99.062 Message sur l'assainissement des Chemins de fer fribourgeois (GFM) du 11 août 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous soumettons le présent message et vous proposons d'approuver les projets de loi fédérale et d'arrêté fédéral concernant l'assainissement des Chemins de fer fribourgeois.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

11 août 1999

8466

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4616

Condensé Les finances des Chemins de fer fribourgeois (GFM) doivent être assainies; l'entreprise a besoin d'une aide de 16,6 millions de francs. Ses difficultés proviennent du fait que des investissements importants, axés sur l'avenir, mais démesurés et non adaptés à la réalité du marché ont été opérés à diverses reprises au cours des quinze dernières années sans qu'on ait suffisamment vérifié s'ils étaient supportables et rentables. Par ailleurs, les instruments de gestion et de contrôle n'ont pas fonctionné. Des crédits ont été alloués par des tiers (banques, caisses de pensions) en partie sans que les organes compétents de la société les aient autorisés, en partie sans qu'ils aient été justifiés avec suffisamment de clarté.

La Confédération n'est, certes, pas impérativement tenue de participer à l'assainissement des GFM. On peut cependant partir du principe que cette participation reviendra moins cher que la faillite de l'entreprise. Dans ce dernier cas, il faudrait notamment mettre en place une société de remplacement pour maintenir le service public.

Etant donné qu'un représentant de la Confédération et un autre des Chemins de fer fédéraux (CFF) siégeaient au conseil d`administration, lequel est responsable, on pourrait, le cas échéant, demander des comptes à la Confédération en vertu de l`art. 754 en liaison avec l`art. 762, al. 4, CO et l`obliger à fournir des dommages et intérêts. Compte tenu du risque considérable que constitue un procès et la durée qui pourrait être la sienne, nous avons renoncé à intenter des actions en responsabilité et à nous retourner contre l`entreprise.

Nous sommes disposés à proposer une contribution unique à l`assainissement des GFM. Nous avons cependant subordonné notre offre à un certain nombre de conditions qui visent à améliorer la gestion de la société et qui ont été remplies depuis lors. Par ailleurs, nous avons tiré les conclusions qui s`imposent et les organes de gestion des entreprises de transport public sont maintenant avertis. Nous vous demandons, par le présent message, d'octroyer une contribution fédérale de 5,532 millions de francs pour assainir les GFM.

8467

Message 1

Partie générale

11

Point de la situation

Afin de pouvoir évaluer les dommages, il importe de connaître certaines caractéristiques des Chemins de fer fribourgeois (GFM), ainsi que leur importance politique et économique pour le canton de Fribourg.

111

Caractéristiques juridiques

Les GFM sont nés en 1942 de la fusion du Chemin de fer électrique de la Gruyère (CEG), du Chemin de fer Bulle ­ Romont (BR) et du Chemin de fer fribourgeois Fribourg ­ Morat ­ Anet (FMA). Ils ont pris la forme d'une société anonyme de droit privé au sens de l'art. 620 s. CO. Le siège de la société se trouve à Bulle. Le capital social est actuellement de 13,75 millions de francs. Dans le cadre des conventions de subventionnement de 1943, la Confédération a participé au capital social à raison de 1,5 million. En 1962, suite à de nouvelles conventions, elle a fait augmenter sa participation de 2,2 millions pour atteindre 3,7 millions. La structure de la propriété qui, en l'occurrence, correspond aux droits de vote, se présente de la manière suivante: ­

Canton de Fribourg

66,7 %

­

Confédération

26,9 %

­

Particuliers

6,4 %

Le capital social se trouve donc, à raison de 93 %, entre les mains des pouvoirs publics, le canton de Fribourg disposant d'une majorité qualifiée des deux tiers.

Selon les statuts de 1962, l`objectif de la société consiste à construire et à exploiter des lignes ferroviaires et à gérer des lignes de bus. En 1993, les statuts ont été entièrement révisés. Ils mentionnent explicitement un deuxième objectif ex aequo: l`engagement de la société dans le fret, les déménagements et l`activité d`agence de voyages (entreprises accessoires non subventionnées). Ils indiquent en outre que la société peut aussi effectuer toutes les transactions immobilières liées directement ou indirectement à ses objectifs.

Jusqu`à la fin de 1997, il existait à côté du conseil d`administration un comité dudit conseil. Les membres du premier étaient recrutés en tenant dûment compte des intérêts des régions. Le canton de Fribourg était représenté dans le conseil d`administration et dans son comité par deux conseillers d`Etat en fonction. Le comité, composé de cinq membres, comprenait un représentant de la Confédération.

Un représentant des CFF a fait partie du conseil d'administration jusqu'en 1994.

Le conseil d'administration a presque été entièrement renouvelé à la fin de 1997 et le nombre de ses membres est passé de 17 à 9. Un membre représente la Confédération, deux le canton de Fribourg et un autre les associations du personnel. Le comité du conseil d'administration a été supprimé par la même occasion.

8468

112

Importance économique

Les GFM exploitent un réseau de 724 km, dont 43 km de voie ferrée normale (Fribourg ­ Anet; Bulle ­ Romont), 48 km de voie ferrée étroite (Palézieux ­ Bulle ­ Montbovon; Bulle ­ Broc-Fabrique) et 633 km de bus sur 62 lignes. Ils occupent plus de 400 personnes. En 1997, la somme de leur bilan atteignait 262,6 millions de francs, pour des charges de 62,8 millions et des recettes de 63,3 millions. De ce dernier montant, 17,4 millions concernaient les produits de transport, 37,3 millions l`indemnité et 8,6 millions les produits accessoires et les prestations pour les tiers.

