98.075 Message concernant la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ainsi que la loi fédérale relative à la Convention de La Haye sur l'adoption et aux mesures de protection de l'enfant en cas d'adoption internationale du 19 mai 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre par le présent message, en vous proposant de les adopter, un projet d'arrêté fédéral concernant la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ainsi qu'un projet de loi fédérale relative à la Convention de La Haye sur l'adoption et aux mesures de protection de l'enfant en cas d'adoption internationale.

Nous vous proposons en outre de classer les interventions parlementaires suivantes: 1995 P 93.3571

Adoption d'enfants étrangers en Suisse (N 1.2.95, Brunner Christiane; E 3.10.95)

1995 P 93.3666

Convention de La Haye sur l'adoption. Ratification (N 1.2.95, Eymann Christoph; E 3.10.95)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 mai 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4565

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Condensé Au cours des dernières décennies, l'adoption d'enfants en provenance du Tiers Monde a augmenté de manière spectaculaire. Aujourd'hui, le nombre de ces adoptions est considérablement plus élevé que celui des adoptions purement suisses ou intereuropéennes. Il existe des problèmes propres à l'adoption internationale, car les parents adoptifs qui accueillent un enfant venant d'un autre milieu culturel sont confrontés à des défis particuliers. Le danger d'abus est aussi très grand.

La Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, approuvée en 1993 par la Conférence de La Haye de droit international privé, s'efforce de faire face à ces dangers en institutionnalisant un système de coopération entre les Etats d'accueil et les Etats d'origine. En posant des conditions minimales auxquelles doivent satisfaire les adoptions internationales et en garantissant leur reconnaissance dans d'autres Etats contractants, elle améliore sensiblement le statut juridique des enfants adoptifs.

La mise en oeuvre de la Convention dans l'ordre juridique suisse nécessite l'élaboration d'une loi fédérale qui intègre la procédure prévue par la Convention de La Haye dans les procédures de placement et d'adoption suisses existantes. En outre, des mesures sont prévues afin d'assurer la protection de l'enfant en cas d'adoption internationale. Ces mesures s'appliquent que l'enfant soit ou non originaire d'un Etat contractant. Enfin, il est envisagé d'apporter deux modifications au code civil, à savoir la centralisation, auprès d'une seule autorité cantonale, de la compétence en matière de placement d'enfants, en vue de leur adoption et la réduction à une année de la période probatoire qui doit précéder l'adoption en vertu de l'art. 264 du code civil.

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Message 1

Partie générale

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Introduction

Au cours des dernières décennies, les adoptions internationales ont pris toujours plus d'importance1. Au début des années 70, les enfants adoptés venaient encore avant tout de la Suisse ou de l'Europe de l'Ouest. En revanche, aujourd'hui, ce sont indubitablement les adoptions d'enfants extra-européens qui sont de loin les plus nombreuses2. Bien qu'il n'existe pas de chiffres précis3, on peut partir de l'idée qu'entre 500 et 750 adoptions internationales sont prononcées annuellement en Suisse. Les enfants sont surtout originaires des pays d'Amérique latine et d'Asie, des fluctuations sensibles pouvant se produire d'une année à l'autre 4. La plupart des enfants adoptifs sont venus de l'Inde en 1997 (77). D'autres pays d'origine importants sont la Colombie (73), le Brésil (68), le Vietnam (50), les Philippines (38), la Thaïlande (37), Haïti (18), la République dominicaine (17), le Chili (14), le Mexique (11) et le Liban (11). Depuis peu, les pays de l'Est prennent aussi toujours plus d'importance. On peut citer à cet égard la Roumanie (40) et la Russie (30)5. Parmi les Etats d'Europe de l'Ouest, seul le Portugal avec quatorze enfants adoptifs, en 1997, pouvait être considéré comme un pays important.

Il existe des problèmes particuliers à l'adoption internationale6. Les futurs parents adoptifs7 qui accueillent un enfant venant d'un autre horizon culturel et en prennent soin se trouvent confrontés à de grands défis, car les antécédents de ces enfants sont souvent peu connus ou même inconnus et leurs origines diverses. Ainsi, à l'âge de la puberté l'enfant a souvent du mal à trouver son identité. L'échec de l'adoption est alors particulièrement tragique pour lui, car il est synonyme d'isolement social et parfois juridique. En outre, depuis des années, des rapports dénoncent systémati1 2

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5 6 7

Pour plus de détails cf. I. Ceschi, Adoption ausländischer Kinder in der Schweiz: Aufnahme, Vermittlung und Pflegeverhältnis, thèse de Zurich, 1996, p. 29 ss.

On trouve un aperçu complet de l'évolution socio-historique de l'adoption dans l'ouvrage de J.H.A. van Loon, Rapport sur l'adoption d'enfants originaires de l'étranger, Document préliminaire no 1 d'avril 1990, dans: Actes et documents de la dix-septième session, publiés par la Conférence de La Haye de droit international privé, vol. II, La Haye, 1994, p.10 à 100, no 31 ss; cf. en outre à ce sujet E.-M. Hohnerlein, Internationale Adoption und Kindeswohl, Baden-Baden 1991, p. 28 ss; I. Ceschi (v.

note 1), p. 24 ss.

Les statistiques suisses en matière d'adoption se fondent sur la nationalité de l'enfant avant l'adoption et non sur sa résidence habituelle. Elles considèrent dès lors comme internationales des adoptions qui, selon la définition donnée par la Convention de La Haye, sont purement nationales (p. ex. adoption par des Suisses d'un enfant brésilien ayant sa résidence habituelle en Suisse). On peut se faire une idée plus précise en consultant le nombre d'autorisations d'entrée accordées à des enfants placés auprès de parents nourriciers et à des enfants adoptifs étrangers; cf. à ce propos I. Ceschi (v. note 1), p. 124 ss. Par ailleurs, il n'existe pas de statistiques sur les adoptions par des personnes domiciliées en Suisse, qui ont eu lieu à l'étranger et sont reconnues en Suisse, mais de telles adoptions sont sans doute très rares.

Ces modifications sont souvent dues à un changement d'orientation de la politique d'adoption menée par l'Etat en cause; cf. les références données par I. Ceschi (v.

note 1), p. 39; J.H.A. van Loon (v. note 2), no 56.

Données fournies par l'Office fédéral de la statistique.

J.H.A. van Loon (v. note 2), no 49 ss; Ceschi (v. note 1), p. 39 ss.

J.H.A. van Loon (v. note 2), no 70 ss.

5131

quement des abus8, parmi lesquels on dénombre les agissements d'organisations criminelles tels que le chantage ou le rapt d'enfants, de même que le commerce d'enfants adoptifs9. Bien que, de par leur nature même, de telles pratiques soient difficiles à prouver, on estime que près de la moitié des enfants adoptifs d'Asie et d'Amérique du Sud ont été placés par l'entremise de commerçants habiles en affaires10.

En tant que mesure subsidiaire de protection de l'enfant, l'adoption internationale est pleinement reconnue (art. 21, let. b, de la Convention des Nations Unies du 20 nov. 1989 sur les droits de l'enfant; CDE11). Elle n'entre toutefois en considération que s'il n'existe aucune autre possibilité de placement dans l'Etat d'origine de l'enfant (art. 4, al. 1, let. b, CLaH). Lorsqu'une adoption internationale correspond à l'intérêt supérieur de l'enfant, il y a en outre lieu de tenter, dans la mesure du possible, de prévenir les abus et de veiller à ce qu'il soit tenu dûment compte du besoin particulier de protection de l'enfant.

La problématique propre à l'adoption internationale a conduit, en 1988, à la révision de l'ordonnance du 19 octobre 1977 réglant le placement d'enfants (ci-après ordonnance; RS 211.222.338), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1989. Toutefois, à lui seul, un Etat n'a que des moyens limités pour déterminer par quelle voie des parents adoptifs trouvent un enfant à l'étranger. La Suisse a donc salué les efforts de la Conférence de La Haye de droit international privé en vue de mettre sur pied une convention sur l'adoption internationale et a participé activement à son élaboration12. Lors de la 17e session de la Conférence de La Haye de droit international privé, session qui s'est tenue du 10 au 29 mai 1993, la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale a été approuvée à l'unanimité par les 66 délégations (dont 30 d'Etats non-membres de la Conférence). Entretemps, elle a été ratifiée par 24 Etats13; de plus, huit Etats y ont adhéré14 et onze autres Etats l'ont signée à ce jour15. Aujourd'hui déjà, elle figure parmi les conventions de la Conférence de La Haye qui ont remporté le plus de succès. Le fait que de nombreux Etats non-membres de la Conférence de La Haye, 8 9

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J.H.A. van Loon (v. note 2), no 78 ss.

J.H.A. van Loon (v. note 2), no 78 ss; M.-F. Lücker-Babel, Inter-Country Adoption and Trafficking in Children: an initial Assessment of the Adequacy of the International protection of children and their Rights, dans : International Review of Penal Law, 1991, p. 799 ­ 818, p. 800; I. Ceschi (v. note 1), p. 41, note 155 avec d'autres références.

Cf. références de R.P. Bach, Neue Regelungen gegen Kinderhandel und Ersatzmuttervermittlung, Zur Neufassung des Adoptionsvermittlungsgesetzes, dans Zeitschrift für das gesamte Familienrecht, 37 (1990), p. 574 ­ 577, 575.

La Suisse a déposé son instrument de ratification le 24 février 1997 et la CDE est entrée en vigueur le 26 mars 1997; cf. arrêté d'approbation dans FF 1996 V 1000 et le Message dans FF 1994 V 1.

Cf. M. Jametti Greiner/Andreas Bucher, La dix-septième session de la Conférence de La Haye de droit international privé, RSDIE, 1994, p. 55 ss.

Mexique, Roumanie, Sri Lanka, Chypre, Pologne, Espagne, Equateur, Pérou, Costa Rica, Burkina Faso, Philippines, Canada, Venezuela, Finlande, Suède, Danemark, Norvège, Pays-Bas, France, Colombie, Australie, El Salvador, Israël et Brésil (état au 3 mai 1999).

Andorre, Moldova, Lituanie, Paraguay, Nouvelle-Zélande, Maurice, Burundi et Géorgie (état au 3 mai 1999). Conformément à l'art. 44, al. 3, CLaH, la Convention n'entre en vigueur que dans les rapports avec les Etats qui n'ont pas élevé d'objections dans les six mois suivant le dépôt de l'instrument d'adhésion. Pour les trois derniers Etats, le délai expire le le 15 mai et le 1er novembre 1999.

Uruguay, Royaume-Uni, Etats-Unis d'Amérique, Suisse, Luxembourg, Italie, Irlande, Allemagne, Bélarus, Autriche et Belgique (état au 3 mai 1999).

mais dont viennent beaucoup d'enfants adoptifs, ont participé à son élaboration a sans doute aussi contribué à cette réussite. En effet, tous les Etats et organisations intéressés ont pu siéger dans la Commission spéciale qui avait été chargée des travaux préparatoires à partir de 199016.

12

L'adoption internationale en Suisse

121

L'adoption internationale sous l'angle du droit international privé suisse

Selon la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291), les autorités suisses sont compétentes pour prononcer une adoption lorsque les futurs adoptants sont domiciliés en Suisse (art. 75, al. 1, LDIP)17. Conformément à l'art. 77, al. 1, LDIP, elles appliquent en principe la loi suisse sur l'adoption datant de 1973 (art. 264 ss du code civil, CC; RS 210), loi qui n'admet plus que l'adoption dite plénière: l'adoption entraîne l'extinction des liens juridiques avec la famille biologique et l'enfant acquiert le statut juridique d'un enfant biologique de la famille adoptive (cf. en part. art. 267 CC). Il obtient notamment aussi la nationalité de ses parents adoptifs (art. 267a CC et art. 7 de la loi du 29 septembre 1952 sur la nationalité, LN; RS 141.0).

Les adoptions intervenues à l'étranger sont reconnues en Suisse lorsqu'elles ont été prononcées dans l'Etat du domicile ou dans l'Etat national de l'adoptant ou des époux adoptants (art. 78, al. 1, LDIP)18. L'adoption étrangère qui a des effets essentiellement différents du lien de filiation au sens du droit suisse n'est reconnue en Suisse qu'avec les effets qui lui sont attachés dans l'Etat dans lequel elle a été prononcée (art. 78, al. 2, LDIP). Par le biais du droit international privé, il continue dès lors à y avoir en Suisse des adoptions dites simples; ces adoptions n'entraînent pas l'extinction des liens juridiques avec la famille biologique de l'enfant, ne l'intègrent que partiellement dans la famille adoptive et, en particulier, ne lui confèrent pas la nationalité des parents adoptifs19.

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C'est la première fois qu'en matière de droit de la famille la Conférence de La Haye a pratiqué une telle politique d'ouverture et que les négociations ont pu être menées, non seulement dans les langues de travail officielles de la Conférence, à savoir le français et l'anglais, mais même en espagnol; cf. à ce sujet M. Jametti Greiner, Das Haager Adoptionsübereinkommen und seine Umsetzung im schweizerischen Recht, RDT, 5, 1997, p. 173; N. Meyer-Fabre, La Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, Revue critique de droit international privé, 1994, p. 259 à 295, p. 261.

Cf. au sujet du droit international de l'adoption en Suisse A. Bucher, L'adoption internationale en Suisse, dans: Rapports suisses présentés au XIIIe Congrès international de droit comparé, Montréal, 19 au 24 août 1990, Zurich 1990, p. 111 ss. Dans les rapports entre la Suisse, l'Autriche et le Royaume-Uni, c'est la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 concernant la compétence des autorités, la loi applicable et la reconnaissance des décisions en matière d'adoption (RS 0.211.221.315) qui s'applique.

La réglementation prévue par la LDIP correspond dans ses grandes lignes à celle de la présente convention.

Selon l'ATF 120 II 87, il suffit qu'un des adoptants ait, en sus de la nationalité suisse, la nationalité de l'Etat dans lequel l'adoption a eu lieu; cf. à ce sujet A. Bucher (v. note 17), p. 122 ss.

Cf. à ce sujet A.E. von Overbeck, Anerkennung einer einfachen Adoption philippinischer Kinder durch einen schweizerischen Stiefvater, IPRax, 1993, p. 349 à 351; K. Siehr/L. Tejura, Anerkennung ausländischer Adoptionen in der Schweiz, RSJ, 1993, p. 277 à 281.

5133

Lorsqu'une adoption étrangère doit être transcrite dans les registres suisses de l'état civil parce qu'une des personnes concernées possède la nationalité suisse, l'autorité cantonale de surveillance en matière d'état civil examine, à titre préalable, si l'adoption peut être reconnue en Suisse (art. 32, al. 1, LDIP, art. 73c de l'ordonnance du 1er juin 1953 sur l'état civil, OEC; RS 211.112.1). Lorsque l'adoption étrangère ne concerne que des ressortissants étrangers, ce sont les offices des étrangers qui statuent à titre préalable sur la reconnaissance de l'adoption étrangère (cf. art. 29, al. 3, LDIP).

122

La procédure d'adoption internationale

122.1

Vue d'ensemble

Aux termes de l'art. 264 CC, un enfant ne peut être adopté que si les futurs parents adoptifs lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins deux ans et si toutes les circonstances permettent de prévoir que l'établissement d'un lien de filiation servira au bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs. Cette disposition fondamentale du droit de l'adoption oblige les personnes domiciliées en Suisse et qui souhaitent adopter un enfant originaire d'un autre pays à franchir plusieurs étapes procédurales.

Au début, il y a le placement de l'enfant. La première démarche consiste à examiner si les parents nourriciers remplissent les conditions requises pour accueillir un enfant en vue de son adoption (ch. 122.2). Puis une procédure est ouverte dans l'Etat d'origine de l'enfant; selon le droit applicable il s'agit soit d'une procédure de placement, soit d'une procédure d'adoption (ch. 122.3). Ce n'est que lorsque l'enfant a vécu pendant au moins deux ans dans la famille nourricière que l'adoption peut enfin avoir lieu en Suisse (ch. 122.4).

122.2

Conditions fixées par l'ordonnance réglant le placement d'enfants étrangers en vue de leur adoption

Selon les art. 4 ss de l'ordonnance, l'accueil en Suisse d'un enfant étranger de moins de 18 ans révolus en vue de son adoption est soumis à autorisation. L'autorisation est délivrée: ­

si les qualités personnelles, l'état de santé et les aptitudes éducatives des futurs parents nourriciers ainsi que leurs conditions de famille offrent toute garantie que l'enfant bénéficiera de soins, d'une éducation et d'une formation adéquats (art. 5, al. 1);

­

si aucun empêchement légal ne s'oppose à la future adoption et que toutes les circonstances, notamment les mobiles des parents nourriciers, permettent de prévoir que l'adoption servira au bien de l'enfant (art. 5, al. 2);

­

si les parents nourriciers sont prêts à accepter l'enfant avec ses particularités et à lui apprendre à connaître son pays d'origine d'une manière adaptée à son âge (art. 6, al. 1);

­

si un rapport a été établi sur la santé de l'enfant et sur la vie qu'il a eue jusqu'alors, pour autant qu'elle soit connue (art. 6, al. 2, let. a et b);

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­

si les parents biologiques de l'enfant ont consenti à l'adoption ou qu'il existe une déclaration d'une autorité du pays d'origine de l'enfant indiquant les raisons pour lesquelles ce consentement ne peut pas être donné (art. 6, al.

2, let. c); et

­

s'il est présenté une déclaration d'une autorité compétente selon le droit du pays d'origine de l'enfant certifiant que ce dernier peut être confié à des parents nourriciers en Suisse (art. 6, al. 2, let. d).

En outre, les parents nourriciers doivent s'engager par écrit à pourvoir à l'entretien de l'enfant en Suisse comme si celui-ci était le leur, même si l'adoption n'est pas prononcée (art. 6, al. 4).

Avant de confier un enfant à des futurs parents nourriciers, de nombreux Etats d'origine exigent la preuve que le pays de domicile des requérants autorisent ceux-ci à l'accueillir. L'ordonnance réglant le placement d'enfants prévoit donc la possibilité d'obtenir une autorisation provisoire (art. 8a). Celle-ci peut être délivrée aux parents nourriciers s'ils remplissent les conditions exigées pour l'accueil d'un enfant. Les parents nourriciers doivent indiquer dans leur requête les conditions objectives qu'ils posent, notamment en ce qui concerne le pays d'origine de l'enfant (art. 8a, al. 2).

En outre, ils doivent indiquer le service qui les aidera à trouver l'enfant. En Suisse, il n'existe aucune obligation d'avoir recours à un intermédiaire. Par contre, l'Etat d'origine de l'enfant est libre de poser une telle exigence. Ainsi, la Thaïlande, l'Inde et la Roumanie n'admettent pas les adoptions dites indépendantes20.

Lorsque seule une autorisation provisoire a été délivrée, les offices des étrangers ou la représentation suisse dans le pays d'origine de l'enfant ne peuvent accorder le visa ou l'assurance de l'octroi de l'autorisation de séjour pour un enfant déterminé qu'après avoir vérifié que les parents biologiques et l'autorité compétente en matière de protection des mineurs ont donné les consentements requis, que les conditions et charges éventuelles ont été respectées et que les parents nourriciers acceptent d'accueillir l'enfant (art. 8b, al. 3). Une fois l'enfant arrivé en Suisse, l'autorisation définitive est octroyée.

