92.437 93.459 Initiative parlementaire L'animal, être vivant Initiative parlementaire Animaux vertébrés. Dispositions particulières Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 18 mai 1999

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Conformément à l'art. 21quater, al. 3, de la loi sur les rapports entre les conseils, nous vous soumettons le présent rapport, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission vous propose d'approuver le projet d'arrêté fédéral ci-joint.

18 mai 1999

Pour la commission: Le président, Nils de Dardel

8118

1999-4637

Condensé L'animal n'est plus perçu aujourd'hui de la même façon qu'il était perçu hier: la révision proposée vise à prendre en compte cette évolution en améliorant le statut juridique de l'animal. Tout porte à croire, en effet, que la plus grande partie de la population ne partage plus la conception de l'animal-chose que nous avons héritée du droit romain ­ comme en témoigne par exemple l'incompréhension croissante que rencontre le droit en vigueur lorsqu'il assimile le fait de blesser un animal à la détérioration d'un bien. Ce respect nouveau porté à l'animal trouve sa traduction dans un nouvel article 713a du Code civil (CC), qui prévoit qu'un animal ne pourra plus désormais être traité comme une chose que dans la mesure où il n'existe aucune disposition contraire.

Il est proposé un certain nombre de modifications du Code civil touchant le droit successoral (art. 482 CC), les droits réels (art. 720a CC), l'acquisition de la propriété et la possession d'un animal (art. 722, 728 et 934 CC) et l'attribution judiciaire de la propriété ou de la possession d'un animal (art. 729a CC), ainsi que deux dispositions du Code des obligations prévoyant, l'une, réparation pour les frais de traitement d'un animal blessé (art. 42 CO), et l'autre, la prise en compte de la valeur sentimentale de l'animal lors de la fixation du dommage (art. 43 CO).

D'autre part, il est proposé de modifier le Code pénal de manière à distinguer expressément entre l'animal et la chose (art. 110 CP).

8119

Rapport I

Partie générale

1

Rappel des faits

11

Initiatives parlementaires déposées

Le 24 août 1992, M. le conseiller national François Loeb a déposé une initiative parlementaire conçue en termes généraux, intitulée «L'animal, être vivant» (92.437), visant à modifier le droit suisse de sorte que les animaux ne soient plus désormais considérés dans la législation fédérale comme des choses, mais comme une catégorie à part.

Constatant que l'opinion publique ne partage plus la conception de l'animal-chose héritée du droit romain, l'auteur de l'initiative explique qu'une modification du statut juridique de l'animal ne réjouirait pas seulement les protecteurs des animaux, mais répondrait à la sensibilité et aux habitudes des gens en général. L'animal étant considéré comme davantage qu'un simple bien, il y a lieu de modifier le droit afin d'en tenir compte.

L'auteur s'appuie sur une décision du Tribunal fédéral en date du 2 août 1989 (ATF 115 IV 254), qui indique en substance que si le droit continue comme par le passé à assimiler l'animal à une chose, il n'en est pas moins vrai que dans la réalité le rapport de l'homme à l'animal a évolué et n'est plus comparable à la relation qu'il entretient avec les choses. L'animal est perçu aujourd'hui comme un être capable de sensation et de perception qu'il incombe moralement à l'homme de respecter.

Le 16 décembre 1993, Mme la conseillère nationale Suzette Sandoz a d'autre part déposé une initiative parlementaire (93.459 Animaux vertébrés. Dispositions particulières) rédigée en termes généraux, visant à compléter le Code civil (CC)1 de manière à consacrer la qualité particulière des animaux vertébrés en tant qu'êtres vivants. Cette initiative se distingue de celle qui a été déposée par M. Loeb en ce qu'elle vise uniquement les vertébrés et la modification du Code civil.

12

Examen préliminaire

Le 17 décembre 1993, le Conseil national a décidé, par 78 voix contre 44, de donner suite à l'initiative parlementaire Loeb, s'opposant ainsi à la Commission de la science, de l'éducation et de la culture (CSEC), à qui l'objet avait été attribué pour examen préliminaire.

