99.034 Message concernant la révision du Titre trente-deuxième du code des obligations (De la comptabilité commerciale) du 31 mars 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent message, nous vous proposons d'adopter le projet de loi concernant la révision des dispositions du code des obligations sur la comptabilité commerciale.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

31 mars 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-4524

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Condensé Le Titre trente-deuxième du code des obligations (CO) contient des dispositions sur la comptabilité commerciale et fixe en particulier les conditions auxquelles doit satisfaire la conservation, sur des supports de données ou d'images, des livres, de la correspondance et des pièces comptables. La réglementation y relative (art. 962 et 963 CO), en vigueur depuis le 1er juillet 1976, fait notamment une distinction entre «supports de données» et «supports d'images».

La révision a pour but principal d'éliminer cette distinction juridique. Au surplus, elle reconnaît expressément la tenue électronique des livres, qu'elle soumet aux mêmes règles que celles applicables à leur conservation. Ainsi, les livres pourront dorénavant être tenus et conservés électroniquement ou d'une autre manière comparable, pour autant que la tenue de la comptabilité et la conservation des livres soient conformes au principe de régularité.

La suppression de la distinction entre supports de données et supports d'images éliminera les problèmes d'interprétation et l'insécurité juridique causés, ces dernières années, par le recours toujours plus fréquent à la liquidation des affaires par l'informatique et par l'introduction de nouveaux moyens destinés à l'enregistrement d'opérations commerciales sous des formes permettant le traitement ultérieur (courrier électronique), notamment en ce qui concerne la possibilité d'utiliser des moyens de conservation nouveaux tel la vidéo ou le cédérom et la possibilité de conserver la correspondance échangée électroniquement. La révision permettra ainsi d'appliquer plus largement à la comptabilité les nouvelles technologies relatives au traitement, à la communication et à l'enregistrement de données.

En reconnaissant légalement les nouvelles technologies, on améliore les conditionscadres juridiques. On sert ainsi les intérêts de l'économie suisse et on augmente ses chances sur le plan international, à une époque où les échanges s'intensifient et la concurrence internationale s'endurcit.

Le projet propose une «petite révision». Il se limite pour l'essentiel à adapter les dispositions concernant directement la tenue et la conservation de la comptabilité à l'état actuel de la technique. Ces adaptations rendent nécessaire la modification ponctuelle d'autres dispositions. En outre, dans le
souci de faciliter l'application du droit, le projet reprend les solutions de la doctrine et de la jurisprudence.

La révision se caractérise par son ouverture aux technologies futures. Elle renonce à dessein à mentionner ou à admettre expressément des technologies spécifiques.

Les dispositions relatives aux technologies sont rédigées de la manière le plus neutre possible; la nouvelle réglementation pourra ainsi s'appliquer aux médias (biologiques ou cristallins p. ex.) que l'on utilisera peut-être à l'avenir. C'est à la doctrine, à la jurisprudence et à la pratique qu'il incombera, dans le futur également, d'examiner les technologies et de fixer les conditions qu'elles doivent remplir pour que la tenue et la conservation des livres, des pièces comptables et de la correspondance soient conformes au principe de régularité.

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La révision proposée aura des effets sur les conditions imposées par le droit fiscal en matière de comptabilité conforme au principe de régularité, dans la mesure où les dispositions du droit commercial relatives à la conservation s'appliquent également aux personnes qui doivent conserver les livres en vertu du droit fiscal. Les dispositions de droit commercial relatives à la conservation ont dès lors la fonction d'une norme fondamentale dans le droit de la conservation des livres.

La révision proposée ne touche pas les principes du droit matériel de la comptabilité fixés dans le Titre trente-deuxième du code des obligations. Cette matière fait l'objet d'une autre révision dont le projet, élaboré par des experts, est en consultation depuis fin octobre 1998.

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Message 1

Point de la situation

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Droit actuel

Depuis la révision des art. 962 et 963 du code des obligations (CO; RS 220), adoptée le 19 décembre 1975, les personnes astreintes à tenir une comptabilité peuvent recourir aux nouveaux moyens technologiques pour conserver leurs livres, leurs pièces comptables et leur correspondance. Toutefois, cette révision a introduit des distinctions qui limitent sensiblement l'application des nouvelles technologies relatives au traitement, à la communication et à l'enregistrement de données. Ces distinctions concernent trois domaines.

Selon la conception du législateur de 1975, la tenue des livres au sens propre prend fin avec l'année civile (art. 957 ss CO) et l'obligation de les conserver, le cas échéant, après enregistrement ou transfert sur un autre support d'information, commence au même moment. Depuis l'introduction de la comptabilité dite informatisée, cette distinction ne correspond plus à la réalité, car la tenue des livres présuppose toujours l'enregistrement et la conservation des données concernées. Ainsi, la distinction artificielle entre «tenue» et «conservation» des livres n'a plus de sens lorsque les livres sont tenus électroniquement. Le législateur doit dès lors reconnaître expressément la tenue électronique des livres.

Dans les années 70, le papier était presque l'unique support de la correspondance et des pièces comptables. Les informations figurant sur support physique, lisibles sans l'aide d'instruments, avaient le caractère d'originaux. Plus tard, elles ont été transférées ou enregistrées sur des supports d'informations modernes, des supports de données ou d'images plus rationnels, garantissant un accès plus rapide, une meilleure organisation et un gain de place. L'acception traditionnelle des termes «original» et «enregistrement» pose dès lors des problèmes d'interprétation en ce qui concerne la correspondance commerciale électronique, qui naît sur un support de données, les pièces comptables établies électroniquement et les livres tenus électroniquement. Il est dès lors judicieux de renoncer à la distinction entre «original» et «enregistrement».

Les supports de données et d'images ne peuvent pas être employés de la même manière pour toutes les informations qui doivent être conservées. Ainsi, le microfilm, comme support d'images, peut être utilisé pour conserver tous les livres,
à l'exception du compte d'exploitation et du bilan, alors que les supports de données lisibles à l'aide d'instruments ne peuvent servir qu'à la conservation de la correspondance commerciale et des pièces comptables. S'agissant des «autres livres», l'enregistrement et la conservation sur un support de données ne satisfait pas aux conditions légales.

Suite à l'évolution technologique, la distinction entre support de données et support d'images n'est toutefois plus aussi claire qu'elle ne l'était en 1975. Les supports d'informations modernes comme le WORM (Write Once Read Many ­ une technologie d'enregistrement qui permet d'écrire une seule fois sur le support et qui ne peut être modifié par la suite), le cédérom (Compact Disk-Read Only Memory ­ un support semblable aux disques CD qui peut être lu mais sur lequel l'usager ne peut pas écrire) ou les vidéo disques lsur lesquels les informations ne sont pas enregis4756

trées de manière électromagnétique, mais de manière optique au moyen d'un rayon laser qui permet aussi leur lecture) sont en principe également utilisables pour l'enregistrement d'images numérisées. Si, de ce fait, on considère que ces moyens sont des supports d'images, ils seront, selon les informations qu'ils contiennent, tantôt des supports d'images, tantôt des supports de données. Mais cette qualification a des conséquences importantes, car le droit en vigueur fait une distinction quant à l'admissibilité de ces supports pour l'enregistrement et la conservation des documents écrits d'une entreprise. Il faut dès lors renoncer à la distinction entre support de données et support d'images.

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Conditions-cadres techniques

Lors de la révision de 1975, l'enregistrement d'informations destinées à la conservation sur support de données se faisait presque uniquement sur cartes perforées ou sur bandes magnétiques, c'est-à-dire sur des supports qui se caractérisaient par une durée de conservation limitée, un accès lent et un prix relativement élevé par rapport à la densité des données.

Depuis lors, la technique a beaucoup évolué. Les prestations offertes par les ordinateues actuels et la capacité d'enregistrement des supports de données ont énormément augmenté. Les cartes perforées ont complètement disparu, les bandes magnétiques classiques ne sont pratiquement plus utilisées et le microfilm est de plus en plus remplacé par les nouvelles technologies d'enregistrement. L'actualité est dominée par les disquettes, les disques amovibles, les cédéroms et les cassettes DAT, sur lesquels les informations sont enregistrées de manière magnétique, magnétooptique ou optique. Les prix ne sont plus qu'une fraction de ce qu'ils étaient dans les années 70, et ces technologies sont devenues si faciles à utiliser que presque toutes les entreprises y recourent.

