99.076 Message relatif à la révision partielle du droit du bail dans le code des obligations et à l'initiative populaire «pour des loyers loyaux» du 15 septembre 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par la présente, nous vous soumettons le message relatif à l'initiative populaire fédérale «pour des loyers loyaux» et vous proposons de soumettre l'initiative au vote du peuple et des cantons en recommandant son rejet.

Vous trouverez ci-joint le projet d'arrêté fédéral correspondant.

Par la même occasion, nous vous soumettons un projet de modification du droit du bail dans le code des obligations sous la forme d'une contre-proposition indirecte que nous vous recommandons d'approuver.

En outre, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante: 1992

M

92.3576

Passage aux loyers libres (N 9.6.94 Baumberger; S 20.3.96)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'expression de notre haute considération.

15 septembre 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-5174

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Condensé Le droit du bail actuel est entré en vigueur le 1er juillet 1990. Il remplaçait alors, sur la base d'une révision totale, l'arrêté fédéral de 1972 instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (AMSL). Toutes les dispositions relatives au droit du bail sont depuis lors réunies dans le code des obligations (CO). Bien que les travaux de révision aient duré plus de dix ans au total, des appels provenant aussi bien des locataires que des bailleurs n'ont cessé de s'élever, même après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, pour réclamer d'autres modifications.

En 1992, le conseiller national Baumberger a déposé une motion demandant le passage progressif aux loyers libres. La motion a été acceptée par le Parlement en 1996. Cependant, en rejetant au cours de sa session de décembre 1997 les initiatives parlementaires Hegetschweiler et Ducret, lesquelles demandaient un assouplissement des mesures de protection dans le secteur locatif prévues par le CO sans toutefois envisager des loyers libres, le Conseil national est revenu sur sa position.

Le rejet a été motivé par le fait que les propositions des initiatives parlementaires n'ont pas pu réunir une majorité favorable lors des séances de commission.

Le 14 mars 1997, l'Association suisse des locataires a déposé l'initiative populaire «pour des loyers loyaux».

L'initiative populaire renferme les points suivants, sous la forme d'un texte rédigé de toutes pièces: a.

Définition des loyers initiaux considérés comme abusifs;

b.

Fixation des variations de loyers sur la base d'éléments influençant directement les coûts, à l'exclusion des motifs d'adaptation dits absolus (loyers usuels dans la localité ou dans le quartier, amélioration du rendement). Les adaptations de loyer basées sur l'évolution du taux hypothécaire doivent être calculées sur une valeur moyenne établie sur cinq ans (taux hypothécaire «lissé»);

c.

Limitation et échelonnement des augmentations de loyer liées à un transfert d'immeuble;

d.

Délégation aux cantons de la tâche de légiférer afin que seules les prestations liées à la consommation effective des locataires puissent leur être facturées au titre de frais accessoires;

e.

Obligation générale de respecter des formules approuvées, également pour les loyers initiaux et les autres prétentions du bailleur;

f.

Dispositions spéciales pour les logements d'utilité publique et pour les contrats-cadre ayant force obligatoire;

g.

Obligation de prouver que les motifs d'un congé sont justifiés et définition des éléments constitutifs du congé abusif.

Par les dispositions transitoires, la Confédération reçoit la compétence, en cas d'acceptation de l'initiative, d'édicter les dispositions d'exécution nécessaires jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Il est également prévu que la Confédération établisse des statistiques de loyers en collaboration avec les cantons.

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Le Conseil fédéral rejette l'initiative car celle-ci entérine les éléments de loyers couvrant les coûts comme étant la seule base d'adaptation des loyers et prive ainsi le marché du logement d'une nécessaire souplesse. Il reconnaît néanmoins la justesse de certaines revendications de l'initiative populaire, notamment en relation avec les effets problématiques du couplage entre le taux hypothécaire et les loyers.

Cependant, la proposition de fixer un taux hypothécaire lissé ne ferait que différer le problème sans le régler. A cela s'ajoute le fait que la détermination d'un taux de référence pour le secteur locatif devient de plus en plus difficile car les instituts de financement fixent de plus en plus souvent les conditions de prêt hypothécaire au cas par cas et offrent un vaste choix de modèles hypothécaires.

De l'avis du Conseil fédéral, il convient donc de traiter le «problème du couplage» sur le fond. Il souhaite également remédier à quelques-unes des faiblesses incontestées de la réglementation actuelle. Parmi ces dernières figurent les règles complexes de calcul et de réserve, le mélange de critères d'abus relatifs et absolus et les difficultés qui en résultent pour les autorités de conciliation et les tribunaux. En outre, les discussions portant sur la proposition du Conseil fédéral et les résultats de la procédure de consultation ont montré que la notion d'abus liée à un rendement excessif ou à un prix d'achat exagéré n'est finalement pas satisfaisante.

Fort de ces considérations, le Conseil fédéral a décidé d'opposer à l'initiative populaire «pour des loyers loyaux» un contre-projet indirect comportant les nouveautés essentielles suivantes: ­

les loyers doivent dorénavant être adaptés en priorité à l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation, ceci à raison de 80 % des variations de l'indice;

­

la détermination du caractère abusif d'un loyer ne repose plus sur la notion de rendement excessif, mais sur le principe des loyers comparatifs, pour l'application duquel la Confédération doit mettre en place des instruments appropriés,

­

la taille des appartements et des maisons familiales de luxe est estimée sur la base de la surface nette habitable et non plus sur le nombre de pièces,

­

les augmentations de loyer motivées par des investissements entraînant une plus-value de la chose louée ou par un transfert d'immeuble doivent être échelonnées dès qu'elles dépassent 20 % du montant du loyer précédent,

­

les loyers de logements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics doivent également pouvoir être examinés quant à leur légitimité, ceci dans le cadre des dispositions de la procédure administrative,

­

les autorités de conciliation doivent pouvoir trancher tous les litiges portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 5000 francs,

­

les parties sont exonérées d'émoluments et de frais judiciaires pour les litiges concernant les congés abusifs ainsi que pour les litiges portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 20 000 francs.

Aucune modification n'est prévue au niveau de la protection contre les congés abusifs. Celle-ci a été beaucoup moins controversée par le passé que les règles

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d'adaptation des loyers. La modification de la loi s'applique donc essentiellement à la détermination des loyers. Les dispositions du droit actuel qui ont résisté avec succès à l'épreuve du temps sont maintenues. Les dispositions transitoires permettent d'assurer que les bailleurs ayant répercuté les baisses du taux hypothécaire sur les loyers ne seront pas désavantagés dans le nouveau droit par rapport à ceux qui ne l'ont pas fait.

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Message 1

Partie générale

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Point de la situation

En comparaison avec les autres pays d'Europe de l'Ouest, la Suisse affiche le plus haut taux de locataires. Quelque 70 % de ses habitants vivent dans des logements locatifs. Les rapports entre les bailleurs et les locataires y revêtent donc une grande importance. Le droit du bail passe pour l'un des domaines les plus sensibles de la politique du logement. En effet, il règle non seulement le droit d'utilisation et de disposition d'un bien vital, lié généralement à de profonds aspects émotionnels.

L'intervention de l'Etat dans la détermination des baux influence aussi la production de logements, les marchés du terrain, de l'immobilier et des capitaux et ainsi l'ensemble de l'économie. Le droit du bail affecte de nombreux intérêts, ce qui donne lieu à des divergences d'opinion et à des controverses politiques.

Le droit du bail suscite en substance toujours les mêmes questions fondamentales.

L'Etat doit-il limiter la liberté de contracter des parties et si oui jusqu'où doit-il exercer son influence? Des dispositions réglant la concurrence ou des instruments de droit privé comme l'interdiction de l'usure et la défense d'exploiter une situation de gène personnelle suffisent-elles à la protection des locataires, ou d'autres réglementations sont-elles nécessaires? Celles-ci doivent-elles se limiter à la protection contre les congés abusifs ou doivent-elles également influer sur la détermination des loyers?

Ces questions ont reçu jusqu'à présent des réponses diverses, qui dépendaient des priorités socio-politiques, de la situation conjoncturelle générale et des conditions particulières régnant alors sur le marché du logement.

Il est incontesté que les abus doivent être empêchés et que le capital investi doit être préservé tout en portant un intérêt raisonnable. Il est également largement reconnu que le marché constitue un instrument de régulation garantissant une utilisation économiquement efficace de biens en quantité limitée. Mais alors que certains évoquent les particularités du marché du logement (lourds frais de transaction, négociabilité restreinte des biens immobiliers, formation de monopoles locaux, absence de transparence, etc.) pour motiver des interventions régulatrices de l'Etat, d'autres estiment ces dernières superflues et contre-productives.

Les effets du droit du bail sont très
controversés. Les partisans du marché libre affirment que les interventions étatiques ont pour conséquences, par exemple, de réduire les investissements, d'empêcher une utilisation économique des logements, de limiter le niveau de mobilité et d'entraver le fonctionnement du marché du travail.

Les adversaires des loyers libres donnent en revanche la priorité à des réflexions sociales. Parmi celles-ci figurent la protection des groupes de population économiquement faibles, l'attachement au quartier et des frais de logement supportables.

Depuis 1917, la Suisse n'a connu des loyers totalement libres que durant 18 mois au cours des années 1971 et 1972. La liberté de contracter a sinon toujours été limitée.

L'intensité de ces restrictions, allant des contrôles des loyers à la lutte contre les abus en passant par la surveillance des prix, a connu un assouplissement progressif.

La protection des locataires constitue aujourd'hui un élément bien accepté de la lé-

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gislation sociale. Du point de vue économique, celui-ci repose sur le problème dit du «hold up»1: en raison des coûts élevés de déménagement et de réintégration sociale, le locataire se trouve en position défavorable face au bailleur et devrait donc, tout au moins pendant la durée du bail, jouir d'une certaine protection contre d'éventuelles prétentions abusives de ce dernier.

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Eléments du droit du bail actuel

Le droit du bail est réglé par les art. 253 à 274g CO2. La version actuelle est entrée en vigueur le 1er juillet 1990. Le chapitre premier est consacré aux dispositions générales relatives au bail. Le chapitre II traite de la protection des locataires d'habitations et de locaux commerciaux contre les loyers abusifs et le chapitre III de la protection contre les congés abusifs. Le chapitre IV, enfin, établit la compétence des autorités ainsi que la procédure à engager. La grande majorité des dispositions revêtent un caractère impératif.

Des adaptations de loyers unilatérales ne peuvent intervenir dans un bail en cours que lorsque le bail prévoit expressément une clause d'adaptation ou lorsque le CO comporte la base juridique correspondante. Par son art. 109, la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999 autorise la Confédération à légiférer afin de lutter contre les abus en matière de bail à loyer. C'est sur cette disposition constitutionnelle que reposent les art. 269 à 270e CO, lesquels ont pour objet de protéger le locataire contre les loyers abusifs et autres prétentions abusives du bailleur.

L'art. 269 CO établit pour règle qu'un loyer est abusif lorsqu'il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'il résulte d'un prix d'achat manifestement exagéré.

L'art. 269a CO énumère une liste d'exceptions, c'est-à-dire de situations dans lesquelles le caractère non abusif des loyers est présumé. Ne sont pas considérés comme abusifs, notamment, les loyers qui se situent dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (let. a), qui sont justifiés par des hausses de coûts ou par des prestations supplémentaires du bailleur (let. b) ou qui ne compensent que le renchérissement pour le capital exposé aux risques (let. e). L'art. 12, al. 1, de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)3 établit que l'augmentation du taux hypothécaire constitue une hausse de coûts pouvant être reportée sur les loyers. Ces derniers peuvent se situer, lorsqu'il s'agit de constructions récentes, dans les limites du rendement brut permettant de couvrir les frais (let. c). Enfin, les loyers ne sont pas abusifs lorsqu'ils correspondent à un plan de paiement convenu (let. d) ou lorsqu'ils n'excèdent pas les limites
recommandées par les contrats-cadre des associations de bailleurs et de locataires (let. f).

Les parties peuvent convenir par contrat que le loyer sera adapté en fonction de l'indice suisse des prix à la consommation (art. 269b CO) ou d'un échelonnement convenu (art. 269c CO).

1 2 3

T. von Ungern-Sternberg, Bases économiques pour une loi sur la protection des locataires, cahiers de recherches économiques, Université de Lausanne, Lausanne 1997.

RS 220 RS 221.213.11

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Le droit en vigueur est une combinaison des dispositions antérieures de l'arrêté fédéral instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (AMSL) et de celles du CO. Les nouvelles dispositions suivantes sont apparues dans le domaine de la détermination des loyers avec la révision de 1990: ­

les loyers indexés doivent obligatoirement faire référence à l'indice suisse des prix à la consommation;

­

en cas de loyer échelonné, seul le loyer initial peut être contesté;

­

les taux de report des augmentations du taux hypothécaire sont réduits, car les taux d'intérêt sur les fonds propres ne sont pas pris en considération dans le calcul;

­

les compensations de réductions de loyer accordées grâce au report partiel des frais usuels de financement ne sont pas abusives dans la mesure où elles sont fixées dans un plan de paiement connu du locataire à l'avance;

­

lors d'une adaptation partielle des loyers, le bailleur doit indiquer, en francs ou en pour-cent du loyer, la somme à laquelle il renonce afin que cette réserve puisse être reportée ultérieurement;

­

le loyer initial peut être contesté si le locataire a été contraint de conclure le bail par nécessité personnelle ou familiale ou en raison de la situation sur le marché local du logement et des locaux commerciaux. Le loyer initial peut en outre être contesté s'il a considérablement augmenté par rapport au loyer précédent.

Le droit du bail en vigueur est basé sur le principe de la répercussion des coûts. Ainsi, les adaptations de loyers sont acceptables lorsqu'elles sont motivées par une modification des coûts supportés par les bailleurs. Mais ce droit comporte également des éléments de marché comme l'usage de la localité ou du quartier ou le fait que les autorités ne puissent enquêter sur le caractère abusif d'un loyer qu'à la demande d'un locataire. L'interprétation des principes basés sur les coûts effectifs et sur le marché donne souvent lieu à des controverses et la jurisprudence doit fréquemment se prononcer à ce sujet.

La jurisprudence a développé deux méthodes, dites absolue et relative, pour contrôler les adaptations de loyers.

Dans la méthode absolue, le loyer est contrôlé en lui-même et non par rapport au loyer précédent. Le montant admissible est exprimé de manière absolue. Cette méthode est utilisée avec réserve dans la pratique car elle est délicate et complexe.

La méthode relative est aujourd'hui de loin la plus fréquemment utilisée. Selon cette méthode, l'adaptation de loyer n'est examinée qu'en comparaison avec le loyer précédent, ceci en tenant compte d'éventuelles réserves constituées antérieurement (adaptations partielles du loyer). Cette méthode est sensiblement plus simple et plus aisée à manier que la méthode absolue.

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Evaluation des expériences passées

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Situation actuelle sur le marché du logement

On estime qu'il existe en Suisse quelque 3,5 millions de logements, dont environ trois millions sur le marché locatif. Quatre cinquièmes des objets locatifs se trouvent en zone urbaine. En 1990, une bonne moitié des logements locatifs appartenaient à des personnes privées. Les autres grands fournisseurs de logements sont les investisseurs institutionnels (18 %), les entreprises de construction et les sociétés immobilières (11 %) et les coopératives (6 %). Le reste est réparti entre d'autres maîtres d'ouvrage oeuvrant à la construction de logements d'utilité publique et les pouvoirs publics. Cette même année, 62 % de tous les logements locatifs comportaient trois ou quatre pièces. Les logements plus petits constituaient près d'un quart du total, les plus grands environ 10 %.