S'agissant de l'indemnité, les GFM occupent une place à part parmi les entreprises de transport fribourgeoises: pour le transport régional des voyageurs du canton, ils touchent plus de la moitié de l'indemnité ad hoc versée aux termes de la loi du 20 décembre 1957 sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101), le reste revenant pour l'essentiel aux CFF. Par ailleurs, leur activité s'exerce presque exclusivement dans ce canton; seuls 5 % de l'indemnité se rapportent aux prestations fournies dans les cantons de Berne et de Vaud.

En 1997, les pertes cumulées au bilan s`élevaient à quelque 16 millions de francs (dans son rapport de 1996, l`organe de révision a attiré l`attention sur la perte de capital et sur le surendettement selon l`art. 725, al. 1 et 2, CO).

113

Importance politique

Vu leur importance économique et le fait qu'ils appartiennent au canton de Fribourg à raison de 66,7 %, les GFM ont d'emblée été très imbriqués dans les structures politiques du canton. Ce constat ressort tout particulièrement des dispositions réglementaires sur la nomination du conseil d'administration. La règle selon laquelle deux conseillers d'Etat fribourgeois en fonction devaient siéger non seulement au conseil d'administration, mais aussi dans le comité dudit conseil montre que l'actionnaire majoritaire impliquait étroitement les GFM dans la politique fribourgeoise.

12

Raisons de l'assainissement

Au cours des dernières années, les GFM sont tombés dans une impasse financière.

Les causes de ces difficultés peuvent être subdivisées en deux groupes liés l'un à l'autre: d`une part, sans avoir suffisamment vérifié s`ils étaient supportables et rentables, l`entreprise a procédé au fil des ans à des investissements axés sur l`avenir, mais surdimensionnés et non conformes à la réalité du marché. D'autre part, elle ne disposait pas d`importants instruments de gestion et de contrôle.

121

Problèmes liés aux grands projets des GFM

Au cours des quinze dernières années, l'entreprise a opéré plusieurs investissements d'une certaine importance qui ont presque tous engendré des problèmes. Il s'agit des cas suivants:

8469

121.1

Achat de biens-fonds à Semsales et à Grattavache

En 1986 et en 1990, les GFM ont acquis pour 0,7 million de francs des terrains dans les zones agricoles de Semsales et de Grattavache. L'entreprise partait du principe que ceux-ci seraient déclassés prochainement et que des zones industrielles dotées de raccordements ferroviaires pourraient y être aménagées. Cette hypothèse ne s'est pas réalisée. Comme les terrains ont été achetés au moyen de fonds étrangers, les GFM doivent servir un intérêt depuis lors. A l'heure actuelle, ils ne pourraient être vendus qu'à perte.

121.2

Construction de la nouvelle gare de Bulle

La nouvelle gare de Bulle, qui sert tant au rail qu'au bus, a été construite entre 1989 et 1992. Le montant des investissements (34,5 millions de francs) alloué aux GFM par la Confédération et le canton de Fribourg au titre d'une convention et d'un avenant a été dépassé de 9,5 millions. Ces surcoûts sont imputables à diverses modifications du projet. C'est ainsi que les GFM ont notamment aménagé un restaurant et des locaux pour bureaux et magasins alors qu'ils n'étaient pas prévus dans la convention.

121.3

Projet de la gare routière d'Estavayer-le-Lac

Comme la gare routière d`Estavayer-le-Lac est trop petite, la direction des GFM a envisagé de l`agrandir. En 1987, un terrain a donc été acheté pour 1,6 million de francs. En 1993, les GFM ont présenté à l`Office fédéral des transports (OFT) un projet prévoyant des coûts globaux de 14,83 millions (participation des PTT, des GFM et de particuliers). Vu que le projet ne doit servir qu'à trois lignes de bus, l`OFT a exigé qu'il soit revu à la baisse. Il l'a été plusieurs fois par la suite. Lorsque, en 1996, les grandes difficultés financières de l`entreprise ont été connues, la poursuite du projet a été suspendue. Les frais encourus par les GFM jusqu`à cette date atteignent 2,7 millions, les contributions des pouvoirs publics 1,6 million.

121.4

Achat et transformation de trois halles à Givisiez

En janvier 1988, la direction des GFM avait demandé à ses autorités de tutelle l`autorisation d`acheter deux halles à Givisiez pour un montant de 7 millions de francs. L`entreprise envisageait simultanément de vendre une halle pour 6 millions de francs et d`aménager dans les halles de Givisiez un garage pour ses autobus. Les frais d`adaptation avaient été estimés à 0,4 million de francs. Les travaux effectués dans ces deux halles pour répondre aux exigences des GFM ont cependant coûté, au fil des ans, 6,5 millions.

En 1989, le conseil d`administration avait décidé, sur proposition de la direction, d`acheter une troisième halle située à proximité immédiate des deux autres, au prix de 10,8 millions de francs. Celle-ci a été acquise pour garer les divers véhicules affectés au secteur d`activité privé (excursions, déménagements, transports par camions, livraison de ciment). Une petite étude de marché, non affinée, a confirmé 8470

qu`il y avait suffisamment de locataires potentiels. L`acquisition des trois halles a été financée par des emprunts. Depuis lors, les deux premières halles ont surtout été utilisées pour le garage des autobus des GFM. Malgré l`existence de plusieurs intéressés, il n`a pas été possible de louer constamment la troisième, vu le montant du loyer.