Le 16 décembre 1994, le Conseil national a également décidé, à une large majorité, de donner suite à l'initiative parlementaire Sandoz.

1

RS 210

8120

13

Déroulement des travaux de la commission et de la sous-commission

La Commission des affaires juridiques (CAJ) du Conseil national, chargée d'élaborer un projet de modification de loi permettant de traduire dans les textes les deux initiatives, a créé une sous-commission composée des parlementaires suivants: Stamm Luzi (président), Diener, Von Felten, Iten Joseph, Ruf. Les conseillers nationaux Diener, Iten Joseph et Ruf ont quitté la sous-commission avant la fin des travaux pour être remplacés par les conseillers nationaux Hollenstein et Seiler Hanspeter. Les auteurs des deux initiatives ont pris part à plusieurs séances de la commission, avec voix consultative.

Après avoir entendu trois experts, à savoir MM. Antoine F. Goetschel, président de l'association «Tierschutz ist Rechtspflicht», Ignaz Bloch, représentant la Société des vétérinaires suisses, et Kurt Spühler, juge fédéral, la sous-commission a élaboré en trois séances d'une journée un avant-projet qu'elle a présenté à la commission le 29 août 1995. Sur proposition de la sous-commission, la commission a ensuite consulté MM. Wolfgang Wiegand, Jörg Schmid, Pierre Widmer et Kurt Amonn, tous professeurs et experts en la matière.

Reprenant ses travaux le 7 mai 1996, la sous-commission a remanié son avant-projet au vu des rapports remis par les quatre experts précités. Les 1er juillet et 31 octobre 1996, celui-ci a été examiné par la commission, qui a approuvé le rapport explicatif le 27 janvier 1997 et décidé d'engager une procédure de consultation sur l'avantprojet. Le DFJP a procédé à cette consultation, dont il a analysé les résultats.

14

Résultats de la consultation

La procédure de consultation, qui a débuté le 13 février 1998 pour s'achever le 31 août 19982, a permis de recueillir l'avis du Tribunal fédéral, des cantons, des partis gouvernementaux et de 33 organisations ou associations.

L'avant-projet a rencontré globalement un écho favorable. Les cantons qui ont pris part à la consultation ont tous salué la révision, à l'exception de Soleure qui considère que l'amélioration de la condition animale relève de la législation sur la protection des animaux. Cet avis est également partagé par l'Université de Lausanne.

Enfin, les associations de protection des animaux estiment que la révision proposée n'est pas seulement nécessaire, mais doit être mise en oeuvre d'urgence.

Concernant l'article de base: Aux termes de l'avant projet mis en consultation, cet article prévoyait que «les dispositions s'appliquant aux choses ne sont valables pour les animaux que dans la mesure où il n'existe aucune réglementation spéciale». On notera que le présent projet propose une nouvelle formulation, précédemment défendue par une minorité seulement de la commission. Les avis ont été partagés: d'un côté, neuf cantons, le PDC, les organisations patronales et l'Université de Lausanne se sont rallié à l'opinion de la majorité de la commission, qui proposait de ne pas créer de catégorie juridique nouvelle; de l'autre côté, six cantons et toutes les organisations de protection des animaux sans exception ont approuvé la proposition de la minorité visant à distinguer expressément entre l'animal et la chose.

2

Le rapport de la procédure de consultation peut être consulté au secrétariat de la Commission des affaires juridiques.

8121

Concernant le droit successoral: les milieux consultés ont en général salué l'inscription dans la loi d'un principe déjà admis par tous, qui permet de conforter la validité de certaines dispositions testamentaires relatives aux animaux.

Concernant les droits réels: concernant la désignation d'une autorité compétente pour les animaux trouvés, la proposition a été approuvée à l'unanimité, de même que le raccourcissement du délai de la prescription acquisitive pour les animaux trouvés. Si le nouvel article 729a relatif au droit d'attribution du juge a été plus controversé, divisant notamment les cantons, il a cependant été salué par les organisations de protection des animaux.