Comme l'indique le tableau de l'annexe 1, le nombre de logements augmente actuellement de quelque 35 000 unités par an. Une progression de cet ordre de grandeur devrait permettre de couvrir la demande à moyen terme4. Au cours des années 80 ainsi qu'entre 1994 et 1996, le nombre de logements construits par année atteignait encore 44 000 à 45 000 unités. On observe également qu'au cours du temps la production de nouveaux logements en propriété, et en particulier dans le secteur des maisons familiales, varie plus fortement que celle des logements locatifs.

Malgré le nombre des nouvelles constructions, le marché locatif des années 80 et du début des années 90 donnait des signes de pénurie. Le taux de logements libres au niveau national s'élevait alors à 0,43 % de l'ensemble des logements. Ce taux est ensuite monté continuellement pour atteindre 1,85 % en 1998. Cela correspond à plus de 64 000 unités, dont plus des quatre cinquièmes étaient des objets locatifs. La tendance à la saturation a permis un bon fonctionnement du marché pour les logements de prix moyen à élevé. Les demandeurs améliorent rapidement leur logement au niveau de la taille, de l'équipement et de la situation, ce qui se traduit non seulement par une augmentation du taux de logements libres, mais surtout par un accroissement du nombre de déménagements.

Cependant, un examen purement quantitatif du marché du logement ne suffit pas à montrer qu'il fonctionne bien. Il faut également tenir compte de l'évolution des prix et de leurs structures. Ainsi, le graphique 1 de l'annexe 1 permet d'observer les éléments suivants:

4

­

de fortes variations du taux hypothécaire, accompagnées de variations des loyers équivalentes;

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des variations relativement réduites de l'indice suisse des prix à la consommation, comparées à celles du taux hypothécaire;

­

des phases généralement plus longues de relatif renchérissement des logements (hausse de l'indice du loyer des logements plus forte que celle de l'indice des prix à la consommation), dans les années 1972, 1975/76, 1982/83, 1986 à 1993 et 1996, ceci à comparer avec les phases de relative baisse de prix dans les années 1973/74, 1978 à 1981, 1984/85 et 1994/95;

U. Rey et U. Hausmann, Prévisions des besoins régionaux de logements, bulletin du logement, volume 65, Granges 1997.

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­

entre 1990 et 1998, les loyers ont augmenté de 28 % alors que le coût de la vie n'a progressé que de 18 %. Il faut ajouter ici que les augmentations du taux hypothécaire du début des années 90 justifiaient à elles seules des hausses de loyer de plus de 20 % et que d'autres hausses de loyer motivées par des plus-values ont également influé sur l'indice.

Une observation de la structure des loyers sur la base du recensement des logements de 1990 et de l'enquête de structure sur les loyers de 1996 fournit d'autres éclaircissements sur le marché du logement: ­

au niveau géographique, on peut parler d'une ligne de partage claire du marché suisse du logement: les cinq grandes agglomérations se détachent en effet nettement du reste du pays; parmi les grands centres, Zurich est le plus cher, Lausanne le meilleur marché;

­

pour le même logement (taille, âge et état), les sociétés immobilières, les assurances et les privés exigent des prix supérieurs à la moyenne, les caisses de pension des prix moyens, les pouvoirs publics et les coopératives d'habitation des prix inférieurs à la moyenne;

­

plus le logement est ancien, plus il est bon marché, mais plus son prix peut varier. Pour des logements non rénovés de 45 ans et plus, la différence de prix atteint de 37 à 59 % (selon l'emplacement géographique), c'est-à-dire deux fois plus que pour les logements de 20 ans et moins (20 à 30 %)5;

­

une différence marquée existe entre les loyers des logements considérés dans leur ensemble et ceux des logements offerts sur le marché. Bien qu'il soit malaisé d'établir une comparaison, on peut évaluer aujourd'hui ce rapport à environ 1:1,3. Alors que l'ensemble des loyers suisses ont légèrement renchéri entre 1992 et 1996, les prix des logements offerts sur le marché ont baissé de quelque 30 %6.

En conclusion de ce tour d'horizon, on peut estimer que la population suisse est bien pourvue en logements. Le besoin en surface de logement augmente constamment avec l'évolution démographique et économique ainsi qu'en raison de la prospérité généralement en hausse. Alors qu'elle s'élevait encore à 34 m2 par personne en 1980, elle atteignait déjà 39 m2 par personne en 1990 (moyenne de l'Europe de l'ouest: 35 m2). Au vu du rythme de production et de l'évolution démographique, cette tendance devrait s'être poursuivie depuis 1990. En conséquence, l'occupation moyenne (nombre de personnes par logement) et la densité (nombre de personnes par pièce) diminuent. L'occupation des logements est ainsi passée de 2,9 personnes par logement en 1970 à 2,4 personnes en 1990. Ce taux atteint 2,65 personnes par logement dans les régions rurales et 2,25 personnes dans les zones urbaines. Au niveau de la densité, on ne constate en revanche aucune différence sensible entre les zones urbaines et rurales, ceci malgré une structure différente en termes de taille des logements.

Toutes les couches de la population n'ont pas profité dans la même mesure de la diminution générale de l'occupation des logements et de la densité. Une minorité de la population vit toujours dans des conditions relativement précaires.

5 6

Metron AG, Grundlagen für ein neues Mietrecht, Studie im Auftrag des Bundesamtes für Wohnungswesen, Brugg 1999, www.bwo.admin.ch/pdf/Mietrecht.pdf.

Wüest & Partner, Bau- und Immobilienmarkt Schweiz ­ Monitoring div. Jahrgänge, Zürich.

9135

Des différences considérables existent non seulement au niveau de la consommation de surface mais aussi au niveau de la charge locative nette. En 1990, la charge locative nette était inférieure à 15 % pour la moitié des ménages. Pour un ménage sur six, elle était supérieure à 25 %. La charge était élevée notamment pour les ménages avec un faible revenu (moins de 4000 francs par mois)7. Le niveau des loyers s'étant élevé sensiblement plus vite que celui des revenus des ménages depuis 1990, la proportion de locataires lourdement chargés devrait avoir augmenté entre-temps8.

132

Un droit du bail en forme de compromis acceptable...

Le droit du bail fixe les «règles du jeu» du marché des logements et des locaux commerciaux. La question de savoir s'il n'en restreint pas trop les fonctions d'approvisionnement est un vieux sujet de débat. L'étude des faits susmentionnés et d'autres indices permet de donner quelques réponses. Il faut cependant rester conscient du fait que les effets de la protection des locataires sont difficiles à isoler en raison des nombreux facteurs exerçant leur influence dans ce domaine:

7 8 9 10

­

les investissements dans de nouvelles constructions semblent rester rentables. Le nombre élevé de nouveaux logements, qui atteignait six à sept unités pour 1000 habitants durant la seconde moitié des années 80, n'a été dépassé qu'au Japon9. Les chiffres les plus récents montrent que le taux de croissance des logements est resté élevé en comparaison internationale au cours des dernières années10. Le recul des activités de construction des dernières années doit donc être imputé davantage au fléchissement de la demande de logements qu'à l'influence du droit du bail. Le fait que les constructeurs soient en grande majorité des privés ne permet pas non plus de conclure que le climat d'investissement soit particulièrement dissuasif;

­

des investissements sont également consentis dans le cadre de rénovations.

L'enquête de structure sur les loyers de 1996 a permis de constater qu'un logement sur sept avait été rénové partiellement ou totalement durant le bail en cours. Pour les logements construits avant 1966, ce rapport était de un sur cinq. Les avis divergent cependant sur la question de savoir si ce taux de rénovation suffit à maintenir la valeur du patrimoine à long terme et dans quelle mesure le droit du bail peut être tenu pour responsable d'un éventuel ralentissement dans ce secteur. Il est exact que le droit du bail orienté sur les coûts entrave la formation de réserves de rénovations, ce qui peut engendrer une influence négative. Mais à l'inverse, le droit du bail est également accusé de favoriser des rénovations inutilement coûteuses, car ce serait le seul moyen d'obtenir un rendement satisfaisant en raison de la prise en compte insuffisante des investissements entraînant une plus-value dans le calcul des loyers. Par ailleurs, les nouvelles constructions sont aujourd'hui souvent plus avantageuses que des rénovations complètes en raison de la chute des coûts de construction. Au vu de l'offre excédentaire, les investisseurs craiF. Gerheuser, loyer et revenu 1990­1992, bulletin du logement, volume 58, Berne 1995.

Seule l'étude de l'enquête sur la consommation de 1998 livrera des renseignements plus précis.

Commission d'étude loyer libre, rapports de travail sur le logement, cahier 28, Berne 1993.

UN/ECE, Annual bulletin of housing and building statistics, Paris 1998.

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gnent de devoir louer des logements rénovés à des prix ne permettant pas de couvrir les coûts. De plus, le faible niveau des valeurs immobilières ne permet plus d'augmenter les hypothèques;

11

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le nombre relativement faible d'objets locatifs transformés en propriété peut aussi indiquer l'attrait toujours présent des investissements en logements locatifs;

­

l'influence du droit du bail sur le niveau des loyers est évidente, quoique des différences marquées existent entre les logements neufs et les logements anciens. Le niveau des prix des nouveaux logements correspond largement à celui du marché libre. La fourchette des loyers reflète ici principalement des différences au niveau de l'emplacement et du confort. L'écart des prix deux fois plus large des logements anciens indique que les prix de ce secteur se situent nettement au-dessous du niveau du marché. Cet écart de prix peut contribuer à une certaine négligence du patrimoine immobilier ainsi qu'à un gonflement de la consommation de logements; il peut aussi défavoriser les premiers locataires, privilégier les habitants d'immeubles anciens et réduire la mobilité des habitants, mais les effets correspondants ne peuvent pas être démontrés faute de documents adéquats. Des voix s'élèvent aussi pour attirer l'attention sur le recul sensible du nombre de logements bon marché entre 1990 et 1996 constaté par l'enquête de structure sur les loyers et sur le risque de pénurie dans ce secteur;

­

la faible occupation des logements anciens et bon marché est souvent évoquée comme étant une autre conséquence de l'écart des prix. Une analyse du recensement des logements de 1990 ne permet pas de confirmer cette supposition, au contraire: toutes catégories confondues, les logements anciens ont un taux d'occupation moyen légèrement supérieur à celui des logements neufs;

­

le droit en vigueur favorise une évolution des loyers financièrement supportable pour la majorité des ménages et n'entrave pas notablement les activités d'investissement. Pour les groupes de population soumis à de trop fortes charges locatives, des solutions doivent être trouvées non pas dans le cadre du droit du bail mais à travers d'autres mesures de politique du logement;

­

diverses insuffisances réelles ou supposées du droit du bail en vigueur sont souvent démontrées au moyen de cas tirés de la pratique de conciliation.

C'est oublier que seuls environ 1 % des baux donnent lieu chaque année à un litige nécessitant une procédure de conciliation. De plus, les contestations de loyer ne constituent qu'un tiers des cas environ. On observe ici que la question du loyer «correct» représente un motif de procédure fréquent dans l'ensemble de la Suisse romande alors qu'en Suisse alémanique, il n'est souvent invoqué qu'à proximité des grandes villes;

­

la forte sédentarité des locataires indique également que les litiges entre bailleurs et locataires ne sont pas chose courante. Il a été récemment établi que la durée de séjour moyen d'un ménage de locataires de plus de 50 ans dans un logement s'élève à plus de 16 ans11. La même enquête a confirmé un taux de satisfaction élevé vis-à-vis de la situation du logement. Cela M.I.S. Trend SA, Trop chers, les loyers? Etude de satisfaction auprès de locataires romands, Lausanne 1999.

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s'applique également au niveau du loyer, que plus de 70 % des personnes interrogées estiment raisonnable par rapport aux prestations fournies; ­

depuis 1990, les nouveautés introduites dans le droit du bail et la forte réglementation générale du secteur semblent avoir renforcé la tendance au professionnalisme des bailleurs et des gérants. De plus en plus d'immeubles privés sont mis en location par des entreprises spécialisées.

Ces indices montrent que le droit en vigueur peut être qualifié globalement de compromis acceptable entre les intérêts des locataires et ceux des bailleurs. Il ne freine guère les investissements et assure un niveau généralement raisonnable des loyers.

Peu d'éléments soutiennent la thèse du droit du bail pesant sur les rapports entre locataires et bailleurs. La crainte qu'on peut avoir de conséquences négatives engendrées par des interventions restrictives du droit du bail n'est confirmée par aucune expérience empirique. Il faut rappeler à ce propos qu'en comparaison internationale, le droit du bail suisse reste relativement libéral, malgré toutes ses restrictions. L'examen des conditions-cadre réglant le droit du bail dans les pays limitrophes montre en effet que les interventions dirigistes sur le marché et les contraintes bureaucratiques y sont en règle générale plus prononcées (voir annexe 2).

133

. . ., mais présentant plusieurs lacunes

Il est naturel que le droit du bail fasse l'objet de jugements juridiques et politiques contrastés malgré la situation généralement satisfaisante. Il présente cependant diverses lacunes pratiquement incontestées de part et d'autre comme, par exemple: ­

une systématique insatisfaisante et une réglementation complexe des réserves;

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des procédures longues et coûteuses;

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des critères de jugement problématiques;

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le manque de possibilités de faire des réserves dans la comptabilité d'immeuble;

­

l'application difficile pour les autorités de conciliation et les tribunaux;

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la détermination et l'influence incertaines des éléments de coûts;

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le mélange de procédés de calcul relatifs et absolus;

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l'application quasi inexistante du principe des loyers comparatifs;

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l'évaluation du rendement raisonnable sur la base de la valeur de rendement ou de la valeur vénale. Le caractère abusif d'un loyer est ainsi mesuré à l'aide d'un élément dépendant directement de ce même loyer, ce qui rend l'utilisation de ce critère d'autant plus conflictuelle dans l'application pratique du droit du bail.

Dans ce contexte, le couplage du taux hypothécaire et des loyers est particulièrement problématique. Il n'y a qu'en Suisse que les frais de capital constituent un élément de détermination du caractère abusif d'un loyer, respectivement un critère de référence pour l'adaptation des loyers12. Ainsi, la pratique actuelle de report des varia12

B.S.S., Mietzinsbindung und Kapitalkostenüberwälzung: ein internationaler Vergleich, Basel 1996.

9138

tions du taux hypothécaire est depuis longtemps critiquée par les organisations de locataires et de bailleurs, par les banques et par les milieux scientifiques. Elle entraîne une politisation du taux hypothécaire et entrave la politique monétaire. En période de fort renchérissement, elle conduit à des majorations de loyers exagérées.

De plus, elle favorise un effet d'engrenage par lequel les hausses sont le plus souvent reportées immédiatement sur les loyers et les baisses seulement avec retard (voir graphique 2 de l'annexe 1). Lié à la baisse des dettes hypothécaires réelles provoquée par l'inflation, cet effet déclenche à son tour une modification de la répartition des revenus en faveur des bailleurs, ce qui donne régulièrement lieu à des controverses et à des débats juridiques épineux. En outre, le taux hypothécaire variable traditionnel perd de plus en plus de sa signification, le taux d'intérêt étant aujourd'hui fixé individuellement en fonction de la solvabilité de l'emprunteur et conformément à des aspects régionaux. De plus, les hypothèques à taux fixe sont actuellement largement répandues. C'est ainsi que le «taux de référence» n'a souvent plus grand chose à voir avec les conditions de financement des investisseurs du marché locatif.