121.5

Gare routière de Fribourg

La construction d'un bâtiment de bureaux privés avait été planifiée au-dessus de la gare routière souterraine de Fribourg. Il n`a toutefois pas été possible de trouver des intéressés, de sorte qu`il a fallu redimensionner le projet. Les investissements opérés jusqu`à cette date pour la partie anciennement "privée" doivent être amortis; ils s`élèvent à 3,7 millions de francs.

122

Instruments de gestion et de contrôle défaillants

Les instruments de gestion et de contrôle des GFM n`étaient pas suffisants pour une entreprise de cette taille. Les organes de direction n`étaient pas à même de fournir des informations exactes et complètes sur la situation financière de l`entreprise aux autres organes de manière qu'ils puissent remplir leurs obligations dans ce domaine.

Le manque d'instruments de gestion fiables, complets et transparents en matière financière a eu notamment les conséquences suivantes: ­

Le règlement des compétences entre la direction, le comité du conseil d`administration et le conseil lui-même a souvent été enfreint. Les services subordonnés ne fournissaient que partiellement ou de manière inexacte les informations à leurs supérieurs.

­

Les entreprises accessoires non subventionnées par la Confédération (fret, déménagements, agences de voyages) figuraient comme secteurs rentables dans la comptabilité alors qu`ils étaient déficitaires sur la moyenne des années. La loi sur les chemins de fer permet certes de créditer les excédents des entreprises accessoires au secteur du transport public, mais une perte de leur part ne peut être couverte par ce secteur. C`est pourquoi l`OFT a régulièrement refusé de financer des coûts qui résultaient de ces entreprises, ce qui a fait encore augmenter le solde passif de la société.

13

Evaluation des experts

131

Recours à une fiduciaire pour l'examen sous l'angle du droit des sociétés anonymes

Etant donné l'étendue du dommage financier, l'OFT s`est décidé à faire examiner en détail, en collaboration avec le canton de Fribourg, l`éventuelle responsabilité des organes des GFM vue sous l`angle du droit des sociétés anonymes. La fiduciaire KPMG Fides, domiciliée à Lausanne, a été chargée d`effectuer des investigations approfondies. Cinq secteurs ont été choisis à cette fin: la nouvelle gare de Bulle, la gare routière d`Estavayer-le-Lac, l`achat et la transformation des halles de Givisiez, 8471

le financement des investissements et la qualité des rapports financiers. L`enquête a aussi porté sur la responsabilité des organes de direction des GFM, à savoir le conseil d`administration, le comité dudit conseil et la direction. KPMG Fides est arrivé aux conclusions suivantes: ­

S'agissant des cinq secteurs étudiés, les pertes sont estimées à 27­ 32 millions de francs.

­

Les organes directeurs des GFM n'ont pas suffisamment satisfait à leurs obligations relevant du droit des sociétés anonymes. Dans ce contexte, les experts admettent que ces organes sont responsables au sens de l'art. 754 CO.

­

La responsabilité incombe principalement au conseil d'administration, puis au directeur et, en troisième lieu, au comité du conseil d'administration.

Etant donné que les représentants du canton de Fribourg et de la Confédération au sein du conseil d'administration disposaient de meilleures informations, KPMG Fides leur attribue une responsabilité légèrement plus grande qu'aux autres administrateurs.

­

Contrairement à celle du directeur, la responsabilité de chacun des membres du conseil d'administration, c'est-à-dire le montant du préjudice occasionné, ne peut être déterminée avec précision. Seul le juge pourrait le faire dans le cadre d'éventuelles actions civiles.

­

Lors de ses investigations, KPMG Fides n'a trouvé aucun indice permettant de conclure à un comportement délictueux des organes des GFM. La bonne foi de ces derniers est reconnue.

Les experts estiment que les raisons suivantes expliquent la situation des GFM et la nécessité de les assainir: ­

L'entreprise a effectué des investissements excessifs, non réalistes, sans vérifier suffisamment s'ils étaient supportables et rentables.

­

Les membres du conseil d'administration étaient trop nombreux.

­

Ils avaient été nommés selon des critères relevant principalement de la politique (régionale). Les compétences en matière de gestion n`étaient guère requises.

­

La direction n'était pas suffisamment surveillée par le conseil d'administration et son comité.

­

L'entreprise ne disposait pas d'importants instruments de gestion et ceux qui existaient n'étaient pas assez transparents.

­

Les pouvoirs publics ont accru leur pression pour qu'on fasse des économies.

132

Enquête administrative ordonnée par le DETEC ­ rapport Saxer

Le DETEC a examiné de près les circonstances qui ont conduit à la crise des GFM.

En avril 1996, il a chargé Me Hans-Rudolf Saxer, avocat à Muri près de Berne, d`effectuer une enquête administrative, d`indiquer la responsabilité des services et

8472

des représentants fédéraux et d`en tirer les conclusions qui s`imposent pour l`avenir.

Me Saxer a remis son rapport le 11 juin 1998.

Le rapport de Me Saxer concorde, pour l`essentiel, avec les déclarations de la fiduciaire KPMG Fides. Les lignes suivantes éclairent davantage quelques-unes des raisons qui expliquent l`impasse financière.

a. Conseil d'administration Telle qu`elle est fixée dans les statuts de 1962, la composition du conseil d`administration (9 à 20 membres, prise en considération particulière des intérêts régionaux, sièges réservés à deux conseillers d`Etat fribourgeois en fonction) aurait pu figurer, à cette époque, dans les statuts de nombreuses sociétés comparables d`économie mixte et aurait correspondu à l`esprit du temps. Les problèmes ont surgi dès lors que ces dispositions ont été reprises telles quelles lors de la révision globale des statuts en 1993. Un conseil d'administration aussi grand et composé principalement en fonction de la politique régionale ne devait guère être à même de répondre aux exigences du nouveau droit des sociétés anonymes (loi fédérale du 4 octobre 1991, dont les parties essentielles sont en vigueur depuis le 1er juillet 1992, RS 220).

