99.072 Message concernant l'initiative populaire "pour des coûts hospitaliers moins élevés" du 8 septembre 1999

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Nous vous présentons ci-après le message concernant l'initiative populaire "pour des coûts hospitaliers moins élevés". Nous vous proposons de la soumettre sans contre-projet au vote du peuple et des cantons en leur recommandant de la rejeter.

Un projet d'arrêté fédéral est joint au présent message.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

8 septembre 1999

Au nom du Conseil fédéral suisse: La présidente de la Confédération, Ruth Dreifuss Le chancelier de la Confédération, François Couchepin

1999-5203

9005

Condensé L'initiative populaire "pour des coûts hospitaliers moins élevés" vise à modifier l'art. 34 bis, al. 2, de l'actuelle constitution fédérale pour le remplacer par un nouvel alinéa. Comme son titre l'indique, elle vise à diminuer les coûts hospitaliers en Suisse. Pour réaliser cet objectif, elle propose: ­

de limiter le régime obligatoire de l'assurance-maladie à la seule couverture de l'hospitalisation;

­

d'offrir aux assurés la possibilité de conclure l'assurance pour l'hospitalisation dans le cadre de la loi fédérale sur l'assurance-maladie ou, indépendamment de cette dernière, avec des institutions d'assurance privées soumises à la LSA;

­

d'obliger les cantons à veiller, cas échéant en collaboration avec d'autres cantons, à mettre à disposition de leur population le nombre de lits nécessaire en division commune, semi-privée ou privée;

­

de libérer les assurés de la participation aux coûts;

­

que les cantons reçoivent de l'assurance-maladie ou de l'assureur privé un montant de 250 francs par jour et par patient, indexé sur l'indice suisse des prix à la consommation, en contrepartie de l'hospitalisation d'un assuré en division commune. Ce montant englobe toutes les prestations fournies par l'hôpital (opérations, médicaments, radiographies et transport du patient à l'hôpital p. ex.);

­

de faire en sorte que, si l'assuré doit, pour des raisons médicales, recourir aux services d'un hôpital situé en dehors de son canton de domicile, ce dernier reçoive également un montant de 250 francs de l'assureur tout en demeurant libre de passer un autre accord avec l'hôpital ou le canton en question;

­

que, pour ce qui est du séjour d'un assuré dans un hôpital privé, l'assureur verse à ce dernier l'indemnité fixée pour les cantons à titre de participation aux coûts.

Le Conseil fédéral approuve sur le fond l'objectif de l'initiative populaire, qui vise à diminuer les coûts de la santé. Il juge par contre que les mesures proposées par les initiants pour atteindre ce but sont tout à fait inappropriées et inacceptables d'un point de vue social et fiscal. Il refuse l'initiative populaire notamment pour les raisons suivantes: ­

9006

en limitant le régime obligatoire de l'assurance-maladie au seul secteur hospitalier, l'initiative inciterait les personnes qui ne bénéficient pas d'une couverture d'assurance pour tout ce qui est effectué ambulatoirement ou en milieu semi-hospitalier recourir davantage à l'hospitalisation avec la conséquence de déplacer un certain nombre d'interventions des secteurs ambulatoire et semi-hospitalier plus avantageux vers le secteur hospitalier plus coûteux;

­

en donnant aux assurés la possibilité de conclure une assurance pour l'hospitalisation avec un assureur-maladie au sens de la LAMal ou avec un assureur privé en dehors de la LAMal, l'initiative met en péril la solidarité entre les bien portants et ceux qui ne le sont pas. En effet, dans la mesure où l'assureur privé non soumis à la LAMal est exempté de toute obligation d'ordre social il ne lui serait pas interdit de procéder à une sélection des risques ou de formuler des réserves illimitées. De ce fait, les assureursmaladie ne pourraient plus être compétitifs, ni attractifs; leur assurance d'hospitalisation, comprenant une protection sociale serait, à très court terme déjà, financièrement insupportable pour eux et les assurés;

­

la proposition des initiants de limiter la contribution de l'assurancemaladie à l'hospitalisation d'un assuré en division commune ne crée aucune économie pour le système de santé. Cette mesure ne fait en effet que transférer la charge que représente l'hospitalisation de l'assuré cotisant à l'assuré contribuable.

C'est pour toutes ces raisons que le Conseil fédéral propose de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l'initiative.

9007

Message 1

Partie générale

11

Aspects formels

111

Texte de l'initiative

Le 10 septembre 1998, le Comité d'initiative du distributeur Denner SA a déposé l'initiative populaire "pour des coûts hospitaliers moins élevés". L'initiative, présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, a la teneur suivante: I La constitution fédérale est modifiée comme suit: Art. 34bis, al. 2 2

La conclusion d'une assurance en cas de maladie n'est pas obligatoire, sauf pour la couverture de l'hospitalisation.

L'assurance pour l'hospitalisation peut être conclue dans le cadre de la loi fédérale sur l'assurance-maladie ou, indépendamment de cette dernière, avec des institutions d'assurance privées soumises à la loi sur la surveillance des assurances. L'obligation de verser des primes à une caisse-maladie s'éteint dès que l'assurance privée prend effet.

Les cantons sont tenus de veiller, en collaborant au besoin avec d'autres cantons, à ce que leurs habitants disposent du nombre de lits nécessaire en division commune, demi-privée et privée.

Les assurés n'ont pas à participer aux coûts. Lorsqu'un assuré est hospitalisé en division commune, les cantons reçoivent de l'assurance-maladie ou de l'assureur privé, par jour et par personne, une indemnité de 250 francs, laquelle doit être indexée sur l'indice suisse des prix la consommation ; elle comprend l'ensemble des prestations fournies par l'hôpital, telles que notamment les opérations, les médicaments, les radiographies et le transport du patient à l'hôpital.

Si l'assuré doit, pour des raisons médicales, recourir aux services d'un hôpital situé en dehors de son canton de domicile, ce dernier reçoit l'indemnité de 250 francs de l'assureur tout en demeurant libre de passer un autre accord avec l'hôpital ou le canton en question.

Lorsque les assurés séjournent dans des hôpitaux privés, les assureurs sont tenus de verser à ces derniers, en guise de participation aux coûts, les indemnités fixées pour les cantons.

9008

II Les dispositions transitoires de la constitution fédérale sont complétées comme suit: Art. 24 (nouveau) Toute disposition légale ou réglementaire qui serait contraire à l'art. 34bis, al. 2, est abrogée.

112

Aboutissement

Par décision du 14 octobre 1998, la Chancellerie fédérale a constaté que l'initiative "pour des coûts hospitaliers moins élevés", déposée le 10 septembre 1998, avait recueilli 106 776 signatures valables et qu'elle avait donc formellement abouti (FF 1998 4355).

113

Délai de traitement

Selon l'art. 29, al. 1, de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC; RS 171.11), le Conseil fédéral doit soumettre son message à l'Assemblée fédérale dans un délai d'un an à compter du dépôt de l'initiative. L'échéance pour le Conseil fédéral est donc fixée au 10 septembre 1999.

Lorsque l'initiative populaire exige une révision partielle de la constitution fédérale (cst.; RS 101) et qu'elle est présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, l'Assemblée fédérale décide, dans un délai de 30 mois à compter du jour où l'initiative a été déposée, si elle approuve ou non l'initiative telle qu'elle est formulée (art. 27, al. 1, LREC). L'Assemblée fédérale peut prolonger ce délai d'un an si l'un des conseils au moins a pris une décision sur un contre-projet ou sur un acte législatif qui a un rapport étroit avec l'initiative populaire (art. 27, al. 5bis, LREC).

114

Conséquences de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999

Du fait de l'acceptation de la nouvelle Constitution fédérale le 18 avril 1999, le texte de l'initiative populaire "pour des coûts hospitaliers moins élevés" ne pourra plus porter la numérotation actuelle (art. 34bis, al. 2), mais devra figurer dans l'art. 117, al. 2, de la nouvelle Constitution fédérale (nCst.). En revanche, le texte de l'initiative populaire ne nécessite in casu aucune adaptation rédactionnelle (qui est possible dans le cadre des dispositions prévues au ch. III nCst., pour autant que cela s'impose).