Enfin, le couplage juridique du taux hypothécaire et des loyers crée un rapport étroit entre deux marchés ne présentant par ailleurs aucun lien direct au niveau de la formation des prix des produits négociés. Une majoration de loyer ne peut en fait être justifiée que par une modification de l'offre ou de la demande. Une augmentation du taux hypothécaire n'engendre ni l'un ni l'autre à court terme. En revanche, elle peut fournir un bon motif de hausse de loyer en période de pénurie grâce au mécanisme de report sanctionné par la loi. On peut dire que le couplage permet de réclamer des arriérés de loyers qui sont le résultat de cette même législation. Comme le montrent les reports inégaux des variations du taux hypothécaire, ce mécanisme permet d'effectuer des adaptations périodiques aux loyers usuels du marché sans devoir invoquer expressément le critère de l'usage de la localité ou du quartier. Compte tenu des éléments de marché reconnus dans le droit du bail, ce procédé ne peut être réprouvé a priori. Il serait cependant plus conséquent et plus transparent
de faire subir aux loyers l'influence du marché directement à travers des loyers comparatifs plutôt qu'en fonction des variations des taux d'intérêt des capitaux.

14

Agitation autour du droit du bail

Ceux qui s'attendaient à un certain apaisement de la situation après l'entrée en vigueur du droit du bail actuel en 1990 se sont trompés. Les antagonismes politiques n'ont fait que croître, les insuffisances objectives et les souhaits de dérégulation ont donné lieu aux actions les plus diverses dès le début des années 90.

En 1992, le Conseil fédéral chargea une commission d'étudier les problèmes et les possibilités liés à l'introduction des loyers libres13. En 1995, le Parlement ratifia la loi fédérale sur les contrats-cadre de baux à loyer et leur déclaration de force obligatoire générale entrée en vigueur le 1er mars 199614. Avec la modification du 1er août 1996 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de

13 14

Commission d'étude loyer libre, loc. cit.

RS 221.213.15

9139

locaux commerciaux15, des mesures de simplification dépendant de la compétence du Conseil fédéral et ne nécessitant pas une modification de la loi ont été prises.

Enfin, un groupe de travail formé par l'Office fédéral du logement (OFL) rendit en 1997 un rapport comportant les premières idées visant à remédier au problème du mécanisme de report16.

Au Parlement aussi, le thème du droit du bail a fait l'objet de différentes interventions. En 1992, le conseiller national Baumberger déposa une motion demandant un passage progressif aux loyers libres17. La motion fut acceptée par le Parlement en 1996. Cependant, en rejetant au cours de sa session de décembre 1997 les initiatives parlementaires Hegetschweiler et Ducret18, lesquelles demandaient un assouplissement des mesures de protection dans le secteur locatif prévues par le CO sans toutefois envisager des loyers libres, le Conseil national est revenu sur sa position. Le rejet fut motivé par le fait que les propositions des initiatives parlementaires n'avaient pas pu réunir une majorité favorable lors des séances de commission.

Les membres du Parlement proches des organisations de locataires ainsi que les associations de locataires ne tardèrent pas à riposter. Le 14 mars 1997, ils déposèrent l'initiative populaire «pour des loyers loyaux». Celle-ci propose, entre autres, que les adaptations de loyer aux variations du taux hypothécaire fassent référence à un taux lissé sur une moyenne de cinq ans et que les locataires jouissent d'une meilleure protection lors de transferts d'immeubles et de congés prononcés par les bailleurs.

Comme indiqué au chapitre 3, le Conseil fédéral rejette le renforcement de la protection contre les loyers et les congés abusifs visé par l'initiative. Il reconnaît cependant la justesse de certains de ses arguments, notamment en rapport avec les effets problématiques susmentionnés du couplage du taux hypothécaire et des loyers actuellement en vigueur.

2

Révision partielle du droit du bail dans le code des obligations

21

Elaboration du projet

Après le dépôt de l'initiative «pour des loyers loyaux», L'OFL organisa à partir de l'automne 1997 des discussions entre les principaux représentants des bailleurs et des locataires. Ces dernières avaient pour but de trouver sur une base paritaire un consensus sur d'éventuelles propositions d'amélioration du système de détermination des loyers. Malgré les efforts consentis de part et d'autre, il fut impossible de

15

16 17 18

Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF), Modification du 26 juin 1996, en vigueur depuis le 1er août 1996 (RO 1996 2120).

Office fédéral du logement, Rapport interne du groupe de travail intérêts hypothécaires/loyers, Granges 1997.

92.3576 Motion Baumberger du 18 décembre 1992, Passage d'un système de loyers déterminés par les coûts à un système de loyers libres.

92.445 Initiative parlementaire Hegetschweiler du 16 décembre 1992 Code des obligations. Modification du Titre huitième: Du bail à loyer 93.429 Initiative parlementaire Hegetschweiler du 19 mars 1993 Modification du droit du bail. Titre huitième du code des obligations 93.421 Initiative parlementaire Ducret du 16 mars 1993 Loyers abusifs. Exceptions (art. 269a CO).

9140

parvenir à un accord. On a donc cessé les discussions au début de l'été 1998, sans résultat.

Le 2 septembre 1998, le Conseil fédéral chargea le Département fédéral de l'économie (DFE) d'élaborer une contre-proposition indirecte à l'initiative populaire. Ce projet devait s'articuler essentiellement autour du découplage du taux hypothécaire et des loyers et corriger autant que possible certains des inconvénients susmentionnés de la réglementation actuelle. Après des études préalables approfondies19 et des consultations à l'intérieur et à l'extérieur de l'administration fédérale, le projet de modification du droit du bail est présenté en février 1999. Le 8 mars 1999, le Conseil fédéral en prit connaissance et chargea le DFE de mener jusqu'au 10 mai 1999 la procédure de consultation auprès des cantons, des partis politiques et des organisations concernées. Le projet a ensuite été corrigé à la lumière des prises de position enregistrées ainsi que d'autres discussions avec les directions des organisations de bailleurs et de locataires.

22

Lignes directrices de la révision

Le contre-projet indirect du Conseil fédéral vise essentiellement la suppression du mécanisme de report du taux hypothécaire sur les loyers. Les interactions étroites liant les deux paramètres pourraient certes être assouplies au moyen du «lissage» proposé par l'initiative. Le Conseil fédéral la rejette tout de même parce qu'elle n'apporte pas de véritable solution au problème de l'interdépendance des taux nominaux et des coûts du logement et qu'il n'est pas judicieux de «lisser» un taux qui n'existe pour ainsi dire plus en tant que valeur de référence. C'est pourquoi le Conseil fédéral vise un découplage intégral du taux hypothécaire et des loyers. Cet objectif peut être atteint, autrement que par les loyers libres, en appliquant davantage le principe de l'usage local, en indexant les loyers ou en les liant à la valeur de placement de l'immeuble déterminée au moyen d'un rendement brut tenant compte des frais de capitaux.

Le Conseil fédéral a donc misé sur ces trois points. Selon la proposition soumise à la procédure de consultation, les parties auraient dû décider à la conclusion du bail si le loyer: ­

était adapté périodiquement au niveau usuel de la localité ou du quartier;

­

suivait l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation;

­

correspondait aux variations du rendement brut d'une valeur de placement selon de droit du bail restant à définir.

La méthode absolue de la valeur de placement selon le droit du bail visait à favoriser une meilleure transparence des coûts par la création d'un instrument de détermination des loyers couvrant les coûts et qui aurait permis de fixer et d'adapter périodiquement les loyers grâce à un procédé d'évaluation du rendement brut usuel dans la branche. La valeur de placement selon le droit du bail devait être estimée sur la base de la valeur d'assurance de l'immeuble. A celle-ci étaient ajoutés des forfaits pour les frais accessoires de construction ainsi que la valeur du terrain. Une déduction était ensuite effectuée pour rendre compte de l'âge de l'immeuble. L'état et la qualité des logements devaient également entrer en ligne de compte. La valeur de pla19

Metron AG, loc. cit.

9141

cement ainsi déterminée devait enfin être majorée d'un taux correspondant à la moyenne sur cinq ans du rendement des emprunts de la Confédération représentant les frais d'entretien, d'exploitation, d'administration, d'amortissement ainsi qu'une prime de risque.

Les principes suivants devaient et doivent guider l'élaboration concrète des nouveaux modèles de détermination des loyers: ­

Neutralité de la répartition Les nouvelles règles ne doivent pas entraîner à moyen et long termes une redistribution par rapport à la situation actuelle entre les locataires et les bailleurs.

­

Stabilisation de l'évolution des loyers Les déséquilibres intervenant dans la situation économique générale ne doivent pas pouvoir se traduire par de violentes fluctuations des loyers.

­

Simplicité et transparence Le nouveau système doit être aussi simple que possible à manier, tant pour les locataires que pour les bailleurs. Les principes de détermination et d'adaptation des loyers doivent être donc définis de manière claire et transparente.

­

Souplesse Les modèles de loyers doivent en principe rester perméables, c'est-à-dire qu'il doit être possible, dans certains délais, de passer de l'un à l'autre.

Des calculs ont montré que certains garde-fous sont nécessaires pour garantir la neutralité de la répartition et pour éviter de fortes fluctuations des loyers. Parmi celles-ci on peut citer par exemple le renoncement à la compensation intégrale du renchérissement dans le modèle d'indexation ainsi que certains délais d'attente et autres «plafonnements».

23

Résultats de la procédure de consultation

Outre les nouvelles dispositions concernant la détermination des loyers, le projet de modification du titre du code des obligations consacré au bail à loyer comportait des adaptations de la procédure judiciaire (élargissement de la compétence décisionnelle des autorités de conciliation, exonération des frais judiciaires) ainsi qu'une nouvelle clause prévoyant l'échelonnement des majorations de loyer motivées par des investissements entraînant une plus-value de la chose louée. Le projet a été envoyé le 8 mars 1999 à 82 destinataires (le Tribunal fédéral, 26 gouvernements cantonaux, 16 partis politiques et 39 organisations) dans le cadre de la procédure de consultation. A l'issue du délai imparti de deux mois, 67 prises de position ont été enregistrées, dont 63 provenant des destinataires de la procédure de consultation et quatre d'organisations ayant spontanément souhaité s'exprimer.

Les cantons, partis et associations ayant participé à la procédure de consultation ont à une large majorité constaté que les règles de détermination des loyers actuelles présentent des lacunes et nécessitent une réforme. Ils ont cependant porté un regard essentiellement critique sur le projet qui leur était soumis. Les adaptations de loyer basées sur les variations de la valeur de placement selon le droit du bail d'un immeuble ont notamment été jugées trop complexes par la grande majorité d'entre eux.

9142

L'UDC, le PRD ainsi que la Société suisse des propriétaires fonciers (SHEV) ont souhaité qu'on renonce à présenter une contre-proposition à l'initiative «pour des loyers loyaux». Ils préconisent plutôt une révision générale du droit du bail réalisée sans lien avec le traitement de l'initiative.

La plupart des participants ont approuvé le découplage des loyers et du taux de référence correspondant pour les anciennes hypothèques de premier rang. La SHEV a cependant posé comme condition le fait que les bailleurs puissent toujours, d'une manière ou d'une autre, obtenir un rendement permettant de couvrir leurs frais.

L'Union syndicale suisse (USS) a fait valoir que le découplage est proposé à un moment où les locataires pourraient exiger des baisses de loyer substantielles en raison de la chute du taux hypothécaire. De nombreux participants ont souligné l'importance de trouver une base de détermination des loyers équitable lors du passage au nouveau système.

La valeur de placement selon le droit du bail a été critiquée par la majorité des participants. La nouvelle méthode de calcul ne constituerait pas une solution simple et transparente. D'une part la valeur d'assurance ne fournirait pas une base suffisamment fiable et adéquate. D'autre part les autres facteurs comme le prix du terrain ou les frais accessoires sont trop mal définis. Une intervention étatique au niveau de la formation des prix du terrain est clairement rejetée par les associations de bailleurs.

Enfin, le rendement brut raisonnable est jugé trop peu transparent, d'autant plus que les détails n'en seraient fixés qu'au niveau de l'ordonnance d'application.

La proposition de lier dorénavant l'évolution des loyers à celle de l'indice suisse des prix à la consommation a été qualifiée de progrès par la quasi totalité des participants. L'unanimité reste à faire sur la proportion dans laquelle ce lien doit intervenir. Alors que les associations de bailleurs, le PRD, le PDC et l'UDC demandent une indexation intégrale sans aucun plafonnement, les associations de locataires et le PSS exigent des dispositions de protection en faveur des locataires dans ce domaine aussi.

La majorité des cantons ont approuvé l'élargissement de la compétence des autorités de conciliation. Le PSS ainsi que les associations de locataires accueillent également
favorablement cette nouveauté. L'ASLOCA demande que les garanties générales du droit procédurier cantonal soient également accessibles au niveau de l'autorité de conciliation. Les autres partis et associations restent indifférents ou ne se prononcent pas.

L'introduction de la gratuité de la procédure judiciaire pour les litiges concernant la protection contre les congés abusifs ainsi que pour les litiges portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 30 000 francs a été rejetée par la majorité des cantons, des partis et des associations. La question reste ouverte de savoir si il a été tenu compte du fait que la gratuité ne concernait pas aussi les dédommagements des parties. La gratuité de la procédure judiciaire a été expressément approuvée par le PSS ainsi que par les associations de locataires.

9143

24

Nécessité d'instaurer de nouvelles règles de détermination des loyers

Aucun consensus n'apparaît sur le paquet de propositions ayant fait l'objet de la procédure de consultation. La méthode de la valeur de placement selon le droit du bail est donc abandonnée.

La nécessité de découpler le taux hypothécaire et les loyers reste cependant incontestée. Le découplage est reconnu comme une mesure économique judicieuse, permettant une simplification du droit du bail, et qui reviendrait de toute manière sur le tapis au plus tard au moment de la prochaine hausse du taux hypothécaire.

Le Conseil fédéral maintient donc la contre-proposition indirecte, basée sur la solution de l'indexation qui est plus souple. Mais ce changement ne suffit pas à lui seul.

Comme l'ont montré les discussions suscitées par la valeur de placement selon le droit du bail et les résultats de la procédure de consultation, le problème de la définition de l'abus basé sur le critère du rendement ne peut pas être réglé par une méthode, même transparente, de fixation de la valeur des immeubles et des frais y afférents. La référence au rendement excessif, respectivement au prix d'achat exagéré conduit à un cercle vicieux. Elle nécessite beaucoup d'efforts et surcharge les instances judiciaires avec des calculs de rendement complexes. C'est pourquoi, après examen des avantages et des inconvénients, il a été proposé de renoncer à la notion de rendement ou de prix d'achat excessif et de prévoir en lieu et place le recours au critère des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier. Cela implique qu'un instrument simple soit créé pour faciliter aux deux parties contractantes l'apport de la preuve de l'usage de la localité ou du quartier.

25

Les modifications essentielles

251

Résumé

­

Le caractère abusif d'un loyer n'est plus déterminé en fonction du rendement excessif, respectivement du prix d'achat exagéré. Les loyers sont désormais considérés comme abusifs lorsqu'ils dépassent largement les loyers usuels dans la localité ou dans le quartier de plus de 15 %.

