«Sectes» ou mouvements endoctrinants en Suisse La nécessité de l'action de l'Etat ou vers une politique fédérale en matière de «sectes» Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 1er juillet 1999

«Si la Confédération veut se préoccuper des gens de ce pays et être portée par eux, elle doit savoir que pour beaucoup, l'engagement religieux passe avant tout et quel qu'en soit le prix.

Il faut garder cette dimension à l'esprit, car elle fait partie de l'homme de notre époque.

D'un autre côté, l'Etat doit montrer que, tout en prenant les groupements religieux au sérieux, il garde une attitude critique: l'Etat doit également savoir dire non!» (Citation tirée des auditions)

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1999-4819

Résumé La Commission de gestion (CdG) du Conseil national s'est attelée à la question de savoir si les «sectes» et les mouvements endoctrinants peuvent représenter un danger pour les individus, pour l'Etat et pour la société. Elle s'est également demandée si, aujourd'hui, des organismes publics et/ou privés se préoccupent des personnes involontairement sujettes à des dépendances. Enfin, il s'agissait de répondre à la question cruciale de savoir si l'Etat doit intervenir et, le cas échéant, quelles sont les mesures qu'il doit prendre ou examiner.

La commission a répondu positivement à la question relative à l'intervention de l'Etat. En même temps, elle constate que, d'une manière générale, les lois en vigueur sont suffisantes pour lutter contre les dérives sectaires. Bien qu'elles présentent quelques lacunes dans un certain nombre de domaines isolés, il est surtout nécessaire d'agir au niveau de leur application.

Pour cette raison, la commission invite le Conseil fédéral à formuler une politique en matière de «sectes», à instituer un service suisse d'information et de consultation, à lancer une campagne d'information, à encourager une recherche interdisciplinaire et à coordonner la collaboration entre les milieux de la recherche et les organes d'information et de consultation. Elle demande au Conseil fédéral d'harmoniser et de coordonner les activités entre divers services administratifs, entre cantons (projets cantonaux), entre la Confédération et les cantons et de s'engager en faveur d'une collaboration transfrontalière. De plus, le Conseil fédéral doit également coordonner les législations cantonales qui s'appliquent dans le domaine des mouvements endoctrinants, notamment les législations sanitaires. Pour ce qui est de l'exécution des lois, la commission invite le Conseil fédéral à s'engager tout particulièrement en faveur de la protection de l'enfant. Elle a également identifié des lacunes en matière de protection des consommateurs qui nécessitent une action de la part de l'Etat.

Les entités communément appelées «sectes», «nouveaux mouvements à caractère religieux» ou «communautés d'esprit» [Psychogruppen] sont une réalité qui se manifeste au-delà des barrières nationales et sociales, indépendamment des classes d'âge, sociales, de revenu, de formation ou autres et qui se manifeste dans le
monde entier. Elles apparaissent dans les pays industrialisés comme dans ceux dits en voie de développement. Elles peuvent prendre des visages différents ­ en partie de manière consciente ­ et leurs apparences et facettes diverses rendent la reconnaissance de leurs formes plus difficile: il peut s'agir de communautés chrétiennes fondamentalistes, de nouvelles religions au Japon, de cultes afro-brésiliens en Amérique du Sud, d'Eglises africaines indépendantes, de communautés spirites, de divers phénomènes «cultiques», de croyances extraterrestres, de cercles sataniques etc., mais également d'entités peu organisées, sans structure, qui se rassemblent autour d'un «gourou» ou qui prennent une apparence religieuse pour offrir leurs promesses de guérison et de salut sur l'immense marché de l'ésotérisme qui est en pleine expansion. Lorsqu'elles se trouvent en butte à la critique, elles se réclament de la liberté de conscience et de croyance constitutionnellement garantie dans les sociétés libérales et les Etats démocratiques.

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Pour ce qui est du phénomène discuté par la Commission de gestion, il s'agit en général de la naissance de groupements religieux (et pseudo-religieux) en marge ou à l'écart des grandes traditions religieuses. Lorsque les médias, nationaux et internationaux, traitent des sujets concernant ces mouvements ou leurs adhérents, c'est presque toujours de manière négative, soit à cause d'événements spectaculaires et tragiques tels que meurtres et/ou suicides collectifs, soit en abordant le destin tout aussi émouvant de certains anciens adhérents. Manipulations psychologiques, dépendance du groupe, structures internes totalitaires constituent la toile de fond de ces récits qui relatent des préjudices concrets, de nature financière, sociale et psychologique, des abus en matière d'emploi, de mise sous tutelle intellectuelle de certaines victimes et, souvent, d'éloignement de la famille. Les récits d'anciens adeptes (et des membres de leur entourage), les rapports d'expertises psychologiques, les rapports d'enquêtes gouvernementales et parlementaires conduites à l'étranger prouvent depuis longtemps l'existence de telles pratiques. Alors que l'on déplore des victimes, certains pères spirituels de tels mouvements gèrent de véritables empires financiers érigés grâce à un savant dosage mélangeant philosophies orientalistes et science des bénéfices. Pour cette raison, la présente étude ne s'intéresse expressément pas à certains groupements particuliers ou aux contenus religieux, mais bien aux méthodes qui portent atteinte aux libertés constitutionnelles et publiques. Cependant, il n'est pas toujours possible de faire une séparation entre contenu et méthodes, par exemple dans le cas de groupements dont les idées sont expressément ou de façon latente racistes, antisémites, d'extrême droite ou fascisantes, lesquelles sont, en vertu de la norme pénale sur l'antiracisme, punissables.

Au cours de ses travaux, la commission a vécu un processus de prise de conscience.

Durant ses investigations historiques et ses examens du contexte actuel, elle a été confrontée à une réalité importante: la Suisse est une société multiculturelle, multireligieuse et imprégnée d'un très large pluralisme religieux. Les convictions et les communautés religieuses qui ne correspondent pas à l'image chrétienne relayée par les Eglises nationales
et les écoles ont toujours fait partie de notre culture et ont largement participé à l'édification de notre pays, et pour certaines depuis plusieurs siècles. En font partie les grandes religions du monde comme les mouvements chrétiens de nature catholique et protestante, le judaïsme, l'islam, les Eglises libres, traditionnelles et modernes, ou les convictions religieuses décriées (de temps à autre exclues) souvent qualifiées de «dévotion populaire». Leurs adeptes ont ces convictions pour appartenance religieuse et, du point de vue émotionnel et politique, ils ont la Suisse pour patrie. Ils paient des impôts, effectuent leur service militaire, acquièrent une formation et, en tant qu'employeurs et employés, prennent une part active à notre économie et aux affaires de la Confédération et des cantons. Ils aspirent à la reconnaissance de leur identité religieuse qui doit être prise au sérieux.

Pour cette raison l'Etat ne parviendra pas à éviter de devoir aborder ces questions.

Au cours de ces dernières années, les politiciens étrangers (principalement en Allemagne) ont entamé la discussion, ils ont pris clairement position et, parfois, des décisions peu agréables. La France, la Suède et le Parlement européen ont publié des rapports sur les «sectes». Des campagnes d'information ont été lancées en Autriche et en Allemagne. En revanche, la Suisse n'a pas révélé sa position en matière de pratiques et de dérives sectaires, de nouveaux mouvements à caractère religieux

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et de communautés d'esprit. Dans ce domaine, le Conseil fédéral renvoie à la Constitution (liberté de conscience et de croyance), au fédéralisme (les questions de croyance sont du ressort des cantons) et à l'initiative privée. Par conséquent, les autorités politiques et judiciaires font preuve de retenue. A l'inverse, une partie de la presse, principalement en Suisse alémanique, se préoccupe depuis des années de ce phénomène de manière engagée, critique, parfois émotionnelle et agressive. Pour ce qui est de la presse romande, elle est devenue consciente du caractère explosif de ce sujet, au plus tard au moment des drames de l'Ordre du Temple Solaire (OTS) d'octobre 1994, date à partir de laquelle elle lui accorde une plus grande place.

Depuis lors, différentes choses ont également eu lieu au niveau politique de certains cantons. Suite à une initiative du canton de Genève, un groupe de travail intercantonal a entamé la mise sur pied d'un service d'information et de documentation. Les cantons de Bâle-Ville et de Genève ont élaboré des dispositions légales, voire les ont déjà mises en vigueur, et les cantons de Genève et du Tessin ont publié leurs propres rapports sur les «sectes». Le canton de Vaud prévoit de donner aux gymnasiens de 3e année la possibilité de suivre un cours à option en «histoire et science des religions».

La nécessité de trouver des réponses ne découle pas exclusivement des efforts qui sont consentis à l'étranger et de l'activité de certains cantons. Elle trouve également sa justification dans l'une des caractéristiques de la société contemporaine: ce qui est marquant pour le pluralisme religieux de cette fin de XXe siècle, c'est le fait que le paysage religieux (comme le paysage suisse) est non seulement très large et extrêmement morcelé, mais qu'il est également soumis à une évolution très rapide.

A cela s'ajoute le fait que le passage à un autre millénaire entraîne une atmosphère de fin du monde et rend les gens encore plus enclins à succomber à des offres de salut et de guérison de toutes sortes. De l'avis de la commission, la problématique qui en découle a des effets sociaux et politiques importants qui ­ contrairement à la pratique actuelle qui trouve ses origines dans l'histoire ­ obligent l'Etat à prendre clairement position: il reconnaît les grandes religions du monde
comme les plus petites communautés spirituelles tant qu'elles demeurent dans les limites acceptables par la société et l'Etat et les traite en partenaires égaux. Il veille notamment à ce qu'elles puissent profiter de la liberté de conscience et de croyance. Il n'agit pas lorsque ces libertés fondamentales l'en empêchent mais intervient lorsque ces mêmes libertés fondamentales de l'art. 15, al. 4, de la nouvelle Constitution leur interdit d'utiliser la contrainte: lorsque les droits de groupes, de membres du groupe ou d'individus étrangers au groupe sont menacés ou lésés, l'Etat doit intervenir de manière décidée.

Dans le cadre du pluralisme religieux qui imprègne la Suisse, l'Etat doit entamer le débat social et indiquer clairement que les droits, universels, de l'homme constituent le dénominateur commun et déterminant du bon fonctionnement de notre société (et de l'action de l'Etat). C'est en assumant cette fonction que l'Etat demeure le véritable gardien de la tolérance et qu'il joue le rôle clé qui est le sien dans l'évolution des règles du jeu de l'Etat, de la société et des communautés religieuses et spirituelles et qu'il contribue à forger l'identité de la Suisse du XXIe siècle.

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I

Mandat, organisation et procédure

1

Situation initiale

«La question des compétences de la Confédération pour toutes les question concernant les «sectes» et, en particulier, le drame de l'Ordre du Temple Solaire (OTS) ont incité la Commission de gestion du Conseil national à se préoccuper de la problématique des «sectes», des mouvements endoctrinants et des nouveaux mouvements à caractère religieux. Le fait que l'on découvre et que l'on discute publiquement de plus en plus souvent de situations dans lesquelles des individus ont été empêchés d'exercer leurs droits démocratiques fondamentaux ­ tels que la liberté d'opinion et la liberté d'expression ­ a également motivé cette décision.

A la constatation d'un membre de la CdG qui avait relevé que, au mois de février 1997, l'Office central de la défense ne disposait d'aucune indication au sujet du drame de l'OTS et au sujet de sa question concernant les bases éthiques en matière de politique de la sûreté, un représentant du DMF (actuellement DDPS) de l'époque avait relevé que le terme de «menace» n'avait pas qu'une signification militaire mais s'étendait également aux «points de vue sociaux et religieux».

En outre, la commission a été confortée dans son intention d'examiner la nécessité de l'action de l'Etat par ­

le fait que, dans leur domaine de compétence, divers services de l'administration de la Confédération soient malgré tout régulièrement confrontés, même si ce n'est que très marginalement, à des mouvements que l'on a coutume de nommer «sectes» ainsi qu'à des mouvements similaires;

­

le fait qu'aucun effort de coordination n'ait été perçu, si minime soit-il, ni aucune ébauche d'objectifs cohérents, voire aucun indice d'une politique en matière de «sectes».

Suite au drame de l'OTS, la Commission consultative en matière de protection de l'Etat, l'organe consultatif du chef du DFJP en matière de questions relatives à la protection de l'Etat, est arrivée à la conclusion que «die Sekten [seien] unter der Optik des Staatsschutzes kein Objekt, das näher angeschaut werden muss». Au sujet de la question relative à la «mesure dans laquelle la Scientologie peut représenter un danger pour la sécurité de l'Etat», un rapport du DFJP à l'intention de la Commission consultative en matière de protection de l'Etat publié en juillet 1998 souligne que la Scientologie présente «des traits idéologiquement analogues à ceux des systèmes totalitaires» et «d'importantes composantes financières», que «dans de nombreux cas, des membres pourraient se trouver [. . .] dans une situation de contrainte psychologique» et qu'elle se livre à «des activités analogues à celles d'un service de renseignements». Le rapport parvient à la conclusion qu'il faudrait renoncer à toute observation préventive de la part des organes de protection de l'Etat, mais qu'il conviendrait que la Commission consultative en matière de protection de l'Etat continue à suivre attentivement la situation (sur le plan international également). Pour ce qui est des «sectes» en général, le rapport renvoie à l'application des normes actuelles en matière de droit privé, public et pénal. Il estime toutefois qu'il serait bon «que l'Etat et l'opinion publique puissent avoir accès à une information

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impartiale sur les développements dans le domaine religieux», notamment par le biais d'un observatoire relié à une institution scientifique1.

2

Mandat de la Commission de gestion et limites

Il incombe à la CdG de contrôler l'exécution des tâches fédérales. C'est de ce principe que la commission tire la légitimité pour examiner une tâche qui n'est assumée ni par le Conseil fédéral, ni par l'administration. Même si aucun service n'est chargé de s'occuper du phénomène des «sectes», des «nouveaux mouvements à caractère religieux» et des «communautés d'esprit» [Psychogruppen] de manière systématique, il est tout à fait possible de distinguer des points de contact avec l'administration, dont un bon nombre concernent l'Office central de la défense (dissout à fin 1998). Le secrétaire de la Conférence de situation se préoccupe personnellement beaucoup de cette problématique même si, devant la commission, il a constaté que «personne ne s'occupe spécifiquement de la question des sectes au sein de cet office».

Entre autres sujets, la commission a discuté les questions suivantes: ­

Les mouvements communément appelés «sectes», «nouveaux mouvements à caractère religieux» et «communautés d'esprit» représentent-ils des dangers pour les individus, pour l'Etat et pour la société? Du point de vue social, de tels regroupements sont-ils des phénomènes marginaux ou concernent-ils l'ensemble de la société? Est-il également nécessaire d'agir au niveau constitutionnel ou législatif?

­

Quels organismes publics et/ou privés se préoccupent des besoins de groupes sociaux et s'occupent des personnes devenues involontairement sujettes à des dépendances et qui désirent se protéger contre les méthodes toujours critiquées de tels mouvements? Y a-t-il des bases légales qui permettent d'accomplir de telles tâches? Existe-t-il une jurisprudence uniforme dans ce domaine?

­

Au vu de l'imprévisibilité des développements de phénomènes conflictuels, comment, le cas échéant, est-il possible de communiquer des informations crédibles? Serait-il éventuellement nécessaire de créer des organismes publics et/ou privés chargés de mettre en oeuvre une «politique en matière de sectes», notamment au moyen d'un effort continu en matière d'information?

Les réflexions au sujet de certaines «sectes», de certains «nouveaux mouvements à caractère religieux» ou de «communautés d'esprit» en particulier, ont, dans le mesure du possible, été exclues de la présente inspection. L'objectif de la CdG était avant tout de s'intéresser aux buts, aux pratiques et aux méthodes ainsi qu'à leurs effets conflictuels en général, et ceci indépendamment de certains mouvements en particulier. Le présent rapport a pour objet d'esquisser les dangers et les conflits potentiels, de contribuer au débat d'idées de manière objective, de présenter des recommandations, et ainsi de contribuer à l'information des autorités et du public et de leur permettre de se forger une opinion.

1

La Scientologie en Suisse. Rapport à l'intention de la Commission consultative en matière de protection de l'Etat, juillet 1998, Conclusions et recommandations, paragraphes 5.1 et 5.2.

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3 31

Organisation et procédure

Les membres suivants appartiennent à la Section «Autorités» de la CdG-CN: Les conseillers nationaux Fulvio Pelli (président), Pierre Aguet, Angeline Fankhauser, Christiane Langenberger, Hubert Lauper, Walter Schmied, Luzi Stamm, Alexander Tschäppät (président de la Section jusqu'au 31.12.1997), Milli Wittenwiler.

La Section a bénéficié du soutien de la secrétaire des commissions de gestion et de ses collaborateurs. Pour les questions spéciales, la Section a eu recours à Urs Eschmann, Dr en droit et avocat.

32 La Section «Autorités» de la CdG-CN a siégé aux dates suivantes: les 28 mai, 14 et 15 août, 15 et 16 octobre 1997, les 8 septembre, 20 octobre, 12 et 17 novembre 1998 ainsi que les 20 janvier, 23 février, 16 mars et 15 juin 1999. Elle a entendu vingt-trois personnes (désignées en tant que «personnes entendues» dans la suite du rapport).

Le large éventail professionnel des personnes entendues ­ juristes, psychologues, sociologues, théologiens, historiens, journalistes ­ le fait qu'elles se préoccupent concrètement de ce sujet ­ recherches financées par l'Etat dans le cadre des universités, jurisprudence, activité de conseil (privée et des Eglises), avant tout bénévole ­ ainsi que la diversité des points de vue que l'on rencontre à l'étranger sont autant de preuves de la pluralité des manières de voir qui, en tant que telles, sont toutes légitimes. Ces différents centres d'intérêts potentiellement conflictuels ainsi que l'influence que certaines «sectes», certains «nouveaux mouvements à caractère religieux» ou certaines «communautés d'esprit» tentent de prendre dans les milieux politiques et économiques, révèlent bien la charge émotionnelle qui est intimement liée à ce sujet. Par ailleurs, cette charge émotionnelle n'a pas non plus épargné la CdG.

En outre, la Section a également entendu le Préposé fédéral à la protection des données, des représentants de l'administration fédérale des contributions ainsi qu'un représentant de l'Office fédéral de la culture. De plus, elle a également invité certains groupements dont ceux qui avaient exprimé le souhait d'être entendus. Des six organisations invitées, quatre ont répondu à l'invitation de la Section. L'objet de ces séances n'était pas de débattre de convictions ou d'idéologies, mais de déterminer dans quelle mesure les autorités fédérales doivent agir en ce qui concerne les nouveaux mouvements à caractère religieux, les mouvements endoctrinants ou les «sectes».

33 La Section a mandaté l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) de répondre aux questions suivantes:

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­

En Suisse, qui est-ce qui s'occupe des mouvements «sectaires» et de leur évolution et sous quelle forme (services fédéraux, cantons, Eglises, organisations privées)?

­

Y a-t-il certaines formes de soutien des «sectes» aux niveaux fédéral et cantonal (par exemple: subventions, allégements fiscaux)?

­

Au niveau fédéral, est-il possible d'imaginer des instruments ou des mesures relatifs au phénomène des «sectes»? Si oui, lesquels?

Constatations de l'OPCA2

4

Dans son rapport de travail du 20 février 1998, l'OPCA parvient aux résultats suivants:

2

­

Aucun service de la Confédération ne se préoccupe systématiquement du phénomène des «sectes»; ce sujet peut toutefois concerner les domaines d'activités de diverses unités administratives de la Confédération. Certains cantons ont réagi en rédigeant leurs propres projets de lois alors que d'autres n'entreprennent rien. En dehors de la Confédération, des services des Eglises et des universités ainsi que des organismes privés se consacrent à divers aspects de ce phénomène.

­

Il n'y a pas d'indices qui permettent de conclure que les «sectes» bénéficient de privilèges fiscaux ou d'un soutien indirect (exemption de l'impôt fédéral direct, versement de subventions ou de contributions) de la part de l'Etat.

­

La palette des mesures possibles est très large. Elle va de ne rien faire jusqu'à la mise en place d'une unité spécifique au sein de l'administration fédérale et à la définition d'une politique en matière de «sectes» en passant par le soutien de la recherche universitaire et de l'activité des organismes privés en matière d'information et de consultation.

Le rapport de travail de l'OPCA, du 20 février 1998, contient une synthèse à ce sujet (voir annexe).

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II

Poblématique actuelle

1

«Secte»: une notion floue

La définition de la notion de «secte» est chargée d'histoire, donc difficile et problématique. Chaque tentative de lui attribuer un contenu clairement délimité et libre de tout jugement de valeur est vouée à l'échec tant les points de vue depuis lesquels il est possible d'aborder cette question peuvent être différents. Les quelques termes ciaprès sont très révélateurs: outre le terme de «secte», on rencontre également des appellations telles que «religion de jeunes» (principalement durant les années 60), «communauté d'esprit», «culte destructeur», «mouvement d'inspiration extrêmeorientale», «organisation occulte», «organisation travaillant à l'abri de la liberté du culte (organisations-écrans)» ou (au niveau politique) «communauté religieuse communément appelée secte de jeunes ou communauté d'esprit», ou de manière plus générale «nouveau mouvement à caractère religieux». Ce dernier terme recouvre également les termes anglo-saxons «audience cult», «client cult» et «cult movement» qui insistent plutôt sur le côté organisationnel de la notion et veulent correspondre à l'aspect «désir de liberté religieuse et approche consumériste vis-à-vis d'une offre religieuse du type grande surface». Le fait qu'il n'y ait aucune définition européenne opérationnelle sur le plan juridique constitue une difficulté supplémentaire.

Dans le langage courant, le terme de «secte» est de nature idéologique et, dans le cadre d'une religion, désigne «. . . un groupe de personnes professant les mêmes opinions particulières, la plupart du temps jugées hérétiques par l'institution ellemême. De nos jours, communauté fermée, à vocation spiritualiste ou religieuse, dirigée par un maître ayant un pouvoir absolu sur les membres de la secte» 3. Ce terme est souvent utilisé avec des qualificatifs tels que de «radicale», «extrémiste», «endoctrinante», «totalitaire» ou «destructrice», ce qui entraîne le danger d'une dépréciation globale et d'une stigmatisation non différenciée de communautés et de pensées religieuses très diverses. Les communautés étiquetées, ou qui se sentent étiquetées en tant que secte refusent cette désignation. Elles préfèrent le terme «nouveaux mouvements à caractère religieux» qui est utilisé dans le cadre des sciences religieuses et de la branche de la sociologie qui étudie les phénomènes religieux, et qui est
par conséquent scientifiquement neutre. De plus, ce terme a l'avantage de leur conférer une authenticité religieuse. En revanche, il soulève aussi un certain nombre de questions. Est-ce qu'un mouvement qui se définit lui-même comme étant une «Eglise», qui s'estime victime de «persécutions religieuses» et dont la substance religieuse est plutôt pauvre, peut véritablement constituer un «nouveau mouvement religieux»? Un mouvement qui se présente comme mouvement religieux malgré des indices contraires peut-il être qualifié de groupement-écran dangereux?

Certains mouvements adaptent leur étiquette aux particularités des Etats dans lesquels ils sont implantés. Dans un pays, ils adoptent la désignation d'«Eglise», dans un autre ils se nomment «centre de philosophie appliquée». Ils se déclarent importunés par la justice et se considèrent comme étant une «minorité religieuse persécutée». Alors que les mouvements honnêtes ne sont pas sujets aux conflits, d'autres, douteux, se parent de l'étiquette «nouveau mouvement à caractère religieux» afin de pouvoir en appeler à la protection de la liberté de culte.

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Encyclopédie Bordas

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Le terme de «secte» n'est pas neutre et ne constitue pas une catégorie scientifique de certaines formes de croyances ou de certains styles de vie dont les caractéristiques seraient définies avec précision4. Cette notion est devenue un sujet de divergence politique qui nécessite ­ pour cette raison justement ­ une approche plus précise en tant que phénomène social.