La correspondance, notamment les commandes et les factures, est, elle aussi, toujours plus liquidée par des moyens électroniques. Les déclarations concernant des actes juridiques ne sont plus uniquement envoyées par la poste, mais bien plus souvent transmises par télex, télécopie ou par courrier électronique. La forme et la structure de ces transmissions sont encore très proches de celle de la lettre commerciale classique sur papier, mais il n'est plus nécessaire d'avoir un original en papier. Ainsi, s'agissant des télécopies, le document sur papier n'est plus nécessaire lorsque l'expéditeur envoie le message directement de son écran; le destinataire ne doit pas non plus imprimer sur papier le message arrivé sur son télécopieur, mais il peut l'enregistrer directement dans son centre TED et le lire sur son écran. Lorsque des fichiers électroniques (files) ou des messages sont transmis sous forme de formulaires électroniques standardisés (electronic data interchange, EDI, échange électronique de données au sens strict), toute similitude avec la lettre classique disparaît.

Dans les bureaux très automatisés, presque tout se fait sans papier; font exception les rares cas où la loi
prescrit la forme écrite au sens des art.s 11 ss CO comme condition de validité (cf. p. ex. art. 165, 1er al., 226a et 227a CO).

Cette évolution technique est loin d'être achevée. Dans le domaine de l'enregistrement des informations, les procédés permettant d'enregistrer holographiquement des données sur des supports cristallins ou biologiques sont mis au point. La densité d'enregistrement sera considérablement augmentée et le coût de ces supports baisse4757

ra de manière importante par rapport à la quantité de données enregistrées. En outre, la durabilité des enregistrements sera améliorée et ils seront moins facilement falsifiables grâce à la signature numérique (la signature dite électronique), qui excluera toute modification ultérieure du contenu de l'enregistrement. Le multimédia fera de fait disparaître la distinction traditionnelle des catégories d'informations (documents sur papier, images fixes ou mobiles, son). La connexion des ordinateurs aux réseaux électroniques paraîtra bientôt tout aussi normale que la présence d'un téléphone sur chaque bureau.

Il est probable que l'importance des copies de documents sur papier et des supports d'images diminuera et se limitera à certaines applications, telles que les copies de sûreté dans les systèmes de classement traditionnels. Ces moyens de conservation seront le plus souvent utilisés dans les archives et les bibliothèques ou pour les stocks d'informations plus anciennes qui sont difficilement transférables sur des supports de données. Les moyens d'enregistrement actuels pourraient aussi être remplacés par d'autres formes, pour autant que les conditions suivantes soient remplies: saisie d'une grande quantité de données, accès rapide, longue durée (grande sécurité contre la perte et la modification).

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Motifs de la révision

Le recours croissant à la liquidation informatisée des affaires, l'introduction de nouveaux moyens destinés à l'enregistrement d'opérations commerciales sous des formes permettant le traitement (édition, rédaction) ultérieur (courrier électronique) ainsi que l'intérêt de plus en plus marqué de l'économie pour la reconnaissance juridique de ces nouvelles méthodes ont soulevé d'importantes questions d'interprétation, qui ont entraîné une certaine insécurité juridique. Les tribunaux n'ont eu à se prononcer que sur des cas de violation manifeste des dispositions sur la conservation des livres et des pièces comptables, le plus souvent dans le cadre de procédures pénales. Aucune jurisprudence n'a dès lors pu s'établir en la matière. Aujourd'hui, la situation est donc comparable à celle des années 70 qui porta à la révision des dispositions sur la conservation des livres.

La principale raison de la présente révision réside dans les questions toujours plus nombreuses adressées aux administrations fiscales, concernant l'admissibilité des nouveaux moyens d'enregistrement et la conservation de la correspondance échangée électroniquement. Ces questions émanaient surtout d'entreprises voulant remplacer ou introduire un système automatique de documentation ou de gestion des affaires.

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Procédure préliminaire

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Elaboration d'un avant-projet

L'administration ayant reconnu la nécessité de réviser les dispositions sur la conservations des livres, le Service juridique de l'Office fédéral de l'informatique (OFI) prit contact avec les milieux intéressés de l'économie, afin de constituer un groupe de travail chargé d'examiner les aspects techniques et juridiques de la conservation en tenant compte de la pratique. L'Association suisse pour la simplification des

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procédures du commerce international (SWISSPRO) a offert son soutien administratif.

L'OFI a été aidé dans ses travaux de révision par une commission créée dans le cadre du groupe de travail «Droit et EDI» et composée de juristes qualifiés dans le domaine du droit de l'informatique1.

La commission, réunie la première fois en mars 1994, termina ses travaux à fin 1995. L'avant-projet (AP) et le rapport explicatif mis en consultation ont été élaborés sur la base de ses travaux.

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Procédure de consultation

Le 7 mai 1997, le Conseil fédéral a autorisé le Département fédéral de justice et police à mettre en consultation l'avant-projet susmentionné. La procédure s'est achevée fin août 1997.

Ont été invités à y participer le Tribunal fédéral à Lausanne, le Tribunal fédéral des assurances à Lucerne, tous les cantons, les partis représentés à l'Assemblée fédérale ainsi que 46 organisations.

Ont expressément renoncé à donner leur avis le Tribunal fédéral et le Tribunal fédéral des assurances, trois cantons, deux partis et une organisation. 22 cantons, quatre partis et 18 des organisations officiellement consultées ont répondu à l'invitation.

En outre, quelques organisations et quelques particuliers ont spontanément donné leur avis, dont il a également été tenu compte.

Il convient de souligner que la plupart des cantons ont soit repris les propositions élaborées par l'Administration fédérale des contributions en collaboration avec les autorités fiscales cantonales, soit renvoyé à ces propositions.

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Résultats de la procédure de consultation

La nécessité de réviser le code des obligations n'a pas été contestée. Il a également été reconnu que les buts visés par l'avant-projet étaient justifiés et que ce dernier constituait en principe une mesure adéquate pour les atteindre.

Plusieurs cantons ont observé ­ à juste titre ­ que l'avant-projet n'avait pas complètement éliminé la distinction entre «supports de données» et «supports d'images».

La compétence octroyée au Conseil fédéral d'édicter une ordonnance d'application (comme en droit actuel) a été combattue par six organisations et saluée par deux. Par contre, aucun canton ne s'est opposé à cette compétence; la plupart d'entre eux l'ont expressément approuvée.

1

Il s'agit des MM. Peter Neuenschwander, avocat et docteur en droit, Zollikon (président), Rico Baumgartner, avocat et docteur en droit, Herrliberg, Jacques Beglinger, avocat, Zurich, Christian Blaser, avocat, Muri près Berne, Thomas Bühlmann, docteur en droit, Zollikon, Claudio G. Frigerio, avocat, Berne, Pierre E. Jaccard, docteur en droit, Puidoux, Beat Lehmann, avocat, Suhr, et Bruno Wildhaber, docteur en droit, Schwerzenbach.

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L'avant-projet a repris du droit en vigueur l'obligation de conserver les livres pendant dix ans. Ce délai a été approuvé par tous les cantons, à l'exception du canton d'Argovie; quatre organisations le considèrent trop long et une le juge adéquat.

Enfin, plusieurs cantons ont suggéré de compléter le droit fiscal fédéral par des dispositions visant à faciliter la consultation de la comptabilité aux autorités fiscales.

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Elaboration du présent projet

La rédaction du message et du projet de révision du Titre trente-deuxième du code des obligations a été confiée à un groupe de travail composé de représentants des offices fédéraux directement concernés ainsi que de représentants des administrations fiscales cantonales2.

En remaniant l'avant-projet, le groupe de travail a tenu compte des résultats de la procédure de consultation. Il s'est largement inspiré des propositions faites par l'Administration fédérale des contributions en collaboration avec les autorités fiscales cantonales (cf. ch. 22). Ainsi, le groupe a notamment décidé d'éliminer complètement la distinction entre «supports de données» et «supports d'images» et de reprendre la réglementation en vigueur, tant en ce qui concerne la compétence du Conseil fédéral d'édicter une ordonnance d'exécution qu'en ce qui concerne le délai de conservation.