­

Les variations du taux hypothécaire ne constituent plus un motif d'adaptation des loyers. La méthode standard est dorénavant l'indexation des loyers sur l'indice suisse des prix à la consommation, ceci à raison de 80 %. Les autres motifs spéciaux d'adaptation restent valables, à l'exception des plans de paiement convenus.

­

La taille des appartements et maisons familiales de luxe est estimée non plus en fonction du nombre de pièces mais sur la base du la surface nette habitable.

­

La loi indique désormais dans quels cas concrets les locataires sont en droit d'exiger une baisse de loyer.

­

Les augmentations de loyer motivées par des investissements entraînant une plus-value de la chose louée doivent être échelonnées dès qu'elles dépassent 20 % du montant du loyer précédent.

9144

­

Les loyers des logements bénéficiant des mesures d'encouragement des pouvoirs publics doivent également pouvoir être examinés quant à leur légitimité, ceci dans le cadre des dispositions de la procédure administrative.

­

Les autorités de conciliation doivent pouvoir trancher tous les litiges portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 5000 francs.

­

Les parties sont désormais exonérées d'émoluments et de frais judiciaires pour les litiges concernant les congés abusifs ainsi que pour les litiges portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 20 000 francs.

252

Domaine d'application restreint

Les dispositions de protection contre les loyers abusifs protègent les locataires car ceux-ci sont en principe la partie contractante la plus faible. Certains locataires n'ont cependant pas besoin d'une telle protection. Les critères déterminants sont ici la catégorie des objets loués ou la situation financière du locataire.

Les loyers d'objets de luxe, comportant plus de 150 m2 de surface nette habitable, ne doivent pas être soumis aux dispositions de protection. Un locataire qui a les moyens d'évoluer dans cette gamme de prix doit être considéré comme étant à égalité avec son bailleur. Le critère du nombre de pièces utilisé actuellement est abandonné car ce nombre n'est pas, à lui seul, représentatif de la taille d'un appartement, respectivement d'une maison.

253

Nouvelle définition du caractère abusif des loyers

Comme indiqué plus haut, la méthode de la valeur de placement selon le droit du bail proposée initialement avait pour but de mieux préciser le critère de rendement excessif et d'en faciliter l'application pratique. Après examen de toutes les explications et réactions enregistrées, il faut constater que le maintien de la notion d'abus actuelle ne permet pas d'éviter les inconvénients majeurs de la réglementation en vigueur. Le Conseil fédéral a donc décidé de modifier le principe même du système.

Ainsi, un loyer est désormais considéré comme abusif lorsqu'il dépasse largement, c'est-à-dire de plus de 15 %, le niveau des loyers comparatifs. Cette règle remplace le critère actuel basé sur le rendement excessif ou le prix d'achat exagéré.

Afin de tenir compte des conditions différentes régissant les habitations et les locaux commerciaux, le projet de révision prévoit deux méthodes de comparaison. Les locaux commerciaux restent soumis au critère actuel des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier, la preuve pouvant être apportée par la présentation de trois objets comparables. Un loyer d'habitation est abusif lorsqu'il dépasse les loyers comparatifs selon une statistique des loyers ou un instrument d'estimation comparable.

Les statistiques des loyers sont aujourd'hui très répandues en Allemagne, où elles jouent un rôle central dans la détermination des loyers. En Suisse, seules quelques ébauches rudimentaires sont disponibles, ce qui rend malaisée l'application du critère d'usage local dans le droit actuel. Voilà pourquoi ce critère est très rarement invoqué. Le développement d'instruments de comparaison appropriés est donc la condition préalable au changement de système proposé. Ces instruments doivent être mis en place par la Confédération en collaboration avec les cantons et les organisa9145

tions de bailleurs et de locataires dans un délai de trois ans après l'entrée en vigueur de la modification de la loi.

Les statistiques des loyers et les instruments comparables ne sont reconnus que lorsqu'ils remplissent des exigences de représentativité très strictes. Ils doivent être tenus à jour en permanence et tenir compte de la segmentation du marché du logement tout en excluant les catégories d'objets risquant de fausser les résultats. La loi reconnaît comme critères de comparaison déterminants la situation, la surface, l'équipement, l'état et l'âge des habitations. Les logements de luxe comportant plus de 150 m2 de surface nette habitable ainsi que les logements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics ne sont pas pris en considération.

Le Conseil fédéral est conscient que la qualité des instruments de comparaison influencera de manière décisive l'acceptation du nouveau critère d'estimation. Il est toutefois convaincu que si la volonté politique existe, les données obtenues seront unanimement reconnues comme loyers de référence. La crainte parfois exprimée qu'une meilleure transparence puisse figer le marché ou même conduire à un contrôle étatique des prix semble peu justifiée. Les motifs d'adaptation prévus dans le projet de loi ainsi que les nouveaux objets locatifs, les transferts d'immeubles et les rénovations contribueront au bon fonctionnement du marché. La crainte du coût élevé de telles statistiques n'est pas fondée. La simplification de l'application du droit du bail va en effet permettre une économie de moyens globale qui compensera largement le surcroît de travail des pouvoirs publics.

En cas de mise en application de la nouvelle solution, les méthodes d'enquête devront encore être élaborées dans le détail. Il existe cependant déjà certains modèles locaux qui pourraient être étendus dans le sens d'une statistique générale sur les loyers comparatifs. Deux de ces instruments sont cités ici en exemple.

La «grille des loyers» (Mietpreisraster) du canton de Bâle-Ville est un instrument spécial servant à la détermination des loyers usuels dans la localité et le quartier. La grille des loyers comprend des prix nets moyens par mois au mètre carré pour au total 1680 secteurs du marché du logement définis en fonction du quartier, du nombre
de pièces, de la période de construction et de l'indication rénové/non rénové.

Les données sont basées sur le recensement des immeubles et des logements de 1990. Les loyers mensuels sont convertis en prix au m2. Ces prix sont actualisés quatre fois par an avec l'indice des loyers bâlois, lequel est appliqué à l'ensemble des secteurs du marché du logement inclus dans la grille. Ce procédé, qui permet de suivre l'évolution des loyers sur la base d'une structure restée inchangée depuis le dernier recensement des logements, est bien accepté.

Dans le cadre de l'encouragement à la construction de logements, la détermination des loyers usuels dans la localité et dans le quartier fait appel à un modèle d'évaluation de l'emplacement, de l'utilisation et de la valeur du terrain (SNLModell). Ce modèle permet d'estimer les loyers (usuels) de logements en fonction de critères de qualité (type du logement) et d'emplacement (valeur du site) et de les représenter relativement aisément sous une forme graphique. Les autorités de conciliation de la ville de Berne ont déjà testé ce modèle dans les années 80 et obtenu des résultats plutôt positifs.

9146

254

Motifs d'adaptation des loyers

254.1

Loyers indexés

Les clauses d'indexation sont largement répandues en Suisse pour les baux de locaux commerciaux. Jusqu'à présent, le système n'a donné lieu à presque aucune critique. Les problèmes de liquidités restent marginaux. Aucun cas de négligence au niveau de l'entretien n'est connu non plus.

Les clauses d'indexation des baux d'habitations ne sont actuellement possibles que pour une durée minimale de cinq ans. Leur application est donc très limitée. Désormais, l'indexation ne doit plus être fixée par une convention mais constitue un motif d'adaptation légal. La fixation d'une durée de bail minimale est donc également supprimée. Des calculs de simulation portant sur la compensation du renchérissement ont montré qu'un report à 80 % de l'indice suisse des prix à la consommation permet de satisfaire au plus près l'exigence de neutralité en termes de répartition. Il faut en outre garder présent à l'esprit le fait que les loyers sont déjà pris en compte pour plus de 20 % dans l'établissement de l'indice des prix à la consommation et qu'il se produit ainsi un effet de surindexation en phase de fort renchérissement. Les revenus issus des loyers croissent alors plus rapidement que les coûts et l'endettement baisse en valeur réelle. C'est pourquoi les distorsions engendrées par des taux d'inflation élevés doivent être corrigées par voie d'ordonnance en fixant un niveau de compensation plus bas dès que le taux de renchérissement dépasse 5 %.

254.11

Aspects macroéconomiques de l'indexation des loyers

Le passage aux loyers indexés est approuvé par différents auteurs20. Certains d'entre eux préconisent de lisser les taux de renchérissement afin d'éviter des effets négatifs sur la stabilité monétaire. La relation directe avec les coûts de réalisation, comme c'est le cas par exemple en France avec l'indice des coûts de construction, est considérée comme problématique21. L'indexation sur l'indice des prix à la consommation semble donc bien indiquée.

Les réglementations comme l'indexation sont souvent qualifiées de foyers d'inflation. Ce reproche est également adressé au droit actuel. Ces suppositions ignorent les facteurs inflationnistes réels. A long terme, les processus d'inflation sont des phénomènes purement monétaires. Les réglementations des loyers n'ont pas d'influence sur les quantités de monnaie et n'en ont donc pas non plus sur l'évolution du niveau des prix22. L'indexation des loyers, de même que la réglementation actuelle, n'influence que la dynamique de l'inflation, ceci uniquement à court terme et pas dans le sens de la tendance inflationniste. Elle a cependant un effet sur les prix relatifs. Elle gèle les loyers réels et, en situation de revenu constant, garantit aux investisseurs du secteur du logement leur part dans les dépenses des ménages, dans la me20

21 22

T. von Ungern-Sternberg, loc. cit.

B. Schips und E. Müller, Der Schweizer Wohnungsmarkt: Ist-Zustand und alternative Lösungsvorschläge, Forschungsstelle für empirische Wirtschaftsforschung St. Gallen, August 1991.

B.S.S., loc. cit.

Bundesamt für Konjunkturfragen, Teuerung bei Inlandgütern, Vorabstudie über Wohnungsmiete und Mieterschutzbestimmungen, Bericht des Bundesamtes für Konjunkturfragen Studie Nr. 14, Bern 1991.

9147

sure où le marché tolère ces hausses de loyer. Une indexation pourrait élargir le champ d'action des autorités monétaires par rapport à la situation actuelle.

Concernant les implications économiques du changement de système, il faut relever que le couplage du taux hypothécaire et des loyers permet aux bailleurs de reporter sur les locataires le risque lié aux frais de capital aussi longtemps que le loyer reste inférieur au niveau du marché libre. L'indexation sur un indice oblige le bailleur à supporter seul ce risque. C'est alors à lui de compenser les variations du taux hypothécaire et il voudra être dédommagé pour ce risque. Ainsi, l'indexation pourrait avoir pour résultat de relever quelque peu le niveau des loyers. Du point de vue économique, la meilleure solution est celle faisant porter le risque des variations des taux à la partie contractante la mieux à même d'y faire face, c'est-à-dire généralement le bailleur. Du point de vue économique global, l'indexation est donc aussi plus appropriée. D'une part, le risque se trouve alors chez la partie contractante capable d'influer sur ce critère à travers le choix du financement. Lorsque le loyer est couplé au taux hypothécaire, le risque est supporté par le locataire, qui n'a aucune prise sur la gestion du capital. D'autre part, les bailleurs peuvent fréquemment optimiser les risques globaux en les répartissant sur une vaste gamme de placements.

En outre, la reprise des risques de variations des taux d'intérêt par les bailleurs va probablement conduire les banques à développer de nouveaux instruments de financement et les solutions de remplacement à l'hypothèque variable seront d'autant plus répandues. Le système bancaire est encore plus efficace pour maîtriser les risques de financement que les investisseurs du secteur du logement. Ce développement pourrait même engendrer encore d'autres avantages économiques.

254.12

Avantages des loyers indexés par rapport à la solution actuelle

Le remplacement du couplage du taux hypothécaire et des loyers par un système d'indexation neutre qui n'entraîne aucune modification de la répartition des revenus présente des avantages évidents par rapport à la solution actuelle:

23

­

l'indexation favorise une évolution des loyers beaucoup plus stable;

­

la réglementation actuelle réagit beaucoup plus fortement au niveau de la dynamique inflationniste à court terme et renforce ainsi sensiblement les déséquilibres car les adaptations des loyers motivées par les variations du taux hypothécaire en phase de surchauffe dépassent largement les effets d'une indexation; on parle dans ce contexte d'une «surindexation»23;

­

grâce au découplage du taux hypothécaire et des loyers, la politique monétaire à court terme n'est plus entravée;

­

l'indexation des loyers fait passer la prise en charge du risque inhérent aux variations des taux d'intérêt du locataire au bailleur. Ce dernier peut en règle générale mieux maîtriser ce type de risque, ce qui améliorera la rentabilité du secteur du logement. On peut s'attendre à de nouveaux gains de rentabilité si la gestion du risque est prise en charge par les banques à la demande des investisseurs;

T. von Ungern-Sternberg, loc. cit.

9148

­

254.13

l'indexation des loyers évite l'effet d'engrenage. En raison de la quasi inexistence de taux de renchérissement véritablement négatifs (de l'ordre de plus de 1 % p. ex.), le problème de la non-répercussion des baisses de taux sur les loyers ne se pose plus. Par ailleurs, les hausses extrêmes de loyers sont pratiquement exclues.

Inconvénients des loyers indexés

En comparaison avec la réglementation actuelle, l'indexation présente l'inconvénient de suivre moins précisément la structure des coûts des investisseurs. Des problèmes de liquidités peuvent s'ensuivre pour les bailleurs dont le financement est précaire. Mais à y regarder de plus près, on voit que les parts de fonds propres, qui sont en moyenne plutôt élevées, les obligations d'amortissement, la corrélation entre le renchérissement et le taux hypothécaire ou le délai intervenant entre l'encaissement des loyers et le versement des intérêts dus rendent ce risque négligeable dans la majorité des cas. Dans l'ensemble, cet inconvénient est largement compensé par les avantages mentionnés.

Un désavantage de nature plus générale réside dans le fait que l'indexation entrave le jeu de l'offre et de la demande. Les pénuries ne se traduisent plus dans les prix, ce qui peut entraîner un appauvrissement de l'offre. Ces objections ne sont toutefois justifiées que lorsque l'indexation n'est accompagnée d'aucun élément de marché, ce qui n'est pas le cas ici. Le système actuel basé sur les coûts pose le même problème. Par ailleurs, des réglementations étatiques des prix peuvent agir à la manière des cartels. La publication de l'indice des prix à la consommation peut servir de signal à une hausse générale des loyers. Ce mécanisme ne fonctionne cependant que lorsque les loyers sont au-dessous du niveau des prix du marché libre. La solution actuelle connaît le même problème.

En conclusion, on peut dire que l'indexation, telle qu'elle est proposée ici, stabilise l'évolution des loyers. Le risque encouru par les locataires est minime compte tenu de la tendance à la synchronisation entre inflation et évolution des loyers. Les loyers pouvant être adaptés au renchérissement, les bailleurs n'ont pas à exiger des loyers initiaux artificiellement élevés. Le procédé d'adaptation des loyers devient plus simple et plus transparent pour les parties, ce qui contribue à réduire le nombre de litiges.

254.2

Adaptation aux loyers comparatifs, respectivement aux loyers usuels dans la localité ou dans le quartier

Les adaptations de loyer motivées par l'invocation des loyers comparatifs, respectivement des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier peuvent intervenir tous les quatre ans, ceci dans la mesure où aucune hausse de loyer n'a lieu durant cette période. Le nouveau loyer ne doit pas dépasser le loyer précédent de plus de 20 %.