Concernant le code des obligations: d'une façon générale, l'obligation de verser des dommages et intérêts réparer a été approuvée, même si d'aucuns ont émis des réserves sur le plan juridique, proposant de préciser la disposition concernée. Plusieurs organisations de protection des animaux et la Société des vétérinaires suisses ont par ailleurs demandé que soit inscrit un droit à réparation pour tort moral dans le cas où un animal a été blessé ou tué.

Concernant le code pénal: l'extension proposée de la liste des définitions légales a été saluée.

Concernant la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite: l'avant-projet prévoyait de donner un caractère insaisissable aux animaux vivant en milieu domestique et non gardés dans un but patrimonial ou de gain. Les cantons ont dans l'ensemble approuvé la disposition concernée, même si certains ont émis diverses propositions visant par exemple à préciser les dispositions concernées. Celles-ci ont par contre rencontré l'opposition de certaines organisations de protection des animaux, car ne supprimant pas la possibilité de saisir certains animaux, et une franche hostilité de la part de l'Association suisse des sociétés fiduciaires de recouvrements.

15

Pétitions

L'avant-projet a par ailleurs été largement approuvé par les auteurs et les signataires de quatre pétitions de teneur identique. Il s'agit des pétitions suivantes: ­ 98-09 Ligue suisse contre la vivisection, «L'animal: être vivant»: 40 500 signatures; ­ 98-18 Tierschutzbund Zürich, «Das Tier darf keine Sache mehr sein»: 3209 signatures; ­ 98-31 Stiftung für das Tier im Recht, «Das Tier darf keine Sache mehr sein»: 8982 et 669 signatures; ­ 99-13 Société cynologique suisse (SCS), «L'animal, être vivant», 4548 signatures.

La commission propose de classer ces pétitions, l'objectif visé ayant été atteint.

16

Proposition de la commission

La commission a chargé à nouveau la sous-commission de revenir en détail sur les résultats de la procédure de consultation. La sous-commission ayant remanié le projet en fonction de ces résultats, la commission a approuvé le 18 mai 1999 toutes les modifications proposées, par 18 voix contre 0, et 2 abstentions.

8122

Une première minorité de la commission (Nabholz, Ammann, Bosshard, Dreher, Eymann, Lauper, Philipona, Schmied Walter, Stamm Judith, Suter) s'oppose aux dispositions prévoyant réparation lorsqu'un animal a été blessé ou tué, que la commission a reprises dans le présent projet après consultation.

Une seconde minorité de la commission (von Felten, Alder, Eymann, Roth, Ruf, Tschäppät) propose de reprendre telle quelle la disposition de l'avant-projet prévoyant l'interdiction de saisir certains animaux.

2

Etat de la législation dans les pays voisins

Si les droits privés français et italien considèrent les animaux comme des choses; l'Autriche et l'Allemagne ont en revanche procédé ces dernières années à des modifications de loi dans le but d'améliorer le statut juridique des animaux. Ainsi, en Autriche, depuis le 1er juillet 1988, est entré en vigueur l'art. 285a ABGB («Animaux»): «Les animaux ne sont pas des choses; ils sont protégés par des lois particulières. Les dispositions concernant les choses ne s'appliquent aux animaux que dans la mesure où il n'existe pas de disposition contraire» («Tiere sind keine Sachen; sie werden durch besondere Gesetze geschützt. Die für Sachen geltenden Vorschriften sind auf Tiere nur soweit anwendbar, als keine abweichenden Regelungen bestehen.»). En Allemagne est entré en vigueur le 1er septembre 1990 l'art.