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Révision du droit matériel de la comptabilité

En décembre 1995, lorsque s'achevaient les travaux de la commission créée dans le cadre du groupe de travail «Droit et EDI» (cf. ch. 21), le DFJP chargea une commission d'experts, présidée par M. Peider Mengiardi, d'Oberwil3, d'élaborer de nouvelles dispositions légales sur la comptabilité et la publicité des entreprises ainsi que sur les réviseurs particulièrement qualifiés.

Une des tâches de la commission d'experts était d'examiner si la nouvelle réglementation doit être intégrée dans le code des obligations ou faire l'objet d'une nouvelle loi sur la comptabilité et la publicité. Cette nouvelle réglementation doit s'appliquer à toutes les sociétés de droit privé possédant la personnalité juridique (SA, société en commandite par actions, Sàrl, coopérative) et éventuellement, en 2

3

Le groupe de travail était composé de MM. Roland Lachenmayer, Aarau, et Alfred Walter, Zurich (Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat), Kurt Eggli, Beat Iten, Alexander Kalbermatter, Heinz Lüthi, Markus Mosimann, Hans-Jürg Neuhaus, Marcel Niederberger et Yves Sudan (Administration fédérale des contributions), Claudio Frigerio (Office fédéral de l'informatique) et Giacomo Roncoroni (Office fédéral de la justice).

La commission était composée de Mme Ann-Kristin Achleitner, prof., dr, SaintGall/Oestrich-Winkel (D) et de MM. Giorgio Behr, prof., dr en droit, avocat, réviseur diplômé, Schaffhouse; Peter Bertschinger, lic. oec., réviseur diplômé, Zurich; Ancillo Canepa, réviseur diplômé, économiste diplômé, Zurich; Angelo Digeronimo, lic. rer. pol., AFC, Berne; Jean Nicolas Druey, prof., dr en droit, Saint-Gall; Carl Helbling, prof., dr oec., réviseur diplômé, Zurich; Beat Kappeler, lic. sc. pol., publiciste, Herrenschwanden; Arnold Knechtle, dr en droit, avocat, Industrie-Holding, Berne; Daniel Lehmann, lic. en droit, Union suisse des arts et métiers, Berne; Georges Muller, prof., dr en droit, avocatconseil, Lausanne; Alfred Stettler, prof., dr oec., Ecole des HEC, Lausanne. L'Office fédéral de la justice se chargea du secrétariat.

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totalité ou en partie, aux entreprises ayant une autre forme juridique ainsi qu'aux fondations. La commission devait encore déterminer s'il convenait de régler de manière différente les petites, les moyennes et les grandes entreprises. Les directives de l'Union Européenne devaient être prises en considération dans chaque domaine.

La commission d'experts était en outre chargée d'élaborer un avant-projet de révision de l'ordonnance sur les qualifications professionnelles des réviseurs particulièrement qualifiés, en tenant compte des exigences de la 8e directive de l'Union européenne dans le domaine du droit des sociétés. Elle devait notamment examiner la question de l'opportunité de créer un système d'autorisation.

La commission d'experts a livré son rapport et ses projets le 29 juin 1998. Ces documents sont en consultation depuis fin octobre 1998.

En résumé, la révision proposée prévoit les principes suivants. Un tableau des flux de trésorerie est introduit comme nouvel élément des comptes annuels. L'établissement des comptes annuels suit le principe de la fair presentation. La constitution de réserves latentes arbitraires n'est plus autorisée. Afin d'éviter des conséquences fiscales (importance déterminante du bilan commercial), il peut être dérogé aux règles d'évaluation. Les exigences concernant la structure et le degré de détail des comptes annuels sont renforcées. Certaines associations et fondations qui n'ont pas l'obligation de s'inscrire au registre du commerce sont soumises à l'obligation de tenir une comptabilité et d'établir des comptes annuels. Des règles uniformes sont prévues pour l'ensemble des entités soumises à l'obligation d'établir des comptes annuels: elles varieront cependant en fonction de la forme juridique, de la taille et de la nature de l'activité. Une distinction est faite entre les petites, les moyennes et les grandes entités. Les petites entités (à l'exception des sociétés de capitaux) sont exonérées de l'obligation de faire figurer des indications additionnelles dans le bilan, l'annexe et le compte de profits et pertes ainsi que d'établir un tableau des flux de trésorerie et un rapport annuel. Les petites et moyennes entités doivent rendre compte dans l'annexe, mais de manière moins détaillée que les grandes entités, des dérogations aux règles d'évaluation fondées
sur le principe de l'importance déterminante du bilan commercial. Les comptes annuels des grandes entités doivent fournir davantage d'informations que ceux des petites et moyennes entités. L'obligation de consolider est étendue à l'ensemble des personnes morales tenues d'établir des comptes annuels. La consolidation est régie par les principes généralement reconnus en matière d'établissement des comptes. Les instruments financiers dérivés sont soumis à certains principes et le Conseil fédéral se voit attribuer la compétence de régler les détails par voie d'ordonnance. Deux variantes sont proposées pour le contrôle des comptes annuels. La première prévoit un devoir de contrôle pour l'ensemble des entités soumises à l'obligation de tenir une comptabilité et de présenter des comptes, à l'exception des petites entités. La seconde variante prévoit un devoir de contrôle pour l'ensemble des entités soumises à l'obligation de tenir une comptabilité et de présenter des comptes, à l'exception des petites entités qui n'ont pas la forme juridique d'une société de capitaux ou d'une société coopérative. Les problèmes du surendettement et de l'insolvabilité sont traités. La suspension temporaire du principe de la permanence est réglée dans des dispositions transitoires. Certains points, comme la publicité, l'acceptation de principes généralement admis en matière de présentation des comptes, le contenu de l'annexe, dérogent aux règles de l'UE; une révision des dispositions européennes est toutefois probable.

L'avant-projet des experts opère des distinctions également en ce qui concerne les exigences requises des réviseurs. Pour les exigences relatives aux réviseurs des 4761

petites entités, il s'inspire du droit des sociétés anonymes (cf. art. 727a CO), alors qu'il introduit un système d'autorisation pour les réviseurs des moyennes et grandes entités ainsi que des consortiums.

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Révision du code des obligations en général

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Objet

La révision proposée porte sur les dispositions du Titre trente-deuxième du code des obligations (De la comptabilité commerciale) relatives à la tenue et à la conservation des livres. Elle a essentiellement pour but d'adapter ces dispositions à l'évolution technique intervenue depuis 1975. Cette adaptation a nécessité la révision ponctuelle d'autres normes et a permis de reprendre les solutions de la doctrine et de la jurisprudence dans le souci d'une application plus facile du droit.

Le droit matériel de la comptabilité n'est en principe pas touché par le présent projet. Comme déjà dit (cf. ch. 25), la révision totale de la matière est en cours et les avant-projets ainsi que le rapport explicatif des experts y relatifs sont en consultation depuis fin octobre 1998.

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Buts

Le but principal de la révision est d'éliminer la distinction juridique entre supports de données et supports d'images, supprimant ainsi le privilège accordé aujourd'hui aux supports d'images par rapport aux supports de données. Le présent projet admet tous les moyens électroniques et les autres moyens comparables pour conserver les informations soumises à une obligation de conservation, à la condition toutefois que la tenue de la comptabilité et la conservation des livres soient conformes au principe de régularité. Il élimine ainsi les distinctions actuelles relatives à la forme d'enregistrement des informations, qui sont dépassées.

Le présent projet va plus loin que l'avant-projet. Reprenant la proposition de plusieurs participants à la procédure de consultation, il supprime cette distinction non seulement en ce qui concerne la conservation de la comptabilité, mais également en ce qui concerne la tenue des livres par des moyens électroniques ou des moyens comparables.

Cette solution et la légalisation des technologies nouvelles qui en résulte améliorent les conditions-cadres juridiques. Cela servira les intérêts de l'économie suisse et augmentera ses chances sur le plan international, ce qui est particulièrement important à une époque où les échanges augmentent et la concurrence internationale s'endurcit. Il importe de souligner que ces innovations ne diminueront pas la qualité des enregistrements (en particulier en ce qui concerne l'intégrité, la sécurité, la précision, la possibilité de révision etc.) et n'entraîneront pas d'autres inconvénients.