122.3

Procédure dans l'Etat d'origine de l'enfant

Divers Etats exigent que l'enfant soit adopté avant de lui donner l'autorisation de sortie. De nombreux Etats d'Amérique latine21, tels que la Colombie22 et le Brésil23, appartiennent à ce groupe. En règle générale, ces adoptions ne sont pas reconnues dans notre pays lorsque les adoptants sont domiciliés en Suisse. L'enfant continue donc à être considéré en Suisse comme un enfant nourricier et, conformément à 20 21

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23

J.H.A. van Loon (v. note 2), no 66 ss; E.D. Jaffe (édit.), Intercountry Adoptions, Laws and Perspectives of «Sending» Countries, Dordrecht/Boston/London 1995, p. 43.

Cf. au sujet des procédures d'adoption en Amérique latine, G. Heinrich, Adoption in Lateinamerika, Zeitschrift für vergleichende Rechtswissenschaft, 1986, p.100 à 135.

J.H.A. van Loon (v. note 2), nos 135 à 135A, mentionne en outre le Sri Lanka et le Vietnam, la Pologne, la Roumanie et la Yougoslavie.

Décret no 2737 du 27 nov. 1989, en vigueur depuis le 10 mars 1990, reproduit dans A.

Bergmann/M. Ferid, Internationales Ehe-und Kindschaftsrecht, mot clé «Kolumbien» (état au 30.4.1994), p. 49 ss.

Loi no 8069 du 13 juillet 1990 sur le statut juridique des enfants et des adolescents (Estato da Criança e do Adolescente no 8069), reproduite dans A. Bergmann/M.Ferid (v. note 22), mot clé «Brasilien» (état au 30.11.1991), p. 64 ss.

5135

l'art. 264 CC, ce n'est qu'après la période probatoire de deux ans que l'adoption pourra être prononcée (cf. ch. 122.4).

D'autres Etats, en particulier certains pays asiatiques, ne donnent l'autorisation de sortie à l'enfant qu'après une procédure préalable portant sur l'aptitude des parents nourriciers à accueillir l'enfant, mais sans qu'une adoption ne soit prononcée. Ainsi le droit philippin24 n'autorise l'adoption d'enfants philippins par des étrangers que si ceux-ci ont des liens spéciaux avec le pays. Avant que l'enfant ne reçoive l'autorisation de sortie du pays en vue de son adoption, le Ministère des affaires sociales doit l'avoir déclaré adoptable. Le droit thaïlandais25 et le droit chilien26 prévoient également que la sortie de l'enfant doit avoir été autorisée par le Tribunal des mineurs; l'autorisation n'est donnée que si toute une série de conditions sont remplies et en particulier si un rapport social est présenté.

122.4

L'adoption en Suisse

Conformément à l'art. 264 CC, à l'expiration de la période probatoire de deux ans, les parents adoptifs peuvent déposer une requête d'adoption auprès de l'autorité cantonale compétente. La procédure d'adoption est en principe régie par le droit cantonal. Selon l'art. 268a, al. 1, CC, l'adoption ne peut être prononcée avant qu'une enquête portant sur toutes les circonstances essentielles n'ait été faite. Enfin, c'est en se fondant sur la période probatoire de deux ans qu'il conviendra de décider si l'adoption est dans l'intérêt de l'enfant. Un rejet de la requête d'adoption n'interviendra toutefois que dans des cas particulièrement graves. En général, les liens qui se sont tissés entre l'enfant et la famille nourricière durant cette période sont devenus si étroits qu'un nouveau placement ne sera que rarement dans l'intérêt de l'enfant. Il est donc décisif pour la réussite de l'adoption que le choix des futurs parents adoptifs se fasse avant le placement de l'enfant.

L'adoption n'est possible (cf. art. 264 ss CC) que si les parents adoptifs sont mariés depuis au moins cinq ans ou s'ils sont tous deux âgés de 35 ans révolus. Dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint, il suffit encore, à l'heure actuelle, que le mariage ait duré deux ans27. Une personne seule peut adopter si elle a 35 ans révolus.

La différence d'âge entre les parents adoptifs et l'enfant doit être d'au moins 16 ans.

En outre, les parents biologiques doivent avoir donné leur consentement. Il peut cependant en être fait abstraction, si les parents biologiques ne se sont pas souciés sérieusement de l'enfant ou s'ils sont inconnus, absents sans résidence connue ou incapables de discernement de manière durable.

24

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5136

Family Code of the Philippines, Executive Order Nr. 209 du 6 juillet 1987, en vigueur depuis le 4 août 1988, reproduit dans A. Bergmann/M. Ferid, (v. note 22), mot clé «Philippinen» (état au 31.3.1993), p. 23 ss; au sujet du droit d'adoption des Philippines cf. en outre A. Marx, Perspektiven der internationalen Adoption, Francfort-sur-le-Main 1993, p. 178 ss.

Loi d'adoption du 22 juin 1979 et ordonnance y relative du 14 janvier 1980, reproduites dans A. Bergmann/M. Ferid (v. note 22), mot clé «Thailand» (état au 30.6.1983), p. 22.

Loi no 18.703 sur l'adoption, reproduite dans A. Bergmann/M. Ferid (v. note 22), mot clé «Chile» (état au 31.3.1989), p. 41 ss.

Ce délai a été augmenté à cinq ans lors de la révision, datée du 26 juin 1998, du code civil qui entrera en vigueur le 1er janvier 2000 (cf. art. 264a, al. 3, CC); cf. RO 1999 1118, 1137.

123

Statut juridique de l'enfant étranger avant l'adoption

123.1

Situation sur le plan du droit de la famille

Même lorsque l'enfant a été adopté dans son Etat d'origine il est considéré en Suisse comme un enfant placé auprès de parents nourriciers, sauf dans les cas exceptionnels où l'adoption peut être reconnue (cf. ch. 121). Les futurs parents adoptifs ne sont pas encore investis de la responsabilité parentale, mais sont soumis à la surveillance de l'autorité de placement. Le représentant légal de l'enfant est en règle générale un tuteur, qui suit le déroulement de la période probatoire et dont le consentement est indispensable à l'adoption ultérieure. Si des difficultés surgissent et qu'elles ne puissent être aplanies dans un délai utile, le représentant légal de l'enfant peut, en cas de nécessité, le placer ailleurs.

En vertu de l'engagement que les parents nourriciers ont dû souscrire avant d'obtenir l'autorisation de placement (art. 6, al. 4, ordonnance), ils doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant. Cette obligation d'entretien subsiste même lorsque l'enfant doit être placé ailleurs. Elle ne s'éteint que si l'enfant est adopté par des tiers ou retourne dans son pays d'origine.

123.2

Situation sur le plan du droit des étrangers et de la nationalité

Jusqu'à l'adoption, qui lui confère la nationalité de ses parents adoptifs suisses, l'enfant reste étranger et, de ce fait, il lui faut une autorisation de séjour. Conformément à l'art. 35 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21), une telle autorisation peut être accordée à l'enfant placé si les conditions du CC sur le placement des enfants et l'adoption sont remplies. Si l'adoption n'est pas prononcée et qu'elle échoue également après un nouveau placement, l'autorisation de séjour accordée en vertu de l'article 35 OLE ne peut être prolongée. Toutefois, on accorde généralement à ces enfants une autorisation de séjour ­ qui doit être renouvelée chaque année ­ lorsque des raisons importantes l'exigent (art. 36 OLE). Manifestement, à ce jour il n'y a pas eu de cas de retours forcés, possibles si on interprète la loi à la lettre.

La situation se présente différemment lorsque ce sont des ressortissants étrangers domiciliés en Suisse qui entendent adopter des enfants. Jusqu'à l'adoption, ces enfants ont également besoin d'une autorisation de séjour, qui leur est accordée sur la base de l'art. 35 OLE. Après l'adoption, ils sont inclus dans l'autorisation de séjour ou le permis d'établissement de leurs parents adoptifs, pour autant que les conditions requises soient remplies.

Au sens juridique du terme, très peu d'enfants vivant en Suisse sont apatrides. C'est un principe généralement reconnu qu'un Etat ne peut priver une personne de sa nationalité que si elle ne devient pas apatride. Les cas d'apatridie juridique concernent surtout les ressortissants d'Etats dont la législation ne prévoit pas la transmission à l'enfant de la nationalité des parents lorsque la naissance a lieu à l'étranger.

Certains Etats d'Amérique du Sud, comme le Chili, la Colombie, l'Equateur et le Paraguay, connaissent de telles règles. Une partie seulement de ces enfants sont arrivés en Suisse à la suite d'une adoption internationale. Mais il existe aussi des cas d'apatridie de fait. On peut parler d'apatridie de fait lorsque l'enfant, tout en conservant sa nationalité, n'est pas traité par son Etat national comme son ressortissant.

5137

Cette situation peut être motivée par le fait que, n'ayant pas les documents nécessaires, la personne en cause n'est pas en mesure de fournir la preuve de sa nationalité.

Dans un tel cas, l'enfant étranger ne recevra par exemple plus de passeport ou n'aura pas le droit de retourner dans son Etat d'origine. En pratique, les effets de l'apatridie de fait correspondent dans une large mesure à ceux de l'apatridie juridique.

Si l'enfant n'acquiert pas la nationalité suisse en raison d'une adoption plénière par des parents adoptifs suisses, il a en principe le droit, à l'expiration d'un délai de douze ans, de demander l'autorisation de naturalisation (art. 15, al. 1, LN). Etant donné que les années entre 10 et 20 ans révolus comptent double, il est théoriquement déjà possible de former une demande après six ans de résidence en Suisse (art. 15, al. 2, LN). La naturalisation entre aussi en ligne de compte lorsque l'adoption n'a pas lieu. Mais dans ces cas il s'agit souvent d'enfants difficiles; l'expérience montre que la naturalisation suscite alors souvent de l'opposition.

123.3

Situation sur le plan des assurances sociales

Selon l'art. 9, al. 3, de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l'assurance-invalidité (LAI; RS 831.20), les mineurs étrangers ont droit à des mesures de réadaptation, si, lors de la survenance de l'invalidité, leur père ou leur mère est assuré et, s'il s'agit d'étrangers, compte au moins une année entière de cotisations ou dix années de résidence ininterrompue en Suisse. En outre, l'enfant en question doit être né invalide ou, lors de la survenance de l'invalidité, avoir résidé en Suisse sans interruption depuis une année au moins ou depuis sa naissance. Ceci a pour conséquence que les enfants déplacés vers la Suisse en vue de leur adoption n'ont en tout cas pas droit aux mesures de réadaptation prévues par la LAI avant le prononcé de l'adoption, c'est-à-dire pendant au moins deux ans. Lorsque les parents adoptifs sont de nationalité étrangère, l'enfant n'a droit à des prestations que s'ils remplissent les conditions énoncées plus haut (au moins une année de cotisations ou dix ans de résidence en Suisse), même après le prononcé de l'adoption.

Certaines des lacunes qui existent dans le domaine des assurances sociales ont été comblées par la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie, entrée en vigueur le 1er janvier 1996 (LAMal; RS 832.10). Cette assurance obligatoire pour toutes les personnes vivant en Suisse (indépendamment de leur nationalité) prévoit que sont couvertes les prestations médicales qui représentent une partie des mesures de réadaptation prises en charge par la LAI. En outre, lors d'infirmité congénitale non couverte par l'assurance-invalidité, l'assurance-maladie prend en charge les coûts des mêmes prestations qu'en cas de maladie. Toutefois, la LAMal ne prend pas en charge les coûts occasionnés par les mesures pour la formation scolaire spéciale ou en faveur de mineurs impotents; seule la LAI donne droit à de telles prestations.

Dans la mesure où l'on ne peut faire valoir envers les assurances sociales le droit à des prestations, ce sont en premier lieu les personnes désireuses d'adopter et subsidiairement le service social compétent qui doivent assumer les frais occasionnés.

5138

13

Imperfections du système actuel

Comme nous l'avons relevé dans l'introduction, il y a longtemps que des rapports stigmatisent les abus commis dans le domaine de l'adoption internationale.

Pour combattre ces pratiques dégradantes, il existe toute une série de conventions et de résolutions28. Ainsi l'art. 21, let. d, de la CDE exige que les Etats contractants «prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que, en cas d'adoption à l'étranger, le placement de l'enfant ne se traduise pas par un profit matériel indu pour les personnes qui en sont responsables». En outre, l'art. 35 de cette convention oblige les Etats contractants à prendre «toutes les mesures appropriées pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit».

Néanmoins, les autorités suisses ne disposent aujourd'hui que de moyens limités pour déterminer si les conditions dans lesquelles un enfant a été confié aux futurs parents adoptifs dans son Etat d'origine sont acceptables. C'est la raison pour laquelle les requérants doivent présenter les documents énumérés à l'art. 6, al. 2, de l'ordonnance réglant le placement d'enfants. Rien ne prouve toutefois que ces documents sont authentiques ou qu'ils n'ont pas été obtenus par l'offre d'avantages indus, par des manoeuvres frauduleuses, sous l'effet de la menace ou avec le concours non autorisé d'organes étatiques. Il n'est recouru que rarement aux services d'intermédiaires agréés dans le domaine de l'adoption. On estime qu'il ne s'agirait là que de 10 à 20 % des cas29. La plupart des contacts sont établis directement par des intermédiaires non autorisés (p. ex. par des personnes ayant elles-mêmes adopté un enfant) ou par des personnes ou des services se trouvant à l'étranger. Dans ces cas, la délivrance d'une autorisation provisoire est subordonnée à un examen préalable de l'aptitude et du degré de préparation des parents nourriciers. Par contre, souvent l'enquête en vue d'établir si, eu égard à leur personnalité respective, il y a vraiment convenance mutuelle entre l'enfant et les parents nourriciers, n'a pas lieu du tout ou alors elle n'est menée qu'après l'arrivée de l'enfant.

Si des difficultés surgissent par la suite et que les parents nourriciers renoncent à adopter l'enfant, celui-ci ne pourra généralement plus retourner dans son Etat
d'origine. Mais en cas d'échec de l'adoption son statut juridique en Suisse est incertain. Certes, on peut placer l'enfant ailleurs en vue de son adoption par d'autres parents. Toutefois, il existe aussi des cas dans lesquels il faut placer l'enfant dans une institution.

Le nombre de cas dans lesquels l'adoption d'enfants étrangers n'aboutit pas n'est pas connu et il n'existe pas de statistiques sur cette question. On connaît le nombre d'autorisations d'entrée accordées annuellement au bénéfice d'enfants placés et le nombre d'adoptions prononcées par année. Le nombre d'autorisations d'entrée est nettement supérieur au nombre d'adoptions prononcées. Cependant, l'écart entre ces chiffres peut s'expliquer de différentes manières. D'après la doctrine 1 à 3 % des adoptions échouent30. Une étude, basée sur l'analyse de dossiers d'adoption et de placement et portant sur plusieurs années, a constaté 57 cas d'échecs. Parmi ces cas, 28

29 30

On trouve un aperçu des efforts internationaux en vue de régler l'adoption internationale des mineurs dans J.H.A. van Loon (v. note 2), no 10 ss; E.-M. Hohnerlein (v. note 2), p.

259 ss.

Cf. I. Ceschi (v. note 1), p.181.

Cf. M.-F. Lücker-Babel, Les cas d'échec de l'adoption internationale en Suisse, Un point de vue juridique, RDT, 1994, p. 86 ss.

5139

il y avait 25 enfants adoptés, alors que dans 32 autres cas il y avait eu renonciation à l'intention d'adopter31. Compte tenu de tous ces éléments, on peut partir de l'idée que, parmi les enfants venus en Suisse en vue de leur adoption, seuls quelques-uns n'ont pas été intégrés dans une famille sur le plan juridique. Etant donné qu'après la ratification de la Convention les adoptions étrangères intervenues dans un Etat contractant devront être reconnues ex lege en Suisse, ces cas diminueront encore sensiblement.

14

Vue d'ensemble de la convention

La convention entend avant tout établir des garanties pour que les adoptions internationales aient lieu dans l'intérêt supérieur de l'enfant et dans le respect de ses droits fondamentaux (art. 1, let. a, CLaH). Elle s'inspire à cet égard du principe de la subsidiarité des adoptions internationales (cf. al. 2 et 3 du Préambule). La convention souligne la nécessité de prendre des mesures pour prévenir l'enlèvement, la vente et la traite d'enfants (art. 1, let. b, et al. 4 du Préambule). A cette fin, elle se fonde sur les principes de l'art. 21 de la CDE et de la Déclaration des Nations Unies sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants32 (v. al. 4 du Préambule).

Pour réaliser ces objectifs, la convention prévoit en particulier un système institutionnalisé de coopération entre les Etats contractants. Elle est donc avant tout une convention d'entraide judiciaire. Contrairement à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 concernant la compétence des autorités, la loi applicable et la reconnaissance des décisions en matière d'adoption (RS 0.211.221.315), elle n'entend pas unifier les règles de conflits de lois.

Cette coopération doit être mise en place par l'instauration d'Autorités centrales dans les Etats contractants. D'autres conventions, telles que la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (RS 0.211.230.02), prévoient également des Autorités centrales. Un tel système entre interlocuteurs clairement désignés et, en règle générale, nominalement connus permet d'établir avec les autorités étrangères correspondantes un système de communication efficace, rapide et souvent non bureaucratique.

Les Etats d'origine et les Etats d'accueil se répartissent les tâches découlant d'une adoption internationale33. Les autorités de l'Etat d'origine de l'enfant doivent déterminer si l'enfant est adoptable et si les parents biologiques ont consenti à l'adoption. Les autorités de l'Etat d'accueil doivent s'assurer que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter et que l'enfant peut entrer et séjourner dans l'Etat d'accueil. La Convention laisse aux Etats contractants une grande liberté pour la répartition interne de ces tâches.

Les deux rapports, dont l'un porte sur l'adoptabilité de l'enfant et l'autre sur la capacité légale et l'aptitude à adopter des parents, sont ensuite mis en parallèle lors de 31 32 33

5140

Cf. M. F. Lücker-Babel, Adoption internationale et droits de l'enfant, Qu'advient-il des laissés-pour-compte?, Fribourg 1991, p. 24, avec d'autres références.

Résolution 41/85 de l'Assemblée Générale du 3 décembre 1986; cf. J.H.A. van Loon (v. note 2), no 166 ss.

G. Parra-Aranguren, Rapport explicatif, dans: Actes et documents de la Dix-septième session, publiés par la Conférence de La Haye de droit international privé, vol. II, La Haye, 1994, p. 538 à 651, ch. marg. 104.

la décision de «matching» (appariement), une institution fondamentale de la Convention. Les autorités de chacun des deux Etats ont alors la possibilité de s'opposer à la poursuite de la procédure, si elles arrivent à la conclusion que l'adoption n'est pas dans l'intérêt de l'enfant, que les conditions légales ne sont pas remplies ou que d'autres motifs militent contre l'adoption.

La convention a en outre pour objet d'assurer la reconnaissance des adoptions conformes à la convention (art. 1, let. c, CLaH). Cet objectif est concrétisé au chap. V.