90a BGB («Animaux») qui prévoit de manière similaire: «Les animaux ne sont pas des choses. Ils sont protégés par des lois particulières. Les dispositions concernant les choses leur sont applicables, sauf disposition contraire» («Tiere sind keine Sachen. Sie werden durch besondere Gesetze geschützt. Auf sie sind die für Sachen geltenden Vorschriften entsprechend anzuwenden, soweit nicht etwas anderes bestimmt ist.»). En outre, les droits privés aussi bien autrichien qu'allemand prévoient que le dédommagement en cas de frais occasionnés par le traitement d'un animal blessé peut dépasser la valeur vénale de l'animal. Le droit allemand limite en outre les pouvoirs du propriétaire d'un animal, dans la mesure où celui-ci est tenu d'observer les dispositions particulières applicables aux animaux. L'un et l'autre pays, ainsi que la France, connaissent en outre une interdiction de saisie des animaux, sans prévoir de prise en compte des frais d'entretien dans le calcul du minimum vital. Enfin, le droit français prévoit un droit à réparation pour le propriétaire d'un animal blessé ou tué, et le droit de garder des animaux domestiques en logement locatif.

II

Partie spéciale

3

Explication des différentes dispositions

31

Article de base (art. 641a [nouveau] CC)

La révision proposée vise en premier lieu à tenir compte de la sensibilité nouvelle développée à l'égard du monde animal et à améliorer le statut juridique des animaux. L'art. 641a (nouveau), qui prévoit que les dispositions applicables aux choses ne sont valables pour les animaux que dans la mesure où il n'existe pas de dispositions contraires, reconnaît ainsi que l'animal est un être vivant et capable de perception et de sensation.

8123

La formulation choisie à l'art. 641a (nouveau) indique que l'animal n'est plus considéré aujourd'hui comme une chose, même s'il continue d'être traité comme tel «sauf disposition contraire». Cette disposition, qui permet de tenir compte de l'évolution du rapport de l'homme à l'animal, possède un caractère essentiellement déclaratoire: il n'est pas créé en effet de catégorie juridique nouvelle pour l'animal.

Le système juridique suisse est fondé en effet sur la distinction entre les personnes ­ soit les sujets de droit, avec leurs droits et leurs devoirs ­ et les choses: l'animal continuera ainsi à l'avenir d'être assimilé à la chose, et ne disposera donc pas de droits civils.

La réserve introduite par l'expression «sauf disposition contraire» renvoie principalement à la législation sur la protection des animaux. Evidemment, sur le plan juridique, il va déjà de soi que ces dispositions limitent ou précisent les droits des propriétaires d'animaux: l'art. 641, al. 1, du code civil prévoit expressément que le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, mais dans les limites de la loi.

32

Droit successoral (art. 482, al. 4 [nouveau] CC)

Il arrive qu'une personne rédige un testament par lequel elle fait d'un animal son légataire ou son héritier. Une telle clause pourrait être considérée comme non valable (art. 482, al. 3, CC) au motif que l'animal, ne jouissant pas des droits civils, ne peut être héritier ou légataire, et un autre héritier pourrait par ce biais tenter de s'opposer à la volonté du défunt. Le nouvel al. 4 de l'art. 482 CC définit l'interprétation à donner à une disposition testamentaire instituant un animal comme héritier ou légataire, en la réputant charge imposant aux héritiers ou aux légataires de prendre soin de l'animal de manière appropriée.

Aujourd'hui déjà, un testament est interprété à la lumière du principe du «favor testamenti», selon lequel le juge compétent doit en interpréter les dispositions de telle sorte que leur application soit conforme à la volonté du défunt, même si elles ne répondent pas formellement aux exigences légales. La nouvelle disposition règle uniquement l'interprétation à donner à une disposition testamentaire faisant d'un animal un héritier ou un légataire, en prévoyant dans un tel cas sa conversion. Ainsi, même un non-juriste pourra comprendre la suite qui sera donnée à une telle disposition testamentaire. Selon l'al. 1 de l'art. 482 CC , tout intéressé a le droit de requérir l'exécution «des charges qui grèvent des dispositions» (ici: de la charge imposant aux héritiers ou aux légataires de prendre soin de l'animal de manière appropriée), par exemple une association de protection des animaux. Selon la doctrine et la jurisprudence actuelles, le fait de ne pas remplir une charge n'entraîne toutefois aucune obligation de verser des dommages-intérêts.