2

«Sectes»: réalité et phénomène de marché d'une société pluraliste

Le phénomène des «sectes» doit être vu dans le contexte de la société actuelle (société de plus en plus caractérisée par l'éclatement, l'individualisation, l'augmentation de la spécialisation professionnelle et la mutation du monde du travail qui l'accompagne ainsi que par un pluralisme de plus en plus prononcé dans les domaines de la religion et de la philosophie). Certains besoins fondamentaux de l'être humain trouvent de moins en moins d'espace: les rapports sociaux se distendent et se rompent, la composante créative du travail disparaît, le côté matériel de l'existence l'emporte sur le sens des choses et de la vie, les mutations, de plus en plus rapides, favorisent le manque d'assurance et augmentent le potentiel de frustration. A cela vient d'ajouter le fait que la société (occidentale) ne s'oriente plus vers une même valeur. Dans cette époque caractérisée par les mutations des valeurs et l'insécurité qui en découle, les «sectes» se proposent en tant que refuges. Elles offrent un sentiment d'appartenance à une communauté, elles compensent l'isolation sociale, elles donnent une identité aux individus qui se sentent devenir des numéros et apportent des réponses aux questions concernant le sens des choses et de la vie (réponses souvent absolues). En d'autres termes, les «sectes» répondent à un besoin de sécurité.

C'est d'ailleurs ce qu'une étude sur les sectes en Suisse avait permis de constater en 19825.

«Nous assistons sur le plan religieux, parallèlement au phénomène économique, à une forme de mondialisation qui se caractérise par le fait qu'un certain nombre d'entreprises religieuses ont une stratégie mondiale et ne peuvent être comprises que dans cette perspective. [. . .] Pour décrire ce changement religieux, vu que nous sommes tous victimes de l'économisation de notre société, un modèle s'impose pour le comprendre: c'est le modèle du marché qui apparaît aujourd'hui le plus adéquat.

La situation religieuse contemporaine se caractérise par le fait qu'elle forme un marché ouvert sur le plan religieux, où le consommateur choisit en toute liberté ses affiliations et surtout son système de croyance.» Du point de vue sociologique, la diversité et le grand nombre de mouvements impossibles à évaluer est l'une des caractéristiques du modernisme et du postmodernisme. Pour définir ce phénomène,
un sociologue britannique a forgé le concept de «cultic milieu»: «En anglais, le mot désigne notamment les groupes par rapport à la tradition religieuse dominante. Mais ils ne peuvent foisonner qu'en interaction avec un milieu qui leur est favorable. Ce est l'assortiment hétérogène des 4

5

Flammer Philipp, «: Können wir auf dieses Wort verzichten?» Conférence à la Paulus-Akademie de Zurich les 16 et 17 mars 1996 sur le sujet: «Missbrauchte Sehnsucht. Oder: Was ist eine Sekte?», in: InfoSekta, Tätigkeitsbericht 1996, pp. 20 et s.

Campiche Roland J., Les sectes religieuses: sociétés dans la société suisse romande, in: Repères, Revue romande, no 4, 1982, pp. 8 et s.

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systèmes de croyance et des pratiques qui leur sont associées. Il ne s'agit pas nécessairement de au sens strict: dans le se rencontrent médecines parallèles, parapsychologies, voies spirituelles exotiques, intérêt pour l'étrange, ésotéro-occultisme, etc. Sans lien apparent entre eux, ces domaines très divers tendent en fait à se renforcer mutuellement: ils baignent dans une atmosphère propice à la recherche d'autres valeurs, et celui qui s'intéresse à l'un de ces domaines se trouve presque inévitablement, tôt ou tard, en contact avec les autres, car les sources d'information sont souvent les mêmes librairies, les mêmes périodiques, les mêmes lieux de réunion (Campbell 1972)»6.

Il s'agit ici de lever une ambiguïté largement répandue: le marché global du religieux ne s'adresse pas à une clientèle définie, clairement identifiée et structurable comme pourrait le suggérer l'emploi fréquent du terme de «sectes de jeunes» durant les années 60 (années qui marquent également les débuts d'une information sur les «sectes» mise en place par des associations de parents concernés). L'interprétation du phénomène des «sectes» en tant que révélateur d'une «crise de l'individu» ne doit pas masquer le fait que le phénomène possède également une dimension sociale. En d'autres termes, comme l'une des personnes entendues l'a dit, nous sommes tous susceptibles d'être victimes des sectes («Alle sind sektenfällig»). Des personnes convaincues de leur conception de la vie renoncent bien plus vite à une vie engagée que ce qui est généralement supposé. D'autres vont même jusqu'à abandonner un savoir scientifiquement établi pour adopter des principes pseudo-scientifiques.

A l'avenir, l'éclatement et la propagation continuels des formes et des contenus religieux et pseudo-religieux ne pourront guère être arrêtés. La première conséquence est que les dérives vont augmenter, qu'il s'agisse de drames individuels et cachés, «non spectaculaires», ou de drames collectifs, explosifs, donc «spectaculaires».

L'analogie du phénomène avec une maladie ou une épidémie est cependant fausse.

Elle laisse entendre que si l'on trouve le bon vaccin, on trouve une solution toute simple: il faut se débarrasser de cette illusion. Deuxièmement, le très «vaste» marché du religieux et la «religiosité parallèle»
(le «cultic milieu» selon Campbell) très perméable ­ le «tourisme» des adeptes est important entre les divers mouvements ­ ne peuvent pas être considérés et jugés en bloc. Troisièmement, les personnes concernées ne doivent pas être mises sous tutelle, elles doivent être prises au sérieux. Quatrièmement, le phénomène est trop dynamique, l'évolution rapide pose d'énormes problèmes à l'observateur: «Ce qu'il écrit aujourd'hui sera-t-il valable demain? Les lignes de force demeureront-elles les mêmes, des groupes encore inconnus se retrouveront-ils au premier plan de la scène des religions minoritaires»7?

L'élargissement constant de la variété des possibilités techniques et des croyances ne signifie toutefois pas «une explosion statistique du nombre des adeptes; les effectifs de bien des groupes demeurent modestes»8. Outre les drames véritables, les dangers objectifs et réels sont le détachement de la société et la perte de la conscience politique. Ces dangers ne doivent en aucun cas être sous-estimés ou considérés comme des manifestations isolées. Au contraire, étant donné que tout le monde est potentiellement concerné, il s'agit bien d'un problème social et politique. La société porte 6 7 8

Mayer Jean-François, Phénomène des sectes et religiosité parallèle quelques aspects du pluralisme religieux, p. 1474.

Mayer Jean-François, Phénomène des sectes et religiosité parallèle quelques aspects du pluralisme religieux, p. 1466.

Mayer Jean-François, Phénomène des sectes et religiosité parallèle quelques aspects du pluralisme religieux, p. 1466.

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donc une responsabilité. Elle doit répondre préventivement aux égarements et aux débordements en engageant des moyens adéquats sur un plan très large. Pour cette raison, il est nécessaire d'identifier les structures, les caractéristiques et les méthodes propres aux mouvements religieux, spirituels, ésotériques ainsi qu'aux offres que l'on retrouve sur le marché de l'assistance spirituelle et qui, lorsqu'ils peuvent être qualifiés de problématiques ou dangereux, sont potentiellement porteurs de conflit.

3

Un état de la situation

Du point de vue quantitatif, les données sont divergentes. En se basant sur le recensement fédéral de 1990, Jean-François Meyer a relevé que moins de deux pour cent de la population suisse se réclame d'un groupement constitué autour d'une croyance qui se distancie des grandes religions; ces adhérents font partie d'environ 300 mouvements religieux. Ailleurs, le même auteur parle de «moins de trois pour cent» et d'au moins «200 à 300 mouvements»9, ailleurs encore de «300 à 600 mouvements».

Le groupe de travail oecuménique «Neue religiöse Bewegungen in der Schweiz» parle de plus de 600 mouvements10, à l'instar du journaliste Hugo Stamm. Selon le professeur Georg Schmied de l'Informationsstelle der evangelischen deutschschweizer Kirchen, dans la 7e édition (en préparation) de l'ouvrage d'Oswald Eggenberger, il est question de 700 à 800 mouvements. Les différences entre ces chiffres11 découlent d'une part de l'approche et des intérêts particuliers des divers auteurs et, d'autre part, du phénomène en tant que tel. Ainsi, tous les mouvements ne sont pas constitués en groupements et ne sont donc pas pris ou ne peuvent pas être pris en compte par les statistiques. En outre, il faut également partir du principe qu'il existe une zone grise, confuse, non structurable et non quantifiable qui entraîne un risque de focalisation de l'intérêt sur un nombre de mouvements limités bien connus. Il semblerait cependant que la Suisse (avec la Grande-Bretagne et la Hollande) soit en effet le pays le plus touché par la multiplication des mouvements à caractère religieux.

Selon le recensement, en 1990, la population suisse comptait 39,98 % (environ 2,7 millions de personnes) de protestants12 (1980: 44,3 %) et 46,32 % (environ 3,1 millions de personnes) de catholiques13 (1980: 47,9 %). Environ 58 000 personnes faisaient partie d'une «autre communauté chrétienne»14 et 30 000 personnes d'«autres communautés religieuses et philosophiques» (les bouddhistes p. ex.). Pour ce qui est des communautés religieuses israélite et musulmanes, elles comptaient respectivement 17 500 et 152 000 membres. Environ 51 000 personnes ont indiqué n'appartenir à aucune communauté alors que 100 000 personnes n'ont donné aucune 9 10 11

12 13 14

Mayer Jean-François, La liberté religieuse à l'heure du pluralisme, Rutherford Institute, Rapport sur la Suisse, Paris, août 1997, p.3.

Groupe de travail oecuménique «Neue Religiöse Bewegungen in der Schweiz», Entwicklungen von 1979­1997, p. 5.

Le rapport d'une commission d'enquête parlementaire française (Les sectes en France, Rapport Parlementaire, Paris 1996, p. 41) souligne les difficultés en matière d'évaluation quantitative.

Eglises évangéliques réformées, Eglises évangéliques méthodistes, autres Eglises et communautés protestantes.

Eglise catholique romaine, Eglise catholique-chrétienne, Eglises orthodoxes et Eglises chrétiennes des rites d'Orient.

Eglise néo-apostolique (env. 30 000), Témoins de Jéhovah (19 500), autres communautés chrétiennes (8300).

9199

information quant à leurs préférences religieuses. De 1980 à 1990, le nombre des personnes qui se décrivent comme n'appartenant à aucune religion est passé de 3,8 % à 7,4 %. Pour un nombre croissant de personnes témoignant d'une croyance religieuse, les deux grandes Eglises chrétiennes ne constituent plus la norme en ce qui concerne les questions religieuses et on estime que, actuellement, environ un suisse sur cinq se considère comme n'appartenant à aucune religion ou confession.

Ces chiffres, liés à la constatation que, par exemple, les Témoins de Jéhovah ont contribué à l'intégration sociale des immigrants en provenance d'Italie, d'Espagne et du Portugal, permettent de tirer la conclusion suivante: la diversité du paysage religieux suisse ne se distingue que de manière insignifiante des modèles que l'on retrouve dans les autres pays étrangers de notre milieu culturel ­ un nouvelle situation pour un pays qui n'a jamais eu de tradition coloniale et qui ne se décrit pas comme pays d'immigration15.

Aujourd'hui, la Suisse est considérée comme un pays d'«importation» pour pratiquement chaque mouvement. Elle a également ses propres mouvements (Methernita, Uriella, etc.) mais elle n'exporte pratiquement pas de mystiques.

Les nombreux commentaires de la presse au sujet d'une étude réalisée par l'institut d'éthique sociale de Lausanne sur l'appartenance religieuse et confessionnelle en Suisse16 ont interprété l'augmentation de la part des personnes s'intitulant «sans confession» (environ 12 % de la population ou 500 000 personnes) comme phénomène représentatif d'une avancée de l'athéisme. «Il y a effectivement de plus en plus de gens qui se disent sans lien avec une quelconque organisation religieuse mais qui ont leur croire [. . .]. Nous sommes justement dans une société qui se spécifie par l'abondance du croire plutôt que par sa rareté, sous des formes diverses et variées.» En Suisse, les groupements classés dans la catégorie des «nouveaux mouvements à caractère religieux» et qui ne peuvent plus être rangés dans la lignée de la pensée chrétienne au sens le plus large, ont commencé à essaimer durant les années 50 et 60. Il s'agit pour une partie d'une «importation culturelle» en provenance d'Inde, du Japon, du monde asiatique, du monde de l'ésotérisme, et pour une autre, d'«innovations culturelles»
imprégnées d'éléments de culture occidentale sans références à la tradition chrétienne (Scientologie p. ex.). Il est plutôt rare de rencontrer de nouvelles religions indigènes. Même si la Suisse est considérée comme «plaque tournante» du marché du religieux, son évolution ne diffère pas beaucoup de celle des autres pays, puisque, avec la crise de l'individu, chaque société occidentale est sujette au phénomène des sectes ­ toutefois, la prospérité et l'aisance d'une société influence ce processus dans la mesure où la catégorie de la «personne riche et malheureuse» se rencontre assez souvent en Suisse.

Quelques-unes des personnes entendues sont de l'avis que le marché du religieux en Suisse, avec sa demande spirituelle et l'offre très large en mouvements et en diverses orientations qui en résultent, est autorégulé pour deux raisons. Premièrement, la grande diversité de l'offre ne constitue pas le meilleur milieu pour un ancrage durable et stable et, deuxièmement, dans des conditions économiques normales, les ex-

15 16

Roland Campiche et Claude Bovay, in Mayer, Jean-François, La liberté religieuse à l'heure du pluralisme, Rutherford Institute, Rapport sur la Suisse, Paris, août 1997, p. 2.

Office fédéral de la statistique: L'évolution de l'appartenance religieuse et confessionnelle en Suisse, Berne 1997.

9200

trêmes politiques et religieux s'auto-équilibrent. Les Suisses ont une aversion pour les extrêmes.

Après le drame de l'OTS, il convient de relativiser l'opinion, exprimée à diverses reprises lors des auditions, selon laquelle la Suisse romande serait plus tolérante que la Suisse alémanique envers les mouvements endoctrinants: il est intéressant de constater que c'est la Suisse romande justement qui tente de mettre sur pied une collaboration intercantonale. En outre, l'influence du pays voisin sur la région linguistique suisse correspondante, c'est-à-dire l'Allemagne, la France et l'Italie, a également été relevée.

4 41

Analyse de la commission Remarque préliminaire: les droits de l'homme, les droits fondamentaux et le respect du droit en tant que garants de la liberté, de l'égalité des chances et de la tolérance

Dès le départ, la commission était d'accord sur le fait que son examen ne pouvait s'étendre aux contenus religieux, philosophiques ou autres auxquels l'homme recourt depuis toujours pour expliquer l'existence humaine. L'objet de son travail n'est pas non plus orienté vers la liberté nécessaire à la recherche de la vérité, comme l'espace impérativement nécessaire au développement de la spiritualité. Pour ce qui est du rôle de l'Etat, cela signifie pour la commission que l'on ne doit pas toucher à l'une des libertés constitutionnelles les plus anciennes des Etats européens, c'est-à-dire au principe des droits fondamentaux qui protègent l'individu contre les interventions de l'Etat.

A ce propos, l'art. 15 de la nouvelle Constitution du 18 décembre 1998 maintient le respect de ce principe: il garantit la liberté de conscience et de croyance, le libre choix en matière de religion ou de convictions philosophiques, le droit de les professer individuellement ou en communauté, ainsi que le droit «d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir et de suivre un enseignement religieux». Ces garanties figurent également à l'art. 9 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et à l'art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP): «il y a une obligation des Etats, et aussi un intérêt, à éliminer toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion, condition sine qua non pour qu'un pays puisse vivre en paix à l'intérieur de ses frontières et avec les autres pays»17. En contrepartie de la garantie de cette liberté, l'art. 15, al. 4, de la nouvelle Constitution fédérale interdit la contrainte religieuse: «Nul ne peut être contraint d'adhérer à une communauté religieuse ou d'y appartenir, d'accomplir un acte religieux ou de suivre un enseignement religieux»18.

A ce sujet, la commission estime que, même au nom d'une croyance, il n'est pas permis de porter atteinte aux droits de l'homme, aux valeurs fondamentales reconnues, au principe des libertés fondamentales (la liberté d'autodétermination par exemple) ni aux principes de base de la démocratie. En même temps, la commission est consciente qu'il ne peut y avoir de limitation d'un droit garanti constitutionnel17 18

Cf. position de la délégation suisse à la réunion de l'OSCE sur la liberté de religion (Vienne, 22 mars 1999).

Au niveau international, cette disposition trouve son pendant à l'art. 18, al. 2, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

9201

lement que dans des conditions définies précisément: elle doit répondre à l'intérêt public, s'appuyer sur une base légale et respecter le principe de la proportionnalité.

Les art. 9 CEDH et 18 PDCP prévoient d'ailleurs expressément la possibilité de restreindre la liberté de religion ou de conviction, en précisant les conditions dans lesquelles une telle restriction peut intervenir19.

Si la recherche de la vérité sous forme d'engagement religieux engendrait dans tous les cas plus de liberté, le présent examen n'aurait pas de raison d'être. Malheureusement, c'est le contraire qui est parfois vrai. En effet, il y a parfois des cas d'atteinte aux droits fondamentaux et démocratiques de l'individu (p. ex. le libre arbitre, la liberté d'expression, voire l'intégrité corporelle).

42 421

Aperçu des structures et des caractéristiques Composante dynamique

Le phénomène des «sectes» n'est pas spécifiquement de nature chrétienne. Il se rencontre dans et hors des grandes religions.

Du point de vue sociologique, le terme de «secte» a le sens de «minorité dissidente» et caractérise des attitudes telles que l'intolérance ou le prosélytisme agressif (zèle ardent et importun pour tenter d'imposer des idées ou des conceptions). De telles caractéristiques ne se limitent pas aux «sectes» qui se considèrent elles-mêmes comme des communautés religieuses particulières. En effet, les «sectes» se rencontrent également dans les religions traditionnelles, dans les partis, les associations etc.

Finalement, et en guise de résumé, chaque communauté est une secte potentielle qui se surestime. Chaque «Village-Dessus» se croit meilleur que le «Village-Dessous».

La perception du groupe va de la simple considération de son particularisme jusqu'à des conceptions monistes. Ces caractéristiques ne doivent pas être comprises comme étant statiques. Elles ont au contraire une composante dynamique et une dimension verticale d'un comportement qui peut évoluer pour devenir de plus en plus sectaire (le contraire a été rarement constaté). Comme il peut y avoir une évolution conduisant à un sectarisme de plus en plus marqué, une évolution vers une plus grande ouverture d'esprit et une volonté de dialogue accrue sont également possibles. A ce sujet, le professeur Georg Schmid a développé un modèle qu'il appelle «thermomètre des sectes» et qu'il a présenté à la commission. Ce modèle constitue une forme d'illustration des différents degrés de «sectarisme»:

19

­

1er degré: Le sentiment de représenter quelque chose de particulier est normal pour chaque communauté humaine, pour les Eglises nationales, les partis, les clubs sportifs, etc.

­

2e degré: Nous ne sommes pas seulement des êtres particuliers, en effet, chacun se sent meilleur que les autres ­ ce sentiment est également normal: si je ne trouvais pas mon Eglise ou mon parti politique meilleur qu'un autre, je n'y appartiendrais pas. D'ailleurs, les autres appartiennent également à des communautés qu'ils jugent meilleures.

Art. 9, al. 2 CEDH: «La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui».

9202

­

3e degré: J'appartiens au meilleur de tous les groupes. D'ailleurs tous les autres groupes devraient imiter le mien. Ce degré voit apparaître une pression missionnaire, un besoin de faire de la publicité pour son propre groupe. Les Eglises nationales en tant qu'organisations ne se situent pas à ce degré. En revanche, ce pourrait être le cas de certains des courants qui en émanent. Les Eglises libres font preuve d'une activité «publicitaire» plus importante et appartiennent ainsi à ce 3e degré, ceci principalement à cause du témoignage de leur foi chrétienne: tout le monde devrait croire en JésusChrist de la même manière qu'eux.

­

4e degré (degré du fondamentalisme): Nous serons les seuls à connaître le salut et nous sommes dépositaires de la vérité divine (même si nous n'en avons pas l'exclusivité). La doctrine est parfaite, le ciel a donné sa bénédiction. Celui qui professe et qui croit comme moi est dans la vérité ­ celui qui professe et qui croit autrement devient esclave de ses propres pensées ou de pensées démoniaques. Celui qui ne se joint pas à notre croyance est perdu.

Les fondamentalistes déifient leur doctrine. La secte évoluée peut aller jusqu'à déifier le groupe lui-même. [. . .] Bien qu'elles l'aient été par le passé (tant il est vrai que de grandes communautés peuvent également atteindre des degrés élevés sur ce thermomètre), il n'y a plus d'Eglises nationales à ce degré.

Ce 4e degré de sectarisme est atteint par beaucoup de personnes, ainsi que par des communautés d'esprit [. . .].

­

5e degré: «Nous serons les seuls à connaître le salut éternel et les seuls dans le ciel». Les autres personnes sont soit des sujets pour l'activité missionnaire ou ne sont bons qu'à être damnés. Les personnes qui n'ont pas la foi doivent impérativement être évitées, leur athéisme relevant du démon.

­

6e degré: Le groupe tente de bannir les non-croyants de leur horizon ­ la séparation d'avec le monde et la société commence ici. Seul la secte a le droit de vivre sur terre (mot-clé: paranoïa). Ceux qui sont perdus n'ont pas le droit de vivre, de toute manière, ils brûleront en enfer ­ et d'ailleurs, pourquoi ne pas allumer un petit feu tout de suite? Le fait d'ignorer d'autres gens (les non-croyants) révèle une pensée inquisitrice sous forme d'inquisition psychique. [. . .] Celui qui quitte un groupe de ce degré de sectarisme n'existe plus aux yeux de ses adhérents (les membres de la famille ne font pas exception). Lorsqu'ils le croisent dans la rue, ils détournent le regard . . .

­

7e degré: La mégalomanie de la secte se transforme en délire de persécution à l'extérieur et, parallèlement, en délire de toute-puissance à l'intérieur («lorsque je pense à quelque chose, cela devient la réalité»). [. . .] Le délire de la toute-puissance se développe presque automatiquement lorsque toute critique est bannie. Celui qui dénonce ce délire devient un ennemi mortel (action de la paranoïa). Ensuite, ce délire de persécution se développe à son tour en raison de l'incompréhension croissante du monde extérieur. La secte commence à diaboliser toute critique de la part du monde extérieur.

­

8e degré: Une étincelle mène à la catastrophe, non pas pour le monde entier, mais pour le groupe, qui disparaît. Le délire de toute-puissance et la paranoïa se combinent pour culminer dans un accès collectif de folie meurtrière.

9203

Les critères principaux révélateurs de la direction de la dynamique sont les discussions internes et les débats ouverts. Lorsque leur tenue est assurée, le groupe reste à un degré inférieur. En revanche, s'ils sont empêchés, le groupe se dirige vers le sommet de l'échelle. Le rapport entre l'existence de discussions internes et le degré de sectarisme est manifeste.

422

Visions de l'univers et de l'homme et leur «communication»

En plus de cette dimension, certaines caractéristiques de nature formelle et structurelle ainsi que leur vision de l'univers et de l'homme concourent à expliquer l'attitude des mouvements envers leurs membres et la société: ­

Perception réduite, manichéenne et généralement schématique de la réalité qui s'accompagne en partie d'un «savoir occulte»; toute relativisation ou position intermédiaire est rendue impossible.

­

Existence de modèles de solutions universels ­ tant individuels que globaux ­ clairs et immanents.

­

Les structures hiérarchisées caractérisées par un esprit de subordination et de contrôle réciproque entraînent une dépendance excessive: décision et responsabilité sont déléguées à une «compétence plus élevée»20.