Relevons notamment à cet égard le nouvel art. 716a CO, qui régit plus sévèrement les tâches intransmissibles du conseil d`administration. Les investigations ont montré clairement que le conseil d`administration des GFM n`était effectivement pas en mesure de satisfaire entièrement à ses obligations. L`entrée en vigueur du nouveau droit des sociétés anonymes aurait dû, en tout cas, inciter les GFM à revoir l'ensemble de leurs structures d'organisation et à les adapter en conséquence.

Ici aussi, le grand nombre des administrateurs a certainement eu des conséquences négatives, chacun d'entre eux se sentant presque obligatoirement investi d'une responsabilité limitée en ce qui concerne la direction de la société.

Comme de nombreuses autres sociétés, les GFM ont essayé de compenser les inconvénients inhérents à un grand conseil d'administration en instituant un comité composé de cinq membres. Le danger d'un «conseil d'administration à deux classes», qui existe avec ce modèle, a eu en l'occurrence des répercussions négatives. Les administrateurs actifs dans le comité étaient mieux informés. Ici aussi, le risque était grand
que le comité ne transmette pas au conseil d'administration toutes les informations nécessaires selon l'art. 716a CO.

En résumé, on constate que la dimension, la structure, le mode de travail et la composition du conseil d`administration des GFM sont largement responsables de l'impasse financière.

Notons cependant que les membres du conseil d'administration et de son comité s'efforçaient visiblement d'agir dans l'intérêt de la société. Il n'existe d'ailleurs aucun indice permettant de conclure à un comportement délictueux de leur part.

b. Direction Les investigations ont montré en outre que le directeur d'alors n`avait pas rempli correctement sa fonction. Il a démissionné à la fin de 1996. C`était une personnalité dynamique, très au fait des questions de transport. Il a cependant omis de mettre en place assez tôt, en collaboration avec le conseil d`administration, les instruments de gestion et de contrôle nécessaires dans le domaine financier. De plus, il a outrepassé ses compétences dans certains cas. Lors de la réalisation de ses projets de transports, il a mal estimé la capacité financière de l`entreprise et l`évolution de l`économie. Il

8473

n'a pas toujours préparé les grands projets d`investissement avec les précautions et le soin voulus. Leur déroulement ainsi que le contrôle des coûts ont parfois laissé à désirer. Même lorsque les difficultés financières sont apparues clairement, il a cru trop longtemps à des possibilités de financement, surtout de la part des pouvoirs publics. Sa politique d`entreprise a parfois souffert d`une inadéquation avec la réalité.

La récession du début des années 90 a encore aggravé les problèmes des GFM.

Il faut noter cependant que le directeur croyait visiblement faire de son mieux pour garantir une desserte optimale du canton de Fribourg et qu`il s`est acquis de grands mérites dans ce domaine. Ici non plus, aucun indice ne permet de conclure à un comportement délictueux de sa part.

c. Instruments de gestion et de contrôle Les instruments de gestion et de contrôle des GFM étaient insuffisants pour une entreprise de cette taille. Les organes de direction n'étaient pas à même de fournir des informations exactes et complètes sur la situation financière de l'entreprise et de les faire parvenir aux autres organes pour que ceux-ci puissent assumer leur responsabilité dans ce domaine. La planification des liquidités et des finances était, elle aussi, insuffisamment développée.

d. Office fédéral des transports En rapport avec le cas des GFM, il importe de considérer le rôle de l'OFT en tant qu'autorité de surveillance des entreprises de transport. Quelle est la portée de l'examen des comptes que l'OFT effectue conformément à l'art. 70 LCdF? Selon l'alinéa 2 de cet article, l'OFT vérifie si les comptes sont conformes aux prescriptions légales, aux dispositions de la concession, aux statuts et règlements et aux conventions conclues entre les collectivités publiques et l'entreprise de transport au sujet des contributions et des prêts. S'agissant de l'interprétation de cette disposition légale, précisons que l'on entend par «prescriptions légales» la loi sur les chemins de fer et ses dispositions d'exécution et non pas les contrôles à effectuer par un organe de révision au sens du droit sur les sociétés anonymes. Le contrôle prévu par l'art.

70 LCdF vise, pour l'essentiel, à vérifier si les subventions sont accordées selon les prescriptions. Il examine aussi si les prescriptions spécifiques sur la présentation
de comptes selon l'art. 63 sont respectées. Aux termes de l'art. 72, toute entreprise de transport est tenue de disposer de son propre organe de révision conforme au droit sur les sociétés anonymes. Les tâches de cet organe sont définies par les art. 727 s.

du CO. Il faut absolument éviter les doubles emplois lors des contrôles de la comptabilité.

Le contrôle des comptes par l'OFT ne libère pas les organes de direction ni la société de révision des tâches et des responsabilités que leur attribue le CO, ce d'autant plus que la révision de la loi sur les chemins de fer, entrée en vigueur le 1er janvier 1996, a sensiblement renforcé la responsabilité individuelle des entreprises de transport.

Dans le cas des GFM, l'OFT n'est pas seulement l'autorité de surveillance au sens précité, mais aussi le représentant de la Confédération, actionnaire de l'entreprise.

Ce double rôle est exigeant dans la pratique et implique une stricte séparation des fonctions. Il nécessite aussi des contacts étroits entre les agents qui en sont chargés.

