art. 45, al. 2, P-LCart) et émettre des préavis (art. 46 P-LCart);

­

publier ses décisions (art. 48, al. 1, P-LCart et art. 10a, al. 1, LMI), rassembler et publier périodiquement les jugements rendus en vertu de la LCart et de la LMI (art. 48, al. 2, P-LCart et art. 10a, al. 2 et 3, LMI);

­

informer le public de ses activités (art. 49 P-LCart);

­

sur délégation du Conseil fédéral, représenter la Confédération dans les organisations et associations internationales dans le cadre de son activité de surveillance;

­

examiner les annonces (art. 49a, al. 5, P-LCart);

­

enquêter sur les inobservations (art. 50 à 53 P-LCart) et participer aux procédures devant le Tribunal de la concurrence;

­

conduire des procédures (art. 54, 55, 58 et 59 P-LCart);

­

participer à l'évaluation (art. 59a P-LCart);

­

veiller à ce que la Confédération, les cantons, les communes et les autres organes assumant des tâches publiques respectent la LMI (art. 8, al. 1, LMI);

­

adresser à la Confédération, aux cantons et aux communes des recommandations concernant les actes législatifs envisagés ou existants (art. 8, al. 2, LMI);

­

effectuer des enquêtes et adresser des recommandations aux autorités concernées (art. 8, al. 3, LMI);

­

garantir, en collaboration avec les cantons et les services fédéraux concernés, la bonne exécution de l'art. 4, al. 3bis, LMI (art. 8, al. 4, LMI) et formuler des recommandations à cet effet;

­

poursuivre et juger les violations de l'obligation de renseigner (art. 8c LMI);

­

déposer recours pour faire constater qu'une décision restreint indûment l'accès au marché (art. 9, al. 2bis, LMI);

­

établir des expertises et être entendue devant le Tribunal fédéral (art. 10 LMI);

­

coopérer avec le Surveillant des prix (art. 5 LSPr);

­

en matière d'entraves techniques au commerce, recourir contre les décisions de portée générale prévues aux art. 19, al. 7, et 20 LETC (art. 20a, al. 3, LETC); 3693

­

être consultée en matière de position dominante sur le marché (art. 11a, al. 2, LTC et art. 74, al. 2, LRTV).

Art. 3

Organes

Les organes de l'Autorité de la concurrence sont le conseil de l'Autorité de la concurrence (conseil de l'AC), la direction et l'organe de révision. «Le nombre d'organes, leur composition et leur collaboration doivent garantir une conduite et une surveillance efficaces et efficientes sur le plan de l'exploitation» (rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise, 2006, p. 7799; rapport explicatif de l'Administration fédérale des finances, 2009, p. 2299 ss.). Chaque organe doit disposer des compétences (ou des droits et devoirs) qui correspondent à sa fonction, de façon à équilibrer la conduite et le contrôle (checks and balances) et à éviter les doublons. Par principe, personne ne peut être membre de plusieurs organes à la fois.

Art. 4

Fonction et composition du conseil de l'AC

L'indépendance de l'Autorité de la concurrence reste un critère primordial également pour la nomination du conseil de l'AC. La sélection des membres répond au profil d'exigences établi par le Conseil fédéral. En tant que collège, le conseil de l'AC doit disposer d'un groupe d'experts qui ont une expérience de la conduite (surveillance sur la direction et l'organisation), des connaissances en droit, en économie d'entreprise et en économie publique, et si possible une expérience en affaires judiciaires.

Le Conseil fédéral nomme les membres du conseil de l'AC et désigne en particulier le président. Il doit pouvoir faire appel à des personnes de nationalité étrangère. Il peut révoquer des membres pour de justes motifs, mais une vérification judiciaire doit être possible.

Le conseil de l'AC se compose de cinq membres nommés pour une période de quatre ans; leur mandat peut être renouvelé deux fois. Les membres du conseil de l'AC exercent leur fonction à titre accessoire. Le conseil ne devrait tenir qu'un nombre limité de séances ordinaires par an pour remplir ses tâches.

Le Conseil fédéral fixe le montant des indemnités des membres du conseil de l'AC.

En principe, la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération (LPers)55 n'est pas applicable. Cependant, l'art. 6a LPers vaut directement et non pas seulement en substance, conformément à son domaine d'application spécialement défini.

Ceci se répercute seulement sur les principes à développer et à appliquer par le Conseil fédéral, ainsi que sur le rapport du conseil de l'AC destiné au Conseil fédéral concernant sa rémunération. En règle générale, les conditions contractuelles sont inscrites dans le mandat. Le rapport entre l'Autorité de la concurrence et les membres du conseil de l'AC est d'ordre contractuel (de droit public; les art. 394 ss. CO sont applicables à titre complémentaire); il se fonde sur le mandat établi par le Conseil fédéral.

55

RS 172.220.1

3694

Art. 5

Tâches du conseil de l'AC

L'al. 1 énumère les tâches du conseil de l'AC. En résumé, celles-ci consistent à mettre en place le cadre organisationnel (let. a à e), à désigner et surveiller la direction (let. f à h) ainsi qu'à adopter les buts stratégiques, le rapport de gestion et le budget (let. i à k).

Pour que le conseil de l'AC puisse les remplir, la direction prépare les dossiers, car elle dispose des informations dont le conseil de l'AC a besoin pour exercer sa charge. Les conflits de compétence possibles entre le conseil de l'AC et la direction sont réglés par la clause d'exclusion (art. 7, let. j).

Selon la let. a, le règlement d'organisation fixe en particulier l'organigramme, l'administration, les compétences, les activités, les modalités de la prise de décision et la politique d'information (publications comprises) du conseil de l'AC, de la direction et de la comptabilité de l'Autorité de la concurrence. Il est élaboré par la direction et promulgué par le conseil de l'AC.

Conformément à la let. b, le conseil de l'AC s'occupe de mettre en place un système adéquat de contrôle interne et de gestion des risques. Selon l'arrêté du Conseil fédéral du 15 janvier 2005 (Politique des risques: bases pour la gestion des risques de la Confédération), les objectifs stratégiques doivent impérativement comporter d'autres considérations sur la gestion des risques.

Conformément à la let. c, le conseil de l'AC édicte les règlements du personnel et des émoluments préparés par la direction, actes qui nécessitent tous deux l'approbation du Conseil fédéral. Il conclut en outre le contrat d'affiliation préparé par la direction avec la caisse de pensions de la Confédération (PUBLICA; let. d).

L'organe paritaire pour la caisse de pensions de l'Autorité de la concurrence collabore à l'élaboration du contrat, son approbation étant une condition préalable à son établissement. De plus, l'opération doit également être approuvée par le Conseil fédéral. Le conseil de l'AC règle la composition, le mode d'élection et l'organisation de l'organe paritaire de la caisse de prévoyance (let. e). Le statut du personnel et de la caisse de pensions est de droit public, dans le cadre de la LPers.

Le conseil de l'AC statue sur la conclusion, la modification et la révocation du rapport de travail avec le directeur ainsi qu'avec les autres membres de la
direction (let. f et g). En raison de sa responsabilité politique générale, le Conseil fédéral exerce un droit d'approbation lors de la conclusion et de la révocation du rapport de travail du directeur. Selon la let. h, le conseil de l'AC contrôle en outre la direction.