Un gourou absolu, un prophète, un messie ou sauveur ­ homme ou femme ­ prétend connaître la voie absolue du salut et, pour y arriver, il prône un concept élaboré, tout aussi absolu, qui ne cadre pratiquement pas avec les expériences humaines habituelles dans le domaine mystico-spirituel. De plus, une telle «instance supérieure» peut vivre au loin ou être morte, donc inaccessible dans les deux cas. Il arrive également que le mouvement se réclame d'une doctrine désincarnée, indépendante de toute personnalité.

­

La «vérité» du groupe est sacro-sainte (elle ne supporte aucune critique).

Elle est imposée radicalement, parfois en recourant à des moyens extrêmes: des théories de conspiration21 (de l'extérieur) sont inventées, la peur (de certaines personnes du groupe) est attisée et exploitée, des dépendances sont créées et renforcées (rencontres quotidiennes, isolement du groupe, isolement des membres, contrôles par le groupe, etc.). De telles «vérités» sont institutionnalisées au moyen de techniques d'endoctrinement et de manipulation (processus de dynamique de groupe, rituels ou langage artificiel).

La force avec laquelle ces caractéristiques se manifestent dépend à la fois de la taille, de l'âge et de la structure organisationnelle du groupe ainsi que de la complexité de la doctrine. Il est également possible de faire appel à ces caractéristiques pour l'évaluation des courants fondamentalistes ou de mouvements internes à des religions reconnues. Il s'agit en fait d'éléments de base et de mécanismes schématiques identiques que l'on retrouve généralement dans les mouvements les plus divers qui, au premier abord, ne semblent pas comparables. L'expérience montre que, lorsque plusieurs de ces caractéristiques ­ variables quant à leur orientation ­ se manifestent avec une certaine intensité ­ qui est, elle aussi, sujette à variation ­ au sein 20 21

Gasper et al., Lexikon der Sekten, Sondergruppen und Weltanschauungen, p. 977.

Sous nos latitudes, ces théories sont presque toujours d'inspiration antisémite; cf. à ce sujet Tangram: bulletin de la Commission fédérale contre le racisme, no 6, «Religion et ésotérisme à la dérive?»

9204

d'un groupe, il est possible de conclure qu'il y a endoctrinement et manipulation suggestive, même s'il n'est pas facile de le prouver concrètement au moyen d'exemples précis. L'examen de groupements douteux en fonction de ces caractéristiques permet de renoncer à leur étiquetage au moyen de termes tels que «secte», «communauté d'esprit», «nouveau culte religieux», «mouvement d'inspiration extrême-orientale», «organisation occulte», etc., ce qui, par conséquent, permet également de renoncer à la définition de ces termes.

Ceci vaut également pour les termes plus généraux tels que «communauté religieuse» ou «Eglise» que certains groupements utilisent afin de ne pas être étiquetés en tant que «secte» et ainsi prêter le flanc à la critique. A l'inverse, certaines Eglises peuvent présenter des traits sectaires. De l'avis des personnes entendues, une approche qui se réfère aux caractéristiques structurelles et méthodiques présentées n'affecte pas la liberté de conscience et de croyance garantie par la Constitution.

Ainsi, l'Etat sort de la ligne de mire de la critique: il ne juge ni ne condamne les conceptions de l'univers et les idées de groupes.

Toutefois, les structures, les méthodes et les contenus ne peuvent pas toujours être clairement séparés les uns des autres. Il n'est pas possible de renoncer à conduire une réflexion au sujet du contenu et de l'idéologie lorsque l'idéologie ­ toujours basée sur une vision de l'homme ­ constitue une partie de la méthode. Lorsque cette idéologie est raciste ou fasciste et qu'elle est ouvertement propagée, les bases légales actuelles (art. 261bis Code pénal: «Discrimination raciale») permettent déjà d'intervenir (ce qui n'est pas le cas lorsqu'elles sont propagées dans des cercles fermés et privés, ce qui démontre l'importance et la nécessité de l'information). Les tendances racistes ou antisémites, ou encore d'extrême droite ou fascistoïdes, peuvent prendre différentes formes22: ­

mouvements ou publications exprimant ouvertement des opinions racistes, antisémites ou négationnistes.

­

doctrines s'appuyant sans recul sur des courants de pensée racistes ou antisémites plus anciens et parfois inhérents à la mentalité d'une époque donnée (elles sont plus dangereuses, mais il est plus difficile de les mettre en évidence). Il est indispensable ici que les tenants d'une telle doctrine soumettent la tradition de pensée concernée à un réexamen critique, qu'ils prennent leurs distances avec les éléments racistes que la doctrine propagée peut avoir, et qu'il soit procédé le cas échéant à leur réinterprétation religieuse ou théologique.

­

doctrines antidémocratiques remettant en cause les valeurs humanistes et égalitaires qui fondent notre société.

En outre, une séparation nette n'est pas possible non plus dans les cas où une méthode portant atteinte aux droits fondamentaux est un produit ou un prolongement de l'idéologie. C'est le cas notamment lorsque la critique interne (du contenu ou de l'idéologie) du groupe est interprétée comme étant une «tentation de Satan» ou imputée à un manque de loyauté du membre envers sa communauté et qu'elle est (parfois) sanctionnée par des «comités de justice» internes.

En ce qui concerne l'exploitation sexuelle également, elle peut trouver ses racines dans les structures internes du groupe, dans l'obéissance et la soumission. Mais elle peut également être justifiée pour des raisons idéologiques, notamment lorsqu'elle 22

Cf. différents textes in Tangram, no 6.

9205

devient un «acte sacré» ou qu'elle résulte de la préférence pour un membre particulier qui est désigné en tant que «l'élu du gourou» et qui se considère également comme tel. De telles tristes pratiques ­ dont les victimes sont souvent des enfants ­ se distinguent de l'exploitation sexuelle que l'on rencontre également dans la société dans la mesure où les coupables n'agissent pas de manière isolée ou pour des motifs individuels.

423

Endoctrinement en tant que critère essentiel

Au vu des caractéristiques structurelles telles que la composante dynamique du sectarisme, il n'est pas possible de renoncer à des jugements de valeur sur le comportement destructeur et dangereux de groupements. Ces jugements de valeur doivent cependant faire l'objet d'un examen régulier, à la fois pour tenir compte de l'aspect dynamique et pour répondre à de hautes exigences découlant de la protection des valeurs fondamentales.

Ainsi, il est possible de tirer une première conclusion concernant l'objet de l'examen. La nécessité de trouver une définition terminologique est confrontée au fait qu'elle concerne un phénomène très vaste pouvant être abordé sous plusieurs angles de vue qui ne sont pas toujours concordants, qui tiennent compte de composantes dynamiques et structurelles, qui recouvrent des facettes très diverses et qui demeurent lacunaires. En fait, il existe un «noyau dur» de mouvements porteurs d'un potentiel de conflit et qui peuvent être décrits comme étant des mouvements ou des groupes endoctrinants.

Le terme d'«endoctrinement» s'applique aux groupes pour lesquels les caractéristiques structurelles décrites ci-dessus ressortent tout particulièrement et posent des problèmes. Un tel classement peut se faire indépendamment de la question de savoir s'il s'agit de nouveaux mouvements (le sectarisme peut également être observé dans des Eglises traditionnelles), de groupes religieux, spirituels ou ésotériques ou s'il s'agit d'organisations-écrans actives sur le marché de l'assistance spirituelle.

Fondamentalement, le terme utilisé dans le rapport est celui de mouvement ou de groupe endoctrinant. La commission est toutefois consciente que le fait de renoncer à l'emploi du terme de «secte» n'est pas un choix satisfaisant dans la mesure où «secte» est un mot provocateur qui a acquis, il y a longtemps déjà, une dimension politique et qui fait partie du jargon politique. En renonçant à l'emploi de ce mot, il se peut qu'on laisse parfois livrées à elles-mêmes les personnes qui sont confrontées à des groupes organisés, donc puissants23.

Les constatations déjà faites au sujet d'une évaluation quantitative s'appliquent également ici: il serait trompeur de limiter la discussion des méthodes et des structures d'endoctrinement aux membres de communautés ou aux communautés ellesmêmes. Dans le milieu
flou de l'offre ésotérique, il n'y a souvent pas de structure organisationnelle en tant que telle ­ un mage peut simplement rassembler une poignée de personnes autour de lui. Sur le vaste et très diversifié «marché de la pensée religieuse et philosophique», les offreurs travaillent souvent avec des méthodes sectaires, sans avoir et sans recruter de membres en tant que tels. Sur ce marché, les 23

Flammer Philipp, «: Können wir auf dieses Wort verzichten?» Conférence à la Paulus-Akademie de Zurich les 16 et 17 mars 1996 sur le sujet: «Missbrauchte Sehnsucht. Oder: Was ist eine Sekte?», in: InfoSekta, Tätigkeitsbericht 1996, p. 27.

9206

frontières elles-mêmes sont floues ­ d'après les déclarations de l'une des personnes entendues, l'OTS s'est développé à partir d'un cercle de lecture ésotérique ­ et très perméables: des membres de groupuscules peuvent occuper des positions sociales élevées et, de cette manière, exercer une influence certaine. Il existe également un risque de rapprochement avec la politique. La présence des «sectes» dans le monde de l'économie est également un sujet important: leurs membres peuvent faire partie des cadres d'entreprises ou être actifs en tant que «consultants économiques». De plus, le fait qu'il s'agit également d'un phénomène de marché en tant que tel montre bien que le phénomène a également une dimension financière, qu'il s'agisse des situations d'endettement inextricables et de leur résultat inéluctable ou de l'édification d'empires financiers et de leurs agissements bien connus. Que les groupes ou autres intervenants sur ce marché ­ structurés ou non ­ soient religieux, qu'ils se considèrent comme ésotériques, qu'ils donnent dans la psychologie, qu'ils proposent des méthodes thérapeutiques non scientifiques ou qu'ils s'inspirent de théories New Age n'y change rien. Bien que cela ne soit pas toujours possible, il est indispensable d'examiner et de juger leurs structures et les méthodes qu'ils utilisent indépendamment des contenus véhiculés (religion, salut de l'âme, guérison, etc.).

43

Problèmes généraux

La partie ci-après est consacrée à la description des problèmes dans leur contexte social, en relation avec les services spécialisés et les autorités. Les problèmes touchant directement les personnes concernées seront abordés au chapitre 44 (Problèmes spécifiques des personnes directement concernées). De l'avis de la commission, il n'est pas toujours possible de différencier les problèmes généraux (de société) des problèmes spécifiques (individuels). Certains problèmes ressortissent à ces deux domaines à la fois.

431

Information insuffisante

Malgré la grande quantité d'informations détenue par des individus, des services d'information indépendants ou des Eglises, des organisations de personnes concernées et de certains services administratifs, il y a de grandes lacunes, principalement en ce qui concerne un grand nombre de groupements, petits, nouveaux ou en constante évolution. Mais, en ce qui concerne les grands groupes, connus depuis plus longtemps, force est de constater que l'actualité des connaissances amassées est toujours en retard par rapport à leur situation actuelle. De plus, les données disponibles proviennent généralement d'un nombre restreint de sources qui ne parviennent à garder une vue d'ensemble ou à permettre une évaluation générale qu'au prix de recherches complémentaires qui prennent énormément de temps.

Les raisons de ces lacunes résident pour une part dans la faible capacité des services spécialisés et, d'autre part, dans le nombre important des groupes concernés ainsi que dans les transformations que certains de ces groupes entreprennent constamment. Par ailleurs, nombreux sont les groupes qui provoquent volontairement ce manque de transparence en ne fournissant aucune information publique, en fournissant des informations donnant une fausse image de leur organisation réelle ou en changeant régulièrement d'apparence. Dans des cas extrêmes, certains groupes n'apparaissent que sous une forme «camouflée». Cette attitude est parfois déjà an9207

crée dans la doctrine professée par le groupe, lorsque les idées principales véhiculées par cette dernière ne sont accessibles qu'à un cercle de personnes initiées, qu'elles ne sont transmises qu'oralement ou uniquement dans un cercle fermé et que leur divulgation est passible de sanctions. De tels groupes font usage d'un voile de mystère.

Le manque d'informations entraîne de nombreux problèmes. Tout d'abord, la concurrence indispensable des idées, telle qu'elle doit avoir lieu dans une démocratie pluraliste et libérale, n'est pas possible, ou seulement de manière limitée, puisque les doctrines, les méthodes, sont mises à l'abri de la réflexion et du débat critiques. Sans connaissances au sujet de la situation actuelle, il se peut que des situations de crise internes ne puissent être identifiées ­ comme dans le cas de l'OTS ­ ou, lorsqu'elles le sont tacitement, elles ne peuvent pas être évaluées de manière crédible. Lorsque des groupes se manifestent sans cesse sous de nouvelles appellations et sous de nouvelles formes d'organisation, une partie des effets de l'information préventive est, entre autres conséquences, anéantie. Des informations inexactes ou qui ne sont pas à jour augmentent les risques dans le cadre des activités en matière d'information et de consultation. Le risque encouru est celui de donner de mauvais conseils, de ne parvenir à offrir qu'une assistance insuffisante ou d'être confronté à un dépôt de plainte. Si l'on veut accorder une priorité élevée à la qualité de la consultation, l'information et le conseil ne doivent pas être considérés de manière isolée.

Le Conseil fédéral et l'administration ne semblent pas disposer d'un système d'information adéquat. Comme l'OPCA le souligne dans son rapport de travail et comme la commission a pu le constater, la Confédération ne dispose d'aucun service qui se préoccupe explicitement de ce sujet, et ceci bien que plusieurs de ses services y soient de temps à autre confrontés. Ainsi, certains projets dans le cadre de la loi sur les activités de jeunesse ont été refusés étant donné que la participation démocratique n'était pas assurée. Toutefois, le service responsable souhaiterait pouvoir disposer de critères plus solides lui permettant de reconnaître les abus. Pour ce qui est de l'information, il y a un certain nombre de problèmes particuliers
qui se posent dans le domaine de la protection des données. En effet, seul un nombre restreint d'organisations respectent l'obligation ancrée dans la loi sur la protection des données qui stipule que les bases de données privées contenant des données sensibles permettant d'établir des profils de la personnalité ­ les données relatives aux opinions et activités religieuses ou philosophiques en font partie ­ doivent être annoncées au Préposé fédéral à la protection des données.

De son propre avis, le Préposé fédéral à la protection des données ne dispose que de moyens et de possibilités restreints. Il n'est ni en mesure de dépister les bases de données non annoncées de manière systématique, ni d'agir (notamment en vertu du principe de la proportionnalité) en cas de réserves justifiées relatives à des bases de données qu'il connaît (par exemple pour les données sur la santé, sur la fortune et les capitaux ou sur les difficultés personnelles). Cette entrave concerne également le transfert illicite de données sensibles vers des pays ne disposant pas de dispositions équivalentes en matière de protection des données. Au vu de ses propres expériences et étant donné la faible consultation du registre en question, le Préposé fédéral à la protection des données n'accorde pas une importance prioritaire à l'obligation d'annoncer les bases de données. Il faudrait concentrer les efforts sur le droit de chacun de se renseigner auprès des responsables des bases de données. Ce n'est que de cette manière que les personnes concernées (et non des organisations ou des tiers

9208

qui les représentent) peuvent contrôler l'exactitude des données à leur sujet et, le cas échéant, exiger leur correction.

Lorsque des communautés religieuses ou à caractère religieux sont reconnues par le droit cantonal, l'obligation d'annoncer les bases de données doit se conformer aux dispositions cantonales et non aux prescriptions fédérales en matière de protection des données.

En plus des constatations de l'OPCA, il s'est avéré que la pratique très réservée en matière d'échange d'informations entre les cantons conduit, pour diverses raisons, à des disparités en ce qui concerne l'imposition ou l'exonération des fondations ou des associations. Par ailleurs, ces disparités existent également entre la Confédération et les cantons. En vue d'une mise en oeuvre harmonisée de l'impôt fédéral direct, l'Administration fédérale des contributions considère que la création d'une sorte de registre suisse des impôts serait souhaitable. Elle est cependant d'avis qu'une telle base de données ­ qui existe partiellement dans certains cantons ­ serait difficilement réalisable et, pour diverses raisons, difficile à tenir à jour. Les groupements religieux ou à caractère religieux, le plus souvent organisés en tant qu'associations, ne sont pas connus des services fiscaux et des autres services et, le plus souvent, n'envisagent pas de s'annoncer en tant que contribuables éventuels.

432

Recherche et collaboration lacunaires

Les travaux scientifiques relatifs aux nouveaux mouvements à caractère religieux sont effectués par quelques scientifiques d'horizons les plus divers et découlent surtout de leur intérêt personnel pour la question. Ainsi, les rapports que la jeunesse entretient avec la religion ne font l'objet d'aucune recherche; seule une enquête du DDPS auprès des recrues (qui, par sa nature même, ne touche pas toute la jeunesse) fournit des informations dans ce domaine. Ce déficit en matière de recherche doit également être considéré sous l'angle du fédéralisme ­ les questions religieuses sont du ressort des cantons. Une étude du Fonds national des années 1987 à 1989 (programme de recherche 21 sur le pluralisme culturel et l'identité nationale) qui portait en partie sur les mouvements religieux non conventionnels en Suisse et leurs effets sur la société ne correspond plus aux circonstances actuelles et, de l'avis du Conseil fédéral, pourrait être réactualisée24.

En Suisse (contrairement à ce qui est le cas pour les Etats-Unis, où tout une discipline scientifique se préoccupe de ces questions) les méthodes de manipulation ne sont guère étudiées. Les suites psychiques résultant d'actes psychologiques (par opposition à des suites psychiques résultant d'actes physiques) sont mal connues. De plus, l'approche scientifique n'est pas assez interdisciplinaire et il serait urgent de procéder à une recherche fondamentale. De l'avis d'une des personnes entendues, la question de savoir avec précision ce qu'une «secte» est en réalité est tout à fait légitime.

Bien qu'elle ne soit pas totalement inexistante, au même titre qu'il y a des lacunes en ce qui concerne la recherche scientifique, il y a également un manque de collaboration entre la recherche universitaire et les services d'information et de consultation privés et des Eglises. Ce manque de collaboration découle pour beaucoup de l'approche du phénomène. La recherche s'intéresse aux résultats scientifiques alors 24

Interpellation relative à la lutte contre les sectes (98.3136 du 20.3.1998).

9209

que les services d'information et de consultation s'intéressent aux effets sur le psychisme et sur la santé ainsi qu'aux problèmes financiers des victimes directes et indirectes des mouvements endoctrinants. Le fait que la recherche soit alimentée par des moyens publics, donc assurée à long terme, alors que l'information et les consultations fonctionnent en grande partie grâce au volontariat, semble paradoxal. Ces services d'information et de consultation, qu'ils soient privés ou qu'ils dépendent des Eglises, connaissent des problèmes financiers et souffrent du manque de personnel.

C'est la raison pour laquelle ils ne parviennent pas toujours à répondre à la demande. (Durant les auditions, il est clairement apparu que le départ de conseillers expérimentés signifie également une grande perte de connaissances et de savoir-faire que l'engagement d'un nouveau collaborateur ne permet pas de compenser d'un jour à l'autre.)

Le Fonds national suisse de la recherche scientifique soutient un projet intitulé «Religion et lien social» relatif à un observatoire des religions en Suisse. Sous la direction du département interfacultaire d'histoire et de sciences des religions de l'université de Lausanne, le but de ce projet est de procéder à une large analyse des religions en Suisse sous l'angle des sciences sociales. Il prévoit notamment l'élaboration d'une base de données et la mise en place d'un réseau de chercheurs et d'organisations spécialisées. Les objectifs du projet ne sont pas de procéder à des recherches sur les abus et les potentiels de conflit.

433

Problèmes liés à l'application des lois en vigueur

En majorité, la commission est d'avis que les bases légales en vigueur sont suffisantes. Cependant, le recours aux lois est insuffisant (absence de plaintes) ou ces dernières ne sont pas assez bien appliquées (cf. p. ex. certaines législations sanitaires cantonales en ce qui concerne les pratiques des guérisseurs ou d'autres offres de soins pseudo-médicaux). Il est également difficile de sanctionner des propos qui ne tombent pas sous le coup de l'art. 261bis CP (p. ex. propos racistes ou antisémites) pour la seule raison qu'ils sont exprimés en privé. En outre, la législation comporte aussi un certain nombre de lacunes telles des prescriptions légales minimales dans le cadre de la protection des consommateurs (critères minimaux en matière de contrats).

Les avocats expérimentés qui défendent les intérêts de membres ayant quitté leur mouvement ainsi que ceux de leurs parents soulignent que les autorités judiciaires (et tutélaires) sont imprégnées de l'idée selon laquelle «les sectes ne touchent que les personnes vulnérables». Elles sont très réservées lorsqu'il s'agit de justifier des mesures liées à l'appartenance à un mouvement endoctrinant, qu'il s'agisse du bien de l'enfant, de divorce, de lésions corporelles ou psychiques. Lorsque le contexte est religieux ou prétendu tel, les craintes sont généralement, de l'avis de l'expert, encore plus importantes.

Les raisons de cette grande retenue résident en partie dans une appréciation insuffisamment claire du contenu et des limites de la liberté de croyance. En outre, les autorités judiciaires ont aussi souvent peur de devoir procéder à des délimitations difficiles ou d'affronter des contre-attaques juridiques ou au moyen de publications de la part des groupements visés. Mais il y a également des lacunes, autant en ce qui concerne les connaissances relatives à l'efficacité et aux dangers des structures et

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des méthodes propres aux «sectes» qu'en matière de compréhension des problèmes qui en découlent pour les personnes victimes des mouvements endoctrinants.

Cette situation peut avoir pour effet qu'une personne concernée n'obtienne pas de l'Etat la protection que le cadre juridique actuel permettrait de lui offrir. Au-delà, elle peut encore avoir des effets plus larges dans la mesure où le public se met à supposer qu'il ne peut attendre aucune aide de l'Etat lorsqu'il s'agit de groupes endoctrinants. Un certain nombre de ces groupes exploitent ces sentiments d'impuissance, voire les renforcent sciemment dans le cadre de leur système disciplinaire interne ou de leur comportement externe menaçant. De tels sentiments d'impuissance augmentent le nombre ­ déjà relativement important ­ de préjudices infligés par les mouvements endoctrinants qui ne sont pas recensés officiellement.

De l'avis de l'une des personnes entendues, sans ce sentiment d'impuissance, de nombreux problèmes ne se seraient jamais posés ou se seraient posés avec moins d'acuité si les lois avaient été appliquées, ce qui découle aussi de la sous-estimation des méthodes (qui ne sont pas assez étudiées).

Les prochains chapitres ­ Limites du pouvoir de l'Etat, Prétendu «plein gré» et Responsabilité peu claire ­ montrent également les barrières qui se dressent sur le chemin du recours aux dispositions légales et de leur application. Le cas échéant, ils fournissent des indications sur les lacunes actuelles.

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Limites du pouvoir de l'Etat

Le présent chapitre décrit les limites juridiques et réelles qui, de l'expérience des personnes concernées et des avocats, peuvent avoir des effets problématiques dans la pratique. Comme cela a déjà été précisé, les limites de l'action de l'Etat en vertu de la Constitution (liberté de conscience et de croyance) et les autres limites instituées par l'Etat (liberté d'expression, etc.) ne font expressément pas l'objet du présent examen et elles ne sont pas remises en cause par la commission.

Même dans le cas où des situations intolérables sont avérées et les lois en vigueur appliquées, les interventions de l'Etat ou les mesures de protection sont souvent impossibles, ou alors les mesures ordonnées ne peuvent pas être exécutées.