Les art. 23 à 25 CLaH énoncent les conditions de la reconnaissance. Il en découle que tout Etat contractant est tenu de reconnaître de plein droit une adoption étrangère, sous réserve d'une atteinte à son ordre public. L'art. 26 CLaH règle certains des effets de la reconnaissance. L'art. 27 CLaH concerne la possibilité de convertir une adoption simple en une adoption plénière.

La convention ne désigne pas l'Etat compétent pour prononcer une adoption. En pratique, c'est l'Etat d'origine de l'enfant qui a la priorité, dans la mesure où il revendique cette compétence34. C'est avant tout le cas des Etats d'Amérique latine et de certains Etats d'Asie35. La convention ne se prononce pas non plus sur le droit applicable. Sous l'angle du droit suisse, c'est donc l'art. 77, al. 1, LDIP qui est déterminant; cet article prévoit l'application du droit suisse lorsqu'une autorité suisse est compétente36. Si, dans le cadre de la décision de «matching», l'Etat d'origine exige que certaines conditions de son droit soient respectées lors de l'adoption, il faudra les examiner en plus de celles du droit suisse37.

15

Lignes directrices de la mise en oeuvre de la convention en Suisse

151

Nécessité d'une loi d'introduction

En Suisse, il n'est en principe pas nécessaire de transposer les conventions internationales dans le droit interne. Dès qu'elles lient la Suisse sur le plan international, elles font automatiquement partie intégrante de l'ordre juridique suisse. C'est le texte de la convention qui est déterminant. Les réserves et les déclarations faites par la Suisse ainsi que le message du Conseil fédéral donnent des indications concernant l'application de la convention. Selon la pratique suisse, il ne convient d'édicter des dispositions d'exécution de conventions internationales que si elles-mêmes ne sont pas suffisamment précises et détaillées pour que les autorités compétentes puissent les appliquer directement. Jusqu'à présent, il n'était donc pas dans les habitudes du législateur suisse d'édicter, lors de la ratification d'une convention, des normes internes d'exécution38.

34

35 36 37 38

C. Hegnauer, Die Schweiz und das Haager Übereinkommen über die internationale Adoption, dans: Rechtskollisionen, Festschrift für Anton Heini zum 65. Geburtstag, publiée par Isaak Meier und Kurt Siehr, Zurich 1995, p. 179 à 197, 182.

J.H.A. van Loon (v. note 2), no 135.

C. Hegnauer (v. note 34), p. 182.

C. Hegnauer (v. note 34), p. 182.

Cf. M. Jametti Greiner (v. note 16), p. 176 ss. L'une des rares exceptions se trouve dans le Traité entre la Confédération Suisse et les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (RS 0.351.933.6), qui a été mis en oeuvre par la loi fédérale du 3 octobre 1975 (RS 351.93).

5141

Mais, dans le cas présent, plusieurs raisons militent en faveur d'une réglementation au niveau législatif. Il semble en particulier judicieux d'incorporer la procédure conventionnelle dans les procédures existantes et éprouvées en matière de placement et d'adoption. Cette incorporation ne peut toutefois s'effectuer d'une manière satisfaisante sans la création d'un ensemble de normes réglant clairement l'attribution des tâches et coordonnant la procédure conventionnelle avec les institutions et les procédures suisses39. La sécurité du droit requiert également une réglementation claire. On aurait tout au plus pu renoncer à une loi d'introduction si toutes les tâches avaient été concentrées auprès d'une Autorité centrale fédérale, ce qui est exclu pour des raisons politiques et pratiques. Lors de la procédure de consultation, ces motifs ont été largement admis; l'intention d'introduire la convention par le biais d'une loi fédérale a été accueillie favorablement, en particulier par les cantons40. Il convient toutefois d'insister sur le fait que le projet de loi fédérale n'entend pas transposer en droit interne les règles de la convention. Il ne fait que répondre à des questions non réglées dans la convention et concrétiser, en tant que cela est nécessaire, les normes conventionnelles. Celui qui entend appliquer la convention doit dès lors toujours consulter parallèlement la loi fédérale et l'ordonnance réglant le placement d'enfants.

152

Egalité de traitement des adoptions internes et des adoptions internationales

Lors de la mise en oeuvre de la convention, il conviendra d'éviter, dans la mesure du possible, une inégalité de traitement des adoptions internes et des adoptions internationales, d'une part, et des adoptions internationales conventionnelles et non conventionnelles, d'autre part41. Ce postulat a recueilli une large adhésion lors de la procédure de consultation42. En particulier, la procédure conventionnelle ne doit pas être trop compliquée, car elle deviendrait alors trop peu attrayante par rapport aux adoptions non conventionnelles. L'harmonisation vise en outre à lier la procédure conventionnelle aux procédures régissant les adoptions purement internes ainsi que les adoptions internationales non conventionnelles (cf. ch. 223.1). Pour la même raison, il est proposé de réduire la période probatoire pour les adoptions prononcées en Suisse (cf. ch. 231.1) et de prévoir des mesures tendant à assurer une meilleure protection des enfants adoptés dans leur Etat d'origine (cf. ch. 224).

153

Grandes lignes de la loi fédérale

La loi a pour objet de régler «la procédure d'accueil d'un enfant conformément à la Convention de La Haye sur l'adoption» (art. 1, al. 1, P LF-CLaH). Sont visées en 39

40 41 42

5142

Cela vaut en particulier pour la décision de «matching» selon l'art. 17 CLaH, qui n'est comparable que jusqu'à un certain point avec les institutions existantes du droit suisse et qui doit donc faire l'objet d'une réglementation légale suffisante; cf. à ce sujet ciaprès ch. 222.3 et M. Jametti Greiner (v. note 16), p. 177 ss.

Office fédéral de la justice, Analyse de la procédure de consultation, Berne 1997, [cité procédure de consultation], p. 5 ss.

Pour un aperçu des différentes catégories d'adoptions après l'adhésion de la Suisse à la Convention de La Haye sur l'adoption, voir M. Jametti Greiner (note 16), p. 175.

Procédure de consultation (v. note 40), p. 8.

premier lieu les compétences des autorités, la coopération entre elles et la procédure qu'elles doivent suivre. Pour l'essentiel, la loi entend seulement servir de charnière: elle ne règle pas elle-même les détails de la procédure, mais fait des références, en particulier à l'ordonnance réglant le placement d'enfants. Les règles conventionnelles n'ont donc été reprises dans le projet qu'en tant qu'elles nécessitent un fondement légal dans le droit d'un Etat contractant ou pour établir les compétences.

Les chapitres 3 et 4 du projet prévoient des mesures de protection des enfants ayant vécu jusqu'alors à l'étranger et qui sont accueillis, en vue de leur adoption, par des personnes résidant habituellement en Suisse (art. 1, al. 2, P LF-CLaH). Il tente ainsi de prendre en compte les dangers particuliers auxquels est exposé un enfant lors d'une adoption internationale. La convention contraint du reste les Etats contractants à prendre des mesures efficaces pour prévenir la traite d'enfants et d'autres pratiques dégradantes. Les mesures de protection proposées s'appliquent que l'enfant soit ou non originaire d'un Etat contractant. On veut ainsi empêcher les candidats à l'adoption de se rabattre sur des Etats non contractants.

153.1

Organisation des autorités

Il est prévu de créer des Autorités centrales, tant sur le plan fédéral que cantonal43.

Le Conseil fédéral entend désigner l'Office fédéral de la justice en tant qu'Autorité centrale fédérale. Au niveau cantonal, il est envisagé de coordonner la fonction d'Autorité centrale avec la surveillance en matière de placement, ce qui exige une centralisation de cette tâche auprès d'une autorité cantonale unique (cf. art. 316, al.

1bis, P CC; ch. 231.2).

De telles structures décentralisées sont expressément admises par la convention.

Elles sont aussi mieux adaptées au système fédéraliste suisse, car la centralisation auprès de la Confédération de toutes les fonctions prévues par la convention bouleverserait des structures éprouvées. Le traitement des adoptions internationales ne représente en outre rien de nouveau pour les autorités cantonales; dans le domaine non conventionnel elles continueraient de toute manière à relever de leur compétence. La création d'une autorité fédérale en matière d'adoption internationale susciterait donc des empiètements de compétence inutiles. L'argument de la proximité milite également en faveur du maintien auprès des cantons du traitement des dossiers individuels. A l'inverse, il apparaît souhaitable d'impliquer la Confédération, en raison de sa compétence dans le domaine des relations avec l'étranger et de la possibilité qui lui est ainsi offerte, grâce au traitement d'un grand nombre de cas, d'acquérir et d'approfondir ses connaissances des procédures et des droits étrangers.

Cette organisation duelle a également recueilli un large consensus lors de la consultation44.

Le projet se fonde dès lors sur une répartition claire des tâches et, partant, des responsabilités entre les autorités fédérales et cantonales. Cette répartition des tâches peut être décrite sommairement comme suit: tous les cas concrets relèvent de la compétence des autorités cantonales. C'est auprès d'elles qu'est déposée la requête d'ouverture de la procédure régie par la Convention de La Haye; elles procèdent aux 43 44

Au sujet de ce partage duel de compétences, voir art. 6, al. 2, CLaH.

Procédure de consultation (v. note 40), p. 6 ss; critique à cet égard C. Hegnauer (v. note 34), p. 187 ss.

5143

enquêtes nécessaires en collaboration avec l'Autorité centrale étrangère, elles délivrent les autorisations requises et prennent la décision de «matching». La Confédération apporte son soutien, en particulier pour ce qui est des relations avec les Autorités centrales étrangères, des informations sur des droits d'adoption ou de procédure étrangers ou sur l'application de la convention dans d'autres Etats contractants.

Il est notamment prévu que l'Autorité centrale fédérale donne aux autorités cantonales de brefs avis de droit sur les aspects significatifs des droits d'adoption étrangers, par exemple sur les effets de l'adoption à l'étranger et sur la procédure à suivre. En outre, l'Autorité centrale fédérale s'acquitte de tâches d'ordre général. En particulier, elle doit veiller à assurer l'application uniforme de la convention. Ce n'est que de façon marginale que l'Autorité centrale fédérale devra s'occuper de cas concrets, par exemple en relation avec la transmission de dossiers ou si la collaboration avec des autorités étrangères soulève des difficultés.

Le partage duel des fonctions entre les Autorités centrales permet d'allier les avantages d'une concentration des tâches au niveau cantonal ­ coordination avec les procédures existantes et les procédures non conventionnelles, proximité ­ à ceux qu'offre une Autorité centrale fédérale ­ création de compétences en raison du traitement d'un grand nombre de cas. Il est vrai que dans beaucoup de petits cantons le nombre d'adoptions internationales restera minime45. C'est précisément pour cette raison que la promotion, par la Confédération, de l'échange d'expériences (art. 2, al. 2, let. e, P LF-CLaH) revêt de l'importance. Par ailleurs, il convient de signaler la possibilité de collaborer avec les autres cantons.

153.2

Vue d'ensemble de la procédure régie par la CLaH

Dans le domaine procédural également, on s'est efforcé de fondre, si possible, telle quelle la procédure conventionnelle dans les procédures existantes. Ainsi, la procédure conventionnelle s'ouvre par la présentation d'une requête en vue d'obtenir une autorisation provisoire de placement (art. 8a ordonnance). L'autorisation est délivrée lorsque l'enquête sociale, qui ­ de par sa nature même ­ ne peut se rapporter qu'à l'aptitude des futurs parents adoptifs à accueillir un enfant, aboutit à une conclusion positive. Ensuite, le dossier sur les parents est transmis à l'Autorité centrale étrangère, qui sélectionne un enfant. Une fois en possession du dossier sur l'enfant, l'Autorité centrale cantonale prend la décision dite de «matching», c'est-à-dire qu'elle décide si elle peut autoriser la poursuite de la procédure. Puis l'adoption est prononcée, soit par les autorités de l'Etat d'origine de l'enfant, si celles-ci revendiquent leur propre compétence, soit par les autorités suisses. Dans ce dernier cas, une requête d'adoption peut être déposée après l'arrivée de l'enfant en Suisse et à l'expiration de la période probatoire. La convention et la loi ne touchent ni à la procédure ni à la compétence en matière d'adoption. Une adoption suisse doit être reconnue dans l'Etat d'origine de l'enfant ainsi que dans les autres Etats contractants aux conditions prévues aux art. 23 ss CLaH.

45

5144

Cf. les indications données par C. Hegnauer (v. note 34), p. 188.

16

Elaboration du projet et consultation

La Suisse a signé la CLaH le 16 janvier 1995, après la consultation relative à un avant-projet de convention menée en 1992 par le Conseil fédéral auprès des milieux interessés. 46 réponses, pour la plupart favorables au texte de convention encore provisoire, furent déposées.46. Après la signature de la convention, l'Office fédéral de la justice prépara la ratification de la convention et élabora un avant-projet de loi fédérale relative à la CLaH, qui, par décision du Conseil fédéral du 12 février 1997, fut également mis en consultation. Au 30 juin 1997, les réponses de cantons, de partis ainsi que d'organisations et d'associations intéressées s'élevaient à 58. Par décision du 28 janvier 1998, le Conseil fédéral prit acte des résultats de la procédure de consultation et chargea le Département fédéral de justice et police de préparer un message.

La procédure de consultation menée en 1997 a mis en évidence un large consensus en faveur de la ratification de la convention47. La plupart des participants, parmi lesquels tous les cantons à l'exception de Bâle-Campagne, approuvèrent sans réserve la ratification ou parvinrent du moins à la conclusion que les avantages de la ratification l'emportaient sur ses inconvénients. C'est l'obligation prévue à l'art. 23 CLaH de reconnaître de plein droit les adoptions étrangères qui suscita le plus d'objections.

Les principes fondamentaux de la loi d'exécution proposée furent approuvés avec tout autant de conviction. Quant à la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons, elle recueillit pratiquement l'adhésion de tous les participants à la procédure de consultation, bien que leurs réponses aient dans une certaine mesure révélé des tendances divergentes. De nombreux participants soulignèrent la nécessité de coordonner les différentes sortes d'adoptions et d'éviter des procédures inutilement lourdes et lentes. Les mesures de protection des enfants ainsi que les dispositions pénales proposées furent également bien accueillies, même si les réponses ont, là aussi, mis en évidence des divergences. Les propositions de modification du code civil, à savoir la réduction à un an de la période probatoire devant obligatoirement précéder l'adoption et la concentration auprès d'une autorité cantonale de la compétence en matière de surveillance des placements,
suscitèrent aussi un large consensus.

Par contre, l'abandon de tout projet visant à améliorer, sur le plan du droit des étrangers, la situation des enfants déplacés vers la Suisse en vue de leur adoption, mais dont l'adoption a échoué, provoqua des critiques générales. Plusieurs cantons et de nombreuses organisations exigèrent que l'on accorde à l'enfant placé auprès de parents nourriciers le droit d'obtenir un permis d'établissement.

Ce sont surtout les organisations directement intéressées qui se sont exprimées sur l'institutionnalisation du rôle des intermédiaires dans la procédure. De nombreux intermédiaires ont demandé, à des degrés divers, à être intégrés dans la nouvelle loi.

A différentes reprises, ils ont aussi exigé des subventions de l'Etat. En revanche, d'autres organisations saluèrent le concept sur lequel se fonde le projet et qui con-

46

47

Office fédéral de la justice, Rapport du 19 avril 1993 sur les résultats de la procédure de consultation relative à l'avant-projet de Convention de La Haye concernant la coopération internationale et la protection des enfants en matière d'adoption internationale.

Procédure de consultation (v. note 40), p. 19 ss.

5145

siste à conférer à l'Etat la responsabilité des procédures régies par la CLaH, en faisant notamment allusion au professionnalisme parfois insuffisant des intermédiaires.

L'Office fédéral de la justice a remanié l'avant-projet à la lumière des résultats de la consultation. Vu les échos positifs obtenus, il n'a pas été nécessaire de procéder à des modifications substantielles. La modification la plus importante concerne les mesures de protection de l'enfant (art. 14 à 17 de l'avant-projet, ch. 224) de même que les dispositions pénales (art. 22 de l'avant-projet, ch. 226). Pour éviter une inégalité de traitement des adoptions conventionnelles et des adoptions non conventionnelles, ces mesures de protection s'appliquent que l'enfant soit ou non originaire d'un Etat contractant. En étendant le champ d'application matériel et territorial du troisième chapitre aux adoptions non conventionnelles, le projet écarte le danger que les mesures de protection de la convention puissent être éludées par le biais d'adoptions non conventionnelles. En revanche, on a renoncé à modifier la conception retenue par l'avant-projet quant aux intermédiaires (cf. ch. 222.12). Pour ce qui a trait à l'amélioration, sur le plan du droit des étrangers, de la situation des enfants dont l'adoption a échoué, il en sera tenu compte lors de la révision totale de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20).

2

Partie spéciale

La CLaH (ch. 21) et le projet de loi fédérale relatif à la CLaH (ch. 22) seront décrits plus en détail ci-après. Bien que les deux textes législatifs soient traités séparément, il ne faut jamais perdre de vue qu'il s'agit là d'un tout. La convention, la loi et l'ordonnance réglant le placement d'enfants doivent donc toujours être consultées parallèlement.

21

Convention de La Haye sur l'adoption (CLaH)

211

Champ d'application (art. 1 à 3 CLaH)

La convention s'applique lorsqu'un enfant originaire d'un Etat contractant («Etat d'origine»48) doit être déplacé vers un autre Etat contractant («Etat d'accueil»), que ce soit avant ou après l'adoption (art. 2, al. 1, CLaH). Elle s'applique dès lors toujours lorsque l'enfant et les parents adoptifs ont leur résidence habituelle dans des Etats contractants différents, et cela indépendamment de leur domicile ou de leur nationalité49. A l'inverse, il est exclu d'appliquer la Convention lorsque l'enfant ou les parents adoptifs ont leur résidence habituelle dans un Etat non contractant50.

La convention ne règle que l'adoption de mineurs. Selon l'art. 3, elle cesse de s'appliquer lorsque l'enfant atteint l'âge de 18 ans avant que les Autorités centrales concernées n'aient autorisé la poursuite de la procédure 51 (art. 17, let. c, CLaH; cf.

48

49 50 51

5146

Normalement, la notion d'Etat d'origine (State of origin, Etat d'origine) désigne l'Etat auquel appartient une personne. La Convention de La Haye n'utilise pas ce concept dans ce sens, mais désigne ainsi l'Etat dans lequel l'enfant a sa résidence habituelle; cf.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 73.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 71.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 77.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 99.

ch. 214.3). Il n'est donc pas déterminant que l'adoption soit prononcée avant que l'enfant ait atteint l'âge de 18 ans révolus.

Par ailleurs, le champ d'application matériel de la convention est très étendu. Il englobe toutes les catégories d'adoptions créant un lien de filiation durable entre enfant et parents, que le lien de filiation préexistant entre l'enfant et ses parents biologiques soit totalement rompu (adoption plénière) ou ne le soit que partiellement (adoption simple). La convention admet aussi bien les adoptions par des personnes seules que les adoptions par des couples. Les Etats contractants peuvent refuser d'autoriser des adoptions par des personnes seules s'ils souhaitent les exclure. Il n'existe pas de dispositions spéciales sur les adoptions de l'enfant du conjoint; la convention leur est donc applicable si l'adoption entraîne un déplacement de la résidence habituelle de l'enfant d'un Etat contractant dans un autre. Ne sont exclues que les adoptions qui ne créent pas un lien de filiation durable entre l'enfant et ses parents52, ce qui résulte a contrario de l'art. 2, al. 2, CLaH. L'exemple typique en est le placement du droit islamique, dit «kafala».