8474

14

Conséquences pour les autorités et l'entreprise

141

Conséquences pour les autorités fédérales

141.1

Introduction

Depuis quelque temps, le DETEC et l'Office fédéral des transports (OFT) se penchent sur des questions qui sont liées à la gestion des entreprises de transport et qui s'inscrivent dans un contexte économique de plus en plus ardu. Ce faisant, ils tiennent compte des expériences de la réforme que les PTT ont entreprise dans le secteur des transports publics (séparation claire des tâches politiques et des tâches de gestion; conseils d'administration réduits, formés selon des critères professionnels).

Les autorités fédérales se sont adressées à intervalles réguliers aux cantons et aux entreprises de transport. Les directives et les recommandations données par elles à cette occasion visaient en particulier à améliorer le rendement des entreprises de transport et à professionnaliser leurs structures de gestion.

141.2

Leçons générales à tirer du cas des GFM ­ mesures pour l'avenir

Le succès ou l'échec d'une entreprise économique dépend notamment de la composition de sa direction et de son conseil d'administration. Ce principe s'applique aussi aux entreprises de transport, qui, depuis la révision de la loi sur les chemins de fer, entrée en vigueur le 1er janvier 1996 (et pour le trafic à longue distance, depuis le 1er janvier 1999, date de l'application de la réforme des chemins de fer) sont beaucoup plus exposées à la concurrence qu'elles ne l'étaient auparavant. Afin d'assurer la meilleure offre possible de transport public et de tirer les leçons de la crise des GFM, les entreprises devront accorder la plus grande importance aux critères suivants: ­

La direction opérationnelle devra être confiée à des personnalités fortes et compétentes, mais aussi à l'aise dans les contacts et l'autocritique.

­

Dans une lettre, le DETEC a invité en 1997 les cantons et les entreprises de transport à adapter la dimension des conseils d'administration aux nouvelles exigences du droit sur les sociétés anonymes. Le conseil d'administration ne devrait en tout cas pas compter plus de 9 membres, ce qui permettra aussi de renoncer au comité. Si ce dernier est maintenu à titre temporaire, il faudra en tout cas s'assurer que le conseil d'administration soit informé sans faille et qu'il dispose de tous les éléments nécessaires pour s'acquitter des attributions qui lui incombent en vertu de l'art. 716a CO.

­

En élisant les membres du conseil d'administration, il faudra veiller à ce que celui-ci dispose, en tant qu'organe, des compétences nécessaires dans les secteurs déterminants (expérience de la gestion, connaissances de la branche, connaissances économiques et juridiques, etc.). Afin que les entreprises de transports puissent élire leurs nouveaux administrateurs plus facilement, l'OFT a élaboré un profil d'exigences pour cette fonction.

­

En plus des exigences techniques qu'ils seront appelés à remplir, les administrateurs devront notamment disposer de l'autonomie, de l'esprit critique et du dynamisme nécessaires et avoir suffisamment de temps pour exercer leur 8475

mandat. Les administrateurs fédéraux bénéficieront désormais d'une formation systématique pour leurs fonctions.

­

Les organes directeurs d'une entreprise de transport devront agir en fonction de critères liés à l'économie d'entreprise en tenant compte particulièrement de la situation du marché et satisfaire à tous égards à des exigences de qualité élevées. Une attention particulière devra être vouée à la mise en place d'instruments de gestion efficaces et transparents. Les critères du droit sur les sociétés anonymes et de la LCdF ainsi que de leurs dispositions d'exécution devront être entièrement remplis.

­

Le choix des membres de l'organe de révision devra obéir à des exigences techniques élevées.

­

Lors de la réélection des représentants fédéraux aux conseils d'administration des entreprises de transport, on a examiné si la Confédération devait encore être représentée. Il s'en est suivi une forte réduction de cette représentation.

­

S'agissant du double rôle de l'OFT en tant qu'autorité de surveillance et que représentant de la Confédération aux conseils d'administration des chemins de fer privés, des règles strictes de récusation ont déjà été émises en 1996.

141.3

Mesures concrètes pour les GFM

Etant donné qu'il vérifie les comptes en vertu de la LCdF, l'OFT s'est aperçu des difficultés et des irrégularités au cours des années. Sur ordre de la direction, les collaborateurs compétents ou les chefs de section les ont traitées et corrigées dans la mesure de leurs possibilités et de leurs attributions. Il convient toutefois d'observer que la surveillance a ses limites et qu'il ne s'agit pas d'intervenir dans la gestion opérationnelle de l'entreprise. C'est pourquoi les représentants de l'OFT au conseil d'administration des GFM ont toujours tenté d'assurer un déroulement régulier des affaires.

En résumé, le DETEC et l'OFT ont engagé les mesures suivantes: ­

En 1994, il était clair que les GFM devaient être assainis. Le représentant fédéral de l'époque à leur conseil d'administration en informa la direction de l'OFT. Le directeur de cet office présenta alors une première proposition concrète d'assainissement aux représentants du canton de Fribourg.

­

Le 12 janvier 1995, des représentants de l'OFT et du canton Fribourg décidèrent d'instituer un groupe de travail chargé d'analyser la situation financière des GFM et de proposer des solutions. Son rapport du 26 septembre 1995 concluait qu'une somme d'environ 30 millions de francs était nécessaire pour redresser la compagnie.

­

D'un commun accord avec le canton de Fribourg, la direction de l'OFT fit analyser par la fiduciaire KPM Fides la responsabilité des organes des GFM sous l'angle du droit sur les sociétés anonymes (voir ch. 131). Par ailleurs, en avril 1996, le chef du DETEC chargea Me. Hans-Rudolf Saxer de déterminer dans une enquête administrative la responsabilité des services et des représentants fédéraux, et de mettre en évidence les leçons à en tirer pour l'avenir (voir ch. 132 et 141.2).