Les raisons de cette situation résident souvent dans le fait que les préjudices subis concernent la sphère privée qui se soustrait aux contrôles ou aux influences externes, de l'Etat en particulier. De plus, les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, la liberté de croyance et la liberté d'expression notamment, font que des abus ne peuvent être combattus que lorsqu'ils dépassent un certain seuil, c'est-à-dire lorsque d'autres droits fondamentaux sont lésés ou mis en danger de manière considérable. Certains groupes endoctrinants limitent d'entrée de jeu les possibilités d'agir de l'Etat ainsi que l'efficacité de ses mesures, notamment au moyen d'une doctrine qui refuse l'autorité de l'Etat ou, du moins, la subordonne à l'autorité du groupe. En cas de développement déterminé de cette tendance, le groupe va jusqu'à légitimer la désobéissance civile, voire jusqu'à dispenser ses adeptes du respect des règles de l'Etat.

En outre, certains groupes organisés au niveau international sont en mesure d'éviter l'application de mesures étatiques grâce à des transferts internationaux.

9211

D'autres obstacles peuvent apparaître lorsqu'il s'agit de recourir à l'aide de l'Etat, notamment lorsque le groupe oblige ses membres et partenaires contractuels à se soumettre à une juridiction interne au groupe.

Ces pratiques, elles aussi, suscitent des sentiments d'impuissance chez les personnes concernées, ce qui aggrave souvent leurs propres problèmes et a pour effet, entre autres, de durcir les discussions sur les groupes endoctrinants. Plus tôt, ceci avait pour conséquence que certaines personnes concernées approuvaient ou recouraient à des mesures non admises pour se faire justice (ce que l'on appelle communément «déprogrammation»).

435

Prétendu «plein gré»

L'attitude de chacun ne dépend pas seulement de son point de vue, mais également de la difficulté de reconnaître un état de dépendance. En effet, la psychologie moderne enseigne que l'homme a une tendance, souvent difficile à comprendre, qui le pousse non seulement à se soumettre à des pouvoirs sociaux qu'il considère comme inévitables, mais encore à justifier cette attitude au moyen de bonnes raisons et de convictions, voire de laisser le soin à de faux prophètes de le faire pour lui. De cette manière, l'individu se donne pour ainsi dire l'impression d'obéir de son plein gré, ce qui lui permet d'accepter une soumission inévitable sans trop se déconsidérer à ses propres yeux25.

La caractéristique la plus visible des mouvements endoctrinants est l'altération du libre arbitre qui peut aller jusqu'à la perte complète de toute autonomie. Si l'on tient compte du fait qu'il n'est pas possible de prendre une décision de manière tout à fait autonome, sans aucune influence extérieure, voire qu'une certaine influence est socialement tolérée (et partiellement même souhaitée), il s'avère difficile de délimiter à partir de quel point l'influence exercée devient excessive et socialement intolérable.

Il faut chercher les raisons de cette difficulté dans le fait que les méthodes de manipulation et d'endoctrinement provoquent des processus internes qu'il est difficile de constater depuis l'extérieur. Les processus externes ont souvent lieu dans un cadre très restreint ou restreint au groupe lui-même, et ne peuvent par la suite pratiquement plus être reconstitués, voire prouvés. En outre, les méthodes de manipulation, en partie très subtiles, ne sont pas encore bien connues dans ce domaine (contrairement à ce qui est le cas de la torture des prisonniers de guerre ou de la publicité) et font l'objet d'opinions divergentes (non vérifiées). Le jugement est aussi rendu plus difficile du fait que la personne manipulée y contribue elle-même d'une certaine manière dans la mesure où ses besoins insatisfaits et sa détresse la rendent propice aux manipulations.

Le problème réside dans le fait que, lorsqu'elles demandent l'aide des pouvoirs publics, les personnes concernées se heurtent à la difficulté de devoir prouver les éléments constitutifs des délits (dol, lésion) ou de convaincre les autorités concernées qu'il y a
atteinte aux biens juridiquement protégés.

La critique des mouvements endoctrinants doit donc affronter les questions cruciales qui sont de savoir dans quelle mesure le libre arbitre est respecté, jusqu'à quel point 25

Müller Jörg Paul, Religionsfreiheit ­ ihre Bedeutung, ihre innere und äussere Gefährdung. Conférence introductive à l'occasion d'un séminaire de l'OSCE du 16 au 19 avril 1996 à Varsovie, dans: Reformatio, décembre 1996, pp. 420 et ss.

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l'adhésion (et l'obéissance) des membres est volontaire et dans quelle mesure la communauté permet à ses membres de la quitter en tout temps sans exercer de pression ou en lui permettant de se libérer d'autres engagements consentis «par crédulité» et qui ne sont pas liés au mouvement en tant que tel. La réponse à cette question est, entre autres, importante pour l'Etat lorsque certains groupements vont si loin qu'ils refusent toute autorité séculière et que, par exemple, ils empêchent les enfants de suivre l'enseignement des écoles publiques ou qu'ils soustraient leurs écoles privées à l'autorité de l'Etat (cantons).

436

Responsabilité peu claire

Lorsque des délits sont commis dans le contexte interne à des groupes endoctrinants, les conditions sont très différentes de celles inhérentes à des délits commis dans d'autres circonstances. En effet, le lésé ne remarque d'une part pas tout de suite qu'il a été victime d'un acte délictueux et, d'autre part, il est difficile de savoir clairement qui est responsable de cet acte délictueux.

Les raisons de ce problème résident partiellement dans le fait que les rôles du coupable et de la victime se mélangent souvent. Soit la victime a elle-même participé à des actes semblables contre d'autres membres du groupe, soit elle a «librement» consenti à l'acte. Les délits ne sont généralement pas commis à la suite d'une défaillance individuelle, mais, par exemple, sur ordre d'un membre ou d'un organe de l'organisation hiérarchiquement supérieur ­ dont l'identité n'est pas connue ou qui réside à l'étranger ­ ou en application d'instructions inhérentes à la doctrine du groupe. Il arrive souvent que cette dernière prescrive des structures ou des formations qui visent le démantèlement du sens de la responsabilité et du «bon sens». La priorité absolue des valeurs propres au groupe sur les biens juridiquement protégés du monde extérieur alliée à une motivation exagérée, résultant d'une doctrine paranoïaque ou prônant le salut du monde, produit des coupables qui n'ont ni sentiment de culpabilité ni aucune retenue.

Le problème découle du fait qu'une telle situation ne peut être reconnue qu'en ayant des connaissances de la structure interne du groupe et des mécanismes psychiques auxquels il fait appel. Si ces connaissances font défaut, il se peut que les autorités chargées de l'instruction restent inactives à tort. Lorsque la doctrine prescrit un comportement délictueux et lorsque son auteur ne peut être atteint ou reste inconnu, il est alors tout au plus possible de condamner l'exécutant. Cette situation n'est toutefois pas satisfaisante, ni du point de vue de l'idée de justice, ni de celui de la prévention générale. De plus, si elle ne leur permet pas de se distancier du groupe ou de la doctrine en question, l'aspect éducatif de la peine n'a pas d'effet sur des coupables endoctrinés.

437

Peur et dépendance financière

Le travail sur le terrain permet de se rendre compte que les «victimes» ont très souvent peur de se défendre et de faire respecter leurs droits.

Les raisons de cette attitude résident dans le fait que le détachement d'un groupe endoctrinant n'est pas une démarche ponctuelle. Au contraire, il s'agit d'un long processus. Souvent, des séquelles d'«esprit de groupe» continuent d'agir, accompa9213

gnées de sentiments de honte et de culpabilité. Pour cette raison, les personnes qui désirent se retirer de ces mouvements ont souvent de la peine à identifier et à défendre leurs propres intérêts. La persistance importante de ce phénomène de distanciation empêche souvent de faire valoir des droits avant qu'ils ne soient frappés de prescription extinctive. En raison de l'isolement social que le système de nombreux groupes impose aux adhérents, ces derniers se retrouvent ainsi coupés du monde extérieur et, lorsqu'ils quittent le groupe, ils se sentent perdus dans un milieu au sein duquel ils ne parviennent pas à trouver le soutien qui leur serait nécessaire. Quelques groupes attisent la peur au moyen de véritables stratégies terrorisantes et par un comportent agressif vis-à-vis de l'environnement externe. En outre, si l'on observe la situation avec lucidité, force est de constater que la puissance économique et l'agressivité ­ issue de l'excès de motivation ­ de certains groupes endoctrinants (dans l'attaque comme dans la défense) empêchent ou gênent la défense d'intérêts légitimes de certaines personnes et musellent toute critique publique à leur encontre.

Ceci est à l'origine de problèmes aux niveaux individuel et social dans la mesure où de nombreuses violations demeurent impunies et ne font jamais l'objet de réparation. De plus, cette constatation a pour effet de renforcer les convictions de toute puissance du groupe et de le conforter dans l'idée qu'il suit la bonne voie.

44

Problèmes spécifiques des personnes directement concernées

Ce chapitre ­ contrairement aux problèmes généraux au niveau social abordés au chapitre 43 ­ est consacré aux questions qui ont des effets directs et graves sur les personnes directement concernées. Ces effets font d'ailleurs largement l'objet des discussion publiques: exploitation, attachement excessif, mise en danger de la santé, mise en danger du bien de l'enfant et autres dangers tels l'altération du libre arbitre.

Il faut tout d'abord souligner que tous les problèmes présentés ne sont pas observés chez tous les groupes endoctrinants. De plus, l'ampleur et l'intensité de ces phénomènes varient beaucoup d'un groupement à l'autre. Il n'en reste pas moins que ces problèmes sont les effets typiques de l'altération du libre arbitre caractéristique aux groupes endoctrinants.

441

Exploitation

L'exploitation est l'un des aspects les plus manifestes de ceux qui peuvent être remarqués par un large public. Normalement, il faut partir du principe que la collaboration est volontaire. Il est cependant question d'emplois non ou mal rémunérés, de pressions visant à faire transférer la fortune (épargne ou héritage) en faveur du groupe, de protection insuffisante en matière d'assurance et de prévoyance ou d'endettement en faveur du groupe. En plus de cela, il y a également exploitation humaine. Certains groupes abusent de l'idéalisme de leurs adhérents ou utilisent les relations que ces derniers entretiennent pour recruter de nouveaux membres ou pour exercer d'autres influences.

9214

442

Attachement excessif

La limitation ou l'annihilation systématique du libre arbitre des adhérents fait partie des caractéristiques des groupes endoctrinants. Cette pratique a pour but de créer rapidement une dépendance du membre envers le groupe. Certaines méthodes de recrutement sont en partie déjà orientées vers cet objectif. Toutefois, ce sont les pratiques et les structures des groupes qui permettent d'atteindre cette dépendance, notamment à l'aide d'un système disciplinaire rigoureux. Outre la dépendance économique découlant de l'exploitation précitée, la dépendance psychique est également très efficace dans la mesure où les groupes tentent de régler et de contrôler toutes les sphères, même les plus intimes, de ses membres (famille, vie intime, jusqu'à la «pensée intérieure»). En outre, il y a également instauration d'une dépendance sociale, particulièrement lorsque les relations entre le membre et le groupe ont duré longtemps, tant il est vrai que les adhérents de groupes endoctrinants tombent dans l'isolation sociale puisqu'ils ont souvent coupé tous les ponts avec leurs relations précédentes (manifestation secondaire ou recherchée par la doctrine du groupe).

A ces barrières «internes», qui rendent tout départ du groupe plus difficile, viennent encore parfois s'ajouter des barrières «externes» telles que des mesures préventives de nature juridique (contrats qui vont du minutieux à la castration), des mesures (plus rarement) de nature géographique et architecturale (campagne isolée), voire le recours à la violence physique. De plus, au moyen d'un activisme permanent, les groupes essaient d'empêcher leurs membres de penser à leur propre situation.

443

Mise en danger de la santé

La doctrine de nombreux groupes endoctrinants inclut souvent des pratiques thérapeutiques, parfois ouvertement, parfois de manière cachée ou reniée. Parfois, le mouvement prétend que la guérison découle de l'«évolution spirituelle». Lorsque les pratiques thérapeutiques parallèles sont liées à des dangers, ces derniers sont généralement niés par la doctrine ­ qui est infaillible ­ et la plupart du temps, par conviction, ils ne sont pas pris en considération par les adhérents. A cause de l'attitude antiscientifique, les avertissements découlant des connaissances scientifiques sont souvent ignorés, voire diabolisés. Vu l'objectif suprême (salut de l'âme/du monde), des risques qu'une personne normalement sensée éviterait sont souvent pris. Ainsi, le potentiel de dangers de telles pratiques est fondamentalement différent de celui qui est parfois lié à certains actes thérapeutiques de la médecine traditionnelle (qui n'est pas constituée que de la médecine d'école).

La santé est mise en danger par d'autres pratiques encore qui, elles, n'ont pas la guérison pour but (p. ex. certaines méditations, des interrogations intensives, des manifestations «marathon», le surmenage). Dans ce cas également, les dangers sont niés ou ignorés au nom d'un idéal suprême.

444

Mise en danger du bien de l'enfant

Les doutes relatifs au «plein gré» de l'affiliation, de l'attachement et de la participation à des activités d'un groupe endoctrinant ont déjà été présentés en ce qui concerne les membres adultes. Pour ce qui est des enfants, à cause de l'influence particulière des parents, leur libre arbitre est encore plus limité, voire inexistant. Il existe 9215

certaines bases légales relatives à la détermination par des tiers. En effet, les parents, le cas échéant la commune du lieu d'origine, ont le droit de disposer de l'éducation religieuse de l'enfant26, jusqu'à la majorité religieuse de l'enfant qui intervient lorsque ce dernier a 16 ans révolus27.

La plupart des effets néfastes que l'on observe chez les adultes peuvent également toucher les enfants. En plus, les enfants sont parfois victimes de pratiques ou de doctrines dirigées spécialement contre eux (notamment les abus sexuels, la méditation contrainte pour les jeunes enfants)28. Chez eux, certains problèmes ont des effets particulièrement dramatiques et durables (notamment les «années perdues» en lieu et place d'une évolution et d'une formation dans la diversité, isolation d'autres enfants et d'autres influences; les pratiques de certains groupements qui empêchent les enfants de suivre l'enseignement des écoles publiques ou qui soustraient leurs écoles privées à l'autorité de l'Etat a déjà été abordé au chapitre 435). A cause de leur infériorité et de leur manque d'expérience, les enfants sont nettement moins bien armés pour se défendre que les adultes.

445

Autres dangers, altération du libre arbitre

La présentation ci-dessus des divers problèmes posés par les groupes endoctrinants montre bien que ces derniers accordent la priorité à leurs intérêts, et, partiellement, les font passer avant les intérêts individuels de leurs adhérents dont ils exigent une soumission correspondante. La limite d'un engagement socialement tolérable (qui peut tout à fait être lié à des sacrifices consentis) est tracée par rapport aux méthodes utilisées pour créer la disponibilité et susciter la conviction des personnes concernées. Lorsque les méthodes utilisées font appel à la manipulation, à la tromperie et à l'endoctrinement, alors l'altération, voire la suppression du libre arbitre n'est plus l'affaire de l'individu, mais bien de l'Etat qui peut et doit intervenir (naturellement dans la mesure où il en a les moyens). Les exemples extrêmes sont les cas dans lesquels un scénario de salut ou de persécution pousse les adhérents vers un suicide collectif ou toute autre forme de renonciation de soi (OTS, Heaven's Gate) ou les amène à commettre des délits (secte Aum). Mais des cas moins spectaculaires (notamment des conversions «instantanées», des bouleversements complets du mode de vie et l'abandon d'une famille intacte à la suite d'un cours de plusieurs jours, l'apparition d'une incapacité de dialoguer provoquée par la nécessité de demander les instructions du groupe à tout propos ou par la déclamation de principes de la doctrine du groupe et le refus de prendre tout argument contradictoire en considération) donnent à l'observateur non averti l'impression d'une autonomie réduite, voire nulle.

Etant donné que non seulement le droit privé et le droit pénal, mais que la démocratie se fonde également sur l'axiome de l'autodétermination de chacun, un Etat de

26 27 28

Art. 303 CC en ce qui concerne les parents, art. 378, al. 3, CC pour le lieu d'origine des enfants sous tutelle.

Art. 49, al. 3 cst., art, 303, al. 3 CC.

L'énumération de toutes les pratiques dirigées contre les enfants ne saurait être exhaustive pour des raisons de place. La commission d'enquête du Bundestag allemand s'est attaquée au problème spécifique des enfants dans les «sectes», voir rapport final de cette commission, pp. 200 et ss, ainsi que l'étude «Arbeitskreis 4 ­ Kindeswohl/ Kindesmissbrauch», pp. 86 et ss. du rapport intermédiaire de cette même commission.

9216

droit libéral ne peut demeurer sans réagir lorsque des groupes endoctrinants attentent systématiquement à l'autonomie individuelle ou envisagent de la réprimer.

45

Attitude des autorités

Les art. 49 et 50 de la constitution (art. 15 de la Constitution révisée) relatifs à la liberté de conscience et de croyance sont à la base des réflexions concernant les questions et les organisations de nature religieuse. L'objectif principal (et historique) de ces articles réside dans la pacification de la population et la protection de l'individu à l'égard des grandes communautés religieuses après la guerre du Sonderbund. Ces dispositions ont contribué de manière cruciale à la cohésion de l'Etat fédéral. La liberté religieuse est également garantie par l'art. 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et par l'art. 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP) qui rangent la vie religieuse dans les droits fondamentaux afin qu'elle soit protégée dans son intégralité. Les citoyens décident librement des questions religieuses, ils peuvent exprimer leurs convictions, propager des idéologies religieuses et exprimer leurs convictions en participant à des manifestations religieuses (liberté de culte).

«L'évolution [. . .] a eu des effets sur les rapports entre la société et la religion, plus précisément sur l'Etat et les Eglises. Si au XIXe siècle, on a introduit dans la Constitution toute une série d'articles qui faisaient de l'Etat un arbitre sur le plan religieux, la tendance est aujourd'hui d'abandonner toute intervention dans ce domaine. Le projet de révision de la Constitution fédérale [. . .] est sur ce point tout à fait explicite: abandon de tous les articles qui concernent les problèmes de l'arbitrage de l'Etat pour ne retenir qu'un article sur la question de la liberté de conscience.» La réglementation des rapports entre l'Eglise et l'Etat revient aux cantons qui, tous, reconnaissent les grandes communautés religieuses. Les cantons de Neuchâtel et de Genève connaissent la séparation de l'Eglise et de l'Etat. La reconnaissance en tant qu'Eglise assure à cette dernière une protection juridique de la part de l'Etat ainsi que des privilèges tels que l'exonération fiscale (appliquée avec beaucoup de retenue par la Confédération et de manière diverse par les cantons), la libération du service militaire ou un droit de regard dans les affaires scolaires et dans la vie publique. Bien sûr, en retour, cette reconnaissance
implique la reconnaissance de la légalité constitutionnelle et de la haute surveillance de l'Etat en ce qui concerne ses intérêts séculiers. Les Eglises libres, sans statut de droit public, ainsi que les «sectes» et pratiquement toutes les communautés non chrétiennes ressortissent au droit privé (art. 60 ss CC)29.

En 1989, dans une réponse à une question ordinaire ­ qui se référait explicitement à l'appartenance à des sectes et à la liberté personnelle ­ le Conseil fédéral a renvoyé à l'initiative privée30.

Après le drame de l'OTS, le Conseil fédéral et le Parlement ont refusé la création d'un Office fédéral des questions religieuses en se référant à la souveraineté cantonale en matière de culte31. Les autres réponses du Gouvernement à des interventions 29 30 31

Neues Staatskundelexikon für Politik, Recht, Wirtschaft, Gesellschaft. Aarau und Zürich, 1996.

Question ordinaire 88.1068 Appartenance à des sectes et liberté personnelle.

Motion pour un Office fédéral des questions religieuses du 14.12.1993 (93.3606) ainsi qu'interpellation Office fédéral des questions religieuses du 6.10.1994 (94.3418).

9217

parlementaires ont toujours été empreintes de beaucoup de retenue et se sont référées aux éléments suivants: droits fondamentaux (en particulier la liberté de conscience et de croyance), souveraineté des cantons en matière d'affaires ecclésiastiques, les conditions préalables à toute intervention de l'Etat (notamment délits, mise en danger de la sécurité de l'Etat), efficacité de la législation en vigueur (doit pénal et civil, instruments cantonaux en matière de police sanitaire et du commerce).

Jusqu'à présent, le Conseil fédéral a rejeté toute action coordonnée au niveau de la Confédération pour des raisons financières. En mars 1998, il ne distinguait aucun signe indiquant que les cantons auraient de tels besoins et il doutait de l'efficacité d'une harmonisation des lois cantonales concernées32.

La retenue des autorités judiciaires a déjà été évoquée au chapitre 433. A quelques exceptions près, les parlementaires suisses ainsi que les membres du Gouvernement se sont également référés au principe juridique formel de la retenue en matière de croyances. Contrairement à ce qui est le cas en Allemagne, le traitement systématique et engagé de tels sujets dans la presse écrite n'a porté que peu de fruits. Cette attitude passive règne également dans les partis politiques depuis les années 80. Les centres de consultation et d'information ainsi que les associations de parents actifs en la matière ne sont pas parvenus à développer des groupes de pression politique en tant que tels au niveau fédéral.

Selon l'une des personnes entendues, il serait juste, bien que de plus en plus problématique du point de vue juridique, de considérer la religion comme une affaire privée étant donné que les différences dues au niveau socioculturel dans notre société ont été sous-estimées ces vingt dernières années. Aujourd'hui, il faudrait considérer la religion comme une dimension de la vie sociale, ce qui «légitime l'intervention de l'Etat en la matière.» Le désengagement de l'Etat présente des risques en ce sens qu'il «apparaît désemparé par rapport au changement religieux contemporain et par rapport au fait que dans les différents cantons la tendance est de réagir de plus en plus au coup par coup et non plus de façon globale».

Contrairement à la situation en Allemagne, en Suède et en France, la politique suisse n'a
jusqu'à ce jour pas tenté d'enlever le caractère tabou à tout ce sujet, de le sortir du champ de la responsabilité privée et de lui donner le caractère d'une affaire publique.

En regardant ce qui se passe en Allemagne, la commission a relevé qu'une intervention de l'Etat ne contrevient pas au principe de la liberté de conscience et de croyance. Il ne s'agit pas de rechercher une attitude plus radicale envers les groupements intolérables, attitude qui aboutirait régulièrement à des demandes d'interdiction ­ ce qui, en Suisse et de l'avis de la commission également n'est ni pensable, ni souhaitable ­ mais bien de prises de position personnelles des politiciens, membres d'autorités législatives et exécutives, qui se prononceraient sur le sujet comme c'est le cas chez nos voisins allemands. Contrairement à la Suisse, ils ont assimilé les peurs de la population (qui sont reprises et débattues par les médias). Ils ont ainsi reconnu la dimension sociale du problème. Des ministres ont mandaté des études, certains Länder ont lancé de larges campagnes d'information, le Bundestag a mis sur pied une commission d'enquête dotée d'un personnel professionnel, les tribunaux et 32

Voir réponses aux interventions suivantes: interpellation relative à l'influence de l'Eglise de scientologie en Suisse du 3.10.1996 (96.3505); interpellation relative à la lutte contre les sectes du 20.3.1998 (98.3136); question ordinaire relative aux activités en rapport avec l'Eglise de scientologie du 27.4.1998 (98.1050).

9218

les partis politiques ont pris des décisions claires et Helmut Kohl, le Chancelier de l'époque, est également intervenu publiquement à ce sujet. L'un des ministres allemands a même été acquitté par un tribunal: il peut en effet continuer de recourir aux termes de «Wirtschaftskrake», «wirtschaftskriminelle Organisation» et de «Geldwäscheorganisation» pour qualifier un groupement.

De telles prises de position jouent le rôle d'un signal pour la population et ont également un effet préventif, tant il est vrai que les personnes concernées (surtout les parents) sont alors bien plus facilement disposées à se préoccuper du sujet. En outre, ces prises de position sont également prises en compte par le pouvoir législatif.