212

Conditions des adoptions internationales (art. 4 et 5 CLaH)

Le chapitre II de la convention contient des dispositions sur les «conditions des adoptions internationales». Il s'agit là de conditions impératives qui représentent le standard minimum jugé nécessaire pour que la procédure d'adoption soit en tous points conforme au droit53. Par ailleurs, les conditions d'une adoption sont régies par le droit applicable selon le droit international privé de l'autorité compétente pour prononcer l'adoption; la convention est muette sur ce point54. Les Etats contractants sont en particulier libres de poser des exigences supplémentaires55. Lorsqu'une autorité suisse est compétente, les conditions sont régies par le droit suisse conformément à l'art. 77 LDIP; ce sont donc les règles de fond des art. 264 ss CC qui s'appliquent. Toutefois, si l'une des conditions posées par les art. 4 et 5 CLaH n'a pas été observée, une adoption ne peut être prononcée ni dans l'Etat d'origine ni dans l'Etat d'accueil56.

L'Etat d'origine de l'enfant doit, pour sa part, satisfaire aux exigences minimales suivantes: l'autorité doit s'assurer que l'enfant est adoptable (art. 4, let. a, CLaH), que le principe de la subsidiarité d'une adoption internationale a été respecté (art. 4, let. b, CLaH)57, que les parents biologiques ont donné les consentements requis (art.

4, let. c, CLaH)58, que les souhaits et avis de l'enfant ont été pris en considération et, le cas échéant, que son consentement a été donné (art. 4, let. d, CLaH)59.

52 53 54 55 56 57 58 59

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 94.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 108 ss.; les art. 4 et 5 CLaH concrétisent l'art. 21, let. a, CDE.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 119; M. Jametti Greiner, (v. note 16), p. 179.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 113.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 108.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 120; cf. aussi al. 3 du préambule de la CLaH.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 120; cf. aussi art. 21, let. a, CDE.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 105.

5147

Quant à l'Etat d'accueil, ses autorités compétentes doivent s'assurer que les futurs parents adoptifs entrent en ligne de compte pour une adoption60, qu'il sont qualifiés et aptes à adopter61 (art. 5, let. a, CLaH), ont été entourés des conseils nécessaires (art. 5, let. b, CLaH), et que l'enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans cet Etat (art. 5, let. c, CLaH)62.

En établissant ces principes directeurs, la convention a avant tout mis l'accent sur les conditions et les circonstances dans lesquelles les parents biologiques et, le cas échéant, l'enfant doivent donner leur consentement63. Ainsi, les personnes dont le consentement est requis doivent avoir été entourées des conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur décision, de telle sorte qu'elles puissent juger en toute connaissance de cause si elles acceptent la rupture du lien de filiation préexistant entre l'enfant et ses parents biologiques, rupture qui est une condition de l'adoption plénière64. L'autorité doit en outre s'assurer que les consentements n'ont pas été obtenus moyennant paiement ou contrepartie d'aucune sorte (art. 4, let. c, ch.

3, CLaH) et que les personnes dont le consentement est requis l'ont donné librement. La mère ne peut donner son consentement qu'après la naissance de l'enfant (art. 4, let. c, ch. 4, CLaH)65. La forme du consentement est régie par le droit applicable à l'adoption, mais il faut, tout au moins, qu'il ait été donné ou constaté par écrit (art. 4, let. c, ch. 2, CLaH)66. Le consentement peut être assorti de conditions.

L'art. 4, let. d, ch. 1 à 4, CLaH énonce des conditions analogues pour le consentement de l'enfant lorsqu'il est requis67. Cette réglementation détaillée de la déclaration de consentement traduit l'importance que les Etats contractants accordent à la lutte contre les abus et en particulier contre la traite d'enfants.

S'il est vrai qu'en vertu des art. 4 et 5 CLaH les fonctions qu'il convient d'exercer en cas d'adoption internationale sont réparties entre les autorités de l'Etat d'origine et celles de l'Etat d'accueil, cela ne signifie toutefois pas que l'autorité non compétente ne puisse vérifier si toutes les conditions d'une adoption conforme en tous points au droit sont remplies. Il est en particulier possible de procéder à un tel examen lors de la décision d'autoriser la poursuite de la procédure68.

60 61 62 63

64 65

66

67 68

5148

C'est-à-dire qu'ils remplissent les conditions légales; cf. G. Parra-Aranguren (v.

note 33), ch. marg. 180.

C'est-à-dire qu'ils remplissent les conditions sociales et psychologiques; cf. G. ParraAranguren (v. note 33), ch. marg. 180.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 106.

Il est prévu que les experts qui prendront part à la première réunion convoquée en vertu de l'art. 42 CLaH, établiront des formules types pour le consentement au sens de l'art. 4, let. c, CLaH; cf. G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 128.

C'est le droit applicable qui détermine également le cercle des personnes appelées à donner leur consentement; cf. G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 129.

Selon l'art. 265b, al. 1, CC, le consentement ne peut être donné avant six semaines à compter de la naissance de l'enfant. Cette disposition est sans autres compatible avec l'art. 4, let. c, CLaH.

Le consentement peut toutefois aussi être donné oralement devant l'autorité compétente, la forme écrite n'étant exigée qu'en tant que moyen de preuve; cf. G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 145. En vertu de l'art. 265a, al. 2, CC le consentement doit être déclaré, par écrit ou oralement, à l'autorité tutélaire et consigné au procès-verbal. Cette prescription est également compatible avec l'art. 4, let. c, ch. 2, CLaH.

Cf. art. 12 CDE.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 114, 181, 324 à 342.

213

Autorités centrales et organismes agréés (art. 6 à 13 CLaH)

Le chapitre consacré aux Autorités centrales constitue la clef de voûte de la convention. En effet, en mettant sur pied un système de coopération entre les autorités de l'Etat d'origine et celles de l'Etat d'accueil, son but principal est de contrôler et d'améliorer les conditions dans lesquelles se déroulent les adoptions internationales.

Cette coopération institutionnalisée entre autorités de l'Etat d'origine et autorités de l'Etat d'accueil est réalisée par le biais d'Autorités centrales69, qui veillent à ce que les objectifs et obligations énoncés par la convention soient respectés70.

Les Etats contractants disposent d'une grande liberté pour mettre en oeuvre les règles d'organisation prévues par la convention. Ainsi, selon l'art. 6 CLaH tout Etat fédéral ou tout Etat dans lequel plusieurs systèmes de droit sont en vigueur ou ayant des unités territoriales indépendantes peut désigner plusieurs Autorités centrales. En outre, ces fonctions ne doivent pas nécessairement être toutes exercées par des Autorités centrales. Seules les fonctions énumérées à l'art. 7 CLaH ne sont pas susceptibles d'être déléguées. Les tâches prévues à l'art. 8 CLaH peuvent aussi être exercées par d'autres organes étatiques. Celles qui sont décrites au chapitre IV ainsi qu'à l'art. 9 CLaH peuvent aussi être déléguées à des organismes agréés71. Enfin, les Etats contractants ont aussi la possibilité de déléguer une partie des tâches énoncées au chapitre IV (c'est-à-dire celles prévues aux art. 15 à 21 CLaH) à des organismes privés non agréés (art. 22, al. 2, CLaH72).

214

Procédure d'adoption internationale (art. 14 à 22 CLaH)

Le chapitre IV décrit le déroulement d'une procédure d'adoption régie par la convention. La procédure vise en premier lieu à protéger les intérêts fondamentaux de toutes les parties impliquées dans une adoption internationale. Les dispositions prévues au chapitre IV sont contraignantes. Elles doivent être lues conjointement avec les art. 4 à 13 P LF-CLaH, qui mettent en oeuvre la convention dans la procédure suisse.

69

70 71

72

En prévoyant l'obligation de désigner des Autorités centrales la convention suit l'exemple d'autres conventions multilatérales telles que la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (RS 0. 271.131), la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile et commerciale (RS 0.274.132) ainsi que la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (RS 0.211.230.02).

M. Jametti Greiner/A. Bucher (v. note 12), p. 68.

Selon l'art. 10 CLaH peuvent seuls bénéficier de l'agrément les organismes qui ne poursuivent que des buts d'utilité publique, qui sont dirigés par des personnes qualifiées et soumis à une surveillance étatique.

Aux termes de l'art. 22, al. 2, let. a et b, CLaH, des organismes et des personnes non agréés doivent également présenter certaines qualifications minimales, mais les exigences sont moins élevées que dans le cas des organismes agréés.

5149

214.1

Ouverture de la procédure (art. 14 CLaH)

Selon l'art. 14 CLaH, la première démarche que doivent accomplir les futurs parents adoptifs est de déposer une requête en vue de l'ouverture de la procédure. Cette requête doit être adressée à l'Autorité centrale de l'Etat d'accueil73 et ses conditions formelles sont régies par la lex fori74. Les futurs parents adoptifs résidant habituellement en Suisse doivent donc présenter leur requête à l'Autorité centrale du canton de leur domicile; la requête tend à l'obtention d'une autorisation provisoire de placement au sens de l'art. 8a de l'ordonnance (art. 4 P LF-CLaH).

214.2

Enquête sociale (art. 15 et 16 CLaH)

L'Autorité centrale de l'Etat d'accueil doit ensuite établir ou faire établir si les futurs parents adoptifs entrent en ligne de compte pour l'accueil d'un enfant adoptif75. Si elle constate que tel est bien le cas, elle établit un rapport détaillé qui sera transmis à l'Autorité centrale de l'Etat contractant dont proviendra l'enfant. L'art. 15, al. 1, CLaH décrit le contenu de ce rapport, qui doit contenir des renseignements sur l'identité du requérant, sur sa capacité légale et son aptitude à adopter, sur sa situation personnelle et familiale, son milieu social, son passé médical, et les motifs qui le poussent à requérir une adoption. En outre, il doit indiquer si le requérant est apte à assumer les tâches liées à une adoption internationale. Enfin, le rapport doit aussi indiquer quels sont les souhaits des parents par rapport à l'enfant, par exemple quant à son âge ou à sa religion. La convention part en effet du principe qu'il est souhaitable de prendre en considération les désirs des parents, afin d'assurer le succès de l'adoption. Le rapport a pour but de transmettre à l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de l'enfant suffisamment d'informations personnelles pour permettre de préparer au mieux la décision de «matching» (cf. ch. 214.3) 76.

De son côté, l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de l'enfant doit déterminer si l'enfant peut être adopté (art. 16, al. 1, CLaH). En premier lieu, elle établira ou fera établir si l'enfant est adoptable et en particulier s'il peut être placé au lieu ou dans l'Etat de sa résidence habituelle actuelle. Le rapport concernant l'enfant doit se prononcer sur les conditions personnelles et juridiques de son adoptabilité et contenir des renseignements sur sa situation personnelle, médicale et familiale, ainsi que sur son milieu social; il doit aussi indiquer ses besoins personnels (art. 16, al. 1, let. a, CLaH) et tenir compte de son origine ethnique, religieuse et culturelle (art. 16, al. 1, let. b, CLaH).

Une fois en possession de ce rapport, l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de l'enfant prend une première décision provisoire concernant l'attribution de l'enfant aux futurs parents adoptifs, qui doivent avoir fait l'objet d'un rapport favorable (art. 16, 73

74 75

76

5150

La possibilité de présenter une requête directement à l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de l'enfant a été envisagée puis écartée; cf. G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 291 ss.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 289.

L'art. 15 CLaH parle de «leur capacité légale et de leur aptitude à adopter». On veut ainsi mettre l'accent sur le fait que les futurs parents adoptifs ne doivent pas seulement satisfaire aux exigences légales de l'Etat d'accueil, mais qu'ils doivent aussi remplir des conditions sociales et psychologiques, cf. G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg.

294.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 297 ss.

al. 1, let. d, CLaH). Elle transmet ensuite le rapport à l'Autorité centrale de l'Etat d'accueil (art. 16, al. 2, CLaH). Le rapport doit être accompagné des déclarations de consentement nécessaires ou des décisions permettant de faire abstraction du consentement des parents biologiques ou de l'un d'eux (art. 16, al. 1, let. c, CLaH). Il y a aussi lieu d'indiquer les raisons militant en faveur d'un placement à l'étranger.

La convention part de l'idée que la décision sur l'attribution provisoire de l'enfant émane en principe d'une Autorité de l'Etat d'origine de l'enfant. Toutefois, elle n'exclut nullement que les parents adoptifs ­ surtout s'ils ont recours aux services d'un intermédiaire ­ ne désignent déjà un enfant déterminé dans leur requête, car elle ne leur interdit que le contact direct avec les parents biologiques, mais non avec l'enfant, ce dernier apparaissant potentiellement moins corruptible77.

214.3

Décision de «matching» (art. 17 CLaH)

Avant de pouvoir confier un enfant à des futurs parents adoptifs, il faut une nouvelle décision dite de «matching». Il s'agit de mettre en parallèle les expériences acquises lors des enquêtes sociales respectives sur la capacité légale et l'aptitude des parents à adopter ainsi que sur l'adoptabilité de l'enfant et de parvenir ainsi à une décision commune. Les Autorités centrales des deux Etats peuvent refuser le «matching»; dans un tel cas, la procédure (conventionnelle) d'adoption prend fin prématurément.

L'art. 17 CLaH est le fruit de négociations laborieuses78 et n'est pas très facile à comprendre. Il vise la décision de confier l'enfant aux futurs parents adoptifs, c'està-dire le placement de l'enfant. Cette décision ne peut être prise par l'autorité de l'Etat d'origine que si quatre conditions sont cumulativement remplies: ­

l'Autorité centrale de l'Etat d'origine doit s'être assurée que les futurs parents adoptifs acceptent que l'enfant leur soit confié (art. 17, let. a, CLaH);

­

l'Autorité centrale de l'Etat d'accueil doit avoir approuvé la décision des futurs parents adoptifs (art. 17, let. b, CLaH);

­

les Autorités centrales des deux Etats doivent avoir accepté la poursuite de la procédure (art. 17, let. c, CLaH) et

­

il doit y avoir une décision constatant que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter et que l'enfant est ou sera autorisé à entrer et à séjourner dans l'Etat d'accueil (art. 17, let. d, CLaH).

L'Autorité centrale de l'Etat d'accueil ne doit approuver l'accord des futurs parents adoptifs concernant l'enfant que si la loi de cet Etat ou l'Autorité centrale de l'Etat d'origine le requiert. Les art. 6 et 13, al. 2, P LF-CLaH prévoient donc que les Autorités centrales suisses doivent s'assurer que les futurs parents adoptifs acceptent d'accueillir l'enfant en question.

L'acceptation de la poursuite de la procédure prévue à l'art. 17, let. c, CLaH est d'une importance capitale. En effet, le passage au stade procédural suivant en dépend79. L'acceptation doit émaner des deux Autorités centrales. Elle ne garantit pas la réalisation de l'adoption. Pour que l'adoption ait lieu, encore faut-il que toutes les 77 78 79

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 499.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 324 ss, 334.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 335.

5151

autres conditions posées par le droit applicable soient remplies. Si l'adoption a lieu en Suisse, il faut donc que toutes les conditions prévues aux art. 264 ss CC aient été observées, à moins que la convention ne contienne des dispositions dérogatoires. En revanche, lorsque l'enfant est adopté dans son Etat d'origine, le refus au sens de l'art. 17, let. c, CLaH d'accepter la poursuite de la procédure offre à l'Etat d'accueil la dernière occasion d'empêcher le prononcé d'une adoption qui devra alors être reconnue en vertu de l'art. 23 CLaH.

214.4

Autorisation de sortie et d'entrée (art. 18 et 19 CLaH)

Si la décision de «matching» est positive, rien ne s'oppose plus à l'entrée de l'enfant dans l'Etat d'accueil, entrée dont les modalités sont réglées aux art. 18 et 19 CLaH.

Selon l'art. 19, al. 1, CLaH, la sortie de l'enfant ne peut avoir lieu que lorsque les conditions prévues à l'art. 17 CLaH sont remplies, c'est-à-dire si l'Autorité centrale de l'Etat d'origine a pris la décision de confier l'enfant aux parents. L'art. 18 CLaH oblige les Autorités centrales des deux Etats à prendre toutes mesures utiles en vue de l'obtention des autorisations de sortie et d'entrée ainsi que des permis de séjour.

L'art. 19, al. 2, CLaH prévoit que les parents adoptifs accompagnent, si possible, l'enfant lors de son voyage.

214.5

Adoption (art. 20 et 21 CLaH)

L'adoption a lieu dans l'Etat d'origine de l'enfant, avant son déplacement, si cet Etat revendique sa compétence. Dans la négative, l'enfant est déplacé, en tant qu'enfant placé auprès de parents nourriciers, dans l'Etat d'accueil, où l'adoption est prononcée, si l'Etat d'origine ne revendique pas non plus sa compétence dans un tel cas.

La convention ne contient que deux dispositions concernant l'adoption proprement dite. L'art. 20 CLaH oblige les Autorités centrales à s'informer mutuellement de la procédure d'adoption ainsi que du déroulement de la période probatoire. L'art. 21 CLaH est plus important, car il décrit les mesures qui doivent être prises dans l'Etat d'accueil en cas d'échec de l'adoption. Différentes mesures peuvent être prises. Il est prévu soit de retirer l'enfant à sa famille d'accueil (art. 21, al. 1, let. a, CLaH), soit d'assurer sans délai son placement dans une nouvelle famille en vue de son adoption (art. 21, al. 1, let. b, CLaH). Le retour de l'enfant dans son Etat d'origine entre aussi en ligne de compte (art. 21, al. 1, let. c, CLaH), mais cette possibilité n'est envisagée qu'en dernier ressort et seulement si l'intérêt de l'enfant l'exige. En cas de placement dans une nouvelle famille, une adoption conforme à la convention ne peut avoir lieu que si l'Autorité centrale de l'Etat d'origine a été dûment informée sur les nouveaux parents adoptifs (art. 21, al. 1, let. b, CLaH).

215

Reconnaissance d'adoptions étrangères (art. 23 à 25 CLaH)

Aux termes de l'art. 23, al. 1, CLaH, une adoption conforme à la convention est reconnue de plein droit dans les autres Etats contractants. La reconnaissance n'intervient que si l'adoption a été certifiée conforme à la convention par l'autorité

5152

compétente80. Le certificat doit indiquer quand et par qui les acceptations visées à l'art. 17, let. c, CLaH ont été données (art. 23, al. 1, 2e phrase, CLaH). La notion «de plein droit» traduit l'idée que la reconnaissance est automatique et ne nécessite pas une procédure préalable de reconnaissance, d'exécution ou d'enregistrement81.