Des simulations ont montré que ce délai d'attente et ce plafonnement sont indispensables pour garantir la neutralité en termes de répartition. Il faut éviter que le bailleur puisse choisir systématiquement et à courts intervalles la variante d'adaptation la plus favorable à ses intérêts car la libre combinaison de l'indexation et des loyers comparatifs pourrait engendrer une évolution des loyers incompatible avec la 9149

notion de protection. Des corrections similaires doivent également être prévues pour les loyers indexés. Ces mesures doivent permettre de compenser les poussées à la hausse des loyers et d'en stabiliser l'évolution.

254.3

Contrats-cadre

Conformément à la loi fédérale du 23 juin 1995 sur les contrats-cadre de baux à loyer et leur déclaration de force obligatoire générale24, les associations de bailleurs et de locataires et les organisations défendant des intérêts semblables peuvent établir des dispositions-types applicables à la conclusion, à l'objet et à l'expiration des baux à loyer de logements et de locaux commerciaux. A la requête de toutes les parties contractantes, le Conseil fédéral peut autoriser des dérogations à des dispositions impératives du droit du bail dans la mesure où les locataires bénéficient d'une protection au moins équivalente contre les loyers abusifs, les autres prétentions abusives et les résiliations. Les parties ont en outre la possibilité de demander que le contrat-cadre soit déclaré de force obligatoire générale.

Des négociations sont actuellement menées en Suisse romande, notamment dans le canton de Vaud, en vue de conclure un contrat-cadre devant être déclaré de force obligatoire générale par la suite.

Le projet prévoit de maintenir la possibilité d'adapter les loyers suivant les recommandations d'un contrat-cadre.

254.4

Prestations supplémentaires du bailleur

Les augmentations de loyer justifiées par des prestations supplémentaires du bailleur restent possibles. Les prestations supplémentaires peuvent consister en la construction d'un agrandissement de la chose louée (p. ex. une pièce ou une surface extérieure supplémentaire). Le locataire peut aussi bénéficier d'avantages non liés à de nouvelles constructions (p. ex. un droit d'utilisation du jardin). Enfin, la chose louée peut être améliorée de manière qualitative à travers des investissements y apportant une plus-value (p. ex. rénovation du logement, installation de nouveaux appareils ou de nouvelles machines). Dans tous les cas, le bailleur peut faire valoir des majorations de loyer dont l'importance sera plus précisément décrite dans les dispositions d'application, comme c'est le cas actuellement. Pour les investissements entraînant une plus-value du logement (rénovations), la clause d'échelonnement prévue à l'art. 269e, al. 4, du projet est applicable.

254.5

Loyers échelonnés

La règle actuelle a fait ses preuves et est maintenue telle quelle. L'échelonnement n'est possible que pour un bail d'une durée de trois ans au moins. De plus, le loyer ne peut être majoré qu'une fois par an au plus, et ce d'un montant fixé par convention.

24

RS 221.213.15

9150

254.6

Loyers liés au chiffre d'affaires

Il reste possible de lier le loyer de locaux commerciaux au chiffre d'affaires réalisé par le locataire. Le loyer peut être adapté entièrement ou partiellement à l'évolution du chiffre d'affaires. En pratique, on convient souvent d'une base fixe accompagnée d'une partie variable. Le locataire a alors l'obligation d'accorder un droit de regard au bailleur dans les bilans et les comptes annuels de l'entreprise.

255

Modifications du droit procédural

255.1

Compétences des autorités de conciliation

Le droit du bail de 1990 confiait pour la première fois aux autorités de conciliation une compétence décisionnelle dans les domaines de la protection contre les congés abusifs, de la prolongation de baux et de la consignation des loyers. L'attribution de ces compétences a conduit à une revalorisation des autorités de conciliation et s'est révélée positive dans la pratique. Les autorités de conciliation doivent désormais pouvoir trancher tous les litiges portant sur une somme litigieuse ne dépassant pas 5000 francs. Cette mesure devrait permettre de réduire la durée du traitement des litiges relevant du droit du bail et d'alléger la charge de travail des instances civiles.

255.2

Frais judiciaires

Sur le modèle des dispositions du droit du travail (v. art. 343 CO), les parties sont désormais exonérées des frais judiciaires (frais, émoluments) pour tous les litiges relevant de la protection contre les congés abusifs ainsi que pour les litiges relevant du droit du bail et portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 20 000 francs.

Ceci est une autre des dispositions proposées par le Conseil fédéral dans son message du 27 mars 1985 relatif à la révision du droit du bail25, qui n'avaient pas franchi le cap du Parlement. Un réexamen au vu de la situation actuelle montre que la gratuité, tout au moins celle concernant les frais de tribunal, reste justifiée, ceci d'autant plus que les frais judiciaires ont considérablement augmenté depuis lors.

Les dispositions de protection des locataires ne doivent pas rester lettre morte en raison du risque d'avoir à supporter d'importants frais judiciaires. La situation est en revanche différente en ce qui concerne les indemnités (en principe sensiblement plus élevées que les frais judiciaires). Il semble donc justifié de maintenir la possibilité qu'ont les juges de condamner la partie téméraire à verser des indemnités à la partie gagnante.

25

FF 1985 I 1369

9151

26

Commentaires des dispositions

Art. 253b Al. 2 Les dispositions de protection ne s'appliquent pas aux logements de luxe comprenant plus de 150 m2 de surface nette habitable. La notion de luxe est ici à prendre au sens étroit du terme, c'est-à-dire que le logement en question doit être doté d'un équipement exceptionnellement confortable et être parfaitement entretenu. La référence au nombre de pièces est supprimée. L'expérience a montré que le nombre de pièces ne constitue par un critère fiable, en particulier pour les logements de luxe, et que l'élément déterminant est la surface du logement. Ainsi, il existe aujour-d'hui des logements vastes et luxueux ne comportant qu'une ou deux pièces (p. ex. lofts).

Il semble donc indiqué de se baser sur la surface nette habitable. Un logement offrant plus de 150 m2 de surface nette habitable peut sans aucun doute être qualifié de spacieux. S'il est en outre luxueusement équipé, il semble justifié de ne pas soumettre la détermination du loyer à des mesures de protection restrictives et de laisser leur pleine autonomie aux parties contractantes.

L'exclusion des dispositions de protection s'étend uniquement à la protection contre les loyers abusifs. Les autres règles du droit du bail restent applicables (droit contractuel, protection contre les congés abusifs, frais accessoires, etc.).

Art. 269

Loyers abusifs

Al. 1 Il s'agit ici d'une disposition centrale de la révision du droit du bail. Un loyer est désormais considéré comme abusif lorsqu'il dépasse de plus de 15 % les loyers usuels dans la localité ou dans le quartier.

La détermination du rendement excessif a donné lieu jusqu'à présent à des problèmes de jurisprudence épineux et à des incertitudes chez les parties contractantes.

Ainsi, le locataire n'a souvent pas connaissance des valeurs nécessaires pour calculer le rendement net d'un immeuble. En outre, il s'est avéré que les coûts de revient d'immeubles anciens ne peuvent être que très difficilement établis parce que, par exemple, le prix d'achat d'origine de l'immeuble ou du terrain ne peut plus être déterminé. Enfin, dans le droit actuel, le taux de référence pour les anciennes hypothèques revêt une importance primordiale dans la question des frais de capital ainsi que dans celle du rendement acceptable. Comme exposé plus haut, ce taux de référence perd chaque jour un peu plus de sa signification et ne peut donc plus être considéré comme un critère objectif.

Al. 2 Les loyers comparatifs d'habitations sont établis dans des statistiques des loyers ou dans des instruments comparables. Il n'est pas prévu de statistiques des loyers pour les locaux commerciaux. En effet, on assiste ici à une forte segmentation du marché reflétant les différents types d'utilisation des locaux loués (services, artisanat, commerce, industrie, etc.). En outre, l'équipement intérieur des locaux commerciaux joue un rôle beaucoup plus important que pour les logements. Les locaux commerciaux sont souvent dotés d'installations spéciales intégrées dans la construction comme dans le cas, par exemple, d'une boucherie, d'une boulangerie ou d'une me9152

nuiserie. Comparée à de tels équipements, l'importance du local lui-même passe au second plan.

Ces réflexions ont conduit à prévoir le système suivant: la preuve du loyer usuel dans la localité ou le quartier peut être apportée pour des logements par les statistiques de loyers et pour les locaux commerciaux en présentant les loyers de trois objets comparables. Ces critères sont simples et faciles à manier, ils permettent d'éviter des calculs complexes, ce qui entraînera certainement un recul du nombre de contestations. Un loyer est désormais abusif lorsqu'il dépasse de plus de 15 % les loyers comparatifs, respectivement les loyers usuels dans la localité ou dans le quartier. Ces critères sont irréfutables. La possibilité prévue par la loi de dépasser les chiffres de référence de 15 % permet aux parties de tenir compte des conditions spécifiques à la chose louée lors de la fixation du loyer. Si le bailleur fait usage de cette réserve dans un bail en cours, il doit, pour répondre à une contestation du locataire, présenter et démontrer les motifs de la hausse devant l'autorité de conciliation, respectivement l'instance judiciaire en charge du dossier.

Al. 3 La Confédération développe les instruments comparatifs nécessaires sous la forme de statistiques, de courbes ou de tableaux des loyers. Elle veille à ce que le matériau fourni soit représentatif et tienne compte des particularités locales. Les données statistiques sont actualisées périodiquement.

Dans l'intérêt d'un large consensus sur les valeurs de référence, les cantons ainsi que les organisations de bailleurs et de locataires sont consultés l'élaboration et l'actualisation des instruments de comparaison.

La Confédération assume un rôle directeur dans la mise en place des statistiques des loyers, ceci afin d'assurer que cet instrument du droit fédéral soit appliqué de manière uniforme dans toute la Suisse.

Al. 4 Les critères de comparaison déterminants sont notamment la situation, la surface, l'état, l'équipement et l'âge des habitations.

Les logements de luxe comportant plus de 150 m2 de surface nette habitable ainsi que les logements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics ne sont pas pris en compte.

Art. 269a

Augmentations de loyer

La loi énumère dorénavant de manière exhaustive tous les motifs possibles d'augmentation des loyers. Ceci constitue une modification de la systématique par rapport au droit actuel. L'art. 269a actuellement en vigueur expose les cas dans lesquels les loyers sont considérés comme non abusifs. Mais aucune mention n'y est faite des motifs d'augmentation possibles et des méthodes correspondantes.

Pour obtenir une utilisation plus simple et plus transparente, les motifs d'augmentation sont maintenant mentionnés de manière directe et exhaustive. La loi prévoit que des augmentations de loyers peuvent intervenir si elles sont fondées sur l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation (let. a); si elles visent un alignement sur les loyers comparatifs pour les habitations ou sur les loyers usuels dans la localité ou dans le quartier pour les locaux commerciaux (let. b); si elles correspondent aux recommandations d'un contrat-cadre (let. c); ou si elles sont justi-

9153

fiées par des prestations supplémentaires du bailleur (let. d). Ces motifs d'augmentation peuvent être invoqués sans avoir été convenus auparavant par contrat.

La possibilité prévue par le droit en vigueur d'adapter les loyers en fonction d'un plan de paiement privé est supprimée. En pratique, cette disposition n'a connu qu'un usage très restreint.

L'al. 3 décrit deux autres possibilités d'augmentation, lesquelles doivent cependant être fixées par contrat. Il s'agit des loyers échelonnés et des loyers liés au chiffre d'affaires, où le loyer de locaux commerciaux varie en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires du locataire. Dans ce dernier cas, la liaison peut affecter la totalité ou une partie seulement du loyer. Le locataire est alors tenu d'accorder au bailleur un droit de regard dans les bilans et les comptes de son entreprise.

Les augmentations de loyer selon l'al. 1 ne doivent pas être abusives au sens de l'art.

269. Le locataire peut invoquer cette disposition (al. 2 en relation avec le nouvel art.

270a, al. 1, let. b). La situation est différente pour les méthodes d'adaptation contractuelles des loyers échelonnés et des loyers liés au chiffre d'affaires. Il s'agit ici de motifs d'augmentation convenus et donc acceptés par avance par les deux parties.

Il est tout au plus possible de contrôler si l'adaptation concrète correspond bien à celle prévue par le contrat de bail.

Art. 269b

Loyers indexés

Al. 1 Les loyers peuvent dorénavant être adaptés en fonction de l'indice suisse des prix à la consommation sur une base légale, c'est-à-dire sans convention spécifique. Les adaptations ne sont possibles qu'une fois par an au plus, elles ne peuvent donc intervenir que douze mois au moins après la conclusion du contrat ou après la dernière adaptation. Les modalités d'application restent fixées par l'art. 269e.

Al. 2 Les hausses de l'indice suisse des prix à la consommation ne peuvent être reportées qu'à raison de quatre cinquièmes au plus sur les loyers. Des simulations ont montré qu'une indexation de cet ordre de grandeur correspond à peu près à l'évolution des loyers selon le droit actuel. De plus, la limitation du report des hausses constitue un allégement pour les locataires en période de fort renchérissement et s'inscrit ainsi dans une politique de répartition des charges équitable.

Depuis la modification de l'ordonnance du 9 mai 1990 (entrée en vigueur le 1er juillet 1990), la majoration de loyer ne doit pas dépasser la hausse de l'indice des prix à la consommation. Autrement dit, la hausse de l'indice peut être reportée à 100 %. La possibilité d'indexer le loyer sur l'indice suisse des prix à la consommation s'est étendue. Cette forme d'adaptation n'était jusqu'à présent possible que dans le cadre d'une convention spécifique et pour une durée minimale de cinq ans.

Elle est maintenant applicable à tous les baux, indépendamment de leur durée ou de la chose louée. La réduction du taux de report par rapport au taux prévu dans le droit actuel tient compte du champ d'application de l'indexation qui est devenu beaucoup plus vaste.

9154

Al. 3 Si le renchérissement annuel de base dépasse 5 % durant deux années consécutives, le Conseil fédéral ordonne par voie d'ordonnance une réduction du taux de report.

Un report constant d'une hausse persistante du renchérissement au taux indiqué plus haut entraînerait une augmentation disproportionnée des loyers. La question ne peut pas être entièrement réglée au niveau de la loi car les conditions-cadre économiques y jouent un rôle déterminant.

Art. 269c

Loyers échelonnés

La réglementation actuelle a fait ses preuves. Elle est donc maintenue sans changement. La pratique des loyers échelonnés est utilisée surtout pour les logements neufs d'une classe de prix supérieure. Elle permet aux investisseurs de renoncer dans un premier temps à un rendement suffisant du loyer initial en sachant qu'ils obtiendront par la suite le niveau de rentabilité nécessaire grâce à l'échelonnement convenu.

Art. 269d

Adaptations aux loyers comparatifs ou selon l'usage local

Les loyers d'habitations ne peuvent être adaptés aux loyers comparatifs établis par des statistiques des loyers ou des instruments comparables selon l'art. 269 que quatre ans au plus tôt après la dernière adaptation fondée sur ce motif dans un bail en cours. De même, les loyers de locaux commerciaux ne peuvent être adaptés aux limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier que quatre ans au plus tôt après la dernière adaptation.