La formulation choisie pour l'al. 4 (nouveau) de l'art. 482 CC évite de désigner l'animal comme héritier ou légataire. Conférer à l'animal la jouissance, totale ou restreinte, des droits civils serait en effet incompatible avec notre système juridique.

En résumé, le nouvel alinéa permet de tenir compte des dernières volontés exprimées par un défunt concernant un animal, sans pour autant conférer à celui-ci des droits civils.

8124

33

Droits réels

331

Animaux trouvés: désignation d'une autorité par le canton (art. 720a [nouveau] CC)

L'expérience montre que, lorsqu'un animal a été trouvé et que la police en a été avisée, les recherches ne sont pas toujours couronnées de succès. De plus, beaucoup de cantons n'indiquent pas clairement à quel service il convient de communiquer qu'un animal a été trouvé. La nouvelle disposition prévoit que les cantons désignent un service à aviser dans un tel cas, lorsque l'identité du propriétaire ne peut être établie immédiatement. Les cantons peuvent certes continuer de déléguer cette compétence à la police locale, mais ils n'en doivent pas moins aux termes de l'art.

720a (nouveau) instituer un service chargé spécialement de centraliser et de traiter les appels concernant les animaux trouvés. Rappelons par ailleurs que ce service ne doit pas forcément être celui à qui sont remis les animaux trouvés. Cette disposition permettra d'établir clairement à quel service signaler un animal trouvé, ce qui augmentera les chances du propriétaire de le retrouver.

La création d'un article spécifique met en évidence que l'art. 720, al. 2, CC, qui prévoit qu'il faut aviser la police lorsque la valeur de la chose est manifestement supérieure à 10 francs, n'est pas applicable aux animaux. Quant à la réserve renvoyant à l'art. 720, al. 3, CC, elle garantit qu'un animal trouvé dans une maison habitée ou dans des locaux et installations affectés à un service public sera remis au maître de la maison, au locataire ou au personnel chargé de la surveillance.

332

Réduction du délai d'acquisition de la propriété d'un animal

332.1

Acquisition de la propriété d'un animal trouvé (art. 722, al. 1bis et 1ter [nouveaux] CC)

Selon le droit en vigueur, une personne qui trouve une chose n'en acquiert la propriété qu'après un délai de cinq ans. L'ancien propriétaire d'une chose perdue peut par conséquent faire valoir ses droits sur celle-ci durant une très longue période.

Lorsqu'un refuge souhaite placer un animal, il doit généralement faire face à de nombreux problèmes s'il ne connaît pas le propriétaire de l'animal ou s'il ne sait pas si l'animal sera réclamé un jour. Or, son sait qu'un animal qui n'a pas été réclamé dans un délai de deux mois ne le sera plus ou que très rarement passé ce délai. Aussi la nouvelle disposition permet-elle à la personne qui a trouvé un animal d'en devenir le propriétaire au terme d'un délai de deux mois. Compte tenu cependant de la brièveté de ce délai, il est prévu que le délai coure à nouveau à compter de la remise de l'animal au refuge: ainsi, le propriétaire d'un animal perdu aura deux mois au minimum, et quatre mois au maximum, pour le réclamer.

Cette réduction du délai ne vaut que pour les animaux qui vivent en milieu domestique et qui ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain. En ce qui concerne les bêtes qui passent l'été dans la montagne et dont la perte n'est remarquée qu'à la fin de l'alpage, le délai actuel de cinq ans reste valable.