L'art. 24 CLaH prévoit qu'un Etat contractant ne peut refuser de reconnaître l'adoption que si elle est manifestement contraire à son ordre public, compte tenu de l'intérêt de l'enfant. La notion d'ordre public doit être interprétée de manière restrictive; elle n'englobe que les principes fondamentaux de l'Etat où intervient la reconnaissance82. L'article exprime cette idée en stipulant que la violation de l'ordre public doit être manifeste. Il précise en outre que les considérations liées à la notion d'ordre public doivent nécessairement prendre en compte l'intérêt de l'enfant. Dans l'abstrait, il n'est pas possible de déterminer les cas dans lesquels on peut refuser de reconnaître une adoption étrangère. Il est certain que l'adoption n'est pas conforme à la convention lorsqu'elle enfreint des normes procédurales contraignantes de celleci et qu'il n'y a alors aucune obligation de la reconnaître. La convention ne précise pas dans quelle mesure de telles adoptions peuvent être reconnues selon le droit autonome; la question relève du droit applicable dans le cas concret (cf. art. 33 CLaH).

L'art. 25 CLaH crée un motif de refus supplémentaire lorsqu'il s'agit d'adoptions faites conformément à des accords complémentaires conclus entre Etats contractants en vue de faciliter l'application de la convention. Tout Etat contractant qui n'est pas partie à un tel accord peut déclarer qu'il ne sera pas tenu de reconnaître ces adoptions. Les accords complémentaires ne peuvent déroger qu'aux art. 14 à 16 et 18 à 21 (art. 39, al. 2, CLaH). Il n'est pas absolument certain que des adoptions relevant de tels accords complémentaires satisfassent dans tous les cas aux critères suisses.

C'est pourquoi le Conseil fédéral entend faire la déclaration prévue à l'art. 25 CLaH. Mais cela n'exclut pas qu'une adoption prononcée en vertu d'un accord complémentaire puisse par la suite être reconnue sur la base du DIP suisse autonome.

216

Effets de la reconnaissance (art. 26 CLaH)

L'art. 26 CLaH, qui est le résultat de négociations ardues83, aborde le problème des effets de la reconnaissance de l'adoption en trois phases84: sont tout d'abord visés les effets communs à toutes les adoptions, simples ou plénières. Dans tous les cas, la reconnaissance de l'adoption comporte celle du lien de filiation entre l'enfant et ses parents adoptifs (art. 26, al. 1, let. a, CLaH) ainsi que de la responsabilité parentale des parents adoptifs à l'égard de l'enfant (art. 26, al. 1, let. b, CLaH). Selon l'art. 26, al. 1, let. c, CLaH, la reconnaissance de l'adoption comporte aussi celle de la rupture du lien préexistant de filiation avec les parents biologiques, pour autant que cet effet soit aussi prévu par le droit régissant l'adoption là où elle a été prononcée.

80

81 82 83 84

Chaque Etat contractant doit déterminer l'autorité compétente sur le plan interne. Il convient de notifier au dépositaire de la convention l'identité de l'autorité compétente pour délivrer le certificat; cf. art. 23, al. 2, CLaH. Il est prévu d'établir une formule-type pour le certificat; G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 403, 407.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 409.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 426.

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 439.

Cf. M. Jametti Greiner/A. Bucher (v. note 12), p. 84 ss.

5153

Dans un deuxième temps, la convention prévoit que, si une adoption plénière a eu lieu, l'enfant jouit dans tout Etat contractant d'un statut équivalent à celui résultant d'une adoption plénière selon le droit de cet Etat (art. 26, al. 2, CLaH). Cette règle n'a évidemment de portée que si l'Etat contractant en cause connaît lui-même l'adoption plénière. S'il s'agit par contre d'un Etat contractant dont la loi interne n'admet que l'adoption simple et ne reconnaît une adoption étrangère qu'avec les effets d'une adoption simple, cet Etat contractant sera tenu, sur la base de l'art. 26, al. 2, CLaH, de faire bénéficier l'enfant adopté à l'étranger de droits équivalents tout au moins à ceux que confère sa loi interne aux enfants dont l'adoption simple a été prononcée.

Enfin, l'art. 26, al. 3, CLaH dispose que, dans la mesure où un Etat contractant connaît des règles de reconnaissance plus favorables à l'enfant, il convient de les appliquer. Avec ce paragraphe, on a, par exemple, envisagé le cas d'une adoption simple où l'enfant n'aurait pas acquis de droits successoraux envers les parents adoptifs. Dans une telle hypothèse, ne sont applicables ni l'al. 1, let. c, ni l'al. 2 de l'art. 26 CLaH, car le lien de filiation antérieur avec les parents biologiques subsiste.

En vertu de l'al. 3, le droit de l'Etat où intervient la reconnaissance peut néanmoins accorder à l'enfant un droit de succession envers sa famille adoptive85.

217

Conversion d'adoptions simples (art. 27 CLaH)

Comme il a été relevé ci-dessus, la convention couvre aussi les adoptions simples, c'est-à-dire les adoptions qui n'ont pas pour effet de rompre le lien de filiation préexistant avec les parents biologiques. Ceci vaut aussi pour l'obligation de reconnaissance (art. 23 CLaH). L'art. 27 CLaH prévoit dès lors la possibilité de convertir des adoptions simples en adoptions plénières et oblige les Etats contractants à reconnaître de plein droit les adoptions converties en adoptions plénières (art. 23 CLaH). L'Etat d'origine ayant initialement prononcé l'adoption simple doit aussi reconnaître l'adoption une fois convertie.

La conversion présuppose que deux conditions soient remplies: d'une part, le droit de l'Etat d'accueil doit permettre la conversion (art. 27, al. 1, let. a, CLaH); d'autre part, le consentement des parents biologiques doit également s'étendre à une adoption plénière (art. 27, al. 1, let. b, CLaH). Etant donné que l'adoption plénière est la seule forme d'adoption admise en droit suisse, la condition prévue à l'art. 27, al. 1, let. a, CLaH est sans autres remplie en vertu de ce droit. L'exigence posée à la let. b est une évidence et ne suscite aucune difficulté pratique, pour autant qu'on veille dès le début à ce que le consentement des parents biologiques vise les deux formes d'adoption.

218

Autres dispositions (chap. VI)

Le chapitre VI intitulé «Dispositions générales» contient des articles complémentaires ayant surtout trait à la procédure. Il ne sera fait mention ici que de deux d'entre eux:

85

5154

G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 472.

L'art. 29 CLaH interdit tout contact entre les futurs parents adoptifs et les parents de l'enfant tant qu'il n'a pas été établi que l'enfant est adoptable et que les futurs parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter (art. 4, let. a, art. 5, let. a, CLaH), qu'il y a une décision constatant que l'adoption répond à l'intérêt de l'enfant (art. 4, let. b, CLaH) et que les parents biologiques ont consenti à l'adoption (art. 4, let. c, CLaH). Cette prescription doit également être observée par les intermédiaires. Il s'agit là d'une des dispositions qui entendent rendre plus difficile la traite d'enfants.

Est réservée l'adoption au sein d'une même famille, c'est-à-dire l'adoption de l'enfant du conjoint ou l'adoption d'un enfant de la parenté.

L'art. 32 CLaH entend également prévenir les abus en interdisant les gains matériels indus en raison d'une intervention à l'occasion d'une adoption internationale.

D'autres avantages sont également proscrits (art. 32, al. 1, CLaH). L'accent est mis sur le terme indu, l'al. 2 précisant ce qui est admis. Selon cet alinéa, seuls peuvent être demandés les frais et dépenses, y compris les honoraires raisonnables des personnes et employés d'organismes intervenant dans une procédure d'adoption. Inversement, l'art. 32, al. 3, CLaH déclare que les employés d'organismes intervenant dans une adoption ne peuvent recevoir «une rémunération disproportionnée».

22

Loi fédérale relative à la Convention de La Haye sur l'adoption

221

Objet (art. 1 P LF-CLaH)

Selon l'article définissant son objet, la loi règle «la procédure d'accueil d'un enfant conformément à la Convention de La Haye sur l'adoption» (art. 1, al. 1, P LFCLaH). Comme nous l'avons vu plus haut, elle sert de charnière entre la convention et les règles de procédure internes. C'est pourquoi les dispositions de la convention ne sont reprises dans la loi que dans la mesure où il est nécessaire qu'elles aient une base légale dans le droit d'un Etat contractant ou si la détermination d'une compétence le requiert. En outre, la loi prévoit certaines mesures de protection des enfants lors d'adoptions internationales (art. 1, al. 2, P LF-CLaH), mesures qui s'appliquent aussi aux enfants venant d'Etats n'ayant pas ratifié la convention (cf. ch. 224).

222

Mise en oeuvre de la Convention de La Haye

222.1

Les Autorités centrales et leurs fonctions (art. 2 et 3 PLF-CLaH

L'Autorité centrale fédérale est l'autorité administrative désignée par le Conseil fédéral, qui a l'intention de confier cette fonction à l'Office fédéral de la justice. Les autorités cantonales compétentes pour délivrer les autorisations de placement d'enfants sont désignées comme Autorités centrales cantonales (art. 316 CC; ch.

231.2).

Les fonctions de l'Autorité centrale fédérale sont énoncées à l'art. 2, al. 2, P LFCLaH. L'accent est mis avant tout sur les contacts avec l'étranger et les tâches de coordination. Lors de la transmission de dossiers, l'Autorité centrale fédérale pourra, suivant les besoins, transmettre aux Autorités centrales cantonales des informations et des avis et leur communiquer par exemple si l'Etat d'origine de l'enfant 5155

revendique sa propre compétence pour prononcer l'adoption, s'il exige une période probatoire ou, le cas échéant, s'il s'agit d'une adoption simple ou d'une adoption plénière. Le projet prévoit la possibilité d'autoriser l'Autorité centrale cantonale à entrer directement en contact avec l'Autorité centrale étrangère. Enfin, l'Autorité centrale fédérale est compétente pour donner des renseignements généraux, qui, conformément à la convention, doivent être fournis indépendamment d'un cas concret d'adoption (art. 9, let. d, art. 13, CLaH).

L'Autorité centrale fédérale doit pouvoir émettre des directives générales et abstraites sur la mise en oeuvre de la convention (art. 2, al. 2, let. d, P LF-CLaH). L'objectif est de garantir une pratique suisse uniforme dans le domaine de l'adoption internationale. On songe en particulier à des questions qui n'ont pas leur place dans une loi ou dans une ordonnance, mais qui, si elles n'étaient pas du tout réglementées, pourraient compromettre la sécurité du droit. Les directives permettent en outre de réagir très rapidement et de manière souple à de nouveaux développements. De plus, l'Autorité centrale fédérale devra promouvoir l'échange d'informations entre les cantons, les intermédiaires et la Confédération.

L'Autorité centrale fédérale n'est, par contre, en principe pas impliquée dans le traitement des cas concrets d'adoption. En particulier, les décisions de fond ­ portant par exemple sur l'aptitude à adopter des futurs parents adoptifs ­ relèvent exclusivement des Autorités centrales cantonales; elles seules possèdent la compétence professionnelle et l'expérience nécessaire dans ce domaine. L'Autorité centrale fédérale doit seulement examiner si le dossier est complet avant de transmettre les documents requis (cf. art. 15, al. 1, CLaH) à l'Etat d'origine de l'enfant. Si elle constate des lacunes, elle renvoie le dossier à l'Autorité centrale cantonale, qui le complète (art. 5, al. 3, P LF-CLaH).

L'Autorité centrale cantonale est l'autorité désignée en vertu de l'art. 316, al. 1bis, P CC pour délivrer les autorisations de placement (art. 3, al. 1, P LF-CLaH). Le projet envisage donc de concentrer la compétence, dans les cantons, auprès d'une seule autorité cantonale (cf. infra ch. 231.2).

L'Autorité centrale cantonale est chargée de toutes les tâches liées
à l'adoption internationale qui ne sont pas expressément réservées à l'Autorité centrale fédérale.

Elle doit en particulier déterminer si les parents adoptifs sont qualifiés et aptes à adopter (art. 3, al. 2, let. a, P LF-CLaH; cf. art. 15, al. 1, CLaH). Elle peut déléguer cette tâche à un intermédiaire en vue de l'adoption ou se fonder sur un rapport établi par un intermédiaire (art. 7, al. 2, ordonnance), mais elle demeure en tout cas responsable de l'enquête. Si un enfant résidant habituellement en Suisse devait être placé en vue de son adoption dans un Etat partie à la convention, il appartiendrait de la même manière à l'Autorité centrale cantonale d'établir le rapport social concernant l'enfant (art. 13, al. 1, P LF-CLaH; art. 16, al. 1, CLaH). Elle est également compétente pour fournir les autres informations relatives aux parents et à l'enfant (art. 9, let. a, et 20, CLaH).

En outre, l'Autorité centrale cantonale décide de la poursuite de la procédure (art. 3, al. 2, let. b, P LF-CLaH; art. 17, let. c, CLaH). Il appartient aussi à cette autorité de prendre les mesures requises en vue d'assurer le retour de l'enfant dans son Etat d'origine lorsque l'adoption n'a pas eu lieu en Suisse (art. 3, al. 2, let. c, P LFCLaH; cf. art. 21 CLaH). A défaut de cette disposition, c'est le tuteur ou l'autorité tutélaire compétente qui aurait le pouvoir de prendre la décision de retour. Toutefois, cette décision touche à des points fondamentaux de la politique d'adoption et il

5156

est donc judicieux qu'elle soit prise par l'autorité qui s'occupe principalement de la matière. Lorsqu'une adoption est prononcée en Suisse, l'Autorité centrale cantonale délivre le certificat prévu à l'art. 23 CLaH, certificat dont dépend la reconnaissance de l'adoption dans l'Etat d'origine de l'enfant et dans les autres Etats parties à la convention (art. 3, al. 2, let. d, P LF-CLaH).

222.2

Délégation de tâches à des intermédiaires exerçant leur activité dans le domaine de l'adoption

En Suisse, c'est l'Etat qui assume depuis de longues années la responsabilité des décisions déterminantes dans le domaine du droit de la filiation en général et du droit de l'adoption en particulier. Les intermédiaires peuvent certes participer à la préparation de la décision de placement et d'adoption86 (cf. art. 7, al. 2, ordonnance et art. 268a CC) et depuis de nombreuses années ils rendent de précieux services dans ce domaine. Toutefois, seules les autorités de surveillance en matière de placement et les autorités compétentes en matière d'adoption répondent de ces décisions. Il n'est pas prévu de modifier ce système ­ malgré les critiques formulées à cet égard par les organisations directement intéressées87 ­, même si la Convention de La Haye sur l'adoption prévoit en soi un système très souple de délégation de tâches.

Une autre raison milite contre une délégation formelle aux intermédiaires des tâches conférées aux Autorités centrales par la Convention de La Haye: jusqu'à nouvel ordre, leurs capacités restreintes ne leur permettraient pas de s'occuper de toutes les adoptions internationales à prononcer en Suisse88. La plupart des intermédiaires se sont spécialisés89 dans les adoptions avec un ou quelques pays seulement et n'ont, de ce fait, d'autorisation cantonale que pour lesdits pays. Les intermédiaires exerçant aujourd'hui une activité en Suisse sont donc loin de pouvoir étendre leur activité à tous les Etats d'origine potentiels. Il convient en outre de relever que les différents intermédiaires ne disposent pas d'une structure uniforme ni de principes directeurs communs et qu'ils ont des vues divergentes sur la manière de concevoir leur rôle. Vu leurs ressources limitées, certains intermédiaires se concentrent sur les activités à l'étranger et abandonnent aux autorités en matière de placement le soin de choisir les parents adoptifs. D'autres mettent en revanche l'accent sur la préparation des parents adoptifs. Dans ce contexte, les Autorités centrales cantonales se verraient, pour une période transitoire tout au moins, toujours sollicitées à titre subsidiaire, ce qui conduirait immanquablement à des empiètements de compétence. Par ailleurs, il y a lieu de s'attendre à ce que certains Etats contractants s'opposent à une

86

87

88 89

Cf. Circulaire du Conseil fédéral aux autorités de surveillance concernant le placement d'enfants et l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption, du 21 décembre 1988, FF 1989 I 13.

Procédure de consultation (v. note 40), p. 9 et 20 ss; cf. aussi C.Hegnauer (v. note 34), p. 192, qui veut toutefois aussi soumettre l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption à une surveillance fédérale.

On estime qu'en Suisse environ 90 % de toutes les adoptions internationales sont réalisées avec le concours de particuliers, cf. I. Ceschi (v. note 1), p. 181.

Selon la liste des intermédiaires agréés seuls trois d'entre eux entretiennent des relations avec plus de trois Etats, onze intermédiaires n'étaient compétents que pour un Etat. En tout, le 10 mai 1999 il y avait 19 intermédiaires agréés.

5157

délégation de compétences à des organismes agréés ou privés (art. 12, CLaH); dans les rapports avec ces Etats il faudrait donc que des organes étatiques assument à nouveau les tâches qui avaient été déléguées à des intermédiaires.

La délégation de tâches publiques à des intermédiaires modifierait en outre sensiblement leur travail. Alors qu'aujourd'hui ils peuvent déterminer librement quelles sont les conditions dans lesquelles ils veulent offrir leurs services aux personnes désireuses d'adopter un enfant, ils devraient à l'avenir être disponibles pour toutes les personnes intéressées. Ils auraient en outre à fournir la garantie que l'enquête portant sur l'aptitude à adopter de ces personnes serait menée dans le respect du principe de l'égalité des droits. La procédure et les décisions des intermédiaires devraient pouvoir faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

Enfin, il convient de signaler que, si l'on a estimé jusqu'à présent qu'il fallait obligatoirement recourir à des intermédiaires agréés, c'était surtout parce que les adoptions indépendantes recèlent un grand risque d'abus90. En créant des structures interétatiques qui garantissent aussi la surveillance et le contrôle de toutes les adoptions, on diminue en revanche fortement ce risque.

Le transfert de tâches publiques à des organisations privées étrangères doit également inciter à une certaine circonspection. C'est pourquoi il est proposé de faire la déclaration prévue à l'art. 22, al. 4, CLaH lors de la ratification de la convention.

L'adoption d'enfants résidant habituellement en Suisse ne pourra donc avoir lieu que si les fonctions conférées aux Autorités centrales sont exercées par des services publics ou des organismes agréés.

Les tâches caractéristiques des intermédiaires subsisteront après la ratification de la CLaH. Selon l'art. 2 de l'ordonnance du 28 mars 1973 sur l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption (RS 211.221.36), l'activité d'intermédiaire consiste à signaler qu'il existe une occasion d'adopter ou de faire adopter un enfant mineur. Ce service continue à être d'une grande utilité pour les candidats à l'adoption. On ne peut en effet pas attendre des Autorités centrales de l'Etat d'origine de l'enfant qu'elles exercent l'activité d'un intermédiaire et cherchent des enfants pour ceux qui désirent en adopter. En outre,
les intermédiaires peuvent être chargés par les futurs parents adoptifs d'établir les dossiers et de préparer les requêtes à présenter aux autorités.

L'art. 5, al. 2, P LF-CLaH se réfère expressément à ces tâches.

223

Procédure (art. 4 à 13 P LF-CLaH)

223.1

Ouverture de la procédure et procédure de placement (art. 4 P LF-CLaH)

Conformément à l'art. 14 CLaH, la procédure conventionnelle est introduite par une requête, qui doit être adressée à l'Autorité centrale de l'Etat d'accueil. Pour le cas où les futurs parents adoptifs résident habituellement en Suisse, l'art. 4, al. 1, P LFCLaH précise cette disposition en spécifiant qu'il s'agit d'une requête tendant à la délivrance d'une autorisation provisoire de placement au sens de l'art. 8a de l'ordonnance. Cette disposition fait le lien entre la procédure conventionnelle de placement de l'enfant et la procédure interne en la matière et permet ainsi de coordonner les adoptions internationales conventionnelles et non conventionnelles.