Entre-temps, divers cantons ont entrepris certaines démarches en la matière: ­

Suite à une motion du 1996, le Grand Conseil du canton de Bâle-Ville a complété sa législation pénale. Ainsi, est punissable celui qui recrute ou tente de recruter des passants sur la voie publique au moyen de méthodes trompeuses ou déloyales. Ces dispositions sont entrées en vigueur fin novembre 1998. Fin juin 1999, le Tribunal fédéral a rejeté une plainte de droit public déposée par l'Eglise de scientologie à ce sujet.

­

Dans le canton de Genève, il est prévu de compléter le code de procédure pénale par des dispositions concernant les «dérives sectaires». En particulier, les personnes victimes de mouvements endoctrinants pourront, en tant que partie civile ou en qualité de témoin, recourir à l'aide d'organismes spécialisés et reconnus dans le cadre de l'aide aux victimes.

­

Le groupe de travail intercantonal pour les questions relatives aux «sectes», constitué depuis septembre 1997 de représentants des cantons de Genève, de Neuchâtel, du Jura, de Fribourg, de Berne, du Tessin, du Valais et de Vaud.

Actuellement, le «Centre d'information sur les croyances» est son projet principal (mené toutefois sans la participation des cantons du Jura, de Fribourg et de Berne).

­

Le 19 octobre 1998, le canton du Tessin a publié un volumineux rapport sur les «sectes religieuses» («sette religiose»). Ce rapport attribue une grande importance à l'application du dispositif législatif en vigueur ainsi qu'à l'information, l'éducation et la consultation, et se référant notamment à la collaboration au sein du groupe de travail intercantonal dont le Tessin est membre.

­

Un projet vaudois prévoit de donner aux gymnasiens de 3e année la possibilité de suivre un cours à option en histoire et science des religions. L'objectif de cet enseignement est de transmettre des connaissances générales dans ce domaine et de favoriser une prise de conscience dépassant le cadre d'une seule branche. A l'école, les sciences religieuses doivent favoriser la compréhension mutuelle et permettre d'approfondir la discussion relative à l'intégration. Cet enseignement abordera des concepts tels que le respect d'autrui, la solidarité, la responsabilité sociale du citoyen. L'introduction de ce programme est prévue pour l'année scolaire 2000/2001.

9219

III

Conclusions de la commission et mesures possibles

1

Le travail de la commission en tant que processus de prise de conscience

Au cours de ses auditions et de ses discussions, la commission est devenue consciente du fait que le sujet des «sectes» et des mouvements endoctrinants est un phénomène complexe et controversé. Malgré le nombre élevé d'informations et ses réflexions intensives, elle n'a pas réussi à s'en faire une image complète. Elle a été confrontée à la contradiction entre la constatation de lacunes en matière d'information et de recherche d'une part, et, d'autre part, la description de cas individuels choquants d'abus manifestes. Une autre contradiction constatée concerne les abus avérés de certaines associations et la présentation qu'elles en ont faite elles-mêmes lorsque la commission leur en a donné l'occasion. En plus, même les spécialistes de ces questions ne sont pas toujours d'accord pour ce qui est du caractère religieux ou d'éventuelles tendances sectaires de certains groupements ainsi que de leurs techniques d'endoctrinement ou de manipulation, notamment en ce qui concerne les rapports qu'ils entretiennent avec des personnes en quête de spiritualité ou de guérison.

Certains groupements et certaines organisations tablent sur la liberté de conscience et de croyance afin de poursuivre dans son ombre des objectifs qui n'ont plus rien a voir avec ces libertés individuelles.

Les «sectes», les mouvements endoctrinants et les autres groupements, structurés ou non, mais également les offres pseudo-religieuses sur le marché de la guérison évoluent dans un environnement de pluralisme religieux marqué par une évolution rapide. Ce sont justement les discussions au sujet de la liberté religieuse (et d'autres libertés fondamentales) qui ont élargi l'angle de vision. L'importance sociale (et politique) du sujet s'en est retrouvée renforcée: en Suisse, des convictions et des croyances religieuses inhabituelles et étrangères à notre patrimoine culturel judéochrétien traditionnel se rencontrent aussi au sein d'autres religions d'importance planétaire, en partie depuis plusieurs siècles. Entre-temps, leurs adeptes représentent déjà une partie non négligeable de la population suisse. C'est pour cela qu'il faut en principe aussi être conscient du fait que de nombreux citoyens et citoyennes de ce paix se réclament de l'islam (aujourd'hui troisième croyance en Suisse), du judaïsme (depuis toujours) ou d'autres convictions,
tout en ayant la Suisse comme patrie émotionnelle et politique. Puisqu'il est confronté à l'engagement religieux de ces citoyens (service militaire, prescriptions vestimentaires et alimentaires, etc.), l'Etat ne pourra pas éviter de régler ses rapports avec les adhérents de toutes les religions et croyances. Il n'évitera donc pas non plus de devoir définir les notions de «religion» et d'«Eglise».

La commission est consciente que ­

l'origine du pluralisme culturel et religieux actuel découle entre autres de l'organisation libérale et démocratique de notre société,

­

que l'évolution ne peut être ni freinée, ni arrêtée ou dirigée dans une direction précise, les lois, les prescriptions ou autres moyens peuvent uniquement permettre de répondre aux excès, et

­

que les lois, les prescriptions ou autres moyens ne peuvent et ne doivent que prévenir les excès.

9220

Pour cette raison, la commission est parvenue à la conclusion que seule une culture empreinte de tolérance permet de tenir compte de la dynamique actuelle du processus social en matière de religion et de convictions. Dans ce domaine, les droits de l'homme s'imposent en tant que dénominateur commun et critère universel pour la société dans son ensemble. Accepter ce principe implique de reconnaître que l'essence culturelle propre à chaque groupement a des effets divers. La règle de base est l'obligation de dialoguer avec les religions des autres cultures. Il s'agit de faire comprendre que dans notre pays ­ parce que nous ne sommes ni en Chine, ni en Arabie Saoudite, mais en Suisse ­ ce sont les droits de l'homme au sens de la culture d'Europe centrale qui s'appliquent.

En tant que garant de la tolérance33, l'Etat doit veiller à ce que les religions, les communautés et les groupes religieux ­ reconnus égaux en droits par l'Etat ­ reconnaissent et respectent les uns envers les autres, mais également envers leurs adhérents, au sein de leurs mouvements, les droits fondamentaux constitutionnellement garantis et participent plus activement au processus politique (p. ex. élargissement du cercle des destinataires pour les procédures de consultation). Ainsi l'Etat répond de manière positive au critère de la liberté religieuse. Dans sa fonction de garant de la tolérance, il se doit également d'intervenir lorsque les droits de groupes ou de membres de groupes sont mis en danger ou réprimés. Il répond ainsi à une conception de la liberté religieuse qui s'exerce de manière critique et qui se doit de mettre des limites. Les déclarations de l'Etat, comme on les trouve déjà dans l'approche (scolaire) du canton de Vaud34, ont valeur de signal et peuvent ­ quelle que soit l'importance du défi ­ aplanir la voie vers une culture de tolérance.

Comme les dangers potentiels ne dépendent pas du caractère religieux ou non des objectifs des groupes concernés, il est donc envisageable, au niveau politique, de développer des critères généraux a partir des principes universels des droits de l'homme permettant de fixer les limites de la tolérance de l'Etat et de la société: image libérale de l'homme, volonté de dialogue, transparence, publicité des comptes, structures démocratiques de partenariat non contraignantes, respect de l'intégrité personnelle, respect de la législation en vigueur, enracinement dans le contexte social, etc35.

2

Nécessité de mesures politiques et chemin en direction d'une politique en matière de «sectes»

La commission est d'avis que l'initiative privée à laquelle le Conseil fédéral avait renvoyé dans sa réponse à la question ordinaire citée plus haut ne semble actuellement plus suffisante. Les efforts de certains cantons (législation, coordination de 33

34

35

Cette approche est celle de la Commission d'experts «Religion und Fernsehen».

A ce sujet, voir le rapport mandaté par le DFTCE intitulé Religiöse Fernsehveranstalter (Schlussbericht), Berne, septembre 1997.

Le plan d'études vaudois prévoit de donner aux gymnasiens de 3e année la possibilité de suivre un cours à option en histoire et science des religions dont l'objectif est de transmettre des connaissances générales dans ce domaine et de favoriser une prise de conscience dépassant le cadre d'une seule branche afin d'atteindre une certaine compréhension des autres cultures et de se forger sa propre opinion.

A ce sujet, voir «Religiöse Fernsehveranstalter», rapport final de la Commission d'experts «Religion und Fernsehen» de septembre 1997 mandaté par le DFTCE, p. 10; la publicité des objectifs religieux ou le maintien de la paix religieuse sont d'autres critères spécifiques pour les producteurs d'émissions religieuses.

9221

l'information, prises de position des autorités), mais aussi le fait que l'administration fédérale est confrontée à de telles questions le montrent bien. En outre, le Conseil fédéral doit, aujourd'hui déjà, prendre position dans ce domaine à l'occasion de ses réponses aux interventions parlementaires. Pour cette raison, la commission estime que le fait que des services de l'administration fédérale doivent s'occuper de questions très diverses en liaison avec la problématique des «sectes» sans pouvoir se référer à des règles de bases unifiées formulées par le Gouvernement en tant qu'objectifs politiques constitue une lacune.

Au cours de l'avancement de l'examen, la commission a constaté l'absence de tout échange systématique d'informations entre les services administratifs concernés. De l'avis de la commission, pour ce qui est des mouvements endoctrinants, le Conseil fédéral semble se baser surtout sur l'opinion d'un fonctionnaire fédéral qui s'est spécialisé dans la problématique des «sectes» à titre privé, ce qui pose également un certain nombre de problèmes. En outre, la personne concernée se voit reprocher de ne pas garder une distance suffisante par rapports aux mouvements endoctrinants.

Cette situation peut devenir problématique s'il devient tout à coup nécessaire de procéder rapidement à une analyse de risques (le passage au prochain millénaire provoque une atmosphère de fin du monde). Dans ces conditions, la réalisation d'une analyse crédible n'est pas suffisamment garantie et se transforme elle-même en risque. Une source d'information unilatérale n'a que peu de chances d'être reconnue et acceptée par l'opinion publique. Elle se transforme même en sujet de critique bienvenu.

Tout d'abord, le Conseil fédéral est prié de prendre la problématique abordée dans ce rapport au sérieux et de considérer que les réponses qu'elle exige font partie des tâches d'un gouvernement. La commission attend de lui qu'il formule une politique en matière de «sectes» pouvant servir de base à l'action gouvernementale. A ce sujet, elle considère que l'art. 15 de la Constitution révisée en général (et l'al. 4 en particulier) constitue une base suffisante. Pour les personnes concernées, une attitude claire des autorités constitue un signal qui les conforte dans leur volonté de se défendre contre l'endoctrinement,
contre les violations des droits fondamentaux et contre les promesses de guérison et de salut insuffisamment fondées. Une attitude claire de l'Etat est également très importante pour l'application de la loi. En effet, lorsque les biens juridiquement protégés sont menacés, voire mis à mal, ou lorsque les interventions de l'Etat outrepassent les limites fixées par les droits fondamentaux, les tribunaux et les autorités administratives doivent intervenir de manière décidée.

Comme les exemples allemands, autrichiens, français ou suédois le montrent, un travail d'information et de prévention soutenu par l'Etat contribue au débat sur ce sujet, tant il est vrai que les mouvements endoctrinants ou les «sectes» sont un sujet considéré comme tabou (la campagne anti-SIDA de la Confédération a montré de manière impressionnante combien le travail d'information de l'Etat contribue à faire tomber les tabous).

En vue de la formulation et de la mise en oeuvre d'une politique en matière de «sectes» qui tiennent compte de l'importance du problème, la commission est d'avis que les tâches suivantes incombent au Conseil fédéral: ­

la coordination (voir ch. 21 ci-dessous),

­

la mise sur pied d'un service suisse d'information et de consultation (voir ch. 22 ci-dessous) et

9222

­

l'encouragement de la recherche et de la collaboration (voir ch. 23 cidessous).

En outre, la commission est d'avis que le Conseil fédéral est tenu de prendre des mesures en matière de protection des consommateurs, du bien de l'enfant et de la santé (législation sanitaire) (voir chap. 24 et suivants ci-dessous).

21

Coordination: une tâche centrale de la Confédération

L'une des caractéristiques principales qui marque les relations avec les sectes est la diversité des acteurs (services administratifs, autorités, cantons, tribunaux/autorités de tutelle, unités de recherches, services d'information et de consultation privés et des Eglises). En outre, ces derniers ont des approches différentes et, la plupart du temps, isolées. En d'autres termes, leur collaboration est lacunaire.

Dans le but d'assurer la mise en oeuvre de la politique en matière de «sectes» et afin de créer les bases permettant une information harmonisée, de qualité et non contradictoire, la commission estime que le Conseil fédéral doit jouer un rôle central et assurer une triple coordination: 1.

Coordination administrative entre les différents acteurs ­ entre les divers offices fédéraux, ­ entre la Confédération et les cantons, ­ entre les cantons, ­ entre la recherche universitaire et les services d'information et de consultation privés et des Eglises et entre les organisations spécialisées, ­ dans le but d'assurer une collaboration transfrontalière au niveau international (ce qui correspond également à une exigence du Parlement européen)36.

2.

Coordination au niveau du contenu En particulier, le Conseil fédéral garantit ­ une approche interdisciplinaire dans la recherche et une mise à profit en Suisse des résultats et des expériences d'autres pays (et inversement);37 ­ que les différentes optiques et les différents intérêts de la recherche et de la consultation (services privés et des Eglises) soient rapprochés, voire réunis, en faveur d'une politique d'information homogène et d'une base d'action unifiée (voir chap. 23 ci-dessous).

La coordination au niveau du contenu peut être assurée au moyen d'un contrat de collaboration (éventuellement d'un mandat de prestations) élaboré

36

37

Si le Conseil fédéral a reconnu la dimension internationale du problème, il l'a en revanche paradoxalement utilisée en tant qu'argument pour exprimer ses doutes au sujet de l'efficacité d'un harmonisation des lois spécifiques des cantons; interpellation Burgener relative à la lutte contre les sectes (98.3136 du 20.3.1998). Sans le même contexte, Madame Del Ponte, Procureur de la Confédération, a insisté sur la nécessité d'une collaboration internationale en matière de police.

Si l'on considère la longue liste des sujets de recherche recommandés par la commission d'enquête du Bundestag allemand, on peut s'attendre à de nombreux résultats en provenance d'Allemagne, même si, finalement, seul un nombre de projets restreint sont réalisés, voir rapport final de cette commission d'enquête, pp. 389 à 391.

9223

sous la conduite de la Confédération. Ce contrat pourrait également servir de légitimation permettant d'obtenir le versement d'une aide financière des pouvoirs publics.

3.

Coordination de la législation cantonale Le Conseil fédéral assure la coordination dans le domaine des législations cantonales qui concernent le domaine des mouvements endoctrinants, en particulier dans le domaine des législations sanitaires (voir chap. 243 cidessous).

22

Mise sur pied d'un service suisse d'information et de consultation

La commission estime qu'il est nécessaire de créer un service suisse d'information et de consultation38. Elle est consciente que la Commission contre le racisme étudie des phénomènes tels que le racisme, l'antisémitisme et les tendances fascistoïdes, qui peuvent également être une composante des sectes et des mouvements endoctrinants. S'agissant des questions touchant les «sectes», il y aura lieu le cas échéant de mettre en oeuvre des synergies ou des modalités de collaboration entre un service d'information et de consultation et la Commission fédérale contre le racisme.

En guise d'introduction à ce point, il convient de relever qu'il y a beaucoup d'informations sur les mouvements endoctrinants (notamment auprès des services de consultation) et que les groupements à caractère religieux informent également euxmêmes. Cependant ces sources d'informations sont régulièrement critiquées pour leur manque d'objectivité et de crédibilité. De plus, il n'est pas possible de s'assurer que les services privés ne puissent pas être noyautés. Le danger découlant du fait que ce genre de structure d'information peut perdre des connaissances précieuses à la suite de démissions de collaborateurs a déjà été relevé.

Le problème posé par les groupes endoctrinants réside avant tout dans le fait que ces derniers s'attaquent au libre arbitre des personnes concernées. C'est donc pour cette raison que l'une des contre-mesures à disposition consiste à soutenir la propagation d'informations critiques au sujet des groupes endoctrinants. Ainsi, les personnes intéressées ont la possibilité (théoriquement tout au moins) d'obtenir des informations en complément à celles fournies par les groupes endoctrinants eux-mêmes et peuvent (toujours théoriquement) se forger leur propre opinion. Même les adeptes d'un groupe endoctrinant, qui souffrent souvent de leur situation, sont en mesure de mieux comprendre la situation et de réagir de manière plus adéquate. Dans la mesure où l'intervention de l'Etat devient nécessaire, les autorités (autorités tutélaires, fiscales, tribunaux, etc.) doivent également pouvoir recourir à un service spécialisé en mesure de leur fournir des informations sur les groupes, sur leurs pratiques et sur leurs doctrines39.

38 39

Le Département fédéral de justice et police estime à ce sujet que la base légale nécessaire fait défaut.

Un tel service pourrait également exercer une fonction dans le cadre de la discussion relative à l'ouverture des programmes de la télévision à des organisateurs d'émissions religieuses. En effet, il n'est que difficilement concevable que le respect des critères de concession soit évalué par l'autorité concédante. A ce sujet, voir «Religiöse Fernsehveranstalter», rapport final de la commission d'experts

9224

Même si un tel service doit s'efforcer au maximum de rester objectif, il ne faut pas s'imaginer qu'il est possible de fournir des informations exclusivement objectives ou neutres. Dans le cadre de la réflexion et du débat public indispensables sur la problématique des groupes endoctrinants, ce service présentera donc un «avis». Pour cette raison, il est important que les critères appliqués correspondent aux valeurs protégées par la loi, c'est à dire aux droits fondamentaux indissociables de l'image de l'homme et de la société dans laquelle il vit. En outre, les critères appliqués doivent être déclarés ouvertement.

Il convient de prêter attention aux points ci-dessous lors de la mise sur pied d'un service d'information et de consultation40.

­

Ce service doit recouvrir tout le territoire suisse A ce jour, il n'existe aucune institution se préoccupant de ce problème qui recouvre l'intégralité du territoire suisse. Il est cependant évident qu'il concerne toutes les régions linguistiques, si bien que la mise sur pied d'institutions régionales entraînerait trop de recoupements et l'engagement des moyens nécessaires ne serait pas rentable. La mise sur pied de ce service nécessite la collaboration avec les cantons.

­

Orientation idéale du service Dans la mesure où il est question d'une participation ou d'un soutien de l'Etat, il est impératif que le service suisse d'information et de consultation soit neutre du point de vue confessionnel, ceci afin d'assurer que le soutien des pouvoirs publics n'entre pas en conflit avec la neutralité de l'Etat en matière confessionnelle41. Information et consultation doivent être assurées selon le point de vue de la population avec le but de permettre une discussion engagée mais objective sur les groupes endoctrinants, leurs méthodes et les dangers qu'ils présentent. Les activités doivent se conformer aux lois en vigueur en garantissant les droits constitutionnels, pas uniquement les droits des groupes critiqués et de leurs adeptes, mais également ceux des autres personnes concernées42.

­ 40

41 42

Tâches du service La commission d'enquête du Bundestag allemand a également recommandé la mise sur pied d'une «Stiftung im Bereich Neue religiöse und ideologische Gemeinschaften und Psychogruppen», rapport final de cette commission d'enquête, pp. 363 et ss.

En outre, cette proposition correspond à une recommandation de l'UE à l'attention des Etats membres, voir également «Bericht über die Sekten in der Europäischen Union, Berichterstatterin Frau Maria Berger vom 11.12.1997», Dok. A4-0408/97, ch. 5, p. 8 qui «fordert . . . Mitgliedstaaten . . . auf, . . . durch unabhängige Gremien, Informations-, Aufklärungs- und Beratungsaktivitäten . . . zu beauftragen, die ohne inhaltliche Parteinahme dem Einzelnen eine freie und informierte Entscheidung zu erleichtern und austrittswilligen Sektenmitgliedern und ihren Familien Hilfsstrukturen anzubieten.» En Autriche, le 208.1998, une loi relative à l'institution d'un service national en matière de secte (Bundesgesetz über die Einrichtung einer Bundesstelle für Sektenfragen, BGBl 1998, Nr 150, p. 1799) a été promulguée. Ce service a déjà commencé à fonctionner en novembre 1998.

Les activités d'un service d'information privé ne peuvent pas être directement imputées à l'organisme officiel qui le (co)finance, ATF 118 Ia 57.

Dans son arrêt ATF 118 Ia 56, le Tribunal fédéral a considéré que la critique d'éléments de croyance est garantie par les droits fondamentaux, naturellement dans les limites des législations pénales et civiles. En outre, le soutien d'un tel service permettrait de poursuivre des objectifs d'assistance sociale et humanitaires dans la mesure où il permettrait de lutter contre les abus en matière de liberté de croyance. Idem p. 60.

9225

Outre l'exécution des tâches permettant de répondre aux besoins en matière d'information et de consultation, ce service doit également accomplir un travail de prévention, observer comment ces groupes et leurs activités évoluent, coordonner le suivi des anciens adeptes de groupes endoctrinants et de l'encadrement spécialisé des groupes de soutien43. Il est important que les tâches en matière d'information et de consultation soient assumées par le même organe, car elles sont interdépendantes: Il est impératif de disposer de bonnes connaissances des groupes endoctrinants et de leurs méthodes pour donner des conseils de manière adéquate et, en même temps, les expériences concrètes avec les problèmes des personnes concernées influent sur le travail d'information.

En vertu de la doctrine et de la jurisprudence actuelles, le principe de la légalité ne s'applique pas qu'aux interventions mais également aux prestations administratives.

Un soutien régulier à un service tel que celui qui est proposé nécessite une base légale44 décrivant clairement les conditions et les buts des prestations offertes45.

Le financement doit donc être assuré d'une manière conforme aux tâches.

Pour des raisons évidentes, une banque de données et des archives devraient être rattachées à ce service qui pourrait ainsi assumer une fonction charnière entre la recherche, le conseil et les instances de l'Etat (Confédération et cantons).

23

Encouragement de la recherche et de la collaboration

La nécessité d'encourager et de coordonner la recherche scientifique dans le cadre de différentes disciplines ainsi que la reprise des résultats des recherches effectuées à l'étranger46 a déjà été relevée. Des connaissances crédibles sur le fonctionnement et les dangers des diverses méthodes d'influence, d'endoctrinement et de manipulation, que l'on nomme communément techniques de manipulation psychologiques, seraient utiles à plus d'un titre. Tout d'abord, de telles connaissances fournissent 43

44

45

46

En Allemagne, selon la volonté de la commission d'enquête du Bundestag, la fondation doit remplir de très nombreuses fonctions. Outre cet encadrement spécialisé des personnes et des organes de consultation, la fondation doit également assurer la mise en place d'un cadre d'action et financier pour les organes spécialisés dans le domaine de la consultation, s'occuper de l'information du public ainsi que de la coordination et du perfectionnement des autres centres de consultation. La fondation doit également inciter, assumer ou octroyer des mandats de recherche, répertorier systématiquement le matériel existant afin de pouvoir le rendre accessible au public, mettre à jour la littérature sociopédagogique ou psychologique, etc. (voir rapport final de cette commission d'enquête, p. 364).

La commission d'enquête du Bundestag allemand recommande également l'élaboration de bases légales claires après que la haute cour administrative eut, par décision du 27.3.1992 (voir NJW 1992 p. 2496), jugé illégal l'octroi d'un soutien financier à l'organisation faîtière des mouvements de parents AGPF, précisément par manque de bases légales particulières (voir rapport final de cette commission, pp. 364 à 368).

ATF 118 Ia 46 et ss., particulièrement 61 et s. décision InfoSekta; deux communautés religieuses (Eglise de scientologie et Vereinigungskirche) ont recouru contre une décision du Conseil d'Etat zurichois accordant une contribution à une société privée s'occupant de problèmes posés par les sectes et dont les activités sont également dirigées contre les recourantes. Le recours de droit public a été rejeté.