9009

12

Validité

121

Unité de la forme et de la matière

D'après l'art. 121, al. 4, cst., l'initiative peut revêtir la forme d'une proposition conçue en termes généraux ou celle d'un projet rédigé de toutes pièces. Les formes mixtes ne sont pas admises (art. 75, al. 3, de la loi fédérale sur les droits politiques, LDP; RS 161.1). S'agissant de la présente initiative, l'unité de la forme est respectée: l'initiative se présente en effet sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces.

L'art. 121, al. 3, cst., définit l'exigence de l'unité de la matière: une initiative demandant une révision partielle de la constitution fédérale ne peut avoir pour objet qu'une seule matière. L'unité de la matière est préservée lorsqu'il y a une étroite relation entre les différentes parties de l'initiative (art. 75, al. 2, LDP). C'est le cas pour la présente initiative.

122

Réalisation

Seule l'inapplicabilité évidente d'une initiative populaire constitue un motif matériel de refus d'une révision de la constitution. Ni la constitution fédérale, ni une loi fédérale ne reconnaissent dans l'inapplicabilité d'une initiative un motif d'invalidité.

Cependant, la pratique et la doctrine considèrent que des tâches inexécutables n'entrent pas dans le domaine d'activité de l'Etat et que, dans pareils cas, il est donc raisonnable qu'aucune votation populaire n'ait lieu. Toutefois, une pratique constante veut que seules les initiatives à l'évidence inapplicables soient soustraites au verdict populaire. L'impossibilité de concrétiser une initiative d'un point de vue juridique, ou des difficultés pratiques dans son application, ne suffisent pas pour déclarer l'initiative non valable en raison de son inapplicabilité.

La présente initiative ne présente aucun motif de ce genre.

2

Partie spéciale

21

L'initiative et la réglementation actuelle

211

Buts de l'initiative

L'initiative vise en premier lieu à modifier la constitution dans le sens que la possibilité actuellement donnée à la Confédération de déclarer obligatoire la participation à l'assurance-maladie, en général ou pour certaines catégories déterminées de citoyens, soit limitée à la seule couverture de l'hospitalisation. L'initiative oblige chaque assuré à contracter une assurance en cas d'hospitalisation auprès d'un assureur-maladie au sens de la loi sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal; RS 832.10) ou, indépendamment de cette dernière, auprès d'institutions d'assurance privées soumises uniquement à la loi du 23 juin 1978 sur la surveillance des assurances (LSA; RS 961.01). Les auteurs de l'initiative souhaitent également inscrire dans la constitution l'obligation pour les cantons de veiller à mettre à la disposition de leur population, au besoin en collaborant avec d'autres cantons, le nombre de lits nécessaire aux hospitalisations, cela aussi bien en division commune qu'en division demi-privée et privée. L'initiative vise par ailleurs à dispenser les assurés de toute participation aux coûts en cas d'hospitalisation. Les initiants ont en outre pour 9010

objectif de plafonner la rémunération de l'ensemble des prestations fournies en cas d'hospitalisation en division commune. En effet, elle prévoit que les cantons reçoivent de l'assureur, par jour et par personne, un montant forfaitaire de 250 francs indexé sur l'indice suisse des prix à la consommation en contrepartie du séjour d'un assuré en classe commune d'un de leurs hôpitaux. S'agissant des séjours effectués dans un hôpital situé en dehors du canton de domicile pour des raisons médicales, l'initiative prévoit que ce dernier reçoive également un forfait de 250 francs de l'assureur; celui-ci reste cependant libre de convenir d'une rémunération supplémentaire avec l'hôpital ou le canton en question. S'agissant enfin des séjours hospitaliers dans des hôpitaux privés, l'initiative fait obligation aux assureurs de verser à ces derniers, à titre de participation aux coûts, une somme équivalente à l'indemnité fixée pour les cantons.

212

Comparaison avec le droit fédéral en vigueur

212.1

Comparaison avec l'article constitutionnel en vigueur

Dans sa teneur actuelle, l'art. 34bis, al. 1, cst., donne à la Confédération la compétence et le mandat de légiférer non seulement en matière d'assurance-maladie, mais également en ce qui concerne l'assurance-accidents. L'al. 2 autorise le législateur fédéral à déclarer l'affiliation à ces deux assurances obligatoire pour toute la population ou pour certaines catégories de personnes seulement. Lors de la révision totale de l'assurance-maladie en 1994, le législateur a fait usage de cette possibilité pour l'assurance-maladie en disposant que les personnes domiciliées en Suisse sont obligatoirement assurées contre les conséquences de la maladie. L'assurance-accidents a, quant à elle, été rendue obligatoire pour tous les travailleurs occupés en Suisse depuis l'entrée en vigueur de la loi sur l'assurance-accidents (LAA; RS 832.20) en 1984. A part la relation organique avec les caisses-maladie existantes, l'actuel art.

34bis cst. laisse pratiquement toute liberté au législateur dans la conception des deux assurances. Dès lors, le système proposé par les initiants est compatible avec la disposition constitutionnelle actuellement en vigueur. Celle-ci permettrait donc, moyennant l'adaptation appropriée de la législation, de réaliser les buts de l'initiative. Quant à l'assurance-accidents, même si le nouvel al. 2 proposé par les initiants ne reprend pas la possibilité qu'avait le législateur de déclarer obligatoire l'assurance-accidents, le Conseil fédéral considère que cela n'a pas n'incidence sur son caractère obligatoire. En effet, l'al. 1 de l'art. 34bis cst., qui n'est pas touché par l'initiative, constitue une base constitutionnelle suffisante à cet égard dans la mesure où il laisse toute liberté au législateur dans le choix du caractère facultatif ou obligatoire des deux assurances.

L'initiative propose en outre de compléter les dispositions transitoires de l'actuelle constitution fédérale (Disp.trans.cst.) par un nouvel art. 24 qui prévoit l'abrogation de toute disposition légale ou réglementaire qui serait contraire à l'art. 34bis, al. 2, cst. A titre liminaire, relevons que le texte de l'initiative ne pourrait plus porter la numérotation actuelle (art. 24 Disp.trans.cst.), mais devrait faire l'objet de l'art. 197 nCst. La raison en est que, depuis le dépôt de l'initiative, le peuple et les cantons,
à l'occasion de votations populaires, ont déjà accepté d'une part le complètement des dispositions transitoires de la Confédération par des art. 24 et 25 et d'autre part la nouvelle Constitution fédérale le 18 avril 1999, laquelle remanie complètement la numérotation figurant dans l'actuelle constitution.

9011

212.2

Comparaison sur le plan législatif

L'assurance-maladie sociale est régie par la LAMal. Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 1996 et a abrogé la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 13 juin 1911 (LAMA). La LAMal comprend l'assurance obligatoire des soins et une assurance facultative d'indemnités journalières. L'assurance-maladie sociale alloue des prestations en cas de maladie, d'accidents, dans la mesure où aucune assuranceaccidents n'en assume la prise en charge, ainsi qu'en cas de maternité.

L'initiative propose des dispositions de rang constitutionnel qui portent sur des aspects qui sont actuellement traités dans le cadre législatif (choix de l'assureur, catégories d'assureurs, rémunération du traitement hospitalier, etc.). Ces dernières sont donc à considérer en comparaison avec les dispositions actuellement en vigueur sous le régime de la LAMal. Pour l'appréciation des dispositions de l'initiative que nous évoquons ci-dessous, nous renvoyons au chiffre 23 de ce message.

Art. 34bis, al. 2, par. 1 Les auteurs de l'initiative exigent que la conclusion d'une assurance en cas de maladie ne soit obligatoire que pour la couverture des frais liés à l'hospitalisation. C'est dire que, avec cette initiative, il n'y aurait plus d'assurance-maladie obligatoire pour les traitements ambulatoires et semi-hospitaliers. Tel n'est pas le cas avec la LAMal.

L'assurance obligatoire des soins prend actuellement en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles. Ces prestations comprennent notamment les examens, traitements et soins dispensés sous forme ambulatoire au domicile du patient, en milieu hospitalier ou semi-hospitalier ou dans un établissement médico-social par des médecins, des chiropraticiens, des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat médical, ainsi que les analyses, les médicaments, les moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques prescrits par un médecin, une participation aux frais de cures balnéaires prescrites par un médecin. Sont également compris le séjour en division commune d'un hôpital ou dans une institution prodiguant des soins semi-hospitaliers (art. 25 LAMal).