L'application de ce motif d'adaptation n'est possible que dans la mesure où le loyer n'a subi aucune augmentation pendant quatre ans au moins. Le cumul de ces motifs d'adaptation absolus avec d'autres motifs d'augmentation (p. ex. adaptation aux variations de l'indice suisse des prix à la consommation) conduirait à un enchaînement de hausses successives. Une majoration motivée par l'adaptation aux loyers comparatifs ou à l'usage de la localité ou du quartier ne peut pas excéder 20 % du loyer qui était en vigueur quatre ans auparavant.

Art. 269e

Procédé en cas d'augmentations de loyer et autres modifications unilatérales du contrat

Al. 1 La réglementation correspond en substance à l'actuel art. 269d, al. 1. Selon celui-ci, le bailleur peut en tout temps augmenter le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'augmentation doit être dûment motivée et annoncée au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et au moyen d'une formule agréée par le canton. Il est désormais également précisé que la majoration doit respecter les dispositions légales d'adaptation des loyers, lesquelles prévoient certaines restrictions au niveau de la durée et des délais. Cela s'applique à l'augmentation qui suit l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation (possible une fois par an au plus), à l'adaptation aux loyers comparatifs ou aux loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (possible après quatre ans au plus tôt et à condition que le loyer n'ait pas été augmenté durant cette période) ainsi qu'aux loyers échelonnées (majoration possible uniquement dans un délai convenu par contrat).

9155

Al. 2 Il s'agit de la réglementation actuelle de l'art. 269d, al. 2. La teneur n'en subit aucune modification.

Al. 3 Il s'agit de la réglementation actuelle de l'art. 269d, al. 3. La teneur n'en subit aucune modification.

Al. 4 Un échelonnement est désormais prévu pour les augmentations fondées sur des investissements entraînant une plus-value de la chose louée ou motivées par un transfert d'immeuble. L'expérience a montré que dans ces deux cas, les loyers pouvaient subir des hausses dépassant rapidement les possibilités financières des ménages moyens. Si la majoration excède 20 % du loyer précédent, la part excédentaire ne peut prendre effet qu'un an plus tard au moins. Le locataire a ainsi la possibilité de trouver entre-temps un logement meilleur marché. Le bailleur n'essuie aucune perte, car il peut ajouter les intérêts non perçus sur le reste de l'augmentation qui prend effet l'année suivante.

Art. 270

Contestation du loyer initial

La réglementation actuelle est maintenue. Seule une légère modification est apportée en ce sens que l'al. 1 ne fait plus référence qu'à l'art. 269. L'al. 2 et la note marginale subissent également une adaptation rédactionnelle.

Art. 270a

Demande de diminution du loyer en cours de bail

Les cas dans lesquels le locataire est en droit d'exiger la diminution du loyer sont désormais énumérés de manière exhaustive. Une diminution peut être exigée si l'indice suisse des prix à la consommation a baissé (let. 1); si le loyer d'une habitation dépasse les loyers comparatifs, respectivement si le loyer de locaux commerciaux dépasse les loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (let. b); si le loyer de locaux commerciaux dépend par convention du chiffre d'affaires et que celui-ci a baissé (let. c); si le loyer correspond aux recommandations d'un contrat-cadre et que celles-ci ne sont pas ou ne sont plus respectées.

Les al. 2 et 3 de l'article actuel ne subissent en revanche aucune modification.

Art. 270b

Augmentations de loyer

Al. 1 La disposition est adaptée à la nouvelle systématique de l'énumération exhaustive des motifs d'augmentation. Le locataire peut ainsi contester une augmentation de loyer devant l'autorité de conciliation dans les 30 jours qui suivent l'avis de majoration si elle n'est justifiée par aucun des motifs d'augmentation mentionnés à l'art.

269a ou si elle est abusive au sens de l'art. 269.

L'al. 2 de l'article actuel ne subit aucune modification.

9156

Art. 270c (ancien)

Contestation des loyers indexés

La disposition actuelle qui exclut la contestation des loyers indexés est abrogée. La restriction perd sa justification dès lors que l'indexation n'est plus fondée sur une clause contractuelle mais constitue désormais un motif légal d'adaptation. Le contrôle du caractère abusif d'un loyer fixé selon une règle de portée générale doit pouvoir intervenir sans restriction.

Art. 270c (nouveau)

Contestation des loyers échelonnés et des loyers liés au chiffre d'affaires

La disposition actuelle de l'art. 270d, selon laquelle le locataire ne peut pas contester des loyers échelonnés sous réserve de la contestation du loyer initial est maintenue.

La même règle s'applique désormais aux loyers liés au chiffre d'affaires.

Art. 270d

Validité du bail pendant la procédure de conciliation

Il s'agit de l'actuel art. 270e, dont la teneur ne subit aucune modification.

L'actuel numéro d'art. 270e est supprimé.

Art. 274

Autorités et procédure

La teneur de l'al. 1 ne subit aucune modification.

L'al. 2 précise que le contrôle des loyers de logements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics est soumis aux dispositions de la procédure administrative fédérale (lorsqu'une aide fédérale a été accordée) ou cantonale (lorsqu'une aide cantonale ou communale a été accordée). La disposition générale de l'art. 253b, al. 3, est ainsi rappelée dans le chapitre consacré aux autorités et à la procédure, ce qui permet d'éviter des doutes quant à la procédure à suivre. Pour les autres litiges, relatifs au contrat de bail et à la protection contre les congés abusifs, la procédure selon l'al. 1 est également applicable aux loyers de logements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics.

Art. 274a

Autorité de conciliation

Al. 1 Le droit du bail en vigueur accordait pour la première fois à l'autorité de conciliation une certaine compétence décisionnelle, dépassant le cadre de la conciliation.

Cet élargissement de compétence dans les domaines de la protection contre les congés abusifs et de la consignation de loyers s'est révélé positif dans la pratique. Il semble donc judicieux, également pour des raisons d'économie de procédure, de lui attribuer une compétence décisionnelle générale. L'al. 1, let. c, prévoit donc que l'autorité de conciliation peut désormais trancher tous les litiges portant sur une valeur litigieuse ne dépassant pas 5000 francs.

9157

Al. 2 Il est précisé que les bailleurs doivent être représentés au sein des autorités de conciliation en fonction des catégories de personnes qui sont en présence (personnes privées, coopératives, investisseurs institutionnels). Ainsi, dans les régions comportant une large proportion de logements coopératifs, les coopératives de logements doivent compter parmi les représentants des bailleurs. Une précision analogue concernant les locataires n'est pas nécessaire car leur groupe ne connaît aucune segmentation de ce type.

Al. 3 La teneur ne subit aucune modification.

Art. 274d

Procédure relative aux baux d'habitations et de locaux commerciaux

Al. 1 La teneur ne subit aucune modification.

Al. 2 La teneur ne subit aucune modification.

Al. 3 Actuellement, pour les litiges relatifs au droit du bail, seule la procédure devant l'autorité de conciliation est gratuite. Les démarches suivantes sont assujetties aux dépens, lesquels varient selon les différentes réglementations prévues par les procédures cantonales. L'expérience a montré que le risque, important et parfois difficilement chiffrable, d'avoir à supporter les frais judiciaires est de nature à dissuader les locataires surtout, mais également, dans certains cas, les bailleurs de faire valoir leurs droits. Même les meilleures dispositions de protection des locataires restent finalement peu efficaces si leur utilisation est rendue aléatoire par les risques de frais judiciaires. Il ne serait pas non plus juste que les dispositions de protection des locataires ne puissent profiter qu'à ceux d'entre eux qui bénéficient d'une assurance de protection juridique. Sur la base de ces réflexions, une disposition analogue à celle figurant déjà dans le droit du travail (cf. art. 343 CO) est désormais également prévue pour les litiges relatifs au droit du bail. Dans son message du 27 mars 198526 relatif à la révision du droit du bail, le Conseil fédéral avait déjà soumis cette proposition au Parlement. Celle-ci n'avait alors pas été retenue à l'issue du débat parlementaire. Un nouvel examen est aujourd'hui nécessaire. Le risque d'avoir à supporter des frais judiciaires pèse sans aucun doute sur l'efficacité des dispositions de protection du droit du bail.

Les procédures engagées dans le cadre de la protection contre les congés abusifs doivent en principe être gratuites, car elles constituent le point d'orgue des dispositions de protection du droit du bail. Pour les autres litiges, la gratuité est assujettie à une limite supérieure de la valeur litigieuse fixée à 20 000 francs, ce qui correspond à la teneur de l'art. 343 CO en vigueur. La limite concernant les litiges relatifs au droit du bail doit être au moins aussi élevée que celle qui est fixée pour les litiges relevant du droit du travail; en effet, les règles de calcul de la valeur litigieuse pour 26

FF 1985 I 1369, 1450

9158

des prestations périodiques impliquent déjà une valeur litigieuse élevée pour des variations minimes du loyer mensuel (une majoration de loyer de 50 francs par mois / 600 francs par an entraîne une valeur litigieuse de 12 000 francs, le calcul étant basé sur une durée hypothétique de 20 ans).

La nouvelle réglementation ne donnera pas plus lieu à une avalanche de procédures qu'elle ne l'a fait dans le cadre du droit du travail. Tout indique que la référence aux loyers comparatifs va contribuer à réduire le nombre de contestations des loyers (qui forment un tiers environ des litiges relatifs au droit du bail) et à rendre les éventuelles procédures plus simples et plus rapides. Le juge peut en outre infliger des amendes aux parties téméraires ou leur faire supporter tout ou partie des frais judiciaires.

Enfin, il y a la possibilité d'accorder un dédommagement à la partie gagnante à sa demande.

Dispositions transitoires Art. 1 Les contrats de bail dont la validité commence après l'entrée en vigueur de la présente loi sont soumis au nouveau droit.

Art. 2 Il est précisé que les augmentations de loyer annoncées avant l'entrée en vigueur de la présente loi mais prenant effet à une date ultérieure restent soumises à l'ancien droit. De même, les demandes de diminution de loyer émises avant l'entrée en vigueur de la présente loi mais prenant effet à une date ultérieure sont soumises à l'ancien droit.

Art. 3 Al. 1 Cette disposition permet d'assurer de manière transitoire que les bailleurs qui ont reporté sur les loyers les baisses du taux hypothécaire selon le droit actuel ne seront pas désavantagés par rapport à ceux qui ne l'ont pas fait. Elle préserve en même temps le droit des locataires à qui la réglementation actuelle permet d'exiger une diminution de loyer. Ces derniers ne doivent pas être désavantagés en perdant irrémédiablement leur droit à une diminution de loyer en raison de la modification de la loi. Ces deux objectifs visant à une application équitable des motifs d'adaptation des loyers sont atteints par l'obligation faite au bailleur d'adapter d'abord les loyers en fonction du taux hypothécaire faisant foi à la date de l'entrée en vigueur du nouveau droit lors de la première augmentation de loyer intervenant selon le nouveau droit, ceci dans la mesure où le loyer précédent était basé sur un
taux hypothécaire plus élevé. L'adaptation selon le nouveau droit intervient sur la base du loyer ainsi déterminé.

Al. 2 Par analogie avec l'al. 1, le bailleur peut, lors de la première augmentation de loyer intervenant selon le nouveau droit, adapter d'abord le loyer en fonction du taux hypothécaire faisant foi à la date de l'entrée en vigueur du nouveau droit si le loyer

9159

précédent était basé sur un taux inférieur. L'adaptation selon le nouveau droit intervient sur la base du loyer ainsi déterminé.

Al. 3 Il est précisé que les adaptations de loyer au sens des al. 1 et 2 sont soumises à l'ancien droit. Les prescriptions légales (art. 269a, let. b, CO en liaison avec l'art. 13 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux) et les règles développées par la jurisprudence en cas d'objection aux baisses de loyers sont ainsi appliquées une dernière fois.

Art. 4 Selon le droit actuel, les baux à loyer indexé doivent être conclus pour une durée minimale de cinq ans. La fixation du loyer initial tient compte de cette durée contractuelle plus longue. Les conventions des parties doivent être préservées, c'est pourquoi les dispositions transitoires prévoient que ces contrats resteront soumis à l'ancien droit jusqu'à leur échéance.

Art. 5 Il est précisé que les adaptations de baux en cours à l'indice suisse des prix à la consommation selon le nouveau droit doivent être basées sur le taux de l'indice à la date de l'entrée en vigueur de la modification de la loi. Il s'agit ainsi d'indiquer clairement que toute adaptation rétroactive, le cas échéant sur plusieurs années, est exclue.

Durant cette période, tous les autres motifs d'adaptation du droit actuel ont déjà pu être invoqués.

Art. 6 La Confédération reçoit pour tâche d'établir les statistiques des loyers ou des instruments comparables selon l'art. 269 dans un délai de trois ans. L'al. 2 prévoit une disposition transitoire relative aux loyers comparatifs. Aussi longtemps que les statistiques des loyers ne seront pas publiées, les parties souhaitant invoquer le motif des loyers comparatifs devront apporter la preuve elles-mêmes, ceci par la présentation de trois objets comparables.

Art. 7 Le passage du critère du nombre de pièces à celui de la surface nette habitable comme base de détermination du champ d'application des dispositions de protection contre les loyers abusifs doit être accompagné d'une disposition de préservation des acquis en faveur du locataire aussi bien que du bailleur. Si le locataire a par exemple conclu un contrat de bail pour un logement luxueux de quatre pièces comportant plus de 150 m2 de surface nette habitable, les dispositions de protection restent applicables. A l'inverse, ces dernières restent par exemple inapplicables pour un logement luxueux de 6 pièces et comportant moins de 150 m2 de surface nette.

9160

3

Initiative populaire fédérale «pour des loyers loyaux»

31

Teneur de l'initiative

I La constitution fédérale est modifiée comme suit: Art. 34septies, al. 1, 2e phrase, et al. 1bis (nouveau) 1.

. . Elle légifère pour protéger les locataires contre les loyers et autres prétentions abusifs des bailleurs, sur l'annulabilité des congés injustifiés et sur la prolongation du bail limitée dans le temps.

1bis Ces

dispositions se fondent sur les principes suivants:

a.

les loyers initiaux sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent de coûts excessifs. Sont excessifs les coûts qui entraînent des loyers supérieurs aux loyers statistiques moyens pour des objets comparables. Le capital exposé aux risques est rémunéré au maximum au taux des intérêts hypothécaires selon la let. b;

b.

en cours de bail, les loyers ne peuvent varier que dans la mesure nécessaire à compenser l'évolution prouvée des coûts depuis le début du bail, à rémunérer les prestations supplémentaires du bailleur et à sauvegarder le pouvoir d'achat du capital exposé aux risques. La variation du taux hypothécaire est calculée sur la base de moyennes établies sur cinq ans;

c.

en cas de transfert de l'immeuble, les loyers peuvent être adaptés au niveau admissible pour les loyers initiaux selon la let. a. Les hausses doivent être échelonnées lorsqu'elles dépassent 10 %;

d.

les cantons peuvent prévoir que seules peuvent être facturées comme frais accessoires les prestations qui varient selon la consommation des locataires;

e.

les loyers initiaux, de même que les hausses de loyer et les autres prétentions du bailleur sont notifiés et motivés sur une formule officiellement autorisée, mentionnant qu'ils peuvent être contestés. A défaut, le loyer initial ne pourra dépasser le loyer du locataire précédent et les hausses et autres prétentions sont nulles;

f.

la législation peut prévoir des exceptions aux let. a, b et c pour les loyers des logements d'utilité publique et pour les contrats-cadre ayant force obligatoire générale au sens de l'al. 2. Ces exceptions doivent toutefois offrir une protection équivalente contre les loyers et autres prétentions abusifs du bailleur. Des dispositions spéciales peuvent être appliquées aux loyers contrôlés par l'autorité;

g.

le bailleur doit prouver que son congé intervient pour un motif justifié. Le congé du bailleur est injustifié lorsqu'il ne répond pas à un intérêt digne de protection ou est disproportionné, en particulier lorsqu'il est prononcé: ­ parce que le locataire, de bonne foi, fait valoir ses droits ou pour l'empêcher de les faire valoir, ­ pour procéder à des modifications, rénovations ou démolitions disproportionnées, 9161

­ ­ ­

pour augmenter le loyer du bail en cours ou d'un nouveau bail, pour transformer l'immeuble en propriété par étage ou en une forme analogue de propriété, pour amener le locataire à acquérir la chose louée.