La thèse de doctorat d'Ulrich Knoepfel (Willensbildung, Beeinflussung und Vertragsschluss, Zürich, Verlag Paul Haupt Bern und Stuttgart 1989) qui expose les résultats de recherches effectuées aux Etats-Unis dans les domaines de la communication et de la persuasion en est une bonne illustration.

9226

une base permettant de définir47 le seuil maximal au-delà duquel la société ne peut tolérer les tentatives de prise d'influence et doit prendre des mesures contre les effets indésirables de l'utilisation de telles techniques. Les faits scientifiquement établis facilitent l'application des lois en vigueur (ou leur élaboration) en facilitant l'établissement des preuves de la part de victimes qui font valoir leurs droits.

Au vu des moyens limités à disposition, il est nécessaire de veiller systématiquement à ce que le choix des sujets de recherche soit effectué en fonction des résultats attendus. Il faudrait que ces derniers soient importants et susceptibles d'être appliqués en pratique. D'ailleurs ­ cette exigence a été posée il y a quelques années déjà ­ les universités doivent plus orienter leurs efforts en fonction des réalités et des besoins sociaux. C'est pour répondre à ces besoins qu'il faut institutionnaliser la collaboration entre les unités de recherche universitaires, les services de consultation privés et des Eglises (éventuellement réunis dans une organisation faîtière à créer) et le service suisse d'information et de consultation. Parce que les résultats pratiques ne peuvent être mis en oeuvre efficacement que sur une base commune et que cette dernière dépend de l'harmonisation des législations cantonales, qui fait d'ailleurs l'objet d'une interpellation48, la recherche doit tenir compte des points de vue du droit pénal, des cantons et de l'environnement international.

Pour des raisons évidentes, il serait également nécessaire que ce service d'information et de consultation gère une base de données ou des archives. Il remplirait ainsi une fonction charnière entre la recherche, la consultation et les services de l'Etat. La Confédération peut remplir la fonction de coordination souhaitée sous forme d'une surveillance permanente basée sur un mandat de prestations conclu avec tous les participants.

24

Mesures de protection

La commission ne pense pas que la lutte contre les effets pernicieux des groupes endoctrinants doit avant tout être menée sur le terrain de la législation. D'une manière générale, elle est d'avis que les prescriptions légales en vigueur sont suffisantes; leur application lacunaire a déjà été soulignée à plusieurs reprises. De plus, la commission considère que le recours à des méthodes policières n'est pas le premier acte préventif de lutte contre les débordements; une surveillance policière de certains groupes ne s'impose donc pas. Sur ce point, la commission partage l'avis de la Commission consultative en matière de protection de l'Etat.

Toutefois, la commission est d'avis que certains aspects de la législation ou de son application peuvent et doivent être améliorés ­ dans ce cas également à titre de signal politique ­ afin de soutenir la politique de la Confédération en matière de «sectes».

Les domaines ci-dessous sont concernés par les problèmes d'application lacunaire ou par la nécessité d'apporter des améliorations ponctuelles et impliquent des mesures de la part des pouvoirs publics: ­

47 48

Protection de l'enfant (voir chap. 241 ci-dessous);

En ce qui concerne les difficultés provenant du manque d'une telle délimitation claire, voir le ch. 232 du chap. III ci-après.

Interpellation relative à la lutte contre les sectes (98.3136 du 20.3.1998).

9227

­

Protection des consommateurs au moyen d'une réglementation de l'assistance spirituelle à but lucratif (voir ch. 242 ci-dessous);

­

Législation sanitaire (voir ch. 243 ci-dessous).

241

Protection de l'enfant

La nouvelle Constitution fédérale fait expressément obligation à la Confédération et aux cantons de s'engager en faveur de la protection de l'enfant et de son épanouissement (art. 41, al. 1, let. g; art. 61, al. 1). D'autre part, la Suisse a ratifié la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l'enfant. Comme cela a déjà été expliqué (voir chap. II, 444 en particulier), les intérêts des enfants sont souvent menacés ou lésés par les groupes endoctrinants. Cependant, les possibilités d'intervention de l'Etat sont limitées, étant donné qu'en plus de la liberté de croyance (liberté de choisir sa religion) et de la protection de la famille, il faut également, selon l'art. 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et l'art. 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PDCP), tenir compte des droits des parents. Le droit de garde parental autorise et oblige les parents à prendre les décisions nécessaires pour l'enfant mineur. Ce pouvoir décisionnel est limité par le bien de l'enfant ­ qui constitue la maxime principale de tout le droit de l'enfant ­ par sa propre capacité de discernement ainsi que par certaines dispositions particulières en faveur de l'enfant. Le droit public peut également constituer un motif de limitation de l'autorité parentale. Mais comme le pouvoir décisionnel des parents fait partie du cadre de la famille qui, lui aussi, est protégé, chaque mesure limitative doit remplir les mêmes conditions que les mesures limitatives des droits fondamentaux49. Lors de l'examen de la question de savoir si l'intervention de l'Etat est dans l'intérêt du bien de l'enfant, il faut tenir compte que l'un des facteurs du bien de l'enfant réside également dans le fait d'éviter un conflit de loyauté avec les parents50.

Le Tribunal fédéral a décrit le niveau justifiant une intervention en précisant que ce n'est que lorsque l'obéissance aux principes d'une croyance lèse concrètement et de manière importante le bien de l'enfant que l'intérêt de l'enfant peut l'emporter sur le droit des parents. Cette condition est notamment atteinte lorsque la santé de l'enfant est menacée ou lorsque sa formation est limitée à un point tel que l'égalité des chances ­ y compris entre sexes ­ n'est plus garantie, ou lorsque l'enseignement qu'il lui est permis de suivre ne transmet
pas les contenus indispensables du point de vue des valeurs sociales établies51.

La commission est d'avis qu'une extension des possibilités d'intervention du droit en vigueur (c'est-à-dire des compétences judiciaires dans le cadre de la séparation et du divorce ou des mesures de protection de l'enfant) n'est pas nécessaire. La recommandation a principalement pour but de faire en sorte que, chaque fois qu'un juge ou une autorité administrative doit prendre des décisions en la matière, les intérêts de l'enfant soient pris en compte dans leur ensemble et suffisamment défendus selon les principes d'une procédure équitable.

49 50 51

C'est-à-dire intérêt public, bases légales, proportionnalité, voir Hänn Peter/Belser Eva Maria, Die Rechte der Kinder, AJP 2/98, pp. 139 et ss., en particulier p. 152.

Le Tribunal fédéral évoque cet aspect en relation avec les décisions relatives aux dispenses scolaires de nature religieuse, voir ATF 114 Ia 129; BVP 1992, 264.

ATF 119 Ia 178

9228

242

Protection des consommateurs: réglementation de l'assistance spirituelle à but lucratif

Pour la protection des consommateurs du marché de l'assistance spirituelle, la commission est d'avis qu'il faut élaborer une réglementation qui leur permette de se rendre clairement compte des conséquences financières, temporelles et personnelles d'un engagement. Il est possible d'atteindre ces objectifs avec des moyens semblables à ceux utilisés depuis longtemps dans le domaine des dispositions légales en matière de vente à tempérament et de crédit à la consommation. Il faut également tenir compte des risques de mise en danger de la santé. En effet, divers groupes endoctrinants accordent une place privilégiée aux promesses de guérison, tant dans leur doctrine que dans leurs pratiques, et, de plus, ces promesses jouent un rôle important dans la justification et la consolidation des rapports de dépendance (voir chapitre suivant).

Les fournisseurs doivent être tenus de remplir leurs tâches consciencieusement: ils doivent entreprendre les démarches propres à les renseigner sur les éventuels risques des méthodes qu'ils appliquent. Ce faisant, ils doivent également tenir compte des connaissances des domaines qui se situent en dehors de la doctrine qu'ils professent (de la médecine d'école notamment). La commission ne propose pas d'aggraver la responsabilité usuelle en vertu de l'exécution soignée d'un contrat (généralement un mandat). Elle demande la mise en vigueur d'une obligation légale d'informer sur les risques en tant que condition préalable nécessaire à l'application légale de toute méthode susceptible de nuire à la santé. En cas de violation de cette obligation d'informer, tout traitement est considéré comme illégal et ­ si les autres conditions de responsabilité sont données ­ implique la responsabilité pour tous les dommages subis. La commission retient que l'offre en la matière, actuelle et future ne doit être ni limitée, ni soumise à un contrôle étatique et les méthodes utilisées ne doivent pas non plus faire l'objet d'un examen.

Dans le détail, la réglementation devrait comprendre les points suivants:

52

­

Domaine d'application: les contrats relatifs à des prestations rétribuées portant sur le constat ou l'amélioration de l'état psychique ou des capacités psychiques et intellectuelles52.

­

Condition de validité: le contrat doit être écrit et un double doit être remis.

­

Droit de résiliation éventuel.

­

Droit de révocation.

­

For juridique obligatoirement au domicile du participant ou au lieu d'exécution de la prestation offerte.

­

Information sur d'éventuels risques pour la santé et sur la sanction en vertu de laquelle le fournisseur qui n'a pas informé son client répond de tout dommage survenu. La présente recommandation ne propose pas le renver-

Cette formulation est reprise (de manière abrégée) du § 1 du projet du Bundesrat allemand.

9229

sement du fardeau de la preuve53. Le lésé devrait donc prouver que le dommage subi a été provoqué par le fournisseur. Le non-respect du devoir d'information serait tout au plus constitutif de l'illicéité et de la culpabilité.

Il serait possible de limiter ce devoir d'information aux risques connus. Ainsi, les fournisseurs seraient libérés de la responsabilité des risques qui ne sont pas encore connus. En revanche, ils ne pourraient plus se moquer des connaissances établies relatives aux dangers liés à une confiance aveugle dans l'application de la doctrine.

243

Législation sanitaire

Il est indéniable que certains groupes endoctrinants accordent une place importante aux promesses de guérison tant dans leurs doctrines que dans leurs pratiques. Même si la commission est tout à fait consciente que, en Suisse, la compétence de légiférer en matière de santé incombe principalement aux cantons54, elle estime que la Confédération doit agir en matière de coordination des législations cantonales.

La plupart des cantons ont réservé le diagnostic et le traitement des maladies physiques et psychiques aux médecins, éventuellement à d'autres professions médicales reconnues. Pour ce qui est des groupes endoctrinants, il est frappant de constater que nombreux sont les cantons qui n'appliquent pas intégralement leur législation en la matière. Cette attitude est à l'origine de toute une zone grise dans laquelle évoluent une nuée de personnes et d'organisations qui exécutent des actes thérapeutiques, ouvertement ou sous le manteau, alors qu'elles n'en auraient pas le droit. Par souci de précision, il convient de souligner que toutes les activités de cette zone grise ne manquent pas forcément de sérieux55.

La justification et la consolidation des rapports de dépendance reposent sur divers éléments: souffrance considérable, pas d'amélioration de la part des aides proposées jusqu'ici (notamment par la médecine traditionnelle), gratitude des personnes souffrantes envers les groupes endoctrinants qui leur promettent une guérison, énorme capital de confiance (que la raison ne parvient pas à expliquer) ainsi qu'une fascination particulière pour des promesses de guérison généralement rapide, totale et certaine.

Pour cette raison, la commission estime qu'il est évident que les patients ont besoin de la protection de l'Etat, notamment

53

54

55

En Allemagne, le projet hambourgeois partait du principe général du renversement du fardeau de la preuve (indépendamment de l'information du participant). L'organisateur aurait donc dû prouver qu'il n'a pas causé le dommage intervenu. Ce principe a ensuite été abandonné étant donné que les «profils de risque des méthodes et techniques» utilisées dans ce domaine ne sont pas assez bien connus, voir le rapport final de la commission d'enquête du Bundestag allemand, p. 370.

Voir art. 3 cst. qui délimite les compétences de la Confédération de manière très étroite, notamment à la loi sur l'assurance-maladie et accidents, la loi sur les épidémies, loi sur les toxiques, brevets fédéraux; voir Honsell, Handbuch des Arztrechtes, pp. 216 et ss.

ainsi que 236 et ss.

Certains cantons ne réglementent pas l'activité indépendante des psychologues, ce qui ne signifie pas pour autant qu'aucun psychologue sérieux n'exerce dans cette zone grise.

9230

­

contre les pratiques dangereuses pour la santé (outre les effets directs et néfastes de certaines pratiques, il faut également tenir compte que ces dernières peuvent avoir pour effet de dissuader le patient de recourir à une aide reconnue, à un médecin p. ex.);

­

en cas d'abus financier;

­

en cas de dol ou de volonté d'induire en erreur;

­

lorsque l'endoctrinement combine des pratiques thérapeutiques à des contenus doctrinaires plus larges qui visent à réduire le libre arbitre et à entraver la liberté de l'individu concerné.

Au vu de ce besoin de protection qui vient d'être évoqué et en vertu de sa responsabilité en matière de coordination, le Conseil fédéral devrait s'engager pour que les cantons orientent leurs législations sanitaires en fonction des lignes directrice suivantes56: ­

Les dispositions légales en vigueur doivent être appliquées ou adaptées aux nouveaux besoins et aux nouvelles opinions.

­

Lorsqu'un canton décide de tolérer des pratiques thérapeutiques non scientifiques, il doit assurer que l'autorisation, l'inscription ou la simple autorisation des personnes qui appliquent ces pratiques ne permette pas de donner au public l'impression que l'Etat a testé l'efficacité ou l'innocuité de ces méthodes.

­

L'obligation légale pour le thérapeute de renseigner ses patients sur les risques liés à la pratique de ces méthodes thérapeutiques non scientifiques.

­

L'interdiction de toute indication, toute assertion qui ne peut être prouvée, qui est fausse ou qui est susceptible d'induire le patient en erreur, tant sur ses propres méthodes thérapeutiques que sur celles des méthodes en concurrence (notamment de la médecine traditionnelle), et ceci tant pour la publicité que dans le cadre de publications ou de discussions avec les patients.

­

L'obligation d'indiquer la méthode appliquée et, le cas échéant, la doctrine qui est à sa base. Cette obligation doit être liée à l'interdiction d'utiliser des méthodes non déclarées (l'hypnose p. ex.).

­

Il est nécessaire de veiller à ce que la réglementation ne puisse pas être contournée en prodiguant les actes thérapeutiques non pas dans le cadre d'un rapport soignant ­ patient, mais au sein d'un groupe dont l'organisation du travail est compartimentée.

Ces principes, qui ne gênent pratiquement pas les thérapeutes sérieux, permettraient de combattre efficacement les dérives liées aux activités des groupes endoctrinants.

56

Le Grand Conseil de Bâle-Ville a réglé ces principes à l'occasion de la révision de la loi sur l'exercice des professions médicales. Il a introduit l'autorisation de la pratique de diverses médecines dites alternatives (comme l'acupuncture, la médecine traditionnelle chinoise ainsi que d'autres pratiques dites non scientifiques). La loi a été adoptée en mai 1997, il n'a pas été fait usage du délai référendaire. Les lignes directrices exposées cidessus sont contenues dans la loi et dans l'ordonnance entrant en vigueur le 1.7.1999.

9231

25

Autres mesures

La commission s'est marginalement penchée sur d'autres mesures possibles, notamment sur la protection du terme «Eglise», l'inscription obligatoire pour les associations (proposition du canton de Genève), sur l'introduction éventuelle d'une nouvelle norme pénale relative à l'utilisation de techniques de contrôle mental, sur l'introduction d'un avocat pour enfants, sur l'extension de l'aide aux victimes (proposition du canton de Genève) ou sur l'introduction de la responsabilité des personnes morales. Certaines mesures ont déjà été ou seront bientôt traitées dans le cadre de procédures législatives cantonales. L'expert consulté a évalué ces mesures de manière diverse. La commission pense que certaines mesures ne doivent pas être intégrées au débat sur les mouvements endoctrinants, même si leur application peut se révéler tout à fait opportune dans ce contexte (l'introduction de la responsabilité pénale pour les personnes morales p. ex.), et que d'autres ne sont pas mûres pour une décision.

IV

Recommandations

La commission soumet les recommandations suivantes au Conseil fédéral: 1.

Le Conseil fédéral élabore une politique en matière de «sectes».

2.

Le Conseil fédéral coordonne sa mise en oeuvre.

3.

Le Conseil fédéral institue un service d'information et de consultation et informe le public régulièrement. Il dirige une campagne d'information en rapport.

4.

Le Conseil fédéral encourage une recherche interdisciplinaire sur les mouvements endoctrinants et coordonne la collaboration qui doit nécessairement rapprocher les activités de recherche et de consultation.

5.

Le Conseil fédéral veille à ce que les lois en vigueur soient mieux respectées, en particulier celles qui protègent les enfants et les consommateurs, et, en matière de législation sanitaire, il s'engage en faveur d'une pratique harmonisée des cantons.

V

Suite de la procédure

La Commission de gestion prie le Conseil fédéral de prendre position sur le présent rapport et les recommandations d'ici à la fin septembre 2000.

1er juillet 1999

La Section «Autorités»: Le président, Fulvio Pelli La Commission de gestion: Le président, Alexander Tschäppät La secrétaire de la Commission de gestion: Mariangela Wallimann-Bornatico

9232

VI

Annexes

A

Rapport de l'OPCA, du 20 février 1998

B

Résolution du Parlement européen sur les sectes en Europe, du 29 février 1996

9233

Liste des personnes entendues Prof. Campiche Roland, sociologue, Institut d'éthique sociale, Lausanne Del Ponte Carla, Procureur de la Confédération Eschmann Urs, Dr en droit et avocat d'InfoSekta (Verein Informations- und Beratungsstelle für Sekten und Kultfragen) Frasa Mario, Section des affaires culturelles générales, Office fédéral de la culture Guntern Odilo, Préposé fédéral à la protection des données Haller Susanna, députée, canton de Bâle-Ville Huber-Schlatter Andreas, secrétaire général du DFJP, Président de la Commission consultative en matière de protection de l'Etat Lötscher Bruno, secrétaire du département de la justice du canton de Bâle-Ville Mayer Jean-François, Office central de la défense, Section des études de base (secrétaire de la Conférence de situation) Chapelain Müller Joachim, Groupe de travail oecuménique «Neue religiöse Bewegungen in der Schweiz» Pitteloud Jacques, Rapporteur EMG, Office central de la défense, DMF (resp.

DDPS) Schaaf Susanna, Verein Informations- und Beratungsstelle für Sekten und Kultfragen (InfoSekta) Schmid Georg, Informationsstelle der evangelischen deutschschweizer Kirchen, Greifensee Stamm Hugo, rédacteur au «Tages-Anzeiger» Tanner Samuel, directeur suppléant de l'Administration fédérale des contributions

Liste des groupes entendus et de leurs représentants Communauté de travail des Eglises chrétiennes en Suisse: Messieurs U. Friederich et E. Wildbolz Témoins de Jéhovah: Messieurs F. Borys et M. Wörnhard Scientologie: Monsieur J. Stettler et Madame G. Arm Pentecôtistes: Monsieur M. Schläpfer

9234

Abréviations AGPF ATF CC CdG-CN CEDH CP cst.

DDPS DETEC

DFI DFJP DFTCE

DMF InfoSekta LCD LCR NJW OPCA VPM ZR

Aktion für geistige und physische Freiheit (Association de groupes de parents) Arrêt du Tribunal fédéral Code civil suisse (RS 210) Commission de gestion du Conseil national Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales Code pénal suisse (RS 311.0) Constitution Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (Département militaire fédéral jusqu'au 31.12.1997) Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie jusqu'au 31.12.1997) Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie (Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, DETEC depuis le 1.1.1998) Département militaire fédéral (Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports, DDPS depuis le 1.1.1998) Verein Informations- und Beratungsstelle für Sekten und Kultfragen Loi fédérale contre la concurrence déloyale (RS 241) Loi fédérale sur la circulation routière (RS 741.01) Neue juristische Wochenzeitschrift Organe parlementaire de contrôle de l'administration Verein für Psychologische Menschenkenntnisse Zeitschrift für Zürcherische Rechtsprechung

9235

Annexe A

Le phénomène des «sectes» en Suisse: Son importance pour l'administration publique et pour les institutions privées Rapport de travail à l'attention de la Commission de gestion du Conseil national 20 février 1998

9236

1

Introduction

11

Mandat et problématique

A la suite de l'élaboration d'un premier document consacré au phénomène des «sectes» en Suisse, l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) a été chargé par le président de la Section «Autorités» de la Commission de gestion du Conseil national (CdG-N), en date du 15 octobre 1997, d'approfondir les travaux déjà effectués sur ce thème. En l'occurrence, il convenait de répondre aux questions suivantes:

12

1.

Quelles instances traitent des questions concernant le phénomène des «sectes» en Suisse (offices de l'administration fédérale ainsi que principaux organes des cantons, des Eglises, des organisations privées, etc.). Sous quelle forme leur intervention se manifeste-t-elle?

2.

Les «sectes» peuvent-elles bénéficier de certains avantages (p. ex. allégements fiscaux, subventions) au niveau fédéral ou cantonal?

3.

Peut-on envisager, sur le plan fédéral, de créer des outils ou de prendre des mesures en rapport avec le phénomène des «sectes»? Si oui, lesquels?

Procédure suivie par l'OPCA

Pour le traitement des deux premières questions, l'OPCA a interrogé par téléphone les responsables d'organes compétents, au niveau fédéral ou cantonal, d'antennes des Eglises nationales, d'organisations privées, etc. suivant un catalogue de questions uniforme. Des premières références de services et d'antennes compétents en la matière avaient été tirées des procès-verbaux des auditions menées par la CdG sur le thème des «sectes» (séances du 28.5.1997, des 14. et 15.8.1997 et des 15. et 16.10.1997). L'OPCA a ensuite demandé aux personnes contactées quels autres personnes ou organes pouvaient constituer une référence pour l'enquête en cours. C'est ainsi que l'OPCA a pris contact avec quelque 70 organes, notamment de l'administration fédérale, entre septembre et décembre 1997. Le présent rapport de travail contient la synthèse des résultats de l'enquête.

Pour le traitement de la troisième question, l'OPCA a consulté les procès-verbaux des auditions de la CdG en demandant par ailleurs leur avis à quelques experts en la matière. L'OPCA a enfin soumis le présent rapport à des experts chargés de le relire et, le cas échéant, de le compléter.

Nous attirons votre attention sur le fait que nous avons renoncé à citer les noms des personnes interrogées, ceci pour des raisons de protection de la personnalité.

13

Ampleur et limites des investigations

Il convient tout d'abord de préciser que l'OPCA n'a pas essayé de définir une typologie des différents mouvements sectaires. Compte tenu par ailleurs du fait qu'il n'existe pas définition, ni sur le plan scientifique, ni sur le plan juridique, de la notion de «secte», nous avons renoncé à déterminer quels groupements ou mouvements il y avait lieu de désigner comme tels. Nous avons préféré laisser cette définition à l'appréciation de nos interlocuteurs. Par ailleurs, il convient de souligner que 9237

dans les lignes qui suivent, l'OPCA utilise le terme de «secte» avant tout pour des raisons de commodité. Bien que cette appellation présente une connotation péjorative57, elle demeure la plus répandue dans le langage courant, ce contrairement à d'autres termes liés au phénomène qui nous intéresse (p. ex. groupements créant un lien de dépendance, cultes destructifs ou sous-groupes religieux).

Le recensement des organes chargés de traiter certains aspects du dossier des «sectes» est pour ainsi dire exhaustif sur le plan fédéral. En revanche, le présent rapport ne fournit que des indications sommaires concernant la situation à l'extérieur de la Confédération (cantons, églises, organisations privées, etc.), à savoir sur les organes et les antennes les plus importants, à savoir ceux fréquemment mentionnés lors de l'enquête téléphonique.