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Portée

L'obligation de conserver les livres prévue par l'art. 962 CO est une conséquence de l'obligation de tenir la comptabilité (art. 957 CO), laquelle découle de l'obligation de s'inscrire au registre du commerce prévue à l'art. 934 CO. Par conséquent, les dispositions concernant la conservation des livres ne s'appliquent qu'aux entreprises astreintes à s'inscrire sur ce registre et donc à tenir une comptabilité. Toutefois, ces dispositions sont également importantes pour les artisans et les entreprises qui ne sont pas obligées par le code des obligations à tenir une comptabilité, car les dispositions du droit commercial relatives à l'obligation de tenir et de conserver les livres s'appliquent également en droit fiscal. Ainsi, les prescriptions fiscales des cantons et de la Confédération (cf. art. 47 de l'ordonnance du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée, OTVA, RS 641.201) se réfèrent en règle générale aux dispositions du Titre trente-deuxième du code des obligations. L'exemple le plus frappant des effets du droit commercial sur le droit fiscal est offert par les Directives applicables en matière fiscale pour la tenue régulière de la comptabilité et relatives à l'enregistrement ainsi qu'à la conservation de documents commerciaux sur des supports de données ou d'images (par la suite: Directives 1979), publiées en 1979 par la Conférence des fonctionnaires fiscaux d'Etat en collaboration avec l'Administration fédérale des contributions (AFC) et l'Office fédéral de la justice (OFJ).

La révision proposée ne change en rien cette situation. En effet, il ne serait pas judicieux de renoncer à l'unité du droit commercial et du droit fiscal. En conséquence, la nouvelle réglementation ­ comme celle en vigueur ­ ne s'appliquera pas seulement au droit commercial, mais également au droit fiscal. Les contribuables obligés à tenir et à conserver des livres pourront dès lors remplir leurs obligations en respectant les mêmes dispositions. Il est vrai que le droit fiscal peut déroger aux dispositions du droit commercial, mais le législateur fait usage de cette possibilité avec retenue et uniquement lorsque des raisons matérielles l'imposent.

Les administrations et les établissements publics ne doivent pas être inscrits au registre du commerce et ils sont dès lors libres de choisir sous quelle forme
conserver leurs informations. Ils s'inspirent cependant des dispositions du code des obligations relatives à la tenue et à la conservation des livres (cf. ch. 300.60.6 des Instructions concernant les services de caisse, de paiement et de comptabilité dans l'administration fédérale, CPC, de l'Administration fédérale des finances, Services de caisse et de comptabilité), soit en renvoyant aux Directives 1979, soit en utilisant la terminologie et les critères du code des obligations. Ainsi, grâce à l'effet ricochet du droit privé sur le droit administratif, l'administration publique pourra également liquider sa correspondance et tenir sa comptabilité par des méthodes modernes et performantes et profiter de la synergie qui en résulte.

Enfin, le code des obligations a également des effets dans le droit de la procédure, dans la mesure où il prévoit l'obligation de produire les livres tenus (art. 963) et se prononce sur la valeur probante des enregistrements sur supports de données et d'images (art. 962, al. 4). Ainsi, les art. 957 ss CO indiquent comment conserver et évaluer, en cas de procès, les documents ou les données juridiquement pertinents qui ­ comme les données relatives à la production et les données de Computer Aided Design ou de Computer Aided Manufacturing ­ ne sont pas directement de nature commerciale.

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Systématique

La révision proposée ne touche en rien les art. 958, 959 et 960 CO; elle abroge par contre l'art. 964 CO.

Tenant compte d'une suggestion exprimée à plusieurs reprises lors de la procédure de consultation, le présent projet règle à l'art. 957 ­ dont le titre marginal est modifié en conséquence ­ non plus seulement l'obligation de tenir les livres, mais également l'obligation de les conserver. La systématique actuelle du code des obligations4 (et celle de l'avant-projet5) est donc modifiée. Ainsi, l'art. 957 du présent projet établit à l'al. 1 le principe selon lequel les livres doivent être tenus et conservés conformément au principe de régularité (cf. art. 957 CO ainsi que art. 957, al. 1, et 962, al. 1, AP). Les al. 2 et 3 prescrivent la manière dont les livres, les pièces comptables et la correspondance doivent être tenus (cf. art. 957, al. 2, AP) et conservés (cf. art. 962, al. 2, 1re phrase CO et art. 962, al. 2, 1re phrase, AP). L'al. 4 règle la valeur probante des livres, des pièces comptables et de la correspondance conservés par des moyens électroniques ou des moyens comparables (cf. art. 962, al.

4, CO et art. 962, al. 4, AP). L'al. 5 attribue au Conseil fédéral la compétence d'édicter des dispositions d'exécution (cf. art. 962, al. 2, 2e phrase, CO et art. 962, al. 2, 2e phrase, AP).

Suite à cette modification de la structure de l'art. 957, l'art. 962 du présent projet ne règle plus que la durée (al. 1) et le début (al. 2) de l'obligation de conserver les livres.

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Terminologie

S'agissant de la terminologie, la présente révision se limite aux changements imposés par les modifications du droit matériel et à ceux qui apportent des précisions souhaitables ou qui correspondent à la sensibilité linguistique actuelle.

La non-désignation des «supports de données ou d'images» (cf. art. 962, al. 2 et 4, et 963, al. 2, CO ainsi que les dispositions correspondantes de l'avant-projet) relève de la première catégorie. Ainsi, le présent projet (cf. art. 957, al. 2 et 3, et 963, al. 2; cf.

aussi art. 957, al. 2, AP) parle de manière uniforme de livres tenus ou conservés «par un moyen électronique ou par un autre moyen comparable» et cette formule ouverte tient compte de l'évolution technique future. L'abandon de termes tels que «original», «enregistrement» ou «document» (cf. art. 962, al. 2 et 4, et 963 CO ainsi que art. 962, al. 4, AP), qui s'appliquent à la forme traditionnelle de la correspondance sur papier et dont les limites mettent en question la sécurité juridique des

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Le code des obligations en vigueur définit à l'art. 957 (sous le titre marginal «Obligation de tenir une comptabilité») le cercle des personnes devant tenir une comptabilité et règle à l'art. 962 CO ­ dont le titre marginal est «Obligation de conserver les livres» ­ le délai (al. 1) et le début (al. 3) de l'obligation de conserver les livres. En outre, cette disposition définit les documents qui doivent être conservés «en original» et ceux qui peuvent l'être également «sur des supports de données ou d'images (al. 2); elle règle aussi la valeur probante des enregistrements sur supports de données ou d'images (al. 4).

L'avant-projet reprenait la systématique du droit actuel. Il complétait toutefois l'art. 957 par un nouvel al. 2 prévoyant que les livres, la correspondance et les pièces comptables «peuvent être tenus par écrit, par un moyen électronique ou par un autre moyen comparable».

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opérations commerciales effectuées au moyen de systèmes électroniques, relève de la même démarche.

Le droit actuel parle de «livres, correspondance et pièces comptables»; cet ordre d'énumération ne correspondant pas à l'importance de ces documents, il est proposé de dire «livres, pièces comptables et correspondance». Deux autres modifications terminologiques, sans portée matérielle, ne concernent que le texte allemand. Premièrement, le présent projet (cf. art. 957, al. 2; cf. aussi la disposition correspondante de l'avant- projet) remplace le terme «ordnungsmässig» du droit actuel (art.

957 CO) par le terme plus moderne «ordnungsgemäss». Deuxièmement, «Betriebsergebnisse» est remplacé par «Ergebnisse» (cf. art. 957, al. 1, et art. 957 CO). Il est ainsi tenu compte de la doctrine et de la pratique, selon lesquelles le compte à établir ne constitue pas un compte de résultat partiel (décompte des charges et des produits de l'entreprise au sens étroit), mais un compte de résultats global (comprenant les produits et charges hors exploitation et extraordinaires).