S'agissant de la mise en oeuvre de l'obligation de s'assurer, c'est aux cantons qu'il incombe de veiller au respect de cette obligation et, s'il y a lieu,
de procéder à l'affiliation d'office d'une personne tenue de s'assurer qui n'a pas donné suite à cette obligation en temps utile (art. 6 LAMal). C'est également aux cantons qu'il appartient de statuer sur les requêtes d'exemption de l'obligation de s'assurer dans certaines circonstances (art.10, al. 2, ordonnance sur l'assurance-maladie, OAMal; RS 832.102, et dispositions citées). Si l'initiative devait être acceptée, les cantons ne devraient contrôler la conclusion d'une assurance en cas de maladie que pour la couverture de l'hospitalisation.

Art. 34bis, al. 2, par. 2 Cette disposition stipule que l'assurance pour l'hospitalisation peut être conclue dans le cadre de la LAMal ou, indépendamment de celle-ci, avec des institutions d'assurance privées soumises à la LSA. Les initiants précisent encore que l'obligation de verser des primes à une caisse-maladie s'éteint dès que l'assurance privée prend effet.

9012

Actuellement, les personnes tenues de s'assurer ne peuvent choisir de contracter qu'avec les assureurs désignés à l'art. 11 LAMal, soit les caisses-maladie au sens de l'art. 12 LAMal et les institutions d'assurance privées soumises à la LSA pratiquant l'assurance-maladie et bénéficiant de l'autorisation prévue à l'art. 13 LAMal (art.

11, let. b, LAMal). La loi actuelle prévoit ainsi déjà que des institutions d'assurance privées soumises à la LSA peuvent pratiquer à la charge de l'assurance-maladie obligatoire. Le système de surveillance institué par la LSA implique des pouvoirs d'investigation et d'intervention étendus pour l'autorité de contrôle, non seulement au début de l'activité de l'institution d'assurance, mais également en cours d'exploitation. En d'autres termes, et en dérogation au principe constitutionnel garantissant la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31 cst.), l'autorité fédérale restreint cette liberté fondamentale en se fondant sur l'art. 34bis, al. 2, cst., qui lui permet de réglementer les conditions d'accès à l'activité en matière d'assurances et les conditions d'exercice de cette industrie. Lesdites conditions se présentent sous la forme d'exigences juridiques, financières, comptables et techniques auxquelles l'institution doit satisfaire pour être autorisée à pratiquer une ou plusieurs branches d'assurance.

Dans la mesure où ces conditions sont remplies, l'institution est autorisée à exercer une activité d'assurance, et cette activité elle-même est soumise à un contrôle étatique.

Les assureurs qui exercent dans le cadre de la LAMal doivent remplir un certain nombre de conditions supplémentaires dont l'existence est attestée par un acte officiel. Pour les caisses-maladie, il s'agit de la reconnaissance. Les autres assureurs, au sens de l'art. 11, let. b, LAMal, qui sont déjà agréés en vertu de la LSA, auront besoin d'une autorisation de pratiquer. Celle-ci ne peut porter que sur l'assurancemaladie sociale, puisque ces assureurs sont déjà habilités à pratiquer les assurances complémentaires. D'une manière générale, les institutions d'assurance doivent satisfaire à toutes les exigences de la loi (art. 13, al. 1, LAMal). Elles doivent notamment remplir les conditions mentionnées à l'al. 2. En particulier, elles doivent pratiquer l'assurance-maladie sociale selon le
principe de la mutualité, garantir l'égalité de traitement des assurés et n'affecter qu'à des buts d'assurance-maladie sociale les ressources provenant de celle-ci et pratiquer également l'assurance individuelle d'indemnités journalières conformément à la LAMal.

Contrairement aux institutions d'assurance privées visées par l'art. 11, let. b, LAMal, celles qui sont concernées par l'initiative ne doivent pas bénéficier de l'autorisation prévue à l'art. 13 LAMal et, par conséquent, elles ne sont pas tenues de remplir les conditions figurant à l'al. 2 de cette disposition. En effet, l'initiative prévoit que le contrat d'assurance en cas d'hospitalisation passé avec ces institutions le soit indépendamment de la LAMal. Ce sont donc les règles de la loi fédérale du 2 avril 1908 sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1), qui sert de fondement aux contrats d'assurance conclus par les institutions d'assurance privées soumises à la surveillance fédérale conformément à la LSA, qui s'appliquent. Or cette loi est exempte de toute obligation d'ordre social contrairement à la LAMal.

Art. 34bis, al. 2, par. 3 Selon cette disposition, les cantons seraient tenus de veiller, en collaborant au besoin avec d'autres cantons, à ce que leurs habitants disposent du nombre de lits nécessaire en division commune, demi-privée et privée.

9013

Actuellement, les cantons sont tenus, dans la procédure d'admission des hôpitaux à pratiquer à charge de l'assurance-maladie, d'établir une planification hospitalière et de dresser une liste des hôpitaux et des établissements médico-sociaux (EMS) (art. 39 LAMal). Pour être admis, les hôpitaux et autres institutions mentionnés à l'art. 39 LAMal doivent garantir une assistance médicale suffisante, disposer du personnel qualifié nécessaire et d'équipements médicaux adéquats ainsi que garantir la fourniture adéquate des médicaments. Dans le cadre de leur planification, les cantons doivent prendre en compte de manière adéquate les organismes privés. Les divisions demi-privées et privées des hôpitaux publics ou privés doivent également être prises en considération dans la mesure où elles concourent aux soins de base offerts à la population. La loi prévoit que les cantons procèdent à leur planification hospitalière de façon à couvrir les besoins de l'ensemble de la population en soins hospitaliers ­indépendamment du type de couverture d'assurance dont dispose chaque assuré ­ ainsi qu'en soins dans les EMS. Dans le cadre de la LAMal, la planification hospitalière a pour but de supprimer les surcapacités aussi bien dans les hôpitaux publics que dans les hôpitaux privés, et de contribuer ainsi à la maîtrise des coûts dans ce secteur tout en garantissant la couverture des besoins de la population. La LAMal prévoit également la planification hospitalière sur un plan intercantonal (art. 39, al. 1, let. d, LAMal).

Art. 34bis, al. 2, par. 4 Selon la 1re phrase du paragraphe 4, les assurés n'auraient plus à participer aux coûts (de l'hospitalisation).

La loi prévoit actuellement la participation des assurés aux coûts des prestations dont ils bénéficient. Leur participation comprend un montant fixe par année (franchise) et 10 % des coûts qui dépassent la franchise (quote-part) (art. 64, al. 2, LAMal). Il appartient au Conseil fédéral de fixer le montant de cette franchise de même que le montant maximal annuel de la quote-part (art. 64, al. 3, LAMal). En cas d'hospitalisation, les assurés versent, en outre, une contribution aux frais de séjour, échelonnée en fonction des charges de famille. C'est le Conseil fédéral qui fixe également le montant de cette contribution. (art. 64, al. 5, LAMal). La franchise prévue
à l'art. 64, al. 2, let. a, LAMal, s'élève à 230 francs par année civile et le montant maximal annuel de la quote-part au sens de l'art. 64, al. 2, let. b, LAMal s'élève à 600 francs pour les adultes et 300 francs pour les enfants (art. 103 OAMal). Quant à la contribution journalière aux frais de séjour hospitalier prévue à l'art. 64, al. 5, LAMal, elle se monte à 10 francs.

Dans la seconde partie de la disposition, les initiants exigent que lorsqu'un assuré est hospitalisé en division commune, les cantons reçoivent de l'assurance-maladie ou d'un assureur privé, par jour et par personne, une indemnité forfaitaire de 250 francs. Cette indemnité devrait être indexée sur l'indice suisse des prix à la consommation et comprendrait, selon les termes choisis par les initiants, l'ensemble des prestations fournies par l'hôpital, telles que notamment les opérations, les médicaments, les radiographies et le transport du patient à l'hôpital. Les initiants visent par cette mesure à limiter la contribution de l'assurance-maladie aux coûts hospitaliers à un montant forfaitaire de 250 francs par jour et par personne. Il ressort implicitement de l'initiative que ce forfait journalier d'hospitalisation serait uniforme pour toute la Suisse et pour tous les types d'hôpitaux, qu'ils soient publics, subventionnés par les pouvoirs publics ou privés.