En ce qui concerne la question relative à d'éventuelles formes de soutien dont pourraient bénéficier des «sectes», on soulignera que des investigations complètes ayant trait à l'ensemble des systèmes fiscaux et de subventionnement auraient dépassé de loin le cadre de notre travail. L'OPCA s'est par conséquent concentré sur l'éventualité d'un soutien direct prodigué sous la forme de contributions ou de subventions directes en faveur de «sectes» ou encore d'un privilège fiscal (exonération de l'impôt fédéral direct)58.

Quant à la question de la possibilité, au niveau fédéral, de créer des instruments ou de prendre des mesures en rapport avec les «sectes», la réponse se présente sous la forme d'une panoplie de moyens d'action envisageables. L'OPCA ne s'est livré toutefois à aucune évaluation dans ce domaine; il n'a pas non plus cherché à déterminer la constitutionnalité des propositions émises ni les conséquences de leur mise en oeuvre éventuelle.

14

Structure du rapport de travail

Le deuxième chapitre met en lumière les bases constitutionnelles des rapports entre l'Etat et l'Eglise ou les communautés religieuses et expose l'interprétation qu'en a faite le Conseil fédéral jusqu'à ce jour.

Le troisième chapitre décrit pour l'essentiel comment les organes interrogés au niveau fédéral ainsi que de divers cantons, des Eglises, d'organisations privées, etc., abordent le phénomène des «sectes». Par ailleurs, ce chapitre traite de la question de savoir si l'Etat octroie un quelconque soutien aux «sectes».

Le quatrième chapitre contient une présentation des suggestions des experts consultés concernant des instruments ou mesures envisageables au niveau fédéral dans le contexte des «sectes».

Le tableau de l'appendice I démontre sous quelle forme les offices de l'administration fédérale contactés appréhendent le thème des «sectes» dans ses divers aspects. L'appendice II présente une liste des autres organes interrogés (échantil57

58

Concernant l'utilisation, en allemand, du terme «Sekte», cf. FLAMMER Philipp (1996), «SEKTE»: Können wir auf dieses Wort verzichten? In: InfoSekta, rapport d'activités 1996, p. 20­27.

Document fouillé sur le thème des «sectes» et de la fiscalité: OBERSON Xavier (1997), Les problèmes fiscaux liés aux activités de certains mouvements sectaires et de leurs adeptes, in: Audit sur les dérives sectaires, Rapport du groupe d'experts genevois au Département de justice et police et des transports du Canton de Genève, p. 179 à 223.

9238

lonnage de cantons, Eglises nationales, organisations privées, instituts universitaires, etc.). Enfin, le questionnaire utilisé lors des entretiens téléphoniques se trouve à l'appendice III59.

2

Bases constitutionnelles

Les art. 49 et 50 de la constitution fédérale fixent les rapports de l'Eglise et de l'Etat. Plus précisément, les dispositions suivantes concernent le sujet qui nous occupe: Art. 49, al. 1 1 La

liberté de conscience et de croyance est inviolable.

Art. 49, al. 4 4 L'exercice des droits civils ou politiques ne peut être restreint par des prescriptions ou des conditions de nature ecclésiastique ou religieuse, quelles qu'elles soient.

Art. 49, al. 5 5 Nul

ne peut, pour cause d'opinion religieuse, s'affranchir de l'accomplissement d'un devoir civique.

Art. 50, al. 1

1 Le

libre exercice des cultes est garanti dans les limites compatibles avec l'ordre public et les bonnes moeurs.

Art. 50, al. 2 2 Les cantons et la Confédération peuvent prendre les mesures nécessaires pour le maintien de l'ordre public et de la paix entre les membres des diverses communautés religieuses, ainsi que contre les empiétements des autorités ecclésiastiques sur les droits des citoyens et de l'Etat.

Dans son message du 6 septembre 1978 sur l'initiative populaire concernant la séparation complète entre l'Eglise et l'Etat ainsi que dans les réponses données à diverses interventions parlementaires, le Conseil fédéral a exposé son point de vue quant à la question de savoir comment la Confédération devait fixer ses rapports avec les Eglises ou les communautés religieuses: ­

59 60

Les communautés religieuses et les «sectes» sont placées sous la protection des droits constitutionnels, en particulier la liberté de conscience et de croyance (art. 49 cst.) ainsi que la liberté de culte (art. 50 cst.)60.

Plus de 70 questionnaires ont été remplis, que nous renonçons à joindre pour des raisons de place.

Voir avant tout la prise de position du Conseil fédéral sur la QO Petitpierre 88.1068 du 6.3.1989. A consulter également les prises de position du Conseil fédéral sur la mo Zisyadis 93.3606 du 28.2.1994, sur l'ip Borer 96.3505 du 25.11.1996 ainsi que sur l'ip Gonseth 97.3274 du 10.9.1997.

9239

­

D'après la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons (art. 3 cst.), la souveraineté en matière ecclésiastique incombe aux cantons, en d'autres termes ce sont les cantons qui règlent les rapports entre l'Eglise et l'Etat dans les limites imposées par la constitution fédérale (à savoir avant tout liberté de conscience et de croyance, liberté de culte).

C'est notamment en invoquant cet ordre de compétences que le Conseil fédéral a rejeté l'initiative populaire de 1978 sur la séparation entre l'Eglise et l'Etat et s'est prononcé en 1994 contre la création d'un office fédéral sur les questions religieuses et d'un office spécial pour les questions religieuses chargé de l'observation des mouvements religieux en Suisse61.

3

Importance du phénomène des «sectes» pour l'administration publique et les institutions privées

31

Recensement au niveau fédéral

La première question concernant la situation dans l'administration fédérale était formulée comme suit: Quelles instances traitent des questions concernant le phénomène des «sectes» en Suisse (offices de l'administration fédérale)? Sous quelle forme leur intervention se manifeste-t-elle?

L'enquête téléphonique menée auprès de différents services de l'administration fédérale a confirmé ce que le droit constitutionnel en vigueur et son interprétation par le Conseil fédéral permettaient de supposer: l'administration fédérale ne compte aucun service chargé de l'étude systématique du phénomène des «sectes» en général ou de certains aspects particuliers de cette thématique.

L'administration fédérale est certes confrontée à toute une série de questions touchant de près ou de loin aux «sectes». Divers services de la Confédération ont ainsi déjà eu à faire à des questions spécifiques du domaine des «sectes» dans le cadre de leurs activités. La grande majorité de ces services n'a toutefois que rarement et accessoirement eu à se préoccuper de questions relatives aux «sectes». L'énumération qui suit démontre pour l'essentiel quelle forme a pris l'étude de ces questions dans les services contactés (pour plus de détail voir le tableau de l'appendice I):

61

­

Etablissement de documentation et tenue de dossiers comprenant un matériel d'information que les citoyens peuvent consulter sur divers groupements ou sur la question des «sectes» en général (p. ex. Office fédéral de la police: recherche de personnes disparues; Office fédéral de la statistique: mise sur pied d'une banque de données sur les convictions religieuses des Suisses dans le cadre du recensement de la population).

­

Traitement de requêtes pouvant contenir certains aspects particuliers du phénomène des «sectes» (p. ex. Office fédéral de la santé publique: traiteVoir le message du Conseil fédéral sur l'initiative populaire «Séparation complète de l'Etat et l'Eglise» du 6.9.1978, FF 1978 II p. 669 ss; prises de position du Conseil fédéral sur la mo Zisyadis 93.3606 du 28.2.1994 ainsi que sur l'ip Zisyadis 94.3418 du 23.11.1994.

9240

ment de demandes de soutien déposées par des associations pour des thérapies de désintoxication; Section des obligations militaires du DDPS: évaluation de demandes d'exemption du service militaire).

­

Mise à l'étude de certaines questions spécifiques (p. ex. Police fédérale: exécution du mandat spécial donné par la Commission consultative en matière de protection de l'Etat concernant une éventuelle surveillance de l'Eglise de scientologie par l'Etat; Office fédéral de la communication: institution d'une commission d'experts sur les diffuseurs de programmes de télévision religieux).

­

Réponses à des lettres de citoyens et des interventions parlementaires traitant du phénomène des «sectes» (p. ex. Office fédéral de la justice).

­

Activité d'information et de médiation, avant tout transmission de demandes concernant les «sectes» (émanant p. ex. aumônerie de l'armée au DDPS, Section de protection consulaire de la Division politique II du DFAE) à des bureaux d'information privés.

­

Ebauches de travaux d'investigation (p. ex. communiqué de presse unique émanant de l'Office fédéral de la police sur la «secte» `Moon' aux USA).

Il convient de relever que les activités susmentionnées ne représentent qu'une part annexe des activités administratives. Par ailleurs, l'étude des questions relatives aux «sectes» n'intervient que de manière ponctuelle sur le plan fédéral et ne fait pas l'objet, en règle générale, de travaux coordonnés. Enfin, selon les membres des services fédéraux contactés, le phénomène des «sectes» ne pose pas de problèmes majeurs dans le cadre de leur travail. Cette thèse est corroborée par le fait que les «sectes» n'ont pas été mentionnées dans le cadre du projet actuel visant à brosser un tableau complet des risques auxquels la Suisse est exposée («SwissRisk»), pour lequel des offices fédéraux entiers ont été interrogés sur les risques potentiels dans leurs domaines d'activité respectifs.

32

Bilan de la situation à l'extérieur de l'administration fédérale

Ce chapitre répond à la première question sur la situation à l'extérieur de la Confédération: Quelles instances traitent des questions concernant le phénomène des «sectes» en Suisse (principaux organes des cantons, des Eglises, des organisations privées, etc.)? Sous quelle forme leur intervention se manifeste-t-elle?

321

Cantons

L'enquête téléphonique menée auprès de divers services cantonaux a permis de démontrer que les activités en rapport avec le phénomène des «sectes» en général ou avec certains de ses aspects diffèrent considérablement d'un canton à l'autre. Pour l'essentiel, la même approche semble être appliquée dans les administrations cantonales que sur le plan fédéral: le traitement des dossiers s'effectue de manière ponctuelle dans la plupart des cas, rarement à un niveau interdépartemental (à

9241

l'exception des cantons de Genève et de Bâle-Ville, v. ci-dessous). La plupart du temps, les services cantonaux interrogés ont réagi à des événements concrets, lesquels ont parfois nécessité l'ouverture de procédures juridiques. Dans les cantons, des problèmes en rapport avec les «sectes» se sont posés avant tout dans les domaines de l'éducation (p. ex. appartenance d'enseignants à certains groupements; fondation d'écoles privées), de la santé (p. ex. saisies de médicaments controversés, problèmes en rapport avec les thérapies de désintoxication pratiquées par certaines associations) ou dans l'utilisation de la voie publique par les «sectes» (p. ex. démarchage auprès des passants dans les villes de Zurich ou de Bâle).

A la suite des drames du Temple solaire dans les années 1994 et 1995, le canton de Genève s'est montré particulièrement actif dans le domaine des «sectes» en chargeant en 1996 un groupe d'experts d'examiner la situation juridique dans le contexte des activités sectaires illégales62. Outre le canton de Genève, qui a mis au point divers projets de loi63, le canton de Bâle-Ville entend lui aussi légiférer en la matière64, tandis que jusqu'ici, d'autres cantons ont clairement manifesté leur intention de ne pas être ni ne vouloir être actif dans ce sens (p. ex. Argovie).

Enfin, en juin 1997, un groupe de travail intercantonal, composé de délégations des cantons romands, du Tessin et du canton de Berne, a été créé à l'initiative du canton de Genève. Ce groupe de travail vise à mettre sur pied, en Suisse romande, un bureau d'information et de documentation sur le thème des «sectes». Il s'agit en l'occurrence du premier projet de coopération au niveau cantonal dans un domaine touchant aux questions religieuses ainsi qu'aux rapports entre l'Eglise et l'Etat.

322

Eglises

En Suisse, sur le plan local, une multitude d'antennes des Eglises traitent de questions concernant le phénomène des «sectes». Les services mis sur pied par les Eglises catholique-romaine, évangélique-réformée, catholique-chrétienne et par des groupements oecuméniques offrent pour l'essentiel une assistance aux personnes concernées de même qu'une information et des cours de perfectionnement consacrés aux questions relatives aux «sectes»65.

Une organisation faîtière existant depuis 1983, le groupe de travail oecuménique «Nouveaux mouvement religieux en Suisse» de la Conférence suisse des évêques et de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse, au sein duquel l'Eglise catholique-chrétienne et un service d'assistance oecuménique sont également représentés, est chargé d'étudier divers mouvements philosophiques et religieux et de fournir une information sur ceux-ci. Ce groupe de travail coordonne en outre les activités des 62 63

64 65

Cf. Audit sur les dérives sectaires, Rapport du groupe d'experts genevois au Département de justice et police et des transports du canton de Genève, février 1997.

Par ex. une procédure spéciale dans le domaine de la santé (guérisseurs) ou l'amélioration de l'aide aux victimes des «sectes» ont été annoncées. Par ailleurs, selon la presse, le canton de Genève envisage le dépôt d'une initiative de canton demandant une modification du Code civil pour que les «sectes» soit désormais inscrites au Registre du commerce.

Projet de loi contre le démarchage (abusif) du fait de personnes ou d'organisations privées sur la voie publique.

Dans ce contexte, il convient de mentionner avant tout le site bien documenté du Bureau d'information évangélique: Eglises ­ «sectes» ­ religion sur Internet (http://www.ref.ch/zh/infoksr/index.html).

9242

délégations des Eglises nationales dans ce domaine et fait en sorte que ses membres parviennent à un point de vue commun sur les différentes «sectes».

323

Organisations privées

Les organisations privées qui traitent des questions concernant le phénomène des «sectes» exercent avant tout des activités d'information et d'assistance. Selon les renseignements fournis par nos interlocuteurs de l'administration fédérale et des autres instances contactées, le principal organisme oeuvrant dans ce domaine est l'Informations- und Beratungsstelle für Sekten- und Kultfragen (centrale d'information et d'assistance sur les «sectes» et les cultes) InfoSekta, sise à Zurich. Ce bureau d'orientation sans affiliation confessionnelle, fondé en 1991, qui bénéficie notamment du soutien financier de la ville et du canton de Zurich, se consacre avant tout à des tâches d'information. Les collaborateurs d'InfoSekta s'occupent également de cas individuels concrets, échangent des informations avec des institutions actives dans ce domaine et constituent des dossiers complets sur les questions concernant les «sectes». Il convient également de mentionner l'association INFOREL (Information Religion) à Bâle. Cette organisation d'orientation non confessionnelle s'occupe principalement d'information et d'assistance. Son projet visant à établir un inventaire de l'ensemble des mouvements religieux à Bâle est financé notamment par les deux demi-cantons de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne (fonds de lotterie). Contrairement à InfoSekta, INFOREL entretient aussi des contact directs avec les «sectes» (visites, entretiens).

Abstraction faite de InfoSekta et de INFOREL, il existe quelques associations d'anciens adeptes de «sectes» et des membres de leur famille, lesquelles exercent elles aussi une fonction d'information et de conseil [p. ex. Aufklärungsgemeinschaft über Scientology und Dianetik, Schweizerische Arbeitsgemeinschaft gegen destruktive Kulte, Association suisse pour la défense de la famille et de l'individu, Groupement de protection de la famille et de l'individu (canton de Genève)].

324

Instituts universitaires

Le phénomène des «sectes» est étudié par diverses disciplines scientifiques, parmi lesquelles on retiendra des membres des facultés théologiques (p. ex. la Faculté de théologie protestante de l'Université de Berne) et également des scientifiques d'autres branches, qui traitent de la question de la liberté de culte en général ou de certains aspects du domaine des «sectes» sous la forme de rapports d'évaluation ou de recherches (p. ex. Institut de droit public à l'Université de Berne, Institut d'éthique sociale à l'Université de Lausanne).

En règle générale, la recherche universitaire sur les «sectes» dépend fortement des chercheurs et de l'orientation des travaux. A l'heure actuelle, dans les université suisses, guère d'étude scientifique ne traite de manière suivie et intensive le phénomène des «sectes». Une continuité ­ en tout cas dans le domaine de la documentation ­ existe toutefois à l'Université de Fribourg, où une centrale de documentation «Nouveaux mouvement religieux» a été mise sur pied.

9243

325

Autres organisations

D'après nos investigations, les grandes banques traitent également de la question des «sectes» pour autant que leurs relations d'affaires soient concernées (p. ex. Société de banque suisse). En revanche diverses organisations de protection des consommateurs (p. ex. la Fondation pour la protection des consommateurs, Verein Schuldensanierung) ne se penchent pas particulièrement sur le sujet; les organes interrogés à ce propos renvoient le plus souvent à des bureaux de conseil privés (avant tout InfoSekta à Zurich).

33

Formes de soutien dont pourraient bénéficier les «sectes» sur les plans fédéral et cantonal

Les «sectes» peuvent-elles bénéficier de certains avantages (p. ex.: allégements fiscaux, subventions) au niveau fédéral ou cantonal?

Au cours de ses investigations, l'OPCA n'a pas découvert d'indices permettant de conclure que certaines «sectes» bénéficient d'un soutien direct ou de privilèges fiscaux (sur cette question, voir la remarque au ch. 13 Ampleur et limites des investigations).

Cette présomption concerne tout d'abord d'éventuels cas d'exonération de l'impôt fédéral direct. Cette possibilité existe en effet pour les personnes morales qui, sur le plan national, poursuivent des buts cultuels (art. 56, let. h, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct, [LIFD])66, mais au vu des réponses qui nous ont été fournies tant par l'Administration fédérale des finances que par plusieurs services cantonaux responsables de la taxation pour l'impôt fédéral direct, rien ne permet d'affirmer que des «sectes» profitent de la disposition susmentionnée de la LIFD. (L'Administration fédérale des finances ne dispose toutefois pas de données concernant le nombre et la nature des organisations bénéficiant d'une exonération d'impôt fondée sur l'art. 56, let. h, LIFD.)

Les recherches de l'OPCA n'ont pas non plus permis d'établir que des «sectes» bénéficiaient d'un soutien direct de la Confédération ou des cantons par le biais de subventions ou d'autres contributions (p. ex. soutien de mouvements de jeunesse, privilèges de certaines communautés religieuses par les cantons67). Il a en revanche été constaté que certains centres de désintoxication pour toxicomanes gérés par des organismes privés bénéficiaient d'un soutien indirect de l'Etat. Ainsi dans le canton de Vaud, où le service compétent prend en charge, sous certaines conditions, les frais de séjour des personnes bénéficiant d'une aide sociale qui sont traitées dans un

66 67

Cf. Circulaire no 12 du 8.7.1994 de l'Administration fédérale des finances.

Les Eglises en principe officiellement reconnues par le droit public bénéficient de contributions cantonales (budget des cultes) ou d'autres privilèges: catholique-romaine et évangélique-réformée; certains cantons accordent aussi des avantages à l'Eglise catholique chrétienne ou à la communauté israélite (notamment Bâle).

Sur les différentes réglementations cantonales concernant les rapports entre l'Eglise et l'Etat, cf: HÄFELIN Urs (1991): art. 49 cst, in: AUBERT Jean-François, EICHENBERGER Kurt, MÜLLER Jörg Paul, RHINOW René A. (éditeurs) (1987ss.), Commentaire de la Constitution du 29.5.1874 Bâle/Zurich/Berne, p. 10 et suivantes.

9244

centre de désintoxication «Narconon», dont les méthodes de traitement s'inspirent du fondateur de la Scientologie68.

4

Outils ou mesures possibles sur le plan fédéral Peut-on envisager, sur le plan fédéral, de créer des outils ou de prendre des mesures en rapport avec le phénomène des «sectes»? Si oui, lesquels?

La consultation d'experts en matière de «sectes» et la lecture des documents en notre possession (notamment des procès-verbaux des auditions des CdG) ont révélé une grande diversité d'opinions sur ce point. Ne sont présenté ci-après que les mesures ou les outils évoqués que l'on peut qualifier de «politiques». La question de l'adaptation des dispositions juridiques est traitée ailleurs (cf. rapport des CdG).

Personne ne s'est prononcé en faveur d'une interdiction absolue des «sectes», et la majorité des personnes interrogées considèrent que la possibilité d'appliquer des mesures préventives visant à protéger l'Etat de menées extrémistes violentes émanant d'une «secte» et menaçant la sûreté de l'Etat ne devrait être considérée qu'en dernier recours. Ces deux points réunissant un large consensus mis à part, les avis exprimés parcouraient une large gamme, d'aucuns estimant que la Confédération se devait d'élaborer une véritable politique en matière de «sectes», ou à tout le moins d'avoir un avis tranché sur la question, et de le faire connaître, d'autres, à l'opposé, soutenant que la Confédération devait au contraire s'abstenir de toute intervention dans ce domaine, à cause de la séparation des compétences entre la Confédération et les cantons, en raison des sensibilités différentes des divers cantons sur la question des rapports entre l'Eglise et l'Etat, ou encore au nom de la liberté de croyance et de conscience que garantit la constitution.

La plupart des propositions mentionnées se situaient quelque part entre ces deux pôles. Diverses voix ont ainsi déploré le manque d'informations sur les «sectes» et exhorté la Confédération à promouvoir la recherche universitaire dans ce domaine ­ si possible dans un esprit interdisciplinaire ­ par l'intermédiaire du Fonds national ou par le biais d'un institut spécialisé. Certains ont exprimé le souhait que ces recherches ne se limitent pas à l'étude des «sectes» (du phénomène en tant que tel, du fonctionnement et des méthodes des «sectes», etc.) mais soient élargies pour aborder la diversité du fait religieux en Suisse dans son ensemble.

Une autre série de propositions concernaient diverses mesures liées à la prévention: nécessité pour l'Etat d'informer le citoyen, et de soutenir les efforts consentis en ce sens dans le domaine de l'enseignement et de la
formation, mise en place de centres d'accueil et de consultation (sur tout le territoire, sans affiliation confessionnelle).

Des avis divergents se sont exprimés sur la question de savoir si, en matière d'information et de conseil, la Confédération devait agir directement ­ par exemple en instituant un service spécialisé (organe de médiation, centre d'information) ­ ou si elle devait plutôt apporter son soutien au niveau du financement ou de la coordination des efforts des cantons, des communes et des organismes privés. Pour ce qui 68

L'octroi d'une autorisation d'exploiter ce centre de soin a fait l'objet de deux interventions parlementaires au Grand Conseil du canton de Vaud.

9245

est de l'institution d'un service spécialisé par la Confédération, la mise en place d'un «Conseil chargé des questions religieuses» a été évoquée par des experts de l'administration fédérale, ce qui constituerait une solution plus légère.

5

Résumé 1. Quelles instances traitent des questions concernant le phénomène des «sectes» en Suisse (offices de l'administration fédérale ainsi que principaux organes des cantons, des Eglises, des organisations privées, etc.). Sous quelle forme leur intervention se manifeste-t-elle?

Il ressort de l'enquête menée auprès de l'administration fédérale qu'aucun service ne traite de manière systématique des questions touchant au phénomène des «sectes» en général ou à certains aspects des mouvements sectaires en particulier. Malgré tout, ce sujet peut ressortir au domaine des tâches de divers services. Les services interrogés ne font qu'aborder divers aspects de ce phénomène de manière accessoire, ponctuelle et non interdisciplinaire. Un premier aperçu sur la situation dans les cantons fournit des résultats variés: alors que quelques cantons ont réagi au niveau de la législation dans divers domaines à des événements ayant trait aux «sectes» (p. ex. dans les domaines de la santé ou de l'utilisation de la voie publique), d'autre cantons n'ont pour l'instant pas réagi de manière ciblée dans ce domaine. La Confédération et les administrations cantonales mises à part, divers organes ecclésiastiques et universitaires ainsi que des organisations privées spécialisées (avant tout InfoSekta à Zurich) se penchent sur différents aspects du phénomène des «sectes».

2. Les «sectes» peuvent-elles bénéficier de certains avantages (p. ex. allégements fiscaux, subventions) au niveau fédéral ou cantonal?

Les investigations de l'OPCA n'ont pas mis en évidence des indices prouvant que des «sectes» jouiraient de privilèges fiscaux, sous forme d'une exonération de l'impôt fédéral direct, ou que certaines d'entre elles bénéficieraient d'un soutien direct de l'Etat par le biais de subventions ou d'autres formes de contributions.