Le présent projet ne reprend pas la proposition, formulée à plusieurs reprises dans la procédure de consultation, demandant d'adapter la terminologie du Titre trentedeuxième du code des obligations à celle du droit de la société anonyme révisé (en reprenant par exemple les termes «compte annuel» et «compte de profits et pertes»).

Une telle solution n'aurait réalisé qu'une unification partielle de la terminologie, uniquement avec le droit des sociétés anonymes et pas avec le droit relatif aux autres personnes obligées à tenir une comptabilité. L'avant-projet de la commission d'experts Mengiardi (cf. à ce sujet ch. 25) uniformise intégralement la terminologie.

4

Commentaire des dispositions

41

Art. 957 CO

411

Al. 1

L'al. 1 (cf. également art. 962, al. 2, AP) prévoit désormais que les personnes tenues de faire inscrire leur raison de commerce sur le registre du commerce doivent conserver les livres conformément au principe de régularité. Dans la mesure où la tenue des livres englobe nécessairement l'enregistrement et la conservation des données relatives aux opérations commerciales sur lesquelles elle se base, il se justifie de soumettre la tenue et la conservation des livres à la même réglementation. La conservation n'est dès lors pas seulement un moyen indispensable d'atteindre les buts de la comptabilité, mais elle constitue également une partie de la comptabilité en tant que telle. En outre, il devient toujours plus difficile de définir la limite entre la tenue (comptabilité courante) et la conservation des livres lorsque les enregistrements ont lieu sur des supports de données. Pour ces raisons, le présent projet ne reprend pas la conception du droit actuel, selon laquelle la tenue (art. 957 à 961 CO) et la conservation (art. 962 et 963 CO) des livres sont deux activités distinctes.

L'exigence de la «conformité au principe de régularité» voulue par la loi6 confère une qualité spéciale à la comptabilité et permet de déterminer «la situation financière de l'entreprise, l'état des dettes et créances se rattachant à l'exploitation, de même que le résultat des exercices annuels» (art. 957 CO). Selon le présent projet, cette notion, comprise de manière large, s'applique également au domaine de la conserva6

Commentaire bernois, N. 415 ad art. 957 CO.

4765

tion des livres; ainsi, la tenue et la conservation des livres sont soumises aux mêmes conditions. Il appartiendra au Conseil fédéral, à la jurisprudence, à l'administration, notamment fiscale, à la doctrine, et aux organisations professionnelles de concrétiser la notion, qui constitue une sorte de clause générale permettant de renoncer à régler des détails dans la loi. Ainsi, par exemple, l'ordonnance du 2 juin 1976 concernant l'enregistrement des documents à conserver (RS 220.431) contient, entre autres, certains principes relatifs à la tenue de la comptabilité conforme au principe de régularité, desquels peuvent être tirés des critères concernant la conservation conforme aux règles.

412

Al. 2

En proposant l'al. 2, le législateur reconnaît expressément la pratique répandue et reconnue par les organes de révision, qui consiste à tenir les livres, les pièces comptables et la correspondance sous une forme exclusivement électronique avant la fin de la période comptable, donc avant qu'ils ne soient soumis aux prescriptions sur la conservation. La norme est formulée de manière à ne pas empêcher l'évolution technologique. Ainsi, d'autres formes de tenue et de conservation des livres, des pièces comptables et de la correspondance comparables à la forme électronique pourront être également admises, à condition que la conformité au principe de régularité soit garantie. La jurisprudence, l'administration, notamment fiscale, la doctrine et les organisations professionnelles auront la tâche d'examiner et d'adapter, le cas échéant, les conditions requises pour une tenue conforme au principe de régularité lors de l'emploi de technologies nouvelles.

Les critères de la conformité au principe de régularité7 sur la tenue et la conservation des livres, des pièces comptables et de la correspondance seront aussi définis en fonction du but de la comptabilité et des principes qui en ont été tirés (exactitude, intégralité, uniformité des règles/absence de contradictions, continuité/permanence, absence d'arbitraire/comparabilité, possibilité de contrôle). Constitutent également des sources en la matière, les directives de l'administration, le Manuel suisse d'audit de la Chambre fiduciaire, les recommandations des organisations professionnelles et celles de l'Information Systems Audit and Control Association (ISACA Switzerland Chapter) ainsi que les usages commerciaux de la profession. Ces organisations ont pour fonction, entre autres, de concrétiser la notion de «conformité au principe de régularité» de la tenue et de la conservation des livres, des pièces comptables et de la correspondance en tenant compte de l'état actuel de la technique. Elles sont formées de spécialistes au fait des problèmes concrets et connaissant le marché; ils peuvent réagir rapidement, avec compétence et pragmatisme à l'évolution technologique et à ses effets sur la tenue et la conservation des documents commerciaux.

L'al. 2 précise qu'en cas de tenue ou de conservation des livres par un moyen électronique ou un moyen comparable,
la conformité avec la transaction de base doit être garantie. Le principe de l'art. 962, al. 2, CO applicable à la conservation des livres, des pièces comptables et de la correspondance est ainsi étendu à leur tenue.

Cela se justifie du point de vue matériel et correspond, par ailleurs, à un voeu ex-

7

Cf. à ce sujet également l'ouvrage standard de R. Schuppenhauer, Grundsätze für eine ordnungsmässige Datenverarbeitung (GoDV), Handbuch der TED-Revision, Düsseldorf 1992.

4766

primé à plusieurs reprises lors de la procédure de consultation; cette condition n'était plus expressément prévue par l'avant-projet.

413

Al. 3

Selon l'art. 962, al. 2, CO le compte d'exploitation et le bilan doivent être conservés «en original»; les autres informations peuvent être conservées sur des supports de données ou d'images (pièces comptables et correspondance) ou bien uniquement sur des supports d'images (autres livres).

L'al. 3 proposé abandonne la notion d'«original», qui nécessite une interprétation et pose un problème pour les formes de correspondance et de comptabilité sans papier; il se fonde sur les éléments essentiels: la forme écrite et la signature par les personnes chargées de la gestion (art. 961 CO).

Dans ce contexte, il faut noter qu'outre les formes de signature habituelles et reconnues par la loi (signature à la main, art. 14, al. 1, CO), la pratique recourt de plus en plus à de nouvelles formes «électroniques» de déclaration de la volonté. Dans le futur, le législateur pourrait, à certaines conditions, assimiler ces formes à la signature traditionnelle8. La disposition prévoyant que le compte d'exploitation et le bilan doivent être conservés «par écrit et signés» devrait être révisée si le législateur voulait admettre dans ce cas également la «signature électronique» ou plutôt les «procédés de signature numérisée».

Sur le plan matériel, la nouvelle réglementation ne change rien à l'obligation de conserver le compte d'exploitation et le bilan. Elle tient uniquement compte du fait que la communication électronique exige que la notion d'original soit examinée de manière critique. S'agissant d'informations et de supports d'information, on entend par original l'ouvrage créé par un auteur déterminé et resté inchangé. L'original précède ainsi toujours l'enregistrement, qui est invariablement créé ultérieurement.

S'agissant des informations générées et transmises électroniquement, on devrait considérer comme «original» les données générées dans l'unité centrale de l'ordinateur ou visibles sur l'écran de l'auteur (lettres, chiffres, signes, graphiques).

L'enregistrement des données auprès de l'expéditeur ou du destinataire ­ même s'il s'agit du premier enregistrement resté inchangé ­ ne serait par contre plus un original9.

Cette vision des choses conduit dans une impasse et ne correspond pas aux intentions du législateur. Compte tenu de l'époque où est née la loi, on peut partir de l'idée que par «original» on entendait les documents imprimés sur papier qui ­ contrairement aux supports de données ou d'images ­ peuvent être signés à la main 8

9

Une intervention parlementaire (N 94.3115, Motion Spoerry du 16.3.1994, Valeur légale des signatures électroniques. Modification de l'art. 14 CO) demandant de réviser l'art. 14 CO en reconnaissant la signature électronique a déjà été déposée.

Si l'on était moins restrictif et si l'on accordait la qualité d'«original» également au premier enregistrement des données générées dans l'ordinateur, les bandes magnétiques employées dans la comptabilité enregistrée intégrée devraient elles aussi être considérées comme «original». Il s'ensuivrait que le compte d'exploitation et le bilan sur bande magnétique pourraient aussi être conservés (en tant qu'original). Il est vrai que, s'agissant des bandes magnétiques ou des enregistrements de données, l'obligation de signature prévue à l'art. 961 CO poserait quelques problèmes; cette obligation ne toucherait toutefois pas la faculté, ainsi déduite, d'enregistrer et de conserver la comptabilité sur des bandes magnétiques.