90

Cf. I. Ceschi (v. note 1), p. 192 ss.

5158

L'autorité compétente à raison du lieu et de la matière est l'Autorité centrale du canton de domicile des requérants (cf. art. 316, al. 1, CC pour la compétence à raison du lieu).

223.2

Rapports sociaux relatifs aux parents et à l'enfant

De même que dans une procédure purement interne, l'autorisation est délivrée sur la base d'une enquête (art. 7, al. 1, ordonnance), qui doit dans tous les cas être faite par un spécialiste du travail social (art. 7, al. 2, ordonnance). Il est également possible de confier l'enquête à un office de placement reconnu (art. 5, al. 2, P LF-CLaH; art.

7, al. 2, ordonnance).

L'aptitude des parents à accueillir un enfant doit être déterminée sur la base des art.

5 et 6 de l'ordonnance. Selon ces dispositions, les parents nourriciers qui désirent accueillir un enfant de nationalité étrangère en vue de son adoption doivent être prêts à l'accepter avec ses particularités et à lui apprendre à connaître son pays d'origine (art. 6, al. 1, ordonnance). En outre, les parents nourriciers doivent satisfaire à certaines exigences générales relatives à leur personnalité, leur santé et leurs aptitudes éducatives (art. 5 ordonnance). En revanche, dans le cadre de la procédure conventionnelle ils n'ont pas l'obligation de produire les documents requis à l'art. 6, al. 2, de l'ordonnance; c'est l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de l'enfant qui doit les produire.

Les art. 5 et 6 de l'ordonnance doivent être lus en relation avec l'art. 15, al. 1, CLaH, qui précise quel doit être le contenu du rapport social sur les parents. Celui-ci doit contenir des renseignements sur l'identité des requérants, leur capacité légale et leur aptitude à adopter, leur situation personnelle, familiale, sociale et médicale ainsi que sur les motifs qui les animent. De plus, le rapport doit se prononcer sur la capacité des requérants d'assumer les tâches découlant d'une adoption internationale. Il doit enfin indiquer quels sont les souhaits des parents par rapport à l'enfant, en ce qui concerne par exemple son âge ou son appartenance religieuse.

Lorsque le rapport social est favorable, l'autorisation provisoire peut être accordée (art. 4, al. 1, P LF-CLaH; art. 8a ordonnance). Le rapport et l'autorisation, ainsi que les traductions nécessaires (art. 34 CLaH), constituent le dossier sur les parents (art. 5, al. 1, P LF-CLaH). Ce dossier est transmis à l'Autorité centrale fédérale, qui vérifie s'il est complet sur le plan formel. Elle examine également s'il satisfait aux conditions prévues à l'art. 15, al. 1, CLaH, le contrôle se limitant
aux questions formelles. L'Autorité centrale fédérale ne peut pas renvoyer le rapport pour des motifs de fond, par exemple parce que, à la différence de l'autorité cantonale, elle porte un jugement négatif sur l'aptitude des parents nourriciers. Enfin, l'Autorité centrale fédérale transmet les documents nécessaires à l'Autorité centrale de l'Etat indiqué par les futurs parents adoptifs (art. 5, al. 2, P LF-CLaH). Cet Etat examine ensuite si un enfant lui paraît remplir les exigences en vue d'un placement auprès des futurs parents adoptifs, il établit un rapport social selon les prescriptions de son droit et réunit les documents nécessaires. Lorsque le dossier de l'enfant est complet, il est de nouveau transmis à l'Autorité centrale cantonale par l'intermédiaire de l'Autorité centrale fédérale.

5159

223.3

La procédure de «matching» (art. 7 à 9 P LF-CLaH)

A ce stade, la procédure prévue par la Convention de La Haye sur l'adoption entre dans la phase de la décision de «matching», qui, si elle est positive, rend possible la prise en charge de l'enfant par les parents nourriciers. L'Autorité centrale cantonale doit en premier lieu se procurer les déclarations écrites des futurs parents adoptifs selon lesquelles ils acceptent d'accueillir l'enfant en question (17, let. a, CLaH; art.

6 P LF-CLaH). Lorsque ces déclarations sont en sa possession, l'Autorité centrale décide de la poursuite de la procédure (art. 17, let. b et c, CLaH; art. 7, al. 1, P LFCLaH). Cette décision de «matching»91, est fondamentale, car, dans le cas des adoptions prononcées à l'étranger, mais en fait également dans celui des adoptions internes, elle détermine la suite de la procédure d'adoption. Les conditions dans lesquelles l'Autorité centrale accepte la poursuite de la procédure sont décrites aux art. 8 et 9 P LF-CLaH. Elles sont différentes selon que l'adoption est prononcée dans l'Etat d'origine de l'enfant ou en Suisse.

223.31

Adoption prononcée en Suisse (art. 8, al. 1, P LF-CLaH)

Lorsque l'adoption a lieu en Suisse, la procédure peut se poursuivre dans les conditions prévues à l'art. 8, al. 1, P LF-CLaH. Les parents nourriciers doivent être en possession d'une autorisation définitive d'accueillir l'enfant (art. 8 ordonnance). De plus, les offices des étrangers doivent avoir accordé le visa ou assuré l'octroi de l'autorisation de séjour (art. 8, al. 1, let. b, P LF-CLaH), dès lors que l'enfant entre en Suisse en tant qu'enfant placé auprès de parents nourriciers et n'acquerra la nationalité suisse qu'une fois l'adoption prononcée dans notre pays. Les mêmes conditions doivent être remplies lorsque l'adoption est prononcée dans l'Etat d'origine, mais seulement après que l'enfant a été accueilli en Suisse (art. 8, al. 3, P LF-CLaH).

L'art. 8 de l'ordonnance assure le parallélisme entre la procédure conventionnelle et les procédures non conventionnelles ou strictement internes. Ce sont également les art. 5 et 6 de l'ordonnance, déjà déterminants en matière d'autorisation provisoire, qui établissent les critères de délivrance de l'autorisation définitive d'accueillir un enfant. Il faudra éventuellement aussi examiner l'aptitude des futurs parents adoptifs à accueillir l'enfant en question, qui n'est, en règle générale, connu qu'à ce moment.

223.32

Adoption prononcée dans l'Etat d'origine (art. 8, al. 2, art. 9, P LF-CLaH)

Si l'Etat d'origine se déclare compétent pour prononcer l'adoption, les conditions d'approbation de la poursuite de la procédure sont prévues aux art. 8, al. 2, et 9, P LF-CLaH. La procédure doit être poursuivie lorsque l'Autorité centrale cantonale approuve l'adoption dans l'Etat d'origine (art. 8, al. 2, let. a, P LF-CLaH) et que l'office des étrangers délivre le visa ou assure l'octroi de l'autorisation de séjour (art. 8, al. 2., let. b, P LF-CLaH). L'autorisation de séjour ou le visa ne sont pas nécessaires lorsque l'adoption prononcée à l'étranger confère la nationalité suisse, c'est-à-dire lorsque l'enfant est adopté par des citoyens suisses et qu'il s'agit d'une 91

5160

Cf. p. ex. N. Meyer-Fabre (v. note 16), p. 281.

adoption plénière. En son lieu et place, l'Autorité centrale fédérale établit alors un document spécial qui autorise l'enfant à entrer en Suisse (art. 10 P LF-CLaH).

La nouvelle institution de l'approbation de l'adoption prononcée dans l'Etat d'origine est réglée à l'art. 9 P LF-CLaH. Selon cette disposition, l'adoption doit être approuvée lorsque les conditions des art. 264 ss CC sont remplies. Cette réglementation trouve sa justification dans le but poursuivi, qui est de traiter autant que possible de la même manière les différentes catégories d'adoptions ­ qu'elles soient nationales ou internationales ­ et, dans ce dernier cas, qu'elles impliquent un Etat partie à la convention ou non. En outre, il faut éviter de rendre plus difficiles les adoptions prononcées dans les Etats parties à la convention, lesquelles donnent de meilleures garanties de fiabilité et de collaboration avec l'Etat d'origine que celles émanant d'Etats tiers. Enfin, il faut tenir compte du fait que lorsqu'une autorité suisse a approuvé la poursuite de la procédure d'adoption, elle devra reconnaître l'adoption prononcée dans l'Etat d'origine de l'enfant. La décision de poursuivre la procédure a par conséquent un caractère définitif, pour autant que l'adoption soit prononcée dans l'Etat d'origine.

L'adoption dans l'Etat d'origine doit en particulier être approuvée lorsque les circonstances permettent de prévoir que la création d'un lien de filiation servira au bien de l'enfant sans porter une atteinte inéquitable à la situation d'autres enfants des parents adoptifs (art. 264 CC). La différence d'âge (art. 265, al. 1, CC), l'âge minimal des parents adoptifs et, en cas d'adoption conjointe, la durée minimale du mariage (art. 264a CC) doivent également être respectés. En revanche, il est naturel que le respect de la période probatoire prévue à l'art. 264 CC ne puisse pas être exigé. La convention pose des exigences minimales quant aux consentements requis de l'enfant et des parents biologiques (art. 4, let. c et d, CLaH). Pour le reste, les conditions et les modalités des consentements sont régies par le droit applicable à l'adoption. Ce droit détermine en particulier qui doit consentir92 et en quelle forme le consentement doit être donné, la forme écrite étant une condition minimale (art. 4, let. c, ch. 2, CLaH). Si l'adoption
est prononcée en Suisse, ce sont les conditions du droit suisse qui s'appliquent (art. 77, al. 1, LDIP). Lorsque l'enfant est déclaré adoptable immédiatement après la naissance, le consentement ne peut être donné qu'après la naissance (art. 4, let. c, ch. 4, CLaH), et cela au plus tôt six semaines à compter de celle-ci (art. 265b CC). L'Autorité centrale cantonale doit s'assurer que les consentements requis ont été donnés (art. 9, al. 1, let. d, P LF-CLaH).

Lorsque l'Etat d'origine de l'enfant prononce l'adoption sans qu'elle soit précédée d'une période probatoire, l'Autorité centrale cantonale n'approuve la poursuite de la procédure que si les parents rencontrent l'enfant avant l'adoption conformément à l'art. 9, al. 2, P LF-CLaH. On veut éviter ainsi que les parents ne prennent une décision qui les engagera leur vie durant, sans avoir jamais vu l'enfant auparavant.

Lorsque l'Autorité centrale a approuvé la poursuite de la procédure, l'Autorité centrale de l'Etat d'origine peut prendre la décision de confier l'enfant à ses futurs parents adoptifs. Il est alors possible de clore la procédure, c'est-à-dire d'autoriser l'entrée de l'enfant en Suisse, avant ou après l'aboutissement de l'adoption.

92

Selon l'art. 4, let. d, CLaH, il appartient aux autorités de l'Etat d'origine de s'assurer que l'enfant a donné son consentement. La question de savoir si le consentement de l'enfant est nécessaire est régie par le droit applicable par les autorités de l'Etat d'origine; cf. G. Parra-Aranguren (v. note 33), ch. marg. 162.

5161

223.4

Entrée de l'enfant en Suisse (art. 10 P LF-CLaH)

S'agissant des dispositions sur l'entrée et le séjour de l'enfant, il convient également de distinguer selon que l'adoption est prononcée en Suisse ou a déjà eu lieu dans l'Etat d'origine. S'il s'agit d'une adoption interne, l'enfant entre en Suisse comme ressortissant étranger; il n'acquerra la nationalité suisse qu'après avoir été adopté au terme de la période probatoire. Il faudra dans tous les cas requérir un visa ou une autorisation de séjour avant la décision de «matching» (art. 8, al. 1, let. b, P LFCLaH). Les offices des étrangers sont compétents.

En revanche, si l'adoption est prononcée dans l'Etat d'origine de l'enfant, il entre en Suisse comme enfant adopté. Lorsqu'il s'agit d'une adoption plénière par des adoptants suisses, la reconnaissance en Suisse de l'adoption étrangère entraîne l'acquisition par l'enfant de la nationalité suisse. Pour la période allant jusqu'à la délivrance d'un passeport suisse, l'art. 10 P LF-CLaH prévoit que l'Autorité centrale fédérale établira un document autorisant l'enfant à entrer en Suisse. Ce document, généralement intitulé «laissez-passer», est délivré aux parents avant qu'ils n'aillent chercher l'enfant. Par contre, lorsqu'il s'agit d'une adoption simple, l'enfant n'acquiert pas la nationalité suisse. Dans ce cas, il convient par conséquent de respecter les règles générales sur l'entrée et le séjour (art. 8, al. 2, let. b, P LFCLaH).

223.5

Fin de la procédure d'adoption

La procédure régie par la CLaH se termine par l'adoption. Cette dernière phase se déroule aussi différemment selon que l'adoption est prononcée dans l'Etat d'origine ou en Suisse.

Si l'Etat d'origine se déclare compétent pour l'adoption, c'est le droit international privé de cet Etat qui détermine le droit applicable et la procédure à suivre. En revanche, si l'adoption est prononcée en Suisse, les conditions de l'adoption sont soumises au droit suisse (art. 77, al. 1, LDIP). L'enfant entre alors en Suisse en tant qu'enfant placé chez les futurs parents adoptifs jusqu'au terme de la période probatoire d'une année prévue à l'art. 264 P CC. Un tuteur doit être désigné pour la durée de la période probatoire (art. 14 P LF-CLaH). Au terme de cette période, les futurs parents adoptifs peuvent déposer une requête d'adoption. Si les conditions des art.

264 ss CC sont remplies, en particulier lorsque la période probatoire a été positive, l'autorité compétente en matière d'adoption prononce l'adoption. La convention et la loi ne touchent en aucune manière à la procédure (quant à la reconnaissance de l'adoption suisse dans les autres Etats parties à la convention, cf. ch. 215).

223.6

Placement d'un enfant à l'étranger (art. 13 P LF-CLaH)

La loi se fonde sur l'idée que la Suisse sera un Etat d'accueil et ne jouera le rôle d'Etat d'origine que dans des cas exceptionnels: sa systématique correspond au cas ordinaire. On ne peut toutefois pas exclure qu'un enfant résidant habituellement en Suisse soit placé dans un autre Etat partie à la convention en vue d'y être adopté.

L'art. 13 P LF-CLaH énonce les règles essentielles applicables à ce type de situations, à vrai dire rares. C'est l'Autorité centrale cantonale qui est chargée d'établir le

5162

rapport social relatif à l'enfant (art. 13, al. 1, P LF-CLaH), qui doit s'assurer que les futurs parents adoptifs acceptent d'accueillir l'enfant en question (art. 13, al. 2, P LF-CLaH) et qui prend la décision relative à la poursuite de la procédure (art. 13, al.

3, P LF-CLaH). Au demeurant, on peut estimer que les dispositions procédurales prévues la loi sont applicables par analogie.

223.7

Reconnaissance et conversion d'adoptions étrangères

C'est l'autorité cantonale de surveillance en matière d'état civil qui est compétente pour se prononcer sur la reconnaissance en Suisse d'une adoption prononcée à l'étranger sur la base de la convention (art. 32, al. 1, LDIP). Toutefois, les conditions de la reconnaissance sont régies non par les art. 32, al. 2, et 25 à 27, LDIP, mais par l'art. 23 CLaH (art. 1, al. 2, LDIP).

Comme nous l'avons dit plus haut (cf. ch. 216), les adoptions simples prononcées à l'étranger ne sont reconnues en Suisse qu'avec leurs effets limités. L'enfant n'acquiert notamment pas la nationalité de ses parents adoptifs suisses. En règle générale, les adoptions plénières, qui donnent naissance à des rapports sans équivoques et mettent un terme aux relations juridiques avec la famille biologique, sont cependant souhaitables, car elles tiennent mieux compte de l'intérêt de l'enfant.

C'est la raison pour laquelle les parents adoptifs ont la possibilité de déposer une requête d'adoption conformément aux art. 264 ss CC, une année après l'accueil de l'enfant, pour autant que les conditions de la convention soient réalisées (cf. ch.

217). Dans ce contexte, les résultats des enquêtes menées dans le cadre de la procédure régie par la Convention de La Haye doivent naturellement aussi être pris en compte, de manière à ce que l'adoption suisse puisse être réalisée facilement, pour autant que le rapport du curateur soit favorable (cf. ch. 224.2). Le projet renonce donc à créer une nouvelle institution pour la conversion des adoptions simples en adoptions plénières.

223.8

Autres dispositions

223.81

Obligation d'informer (art. 14 P LF-CLaH)

Conformément à l'art. 14 P LF-CLaH, les autorités cantonales compétentes (en particulier l'Autorité centrale, l'autorité d'adoption, les autorités tutélaires) informent, sur demande, l'Autorité centrale fédérale des procédures qu'elles poursuivent en application de la convention. Cette prescription reprend l'art. 9, let. e, CLaH, qui dispose que les Autorités centrales prennent toutes mesures appropriées pour répondre aux demandes motivées d'informations sur une situation particulière d'adoption formulées par des autorités étrangères.

223.82

Emoluments (art. 15 P LF-CLaH)

En règle générale, les adoptions internationales entraînent des frais considérables.

C'est également le cas des adoptions prononcées conformément à la Convention de La Haye. En raison de la structure prévue par le projet pour la mise en oeuvre de la convention en Suisse, une adoption conventionnelle engendrera des frais tant au 5163

niveau fédéral que cantonal. La charge principale en incombera aux cantons, car ce sont surtout leurs Autorités centrales qui seront responsables de la procédure et en particulier de la réalisation de l'enquête sociale relative aux parents adoptifs. Il va de soi que les futurs parents adoptifs devront supporter ces frais, qu'ils ont eux-mêmes suscités. L'art. 15 P LF-CLaH constitue la base légale nécessaire pour la perception d'émoluments par l'Autorité centrale fédérale pour les services rendus; les détails seront réglés dans le tarif des émoluments (art. 15, al. 3, P LF-CLaH). Il sera également possible de requérir une avance de frais (art. 15, al. 2, P LF-CLaH). Pour les coûts occasionnés au niveau cantonal, c'est le droit cantonal qui est déterminant.

223.83

Voies de recours (art. 16 P LF-CLaH)

L'art. 16 AP LF-CLaH règle les voies de droit. Conformément à l'al. 1, les décisions prises en dernière instance par les Autorités centrales cantonales peuvent faire l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. La même voie de recours est ouverte, en vertu de l'art. 27 de l'ordonnance, lorsqu'une autorisation provisoire ou définitive d'accueillir un enfant est refusée. La décision concernant l'approbation de l'adoption à l'étranger peut également faire l'objet en dernière instance d'un recours de droit administratif. Les adoptions internes doivent être attaquées non pas par la voie du recours de droit administratif, mais par celle du recours en réforme au Tribunal fédéral (art. 44 de la Loi fédérale d'organisation judiciaire, OJ; RS 173.110).

Toutefois, aux fins de faciliter la mise en oeuvre de la convention et d'en assurer l'application uniforme, il convient de ne prévoir qu'une seule voie de droit pour son exécution. La procédure cantonale est réglée par les cantons conformément à l'art.

98a OJ.