9014

Dans le cadre de la LAMal, les fournisseurs de prestations établissent leurs factures sur la base de tarifs ou de prix (art. 43 LAMal). Le tarif constitue une base de calcul de la rémunération; il peut notamment se fonder sur le temps consacré à la prestation (tarif au temps consacré), ou attribuer des points à chacune des prestations et fixer la valeur du point (tarif à la prestation), ou prévoir un mode de rémunération forfaitaire (tarif forfaitaire). Les tarifs et les prix sont fixés par une convention entre les assureurs et les fournisseurs de prestations (convention tarifaire) ou, dans les cas prévus par la loi, par l'autorité compétente. Les conventions tarifaires doivent être fixées d'après les règles applicables en économie d'entreprise et structurées de manière appropriée. L'art. 49, al. 1 à 4, LAMal régit les conventions tarifaires avec les hôpitaux. Selon cette disposition, pour la rémunération du traitement hospitalier, y compris du séjour à l'hôpital, les parties à une convention doivent convenir des forfaits.

Pour les habitants du canton, ces forfaits couvrent au maximum, par patient ou par groupe d'assurés, 55 % des coûts imputables dans la division commune d'hôpitaux publics ou subventionnés par les pouvoirs publics. Les coûts imputables sont établis lors de la conclusion de la convention. Les parties à une convention tarifaire peuvent prévoir que des prestations diagnostiques ou thérapeutiques spéciales ne soient pas comprises dans le forfait, mais facturées séparément (art. 49, al. 2, LAMal). Pour ces prestations, elles peuvent également prendre en compte les coûts imputables à raison d'au maximum 50 %. La loi actuelle précise, par ailleurs, qu'en cas d'hospitalisation, la rémunération s'effectue conformément au tarif applicable à l'hôpital en vertu des al. 1 et 2 de l'art. 49, tant que le patient a besoin, selon l'indication médicale, d'un traitement et de soins ou d'une réadaptation médicale en milieu hospitalier et que, si cette condition n'est plus remplie, le tarif en cas de séjour dans un EMS en vertu de l'art. 50 est applicable (art. 49, al. 3, LAMal).

Art. 34bis, al. 2, par. 5 L'initiative dispose que si l'assuré doit, pour des raisons médicales, recourir aux services d'un hôpital situé en dehors de son canton de domicile, ce dernier reçoit l'indemnité de 250 francs de
l'assureur tout en demeurant libre de passer un autre accord avec l'hôpital ou le canton en question.

Actuellement, l'art. 41, al. 1, LAMal, garantit à l'assuré le libre choix entre les fournisseurs de prestations admis et aptes à traiter la maladie. En cas de traitement ambulatoire, l'assureur prend en charge les coûts jusqu'à concurrence du tarif applicable au lieu de résidence ou de travail de l'assuré ou dans les environs. La LAMal prévoit que si, pour des raisons médicales, l'assuré a recours à un autre fournisseur de prestations, l'assureur prend en charge les coûts d'après le tarif applicable à cet autre fournisseur de prestations (art. 41, al. 2, LAMal). La loi actuelle qualifie de raisons médicales le cas d'urgence et le cas où les prestations nécessaires ne peuvent être fournies au lieu de résidence ou de travail de l'assuré ou dans les environs ainsi que dans le canton où réside l'assuré, s'il s'agit d'un traitement hospitalier ou semihospitalier, ou dans un hôpital en dehors de ce canton qui figure sur la liste dressée par le canton où réside l'assuré. En outre, si, pour des raisons médicales, l'assuré recourt aux services d'un hôpital public ou subventionné par les pouvoirs publics situé hors de son canton de résidence, ce canton prend en charge la différence entre les coûts facturés et les tarifs que l'hôpital applique aux résidents du canton (art. 41, al. 3, LAMal).

9015

Art. 34bis, al. 2, par. 6 L'initiative stipule que lorsque les assurés séjournent dans des hôpitaux privés, les assureurs sont tenus de verser à ces derniers, en guise de participation aux coûts, les mêmes indemnités que celles qui sont fixées pour les cantons. Ainsi, contrairement à ce qui est prévu aux paragraphes 4 et 5 de l'initiative, lesquels concernent, à notre avis, les seuls hôpitaux publics d'après la systématique de l'initiative, les hôpitaux privés reçoivent directement l'indemnité de l'assureur. Bien que le texte de l'initiative ne le précise pas, le Conseil fédéral est d'avis que la disposition proposée par les initiants concerne tous les hôpitaux privés, peu importe qu'ils soient situés dans le canton ou hors du canton de domicile de l'assuré. Par ailleurs, dans la mesure où l'initiative ne prévoit pas que les cantons interviennent en tant qu'intermédiaire dans le financement des hôpitaux privés, il faut supposer que le subventionnement d'hôpitaux privés par les pouvoirs publics est exclu par les auteurs de l'initiative.

Contrairement à l'initiative, la LAMal ne fait pas une distinction entre les hôpitaux publics et privés. Par contre, la LAMal fait à quelques reprises référence aux hôpitaux publics ou subventionnés par les pouvoirs publics (art. 49, al. 1 et al. 2, ainsi que art. 41, al. 3, LAMal) par opposition aux autres hôpitaux, à savoir les hôpitaux privés non subventionnés. La possibilité pour les cantons de subventionner des hôpitaux privés est donc prévue actuellement. Pour les hospitalisations hors canton nécessitées pour des raisons médicales dans des hôpitaux non subventionnés, la LAMal ne prévoit aucune réglementation particulière, à l'inverse de ce qui est le cas pour les hôpitaux publics ou subventionnés par les pouvoirs publics (art. 41, al. 3, LAMal).

213

Comparaison avec le droit cantonal

Avec l'entrée en vigueur de la LAMal, le droit cantonal ne s'applique qu'au contrôle du respect de l'obligation de s'assurer (art. 6 LAMal) et aux subsides des pouvoirs publics destinés à la réduction des primes des personnes de condition économique modeste (art. 65 et 66 LAMal).

S'agissant de l'allocation par les pouvoirs publics de subsides, sous la forme de réduction de primes, aux assurés de condition économique modeste, cette tâche incombe actuellement aux cantons et c'est à eux qu'il appartient de définir le cercle des assurés pouvant bénéficier de telles réductions, ainsi que les modalités de leur allocation (art. 65 LAMal), la dépense étant répartie entre la Confédération et les cantons (art. 66 LAMal). L'initiative n'évoque pas la question du subventionnement des personnes assurées actuellement par des assureurs LAMal, et qui de ce fait peuvent bénéficier de subsides fédéraux et cantonaux, dans l'hypothèse où ces personnes concluraient des contrats avec des institutions d'assurance privées indépendamment de la LAMal.

En se fondant sur l'art. 34bis, al. 2, cst., le législateur fédéral avait donné, dans l'ancienne loi sur l'assurance-maladie et accidents du 13 juin 1911 (LAMA), la compétence aux cantons de déclarer obligatoire l'assurance en cas de maladie. Six cantons (Tessin, Fribourg, Neuchâtel, Bâle-Ville, Vaud et Genève) avaient à l'époque introduit l'assurance obligatoire pour toute la population. Dans d'autres cantons, elle était obligatoire pour certaines catégories de personnes, notamment pour celles qui avaient un revenu modeste. Le système qui prévalait sous l'empire de la LAMA était donc hétérogène, l'assurance étant obligatoire dans certains cantons 9016

et laissée au libre choix des personnes dans d'autres. Il est important de préciser que le nouvel article constitutionnel proposé par les auteurs de l'initiative ne permettrait pas un retour à la situation immédiatement antérieure à l'entrée en vigueur de la LAMal. Il retire en effet aux cantons la compétence, dont ils disposaient sous l'ancien droit, d'introduire une assurance-maladie obligatoire sur leur territoire.

22

Révisions pendantes

221

Aperçu

En ce qui concerne les révisions et initiatives en cours, on relèvera d'une part les deux étapes de la première révision partielle de la LAMal, d'autre part les deux initiatives populaires de Denner SA "pour des médicaments à moindre prix" et "pour le libre choix du médecin et de l'établissement hospitalier" et enfin l'initiative du parti socialiste suisse intitulée "la santé à un prix abordable (initiative-santé)".