Par «animaux qui vivent en milieu domestique et qui ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain», on entend des animaux auxquels leur propriétaire se sent uni par des liens affectifs étroits: ils peuvent vivre dans la maison, dans le jardin ou même dans une étable ou dans une écurie, mais, encore une fois, ils ne doivent pas 8125

être gardés pour des raisons d'ordre financier. Cela dit, il faut également tenir compte de la valeur économique de l'animal: une personne trouvant par exemple un cheval ne pourra pas invoquer cette disposition, ou alors exceptionnellement, même si elle se sent unie à lui par une relation privilégiée.

Il a volontairement été renoncé à qualifier juridiquement le refuge, puisqu'il n'est pas toujours une personne morale et qu'il ne peut de ce fait acquérir la propriété dans tous les cas. Le nouvel alinéa 1ter prévoit uniquement que le refuge peut disposer librement de l'animal deux mois après que celui-ci lui a été confié. Si, passé ce délai, le refuge remet l'animal à un tiers, il n'est nul besoin d'approfondir la question de la propriété.

332.2

Délai de la prescription acquisitive (art. 728, al. 1bis [nouveau] CC)

L'art. 728 CC est complété par un nouvel al. 1bis, prévoyant que celui qui, de bonne foi, a possédé un animal à titre de propriétaire en devient effectivement le propriétaire après deux mois. Le délai de la prescription acquisitive est ainsi adapté à celui qui s'applique à l'animal trouvé. Là encore, cependant, sont seuls concernés les animaux auxquels l'homme est uni par une relation affective particulière.

332.3

Droit de la possession (art. 934, al. 1, CC)

La réserve qui renvoie à l'art. 722 CC rappelle qu'en ce qui concerne les animaux trouvés, le délai de réclamation est limité dans le temps: la personne ayant trouvé un animal en devient en effet le propriétaire au bout de deux mois.

333

Attribution judiciaire de la propriété ou de la possession d'animaux (art. 729a [nouveau] CC)

Il convient également d'assurer la protection de l'animal lorsqu'il y a dissolution d'une communauté à laquelle il appartient. Le nouvel art. 729a du code civil prévoit que le juge, lors de l'attribution de l'animal, puisse aussi tenir compte, lorsqu'il procède à la pesée des intérêts, du bien de ce dernier, pour autant qu'il s'agisse d'un animal vivant en milieu domestique et qui n'est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain. La formulation «. . . qui, en vertu des critères appliqués en matière de protection des animaux, offre la solution la meilleure pour l'animal» ne vise pas seulement son hébergement et son alimentation, mais aussi la relation qu'il entretient avec l'homme, examinée uniquement sous l'angle de son intérêt à lui.

Lors de la liquidation d'un régime matrimonial, l'un des deux conjoints peut aujourd'hui déjà demander qu'un bien en copropriété lui soit attribué entièrement s'il justifie d'un intérêt prépondérant, à charge de désintéresser son conjoint (art. 205, al. 2, CC). En vertu du nouvel art. 729a, le juge pourra même attribuer à un conjoint l'animal qui est la propriété de l'autre si cette démarche lui paraît justifiée. Il est à noter qu'il n'existe pas à ce jour de disposition permettant de prendre en compte l'intérêt de l'animal en cas de partage d'une succession ou de liquidation d'une société simple.

8126

En vertu de l'al. 2 de l'art. 729a (nouveau) du code civil, le juge peut obliger l'attributaire à verser une indemnité. Le montant de cette indemnité doit être raisonnable, et sera fixé notamment en fonction de la valeur objective de l'animal. Il est évident que si un animal est déjà la propriété d'une seule personne, et que celle-ci a été désignée par le juge comme attributaire, l'autre n'aura pas droit à une indemnité.

L'obligation de verser une indemnité peut se fonder sur d'autres dispositions, par exemple sur l'art. 205, al. 2, CC s'agissant de la reprise de biens, ou encore sur l'art.

608, al. 3, CC prévoyant que l'attribution d'un objet de la succession à un héritier n'est pas réputée legs, mais simple règle de partage, et est imputée sur la part de succession.