L'art. 16 P LF-CLaH ne vise nullement à renforcer la protection juridique offerte par le Tribunal fédéral. Par rapport au droit actuel, il n'est dès lors créé de nouvel objet de recours que dans un seul cas, à savoir en cas de refus d'autoriser la poursuite de la procédure (art. 7 P LF-CLaH). Un recours contre une décision de «matching» négative n'entre dès lors en ligne de compte que si toutes les autorisations préalables ont été délivrées et que seule la poursuite de la procédure n'a pas été approuvée. Un tel cas pourrait par exemple se produire s'il y avait des doutes impossibles à dissiper sur la manière dont la procédure s'est déroulée à l'étranger. Dans cette hypothèse, le besoin de protection est comparable à celui qui existe en cas de refus d'autoriser le placement.

L'art. 16 P LF-CLaH ne se réfère pas à la protection juridique quant aux autorisations requises par la procédure en matière de droit des étrangers ni aux mesures de protection de l'enfant prévues par le chapitre 3.

Selon l'art. 16, al. 2, P LF-CLaH, l'Autorité centrale fédérale a qualité pour utiliser les voies de recours du droit cantonal et fédéral contre les décisions des Autorités centrales cantonales.

5164

224

Mesures de protection de l'enfant en cas d'adoption internationale (art. 17 à 20 P LF-CLaH)

224.1

Introduction

Le chapitre 3 contient toute une série de dispositions visant à améliorer la protection de l'enfant en cas d'adoption internationale. Selon l'art. 17 P LF-CLaH, il convient d'instituer une curatelle lorsque l'enfant a été adopté avant son déplacement vers la Suisse et que l'adoption peut y être reconnue. Par contre, lorsque l'enfant est adopté en Suisse ou que l'adoption étrangère ne peut pas y être reconnue, il y a lieu de nommer un tuteur (art. 18 P LF-CLaH). L'art. 19 P LF-CLaH prévoit que l'enfant doit être placé dans une famille nourricière appropriée lorsqu'il a été accueilli en vue de son adoption sans que les autorisations requises n'aient été délivrées. Enfin, aux termes de l'art. 20 P LF-CLaH, les personnes qui accueillent en Suisse un enfant en vue de son adoption ont une obligation légale d'entretien.

La manière dont ces dispositions sont formulées dans le projet permet d'ordonner les mesures de protection, que l'enfant soit ou non originaire d'un Etat contractant.

A l'inverse du deuxième chapitre, le champ d'application personnel et matériel du troisième chapitre englobe donc tous les cas. On tient compte ainsi d'une critique faite lors de la procédure de consultation.

224.2

Curateur en cas d'adoption (art. 17 P LF-CLaH)

La reconnaissance d'adoptions prononcées à l'étranger sans période probatoire préalable ou après une période préalable de quelques jours seulement a pour conséquence que sur le plan juridique les parents adoptifs sont considérés dès le début comme les parents de l'enfant et en tant que tels investis de la responsabilité parentale, sans que leurs aptitudes éducatives n'aient vraiment été mises à l'épreuve.

L'adoption n'est pas suivie dans les premiers temps par une autorité de surveillance en matière de placement ni par un tuteur, comme c'est le cas en droit suisse lors de la période probatoire. Si des difficultés surgissent, une longue période peut s'écouler, surtout dans les villes, avant que les autorités n'en soient informées. Cette situation n'offre pas une protection suffisante à l'enfant93.

C'est pourquoi l'art. 17, al. 1, P LF-CLaH prévoit que, dès l'arrivée de l'enfant en Suisse, l'autorité tutélaire lui nomme un curateur, à condition que l'enfant ait été adopté avant son déplacement vers la Suisse et s'il est à prévoir que l'adoption pourra y être reconnue. Ainsi, cette mesure de protection s'applique tant dans le cas des adoptions prononcées conformément à la Convention de La Haye que dans celui des adoptions non conventionnelles si, pour ces dernières, les conditions de l'art. 78 LDIP sont remplies. Pour permettre la mise en oeuvre de ladite mesure, les parents adoptifs doivent annoncer sans délai l'arrivée de l'enfant (art. 11 P LF-CLaH).

Selon l'art. 8b, al. 4, de l'ordonnance, les parents doivent aussi s'acquitter de cette obligation lorsque l'enfant vient d'un Etat non contractant. De plus, l'Autorité centrale cantonale doit informer l'autorité tutélaire du placement prévu lors de la décision de «matching» déjà (art. 7, al. 3, P LF-CLaH).

93

Cf. aussi C. Hegnauer (v. note 34), p. 195 ss.

5165

L'art. 17, al. 2, P LF-CLaH se fonde sur l'art. 308, al. 1, CC pour définir les attributions du curateur. Celui-ci assiste les parents adoptifs de ses conseils et de son appui dans le soin de l'enfant. En cas d'adoption simple, il doit examiner avec les parents adoptifs la possibilité de la «valoriser» en la transformant en adoption plénière et les aider à requérir l'ouverture de la procédure adéquate à cette fin (cf. ch. 217). On peut aussi charger le curateur des rapports, lorsque l'Etat d'origine de l'enfant souhaite être informé régulièrement de la manière dont se déroule la période probatoire94.

Le curateur doit établir, à l'intention de l'autorité tutélaire, un rapport sur le développement du lien d'adoption aussitôt que des difficultés sérieuses surgissent, mais au plus tard après une année. Cela permet de garantir que les autorités tutélaires ordonneront, si nécessaire, les mesures de protection de l'enfant prévues aux art.

307 ss CC. Si les problèmes ne peuvent être résolus autrement, l'enfant devra être placé ailleurs conformément à l'art. 310 CC. Le placement de l'enfant dans une autre famille en vue d'une nouvelle adoption requiert toutefois le consentement des parents adoptifs (art. 265a, al. 1, CC), puisqu'ils doivent déjà être considérés comme les parents au sens du droit de la filiation. Dans l'intérêt de l'enfant, le projet renonce toutefois à prévoir à l'art. 265c CC un nouveau motif de dispense du consentement des parents adoptifs et part de l'idée qu'en cas de difficultés sérieuses ceuxci accepteront qu'il soit placé dans une nouvelle famille.

La curatelle prend fin de plein droit au plus tard après 18 mois, sous réserve, bien entendu, des mesures de protection de l'enfant prévues par les art. 307 ss CC (art. 17, al. 4, P LF-CLaH). Ce délai permet de s'assurer que l'enfant sera suivi par une tierce personne presque aussi longtemps que si l'adoption était prononcée en Suisse. Il permet aussi d'éviter une inégalité de traitement flagrante selon que l'Etat d'origine revendique ou non la compétence de ses propres autorités pour réaliser l'adoption. Le délai de 18 mois commence à courir dès la communication de l'arrivée de l'enfant (art. 11 P LF-CLaH; art. 8b, al. 4, ordonnance). On évite ainsi que les parents oublieux de leurs devoirs ne puissent en pratique raccourcir la durée
de la mesure par une communication tardive. En même temps, on s'assure que, si les autorités compétentes tardent à nommer le curateur, les parents n'auront pas à en subir les conséquences. A défaut de communication de l'arrivée de l'enfant, le délai commence à courir dès que le curateur a été désigné.

L'institution et la fin de la curatelle pourront, comme dans les autres cas de curatelle, faire l'objet d'un recours en réforme au Tribunal fédéral (cf. ch. 232).

224.3

Tutelle en cas d'adoption après le déplacement (art. 18 P LF-CLaH)

L'art. 18 P LF-CLaH garantit qu'un tuteur sera désigné à l'enfant, lorsque celui-ci entre en Suisse en tant qu'enfant placé et n'est adopté qu'ultérieurement ou si l'adoption étrangère ne peut pas être reconnue en Suisse. Il n'est pas nécessaire de prévoir une procédure particulière de retrait de l'autorité parentale (art. 311 ss CC).

Il s'agit en réalité bien plus d'une situation dans laquelle l'autorité parentale ne peut, en fait, plus être exercée. Ce cas doit donc être traité par analogie avec l'art. 368 CC.

Le recours à l'autorité tutélaire est possible selon l'art. 420 CC.

94

5166

C'est notamment le cas de l'Inde; cf. E.D. Jaffe (v. note 20), p. 33.

224.4

(art. 19 P LF-CLaH)

Il y a malheureusement toujours des cas dans lesquels des personnes désireuses d'adopter un enfant se soustraient à la procédure étatique et ne requièrent une autorisation que lorsque l'enfant est déjà en Suisse. Cette pratique ne doit pas être tolérée, car elle est incompatible avec l'intérêt de l'enfant et viole au surplus les obligations découlant de la convention. Celui qui refuse de se soumettre à une procédure préparatoire sérieuse doit être considéré comme inapte à adopter un enfant.

C'est pourquoi l'art. 19 du projet prévoit que l'autorité de surveillance en matière de placement (c'est-à-dire l'Autorité centrale cantonale; cf. art. 3, al. 1, P LF CLaH), doit placer sans délai dans une famille appropriée les enfants accueillis en vue de leur adoption sans que les conditions requises pour leur entrée en Suisse ne soient remplies. Ces conditions reposent sur une base légale différente selon que l'enfant, avant son déplacement, a résidé habituellement dans un Etat partie à la Convention de La Haye ou dans un Etat non contractant. Lorsque l'enfant est originaire d'un Etat contractant, les autorisations requises à l'art. 17 CLaH et à l'art. 8 LF-CLaH doivent avoir été accordées. Si l'enfant déplacé vers la Suisse est originaire d'un Etat non contractant, les autorisations prévues à l'art. 8b, al. 3, de l'ordonnance doivent avoir été délivrées en plus de l'autorisation provisoire de placement (art. 8a ordonnance).

Lorsque ces autorisations font défaut, l'enfant doit en principe être placé immédiatement dans une famille nourricière appropriée ou une institution. Il convient toutefois de souligner que la disposition est formulée de manière souple et que l'intérêt supérieur de l'enfant est toujours le critère déterminant. C'est pourquoi des personnes ayant accueilli un enfant sans y être autorisées pourront exceptionnellement être considérées comme une famille appropriée au sens de l'art. 19, al. 1, P LF-CLaH95.

Il est vrai qu'une telle solution ne peut être admise que dans des circonstances tout à fait spéciales, en particulier lorsque l'enfant vit depuis assez longtemps auprès de ces personnes et qu'un nouveau placement ne serait donc pas conforme à son intérêt.

En règle générale, il convient néanmoins de retirer immédiatement l'enfant96. Celui qui n'observe pas la procédure prévue par la
convention, la loi et l'ordonnance réglant le placement d'enfants doit s'attendre à ne pas atteindre son but et à ne pas pouvoir adopter un enfant.

Lorsque l'enfant doit être placé dans une nouvelle famille l'autorité de surveillance en matière de placement doit prendre la décision de renvoyer l'enfant dans son pays d'origine (art. 19, al. 3, 1re phrase, P LF-CLaH). Le retour ne sera toutefois envisagé qu'exceptionnellement et s'imposera notamment lorsque l'enfant a été enlevé à ses parents biologiques. Lorsque l'enfant est originaire d'un Etat contractant, il conviendra de prendre la décision ­ comme pour les autres mesures requises ­ en consultation avec l'Etat d'origine de l'enfant (cf. art. 21 CLaH). Lorsque l'enfant reste

95

96

Cette possibilité a échappé à de nombreux participants à la consultation, qui refusaient d'admettre que l'enfant soit automatiquement placé dans une nouvelle famille, cf.

procédure de consultation (v. note 40), p. 13.

La nécessité d'agir rapidement découle aussi de la considération suivante: il n'est pas exclu qu'un rapport nourricier purement factuel puisse aussi bénéficier de la protection de l'art. 8 CEDH; cf. à ce sujet Tribunal fédéral (2e Cour civile), arrêt (non publié) du 20 janvier 1993 ainsi que M. Jametti Greiner, Adoption in der Schweiz, Überblick über die Rechtsprechung, Adoption und UNO-Konvention über die Rechte des Kindes, RDT, 1994, p. 52 à 72, p. 60 ss.

5167

en Suisse, les autorités tutélaires prennent les mesures de protection de l'enfant nécessaires (art. 19, al. 3, 2e phrase, P LF-CLaH; cf. art. 315 CC).

Aux termes de l'art. 19, al. 2, P LF-CLaH, un recours contre la décision de placer l'enfant ailleurs n'a pas d'effet suspensif. C'est surtout dans le cas d'enfants assez jeunes qu'il est vital d'agir rapidement, car, après un laps de temps relativement court, il se peut qu'un nouveau placement n'apparaisse plus vraiment comme étant dans leur intérêt et doive dès lors être considéré comme hasardeux.

C'est le droit cantonal qui régit le recours contre la décision de l'autorité cantonale de surveillance en matière de placement (cf. art. 27, al. 2, ordonnance). En dernière instance, le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert.

224.5

Obligation d'entretien (art. 20 P LF-CLaH)

L'art. 20 P LF-CLaH crée une obligation légale d'entretien pour toutes les personnes qui accueillent en Suisse, en vue de son adoption, un enfant résidant habituellement à l'étranger. Cette obligation est analogue à l'obligation d'entretien des parents fondée sur les art. 276 ss CC. Elle n'acquiert de signification propre que si l'adoption échoue. L'obligation d'entretien des futurs parents adoptifs était prévue jusqu'à présent à l'art. 6, al. 4, de l'ordonnance 97. Cette disposition ne donnait pas pleine satisfaction, parce qu'elle n'était applicable que lorsque les futurs parents adoptifs observaient la procédure prescrite.

Comme les autres mesures de protection, l'art. 20 P LF-CLaH est applicable que l'enfant soit ou non originaire d'un Etat contractant. L'obligation légale d'entretien existe aussi lorsque l'enfant est accueilli sans que les autorisations requises à l'art. 17 CLaH, à l'art. 8 P LF-CLaH et à l'art. 8 de l'ordonnance n'aient été délivrées, car il serait manifestement inadmissible de traiter moins bien celui qui respecte la procédure prescrite. La référence aux art. 276 ss CC concerne tant l'objet et l'étendue de l'obligation d'entretien que sa durée ainsi que les dispositions procédurales. L'obligation d'entretien dure jusqu'à la majorité de l'enfant ou au-delà, si l'enfant n'a pas encore achevé sa formation (art. 277 CC). Elle s'éteint dès que l'enfant est adopté en Suisse ou à l'étranger par d'autres personnes ou qu'il retourne dans son Etat d'origine98 (art. 20, al. 3, P LF-CLaH).

L'obligation d'entretien peut représenter une charge financière considérable. Par analogie avec l'art. 329, al. 2, CC, le juge compétent selon l'art. 279 CC a donc été investi du pouvoir de la réduire ou même de la supprimer complètement. Il faut toutefois que l'entretien représente une charge inéquitable. Pour pouvoir apprécier si tel est bien le cas, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances du cas particulier (art. 4 CC).

97

98

5168

Dans les cas d'adoptions purement suisses l'obligation d'entretien continuera à se fonder sur l'art. 6, al. 4, de l'ordonnance réglant le placement d'enfants, vu que les conditions de fait prévues à l'art. 20 P LF-CLaH ne peuvent naturellement pas être remplies dans ces cas.

L'obligation d'entretien couvre aussi les frais de rapatriement, lorsque l'enfant retourne exceptionnellement dans son pays d'origine; cela correspond aussi à l'interprétation dominante de l'art. 6, al. 4, ordonnance; cf. circulaire du Conseil fédéral aux autorités de surveillance concernant le placement d'enfants et l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption, du 21 décembre 1988, FF 1989 I 11.

225

Aides financières (art. 21 P LF-CLaH)

Après l'entrée en vigueur de la convention, les autorités suisses devront, plus encore qu'aujourd'hui, étudier les procédures et les droits d'adoption étrangers. Ce sera en particulier le cas de l'Autorité centrale fédérale, qui aura notamment pour tâche de conseiller les cantons en la matière (cf. art. 2, al. 2, let. b, P LF-CLaH). A cette fin, il lui faudra une documentation complète et à jour. Le Service social international (SSI), à Genève, met actuellement sur pied un centre de documentation. Ce centre devra en particulier fournir des informations sur les droits et les systèmes d'adoption des Etats contractants. Pour l'instant, il est prévu de soutenir ce projet par une contribution annuelle d'environ 30 000 francs. L'art. 21, let. a, P LF-CLaH constitue la base légale nécessaire à cet effet. En vertu de l'art. 21, let. b, P LF-CLaH, des aides financières peuvent également être octroyées pour d'autres études scientifiques et des travaux de recherche dans le domaine de l'adoption.

226

Dispositions pénales ( art. 22 à 25 LF-CLaH)

226.1

Vue d'ensemble

Toute une série de dispositions de la Convention de La Haye sur l'adoption obligent les Etats contractants à prendre des mesures contre des pratiques qui peuvent être regroupées sous le terme générique de traite des enfants. Toutes les mesures appropriées doivent notamment être prises pour exclure l'obtention de gains matériels indus ou d'autres avantages en relation avec une adoption et pour empêcher les pratiques qui contreviennent aux objectifs poursuivis par la convention (art. 4, let. c, ch. 3 et let. d, ch. 4, art. 8 et 32, CLaH). L'art. 33 CLaH stipule que les Autorités centrales doivent également veiller à ce que les violations de la convention soient sanctionnées. Les dispositions pénales prévues aux art. 22 à 24 P LF-CLaH tiennent compte de cette obligation. Lors de la consultation, les dispositions pénales ont rencontré un écho positif dans l'ensemble, les opinions divergeant toutefois quant aux limites prévues99.

226.2

Placement sans autorisation et contravention à des charges (art. 22 P LF-CLaH)

Aux termes de l'art. 22 P LF-CLaH sont passibles d'une peine les personnes qui, intentionnellement ou par négligence, accueillent un enfant adoptif, sans observer certaines règles de procédure fondamentales. Sera condamné à une peine d'arrêts ou à une amende de 20 000 francs au plus celui qui accueille, en vue de son adoption, un enfant résidant habituellement à l'étranger, sans que les autorisations nécessaires n'aient été délivrées (art., 22, al. 1, P LF-CLaH). Pour déterminer quelles sont les autorisations nécessaires, il faut établir si l'enfant est ou non originaire d'un Etat contractant. Lorsque la Convention de La Haye sur l'adoption s'applique, ceux qui accueillent l'enfant doivent être en possession des autorisations prévues à l'art. 17 CLaH et à l'art. 8 P LF-CLaH, c'est-à-dire de l'autorisation provisoire de placement (art. 8, al. 1, let. a; art. 8a ordonnance) ou de l'autorisation d'adopter dans l'Etat

99

Procédure de consultation (v. note 40), p.14 ss, 23 ss.

5169

d'origine (art. 8, al. 2, let. a; art. 9, P LF-CLaH) ainsi que des autorisations correspondantes des autorités compétentes (art. 8, al. 1, let. b, al. 2, let. b, P LF-CLaH).

Lorsque l'enfant ne résidait pas habituellement dans un Etat contractant avant d'être accueilli en Suisse, les autorisations prévues aux art. 8a et 8b de l'ordonnance doivent avoir été délivrées.

Sera en outre condamné à une amende de 10 000 francs au plus celui qui, par négligence ou intentionnellement, contrevient à des charges ou à des conditions dont dépendent l'octroi d'autorisations par l'autorité cantonale compétente, en vertu de la présente loi ou de l'ordonnance réglant le placement d'enfants. Au nombre de ces charges figure notamment l'obligation prévue à l'art. 9, al. 2, P LF-CLaH de rencontrer l'enfant avant l'adoption.