L'initiative du distributeur Denner SA "pour des médicaments à moindre prix" vise une baisse du prix des médicaments vendus en Suisse. Elle propose dans cette optique notamment un accès direct sur le marché suisse aux médicaments autorisés à la vente et disponibles en Allemagne, en Italie, en France et en Autriche. Elle demande en outre que le remboursement des médicaments par l'assurance-maladie sociale se limite aux médicaments les plus avantageux et aux génériques, si ces derniers existent. Dans son message du 12 mai 1999 concernant cette initiative (FF 1999 6813), le Conseil fédéral a proposé le rejet de cette dernière. Il lui a par ailleurs opposé des contre-projets législatifs qui sont actuellement en délibération au Parlement. Dans la mesure où cette initiative n'a pas de relation directe avec le contenu de l'initiative qui fait l'objet du présent message, elle ne sera pas examinée de manière plus approfondie dans le cadre d'un chapitre. L'initiative "pour le libre choix du médecin et de l'établissement hospitalier" exige que les assurances de base obligatoires garantissent aux patients, dans toute la Suisse, le libre choix du médecin et de l'établissement hospitalier, ainsi que la couverture des coûts.

La première étape de la première révision partielle de la LAMal contient, pour sa part, des mesures visant en particulier à renforcer la solidarité entre assurés. Le message portant sur cette première étape et qui concerne l'arrêté fédéral sur les subsides fédéraux dans l'assurance-maladie et la révision partielle de la loi fédérale sur l'assurance-maladie a été adoptée par le Conseil fédéral le 21 septembre 1998 (FF 1999 727). Il est actuellement en délibération au Parlement.

Le Conseil fédéral a mis en consultation, du 8 mars au 23 avril 1999, un projet relatif à la deuxième étape de la révision partielle de la LAMal dans lequel il se prononce en faveur d'une réglementation
unifiée du financement des traitements hospitaliers. Cette deuxième étape vise pour l'essentiel à élaborer les bases d'une nouvelle réglementation du financement des hôpitaux.

Enfin, l'initiative "La santé à un prix abordable (initiative-santé)" tend à garantir à toute personne assurée l'accès à une couverture sanitaire avantageuse et de haute qualité qui tienne compte des besoins effectifs de la population. La proposition des initiants consistant à faire dépendre les primes du revenu conduirait à un effet de redistribution dans la mesure où des assurés économiquement plus forts auraient à payer des primes plus élevées que des assurés économiquement moins aisés.

9017

222

Révision partielle de la LAMal dans le domaine du financement des hôpitaux

Dès l'entrée en vigueur de la LAMal, un désaccord est apparu entre les cantons et les assureurs au sujet de l'interprétation à donner à la disposition de la LAMal relative à la prise en charge des frais occasionnés par une hospitalisation en dehors du canton de résidence due à des raisons médicales (art. 41, al. 3, LAMal). Il s'agissait de savoir si le canton est tenu de contribuer aux traitements effectués en dehors de son territoire quelle que soit la division hospitalière dans laquelle est entrepris le traitement.

Dans deux arrêts de principe des 16 et 19 décembre 1997, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a considéré, sur la base de l'art. 41, al. 3, LAMal, que lors d'un séjour effectué en division privée ou semi-privée d'un hôpital public ou subventionné par les pouvoirs publics situé hors du canton de résidence de l'assuré et nécessaire pour des raisons médicales, le canton de résidence de l'assuré devait contribuer à la prise en charge de ce séjour dans la même proportion que s'il avait été effectué en division commune (ATF 123 V 290 ss, 310 ss). Quand un établissement hospitalier n'a pas de division commune, ce sont les tarifs de référence qui sont applicables.

Le TFA fonde notamment sa décision sur le fait que l'assurance obligatoire des soins prend en charge, en cas de séjour en division (demi-) privée, le montant qui aurait été dû si le séjour avait eu lieu dans la division commune d'un hôpital subventionné.

Il n'y a donc pas de raison pour que le canton, dans les mêmes circonstances, refuse de participer de la même manière. Le TFA ne s'est par contre pas exprimé sur la question de savoir si les cantons doivent également contribuer aux frais d'hospitalisation des assurés se trouvant dans des hôpitaux publics ou subventionnés par les pouvoirs publics, en division privée ou semi-privée, à l'intérieur du canton. Cette question est traitée dans la première révision partielle de la LAMal, dans le cadre de sa seconde étape consacrée au financement des hôpitaux.

Selon le paragraphe 5 de l'art. 34, al. 2, cst., proposé par l'initiative, si, pour des raisons médicales, un assuré doit être traité hors de son canton de résidence, ce canton reçoit la contribution de 250 francs de l'assureur et il demeure libre de passer un autre accord avec l'hôpital ou le canton en question. De surcroît,
les dispositions transitoires de la constitution devraient être complétées dans le sens que toutes les dispositions légales ou réglementaires qui seraient contraires à la disposition constitutionnelle requise par l'initiative devraient être abrogées. Cela signifie que, si l'initiative "pour des coûts hospitaliers moins élevés" était acceptée, les modifications éventuellement apportées au préalable dans le cadre d'une deuxième étape de la première révision partielle ne pourraient pas être appliquées puisqu'elle serait en contradiction avec l'initiative "pour des coûts hospitaliers moins élevés". Seraient notamment concernés l'art. 41 LAMal qui règle le choix du fournisseur de prestations et la prise en charge des coûts ainsi que l'art. 49 LAMal qui règle la rémunération des traitements hospitaliers.

223

Rapport avec l'initiative populaire "pour le libre choix du médecin et de l'établissement hospitalier"

L'initiative populaire fédérale "pour le libre choix du médecin et de l'établissement hospitalier", lancée par un comité composé de représentants des cliniques privées, a 9018

été déposée le 23 juin 1997. Par décision du 15 décembre 1997, la Chancellerie fédérale a constaté que cette initiative avait abouti (FF 1997 IV 1457). L'initiative a fait l'objet d'un message du 14 juin 1999 du Conseil fédéral dans lequel celui-ci recommande son rejet.

L'initiative susmentionnée demande l'inscription dans la constitution du droit des assurés au libre choix du médecin et de l'établissement hospitalier sur tout le territoire suisse en cas de maladie et d'accident ainsi que de la couverture des coûts dans le cadre des prestations reconnues par l'assurance-maladie obligatoire. L'initiative "pour le libre choix du médecin et de l'établissement hospitalier", contrairement à celle "pour des coûts hospitaliers moins élevés", ne modifie pas l'art. 34bis, al. 2, cst.

et par conséquent ne remet pas en cause le caractère obligatoire de l'assurancemaladie, ni d'ailleurs celui de l'assurance-accidents.

224

Rapport avec l'initiative populaire "La santé à un prix abordable (initiative-santé)"

L'initiative populaire fédérale "La santé à un prix abordable", lancée par le Parti socialiste suisse (PS), a été déposée le 9 juin 1999. Par décision du 4 août 1999, la Chancellerie fédérale a constaté que cette initiative avait abouti (FF 1999 6586).

L'initiative veut remplacer les primes par tête en vigueur par des cotisations fixées en fonction des ressources financières des personnes assurées. Le financement devrait provenir au moins pour moitié de la cotisation fixée en fonction du revenu et de la fortune, ce qui pourrait entraîner un accroissement de la charge des primes pour certaines parties de la population, et pour l'autre moitié, de l'augmentation du taux de la TVA. En outre, l'initiative exige de la Confédération et des cantons qu'ils veillent à la maîtrise des coûts. Ainsi, elle donne à la Confédération le mandat de réglementer la médecine de pointe, de coordonner les planifications sanitaires des cantons, de déterminer le prix maximum des prestations de l'assurance obligatoire en cas de maladie, en y incluant les médicaments, d'édicter des dispositions concernant les autorisations accordées aux fournisseurs de prestations, de veiller à un contrôle efficace de la qualité et, enfin, lorsque le volume des prestations fournies est excessif, d'édicter par branche et par région des mesures complémentaires tendant à la maîtrise des coûts. L'initiative, dans les dispositions transitoires de la constitution qu'elle entend compléter, s'oppose en outre fermement à une baisse des prestations des pouvoirs publics. Selon les auteurs de l'initiative, ces mesures allégeraient la charge financière pour 85 % des personnes assurées.