Selon la let. i, les objectifs stratégiques sont le principal instrument de pilotage dynamique de l'Autorité. Ils établissent le lien entre le droit statique, applicable à long terme, et sa mise en oeuvre opérationnelle et stratégique par les organes directeurs. Les objectifs stratégiques découlent d'une part du mandat légal, d'autre part des conditions spécifiques au sein et autour de l'Autorité. Les défis qui résultent de ces conditions font l'objet même des objectifs stratégiques.

Les objectifs stratégiques sont contraignants pour le conseil de l'AC et la direction.

La direction les élabore pour un horizon de quatre ans et les soumet au conseil de l'AC pour décision, qui les soumet à l'approbation du Conseil fédéral. La direction fait rapport annuellement au conseil de l'AC sur les objectifs stratégiques atteints.

Le conseil de l'AC soumet ce rapport au Conseil fédéral. En outre, il présente les buts stratégiques de l'Autorité de la concurrence au Conseil fédéral au moins une fois par année conformément à l'art. 20, al. 2.

3695

Les let. j et k disposent que le conseil de l'AC adopte le budget de l'Autorité de la concurrence, présente les demandes d'indemnités nécessaires à l'Autorité de la concurrence pour le financement de ses tâches au sens de l'art. 13 et rédige un rapport d'activité annuel. La direction prépare les documents correspondants. Le conseil de l'AC soumet les documents révisés au Conseil fédéral pour approbation.

Il adjoint une proposition de décharge au rapport d'activité qu'il présente au Conseil fédéral.

Avec les al. 2 et 3, le conseil de l'AC est tenu généralement de défendre les intérêts de l'établissement. Il définit dans son règlement d'organisation les dispositions générales sur le traitement des conflits d'intérêt et prend les mesures nécessaires dans les cas concrets. Le règlement d'organisation statuera impérativement sur le devoir d'informer des membres du conseil de l'AC ­ et de la direction ­ en cas de conflit d'intérêt concret.

Art. 6

Fonction et composition de la direction

L'Autorité de la concurrence dispose d'une direction composée d'au moins trois membres et présidée par un directeur (al. 1). La direction est un organe collégial doté des fonctions correspondantes, qui ne sont pas l'unique privilège du directeur.

Personne ne pouvant en principe être membre simultanément de plusieurs organes d'entités devenues autonomes, il est exclu qu'un membre du conseil de l'AC siège à la direction. Le devoir de loyauté de la direction et celui de défendre les intérêts de l'Autorité de la concurrence sont régis par la LPers (cf. art. 9, al. 1, LAC), l'OPers et les autres règlements internes, contrat de travail compris.

Art. 7

Tâches de la direction

La direction est l'organe exécutif et opérationnel de l'Autorité de la concurrence et est chargé des tâches matérielles (notamment du traitement des cas). Son cahier des charges est fixé dans le règlement d'organisation édicté par le conseil de l'AC (art. 5, al. 1, let. a). Les tâches de la direction comprennent entre autres la promulgation de décisions, en particulier concernant les procédures relatives aux concentrations, l'ouverture d'enquêtes, le dépôt de propositions auprès du Tribunal de la concurrence ainsi que l'établissement de recommandations, prises de position et avis (let. b à f). La délégation de compétences décisionnelles doit être réglée dans le règlement d'organisation, de même que d'autres questions d'organisation interne comme la participation de la direction aux séances du conseil de l'AC.

Selon la let. d, dans les procédures relatives aux concentrations, c'est la direction qui prend les décisions; le Tribunal de la concurrence fonctionne à titre d'instance de recours à cause de l'urgence particulière des cas.

Selon la let. f, la direction soumet les recommandations visées à l'art. 45 P-LCart, rend les préavis visés à l'art. 46 P-LCart et établit les avis visés à l'art. 47 P-LCart.

La direction représente l'Autorité de la concurrence auprès des autorités, des gouvernements, des entreprises et des citoyens (let. g). Elle la représente également dans les organisations internationales (p. ex. à l'OCDE et en tant que membre de l'ICN [International Competition Network]) et participe à la représentation de la Suisse dans le cadre des accords internationaux.

3696

Pour que le conseil de l'AC puisse remplir ses tâches, la direction prépare les dossiers (let. i). Elle informe sans retard ce dernier de tout événement particulier. La direction assume toutes les tâches que la présente loi et la loi sur les cartels n'attribuent pas à un autre organe (let. j). Par cette clause d'exclusion, le législateur prévient tout conflit éventuel de compétence entre la direction et les autres organes de l'Autorité de la concurrence.

Selon la let. h, la direction, en sa qualité d'employeur, statue sur la conclusion, la modification et la révocation des rapports de travail du personnel de l'établissement (sous réserve de l'art. 3, al. 5, let. f et g).

Art. 8

Organe de révision

Selon le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7836), le Contrôle fédéral des finances (CDF) se voit obligatoirement confier le mandat d'organe externe de révision lorsque les sociétés d'audit privées relèvent de la surveillance d'une entité devenue autonome. Comme ces sociétés privées sont concernées par la LCart, l'organe de révision prévu à l'al. 1 est le CDF.

L'al. 2 contient un renvoi dynamique au droit des sociétés anonymes pour assurer l'harmonisation automatique avec le développement du droit privé. Sont applicables dans tous les cas et par analogie les dispositions sur le contrôle ordinaire. Les exigences imposées à l'organe de révision et son contrôle sont élevées.

Selon l'al. 3, l'organe de révision fait un rapport complet au conseil de l'AC et au Conseil fédéral sur le résultat de son contrôle. La dernière phrase dispose que le Conseil fédéral a le droit, comme les actionnaires d'une société anonyme, de demander un contrôle spécial, par analogie avec l'art. 697a, al. 1, CO, mais sans devoir remplir les conditions requises pour un contrôle spécial ou les prescriptions de procédure correspondantes. Les coûts de cette mesure éventuelle de surveillance prise par le Conseil fédéral sont à la charge de l'Autorité de la concurrence.

2.2.2 Art. 9

Personnel Rapports de travail

Selon l'al. 1, la direction et tout le personnel sont soumis à la législation relative au personnel de la Confédération56. Le conseil de l'AC règle dans l'ordonnance sur le personnel les dispositions relatives à la rémunération, aux prestations annexes et à d'autres conditions contractuelles (al. 2). Conformément l'art. 37, al. 4, LPers, l'ordonnance sur le personnel édictée par le conseil de l'AC peut déroger à l'ordonnance du 3 juillet 2001 sur le personnel de la Confédération (OPers)57 si des raisons objectives l'exigent. Selon l'al. 3, l'Autorité de la concurrence est considérée comme employeur au sens de l'art. 3, al. 2, LPers.

56

57

Voir le Rapport du Conseil fédéral du 25 mars 2009 complétant le rapport sur le gouvernement d'entreprise ­ Mise en oeuvre des résultats des délibérations du Conseil national, FF 2009 2331.