II Les dispositions transitoires de la constitution sont complétées comme suit: Art. 24 (nouveau) 1 Dans

l'année suivant l'acceptation de l'art. 34septies, al. 1, 2e phrase, et al. 1bis, en votation populaire, le Conseil fédéral édicte, par voie d'ordonnance, les dispositions d'application nécessaires qui resteront en force jusqu'à l'entrée en vigueur de la législation. Ce faisant il peut déroger aux articles du titre huitième du Code des obligations contraires aux nouvelles dispositions constitutionnelles. Il prévoit que la moyenne des taux hypothécaires selon l'art. 34septies, al. 1bis, let. b, sera calculée durant les cinq premières années, sur la base de la moyenne des années écoulées depuis l'entrée en vigueur des dispositions d'application. Les loyers ne peuvent être modifiés que si le taux hypothécaire moyen varie d'au moins un demi-pourcent par rapport au taux sur lequel se fonde la dernière fixation de loyer.

2 La

Confédération, en collaboration avec les cantons, détermine dans les deux ans suivant l'acceptation de l'art. 34septies, al. 1bis, en votation populaire, les loyers statistiques d'objets locatifs comparables selon l'emplacement, la grandeur, l'équipement, l'état et l'époque de construction des immeubles.

A la suite de l'acceptation de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999 (nouvelle Cst.), l'initiative populaire «pour des loyers loyaux» ne pourra plus en indiquer l'ancienne numérotation et devra être adaptée à la nouvelle Constitution.

Ainsi, l'art. 34septies devient l'art. 109; l'art. 24 des dispositions transitoires devient l'art. 197, ch. 1, nouvelle Cst. Outre la numérotation des articles, le texte de l'initiative ne nécessite qu'une adaptation rédactionnelle: la partie de l'initiative attribuée à l'al. 1bis est plus judicieusement disposée dans la nouvelle Constitution fédérale en tant qu'al. 3 de l'art. 109, ce qui exige l'ajout d'une petite précision dans la phrase d'introduction.

32

Aboutissement

L'initiative populaire «pour des loyers loyaux» a été déposée dans le délai imparti, le 14 mars 1997, par le comité d'initiative formé par l'Association suisses des locataires. Dans sa décision du 5 septembre 1997, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative avait recueilli 113 901 signatures valables et avait ainsi formellement abouti27.

27

FF 1997 IV 396

9162

33

Validité

331

Unité de la forme

Une initiative peut revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé de toutes pièces (art. 121, al. 4, cst.). Les formes mixtes sont exclues par l'art. 75, al. 3, de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques28.

La présente initiative est déposée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

L'unité de la forme est donc respectée.

332

Unité de la matière

Une initiative ne doit traiter que d'un seul objet (art. 121, al. 3, cst.). L'unité de la matière est respectée lorsqu'il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties d'une initiative (art. 75, al. 2, de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques).

La présente initiative traite uniquement de questions relatives au droit du bail.

L'unité de la matière est donc respectée.

34

Répercussions de l'initiative

341

Objectif de l'initiative

L'initiative «pour des loyers loyaux» vise une amélioration générale de la protection du locataire dans ses rapports contractuels avec le bailleur.

Les initiateurs veulent atteindre cet objectif en incluant dans le domaine d'application de la protection des locataires non plus seulement les congés abusifs mais également tous les congés injustifiés. En outre, la législation en matière de droit du bail devrait se fonder sur les principes suivants:

28

­

Définition claire du caractère abusif des loyers initiaux. Le texte explique en détail quels éléments de coût doivent permettre de contrôler le caractère abusif des loyers initiaux. Des coûts qui entraînent des loyers supérieurs aux loyers moyens pour des objets comparables selon les statistiques sont excessifs. D'autre part, le capital exposé aux risques ne peut être rémunéré que sur la base d'un taux correspondant à la moyenne du taux hypothécaire sur cinq ans.

­

Restriction des possibilités d'adaptation des loyers en cours de bail. De telles adaptations ne peuvent plus intervenir que lorsqu'elles sont nécessaires pour compenser l'évolution prouvée des coûts, pour rémunérer les prestations supplémentaires du bailleur ou pour sauvegarder le pouvoir d'achat du capital exposé aux risques. Le taux d'intérêt déterminant pour les adaptations de loyer n'est plus le taux hypothécaire effectif mais une moyenne de ses variations sur cinq ans. Le but de cette réglementation est, à l'aide du taux moyen légal, de rendre également obligatoire le report des baisses du RS 161.1

9163

taux hypothécaire. On évite ainsi que les loyers soient régulièrement adaptés aux hausses du taux hypothécaire alors que les baisses de ce taux ne sont reportées que beaucoup plus rarement (évolution asymétrique des loyers).

­

Limitation et échelonnement des augmentations de loyer lors de transferts d'immeubles. Les loyers ne peuvent alors être adaptés que dans la mesure où le nouveau loyer n'est pas abusif en regard des critères appliqués aux loyers initiaux. De plus, ces majorations (non abusives) doivent être échelonnées lorsqu'elles dépassent 10 % du loyer précédent.

­

Les cantons peuvent prévoir que seules les prestations qui varient selon la consommation des locataires leur soient facturées au titre de frais accessoires.

­

Elargissement de l'obligation d'user de formules agréées pour les loyers initiaux et les autres prétentions du bailleur. La formule officielle doit être utilisée dans tous les cas.

­

Des exceptions peuvent être prévues pour les logements d'utilité publique et pour les contrats-cadre déclarés de force obligatoire générale, ceci à condition d'offrir aux locataires une protection équivalente. De même, des dispositions spéciales peuvent être appliquées aux loyers soumis au contrôle d'une autorité.

­

Elargissement de la protection contre les congés abusifs. La charge de la preuve que la résiliation est justifiée incombe au bailleur. Le congé est injustifié s'il ne répond pas à un intérêt digne de protection ou s'il est disproportionné. Un catalogue de motifs injustifiés est présenté.

Les dispositions transitoires précisent entre autres que le Conseil fédéral doit édicter, dans un délai d'un an après l'acceptation de l'initiative en votation populaire, les dispositions d'application nécessaires jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Pour ce faire, il peut déroger aux articles du titre huitième du code des obligations contraires aux nouvelles dispositions constitutionnelles. La moyenne des taux hypothécaires est calculée durant les cinq premières années sur la base de la moyenne des années écoulées depuis l'entrée en vigueur des dispositions d'application. En outre, la Confédération, en collaboration avec les cantons, établit dans les deux ans suivant l'acceptation de l'initiative en votation populaire les statistiques des loyers selon les critères de l'emplacement, de la grandeur, de l'équipement, de l'état et de l'époque de construction des immeubles.

342

Appréciation de l'initiative

L'initiative comporte des requêtes justifiées et visant réellement l'amélioration d'une situation juridique actuellement insatisfaisante. A cet égard, il faut notamment citer la réglementation régissant le report des variations du taux hypothécaire sur les loyers. Les inconvénients et les problèmes posés par la réglementation actuelle ont déjà été évoqués dans le chapitre précédent: ­

Les hausses du taux hypothécaire sont sensiblement plus souvent reportées que les baisses de ce taux.

­

Deux marchés sont ainsi liés (marchés des capitaux et du logement) qui n'ont pratiquement rien en commun.

9164

­

L'individualisation croissante des dispositions des contrats d'hypothèques et le grand nombre de nouveaux modèles de crédit hypothécaire rendent de plus en plus délicate la tâche de fixer un taux hypothécaire faisant référence pour la détermination des loyers.

­

Enfin, la politique monétaire est entravée par la nécessaire prise en compte des répercussions des variations de taux sur le marché des logements locatifs.

L'initiative entend supprimer le problème de la répercussion beaucoup moins fréquente des baisses du taux hypothécaire que des hausses, en proposant d'instaurer une moyenne des variations de ce taux. La référence à un taux hypothécaire moyen calculé sur cinq ans permet d'inclure automatiquement les baisses du taux dans la détermination des loyers. Cet instrument n'offre en revanche aucune solution aux autres désavantages et problèmes mentionnés. Les inconvénients du couplage du taux hypothécaire et des loyers s'en trouvent même encore renforcés. Le Conseil fédéral est d'avis que le couplage doit être complètement abandonné et doit être remplacé par l'indexation ainsi que par le principe des loyers comparatifs.

L'initiative précise également quand un loyer initial doit être considéré comme abusif (art. 34septies, al. 1bis, let. a, cst.). Il est précisé qu'un loyer initial est abusif quand il permet au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'il résulte de coûts excessifs. Le domaine d'application est ainsi largement étendu par rapport à celui prévu par le droit actuel. Ainsi, une contestation n'est actuellement possible que si le locataire se trouvait dans une situation de nécessité personnelle ou familiale au moment de conclure le bail ou s'il a été contraint de conclure le bail en raison de la situation sur le marché local du logement et des locaux commerciaux, ou encore si le bailleur a considérablement augmenté le loyer initial par rapport au loyer précédent. L'initiative prévoit en outre que des coûts qui entraînent des loyers supérieurs aux loyers moyens pour des objets comparables selon les statistiques sont à considérer comme excessifs. D'autre part, la rémunération du capital exposé aux risques est limitée au niveau du taux hypothécaire moyen.

Le Conseil fédéral est d'avis que cette réglementation est trop restrictive et que le droit actuel relatif à la contestation du loyer initial doit être maintenu. L'art. 270 du CO réglant actuellement cette contestation a été introduit dans le cadre de la révision du droit du bail de 1990. Cette disposition a constitué une nouveauté marquante de la nouvelle législation. Elle était alors le résultat d'une longue quête de compromis qui ne doit pas être remise en question aujourd'hui de manière irréfléchie. En revanche,
la contre-proposition indirecte du Conseil fédéral tient compte de la requête de l'initiative concernant les loyers selon les statistiques, ceci dans la mesure où l'art.

269 projet CO prévoit que les loyers sont abusifs lorsqu'ils dépassent de plus de 15 % les loyers usuels dans la localité ou dans le quartier. L'art. 270a, al. 1, let. b, projet CO, prévoit ensuite que le locataire peut exiger la diminution du loyer en cours de bail lorsque le loyer d'une habitation dépasse les loyers comparatifs, respectivement le loyer de locaux commerciaux dépasse les loyers usuels dans la localité ou dans le quartier au sens de l'art. 269.

L'initiative souhaite en outre qu'en cas de transfert d'immeuble, les loyers soient limités au niveau prévu pour les loyers initiaux (art. 34septies, al. 1bis, let. b, en liaison avec l'art. 34septies, al. 1bis, let. a, cst.). Pour les raisons exposées plus haut, cette restriction est rejetée car elle est exagérée. La demande d'un échelonnement des hausses de loyer importantes est en revanche défendable. Un échelonnement ne doit

9165

toutefois être exigé que lorsque la majoration dépasse 20 % du loyer précédent (art. 269e, al. 4, projet CO). Pour des majorations moins élevées, il n'est pas indiqué d'imposer au bailleur une limitation légale de ses possibilités de reporter les coûts sur les loyers.

Les cantons doivent pouvoir prévoir légalement que seules soient facturées comme frais accessoires les prestations qui varient selon la consommation des locataires (art. 34septies, al. 1bis, let. d, cst.). Cette disposition n'est pas judicieuse. Des réglementations supplémentaires relatives aux frais accessoires ne sont pas nécessaires.

Un morcellement du droit du bail, en tant que droit privé fédéral, en réglementations cantonales séparées doit également être rejeté. De plus, on irait ainsi à l'encontre de l'objectif de simplification du droit du bail.

L'obligation généralisée d'user de formules agréées pour les loyers initiaux, comme le prévoit l'initiative selon l'art. 34septies, al. 1bis, let. c, cst., est rejetée par le Conseil fédéral. Le droit en vigueur prévoit déjà, à l'art. 270, al. 2, CO, qu'en cas de pénurie de logements, les cantons peuvent rendre obligatoire, sur tout ou partie de leur territoire, l'usage de la formule officielle pour la conclusion de tout nouveau bail.

Quelques cantons ont déjà fait usage de cette compétence législative. Les cantons qui n'ont jusqu'à présent pas instauré cette obligation ne doivent pas y être contraints.

Les requêtes de l'initiative selon l'art. 34septies, al. 1bis, let. f, cst. semblent en revanche justifiées et sont prises en compte dans la contre-proposition indirecte du Conseil fédéral. Il s'agit ici des réglementations concernant les contrats-cadre (art. 269a, al. 1, let. c, projet CO) et des loyers soumis au contrôle d'une autorité (art. 274 projet CO).

L'initiative exige un élargissement sensible de la protection contre les congés abusifs en comparaison avec le droit actuel. Selon l'art 34septies, al. 1, cst. du texte de l'initiative, un congé peut être contesté non seulement lorsqu'il est abusif (règle du droit en vigueur), mais également lorsqu'il n'est pas fondé sur un motif justifié, la charge de la preuve incombant au bailleur. Le Conseil fédéral est d'avis que cette réglementation limite trop la liberté qu'a le bailleur d'exercer ses droits de propriétaire. De plus,
les congés tels qu'ils sont régis par le droit du bail de 1990 donnent lieu à un nombre considérablement plus faible de discussions dans le débat politique sur le droit du bail que les règles de détermination des loyers. On peut même constater que cette réglementation a plutôt fait ses preuves. Une nouvelle modification dans ce domaine ne semble donc pas opportune.

Enfin, l'initiative prévoit dans les dispositions transitoires que la Confédération établit, en collaboration avec les cantons, les statistiques des loyers d'objets comparables selon les critères de l'emplacement, de la grandeur, de l'équipement, de l'état et de la période de construction. Cette requête est en principe justifiée, car le besoin d'une plus grande transparence du marché du logement se fait effectivement sentir.

Mais il n'est pas nécessaire pour autant d'établir le relevé de tous les loyers. Des statistiques des loyers ou d'autres instruments comparables indiquant une certaine fourchette de loyers selon le type de logements constitueraient une base suffisante. Il a donc été proposé de confier à la Confédération la tâche de déterminer les loyers comparatifs.

9166

35

Conclusions

Bien que l'initiative comporte des requêtes justifiées, le Conseil fédéral arrive à la conclusion qu'elle aurait pour conséquence une consolidation des règles de détermination des loyers basées sur les coûts. Le maintien du couplage des loyers et des coûts de capital n'est pas non plus opportun, malgré la proposition d'utiliser pour cela un taux hypothécaire moyen. Enfin, les motifs exposés plus haut amènent à considérer avec scepticisme tout nouvel élargissement de la protection contre les congés abusifs.

Le Conseil fédéral rejette donc l'initiative. Comme précisé plus haut, les requêtes justifiées qu'elle comporte sont prises en compte dans la contre-proposition indirecte du Conseil fédéral.