4767

et dont on peut prendre connaissance sans l'aide d'instruments. Le contenu de la notion d'original peut être également déduit de l'obligation de signer le compte d'exploitation et le bilan: si le compte d'exploitation et le bilan doivent être signés (art. 961 CO) et être conservés en original (art. 962, al. 2, 1re phrase, CO), on peut sans autre en conclure que l'obligation de conserver le compte d'exploitation et le bilan porte sur l'exemplaire signé: C'est la signature qui donne au document imprimé sur papier la qualité d'original. De cette manière, l'obligation de conserver «en original» le compte d'exploitation et le bilan peut être assimilée à l'obligation de conserver l'exemplaire signé imprimé et lisible sans l'aide d'instruments.

L'al. 3 du présent projet renonce en outre à la distinction entre supports de données et supports d'images propre au droit en vigueur. Le législateur de 1975 a privilégié les supports d'images notamment parce que la reproduction visible, «fidèle à l'image», en particulier d'en-têtes de lettres et de signatures, sur des supports d'images paraissait offrir de meilleures garanties contre les falsifications que l'enregistrement sur support de données. En outre, les frais liés à l'enregistrement d'informations d'images de haute qualité sur un support de données étaient prohibitifs. Aujourd'hui, la situation est totalement différente: les prix des supports de données se sont effondrés; à quantité égale d'informations, les supports de données nécessitent moins de place que les supports d'images; la lecture des images est plus rapide et de meilleure qualité, et l'impression sur papier présente la même qualité que l'impression à partir d'support d'images.

Selon la réglementation proposée, à l'avenir, tous les livres (livre principal, livres auxiliaires et autres livres) ­ à l'exception du compte d'exploitation et du bilan ­, ainsi que les pièces comptables et la correspondance commerciale pourront être conservés non seulement sur papier, mais également par des moyens électroniques ou des moyens comparables. Il n'y a donc plus lieu de se demander si les vidéodisques, par exemple, sont des supports de données ou des supports d'images.

Comme à présent, la conservation électronique sera soumise à la condition que la matière comptable enregistrée puisse être rendue lisible
en tout temps. Sont ainsi exclus, par exemple, les procédés selon lesquels l'impression sur papier est possible, mais ne consisterait qu'en des chiffres et des signes incompréhensibles.

Dans ce contexte, on peut ajouter que la conservation de documents en original est recommandée même dans de nombreux cas où ni le droit commercial ou fiscal ni des lois spéciales ne prévoient une obligation de conservation. Ainsi, le commerçant avisé ne détruira pas les contrats portant sur des rapports de longue durée, conclus après l'expiration du délai de conservation, au risque de rencontrer des problèmes lors de l'administration des preuves. Il décidera par contre dans chaque cas d'espèce, en se fondant sur le droit de procédure applicable, si le document en question présente un intérêt.

414

Al. 4

Par rapport à l'art. 962, al. 4, CO, l'al. 4 proposé ne présente que des modifications rédactionnelles qui adaptent le texte aux changements de conception et de terminologie. Ainsi, on évite notamment toute référence aux «enregistrements», car cette notion devrait avoir ici une portée générale (comme à l'art. 962, al. 4, AP); elle ne devrait pas être comprise (comme à l'art. 962, al. 2, CO) comme copie d'un original

4768

transférée sur un autre support. Comme à l'al. 3, les informations conservées électroniquement doivent pouvoir être rendues lisibles en tout temps.

Matériellement, la disposition actuelle concernant la valeur probante des informations conservées électroniquement n'est pas touchée par la présente révision. On peut toutefois relever que les supports de ces informations ne seront admis comme moyens de preuve que dans la mesure où il sera établi que l'enregistrement et la conservation étaient conformes au principe de régularité. Sans cette preuve, un support de données ou d'images ne saurait être admis lors de l'administration des preuves, en raison du danger de falsification. Pour pouvoir juger de l'authenticité des informations enregistrées sur un support, le juge devra dès lors également examiner de quelle manière et dans quelles circonstances l'enregistrement a eu lieu. C'est seulement après cet examen qu'il pourra se former une opinion quant à la véracité des informations conservées sur le support. L'al. 4 n'est pas applicable aux registres publics et aux titres authentiques, qui «font foi des faits qu'ils constatent et dont l'inexactitude n'est pas prouvée» (art. 9, al. 1, CC): Si des informations tirées de registres publics ou d'actes authentiques (extraits de registres, contrats, actes de défaut de biens etc.) sont enregistrées sur des supports de données ou d'images, elles perdent ­ en dérogation au principe de l'art. 962, al. 4, CO ­ la valeur probante accrue au sens de l'art. 9 CC. Enfin, l'art. 962, al. 4, CO ne libère pas de l'obligation d'administrer des moyens de preuve qualifiés lorsque des dispositions légales spéciales le prévoient (reconnaissance de dette dans la procédure de mainlevée selon l'art. 82, al. 1, de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite, LP; RS 281.1; art. 52 de la loi fédérale du 4 décembre 1947 de procédure civile fédérale, PCF; RS 273; production du papier-valeur). L'information sur un support de données ou d'images n'est ainsi pas toujours un succédané absolument équivalent à une information existant d'abord sur papier.

415

Al. 5

Tant le droit actuel que le présent projet ne définissent que de manière succincte la notion de conformité aux règles de la comptabilité, respectivement de conformité au principe de régularité (art. 957). C'est pourquoi des dispositions d'exécution devront être édictées même après la présente révision, dans l'intérêt également des personnes soumises à l'obligation de tenir une comptabilité.

Pour cette raison, l'al. 5 prévoit ­ comme le droit actuel (cf. art. 962, al. 2, 2 e phrase, CO) ­ que le Conseil fédéral peut préciser les conditions de la conservation des livres par moyens électroniques ou par des moyens comparables. En vertu de la nouvelle systématique, l'ordonnance du Conseil fédéral réglera également la tenue des livres. Cela correspond au droit en vigueur dans la mesure où l'actuelle ordonnance du 2 juin 1976 concernant l'enregistrement des documents à conserver (RS 220.431) contient aussi des principes concernant la régularité de la comptabilité en tant que telle.

42

Art. 961 CO

Afin de faciliter la vue d'ensemble et la comparaison dans le temps, le bilan peut rassembler dans les mêmes postes et structurer de manière uniforme les actifs et les 4769

passifs similaires; par contre, l'inventaire doit en principe présenter chaque poste en précisant la dénomination, la quantité, le prix et la valeur. Pour les grandes et les moyennes entreprises, l'inventaire constitue dès lors une vaste documentation; il s'agit en général d'une liste imprimée sur papier des positions d'inventaire saisies par un système de traitement des données.

L'art. 961 CO actuel prévoit expressément que l'inventaire ­ tout comme le compte d'exploitation et le bilan ­ doit être signé par les personnes énumérées dans la disposition. D'autre part, l'actuel art. 962, al. 2, CO prescrit la conservation en original seulement pour le compte d'exploitation et le bilan. Etant l'un des «autres livres» visés par la disposition, l'inventaire peut être enregistré sur un support d'images10 et doit être conservé pendant dix ans, mais peut donc être détruit immédiatement après la signature.

En 1975 déjà, le législateur suisse a renoncé à exiger la conservation de l'inventaire en original et en a permis l'enregistrement et la conservation sur des supports d'images; ainsi, il ne paraît pas justifié de maintenir l'obligation de signer l'inventaire.

Dans le cas contraire, tout l'inventaire devrait être imprimé sur papier dans le seul but d'être signé; il pourrait être détruit tout de suite après.

Pour ces raisons, l'art. 961 du présent projet ­ à l'instar de la disposition correspondante de l'avant-projet ­ renonce à l'obligation de signer l'inventaire11. Cette solution correspond par ailleurs à la pratique, qui ne connaît plus guère la signature de l'inventaire, bien que la loi continue de l'exiger et que, selon le Manuel suisse de révision, la signature de l'inventaire doive être examinée et constatée12.