RS 172.220.111.3

3697

Art. 10

Caisse de pensions

Conformément à l'al. 1, l'Autorité de la concurrence est considérée comme employeur en matière de prévoyance, autant pour son personnel actif que pour ses rentiers (art. 32b, al. 2, LPers).

Dans l'al. 2, il est précisé que l'Autorité de la concurrence, en tant qu'unité administrative décentralisée de la Confédération au sens de l'art. 32b, al. 2, LPers, est un employeur en matière de prévoyance. Conformément à l'art. 32d LPers, elle dispose de sa propre caisse de prévoyance et de son propre contrat d'affiliation, bien que plusieurs employeurs puissent établir une caisse de prévoyance commune sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral (si la taille de la caisse de prévoyance suggère une conduite commune pour des raisons économiques). Pour les employeurs soumis à la LPers, les dispositions sur la prévoyance ne peuvent déroger à celles prévues pour le personnel de l'administration fédérale que dans la mesure où la mission de l'employeur ou sa structure du personnel le requièrent58.

2.2.3 Art. 11

Financement et budget Financement et contributions de la Confédération

L'al. 1 précise les sources de financement (émoluments et indemnités) des activités de l'Autorité de la concurrence. Les émoluments que la COMCO et son secrétariat ont facturés entre 2008 et 2010 couvraient en moyenne 10 % de son budget, qui s'élevait à environ 10,3 millions de francs en moyenne.

L'Autorité de la concurrence ne couvre donc pas ses frais, en particulier du fait qu'elle ne contrôle pas de secteur précis, et elle continuera à dépendre des subventions de la Confédération pour remplir ses tâches. Financer largement l'Autorité de la concurrence par le biais des émoluments, voire des sanctions, ne serait pas opportun et créerait de fausses incitations, car l'Autorité de la concurrence doit favoriser le développement du droit et non pas se soucier du rendement financier des affaires traitées. Dans ce sens, il est également prévu que les revenus provenant des amendes et sanctions versés par les entreprises suite à des infractions à la LCart reviennent à la Confédération (al. 2). Il est donc judicieux que ses ressources continuent à être fournies par la Confédération. Les subventions fédérales sont accordées pour l'exécution des tâches au sens de la présente loi et de la LCart.

Art. 12

Emoluments

Selon l'art. 53a P-LCart, l'Autorité de la concurrence perçoit des émoluments pour les procédures au sens des art. 26 à 30 P-LCart, pour l'examen des concentrations d'entreprises au sens des art. 32 à 38 P-LCart, ainsi que pour les conseils et expertises, pour l'examen des annonces au sens de l'art. 49a, al. 5, P-LCart et pour ses autres prestations de services. Le règlement des émoluments est fixé par le conseil de l'AC, sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral (art. 53a, al. 5, P-LCart).

58

Voir message concernant la Caisse fédérale de pensions (loi relative à PUBLICA et modification de la loi sur la CFP), FF 2005 5515

3698

L'art. 46a de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA)59 peut certes être invoqué lui aussi pour fonder la perception d'émoluments par des unités décentralisées de l'administration fédérale au sens de l'art. 2, al. 3, LOGA (cf. commentaire de l'art. 46a LOGA dans le message du 2 juillet 2003 concernant le programme d'allégement 2003 du budget de la Confédération (PAB 03), FF 2003 5240); le Conseil fédéral serait alors compétent pour édicter l'ordonnance sur les émoluments. Cependant, en vertu du rapport sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7840 et 7850), il faut ici une base légale spécifique, vu qu'un établissement ­ dans le cas particulier l'Autorité de la concurrence ­ est censé édicter lui même son règlement des émoluments, sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral. Ce faisant, l'Autorité de la concurrence devra tenir compte du principe d'équivalence et du principe de la couverture des coûts (al. 3), au sens de l'art. 46a, al. 3, LOGA également.

L'Autorité de la concurrence étant tenue par l'art. 53a P-LCart de percevoir des émoluments, il faut prévoir des dérogations (al. 3). L'Autorité devra examiner au cas par cas quelles dérogations sont possibles. La réglementation peut s'inspirer de la pratique de l'ordonnance générale sur les émoluments de la Confédération.

Art. 13

Contributions

Selon l'art. 11 LAC, les émoluments de l'Autorité de la concurrence ne couvrent qu'une partie de ses tâches. Cela signifie qu'elle devra continuer à bénéficier d'indemnités de la Confédération pour pouvoir accomplir ses tâches. La Confédération octroiera d'ailleurs à l'Autorité de la concurrence des contributions annuelles destinées à indemniser les dépenses encourues pour les tâches qui ne sont pas couvertes par les émoluments.

Art. 14

Comptabilité

L'Autorité de la concurrence définit ses normes comptables selon les principes énoncés dans la présente disposition (cf. aussi art. 55 de la loi fédérale du 7 octobre 2005 sur les finances de la Confédération)60. Elle publie les standards comptables appliqués. Le Conseil fédéral peut édicter d'autres prescriptions en matière d'établissement des comptes.

Art. 15

Rapport de gestion

Conformément à l'art. 5, al. 1, let. k, le conseil de l'AC établit un rapport de gestion annuel. Il comprend les comptes annuels (compte de résultat, bilan, annexe) et le rapport annuel, qui définit les priorités de l'activité, présente l'organigramme interne, précise le nombre et le genre des cas conclus et en suspens, l'affectation du personnel et des ressources financières et matérielles et, enfin, le nombre et l'issue des recours contre des décisions et actes de procédure de l'Autorité. L'organe de révision doit contrôler les comptes annuels et le rapport.

59 60

RS 172.010 RS 611.0

3699

Art. 16

Trésorerie

Pour la gestion de ses liquidités, l'Autorité de la concurrence s'affilie à la Trésorerie centrale de la Confédération. L'Administration fédérale des finances (AFF) gère ces liquidités. Pour assurer la solvabilité de l'Autorité de la concurrence (dans le cadre de l'exécution de ses tâches au sens de l'art. 2 LAC), la Confédération peut lui fournir des fonds étrangers. Ces prêts sont effectués sur un compte courant de l'Autorité de la concurrence auprès de la Confédération. Ladite autorité place ses fonds excédentaires auprès de la Confédération sans intérêt. A la fin de l'année, les moyens excédentaires sont laissés sur ce compte et peuvent être affectés à d'éventuels paiements d'obligations l'année suivante. Les autres modalités sont réglées dans une convention entre l'AFF et l'Autorité de la concurrence.

Art. 17

Responsabilité

Selon l'al. 1, la responsabilité de l'Autorité de la concurrence, de ses organes et de son personnel est essentiellement régie par la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité (LRCF)61. Selon l'art. 3, al. 1, LRCF, la Confédération répond du dommage causé sans droit à un tiers par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, sans égard à la faute du fonctionnaire. La responsabilité telle qu'elle est définie par la LCRF est une responsabilité causale, sans limite de montant et avec un vaste champ d'application. Il en va de même de la responsabilité pénale des organes et du personnel de l'Autorité de la concurrence (art. 19, al. 2, LRCF).