Le critère d'attribution énoncé à l'art. 729a (nouveau) du code civil s'applique au régime des biens matrimoniaux, au droit successoral et à la liquidation de sociétés simples. Pour ne pas répéter en plusieurs endroits la règle sur le droit à l'attribution, la nouvelle disposition est insérée uniquement dans les droits réels. La liquidation d'une société simple est un état de fait de portée générale, qui dans la pratique s'appliquera généralement à la dissolution de relations de concubinage.

34

Droit des obligations

341

Art. 42, al. 3 (nouveau) CO

Le droit permet déjà d'exiger une réparation pour les frais de traitement d'un animal blessé dépassant la valeur de l'animal. En effet, la doctrine comme la jurisprudence n'excluent pas que, dans le cas d'un dommage à la propriété, le montant des frais de réparation puisse excéder le prix de l'objet endommagé. Pour des raisons de sécurité juridique, ce principe est toutefois expressément énoncé à l'art. 42, al. 3 (nouveau), du code des obligations3 (CO): il est en effet nécessaire que dans un litige de ce genre, où il est très rarement fait appel à un avocat, le profane lui-même puisse comprendre à la simple lecture de la loi la manière dont doit être déterminé le montant de la réparation. Il convient de souligner que, selon la commission, le fait que cette question soit ici réglé expressément ne doit pas cependant se traduire à terme par une jurisprudence restrictive limitée au simple remboursement de frais liés à la réparation ou à la remise en état d'un objet.

Le renvoi aux règles de la bonne foi, et donc à l'art. 2 du code civil, est destiné à souligner que le propriétaire ne peut en profiter pour imputer au responsable (ou à son assurance) n'importe quels soins: il s'agit essentiellement d'éviter qu'un animal blessé ne soit soumis à des expérimentations aux frais dudit responsable. Il y a lieu de toujours se demander comment se comporterait dans la même situation un propriétaire raisonnable tenu d'assumer lui-même les frais liés aux soins.

342

Art. 43, al. 1bis (nouveau) CO

L'animal, notamment de compagnie, prend dans notre société une place de plus en plus grande: en mentionnant expressément la valeur sentimentale qu'un animal peut avoir pour son propriétaire ou les parents de celui-ci, il s'agit de mettre en évidence

3

RS 220

8127

que ce rapport affectif constitue un bien à protéger juridiquement dont il incombe au juge de tenir compte dans le cadre de la pesée des intérêts. A ce jour, la valeur purement affective, indépendante de la valeur économique, n'est pas prise en considération dans le calcul des dommages et intérêts: or, si cela peut s'expliquer s'agissant de choses inanimées, cette lacune a quelque chose d'incongru si l'on considère le rapport privilégié qui unit l'homme à l'animal. Aussi, celui qui blesse ou qui tue un animal doit être tenu de dédommager également le propriétaire de l'animal de la perte qu'il a subie sur le plan affectif.

Evidemment, d'une part, la valeur affective n'est pas précisément quantifiable, et d'autre part, la perte d'un animal ne saurait être compensée uniquement sous forme pécuniaire. L'art. 43, al. 1bis (nouveau) CO se rapproche ainsi de l'art. 49 CO, qui prévoit une réparation morale pour atteinte illicite à la personnalité: l'une et l'autre dispositions prévoient en effet une compensation financière au titre de la réparation partielle d'un dommage immatériel. Distinct de l'art. 47, qui règle la réparation à titre moral en cas de lésions corporelles ou de mort d'homme, l'art. 43, al. 1bis, CP règle la réparation de la perte subie spécifiquement sur le plan affectif s'agissant d'un animal.

Une minorité de la commission propose de biffer cette disposition, craignant que la valeur affective de l'animal ne soit surestimée dans la pratique par rapport à la réparation exigible en cas de blessure ou de mort d'un être humain.

35

Code pénal

351

Art. 110 CP

Mentionner les animaux dans la liste des définitions légales figurant à l'art. 110 du code pénal4 (CP) est conforme à l'objet même de la révision, qui est de faire apparaître une distinction juridique entre l'animal et la chose.