3. Peut-on envisager, sur le plan fédéral, de créer des outils ou de prendre des mesures en rapport avec le phénomène des «sectes»? Si oui, lesquels?

La consultation d'experts en matière de «sectes» et la lecture des documents en notre possession ont révélé une grande diversité d'opinions sur la question de savoir s'il est pensable d'élaborer sur le plan fédéral des outils ou de mesures en rapport avec le phénomène des «sectes», et si oui, lesquels. Les avis recueillis allaient de la non-intervention totale dans ce domaine à la mise en place d'un service spécial de l'Administration fédérale et à la définition d'une véritable politique en matière de «sectes», en passant par l'encouragement de la recherche universitaire et le soutien du travail d'information, d'éducation et de conseil fourni par les organismes privés.

9246

Annexes Annexe I

Services de l'administration fédérale consultés par l'OPCA (vue d'ensemble)

Annexe II

Liste des services consultés en dehors de l'administration fédérale

Annexe III

Formulaire utilisé pour l'enquête téléphonique

9247

Annexe I

Services de l'Administration fédérale consultés par l'OPCA (vue d'ensemble) Service

Raison ou motif pour lesquels ces services ont, ou n'ont pas, étudié la question des «sectes»

Textes de loi

Forme des travaux en lien avec la question des «sectes»

Services du Parlement, centrale de documentation

Demandes émanant de parlementaires et de commissions.

Arrêté fédéral du 7 octobre 1988 sur les Services du Parlement.

Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données [notamment obligation de déclarer les fichiers, ainsi que divers droits dont jouissent les personnes concernées (accès, rectification, destruction)].

Recherche de documents et constitution de dossiers sur le sujet.

Recommandations aux organisations appelées à traiter des données (peut notamment concerner des «sectes»); soutien aux particuliers dans l'exercice de leurs droits (accès, rectification, destruction); Contrôles de diverses organisations pour vérifier qu'elles traitent leurs données de manière conforme à la loi.

Réponses à des demandes d'information; les demandeurs sont le plus souvent renvoyés à InfoSekta, centrale d'information et d'assistance sur les sectes et les cultes, Zurich.

­

Chancellerie fédérale voir colonne cipréposé fédéral à la contre.

protection des données, responsable de la presse et de l'information

DFAE Direction politique, Division politique II, Protection consulaire

Demandes de la part de représentations suisses à l'étranger ou de services publics ou privés en Suisse concernant divers groupements.

La connaissance des «nouveaux mouvements religieux» fait partie du cahier des charges d'un collaborateur spécialisé.

DFI Office fédérale de la culture, Section des affaires culturelles générales DFI Office fédéral de la culture, Service des questions de la jeunesse

Le problème des «sectes» n'a jusqu'ici joué aucun rôle dans la gestion des crédits à disposition.

A ce jour, aucune demande émanant d'un groupe à caractère idéologique n'a été traitée.

Arrêtés fédéraux sur le budget.

9248

Loi fédérale du 6 octobre 1989 concernant l'encouragement des activités de jeunesse extrascolaires.

A parfois été amené à déterminer si des organisations réclamant une subvention satisfaisaient aux conditions nécessaires pour l'obtenir (p. ex. argument de l'épanouissement de la personnalité).

Service

Raison ou motif pour lesquels ces services ont, ou n'ont pas, étudié la question des «sectes»

Textes de loi

Forme des travaux en lien avec la question des «sectes»

DFI Office fédéral de la culture, Secrétariat de la Commission fédérale pour la jeunesse

Les thèmes spécifiques dont s'occupe la commission peuvent concerner le phénomène des «sectes».

Loi fédérale du 6 octobre 1989 concernant l'encouragement des activités de jeunesse extrascolaires.

DFI Office fédéral de la santé publique, Direction

L'Office ne s'est pas penché sur le problème des «sectes», mais il est dans le collimateur de certains groupements à cause de sa politique d'information sur la drogue et le sida.

Loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (selon la loi, seuls des substances concrètes peuvent être qualifiées de stupéfiants).

DFI Office fédéral de la statistique, Division de la population et de l'emploi

La question de l'orientation religieuse fait partie des enquêtes pour le recensement.

Loi fédérale du 3 février 1860 sur le recensement fédéral de la population, Ordonnance du 26 octobre 1989 sur le recensement fédéral de la population en 1990.

DFI Office fédéral des assurances sociales, Centrale pour les questions familiales

A ce jour, le service ­ n'a pas eu à se pencher sur le problème.

En juin 1997, lors d'une rencontre des ministres chargés de la famille des divers pays du Conseil de l'Europe, le représentant autrichien a proposé que soit mis en place un observatoire central de suveillance des «sectes».

A l'initiative des associations de jeunesse, les représentants de «sectes» n'ont pas été admis à la session des jeunes de 1996, dont le thème était la drogue.

La commission abordera éventuellement la question des «sectes» dans le cadre du thème: «les jeunes et la violence».

Documentation des attaques menées par divers groupements contre l'Office; traitement des requêtes émanant d'organisations demandant un soutien pour leurs thérapies de désintoxication (conformité à une liste de critères harmonisés).

Mise au point d'une grille de classification avant le recensement 1990; constitution d'une banque de données contenant toutes les Eglises, communautés religieuses et mouvements spirituels mentionnés dans le recensement, afin d'établir une grille de classification plus précise.

­

9249

Service

Raison ou motif pour lesquels ces services ont, ou n'ont pas, étudié la question des «sectes»

Textes de loi

Cette proposition n'a pour l'instant pas été suivie de faits, ni au sein du Conseil de l'Europe, ni en Suisse.

DFI Ne s'est pas penché ­ Office fédéral des assu- sur le problème à ce rances sociales, Secré- jour.

tariat de la Commission fédérale de coordination pour les questions familiales DFI Aucun mandat donné ­ Groupement de la à ce jour, pas de créscience et de la recher- dits débloqués pour che des études sur le phénomène des «sectes».

DFJP Lettres de citoyens et Constitution fédérale Office fédéral de la interventions parle(les rapports entre justice, Division promentaires traitant des l'Eglise et l'Etat sont jets et méthode législa- rapports entre de la compétence des tifs l'Eglise et l'Etat.

cantons, tout comme la liberté de religion).

DFJP Office fédéral de la justice, Division des projets de législation DFJP Office fédéral de la police, Service d'information et Division principale Droit et Services spéciaux (Service documents d'identité, jeux de hasard et recherches de personnes disparues) DFJP Ministère public, Police fédérale, Information et exploitation.

9250

Les questions relatives aux «sectes» ne jouent aucun rôle dans les activités de la division.

Recherches de personnes disparues.

­

Pas de texte de loi pertinent.

Forme des travaux en lien avec la question des «sectes»

­

­

Réponses aux lettres des citoyens; recherche d'informations spécifiques auprès d'InfoSekta, centrale d'information et d'assistance sur les sectes et les cultes, Zurich.

­

Tenue d'un registre sur les «sectes»; publication d'un communiqué de presse, en juillet 1996, mettant en garde les jeunes se rendant aux Etats-Unis contre les agissements de la «secte» Moon.

Aucune activité fon- Directives du Investigations menées dée sur les bases lé9 septembre 1992 sur dans le cadre du gales existantes la mise en application mandat spécial de la (aucune «secte» n'est de la protection de Commission consulactuellement soumise l'Etat, tative en matière de à une surveillance protection de l'Etat.

Projet du 21 mars particulière).

1997 pour une loi Mandat spécial de la fédérale instituant des Commission consul- mesures visant au tative en matière de maintien de la sûreté protection de l'Etat: intérieure.

Service

DDPS Secrétariat général, Office central de la défense, Section des études de base

Raison ou motif pour lesquels ces services ont, ou n'ont pas, étudié la question des «sectes»

Textes de loi

Forme des travaux en lien avec la question des «sectes»

déterminer si les conditions requises pour placer la scientologie sous la surveillance de l'Etat sont réunies.

Les «sectes» ne sont pas considérées comme un danger potentiel dans le cadre du projet «SwissRisk» (analyse globale des risques auxquels la Suisse est exposée).

Ne s'est pas penché sur le problème. Le secrétaire de la Conférence de situation étudie néanmoins la question de la diversité religieuse.

Jugements des tribunaux militaires pour refus de servir.

En application de la ­ motion de commission 90.061 du 18 avril 1991 concernant l'établissement par le Conseil fédéral d'un rapport périodique sur la politique de sécurité.

DDPS ­ Rédaction de divers Secrétariat général, ouvrages et rapports Office central de la (p. ex. collaboration défense, Section des au rapport de la études de base Commission consultative en matière de protection de l'Etat).

DDPS Loi fédérale du Ces dernières années, Office de l'auditeur en 3 février 1995 sur seuls les membres des chef l'armée et l'admitémoins de Jéhovah, nistration militaire, qui rendent vraisemblable un refus de Loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le servir fondés sur des principes éthiques, service civil.

apparaissent dans les statistiques. Les autres cas sont trop rares pour être relevés dans les statistiques.

DDPS Demandes Loi fédérale du Examen des demanEtat-major général, d'exemption émanant 3 février 1995 sur des d'exemption du Groupe du personnel de personnes astrein- l'armée et l'admiservice militaire.

de l'armée, Division de tes au service qui, nistration militaire.

la gestion du personnel, dans le civil, apparSection des obligations tiennent à une commilitaires munauté ou à un groupe religieux organisé et y occupent des fonctions supérieures dans la hiérarchie.

9251

Service

Raison ou motif pour lesquels ces services ont, ou n'ont pas, étudié la question des «sectes»

Textes de loi

Forme des travaux en lien avec la question des «sectes»

DDPS Groupe du personnel de l'armée, Division des troupes, Service de l'aumônerie de l'armée

Recrutement d'aumôniers; demandes de différentes communautés religieuses de pouvoir disposer d'un aumônier.

Règlement du 1er janvier 1997 pour le service de l'aumônerie (les aumôniers doivent faire partie d'une église nationale).

DDPS Etat-major général, Groupe des renseignements

N'est compétent que pour collecter, évaluer et relayer des informations importantes de l'étranger concernant la sécurité de l'Etat. Le problème des «sectes» n'a pas été abordé.

Aucune question concernant directement les «sectes» n'a été soulevée à ce jour.

Loi fédérale du 3 février 1995 sur l'armée et l'administration militaire.

Fournit des renseignements sur l'aumônerie de l'armée; intervient en qualité de médiateur lorsque des personnes appartenant à des «sectes» rencontrent des problèmes pendant leur service militaire.

­

­

­

Demandes d'exonération de l'impôt fédéral direct pour des personnes morales.

Loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (notamment art. 56, let. h: exonération des personnes morales qui poursuivent, sur le plan national, des buts cultuels).

Rédaction d'une circulaire aux cantons, qui sont responsables de la taxation (critères applicables).

Il n'existe pas de statistiques sur le nombre d'organisations qui jouissent d'une exonération fiscale sur la base de l'art.

56, let. h de la LIFD.

­

DFF Office fédéral du personnel, Division affaires générales de personnel DFF Administration fédérale des finances, Division juridique impôt fédéral direct

DFF Secrétariat de la commission fédérale des banques DFE Office fédéral du développement économique et de l'emploi, Politique régionale, arts et métiers, tourisme, Section commerce et arts et métiers

9252

N'a pas été confronté ­ au problème à ce jour.

Pas d'activités spécifiques en rapport avec les «sectes», la loi contre la concurrence déloyale étant une loi de droit privé.

Loi fédérale du ­ 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale.

Service

Raison ou motif pour lesquels ces services ont, ou n'ont pas, étudié la question des «sectes»

Textes de loi

Forme des travaux en lien avec la question des «sectes»

DETEC Office fédéral de la communication, Division radio et télévision

Demande de concession de la société Alphavision S.A.

pour diffuser une émission religieuse intitulée «Fenster zum Sonntag».

Loi fédérale du 21 juin 1991 sur la radio et la télévision.

Fonds national suisse de la recherche scientifique [Fondation de droit privé, subventionnée par la Confédération (Office fédéral de l'éducation et de la science)]

Le problème des «sectes» a été abordé par le biais d'un projet dans le cadre du programme national de recherche PNR 21.

Loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la recherche.

Institution d'une commission d'experts «Religion et télévision» (chargée de déterminer s'il est souhaitable d'accorder une concession à un diffuseur de programmes appartenant à une communauté religieuse et si oui, quelles en serait les conséquences sur les plans juridique, social et politique).

Le rapport final a été publié en septembre 1997 sous le titre: «Diffuseurs de programmes de télévision religieux».

Résultat: étude de Jean-François Mayer: «Vers une mutation de la conscience religieuse?» (durée du projet: 1987­1990).

9253

Complément En raison du manque d'informations, il convient de préciser que, une fois ses investigations achevées, l'OPCA a été malheureusement rendu attentive à trois autres services de l'Administration fédérale qui sont concernés par le phénomène «sectes».

Ces trois services sont décrits ci-après. Les passages de notre rapport de travail sur le recensement au niveau fédéral doivent être consultés en prenant en compte les compléments d'information suivants: Service

Raison ou motif pour lesquels ces services ont, ou n'ont pas, étudié la question des «sectes»

Textes de loi

DFAE Division politique IV, Section de la politique des droits de l'homme

Vu que la liberté religieuse est un droit de l'homme fondamental, la section examine la question des «sectes» sous un angle international.

Traités internationaux que la Suisse a ratifiés (p. ex. le Pacte international relatif aux droits civils et politiques).

DFAE Direction du droit international public, Section des Droits de l'homme et du droit humanitaire

Analyse des aspects juridiques des droits de l'homme.

DFI Secrétariat de la Commission fédérale contre le racisme

Dans le cadre de son mandat, la commission examine toute forme de discrimination raciale et peut donc être confrontée à ce sujet.

9254

Forme des travaux en lien avec la question des «sectes»

Coopération avec les organisations internationales (p. ex.

réponse à des questionnaires concernant la liberté religieuse en Suisse); tenue de dossiers sur le sujet ainsi que l'échange d'informations entre des experts en matière de «sectes»; contacts avec des représentants de différents groupements; réponse à des lettres de citoyens.

Traités internatioRéponse à des lettres naux.

de citoyens et à des questionnaires concernant la liberté religieuse; étude de question relevant du droit international des droits de l'homme.

Arrêté du Conseil D'une part, la Comfédéral, du 23 août mission s'occupe de 1995 sur la constitu- groupements qui tion et le mandat de s'inspirent de théola Commission fédé- ries racistes (en 1999, rale contre le racisme elle va p. ex. consacrer son bulletin aux frontières de l'ésotérique), d'autre part, elle est elle-même contactée par des groupements désirant être reconnus sur le plan religieux.

Annexe II

Liste des services consultés en dehors de l'Administration fédérale Cantons Argovie: Département de l'instruction publique Argovie: Département des finances Appenzell Rhodes-Extérieures: Direction de l'instruction publique et de la culture, Direction de la santé publique Bâle-Ville: Département des finances Berne: Direction des finances Berne: Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques Genève: Département de justice et police et des transports Saint-Gall: Département de justice et police Saint-Gall: Département de l'instruction publique Saint-Gall: Département des finances Vaud: Département de l'intérieur et de la santé publique Vaud: Département de la prévoyance sociale et des assurances Zurich: Direction de la justice Zurich: Direction des finances Zurich: Direction de l'instruction publique Zurich: Police municipale de la Ville de Zurich Zoug: Direction des finances Office intercantonal de contrôle des médicaments Conférence suisse des directeurs de l'instruction publique Services de consultation et d'information gérés par des Eglises Centre d'information de l'Eglise évangélique: Eglises ­ «sectes» ­ religions, Greifensee Centre d'études catholique «nouveaux mouvements religieux», Balgach Groupe de travail oecuménique «nouveaux mouvements religieux en Suisse» Centre oecuménique de consultation «groupes religieux et sectes», Lucerne Institutions et organismes privés Aufklärungsgemeinschaft über Scientology und Dianetik (AGSD), Zürich Caritas Suisse, Lucerne INFOREL, Information Religion, Bâle

9255

InfoSekta, centrale d'information et d'assistance sur les sectes et les cultes, Zurich Pro Juventute, Zurich Fondation pour la protection des consommateurs, Berne Verein Schuldensanierung, Berne Universités Université de Berne: faculté de théologie catholique chrétienne Université de Berne: faculté de théologie protestante Université de Berne: séminaire de droit public Université de Fribourg: centre de documentation «nouveaux mouvements religieux» Université de Lausanne: Institut d'éthique sociale Autres Beobachter, Zurich Credit Suisse Group, Zurich Société de Banque Suisse, Bâle Association suisse des banquiers, Bâle Tages-Anzeiger, Zurich UBS, Zürich

9256

Annexe III

Formulaire utilisé pour l'enquête téléphonique Nom du service ou de l'organisation:

Adresse:

Date: Interlocuteur(s): Motifs pour lesquels ce service a ou n'a pas d'activité en rapport avec le phénomène des «sectes»:

Texte de loi pertinents (pour les services de l'Administration fédérale):

Description des activités:

Contacts internationaux: (Pour les services extérieurs à l'Administration) organisme dont ils dépendent:

Informations sur d'autres services qui pourraient avoir à s'occuper de problèmes liés aux «sectes»:

Réalisation de l'étude Cheffe de projet:

P. Lanfranchi, lic. phil. I, Organe parlementaire de contrôle de l'administration

Assistance:

M. Fritsche, lic. rer. pol.

Secrétariat:

H. Heinis, Organe parlementaire de contrôle de l'administration

L'OPCA adresse ses remerciements aux experts consultés qui ont pris part à cette enquête ainsi qu'à tous les partenaires de discussion qui ont participé à nos entretiens téléphoniques.

9257

Liste des abréviations CdG-N cst.

DDPS DETEC DFAE DFE DFF DFI DFJP LIFD OPCA PNR

9258

Commission de gestion du Conseil national constitution fédérale Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral de l'économie Département fédéral des finances Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct Organe parlementaire de contrôle de l'administration Programme national de recherche

Anhang B

Entschliessung zu den Sekten in Europa

Das Europäische Parlament,

69

­

unter Hinweis auf die Europäische Konvention zum Schutz der Menschenrechte und Grundfreiheiten vom 4. November 1950,

­

unter Hinweis auf den Vertrag über die Europäische Union, insbesondere Artikel F Absatz 2, Artikel K.1 Absätze 2, 5, 6, 7 und 9 sowie Artikel K.3,

­

unter Hinweis auf seine Entschliessung vom 8. Juli 1992 zu einer Europäischen Charta der Rechte des Kindes69,

­

unter Hinweis auf die Empfehlung 1178 (1992) des Europarates zu Sekten und neuen religiösen Bewegungen,

A.

unter Bekräftigung seines Festhaltens an den Grundprinzipien des demokratischen Rechtsstaats wie Toleranz, Gewissens- und Religionsfreiheit, Meinungsfreiheit sowie Vereinigungs- und Versammlungsfreiheit,

B.

in der Erwägung, dass mit den jüngsten Ereignissen in Frankreich, insbesondere dem Tod von 16 Menschen, darunter 3 Kindern, am 23. Dezember 1995 in Vercors die gefährlichen Aktivitäten bestimmter, als Sekten bezeichneter Vereinigung deutlich geworden sind,

C.

in der Erwägung, dass die Aktivitäten der Gruppen von Sekten oder sektenähnlichen Vereinigungen ein sich ständig weiterverbreitendes Phänomen darstellen, das in immer diversifizierterer Form in der ganzen Welt zu beobachten ist,

D.

in der Erwägung, dass viele aktive religiöse und andere Sekten völlig legal sind und deshalb Anspruch darauf haben, dass ihre Organisationen und Aktivitäten durch die in der Europäischen Menschenrechtskonvention verankerte Garantie der individuellen und Glaubensfreiheit geschützt werden,

E.

in der Erwägung, dass sich dagegen bestimmte Sekten, die innerhalb eines grenzüberschreitenden Netzes in der Europäischen Union operieren, illegalen oder kriminellen Aktivitäten hingeben und laufend Menschenrechtsverletzungen wie Misshandlung, sexuelle Belästigung, Freiheitsberaubung, Menschenhandel, Ermutigung zu aggressivem Verhalten, Verbreitung rassistischen Gedankenguts, Steuerbetrug, illegaler Kapitalverkehr, Waffenund Drogenhandel, Verletzung des Arbeitsrechts und illegale Ausübung des Arztberufs begehen,

ABI. C 241 vom 21.9.1992, S. 67.

9259

1.

bekräftigt den Anspruch auf Meinungs-, Gewissens- und Religionsfreiheit sowie auf Vereinigungsfreiheit in den Grenzen, die durch das Gebot der Achtung, der Freiheit und der Privatspäre des Einzelnen sowie durch den Schutz vor Handlungen wie Folter, unmenschliche und entwürdigende Behandlung, Sklaverei usw. gesetzt sind;

2.

fordert die Mitgliedstaaten auf, dafür Sorge zu tragen, dass die Gerichte und Polizeibehörden die bereits auf nationaler Ebene bestehenden Rechtsbestimmungen und -instrumente wirksam anwenden und aktiv und enger, insbesondere im Rahmen von Europol, zusammenarbeiten, um so gegen die Verletzungen der Grundrechte, deren sich bestimmte Sekten schuldig machen, vorzugehen;

3.

fordert die Mitgliedstaaten auf nachzuprüfen, ob ihre Rechtsprechungs-, Steuer- und Strafvorschriften ausreichen, um zu verhindern, dass die Aktivitäten solcher Gruppen gesetzwidrige Handlungen mit sich bringen;

4.

fordert die Mitgliedstaaten auf, den Status einer religiösen Gemeinschaft nicht automatisch zu verleihen und im Fall von Sekten, die an obskuren und kriminellen Machenschaften beteiligt sind, eine Aufhebung ihres Status einer religiösen Gemeinschaft zu erwägen, der ihnen Steuervorteile und einen gewissen Rechtsschutz beschert;

5.

fordert die Mitgliedstaaten in diesem Zusammenhang auf, den gegenseitigen Austausch von Informationen zu verstärken, um Daten über Sektenphänomene zusammenzutragen;

6.

ersucht den Rat, alle Massnahmen zu prüfen, vorzuschlagen und einzuleiten, die aus einer wirksamen Anwendung des im Rahmen von Titel VI des EUVertrags vorgesehenen Instrumentariums und der bestehenden Rechtsvorschriften der Gemeinschaft folgen, um die illegale Tätigkeit der Sekten in der Union einzudämmen und zu bekämpfen; fordert den Rat auf, die Zusammenarbeit zwischen den Mitgliedstaaten und Drittstaaten mit dem Ziel, vermisste Personen ausfindig zu machen und ihre Wiedereingliederung in die Gesellschaft zu erleichtern, zu fördern;

7.

fordert die Kommission und die Mitgliedstaaten zu einem Höchstmass an Wachsamkeit auf, um zu verhindern, dass illegale Sekten in den Genuss gemeinschaftlicher Beihilfen gelangen;

8.

beauftragt seinen Ausschuss für Grundfreiheiten und innere Angelegenheiten, den zuständigen Ausschüssen der nationalen Parlamente vorzuschlagen, ihre nächste gemeinsame Sitzung dem Thema Sekten zu widmen; auf diese Weise könnten Informationen über die Organisation, die Arbeitsmethoden und das Verhalten von Sekten in den einzelnen Mitgliedstaaten ausgetauscht und die besten Methoden zur Einschränkung unerwünschter Aktivitäten dieser Sekten sowie Strategien zur Aufklärung der Bevölkerung über sie aufgezeigt werden; die Schlussfolgerungen dieser Sitzung sollten dem Plenum in Form eines Berichts vorgelegt werden;

9.

beauftragt seinen Präsidenten, diese Entschliessung dem Rat, der Kommission, den Regierungen und Parlamenten der Mitgliedstaaten sowie dem Europarat zu übermitteln.

9260