La LCRF s'applique à toutes les personnes chargées directement de tâches de droit public par la Confédération (art. 1, al. 1, let. f, LRCF). La responsabilité des actes des organes et employés de l'Autorité de la concurrence est donc régie par cette loi.

Dans la mesure où d'autres personnes sont chargée directement de tâches de droit public, leur responsabilité est également régie par la LCRF (art. 1, al. 1, let. f LRCF)62. Au cas où l'Autorité de la concurrence ne serait pas en mesure de réparer le dommage avec ses réserves, la Confédération répondrait subsidiairement envers le lésé du montant non couvert (responsabilité subsidiaire).

L'al. 2, let. a, prévoit que dans le cas de l'Autorité de la concurrence, le principe selon lequel la responsabilité d'une institution publique est engagée en cas de violation d'un devoir essentiel de fonction ne s'applique pas uniquement aux actes juridiques, mais à l'ensemble des activités de ladite autorité, soit de ses organes et de son personnel. Pour l'Autorité de la concurrence, la portée du critère de l'illicéité est donc restreinte, tandis que l'on introduit la notion de violation grave des devoirs de fonction. La responsabilité de l'Autorité de la concurrence et des personnes qu'elle a mandatées ne sera ainsi engagée que si elles commettent une faute manifeste dans l'accomplissement de leurs tâches. Cette limitation de la responsabilité se justifie en raison de la complexité des tâches de l'Autorité de la concurrence63.

61 62

63

RS 170.32 Cf. message du 1er février 2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (loi sur la surveillance des marchés financiers, LAUFIN), FF 2006 2756 ss Cf. message du 1er février 2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (loi sur la surveillance des marchés financiers, LAUFIN), FF 2006 2756 ss et 2783 s.

3700

Selon l'al. 2, let. b, l'Autorité de la concurrence et les personnes qu'elle a mandatées ne doivent pas être tenues responsables des fautes commises par les entreprises au sens de l'art. 2 LCart. C'est la raison pour laquelle la let. b précise que l'Autorité n'est responsable que des dommages qui ne découlent pas d'une violation des devoirs commise par une entreprise assujettie à la LCart. Par analogie avec la LFINMA, le Conseil fédéral estime que l'exclusion de la responsabilité de l'Etat est justifiée en cas de violation de devoir par une entreprise assujettie à la LCart. Une responsabilité illimitée de l'Etat en cas de comportements déloyaux de telles entreprises agissant de leur propre responsabilité serait contraire au système et engendrerait un risque de responsabilité considérable pour les pouvoirs publics64.

Art. 18

Impôts

Selon l'art. 62d LOGA, la Confédération ainsi que ses établissements, entreprises et fondations non autonomes sont exempts de tout impôt cantonal ou communal. Etant donné le financement fédéral de l'Autorité de la concurrence (art. 11), cette exemption est justifiée. L'Autorité de la concurrence effectue une tâche régalienne et, en conséquence, ne perçoit pas de TVA sur ses émoluments et ne réalise pas de bénéfice. Les émoluments facturés par la COMCO et son secrétariat entre 2008 et 2010 s'élevaient en moyenne à 10 % de son budget. Seule une petite partie de ces recettes ne provient pas des frais de procédure, mais des conseils donnés aux entreprises en vertu de la loi (art. 23, al. 2, LCart, art. 24a, al. 1, P-LCart). Il s'agit de répondre aux questions des services officiels et des entreprises concernant la LCart et son application. Cette activité n'est pas une prestation de service commerciale, mais une tâche accomplie par l'Autorité de la concurrence dans le cadre de son activité régalienne (entre 2008 et 2010, les recettes tirées des consultations constituaient en moyenne 0,5 % du budget, soit 51 700 francs). Selon la pratique de l'administration en matière de TVA, tous les émoluments perçus par l'Autorité de la concurrence (y compris pour des conseils) tombent sous la définition de l'art. 3, let. g, de la loi fédérale du 12 juin 2009 sur la TVA (LTVA)65. Ils ne sont pas imposables ni ne déclenchent l'assujettissement.

L'Autorité de la concurrence est créée par la Confédération en tant qu'établissement de droit public (art. 1 LAC) et appartient donc à la Confédération, y compris en matière de TVA. Les prestations éventuelles entre l'Autorité de la concurrence et la Confédération sont donc exclues du champ de l'impôt (art. 21, al. 2, ch. 28, LTVA, en liaison avec l'art. 38, al. 2, let. c, de l'ordonnance du 27 novembre 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée, OTVA66).

Art. 19

Immeubles

La Confédération loue à l'Autorité de la concurrence les immeubles nécessaires, mais en reste propriétaire. Elle pourvoit à l'entretien des immeubles et facture à l'Autorité de la concurrence un montant raisonnable pour leur utilisation. Les rap-

64

65 66

Cf. message du 1er février 2006 concernant la loi fédérale sur l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (loi sur la surveillance des marchés financiers, LAUFIN), FF 2006 2756 ss et 2784 s.

RS 641.20 RS 641.201

3701

ports juridiques entre la Confédération et l'Autorité de la concurrence concernant les immeubles relèvent du droit public.

2.2.4 Art. 20

Indépendance et surveillance Indépendance

L'art. 20 stipule l'indépendance de l'Autorité de la concurrence et souligne particulièrement celle-ci vis-à-vis des autorités administratives et du Conseil fédéral.

L'Autorité de la concurrence est certes rattachée administrativement à un département ­ le DFE, comme c'est le cas actuellement ­, mais elle ne reçoit d'instructions ni du Conseil fédéral, ni des autorités administratives pour ses décisions. En complément au rapport conformément à l'art. 5, al. 1, let. i et k, l'Autorité de la concurrence présente ses buts stratégiques et la réalisation de ses tâches au Conseil fédéral une fois par an au moins.

Art. 21

Surveillance

Selon l'art. 8, al. 4, LOGA, le Conseil fédéral contrôle les unités administratives décentralisées. En conséquence, la surveillance administrative sur l'Autorité de la concurrence et l'exécution de ses tâches incombe au Conseil fédéral. Selon le rapport du Conseil fédéral sur le gouvernement d'entreprise (FF 2006 7799 7845 ss), cette surveillance se distingue cependant considérablement de celle que le Conseil fédéral exerce sur les unités de l'administration fédérale centrale. D'une certaine manière, la surveillance des unités devenues autonomes peut être comparée avec le fait de prendre acte des comptes. L'al. 2 énumère de façon non limitative les principaux instruments à la disposition du Conseil fédéral. La haute surveillance du Parlement reste réservée.

2.2.5 Art. 22

Dispositions finales Création de l'Autorité de la concurrence

L'art. 22 comprend une série de règles concernant le passage au nouvel établissement de droit public. Le Conseil fédéral fixe la date à laquelle l'Autorité de la concurrence acquiert une personnalité juridique propre (al. 2). Il définit les droits, les obligations et les valeurs qui lui sont transférés (al. 3). Comme l'expérience a montré qu'au stade de la réalisation concrète d'unités administratives décentralisées, il se produisait souvent un besoin imprévu de réglementation, le Conseil fédéral est habilité à prendre toutes les mesures requises pour le transfert et à édicter les dispositions à ce sujet (al. 4).