L'initiative-santé et l'initiative "pour des coûts hospitaliers moins élevés" ont toutes deux pour objectifs de freiner l'augmentation des coûts dans le domaine de la santé et même de les réduire. Les moyens proposés sont toutefois fondamentalement différents. Ainsi, l'initiative-santé, à la différence de celle "pour des coûts hospitaliers moins élevés", ne remet pas en cause le caractère obligatoire de l'assurancemaladie que ce soit pour les soins hospitaliers ou ambulatoires. Elle n'offre en outre pas aux assurés la possibilité de choisir leur partenaire contractuel entre un assureur au sens de la LAMal et un assureur privé qui ne serait pas soumis à la LAMal. Par
ailleurs, contrairement à l'initiative de Denner SA, celle du PS donne à la Confédération de nouvelles compétences. Elle lui permet notamment de coordonner les planifications sanitaires des cantons et par là d'éviter les infrastructures sanitaires inutiles dans l'hypothèse où par exemple deux cantons n'arriveraient pas à 9019

s'entendre. A cet égard, l'initiative de Denner SA ne prévoit que l'obligation pour les cantons de veiller, au besoin en collaborant avec d'autres cantons, à ce que leurs habitants disposent du nombre de lits nécessaire en division commune, demi-privée et privée.

23

Appréciation de l'initiative

231

Liberté de contracter avec un assureur privé en dehors de la LAMal

L'initiative prévoit tout d'abord que la conclusion d'une assurance en cas de maladie n'est pas obligatoire, sauf pour la couverture de l'hospitalisation. C'est dire que, en cas d'acceptation de l'initiative, les personnes qui désireraient s'assurer dans les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier seraient libres de le faire auprès d'institutions d'assurance privées soumises à la seule LSA et qu'ainsi la LAMal, tel que voulue par les initiants, ne serait plus nécessairement applicable. Les initiants proposent en outre que l'assurance pour l'hospitalisation puisse être conclue dans le cadre de la LAMal ou, indépendamment de cette dernière, avec des institutions d'assurance privées soumises à la LSA et que l'obligation de verser des primes à une caisse-maladie s'éteigne dès que l'assurance privée prend effet.

Le Conseil fédéral est d'avis que cette proposition des initiants est de nature à nuire à la solidarité entre assurés, notamment entre ceux qui sont bien-portants et ceux qui ne le sont pas. La pratique parallèle à l'assurance-maladie sociale d'une assurance soumise à la LCA représente un obstacle insurmontable puisque aucune interdiction ne pourrait être faite aux institutions d'assurances privées de gérer également une assurance pour l'hospitalisation "de base". Aussi longtemps que lesdites institutions pratiqueront une assurance pour l'hospitalisation soumise à la LCA, et donc exempte de toute obligation d'ordre social, autorisant la sélection des risques ou l'introduction de réserves illimitées, les assureurs-maladie au sens de la LAMal ne pourront plus être compétitifs ni attractifs; leur assurance pour l'hospi-talisation selon la LAMal, comprenant une protection sociale, sera, à très court terme déjà, financièrement insupportable pour eux et pour les assurés. La consé-quence à moyen ou long terme, serait l'écroulement du système de l'assurance-maladie sociale.

232

Erosion de la solidarité

Le renforcement de la solidarité constitue un objectif essentiel du nouveau droit de l'assurance-maladie. La LAMal compte actuellement sur l'assurance-maladie obligatoire, laquelle couvre les soins hospitaliers, semi-hospitaliers et ambulatoires, pour instaurer une réelle solidarité entre malades et bien-portants ainsi qu'entre personnes de revenus différents. La première forme de solidarité est assurée par le libre passage intégral alors que la seconde est garantie par la prime unique fixée indépendamment de la situation financière, de l'âge, du sexe et de l'état de santé de l'assuré ainsi que par des contributions des pouvoirs publics destinées à réduire les primes des assurés de condition économique modeste.

Le fait de rendre facultative l'assurance-maladie dans les domaines ambulatoire et semi-hospitalier, comme le préconisent les initiants, saperait les bases de la solidarité entre assurés puisque ne voudraient s'assurer, dans la mesure où cela leur serait 9020

encore consenti ou qu'ils en auraient les moyens, que les personnes malades et s'en abstiendraient donc les bien-portants (voir ch. 233).

La possibilité offerte par les initiants aux assurés de conclure une assurance pour l'hospitalisation dans le cadre de la LAMal ou, indépendamment de celle-ci, avec des institutions d'assurance privées soumises à la LSA est également de nature à nuire à la solidarité entre assurés, notamment entre ceux qui sont bien-portants et ceux qui ne le sont pas. En effet, il faut considérer que les coûts diffèrent non seulement en raison du coût objectif des prestations (région, infrastructure médicale) mais également en raison de la durée d'hospitalisation des assurés. Le droit actuel, grâce à la solidarité, au libre passage et à la compensation des risques, fournit les instruments adéquats pour éviter que la prime ne soit fixée en relation avec le risque de maladie de l'assuré. Avec l'acceptation de l'initiative, tel ne serait plus le cas. Un assureur comptant dans son effectif des personnes recourant plus souvent à l'hospitalisation, devrait prendre en charge un nombre de journées d'hospitalisation supérieur par assuré par rapport à des assureurs ayant dans leur effectif des personnes en bonne santé. Dans l'hypothèse où les assureurs appliqueraient la même prime pour tous leurs assurés, on assisterait à un regroupement d'assurés sains dans les caisses sélectionnant les bons risques. Les personnes malades ou âgées se verraient offrir des primes très élevées par d'autres caisses. Il est encore plus probable que les primes varient en fonction du risque individuel, compte tenu de l'âge, du sexe et de l'état de santé. Les assurances complémentaires actuelles appliquent généralement une formule qui se trouve à mi-chemin entre ces deux possibilités. Cette situation devrait rendre les primes de l'assurance pour l'hospitalisation trop coûteuses, surtout pour les personnes âgées et les malades. Le projet des initiants d'instaurer une assurance obligatoire dans le secteur hospitalier deviendrait ainsi irréalisable (voir ch.

311 et 313).

La solidarité entre personnes de revenus différents est actuellement garantie par l'octroi de subsides de la Confédération et des cantons destinés à la réduction des primes des assurés de condition économique modeste (art. 65 et 66 LAMal). Le
système de la réduction des primes a subi, par l'introduction de la LAMal, un changement radical puisqu'il est passé d'une distribution des subsides aux caisses sans critère défini (sous l'empire de la LAMA) à celui d'un octroi ciblé, destiné aux personnes de condition économique modeste. L'initiative, qui n'a probablement pas mesuré l'impact du système qu'elle prône sur le montant des primes dans les domaines ambulatoire et semi-hospitalier mais aussi hospitalier, n'a pas abordé cette question pourtant importante. En effet, lorsque l'on songe au rôle primordial de correctif social de la réduction des primes dans le système actuel d'assurance-maladie obligatoire qui connaît pourtant la prime unique par assureur et par région, calculée indépendamment du sexe, de l'âge ou de l'état de santé de l'assuré, on peut aisément s'imaginer la nécessité et l'ampleur des subsides ou à défaut de ceux-ci ­ puisqu'ils ne sont visiblement pas prévus par les initiants ­ du recours à d'autres sources de financement (voir ch. 312 et 313).

Il ne faut pas oublier l'effet que pourrait avoir l'initiative sur la couverture accidents au sens de la LAMal. En effet, dans la mesure où aucune assurance-accidents n'en assume la prise en charge (art. 1, al. 2, let. b, LAMal), l'assurance obligatoire des soins couvre les coûts des mêmes prestations qu'en cas de maladie. Des experts s'étaient déjà exprimés à propos de la pertinence d'une telle assurance-accidents à

9021

caractère subsidiaire (cf. Rapport et projet de la Commission d'experts du 2 novembre 1990). Ils relevaient que la pratique qui consistait, sous le régime de la LAMA, à ne pas assurer systématiquement le risque accident représentait une lacune considérable dans le système de protection sociale. L'assurance-accidents subsidiaire permet ainsi actuellement aux catégories de personnes qui ne sont pas couvertes par une assurance-accidents professionnelle, comme les enfants, les femmes au foyer, les personnes âgées ou encore les personnes "entre deux emplois", de disposer automatiquement d'une couverture adéquate contre le risque accident. Cette mesure vise également à renforcer la solidarité.

233

Aucune obligation de s'assurer pour les traitements semi-hospitalier et ambulatoire

a) Protection d'assurance et prestations L'un des objectifs essentiels de la LAMal est d'assurer une couverture de l'assurance de base en cas de maladie qui soit sans lacune et accessible à tous. La LAMal a ainsi étendu sensiblement le catalogue des prestations de soins, notamment dans le domaine extra-hospitalier.