La révision de l'art. 961 ne modifie par contre pas l'obligation de signer le compte d'exploitation et le bilan et de les conserver de manière à être lisibles sans l'aide d'instruments. Par la signature du bilan, les personnes responsables de la gestion déclarent que tous les actifs et les passifs qui y figurent correspondent à la réalité.

On sait que le bilan contient le résumé des positions d'inventaire; ainsi, la suppression de l'obligation de signer l'inventaire ne change en rien la responsabilité des personnes qui, en signant le bilan, répondent également de l'exactitude matérielle des informations sur lesquelles il se fonde.

43

Art. 962 CO

En raison de la nouvelle systématique (cf. ch. 34), l'art. 962 du présent projet ­ différent en cela de l'actuel art. 962 CO et de la disposition correspondante de l'avant-projet ­ règle uniquement la durée (al. 1) et le début (al. 2) de l'obligation de conserver les livres.

10 11

12

Commentaire bernois, N. 25 ad art. 961 CO in fine.

En Allemagne, cette réglementation a déjà été introduite par la révision du code de commerce (§ 41) du 29 juillet 1976. Cette modification avait pour but de permettre l'enregistrement et la conservation des inventaires établis par TED sur des supports de données, qui en tant que tels ne peuvent pas être signés à la main. Le bilan est un document qui résume, entre autres, la somme des positions de l'inventaire; la signature du bilan par les personnes chargées de la gestion a dès lors été considérée comme suffisante.

En outre, dans la pratique, les inventaires n'étaient presque jamais signés (Commentaire bernois, N. 22 ad art. 961 CO).

Commentaire bernois, N. 23 ad art. 961 CO.

4770

L'al. 1 prévoit, comme le droit en vigueur, que les livres doivent être conservés pendant dix ans. La formulation a pu être simplifiée par rapport à l'actuel code des obligations (art. 962, al. 1) et à l'avant-projet (art. 962, al. 1), car le sujet de cette obligation («toute personne astreinte à tenir les livres») résulte déjà de l'art. 957, al. 1.

Le présent projet renonce à raccourcir le délai de conservation, principalement parce que cette solution présente l'avantage de prévoir une durée de conservation identique au délai de prescription ordinaire prévu par le code des obligations (cf. art. 127) et, dans une large mesure, par les droits pénal et administratif. Une réduction du délai de conservation irait de plus à l'encontre de la tendance, commune à plusieurs lois spéciales récentes, de fixer des délais de prescription plus longs. Ainsi, selon la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD, RS 642.11) et la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID, RS 642.14), la prescription absolue du droit de taxer (art.

120, al. 4, LIFD; art. 47, al. 1, LHID) et du droit de procéder au rappel de l'impôt (art. 152, al. 3, LIFD; art. 53, al. 3, LHID) intervient après 15 ans; enfin, les prétentions fondées sur la loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits s'éteignent dix ans après la mise en circulation du produit défectueux qui a causé le dommage (art. 10 LRFP; RS 221.112.944). Lors de la procédure de consultation, plusieurs organisations ont demandé une réduction de la durée de conservation, alors que presque tous les cantons y étaient opposés.

On peut également prendre en considération le fait que les frais occasionnés par une longue conservation ­ qui dépendent moins de la conservation des enregistrements que de l'obligation de tenir à disposition les appareils de lecture et d'utilisation avec les programmes et la documentation ­ ont fortement diminué ces vingt dernières années et devraient encore baisser à l'avenir.

Selon l'al. 2, qui reprend la solution de l'avant-projet (cf. art. 962, al. 3), le délai de conservation de dix ans commence à la fin de l'exercice annuel et non plus à la fin de l'année civile13. Cette modification est justifiée par le fait que l'art. 958 CO exige que soient dressés un
bilan, un inventaire et un compte d'exploitation «à la fin de chaque exercice annuel». Si une entreprise a expressément choisi ­ «généralement pour des raisons de gestion» ­ un autre jour que le 31 décembre comme date de clôture du bilan, l'année d'exercice et l'année civile ne coïncident pas et la fin de l'année civile n'est alors qu'une date formelle sans effets sur la gestion.

44

Art. 963 CO

La modification rédactionnelle de l'al. 1 ne concerne que le texte allemand.

13

Le message du 7 mai 1975 à l'appui d'une modification du code des obligations (conservation des livres et de la correspondance sur des supports de données ou d'images) constatait que «certains livres, tels que le compte d'exploitation et le bilan, ne peuvent être établis qu'après la fin de l'exercice commercial et, en pratique, le sont parfois avec des mois, voire des années de retard»; le respect des délais de conservation n'aurait dès lors pas toujours été garanti (cf. FF 1975 I 1815). Toutefois, compte tenu du délai de clôture prévue par l'art. 958, al. 2, CO, dont la violation est passible de sanctions pénales (cf. notamment art. 166 et 325 CP), ces considérations du message sont très relatives. De toute manière, rien ne change pour les entreprises qui n'ont pas fixé une date spéciale et pour lesquelles l'année d'exercice et l'année civile coïncident.

4771

Selon l'actuel art. 963, al. 2, CO le juge peut uniquement ordonner que les livres soient produits «de manière à être lisibles sans l'aide d'instruments». Ainsi, dans la pratique, il ne peut exiger que la production de documents sur papier. Selon les circonstances, le juge peut être submergé de papiers; cette stratégie procédurale, connue dans certains cas à l'étranger, rend difficile l'examen des documents et peut retarder le procès.

Pour éviter de tels risques et compte tenu qu'aujourd'hui, contrairement à ce qui était le cas lors de la révision de 1975, la plupart des juges suisses disposent de systèmes TED et des connaissances leur permettant de traiter électroniquement les données, l'avant-projet (art. 963, al. 2) accordait au juge la faculté d'exiger la production des livres sous n'importe quelle forme.

L'al. 2 du présent projet reprend cette réglementation. Donnant suite à une proposition des instances fiscales, elle étend en outre le droit de choisir la forme d'édition à toutes les autorités qui, selon le droit public (de la Confédération ou des cantons), peuvent ordonner l'édition des livres, des pièces comptables et de la correspondance. Ainsi, selon la let. a, le juge ou l'autorité peut ordonner que ces documents soient produits de manière à être lisibles sans l'aide d'instruments, par exemple sur papier.

Mais selon la let. b, le juge ou l'autorité peut aussi exiger que la personne astreinte à tenir une comptabilité mette à disposition ­ comme en droit actuel ­ les moyens techniques et personnels nécessaires pour rendre lisibles les livres, les pièces comptables et la correspondance, c'est-à-dire les moyens permettant de les rendre visibles, par exemple sur un monitor ou sous une forme qui n'est ni chiffrée ni codée.

La réglementation proposée prévoit que si les conditions de l'art. 963, al. 1, sont remplies, le juge peut, en se fondant sur le code des obligations, ordonner l'édition des livres, des pièces comptables et de la correspondance; il peut également choisir s'ils doivent être produits «de manière à être lisibles sans l'aide d'instruments» (cf.

art. 963, al. 2, let. a) ou sous une autre forme avec, dans ce dernier cas, les moyens nécessaires pour les rendre lisibles (cf. art. 963, al. 2, let. b). La position des autorités administratives est différente dans la mesure où
leur droit d'exiger l'édition des livres, des pièces comptables et de la correspondance ne ressort pas directement du code des obligations, mais se fonde sur le droit public cantonal ou fédéral; leur possibilité de choix résulte par contre du code des obligations.

Cette solution permet d'utiliser les moyens TED et les connaissances y relatives et de liquider ainsi de manière plus rapide et plus efficace les procès et les procédures administratives. Elle permet notamment l'utilisation de programmes modernes de recherche, d'analyse et d'évaluation (Retrieval-Software, recherche de textes complets), grâce auxquels le juge pourra tirer facilement les informations qui l'intéressent d'une masse de données complexes.

4772

45

Art. 964 CO

L'art. 964 CO14 actuel ne fixe pas d'obligations concrètes à l'intention des personnes astreintes à tenir et à conserver une comptabilité et ne prévoit pas un état de fait pénal. La disposition ne contient donc pas une norme de droit, mais une déclaration concernant une situation existante15. La réserve des dispositions pénales peut dès lors être biffée. Par ailleurs, il n'y a pas eu d'opposition à l'abrogation de la disposition lors de la procédure de consultation.