8476

141.4

Conditions d'une participation de la Confédération à l'assainissement

Nous sommes disposés à demander l'assainissement des GFM uniquement aux conditions suivantes: ­

Le conseil d'administration des GFM ne doit pas comprendre plus de 7 à 9 membres.

­

Tous les administrateurs en fonction avant 1996 doivent donner leur démission.

­

Un profil d'exigences à respecter scrupuleusement devra être défini pour choisir les administrateurs. Il mettra l'accent sur la gestion de l'entreprise. Le président du conseil d'administration ne devra pas appartenir au Conseil d'Etat fribourgeois et les représentants du canton n'auront pas le droit d'exercer des fonctions de commanditaires en vertu de l'ordonnance sur les indemnités, les prêts et les aides financières selon la loi sur les chemins de fer (OIPAF; RS 742.101.1).

­

Les GFM présenteront aux commanditaires (Confédération et canton de Fribourg) un compte prévisionnel en ordre, assorti d'une comptabilité analytique. La direction de l'entreprise attachera une importance particulière à la planification rigoureuse des liquidités et elle contrôlera le placement des capitaux étrangers en coopération avec les organes de la société.

­

La Confédération reconnaîtra uniquement les coûts financiers des prêts de tiers (banques, caisse de pensions, etc.) dans les comptes des GFM si les autorités fédérales ont au préalable approuvé expressément de tels prêts. Par ailleurs, le conseil d'administration veillera au respect rigoureux des compétences prévues dans le règlement d'organisation en matière de décision.

­

Une fois l'assainissement mené à bien, le DETEC décidera si la Confédération veut continuer à se faire représenter au conseil d'administration des GFM; on déterminera par ailleurs lors de l'assainissement si l'injection de nouveaux fonds se fera par une adaptation du capital social ou sous une autre forme. La Confédération se réservera de renoncer à sa participation actuelle.

­

La contribution fédérale à l'assainissement se montera au plus à un tiers des fonds nécessaires; la Confédération attend du canton un montant équivalant aux deux tiers.

Comme nous l'exposons ci-dessous, le canton de Fribourg et les GFM ont d'ores et déjà rempli ces conditions.

141.5

Des actions en responsabilité ne seront pas engagées

Le surendettement des GFM a essentiellement eu lieu entre 1988 et 1992 et il était dû à des investissements qui n'étaient pas couverts par des conventions d'investissements. La longue phase de récession a encore aggravé la situation financière de l'entreprise, étant donné que le résultat des entreprises accessoires s'est encore détérioré et que les avoirs immobiliers surdimensionnés n'ont cessé de perdre de la valeur.

8477

Les experts ne discernent aucun comportement pouvant donner lieu à des poursuites pénales à l'encontre des organes responsables. Tant les membres du conseil d'administration et de son comité que le directeur se sont efforcés d'agir dans l'intérêt de la société. Pour les raisons suivantes, nous renonçons à une action en responsabilité contre ces personnes: Des actions intentées contre d'autres membres des organes directeurs accroîtraient le risque d'un procès, lequel pourrait durer longtemps. Par un travail minutieux, le juge devrait déterminer la responsabilité de chacun des administrateurs. Par ailleurs, les représentants fédéraux au conseil d'administration risqueraient de se voir aussitôt intenter des actions en responsabilité émanant d'autres parties. Ces procédures occasionneraient finalement d'importants frais sans pour autant procurer d'avantages financiers.

La Confédération répond elle-même des préjudices que ses représentants au conseil d'administration ont causés en enfreignant leurs obligations intentionnellement ou par négligence (art. 754 en liaison avec l'art. 762, al. 4, CO). Vu l'art. 7 de la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération (RS 170.32), des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires, elle ne peut recourir contre ses représentants que si ceux-ci ont agi intentionnellement ou par négligence grave.

L'enquête de KPMG Fides a toutefois révélé qu'on ne peut guère reprocher de négligence grave aux administrateurs.

Pour toutes ces raisons, les autorités fédérales ont renoncé à intenter des actions en responsabilité (pour la responsabilité pénale, voir le dernier paragraphe, ch. 142).

141.6

La société ne sera pas mise en faillite

On aurait pu assainir les GFM en engageant leur mise en faillite. Il aurait fallu alors créer une société de remplacement afin d'assurer les transports publics et doter cette société de suffisamment de capitaux. Cette option aurait nui à la réputation des entreprises de transport public et aurait coûté à la Confédération à peu près autant qu'un assainissement sans atteinte supplémentaire à l'image de ces entreprises. A cela se seraient éventuellement ajoutés d'autres coûts, imprévisibles, dans les secteurs social et politique. C'est pourquoi les services fédéraux ont renoncé à cette possibilité.

142

Conséquences pour le canton de Fribourg

Avant d'adresser une demande d'assainissement à la Confédération et au canton, celui-ci était convenu avec la Confédération que les GFM devaient d'abord prendre toutes les mesures propres à régler la situation sur le plan interne.

Par ailleurs, en 1995, le Conseil d'Etat fribourgeois avait chargé les GFM d'effectuer un audit destiné à analyser la rentabilité réelle et les perspectives des services accessoires.

Le nombre des administrateurs a été ramené de 17 à 9 et le comité du conseil d'administration a été supprimé. Après l'assainissement des GFM, aucun représentant du canton ne pourra plus siéger au conseil d'administration s'il exerce simultanément

8478

une fonction de commanditaire au sens de l'OIPAF. Par ailleurs, le président du conseil d'administration ne pourra pas être membre du Conseil d'Etat fribourgeois.