Conformément à la pratique, l'al. 5 règle l'exemption de droit fiscal (notamment du droit de timbre et des droits de mutation) et d'émoluments pour le transfert des droits, obligations et valeurs (transfert du patrimoine) et pour l'inscription aux registres officiels.

3702

A la date fixée par le Conseil fédéral, les actifs et passifs désignés sont transférés à l'Autorité de la concurrence dans le cadre d'une succession universelle. L'al. 7 exclut donc expressément l'applicabilité de la loi du 3 octobre 2003 sur la fusion67.

Le financement transitoire prévu par l'al. 4, let. b, assure que l'Autorité disposera toujours des moyens nécessaires au maintien de son exploitation pendant la phase de transition. S'il s'avérait que l'Autorité de la concurrence a besoin à court terme de moyens supplémentaires pour sa mise sur pied, l'AFF doit avoir la possibilité de conclure avec elle un contrat de prêt correspondant (al. 6).

Art. 23

Transfert des rapports de travail

Les rapports de travail sont transférés de par la loi à l'Autorité de la concurrence (al. 1). Comme les rapports de travail du personnel de l'Autorité sont soumis à la LPers (conformément à l'art. 6 de la présente loi), les collaborateurs et collaboratrices ne doivent être ni licenciés ni réengagés. Reste réservée la nomination du directeur ou de la directrice (art. 5, al. 1, let. f). Le Conseil fédéral fixe la date du transfert.

Art. 24

Employeur compétent

L'art. 24 précise que l'Autorité de la concurrence est l'employeur compétent de tous les assurés actifs et bénéficiaires de rentes AVS et AI du secrétariat de la COMCO et qu'elle reprend toutes les obligations liées à cette fonction. Selon l'art. 32f, al. 1, LPers, l'Autorité de la concurrence est également responsable, en tant que nouvel employeur, des anciens rentiers de l'unité administrative. Les bénéficiaires de rente attribuables à l'Autorité de la concurrence suivent donc la caisse de prévoyance du personnel actif. La règle d'exception de l'art. 32f, al. 2, LPers est à appliquer de manière restrictive, aucune raison n'étant valable dans le présent cas pour une telle revendication.

Art. 25

Autres dispositions transitoires

L'art. 25, al. 1, règle, en complément à l'art. 23, que les recours qui pourraient arrivés au moment de la transition des rapports de travail doivent être traités selon l'ancien droit.

Les al. 2 et 3 modifient l'art. 1 et l'art. 2, al. 1, des dispositions transitoires LCart.

En raison de ces normes, il est nécessaire que la COMCO reste en place encore pendant un certain temps après l'entrée en vigueur du nouvel ordre institutionnel.

Une année est prévue. Pour les procédures concernées, l'Autorité de la concurrence reprendra durant cette année les fonctions de l'ancien secrétariat de la COMCO.

Pour les recours résultant de décisions de la COMCO prises pendant la période transitoire, ils seront jugés selon l'ancien droit, tout comme les recours pendants à la date de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions. A partir de la dissolution de la COMCO, l'Autorité de la concurrence fonctionnera devant les instances de recours comme instance précédente et assumera les tâches qui incombaient à la COMCO. Ce système est défendable puisqu'il ne s'agit plus de prendre des décisions, mais seulement d'émettre des avis, et qu'il serait donc disproportionné ­ y compris sous l'angle financier ­ de prolonger l'existence de la COMCO pour une durée indéter67

RS 221.301

3703

minée pour ce seul motif. Le Conseil fédéral réglera l'indemnisation de la COMCO pendant l'année de transition. Comme il faut admettre une charge de travail décroissante de celle-ci pendant l'année de transition prévue, il en sera tenu compte dans la fixation de l'indemnisation.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

Avec la réforme des institutions, l'Autorité de la concurrence est revalorisée en un établissement, tandis que, pour un domaine crucial du droit des cartels, à savoir les restrictions à la concurrence au sens des art. 5 et 7 LCart, le TAF statue désormais en première instance et non plus sur recours.

On sait d'expérience que la constitution de l'Autorité de la concurrence sous forme d'établissement entraînera un surcroît de dépenses; mais ce surcroît sera compensé par le budget pour les membres de la COMCO actuelle (800 000 francs), qui devrait aussi couvrir le personnel supplémentaire éventuellement nécessité par l'introduction du test SIEC pour les concentrations d'entreprises. Les autres adaptations du droit matériel n'engendrent pas de besoins supplémentaires en personnel et en moyens financiers qui ne puissent être couverts par le budget de la COMCO. Par ailleurs, les entreprises ayant eu gain de cause se verront verser des indemnités si l'Autorité de la concurrence est déboutée (celles-ci ne seront cependant pas couvertes par le budget de la COMCO et de son secrétariat). Il n'existe pas à ce sujet d'estimations sur lesquelles se fonder. Concernant les indemnités, il faudrait prévoir un montant annuel se situant entre 0,5 et 3 millions de francs (la somme dépendra en particulier du nombre de parties impliquées dans les procédures). Ces montants correspondent pour la Confédération dans une proportion acceptable aux revenus provenant des amendes et sanctions.

Le projet de Tribunal fédéral de la concurrence (distinct du TAF), qui était encore envisagé au stade de la procédure de consultation, a été abandonné. La nouvelle tâche du TAF requiert néanmoins des ressources supplémentaires. Il s'agit notamment de nommer des juges supplémentaires qualifiés en économie, pour lesquels il faut prévoir environ deux postes à plein temps. Il faut encore tenir compte du fait que la réalisation d'une procédure de première instance est plus coûteuse qu'un recours. Au TAF, un nombre limité de juges, greffiers et secrétaires traitent certes déjà abondamment des affaires liées au droit de la concurrence, mais il n'est pas sûr que le Tribunal puisse couvrir une procédure d'instruction plus coûteuse avec les moyens existants.

Un certain surcroît des dépenses ne peut donc être exclu en vue de la mise en oeuvre,
importante pour l'économie, de la politique en matière de concurrence. Ce surcroît est cependant justifié par l'accélération des procédures, l'amélioration de l'Etat de droit dans la procédure en première instance du fait de la séparation entre enquête et décision, l'indépendance accrue de l'Autorité de la concurrence, et le renforcement du TAF par des spécialistes.

3704

3.2

Conséquences pour les cantons et les communes

Actuellement, l'application du droit des cartels s'effectue dans une large mesure par la voie du droit public, la compétence en incombant toujours à des organes de la Confédération. L'élargissement de la qualité pour agir sur le plan civil pourrait entraîner une sollicitation plus importante des tribunaux civils cantonaux. Dans le cas des actions consécutives, il est vraisemblable que les plaintes de droit civil se règleront par un accord conforme à l'issue de la procédure administrative et ne déboucheront qu'occasionnellement sur une procédure civile. Il est dans l'intérêt de la productivité économique du canton de lutter contre les restrictions à la concurrence régionales contre lesquelles l'Autorité de la concurrence n'agit pas, mais contre lesquelles des clients finals engagent une procédure de droit civil.