L'initiative de Denner SA "pour des coûts hospitaliers moins élevés" vise à limiter le caractère obligatoire de l'assurance en cas de maladie à la seule couverture de l'hospitalisation. Autrement dit, la conclusion d'une assurance en cas de maladie ne serait pas obligatoire pour la prise en charge des soins extra-hospitaliers, soit pour les traitements ambulatoires. Il en irait de même pour les soins semi-hospitaliers. Il serait cependant possible de conclure également une assurance facultative en cas de maladie pour la couverture des soins ambulatoires et semi-hospitaliers.

L'un des risques principaux de l'introduction d'une assurance-maladie non obligatoire dans les secteurs qui ne sont pas liés à l'hospitalisation est qu'un grand nombre de personnes ne s'assurerait pas ou ne pourrait pas s'assurer pour les cas de maladie ne nécessitant pas une hospitalisation, que ce soit pour des raisons financières, par manque d'information ou parce que les caisses-maladie ne les accepteraient pas ou alors uniquement avec des réserves d'assurance. Si l'initiative était acceptée, les patients devraient prendre en charge, faute de couverture d'assurance, les opérations chirurgicales pratiquées en milieu ambulatoire ou semi-hospitalier, les dialyses centrales (80 000 francs par année et par patient), la thérapie à l'interféron pour le traitement de la sclérose en plaques (20 000 francs par année et par patient), la thérapie à l'interféron pour le traitement de l'hépatite C chronique (5000 francs par année et par patient) ou encore les soins prodigués aux patients atteints de la maladie d'Alzheimer dans un établissement médico-social (25 000 francs par année et par patient) (source: Fédération suisse pour tâches communes des assureurs-maladie SVK). L'initiative se traduit ainsi par une absence complète de solidarité envers les personnes souffrant de maladies chroniques (diabète, pression sanguine trop élevée, rhumatisme,...) ou nécessitant des traitements de longue durée. C'est précisément cette
conséquence que la loi actuelle vise à éviter.

L'initiative ne résout aucune des questions relatives aux prestations dans les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier et seulement certaines de celles qui se posent dans le domaine hospitalier. La LAMal contient un catalogue complet, mais évolutif des prestations prises en charge par l'assurance-maladie. Les initiants ne précisent pas 9022

s'il doit être repris dans le système qu'ils conçoivent, notamment dans le cadre de l'assurance obligatoire pour l'hospitalisation (voir ch. 234.3, let. a). L'acceptation de l'initiative remettrait donc en question la couverture des prestations actuellement reconnues, lesquelles sont définies aux art. 25 à 31 LAMal. Ces prestations comprennent outre les examens, traitements et soins dispensés sous forme ambulatoire, au domicile du patient, en milieu hospitalier ou semi-hospitalier ou dans un établissement médico-social (EMS), également les analyses, médicaments et appareils diagnostiques ou thérapeutiques prescrits.

En ce qui concerne plus particulièrement les médicaments, il est important de souligner que, si l'initiative était acceptée, leur prise en charge par l'assurance obligatoire serait limitée aux seuls cas liés à l'hospitalisation. Cela signifie que le patient auquel un médecin aurait prescrit des médicaments lors d'une consultation ne pourrait plus prétendre à ce que l'assurance obligatoire lui rembourse leur prix. Il en irait de même des honoraires qui lui seraient facturés par le médecin pour la consultation.

Le patient devrait donc assumer l'intégralité de ces coûts, lesquels sont actuellement pris en charge par l'assurance-maladie sociale dans la mesure où ils ont été prescrits par un médecin et sous réserve des déductions prévues (franchise et quote-part), directement ou par le biais d'une assurance contractée à cet effet.

En cas d'acceptation de l'initiative, les prestations de soins à domicile (spitex) et celles destinées aux patients de longue durée en établissement médico-social ne seraient plus remboursées par l'assurance-maladie obligatoire. Cela aurait inévitablement deux conséquences: d'une part, une augmentation importante du traitement des patients de longue durée en milieu hospitalier, avec tout ce que cela implique au niveau des coûts de l'assurance-maladie ainsi que pour les finances cantonales (voir ch. 233, let. a et ch. 234.1, let. c); d'autre part l'impossibilité de fournir aux patients les soins nécessaires lorsque l'hospitalisation ou la prise en charge des coûts par les patients eux-mêmes n'est pas possible.

Les soins liés à la maternité entrent aussi dans le cadre des prestations prises en charge par la LAMal, aux conditions précisées dans la loi (art. 29
LAMal). Avec l'initiative et la limitation du caractère obligatoire de l'assurance-maladie à la seule hospitalisation qu'elle prône, les coûts afférents à des prestations liées à la maternité, à l'exception de l'hospitalisation elle-même, ne seraient plus obligatoirement pris en charge. En outre, les initiants ne précisent pas qui prendrait en charge les accouchements à domicile ou ceux qui sont pratiqués dans une institution de soins semihospitaliers.

La LAMal prévoit également la prise en charge par l'assurance-maladie sociale de certaines mesures de prévention. Il faut entendre par là certains examens destinés à détecter à temps les maladies ainsi que les mesures préventives en faveur d'assurés particulièrement menacés (art. 26 LAMal). L'acceptation de l'initiative aurait pour effet direct que ces examens, qui sont exhaustivement mentionnés à l'art. 12 de l'ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins du 29 septembre 1995 (OPAS; RS 832.112.31), ne seraient plus pris en charge par l'assurance-maladie obligatoire. Au nombre de ces mesures préventives, on peut citer notamment, sous réserve de certaines conditions figurant dans l'ordonnance précitée, les examens de bonne santé et de développement de l'enfant d'âge préscolaire, les examens gynécologiques, les vaccinations et rappels pour les enfants et adolescents, la vaccination contre la grippe ou contre l'hépatite B, les tests VIH, les mammographies (dépistage du cancer du sein). Or, à l'heure où le législateur examine la possibilité d'exempter de la participation aux coûts certaines mesures de prévention afin de rendre efficaces 9023

les campagnes lancées pour des dépistages précoces de maladies, comme le dépistage du cancer du sein, on constate que l'initiative en question prend diamétralement la direction opposée et que son acceptation réduirait à néant les efforts entrepris en vue d'une meilleure prévention. Il faut dès lors constater que l'économie à laquelle tendent les initiants en excluant en particulier les mesures de prévention de l'assurance-maladie obligatoire n'en serait pas une, bien au contraire.

b) Tarifs et prix des prestations/qualité des prestations La convention tarifaire doit être approuvée par le gouvernement cantonal compétent ou, si sa validité s'étend à toute la Suisse, par le Conseil fédéral. L'autorité d'approbation vérifie si la convention tarifaire est conforme à la loi et à l'équité et si elle satisfait au principe d'économie (art. 46, al. 4, LAMal). Cela signifie, d'une part, que le tarif doit être calculé sur la base des coûts (principe d'économie), tout en veillant à ce que les soins soient à la fois appropriés, de haut niveau et le plus avantageux possible (art. 43, al. 6, LAMal), et d'autre part, qu'il doit y avoir une relation entre la prestation reçue et le tarif payé par le patient (principe d'équité).

Si l'initiative était acceptée, les principes susmentionnés ne seraient plus obligatoirement applicables dans les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier de même que dans le domaine hospitalier pour les assurés qui auraient conclu une assurance pour l'hospitalisation indépendamment de la LAMal. Cela signifie d'une part que les fournisseurs de prestations des secteurs ambulatoire et semi-hospitalier pourraient pratiquer des tarifs plus élevés qu'actuellement sans qu'une autorité de contrôle puisse intervenir. Les moyens dont disposeraient les acheteurs pour influer sur les prix des fournisseurs de prestations seraient quant à eux limités par le fait que les malades ne peuvent pas renoncer à un traitement et qu'ils devraient par conséquent accepter de payer les tarifs qui leur seraient imposés, même si ceux-ci ne seraient pas calculés sur la base des coûts ou s'ils ne seraient pas en relation avec la prestation reçue. D'autre part, l'efficacité, l'adéquation, l'économicité et la qualité (art. 32 et 58 LAMal) des prestations fournies par les prestataires de soins ambulatoires, semihospitaliers
et hospitaliers, garanties actuellement dans le cadre de la LAMal, s'en trouveraient diminuées.