46

Révision du droit fiscal fédéral

Selon l'art. 125, al. 2, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt direct (LIFD; RS 642.11), les personnes physiques dont le revenu provient d'une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent joindre à leur déclaration les extraits de compte signés de la période fiscale ou, à défaut d'une comptabilité tenue conformément à l'usage commercial, des relevés déterminés. L'art. 126, al. 3, LIFD prévoit que les «documents et pièces justificatives» en relation avec l'activité de ces personnes doivent être conservés pendant dix ans. Il est proposé de préciser dans cette disposition que le mode de tenue, de conservation et de production de ces documents est régi par les principes du code des obligations (art. 957 et 963, al. 2).

Dans un souci de clarté, le terme de documents est précisé par un renvoi aux «livres et relevés prévus à l'art. 125, al. 2».

L'art. 42, al. 3, de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14) détermine les livres et relevés que les personnes physiques dont le revenu provient d'une activité lucrative indépendante et les personnes morales doivent annexer à leur déclaration.

Comme à l'art. 126, al. 3, LIFD, il est proposé de préciser également dans cette disposition que ces documents doivent être tenus, conservés et produits selon les règles du code des obligations.

5

Effets sur l'état du personnel et conséquences financières sur le plan de la Confédération et des cantons

On sait (cf. ch. 33) que les administrations et les établissements publics peuvent choisir librement la forme d'enregistrement et de conservation des informations.

Dans la pratique, ils s'inspirent des dispositions du code des obligations concernant 14

15

La disposition date du temps précédant l'entrée en vigueur du code pénal suisse, quand l'art. 880 du CO de 1881 donnait aux cantons la compétence d'édicter des dispositions pénales de ce genre dans leurs lois d'introduction du code des obligations ou dans leurs codes pénaux. Depuis l'entrée en vigueur du code pénal suisse en 1942, les violations en matière comptable sont sanctionnées exclusivement sur la base des art. 166 (violation de l'obligation de tenir une comptabilité) et 325 CP (inobservation des prescriptions légales sur la comptabilité), éventuellement en rapport avec l'art. 163 (banqueroute frauduleuse), ainsi que des art. 170 (obtention frauduleuse d'un concordat judiciaire), 152 (faux renseignements sur des sociétés commerciales ou coopératives) ou 251 CP (faux dans les titres). La violation de l'obligation de conserver est expressément réglée aux art. 166 et 325 CP. La statistique pénale fait état d'une dizaine de condamnations par an fondées sur ces deux dispositions.

Commentaire bernois, n. 10 ad art. 964 CO.

4773

la tenue et la conservation de la comptabilité. La possibilité, introduite par la présente révision, d'utiliser les technologies nouvelles aura dès lors des effets indirects, notamment un gain de temps, également sur les administrations et les établissements publics. Il n'est guère possible de quantifier l'économie de temps, de personnel et de moyens financiers qui peut en résulter, en particulier parce qu'ils devront être évalués sur la base des investissements qu'ils ont nécessités.

Lorsqu'un entrepreneur décide d'utiliser des moyens techniques modernes pour tenir et conserver ses livres comptables, il le fait dans son propre intérêt et animés par des considérations de gestion d'entreprise. Cependant, ce choix a également des effets positifs pour les autorités fiscales de la Confédération et des cantons, car les nouvelles technologies leur permettent d'exercer plus vite et plus efficacement leur activité. Il n'est pas possible de chiffrer, même approximativement, l'économie de temps, de personnel et de moyens financiers. On notera toutefois que le temps gagné peut être mis à profit par les autorités fiscales pour effectuer plud de contrôles, ce qui constitue un avantage même lorsque ces contrôles établissent que les déclarations fiscales sont correctes.

6

Programme de la législature

Le projet constitue une partie de la nouvelle réglementation sur l'établissement des comptes d'entreprises dans le code des obligations, mentionnée dans le rapport sur le Programme de la législature 1995­1999 en tant que mesure destinée à promouvoir la compétitivité de notre économie (FF 1996 II 349).

7

Relation avec le droit européen

Dans le but d'harmoniser le droit matériel des sociétés des Etats membres, l'Union européenne a adopté un règlement et neuf directives. Le règlement relatif à l'institution d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE)16 prévoit une forme de société transnationale, dont le but est de faciliter et de promouvoir l'activité économique de ses membres.

Selon la première directive17, doivent notamment être publiés le montant du capital souscrit ou du capital autorisé et tous les changements de statuts dus à la modification du capital souscrit ainsi que le bilan et le compte de pertes profits de chaque exercice. La quatrième directive18 contient des prescriptions sur le bilan annuel des sociétés anonymes, en commandite par actions et à responsabilité limitée; elle fixe des exigences différentes pour les petites, moyennens et grandes entreprises. La septième directive19 énonce des principes concernant le bilan consolidé des groupes.

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Règlement n° 2137/85 du Conseil du 25 juin 1985 (JOCE n° L 199 du 31.7.1985, p.1).

Directive n° 68/151 du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les Etats membres, des sociétés au sens de l'art. 58, al. 2, du Traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO n° L 65 du 14.3.1968, p. 8).

Directive n° 78/660 du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l'art. 54, par. 3. point g), du Traité, concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO n° L 222 du 14.8.1978, p. 11).

Directive n° 83/349 du Conseil, du 13 juin 1983, fondée sur l'art. 54, par. 3, point g, du Traité, concernant les comptes consolidés (JO n° L 193 du 18.7.1983, p 1).

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La huitième directive20 fixe les exigences relatives à la qualification des personnes autorisées à examiner les bilans. Les directives en matière comptable ne s'appliquent qu'aux sociétés de capitaux. Toutefois, une directive de 199021 en a étendu le champ d'application aux sociétés de personnes comptant parmi leurs associés indéfiniment responsables des sociétés de capitaux (sont en particulier visés les grands groupes).

Les autres directives en matière de droit des sociétés se réfèrent à la première directive sur la publicité22. Aucune des directives ne prévoit de règles spécifiques concernant la tenue ou la conservation électronique de la comptabilité.

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Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 64, cst., qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit civil. Il prévoit à l'art. 963 l'obligation de produire devant le tribunal les livres et la correspondance, ce qui constitue une règle de procédure. Il est vrai que, selon l'art. 64, al. 3, cst., les règles de procédure relèvent de la compétence des cantons. Toutefois, eu égard à l'intérêt des tribunaux à disposer des documents nécessaires à la liquidation des procès, la norme est indispensable à l'application du droit fédéral; elle est, dès lors, conforme à la constitution23.

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Directive n° 84/253 du Conseil, du 10 avril 1984, fondée sur l'art. 54 par. 3 point g) du Traité, concernant l'agrément des personnes chargées du contrôle légal des documents comptables (JOCE n° L 126 du 12.5.1984, p. 20).

Directive n° 90/605 du Conseil, du 8 novembre 1990, modifiant les directives 78/660 et 83/349 concernant respectivement les comptes annuels et les comptes consolidés, en ce qui concerne leur champ d'application (JOCE n° L 317 du 16.11.1990, p. 60).

Il s'agit de la deuxième directive n° 77/91 du Conseil, du 13 décembre 1976 (JOCE n° L 26 du 31.1.1977, p. 1), de la troisième directive n° 78/855 du Conseil, du 9 octobre 1978 (JOCE n° L 295 du 20.10.1978, p. 36), de la sixième directive n° 82/891 du Conseil, du 17 décembre 1982 (JOCE n° L 378 du 31.12.1982, p. 47), de la onzième directive n° 89/666 du Conseil, du 21 décembre 1989, (JOCE n° L 395 du 30.12.1989, p. 36) et de la douzième directive n° 89/667 du Conseil, du 21 décembre 1989 (JOCE n° 395 du 30.12.1989, p. 40).

S'agissant de la compétence fédérale d'édicter des règles de procédure ­ notamment des règles relatives à la preuve ­ voir Blaise Knapp, Commentaire de la constitution fédérale ad art. 64, n. 71.

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