3.3

Conséquences économiques

3.3.1

Nécessité d'une action de l'Etat

L'évolution institutionnelle et procédurale du droit des cartels n'a jusqu'alors tenu compte qu'insuffisamment du développement du droit matériel. En adaptant également le droit matériel, le Conseil fédéral veut tenir compte à temps des conclusions de l'évaluation de la loi sur les cartels.

3.3.2

Conséquences pour les différents acteurs économiques

Réforme institutionnelle Comme il a déjà été relevé, la réforme institutionnelle proposée implique un renforcement de l'indépendance de l'Autorité de la concurrence et de l'instance de décision, l'attribution claire des tâches d'enquête et de décision, une accélération des procédures jusqu'à la décision de dernière instance, l'amélioration de l'Etat de droit dans les procédures, ainsi qu'une professionnalisation plus importante de l'organe de décision. Ces effets positifs bénéficient en premier lieu aux acteurs du marché, que ce soit du côté de l'offre ou de la demande, par une meilleure application de la LCart et en tant que parties impliquées dans les procédures.

Accords L'adaptation proposée engendre une simplification et une accélération des procédures cartellaires, puisque l'importance économique dans le cas des cinq types d'accords définis par une approche généralisée comme des restrictions à la concurrence particulièrement dommageables ne devra plus être démontrée à l'avenir. De plus, les confusions concernant l'impact sur le marché et l'admissibilité d'une sanction, qui existent depuis 2003, sont supprimées. Enfin, la clarté des nouvelles dispositions et le rapprochement avec la situation légale au sein de l'UE impliquent une sécurité juridique accrue.

En principe, la liberté d'action des entreprises n'est pas directement limitée par la nouvelle disposition, puisque les communications de la COMCO vont déjà dans ce sens. Cependant, les entreprises ne pourront plus à l'avenir invoquer un impact 3705

limité sur le marché devant l'Autorité de la concurrence et le Tribunal de la concurrence, mais devront présenter des motifs d'efficacité économique pour la conclusion d'un tel accord. Si les entreprises montrent de tels avantages, il leur reste le choix de mettre en oeuvre ou non les accords touchés par une interdiction cartellaire partielle.

Cette approche est largement acquise dans les cas d'accords horizontaux durs. Pour les accords verticaux, la liberté d'action des entreprises est diminuée de manière nuancée. Seuls sont considérés les deux types d'accords qui sont qualifiés de particulièrement dommageables à la fois sur le plan international et par le législateur suisse depuis 2004, et sont sujets à des sanctions directes, c'est-à-dire les accords portant sur des prix fixes ou minimaux et des cloisonnements territoriaux absolus.

Afin de régler les problèmes de coordination entre les échelons de la production et de la distribution, les entreprises disposent d'une série d'autres instruments verticaux; par conséquent, elles ne doivent pas obligatoirement recourir à l'invocation de motifs justificatifs pour les deux formes d'accords verticaux soumises à une interdiction partielle. Par exemple, un comportement dit de passager clandestin (ou de parasitisme) de la part d'un distributeur peut être corrigé également par des exigences de service et de qualité au lieu d'intervenir par la fixation des prix ou, dans le but d'atteindre une densité commerciale optimale, une distribution sélective peut être envisagée, au lieu d'une distribution exclusive.

Contrôle des concentrations Le contrôle des concentrations en vigueur ne prend pas suffisamment en considération les conséquences économiques négatives sur la concurrence des concentrations. L'introduction du test SIEC, c'est-à-dire la révision des critères d'appréciation (critères d'intervention) dans les cas de concentrations, accroît la concurrence sur les marchés. Il devient plus facile de s'opposer aux concentrations dont l'objectif principal consiste en une addition des parts de marché et dont les effets économiques sont anti-compétitifs. D'un autre côté, le test choisi permet aux entreprises, à certaines conditions, de faire valoir les gains d'efficacité qui compensent les effets négatifs. Ainsi, le test SIEC permet un examen détaillé des effets
négatifs et positifs d'une concentration.

Contrairement au contrôle des concentrations en vigueur, le test SIEC constitue un rapprochement étroit entre le contrôle suisse des concentrations et celui de l'UE et de la plupart des Etats membres. La collaboration internationale pour les entreprises et les autorités en sera simplifiée ­ notamment pour les concentrations internationales ­, ce qui diminuera la charge administrative des entreprises concernées et de l'Autorité de la concurrence. D'un autre côté, le test SIEC selon le modèle de l'UE est réputé être, selon plusieurs milieux, plus coûteux et peut par conséquent conduire à des coûts supplémentaires en cas de concentration d'entreprises. Ce surcroît de dépenses ne devrait intervenir que pour les cas de concentrations problématiques qui doivent être contrôlées de manière approfondie (en moyenne 4 sur 28 concentrations annoncées annuellement). Enfin, renoncer à un traitement autonome des concentrations internationales, c'est-à-dire des concentrations qui comprennent au moins l'EEE et qui incluent la Suisse, signifie une simplification administrative pour les entreprises et pour l'Autorité de la concurrence.

Comme cela a été mentionné au ch. 2.1.3.2, le passage au test SIEC va de pair avec moins de modifications concernant la sécurité juridique et la complexité, et les expériences internationales sont généralement positives. Aucun changement important dans ces paramètres n'est à attendre non plus pour la Suisse. Concernant la 3706

modification du taux d'intervention, il faut souligner que les seuils d'intervention sont d'une part abaissés avec le test SIEC, et d'autre part relevés de par la prise en compte d'efficiences. Sur le plan international, les taux d'intervention restent plus ou moins les mêmes avec l'introduction du test SIEC. Etant donné que le contrôle des concentrations suisse actuel a un seuil d'intervention très élevé concernant les effets anti-compétitifs, il se pourrait que le taux d'intervention augmente légèrement.

Volet civil du droit des cartels La proposition modérée de refonte du volet civil du droit des cartels permet aux personnes affectées par des restrictions à la concurrence de mieux faire valoir leurs droits elles-mêmes, indépendamment de l'ordre de priorité fixé par les autorités, et de se faire indemniser pour le dommage subi. Cela pourrait intensifier d'une part la concurrence sur les marchés locaux et servir d'autre part à endiguer la discrimination par les prix qui défavorise la clientèle suisse par rapport à celle des pays voisins, pour autant que les entreprises concernées agissent elles-mêmes contre des livraisons croisées entravées au sein de réseaux de distributeurs.

Réduction de sanction grâce aux programmes de conformité Le droit actuel permet déjà de prendre en compte les programmes de conformité lors de la détermination de la sanction. La mention explicite de cette règle dans la loi ne change donc guère la situation juridique. Il est désormais clarifié au niveau légal que la conformité sérieuse constitue une mesure préventive contre les restrictions illicites à la concurrence. Ceci est à saluer sans réserve et doit être pris en compte par le tribunal qui rend la décision. Les entreprises seront désormais soumises à des attentes plus grandes pour qu'elles prennent les mesures préventives correspondantes contre les infractions à la LCart. Il en résultera des coûts plus élevés pour les entreprises, avec en contrepartie moins d'infraction à la LCart et une diminution du montant de la sanction. Pour les autorités, la nouvelle règle occasionne des coûts supplémentaires du fait que les entreprises devraient se référer davantage à leur programme de conformité, dont le caractère approprié sera coûteux à évaluer.