Lors de sa séance du 27 novembre 1998, le Grand Conseil du canton de Fribourg a approuvé sans discussion la contribution destinée à l'assainissement de l'entreprise.

Le canton de Fribourg a déposé son dossier auprès du juge d'instruction, qui examinera s'il y a des responsabilités d'ordre pénal. Nous pourrions revoir notre position concernant une action en responsabilité lorsque nous connaîtrons la décision du juge fribourgeois.

143

Conséquences pour les GFM depuis 1996

Au début de 1996, un nouveau groupe de travail réunissant des représentants de la Confédération, des GFM, du canton de Fribourg et d'une entreprise externe de consulting fut institué et chargé d'élaborer un plan d'action visant à recentrer les activités des GFM sur les transports publics. Après avoir pris connaissance du résultat des travaux préliminaires de ce groupe, les organes des GFM ont décidé de vendre toutes les activités accessoires pour que l'entreprise puisse de nouveau se concentrer sur les transports publics à partir de la fin juin 1997. Ce recentrage sur l'activité principale, accompagné d'une réévaluation de tous les besoins immobiliers à moyen et à long terme, était indispensable pour définir précisément les conditions de l'assainissement. Il s'agissait d'une tâche particulièrement délicate, étant donné la récession et l'objectif de ne licencier aucune des 27 personnes qui travaillaient dans le secteur concerné.

Durant le second semestre 1996, la commission de sélection de la communauté d'exploitation GFM/TF a défini le profil exigé du nouveau directeur et a proposé un candidat aux organes de ces deux entreprises. La personne choisie a commencé son activité début 1997.

Au cours du premier semestre 1997, les organes des GFM ont effectué, en collaboration avec la nouvelle direction, une analyse globale des comptes et ils ont établi pour la fin 1996 un bilan corrigé sur la base d'une réévaluation de certains actifs et passifs. Dans ce cadre, il est apparu que des provisions étaient nécessaires pour couvrir le déficit technique de la fondation de prévoyance. Il s'est avéré par la suite, au terme de négociations ardues sur les offres de transfert de la fondation de prévoyance, qu'on n'avait pas besoin de recourir aux provisions des comptes annuels de 1996 et que l'on pouvait les dissoudre. Ainsi, le montant de 40 millions de francs, que le DETEC et le Conseil d'Etat fribourgeois avaient jugé nécessaire en septembre 1997 pour l'assainissement et l'augmentation de capital, s'est révélé être trop élevé.

Le refinancement pourra se borner à assainir le report des pertes corrigées dont fait état le rapport de révision de l'OFT d'octobre 1998. Ce montant s'élève finalement à 16 596 000 francs.

Les mesures prises par les GFM ont d'ores et déjà donné des premiers résultats positifs. En 1998,
le trafic indemnisé par la Confédération et le canton a ainsi produit un bénéfice avoisinant le million de francs qui, en vertu de l'art. 64, al. 2, LCdF, doit être mis en réserve pour couvrir de futurs risques. Comme les pertes inscrites au bilan ne proviennent pas directement des activités de transport public, il serait contraire à l'article 64 LCdF de les éponger en recourant à cette réserve.

8479

15

Appréciation juridique

151

La Confédération est-elle tenue de procéder à l'assainissement?

Ni la loi sur les chemins de fer (LCdF) ni d'autres prescriptions juridiques n'obligent la Confédération à participer à l'assainissement d'une entreprise de transport en difficulté. Ils ne contiennent pas non plus de base juridique l'y autorisant.

152

Financement après coup d'investissements supplémentaires

Il faut examiner si les investissements supplémentaires qui ont rendu nécessaire l'assainissement n'auraient pas pu être financés par un subventionnement ultérieur fondé sur l'art. 56 LCdF. Une partie au moins des fonds nécessaires à l'assainissement auraient ainsi pu être couverts.

L'art. 56 LCdF permet à la Confédération de verser des contributions en faveur des installations, des équipements ou des véhicules d'une entreprise de transport pour augmenter sensiblement la rentabilité, la capacité ou la sécurité de son exploitation.

Les modalités de ces prestations sont réglées dans des conventions conclues entre la Confédération et le canton (commanditaires) d'une part, et de l'autre, l'entreprise (fournisseur de prestations).

Il est possible, en principe, d'accorder une contribution supplémentaire pour un projet subventionné dont le coût dépasse celui qui avait été projeté. On peut faire valoir uniquement les coûts imputables (renchérissement, modifications importantes du projet, etc.). Selon les art. 26, al.1 et 27 la loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (loi sur les subventions, LSu; RS 616.1), les coûts supplémentaires engendrés doivent avoir obtenu impérativement l'accord préalable de l'autorité compétente. Dans les cas du projet d'Estavayer-le-Lac et de la gare de Bulle, cette condition n'a pas été respectée. Une contribution ultérieure de la Confédération selon l'art. 56 LCdF n'est donc pas admissible.

153

Intérêts publics plaidant en faveur d'une contribution de la Confédération

La Confédération a toutefois incontestablement un intérêt public et politique à éviter la faillite des GFM en participant à leur assainissement (voir ch. 141.5 et 141.6) et à garantir ainsi, conjointement avec le canton de Fribourg, la desserte par des transports publics. Vu cette situation il se justifie de soutenir l'assainissement des GFM en se fondant sur une base légale spéciale.

154

Forme de la contribution de la Confédération

Les GFM disposent d'un capital social de 13,75 millions de francs, ce qui équivaut à 5,27 % du capital étranger de 260,9 millions de francs (contributions d'investissement incluses). Le capital propre s'élève à 1,75 million de francs, soit à 0,67 % du capital étranger.