Si cet acte est traité comme une simple contravention, c'est parce qu'on a estimé que les conditions énoncées à l'art. 22 P LF-CLaH ont leur importance pour garantir une procédure d'adoption correcte, mais que le caractère illicite des actes visés par ces dispositions est nettement moins grave que dans les cas véritables de traite d'enfants. Les problèmes de technique juridique qui exigeraient que l'on érige les actes prévus à l'art. 23 P LF-CLaH en délits ne se posent pas en l'espèce; en particulier, il est possible de déterminer si les autorisations nécessaires pour l'accueil de l'enfant ont bien été délivrées, sans que l'on soit obligé d'entamer une procédure d'entraide judiciaire.

226.3

Gains matériels indus (art. 23 P LF-CLaH)

Aux termes de l'article 23 P LF-CLaH, sera puni de l'emprisonnement ou condamné à une amende celui qui, en procurant intentionnellement aux parents d'un enfant des gains matériels ou d'autres avantages indus, obtient ainsi que l'enfant lui soit confié en vue de son adoption. L'auteur d'un tel acte ne peut être qu'une personne désirant accueillir un enfant chez elle. Il convient d'interpréter à la lumière de l'art. 32 CLaH la notion de «gain matériel indu». Selon cette disposition, ne peuvent être demandés que les frais et dépenses, y compris des honoraires raisonnables. Il est interdit d'accorder une rémunération disproportionnée à des employés d'organismes intervenant dans une adoption. Ne sont pas seulement interdits les prestations en argent et autres dons, mais aussi les avantages non pécuniaires, dans la mesure où ils doivent être considérés comme indus au sens de l'art. 32 CLaH. Bien que l'art. 32 CLaH ne s'applique directement que dans les relations avec les Etats contractants, ces critères sont sans autres applicables aussi dans le domaine non conventionnel.

Est punissable tant l'acte commis à l'étranger que celui commis en Suisse.

Le fait d'ériger un tel acte en délit tient compte des objections qui avaient été soulevées lors de la consultation quant au délai de prescription et à la possibilité d'accorder l'entraide judiciaire dans le cas d'une simple contravention100.

226.4

Traite d'enfants (art. 24 P LF-CLaH)

Aux termes de l'art. 24 P LF-CLaH sont passibles d'une peine les personnes qui, en recourant à des pratiques abusives, servent d'intermédiaires en vue de l'adoption 100

5170

Procédure de consultation (v. note 40), p. 14 ss.

d'enfants sans avoir elles-mêmes l'intention de les adopter. Contrairement aux art.

22 et 23 LF CLaH, l'art. 24 CLaH vise aussi des tiers qui exercent par exemple l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption sans y avoir été autorisés, qui procurent des documents ou encouragent de toute autre manière la traite d'enfants. Selon le droit pénal ordinaire, de telles pratiques ne tombent sous le coup de la disposition incriminant la traite d'êtres humains (art. 196, al. 1, code pénal, CP; RS 311.0) que s'il y a eu en l'espèce satisfaction des «passions d'autrui». En revanche, il est possible déjà aujourd'hui d'entamer une poursuite pénale lorsque les titulaires du droit de garde ont été poussés, par la violence ou sous la menace, à confier l'enfant à d'autres personnes.

De même qu'à l'art. 23 P LF-CLaH, l'acte punissable consiste à procurer des gains matériels indus ou d'autres avantages aux parents biologiques ou à d'autres titulaires de la garde de l'enfant. L'acte doit avoir pour effet qu'un enfant résidant habituellement à l'étranger soit confié, en vue de son adoption, à une personne résidant habituellement en Suisse. La peine prévue à l'art. 24 P LF-CLaH est l'emprisonnement. Si l'auteur a agi par métier ou comme membre d'une bande ou d'une organisation criminelle, la peine est la réclusion pendant dix ans au plus et l'amende jusqu'à 100 000 francs.

Etant donné que l'art. 24 P LF-CLaH punit également l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption exercée sans autorisation, il y a lieu d'abroger la disposition pénale correspondante de l'ordonnance du 28 mars 1973 sur l'activité d'intermédiaire en vue de l'adoption (art. 17, al. 2, let. a; RS 211.221.36).

226.5

Compétence (art. 25 P LF-CLaH)

L'art. 25 P LF-CLaH précise que la poursuite et le jugement des infractions au sens du chapitre 5 du projet incombent aux autorités de poursuite pénale.

227

Dispositions finales

227.1

Dispositions d'exécution (art. 26 P LF-CLaH)

L'art. 26 P LF-CLaH autorise le Conseil fédéral à édicter les prescriptions d'exécution nécessaires. Le Conseil fédéral devra notamment inclure dans l'ordonnance réglant le placement d'enfants les dispositions qui permettront d'assurer la coordination entre les procédures conventionnelles et les procédures non conventionnelles.

227.2

Dispositions transitoires (art. 27 P LF-CLaH)

L'art. 27 P LF-CLaH énonce les règles transitoires. En vertu de cette disposition, le nouveau droit s'applique à toutes les procédures de placement d'enfants pendantes, à moins qu'une autorisation provisoire de placement ait déjà été délivrée lors de son entrée en vigueur (art. 27, al. 1, P LF-CLaH). Les requêtes pendantes en vue d'obtenir une telle autorisation doivent être transmises à l'Autorité centrale cantonale qui sera créée (art. 27, al. 2, P LF-CLaH).

5171

23

Adaptation d'autres dispositions du droit fédéral

231

Code civil

231.1

Réduction de la période probatoire requise à une année (art. 264 P CC)

Selon le droit suisse en vigueur, l'adoption d'un enfant mineur doit être précédée d'une période probatoire de deux ans au moins (art. 264 CC). Cette période relativement longue tient compte des effets étendus et du caractère irrévocable de l'adoption plénière. La période probatoire permet de constater, en règle générale, si les futurs parents adoptifs sont aptes à éduquer l'enfant et si la relation qui se crée entre parents et enfant est satisfaisante. Même lorsque les parents adoptifs ont été sélectionnés avec le plus grand soin, le lien nourricier conserve sa signification pour toutes les personnes concernées en tant que période probatoire. Il constitue la base qui permettra de juger si l'adoption correspond effectivement à l'intérêt de l'enfant.

Sous l'angle du droit comparé, le délai de deux ans apparaît toutefois relativement long101. Dans les cas où les Etats étrangers prévoient une période probatoire préalable à l'adoption, la durée de cette période varie entre six mois et une année. A cela s'ajoute le fait que la convention obligera la Suisse à reconnaître des adoptions étrangères qui auront été prononcées sans être précédées d'une période probatoire ou après une période probatoire de quelques jours seulement. Dans ce contexte, le maintien d'une période probatoire de deux ans créerait une inégalité de traitement problématique par rapport à toutes les personnes adoptant un enfant en Suisse. Il ne paraît toutefois pas indiqué de renoncer totalement à l'exigence d'une période probatoire, dès lors que celle-ci a, en règle générale, fait ses preuves102. On peut donc adopter un moyen terme et en réduire la durée minimale à une année. Aux fins d'harmoniser les adoptions internes et les adoptions internationales, le projet prévoit en outre que les autorités tutélaires doivent désigner un curateur à l'enfant dont l'adoption a été prononcée avant son arrivée en Suisse. Ce curateur est chargé de suivre le développement du lien d'adoption durant les premiers temps (cf. ch.

224.2).

231.2

Autorité de surveillance compétente en matière de placement d'un enfant en vue de son adoption (art. 316, al. 1bis, P CC)

Conformément à l'art. 316, al. 1, CC, l'autorisation de placement d'un enfant est délivrée par l'autorité tutélaire ou une autre autorité désignée par le droit cantonal.

Dans certains cantons, cette compétence a été attribuée à une autorité communale.

Pour que les autorités compétentes soient vraiment en mesure d'apprécier les conditions dans lesquelles un enfant est placé en vue de son adoption, elles doivent satisfaire à des exigences élevées quant à leurs connaissances professionnelles et à leur expérience. Le choix des parents adoptifs et une enquête approfondie pour déterminer si l'enfant et les parents nourriciers se conviennent sont primordiaux pour le succès d'une adoption. Toutefois, les petites communes ne disposent souvent pas de personnel qualifié. En raison du nombre restreint de cas dont ils ont à connaître, il leur est en outre difficile de créer et de poursuivre une politique claire en la matière.

101 102

5172

M. Jametti Greiner (v. note 95), p. 56 ss.

C. Hegnauer (v. note 34), p. 183.

C'est pourquoi l'Office fédéral de la justice avait, en 1988 déjà, lors de la révision de l'ordonnance réglant le placement d'enfants, recommandé aux cantons de concentrer auprès d'une autorité cantonale unique la compétence pour délivrer les autorisations requises et pour surveiller les placements d'enfants en vue de leur adoption. Plusieurs cantons ont suivi ces recommandations ou avaient déjà, de leur propre chef, prévu une telle compétence. Cette solution s'impose sur le plan pratique.

La ratification de la CLaH offre l'occasion de la rendre obligatoire dans toute la Suisse, d'autant plus qu'il est prévu que l'autorité cantonale de surveillance en matière de placement d'enfants sera aussi désignée en tant qu'Autorité centrale cantonale (art. 3, al. 1, P LF-CLaH). L'art. 316, al. 1bis, P CC oblige donc les cantons à désigner une seule autorité compétente pour le placement d'enfants en vue de leur adoption. Il n'est pas fait de distinction entre les adoptions internes et les adoptions internationales. La préparation de toute adoption requiert de l'expérience et des connaissances professionnelles très poussées. Lors de la consultation, la majorité des cantons a salué cette proposition103.

232

Loi fédérale d'organisation judiciaire

Aux termes de l'art. 44, let. e, de la loi fédérale d'organisation judiciaire, l'institution d'une curatelle au sens des art. 308, 325, 369 à 372, et 392 à 395 CC peut être attaquée en dernière instance par un recours en réforme au Tribunal fédéral. Suite à la modification du CC, qui a été approuvée le 26 juin 1998 par le Parlement et entrera en vigueur le 1er janvier 2000 (RO 1999 1118), l'art. 44 OJ a également été révisé et la curatelle selon l'art. 309 CC y a été incluse. L'institution d'une curatelle en matière d'adoption selon l'art. 17 P LF-CLaH constitue, comme dans le cas d'autres institutions de curatelle, une ingérence dans le statut juridique de l'enfant et des parents adoptifs, raison pour laquelle il convient d'ouvrir ici aussi en dernière instance le recours en réforme au Tribunal fédéral. L'art. 44, let. e, de la loi d'organisation judiciaire fédérale, de même que l'art. 44, let. d, dans sa teneur du 26 juin 1998, doivent donc être adaptés pour tenir compte de cette situation.

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Ordonnance réglant le placement d'enfants

La loi fédérale relative à la CLaH nécessite plusieurs adaptations de l'ordonnance réglant le placement d'enfants. Etant donné que les mesures de protection de l'enfant ainsi que les dispositions pénales sont formulées dans le projet de manière à ce qu'elles soient aussi applicables dans le domaine non conventionnel, ces adaptations sont toutefois pour l'essentiel d'ordre rédactionnel.

103

Procédure de consultation (v. note 40), p. 17 ss.

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3

Effets sur l'état du personnel et conséquences financières

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Au niveau fédéral

A l'heure actuelle, les adoptions internationales relèvent de la compétence des cantons; les autorités fédérales ne s'en occupent que marginalement. La désignation d'une autorité fédérale en tant qu'Autorité centrale fédérale entraînera l'obligation d'accomplir de nouvelles tâches. Elles vaudront un surcroît de travail à l'autorité administrative fédérale qui sera chargée de les exécuter. Si l'on se fonde sur le nombre d'enfants originaires d'Etats ayant déjà ratifié ou signé la convention, cela représente environ 300 cas par année. Pour s'acquitter de ces tâches supplémentaires, il faudra prévoir 2,5 postes de travail de plus, ce qui correspond à une augmentation des coûts d'environ 310 000 francs (coûts des postes de travail compris).

Aux termes de l'art. 15 P LF-CLaH, les parents adoptifs doivent toutefois payer un émolument pour les actes accomplis à leur demande. Si l'on prend pour base un émolument moyen d'environ 500 francs, cela représente des recettes supplémentaires d'au moins 150 000 francs. En mettant tous les coûts à la charge des parents adoptifs, on en arriverait à des émoluments d'un montant prohibitif. Une telle solution doit aussi être écartée du fait que l'Autorité centrale fédérale assume déjà un grand nombre de tâches de nature générale (élaboration de directives générales, échange d'expériences et coordination dans le domaine de l'adoption, contacts avec les Autorités centrales étrangères). Lors de la consultation, il a également été souligné à maintes reprises qu'il conviendrait de faire preuve d'une certaine retenue quant à la perception d'émoluments. Sinon, les parents adoptifs potentiels pourraient être tentés de se rabattre sur des Etats non contractants, ce qui ne serait vraiment pas souhaitable104.

Il est en outre proposé de prévoir une contribution annuelle d'environ 30 000 francs pour la mise sur pied et la gestion par le SSI d'un Centre de documentation sur les droits de procédures et d'adoption étrangers. Il est indispensable de connaître le droit d'adoption des pays étrangers afin d'assurer un déroulement correct et rapide de la procédure, notamment en ce qui concerne le «matching» (cf. art. 8 P LFCLaH) ou la reconnaissance d'adoptions étrangères en vue de leur transcription dans les registres d'état civil. Ces informations doivent pouvoir être communiquées
rapidement aux cantons sous forme de brefs avis de droit. Il est vrai qu'aujourd'hui l'information laisse parfois à désirer. Les recueils existants ne sont pas toujours à jour et ne donnent souvent que des renseignements lacunaires sur les procédures étrangères; quant aux tentatives de se procurer ces renseignements depuis la Suisse, elles se révèlent souvent extrêmement dispendieuses et sont la plupart du temps vouées à l'échec. La création d'un service central d'information par une organisation active dans le monde entier (ayant des branches et des correspondants dans 144 pays) apparaît dès lors comme une solution idéale et peu onéreuse.

32

Au niveau cantonal

Les cantons devront aussi supporter la charge principale découlant du traitement des cas d'adoption. Le projet ne devrait pas occasionner des coûts sensiblement plus élevés qu'auparavant aux cantons qui ont centralisé leurs structures en matière de 104

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Procédure de consultation (v. note 40), p. 15 ss.

placement d'enfants. Les cantons encore dotés de structures décentralisées devront par contre désigner une Autorité centrale cantonale, auquel cas il s'agira toujours d'un service existant, par exemple un service social et de protection de la jeunesse.

Il est extrêmement difficile d'évaluer les conséquences financières et les effets sur l'état du personnel; il est dans l'ordre des choses que les coûts varient en fonction du nombre d'adoptions à traiter. Pour les évaluer, il faut tout d'abord rappeler que selon le droit actuel en matière de placement d'enfants les rapports sociaux doivent être faits par des spécialistes du travail social. Si l'on souhaite garantir des enquêtes sérieuses, il faudra doter les services compétents du personnel nécessaire. Il sied également de rappeler que les cantons ont la possibilité de prélever des émoluments et de mettre ainsi une partie des coûts à la charge les parents adoptifs. Enfin, il faut signaler que la centralisation déchargera considérablement les communes et les districts.

4

Programme de la législature

Le projet est mentionné dans le programme de la législature 1995 - 1999 du 18 mars 1996 (FF 1996 II 354).

5

Constitutionnalité

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Convention de La Haye sur l'adoption

L'arrêté fédéral concernant la ratification de la CLaH se fonde sur l'art. 8 de la constitution (cst.), qui donne à la Confédération la compétence de conclure des conventions avec l'étranger. La compétence de l'Assemblée fédérale découle de l'art. 85, ch. 5, cst.

Aux termes de l'art. 89, ch. 3, cst., les traités internationaux sont soumis au référendum facultatif, s'ils sont d'une durée indéterminée et ne sont pas dénonçables (let. a), s'ils prévoient l'adhésion à une organisation internationale (let. b) ou s'ils entraînent une unification multilatérale du droit (let. c). La Convention de La Haye sur l'adoption est dénonçable (art. 47 CLaH) et elle ne prévoit pas non plus l'adhésion à une organisation internationale. Sa ratification entraînera toutefois une unification multilatérale du droit. Selon la pratique constante du Conseil fédéral, on est en présence d'une unification multilatérale du droit lorsqu'un traité contient du droit uniforme, directement applicable dans l'ensemble, réglant en détail un domaine juridique bien défini, à savoir suffisamment important pour justifier sur le plan national, par analogie, l'élaboration d'une loi particulière (FF 1992 III 319). Le Parlement a précisé la pratique du Conseil fédéral et décidé que, dans des cas spéciaux ­ en raison de l'importance et de la nature des dispositions ­ ou parce qu'il est prévu de créer des organes de contrôle internationaux ­ il peut y avoir unification multilatérale du droit, même lorsque les normes internationales en question sont peu nombreuses (FF 1988 II 894 et 895). Certes, la Convention de La Haye sur l'adoption n'unifie ni le droit d'adoption matériel ni les règles de conflit en matière d'adoption. Toutefois, elle règle de manière exhaustive la procédure qu'il convient de suivre en vue d'une adoption internationale. En outre, elle entraîne des obliga

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tions très précises en matière de reconnaissance d'adoptions étrangères. On se trouve donc en présence d'un cas d'unification multilatérale au sens de l'art. 89, al.

3, let. c, cst.105. L'arrêté fédéral est donc soumis au référendum facultatif.

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Loi fédérale relative à la Convention de La Haye sur l'adoption

La compétence de la Confédération pour édicter la législation d'exécution découle directement de sa compétence pour conclure des conventions internationales (art. 8 et 85, ch. 5, cst.); elle se fonde en outre sur l'art. 64 cst. pour ce qui est des dispositions de droit civil et sur l'art. 64bis cst. pour les dispositions de droit pénal.

L'autonomie des cantons en matière d'organisation est garantie par l'art. 316 CC. Le projet de loi est également conforme à la cst. sous l'angle du droit matériel puisqu'il est prévu d'organiser les autorités de manière à renforcer la protection des droits constitutionnels visés (certains aspects de la liberté personnelle) ainsi que des droits fondamentaux garantis par des conventions internationales, telles que la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101) et la CDE.

6

Relation avec le droit européen

La ratification de la CLaH de même que la loi fédérale y relative sont conformes au droit européen. L'Union européenne n'a encore rien entrepris dans le domaine du droit de l'adoption. La Convention européenne du 24 avril 1967 en matière d'adoption des enfants (RS 0.211.221.310), que la Suisse a ratifiée le 29 décembre 1972 et qu'elle a mise en oeuvre par la loi sur la filiation et l'adoption de 1976106, est une convention du Conseil de l'Europe. Cette convention ne porte que sur l'unification du droit de l'adoption matériel. Elle n'empiète pas sur le domaine de la Convention de La Haye sur l'adoption.

105

Cf. Convention de La Haye sur les enlèvements d'enfants et Convention européenne sur la garde des enfants, FF 1983 I 123.

106 LF du 25 juin 1976, entrée en vigueur le 1er janvier 1978, RO 1977 237.

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