Procédure d'opposition Avec l'amélioration de la procédure d'opposition,
les considérations plusieurs fois émises quant au fait que la procédure puisse mieux remplir le rôle qui lui a été assigné par le législateur sont remplies et assurées. Le raccourcissement du délai conduit immédiatement à un accroissement de la sécurité juridique pour les entreprises. Dans le cas de démarches jugées sans risque apparent par l'Autorité de la concurrence ou de celles qui ne concernent pas d'état de fait directement punissable, les entreprises (qui seraient incertaines sur la licéité de leur projet) reçoivent nouvellement dans les deux mois déjà la certitude qu'elles ne courent aucun risque de sanction en mettant en oeuvre leur projet. La deuxième modification peut notamment engendrer pour les entreprises une diminution de l'effet inhibiteur sur les investissements de la menace de sanction. Etant donné que le risque de sanction n'existera désormais qu'à partir de la communication de l'ouverture d'une enquête, la période pendant laquelle le projet peut être dans tous les cas mis en oeuvre impunément est allongée et l'entreprise a la possibilité d'adapter son comportement aux conséquences sur le marché et donc d'échapper à un risque de sanction.

3707

3.3.3

Conséquences économiques

Modifications du droit matériel Les modifications du droit matériel déjà traitées au ch. 3.3.2 améliorent l'effet préventif de la LCart, ainsi que la sécurité juridique et l'efficacité de l'application de la LCart (amélioration de l'exécution). Ainsi, elles contribuent globalement à encourager la concurrence au sens d'un ordre orienté vers une économie de marché libérale. Les enquêtes économiques confiées à des tiers (notamment Hüschelrath, Kai et al. [2009]) dans le cadre de l'évaluation de la LCart ont montré les avantages pour l'économie dans son ensemble découlant de l'élargissement de l'éventail des instruments du droit des cartels opéré en 2003. Dans la mesure où elles traitent de certains points critiques mis au jour lors de l'évaluation, les modifications proposées ici améliorent encore les bénéfices qu'en retire l'économie.

Réforme des institutions Un aspect central de la vie économique moderne est que le droit des cartels et les autorités chargées de son exécution bénéficient d'une forte légitimité. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre les intentions fondamentales exprimées par le Conseil fédéral dans le rapport d'évaluation qu'il a rendu en exécution de l'art. 59a LCart, à savoir le renforcement de l'indépendance des autorités de la concurrence vis-à-vis des organisations d'intérêts, l'accélération des procédures, la clarification du rôle du secrétariat et de la COMCO (que ce soit par le biais de la création d'une seule autorité ou par celui de la séparation des institutions), et enfin l'ouverture des réglementations institutionnelles en vue de l'aménagement de sanctions à l'encontre de personnes physiques. Les propositions présentées ici permettent d'atteindre ces objectifs pour autant qu'ils soient confirmés et d'améliorer l'application de la LCart.

Premièrement, la solution proposée permet avant tout de s'assurer que les décisions en matière de politique suisse de la concurrence sont prises par des instances indépendantes, par un corps décisionnel ayant une composition adéquate, et par des juges disposant de connaissances juridiques et économiques et de l'expérience du monde économique requise. Le renforcement de l'indépendance et l'augmentation du taux d'activité de certains juges contribueront à garantir des décisions de haute qualité, ce qui entraînera une amélioration
de l'effet macroéconomique de la loi sur les cartels.

La diminution du nombre d'instances de quatre (secrétariat qui mène les enquêtes, COMCO qui décide, TAF, Tribunal fédéral) à trois (Autorité de la concurrence qui mène les enquêtes, Tribunal de la concurrence qui décide, Tribunal fédéral) aura pour effet de raccourcir la durée des procédures menant aux décisions examinées en dernière instance. Cette réduction de la durée des procédures servira les intérêts de tous les acteurs économiques, mais également la sécurité des investissements.

Enfin, la clarification souhaitée des rôles du secrétariat et de la COMCO est réalisée.

En outre, la création d'un tribunal de première instance donnera une symétrie aux voies de droit si une procédure pénale contre les personnes impliquées dans une entente cartellaire devait un jour s'ajouter aux procédures engagées contre des entreprises.

3708

4

Lien avec le programme de la législature et le plan financier

Le document est annoncé dans le message du 25 janvier 201268 sur le programme de législature 2011 à 2015.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité et légalité

Les dispositions proposées se fondent sur l'art. 96, al. 1, Cst., selon lequel la Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales et économiques dommageables des cartels et d'autres formes de limitation de la concurrence.

Lors des consultations, l'interdiction partielle des cartels avec possibilité de justification prévue à l'art. 5 P-LCart a donné lieu à discussion. Il a notamment été soulevé que, contrairement à la LCart actuelle, la simple forme est réprimée par une interdiction partielle, ce qui conduirait à une interdiction générale d'accords, sans que le caractère dommageable de leurs effets, plus précisément l'importance de la notabilité de la restriction à la concurrence, ne doivent être considérés dans chaque cas. Les considérations ci-dessous peuvent infirmer ces allégations.

L'art. 96, al. 1, Cst. habilite la Confédération à légiférer afin de lutter contre les conséquences sociales et économiques dommageables des cartels et d'autres formes de limitation de la concurrence (cf. aussi l'art. 1 LCart). Le message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale souligne que la marge d'action du législateur en matière de cartels est considérable: «il peut même, dans certains cas, utiliser l'instrument de l'interdiction des cartels»; l'art. 96 Cst. ne permet simplement pas «d'interdire de façon générale des accords entre les concurrents en tant que tels»69. Le Tribunal fédéral a confirmé à son tour que l'art. 96 Cst. n'excluait pas les interdictions partielles d'ententes ou de comportements au caractère particulièrement dommageable avéré (interdictions sélectives per se); la Constitution exclut simplement toute interdiction générale70. Dans le même esprit, le message relatif à la loi sur les cartels de 1995 précisait que la possibilité d'édicter des dispositions anticartellaires ne devait certainement pas être comprise comme n'autorisant à intervenir qu'après la survenue concrète de conséquences dommageables: il devait plutôt être permis de prendre des mesures législatives préventives pour empêcher l'apparition de telles conséquences. Pour autant qu'elle soit proportionnée et d'intérêt général, l'interdiction sélective d'un cartel s'avère compatible avec la Cst. comme instrument pour lutter contre les conséquences dommageables. Il ne découle donc pas
de la Cst.

une interdiction per se d'états de fait cartellaires71.

Avec le concept de présomption de suppression de la concurrence, «qui se rapproche somme toute d'une interdiction sélective de cartel»72, le placement sous cette pré68 69

70 71 72

FF 2012 473 Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 1, 301 ss.; cf. aussi René Rhinow/Gerhard Schmid/Giovanni Biaggini/Felix Uhlmann, Öffentliches Wirtschaftsrecht, 2e éd., Bâle 2011, p. 390 s., N 21 et 25.