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

41

Au niveau de la Confédération

Des frais supplémentaires sont engendrés par l'application du nouvel art. 269, al. 3, lequel charge le Conseil fédéral d'établir les instruments nécessaires à la détermination des loyers comparatifs. Un montant unique estimé à 1 million de francs est donc nécessaire pour couvrir les frais d'expertises et de prestations informatiques.

Par la suite, les frais d'exploitation et d'actualisation ne devront pas dépasser 1 million de francs par an. Aucune autre conséquence n'est à attendre dans le domaine de l'informatique.

42

Au niveau des cantons et des communes

L'art. 274d, al. 3, prévoyant la gratuité de la procédure judiciaire pour les litiges concernant les congés abusifs et autres litiges résultant du contrat de bail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 20 000 francs, entraîne des frais supplémentaires pour la plupart des cantons. Pour les cantons qui jusqu'alors n'accordaient pas la gratuité de la procédure judiciaire, les recettes correspondantes disparaîtront. Aucune modification, et donc aucune charge financière supplémentaire, n'intervient en revanche pour les cantons dans lesquels la procédure judiciaire en matière de droit du bail était déjà gratuite (p. ex. les cantons de Vaud et de Genève).

La modification de la loi n'entraîne aucun besoin supplémentaire en personnel.

5

Programme de législature

La présente modification de la loi constitue un contre-projet indirect à l'initiative populaire «pour des loyers loyaux», laquelle a été déposée le 14 mars 1997. Le projet ne figure donc pas dans le programme de législature 1995­1999, qui date du 18 mars 1996.

9167

6

Rapport avec le droit européen

Au sein de l'Union européenne, le droit du bail relève de la compétence des Etats membres, si bien qu'il n'existe pas de lignes directrices ni de prescriptions à ce sujet. Les modifications proposées, en particulier les nouvelles méthodes d'adaptation des loyers, sont également appliquées dans certains pays de l'Union européenne. Le découplage du taux hypothécaire et des loyers marque la disparition d'une réglementation contraignante dont la Suisse est seule à faire usage en Europe. Dans l'ensemble, le nouveau droit du bail suisse se rapproche donc de celui des Etats membres de l'Union européenne.

7

Bases légales

71

Constitutionnalité

Les modifications proposées s'inscrivent toutes dans le cadre de l'art. 34septies de la Constitution fédérale en vigueur (art. 109 de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999) et ont pour but la lutte contre les loyers abusifs.

72

Délégation de compétences législatives

Des délégations de compétences législatives au Conseil fédéral allant au-delà des compétences d'exécution générales sont contenues dans les art. 269 (établissement des bases permettant la détermination des loyers comparatifs) et 269b (réduction du taux de report maximum possible lors de renchérissement supérieur à 5 %). La mise en place des instruments permettant de déterminer des loyers comparatifs constitue une tâche technique spécifique qu'il convient de confier au Conseil fédéral. Une réduction du taux de report maximum du renchérissement sur les loyers est prévue seulement si celui-ci dépasse 5 % durant plus de deux ans. De toute évidence, il s'agit là d'une mesure d'exception. Il semble donc approprié de confier au Conseil fédéral le soin de fonder sa décision sur le potentiel d'inflation effectif et de ne pas fixer un taux à l'avance dans la loi.

Dans l'ensemble, les dispositions détaillées de la loi donnent aux ordonnances du Conseil fédéral un cadre et une orientation qui sont toutefois suffisamment clairs.

9168

Annexe 1 Tableau: Evolution de quelques chiffres clés du marché suisse du logement Taux d'intérêt des nouvelles hypothèques1

Indice suisse des prix à la consommation2

Loyers des logements2

Coûts de la construction dans le canton de Zurich3

Logements neufs2

Taux de logements vides2

%

Variations %

Indice Variations (Base = 1993) %

Indice Variations (Base = 1982) %

Indice Variations (Base = 1977)

nombre de log. Variations %

%

1980 1981 1982 1983

4.43 5.56 6.22 5.52

8.85 25.51 11.87 ­11.25

62.9 67.0 70.8 72.9

4.0 6.5 5.7 3.0

84.0 87.7 95.9 101.2

1.1 4.4 9.4 5.5

116.5 127.0 135.6 130.1

9.3 9.0 6.8 ­4.1

40 876 43 348 43 465 41 605

8.1 6.0 0.3 ­4.3

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

5.49 5.49 5.48 5.24 5.07 5.85 7.42 7.83 7.80 6.40 5.51 5.48 4.97 4.47 4.07

­0.54 0.00 ­0.18 ­4.38 ­3.24 15.38 26.84 5.53 ­0.38 ­17.95 ­13.91 ­0.54 ­9.31 ­10.06 ­8.95

75.0 77.6 78.2 79.3 80.8 83.3 87.8 93.0 96.7 99.9 100.8 102.6 103.4 103.9 104.0

2.9 3.5 0.8 1.4 1.9 3.1 5.4 5.9 4.0 3.3 0.9 1.8 0.8 0.5 0.1

103.7 107.0 110.9 114.3 117.5 121.9 132.4 145.6 155.6 163.6 164.6 166.4 168.6 169.5 169.6

2.5 3.2 3.6 3.1 2.8 3.7 8.6 10.0 6.9 5.1 0.6 1.1 1.3 0.5 0.1

130.1 133.0 136.9 139.6 145.7 153.4 166.7 176.9 175.7 167.7 165.6 169.7 167.2 164.5 163.8

0.0 2.2 2.9 2.0 4.4 5.3 8.7 6.1 ­0.7 ­4.6 ­1.3 2.5 ­1.5 ­1.6 ­0.4

45 249 44 228 42 570 40 230 40 965 40 705 39 984 37 597 35 422 34 580 47 107 46 230 41 988 35 961 33 734

8.8 ­2.3 ­3.7 ­5.5 1.8 ­0.6 ­1.8 ­6.0 ­5.8 ­2.4 36.2 ­1.9 ­9.2 ­14.4 ­6.2

0.74 0.55 0.67 pas de statistique 0.76 0.79 0.71 0.60 0.49 0.43 0.44 0.55 0.70 0.92 1.20 1.39 1.61 1.82 1.85

1 2 3

La Vie économique Office fédéral de la statistique Office cantonal zurichois de la statistique

9169

Graphique 1: Evolution des prix des loyers, du renchérissement et des taux hypothécaires de 1972 à 1998 28.0% 24.0% 20.0% 16.0% 12.0% 8.0% 4.0% 0.0% -4.0% -8.0% -12.0%

Evolution annuelle de l'indice des loyers de logements Evolution annuelle du taux hypothécaire (anciennes hypothèques) Evolution annuelle de l'indice suisse des prix à consommation

9170

1998

1997

1996

1995

1994

1993

1992

1991

1990

1989

1988

1987

1986

1985

1984

1983

1982

1981

1980

1979

1978

1977

1976

1975

1974

1973

1972

-16.0%

Graphique 2: Evolution des loyers moyens et des taux hypothécaires pour anciennes hypothèques en Suisse de 1980 à 1996 Source: Enquête de structure sur les loyers 1996 8.0

1200

7.0 1000 6.0 800 5.0

600

4.0

3.0 400 2.0 200 1.0

0

0.0 1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

Taux hypothécaires

9171

1989

1990

1991

1992

Loyers nets

1993

1994

1995

1996

Annexe 2

Droits comparés29 France La réglementation française du droit du bail est un système complexe qui suppose de prendre en considération toute une série de critères afin de déterminer la réglementation applicable à chaque cas particuliers. La loi Mermaz-Malendin du 6 juillet 1989 a permis de simplifier quelque peu la situation car elle est applicable de manière générale ou tout au moins dans certains domaines à de nombreux logements.

Seule cette loi est exposée ci-après.

Le niveau des loyers est soumis à la règle suivante: le loyer de logements neufs, n'ayant pas encore été loués depuis leur construction, ainsi que des logements entièrement rénovés par leur propriétaire, peut être fixé librement. Pour tous les autres objets locatifs, le loyer est réglementé. La détermination du loyer est soumise au principe des loyers comparatifs. Le bailleur doit citer un certain nombre de loyers équivalents exigés pour des logements comparables situés dans le même quartier.

Trois objets au moins doivent être indiqués, ce nombre passant à six dans les communes de plus d'un million d'habitants. L'Etat se réserve cependant le droit d'intervenir. Il peut fixer une limite supérieure dans certains cas.

Lors du renouvellement d'un bail, un nouveau loyer ne peut être fixé que lorsque celui-ci est manifestement sous-évalué. Pour en apporter la preuve, le bailleur doit présenter de nouveaux loyers de comparaison. En cours de bail, les adaptations de loyer ne peuvent pas être convenues tout à fait librement. Les loyers ne peuvent être adaptés qu'une fois par an au plus. L'adaptation ne doit pas excéder l'évolution moyenne de l'indice national des coûts de la construction enregistrée au cours des quatre derniers trimestres. Pour le calcul de cette valeur moyenne, la valeur de l'indice au jour fixé est comparée à celles des trois derniers trimestres.

On peut dire que sur le fond, la France connaît une réglementation très détaillée et que l'Etat y dispose de puissants instruments de surveillance de l'évolution des loyers.

Allemagne En Allemagne, la réglementation du droit du bail est principalement contenue dans le code civil (Bürgerliches Gesetzbuch). Une loi (Miethöhegesetz) contient en outre des prescriptions concernant le niveau des loyers.

Dans un premier temps, le niveau des loyers de nouveaux baux de logements ne
faisant pas l'objet de mesures d'encouragement des pouvoirs publics n'est pas réglementée. La liberté des prix n'est limitée que dans les cas de loyer exorbitant. Selon la jurisprudence, le cas se présente lorsque le «loyer raisonnable» est dépassé de plus de 50 %. Pour déterminer la valeur du loyer raisonnable, le tribunal se fonde souvent sur des statistiques de loyers ou sur des expertises ponctuelles.

29

Bref exposé basé sur l'ouvrage «Mietrecht in Europa», Johannes Stabentheiner (Editeur), Vienne 1996, comportant des contributions de Christian Pisani (le droit du bail français), Paolo Pedrazzoli (le droit du bail en Italie), Rutger V.H. Jonker (le droit du bail aux PaysBas), Wolfgang Ott (le droit du bail en Allemagne) et Helmut Böhm (le droit du bail en Autriche).

9172

Après la conclusion du contrat de bail, le locataire ne doit en principe accepter une majoration que si le loyer exigé ne dépasse pas le loyer usuel de logements comparables dans la commune (ou dans des communes comparables), ce que le bailleur doit démontrer en présentant les loyers de logements comparables. En outre, des mesures de plafonnement prévoient que le loyer ne doit pas augmenter de plus de 30 %, respectivement de plus de 20 % dans certains cas, en l'espace de trois ans. Les loyers peuvent par ailleurs être augmentés lors de modifications de la construction entraînant une amélioration du logement, ou lors d'augmentations des frais de capital.

Les parties ont la possibilité d'échelonner les majorations de loyer, c'est-à-dire de fixer à l'avance une série d'augmentations, sur des périodes allant jusqu'à dix ans.

Le loyer peut en outre être lié à l'évolution des prix d'autres biens ou services. Ces adaptations de loyer ne sont toutefois valables qu'avec l'accord de la banque centrale locale et pour une durée de bail minimale de dix ans.

En substance, on constate que les dispositions du droit du bail allemand sont très compliquées. Des efforts sont actuellement entrepris afin de les simplifier. La tendance générale s'oriente vers une plus grande libéralisation du droit du bail.

Italie En Italie, de nombreuses interventions du droit public visent à protéger la partie contractante la plus faible. En ce qui concerne les loyers, la «Loi sur les loyers raisonnables» de 1978 est d'une importance particulière. Cette loi n'accorde aucune liberté de convention des loyers mais indique des paramètres sur la base desquels le loyer doit être calculé. Les critères de calcul des loyers comprennent la surface habitable du logement et différents coefficients reflétant les facteurs suivants: catégorie de logement, classe de la commune (nombre d'habitants), situation de l'immeuble au sein de la commune, étage, âge et état de l'immeuble. Le loyer ainsi déterminé est réévalué annuellement, et ce à raison de 75 % des variations de l'année précédente de l'indice des prix à la consommation publié par l'Office de la statistique (ISTAT).

La détermination légale des loyers raisonnables est liée à une réglementation très restrictive en matière de procédure d'expulsion, de sorte qu'il est extrêmement difficile pour
le détenteur d'un objet locatif de faire valoir légalement ses droits de propriétaire.

Au cours des dernières années, ce système est entré dans une crise profonde. Le contrôle strict exercé par le législateur sur le marché du logement a entraîné une déstabilisation du marché et un recul du secteur de la construction. En conséquence, la loi de 1992 a apporté un assouplissement des règles contraignantes. C'est ainsi que les contrats de bail de logements neufs conclus après le 11 juillet 1992 ne sont plus soumis à la réglementation sur les loyers de 1978. Les autres contrats de bail conclus ou renouvelés après le 15 août 1992 peuvent également être exclus de la réglementation légale dans la mesure où les conventions dérogatoires sont fixées dans le respect des intérêts du bailleur et du locataire.

Cette nouvelle réglementation apporte une certaine libéralisation des loyers. Les anciennes normes contraignantes sont certes conservées, mais des possibilités d'exception leur sont ajoutées.

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Autriche Le droit du bail autrichien est fortement morcelé. Son noyau central est la protection du locataire. Plus un objet est ancien, plus la protection est importante. Le domaine des loyers est marqué par une grande diversité et par des contrastes extrêmes. Au cours du temps, divers systèmes de détermination des loyers ont été introduits puis abrogés, ceci en restant toutefois valables pour les baux conclus sous leur influence.

C'est ainsi qu'il existe aujourd'hui environ une dizaine de types de loyer différents.

Dans le secteur du logement, la formation des prix pour les constructions anciennes est dictée par des valeurs de référence assorties d'une grille complexe de suppléments et de réductions. De plus, le système impose des règles d'attribution des recettes des loyers. Ainsi, ces revenus ­ et en particulier ceux qui sont tirés des constructions anciennes ­ ne peuvent pas être utilisés librement mais doivent être consacrés à l'entretien de l'immeuble.

Pays-Bas Le droit du bail des Pays-Bas fait également une grande place à la protection des locataires. Sous réserve de quelques exceptions, les bailleurs y sont liés durablement aux locataires, bien qu'ils ne puissent souvent même pas choisir eux-mêmes ces derniers. Dans les villes, les autorités locales peuvent attribuer d'office des logements vides aux personnes en quête de logement inscrites dans leurs registres. Ceci a pour conséquence que les locataires ainsi pourvus restent pour de longues périodes dans leur logement, tout au moins ceux bénéficiant d'anciens contrats de bail à bas loyer.

La valeur admise du loyer est fixée à l'aide d'un système de points basé sur des critères de surface habitable et de confort. Le système prévu par la législation pour la détermination des loyers admissibles est concrétisé annuellement par les prescriptions du ministère du logement et adapté aux conditions régionales par des lignes directrices de validité locale. Cette dernière opération est effectuée à l'aide de registres tenant compte des conditions locales spécifiques.

Une augmentation annuelle, dont l'importance est fixée par le ministère du logement et publiée chaque 1er juillet, est de plus prévue pour les loyers d'habitations.

L'ordre de grandeur de cette hausse oscille entre 3 et 5,5 %.

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