8480

Le report des pertes, d'un montant de 16 596 000 francs, peut être épongé par une contribution à fonds perdu ou par une souscription d'actions. Afin que, dans ce dernier cas, il n'y ait pas de modification de la structure de la propriété, le capital social (CS) doit être amorti proportionnellement au versement dans le CS. Il en résulte les variantes suivantes:

154.1

Prêt

Les GFM sont endettés et le rapport entre leurs fonds propres et les capitaux étrangers n'est pas très favorable. Il n'est donc pas judicieux de leur accorder un prêt pour l'assainissement, car celui-ci ne pourrait pas être amorti ni remboursé en temps utile.

Le prêt augmenterait le capital étranger et ne servirait pas à désendetter la compagnie.

154.2

Souscription d'actions

La Confédération peut souscrire des actions de l'entreprise. Elle pourrait amortir celles qu'elle possède dans la proportion de sa contribution à l'assainissement. En contrepartie, elle pourrait souscrire et payer de nouvelles actions GFM pour le même montant. La structure de la propriété ne changerait pas. La Confédération posséderait, comme auparavant, 26,9 % des actions de l'entreprise. Cette solution présente toutefois un inconvénient: la souscription d'actions étant soumise à l'impôt, elle entraînerait des coûts supplémentaires.

154.3

Contribution à fonds perdu

Enfin, le report des pertes cumulées de 1997 peut être épongé par un versement à fonds perdu. Cette forme de financement est moins coûteuse et plus favorable que la souscription d'actions parce qu'elle n'entraîne pas le paiement d'impôts. Nous vous proposons donc d'assainir les GFM en leur octroyant une contribution à fonds perdu.

154.4

Forme de la contribution du canton

Le canton de Fribourg couvrira la majeure partie de sa participation à l'assainissement en souscrivant des actions. Cette solution se justifie avant tout par des raisons d'ordre budgétaire. Par ailleurs, le canton garantit le versement rapide des fonds nécessités d'urgence.

La souscription d'actions par le canton de Fribourg n'aura aucune incidence sur la structure de la propriété des GFM parce qu'une part équivalente du capital social actuel sera amortie. Cette structure ne changera donc ni pour le canton ni pour la Confédération.

Le canton fournira une petite partie de ses paiements en tant que contribution à fonds perdu, qui grèvera directement le budget annuel.

8481

2

Partie spéciale

21

Participation de la Confédération à l'assainissement

L'assainissement des GFM a été limité à la couverture des pertes cumulées à la fin de 1997 qui s'élèvent, comme nous l'avons mentionné, à 16'596'000 francs.

Nous sommes disposés à proposer une contribution unique à l'assainissement des GFM. Nous l'avons toutefois subordonnée à une série de conditions (voir ch. 141.4) qui sont maintenant remplies.

Nous avons décidé de vous proposer que la Confédération participe pour un tiers à la couverture des pertes cumulées à la fin de 1997. Sa participation s'élèvera donc à 5 532 000 francs.

Le canton de Fribourg prendra à sa charge deux tiers du montant de l'assainissement, soit 11 064 000 francs. A sa séance du 27 novembre 1998, le Grand Conseil fribourgeois l'a approuvé sans discussion.

En revanche, la Confédération et le canton sont convenus de renoncer à une participation des actionnaires privés (environ 6 % du capital social). En vertu du droit sur les sociétés anonymes, les actionnaires ne sont pas tenus d'injecter des fonds supplémentaires. Selon l'enquête de la KPMG Fides, on ne pourrait attribuer qu'une responsabilité réduite à leurs représentants au sein du conseil d'administration. Les contributions à l'assainissement convenues entre la Confédération et le canton de Fribourg ne se fondent donc pas sur leurs portefeuilles d'actions, mais sur une répartition approximative des responsabilités éventuelles, reconnue d'un commun accord.

Les charges qui ne seraient pas comprises dans les pertes cumulées seront prises en compte dans une deuxième phase d'assainissement. La Confédération n'y participera toutefois pas.

22

Proposition

Par ce message, nous vous proposons d'allouer aux GFM une contribution à fonds perdu de 5'532'000 francs pour qu'ils assainissent leurs finances.

3

Conséquences

31

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

311

Pour la Confédération

La participation financière de la Confédération à l'assainissement est décrite aux ch. 21 et 22. Elle ne figure pas dans le budget de la Confédération et n'a pas de répercussion sur le plan du personnel (voir aussi ch. 141.5)

8482

312

Pour le Canton de Fribourg

La participation du canton de Fribourg à l'assainissement est décrite aux ch. 21 et 22. Le canton a remis son dossier au juge d'instruction, qui examinera la question de la responsabilité pénale et engagera les mesures qui s'imposent.

4

Programme de législature

Le projet concernant l'assainissement des GFM n'est pas annoncé dans le programme de législature 1995­1999. Il est néanmoins urgent, car l'entreprise est menacée dans son existence.

5

Rapport avec le droit européen

Le droit européen n'est pas pertinent pour le projet.

6

Bases juridiques

Le versement d'une contribution à l'assainissement des GFM se fonde sur l'art. 26 cst., selon lequel la législation sur la construction et l'exploitation des chemins de fer est du ressort de la Confédération.

Comme le principe de la légalité s'applique aussi aux aides financières, la participation à l'assainissement des GFM doit reposer sur une base légale explicite. Vu qu'il s'agit d'une contribution unique, l'acte législatif doit être de durée limitée. Selon l'art. 163 nCst., il doit être édicté sous la forme d'une loi fédérale.

8483