ATF 135 II 60, 67 E. 3.1.1 Message du Conseil fédéral du 23 novembre 1994 concernant une loi fédérale sur les cartels et autres restrictions de la concurrence, FF 1995 I 472 ss.

Rhinow/Schmid/Biaggini/Uhlmann (note 69), p. 390, N 21.

3709

somption des trois types d'accords horizontaux «rigides» et le caractère directement punissable de ces accords, un premier choix des types d'entente les plus dommageables avait été fait. En introduisant en 2003 l'art 5, al. 4, LCart, le législateur a ensuite mis deux types spécifiques d'accords verticaux (cloisonnement territorial et prix liés de seconde main) ­ également jugés particulièrement dommageables par d'autres juridictions ­ sur le même pied que les trois accords horizontaux rigides, et ce aussi bien en ce qui concerne la présomption de suppression de la concurrence que la sanction directe. En d'autres termes, il a relevé à cinq le nombre des types d'accords les plus dommageables, et ce à titre limitatif, mais en y incluant volontairement les deux types d'accords verticaux.

En mettant en oeuvre les directives constitutionnelles et législatives de 1995 et 2003, la nouvelle interdiction générale prévue se limite exclusivement aux cinq types d'ententes cartellaires «rigides» déjà qualifiés de restrictions à la concurrence particulièrement graves dans la loi actuelle. Ce n'est pas la forme apparente de l'accord qui est déterminante, mais son contenu concret. Sont concernés les accords horizontaux sur les prix, quantités et territoires, ainsi que l'imposition verticale de prix au sens de prix minimaux et fixes et le cloisonnement territorial absolu. Il ne s'agit donc pas d'une interdiction générale des cartels, mais d'une interdiction sélective ou partielle. En outre, même pour ces cinq types d'accords, cette interdiction partielle n'est pas conçue comme interdiction absolue ou per se, car il reste quand même possible de justifier un accord rigide en invoquant l'efficacité économique. Corollaire: si un cas particulier d'accord rigide ne peut être justifié en termes économiques, la LCart postule qu'il est dommageable économiquement ou socialement, donc interdit.

La gravité variable de certains types d'accords (horizontaux et verticaux, par exemple) ainsi que d'accords concrets (qu'ils couvrent tout un marché ou ne soient guère appliqués) est prise en compte de différentes manières. D'une part, il est généralement plus simple de justifier un accord vertical qu'une entente horizontale. D'autre part, le montant de la sanction pour chaque accord rigide illicite dépend de la durée et de la gravité
du comportement concret (art. 49a, al. 1, LCart, qui devient l'art. 49a, al. 2, dans le P-LCart). Enfin le principe de proportionnalité doit être respecté lors de la fixation de la sanction (art. 2, al. 2, de l'ordonnance sur les sanctions LCart), ce qui peut aboutir dans certains cas à une sanction purement symbolique, voire nulle. L'objection, émise lors de la consultation menée en automne 2011, selon laquelle seule la forme serait considérée pour interdire des accords ne tient donc pas.

Concernant le partage du fardeau de la preuve, enfin, il est à noter qu'il est conciliable avec les garanties du droit procédural pénal, dans des situations telles que celleci, d'attribuer aux entreprises le fardeau de la preuve sur l'existence de motifs justificatifs. Il faut alors établir une base légale formelle, ce qui est désormais le cas à l'art. 5, al. 3, P-LCart (cf. également le commentaire de l'art. 5, al. 3). Les considérations soulevées lors de la consultation concernant la constitutionnalité du partage du fardeau de la preuve sont ainsi réglées.

Dans ce contexte, le système retenu d'une interdiction légale partielle, avec possibilité de justification au cas par cas, des cinq types de cartels qualifiés de particulièrement dommageables par le législateur est raisonnable et conforme à la Cst.

3710

5.2

Conformité avec les obligations internationales de la Suisse

Il n'existe quasiment pas de contraintes internationales à observer, notamment parce qu'en droit des cartels c'est le principe des effets qui prévaut. L'accord sur le transport aérien conclu avec l'UE est une exception, dont la présente révision tient compte par des modifications rédactionnelles.

5.3

Frein aux dépenses

Le projet ne relève pas du frein aux dépenses au sens de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst. Il n'entraîne ni nouvelle dépense unique de plus de 20 millions de francs, ni nouvelle dépense périodique de plus de 2 millions de francs. Les moyens qui étaient prévus pour la COMCO dans le budget du secrétariat de la COMCO seront transférés à l'Autorité de la concurrence.

5.4

Conformité à la loi sur les subventions

Les subventions de la Confédération en faveur de l'Autorité de la concurrence servent au financement des tâches mentionnées à l'art. 2 LAC, ainsi qu'à l'indemnisation des coûts d'activité nécessaires à l'accomplissement de ces tâches.

L'accomplissement des tâches confiées à l'Autorité de la concurrence pour l'application de la LCart et, par conséquent, la garantie de la concurrence va dans l'intérêt de la Confédération. Du point de vue de l'Autorité de la concurrence, il s'agit de tâches qui lui sont attribuées sur le plan légal. L'Autorité de la concurrence n'a aucune possibilité de compenser elle-même les charges financières relatives à l'accomplissement de ses tâches, ne disposant pas de possibilités de financement suffisantes qui soient indépendantes de la Confédération. Dès lors, si la Confédération veut l'application de la LCart et la garantie d'une concurrence efficace, elle n'a pas d'autres choix que d'octroyer à l'Autorité de la concurrence la majeure partie des moyens nécessaires sous la forme de subventions. Les conditions préalables de la loi du 5 octobre 1990 sur les subventions73, notamment celles liées aux dispositions légales édictées concernant les subsides, sont ainsi remplies.

5.5

Délégations de compétences législatives

L'actuelle loi sur les cartels comprend déjà plusieurs normes de délégation (art. 6; art. 20, al. 2; art. 53a, al. 3; art. 60 LCart). Ces normes sont conservées. Cependant, pour des raisons de systématique, l'actuel art. 20, al. 2, est transféré dans l'art. 5, al. 1, let. a, LAC. De plus, la norme de délégation contenue jusqu'à présent dans l'art. 53a, al. 3, LCart est déplacée dans l'al. 5 de ce même article et adaptée à la nouvelle organisation institutionnelle, étant donné que c'est désormais l'Autorité de la concurrence qui édictera l'ordonnance sur les émoluments, sous réserve de l'approbation par le Conseil fédéral. La seule nouvelle norme se trouve à l'art. 5, al. 1, let. c, en liaison avec l'art. 9, al. 2, LAC. Elle permet au conseil de l'AC 73

RS 616.1

3711

d'édicter une ordonnance sur le personnel de l'Autorité de la concurrence, sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral.

Le message envisage à plusieurs reprises une réglementation plus détaillée au niveau de l'ordonnance, par exemple en matière de motifs d'efficacité économique ou de motifs importants pour une prolongation des délais lors de l'examen de concentrations d'entreprises. Ces dispositions, fondées sur les normes de délégation déjà inscrites dans la LCart, seront édictées et insérées autant que possible dans les ordonnances déjà promulguées par le Conseil fédéral, à savoir l'OCC, l'OS LCart et l'OEmol-LCart.

3712