352

Art. 332 CP

L'art. 332 CP est complété par une référence à l'art. 720a du code civil: il est en effet normal d'étendre le champ d'application de l'art. 332 CP aux animaux trouvés, étant désormais régis par un article spécifique. Il est vrai que cette norme ne vise pas celui qui ne signale pas sa trouvaille au propriétaire de l'animal, alors qu'il le connaît: mais il est possible de le sanctionner en vertu de l'art. 137 CP, qui punit l'appropriation illégitime.

36

Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (art. 92, ch. 1a [nouveau] LP)

Une minorité de la commission propose d'ajouter un al. 1a à l'art. 92 de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)5 de façon à interdire la saisie des animaux

4 5

RS 311.0 RS 281.1

8128

domestiques. On se rend compte de plus en plus aujourd'hui de l'importance que l'animal peut avoir pour les personnes seules, par exemple les toxicomanes ou les retraités. Interdire expressément leur saisie clarifie la situation sur le plan juridique, même si les animaux de compagnie sont dans la pratique rarement saisis, d'abord pour des raisons charitables, ensuite parce qu'ils sont malaisés à revendre. Or, compte tenu de la situation économique actuellement difficile, tout porte à croire que le nombre des saisies est appelé à augmenter, et que la question de la saisie des animaux se posera donc de plus en plus souvent et sera même mise sur la place publique. Pour éviter les risques d'abus, la modification proposée concerne elle aussi uniquement les animaux vivant en milieu domestique et qui ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain.

Même si l'animal est a priori considéré comme insaisissable, il est prévu que les montants nécessaires à son entretien et à ses soins soient prélevés sur la somme restant au débiteur. Cette conception est conforme à la pratique du droit des poursuites, selon laquelle les dépenses liées à un loisir n'entrent pas dans le calcul du minimum vital.

Une majorité de la commission s'oppose à cette disposition, au motif qu'il est quasiment impossible de régler une fois pour toutes la question de savoir dans quelle mesure il y a lieu de tenir compte de l'entretien d'un animal dans le calcul du minimum vital, qui pourrait entraîner ainsi des litiges sans nombre.

4

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

Le projet n'entraîne pas de conséquences financières pour la Confédération. La situation est différente pour les cantons, qui aux termes de l'art. 720a (nouveau) sont tenus de désigner une autorité à laquelle s'adresser lorsqu'un animal a été trouvé.

S'il est impossible de chiffrer les dépenses que cela implique, celles-ci devraient être peu importantes, compte tenu de ce qu'il est déjà obligatoire aujourd'hui de signaler les choses trouvées lorsque leur valeur est supérieure à 10 francs (art. 720, al. 2, CC), et que les cantons peuvent exiger du propriétaire de la chose trouvée qu'il leur rembourse les frais concernés (art. 722, al. 2, CC).

5

Relation avec le droit européen

Il n'existe pas dans le droit européen de disposition régissant en droit privé la protection des animaux ou de leurs propriétaires. Signalons simplement l'existence de la Convention européenne du 13 novembre 1987 pour la protection des animaux de compagnie (RS 0.456), que la Suisse a ratifiée le 3 novembre 1993, mais dont les obligations en matière de commerce des animaux de compagnie (art. 6 et 8) sont sans incidence sur la révision proposée du code civil et du code des obligations.

8129

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Constitutionnalité (conformité avec la nouvelle Constitution)

Le projet s'appuie sur les art. 122 et 123 de la nouvelle Constitution (cst.), qui prévoient respectivement que la législation en matière de droit civil et la législation en matière de droit pénal relèvent de la compétence de la Confédération. Par ailleurs, l'art. 80 cst. donne à la Confédération la compétence d'édicter des dispositions sur la protection des animaux, notamment sur la garde des animaux et la manière de les traiter (art. 80, let. a, cst.). Enfin, l'art. 120, al. 2, cst. protège l'intégrité des organismes vivants.

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