c) Limitation de l'accès aux soins dans les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier L'acceptation de l'initiative limiterait fortement l'accès aux soins dans les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier pour une partie importante de la population. La raison en est la déréglementation à laquelle conduirait l'exclusion des secteurs précités de l'assurance-maladie obligatoire, notamment en matière de tarifs, de prestations et de libre-passage. Une intervention massive de l'Etat pour venir en aide à cette partie de la population serait donc la seule manière de combler les lacunes du système voulu par les initiants (voir ch. 313). On peut imaginer que l'Etat ne pourrait pas se limiter à intervenir dans le cadre de l'aide sociale, notamment en raison de l'obstacle psychologique que représente pour de nombreuses personnes le recours à l'assistance publique pour se faire soigner. On pense en particulier aux personnes qui exercent habituellement une activité lucrative, qui n'ont de ce fait en principe pas de problèmes financiers, mais qui soudain ont la malchance de tomber malade et de ne pas pouvoir assumer les conséquences financières qui en résultent, notamment en raison des coûts élevés de la santé. Ces personnes pourraient ainsi être conduites à renoncer à se soigner. Dans une telle situation, il faut imaginer que les communes

9024

et les cantons développent une offre ambulatoire et semi-hospitalière parallèle à celle de la médecine libérale pour offrir des soins à des coûts plus bas, grâce notamment à des subventionnements et à des prestations médicales moins coûteuses ou en encourageant l'utilisation d'infrastructures en commun par plusieurs médecins sur le modèle des polycliniques que l'on connaît dans certaines villes suisses. Il s'agit d'un phénomène observé aussi sur le marché des soins dentaires, libre dans une large mesure. Il a été constaté en effet qu'une partie non négligeable de la population n'a pas accès à la médecine dentaire en raison de son coût très élevé. Des cantons ou des communes ont dès lors mis en place des services dentaires publics où la population peut accéder aux soins à des prix plus bas que sur le marché libre. Les initiants n'ont à l'évidence pas tenu compte de cette problématique.

Les mesures d'incitation conçues par les auteurs de l'initiative ne sont pas appropriées. En effet, en limitant le régime obligatoire de l'assurance-maladie au seul secteur hospitalier, les patients qui n'auraient pas conclu une assurance facultative couvrant les prestations ambulatoires ou semi-hospitalières s'empresseraient, vraisemblablement sur les conseils de leur médecin, d'avoir recours à davantage de traitements en milieu hospitalier, même pour des petites interventions qui pourraient sans problème être effectuées ambulatoirement ou en milieu semi-hospitalier. Ce serait notamment le cas des patients nécessitant des traitements de longue durée qui pourraient être soignés à domicile ou dans des EMS. Cela aurait pour conséquence de déplacer un bon nombre d'interventions des secteurs ambulatoire et semihospitalier plus avantageux vers le secteur hospitalier plus coûteux et de mettre ainsi en péril l'existence même des fournisseurs de prestations des secteurs ambulatoire et semi-hospitalier. Une telle évolution irait à l'encontre de celle de ces dernières années qui s'est caractérisée par une augmentation importante des traitements en milieu ambulatoire et semi-hospitalier consécutive au progrès de la technique et de la médecine; elle aurait en outre des effets négatifs sur les coûts de la santé. En effet, les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier sont comparativement et notoirement moins onéreux que le secteur
hospitalier dans la mesure où les patients qui peuvent y avoir recours, une fois le traitement administré, ne requièrent en principe ni surveillance, ni soins permanents.

234

Obligation de s'assurer pour l'hospitalisation

234.1

Obligation faite aux cantons de veiller à ce que leurs habitants disposent du nombre de lits nécessaire

a) Mise à disposition du nombre de lits nécessaire Nous rappelons que les objectifs de la planification hospitalière selon la LAMal sont l'utilisation optimale des ressources et la maîtrise des coûts, comme cela a été énoncé dans le message du 6 novembre 1991 concernant la révision de l'assurancemaladie (FF 1992 I 149) et rappelé par le Conseil fédéral dans une décision du 21 octobre 1998 (RAMA 6/1998, KV 54, p. 540), laquelle met l'accent sur la réduction des surcapacités dans le domaine des soins aigus. Les coûts résultant des surcapacités ne sont pas rémunérés par les tarifs hospitaliers dans le cadre de la LAMal (art. 49, al. 1, LAMal). Cette mesure correspond à la volonté du législateur d'éliminer les surcapacités par la planification et d'offrir ainsi une desserte hospitalière qui soit adaptée aux besoins (art. 39, al. 1, let. d, LAMal). Bien que le délai 9025

fixé aux cantons pour établir leur planification n'ait pris fin que le 1er janvier 1998, les mesures planificatrices qu'ils ont adoptées conformément à la LAMal ont déjà montré leur efficacité. Des réductions significatives du nombre de lits ainsi qu'une meilleure coordination des fournisseurs de prestations ont été observées dans les cantons, ce qui a contribué à la stabilisation des coûts dans le secteur hospitalier.

Au 3e paragraphe de l'initiative, ses auteurs précisent seulement que les cantons sont tenus de veiller à ce que leurs habitants disposent du nombre de lits nécessaire en division commune, demi-privée et privée. L'initiative ferait donc obligation aux cantons de veiller à ce que leurs habitants disposent d'un nombre minimum de lits dans chaque division. Elle n'obligerait par contre pas les cantons à limiter l'offre hospitalière à ce qui est nécessaire à la couverture des besoins. L'acceptation de l'initiative ne rendrait plus obligatoire les efforts actuels visant à éliminer les surcapacités et relancerait l'évolution des coûts notamment sous cet aspect.

b) Mise à disposition de lits par type de division Les initiants utilisent au 3e paragraphe de l'initiative les termes spécifiques de division commune, semi-privée et privée. Or, la LAMal emploie uniquement la notion de division commune, laquelle se rapporte aux prestations fournies. En effet, il est usuel que les prestations prodiguées en "division commune" représentent une partie des prestations fournies en "division semi-privée" et "privée". Il faut donc considérer la notion de "division commune" comme un ensemble de prestations hospitalières dont la couverture est garantie par l'assurance-maladie obligatoire et non pas comme un lieu géographique déterminé (ATF 123 V 290 ss, 310 ss). La LAMal oblige actuellement les cantons à couvrir les besoins en soins hospitaliers de l'ensemble de la population quelle que soit sa couverture d'assurance. Cela signifie que la planification ne peut se limiter aux seules divisions communes des hôpitaux.

Cependant, afin d'éviter les surcapacités, il faut déterminer tout d'abord les besoins enlits dans le canton de manière globale. La répartition des capacités hospitalières entre les différentes divisions est ensuite déterminée en fonction de l'offre et de la demande. Etant donné qu'aujourd'hui
les différences entre les divisions se limitent le plus souvent à la question du volume et du choix des soins ainsi qu'à celle du confort, la planification hospitalière préconisée par la LAMal est la seule méthode qui permette de déterminer une couverture des soins hospitaliers répondant aux besoins. Si la proposition des initiants signifiait que les cantons doivent veiller à mettre à disposition de leurs habitants le nombre de lits nécessaire de manière spécifique dans chacune des trois divisions, cela réduirait la flexibilité dont doivent disposer les hôpitaux pour adapter leur offre de lits entre les différentes divisions en fonction de la demande.

c) Mise à disposition de lits exclusivement pour le secteur hospitalier La loi actuelle prévoit l'obligation pour les cantons d'établir une planification hospitalière, le cas échéant conjointement avec d'autres cantons, afin de couvrir les besoins en soins hospitaliers de l'ensemble de la population (art. 39 LAMal), et ceci indépendamment de la couverture d'assurance des assurés. Actuellement les cantons procèdent également à la planification des EMS en vertu de l'art. 39, al. 3, LAMal.

Or, l'obligation de planifier, au sens que laisse supposer le texte de l'initiative, se limiterait au seul secteur hospitalier. Cela aurait pour conséquence que les cantons n'auraient plus d'obligation légale de planifier leurs besoins en EMS et d'en dresser

9026

une liste. La planification des EMS est importante dans le cadre de la mise à disposition de capacités pour les patients nécessitant des traitements de longue durée. Il s'agit d'une part d'éviter que ces patients soient hospitalisés en raison d'un manque de coordination entre la planification hospitalière et l'offre dans des EMS. D'autre part, l'offre dans les EMS doit s'adapter à l'évolution des soins à domicile (spitex).

La planification sanitaire représente aujourd'hui un élément essentiel pour la maîtrise des coûts. L'adoption de la disposition proposée par les initiants limitant la planification au seul secteur hospitalier pourrait contribuer à augmenter le nombre de patients de longue durée dans les hôpitaux. Cela serait la conséquence d'un manque de disponibilité en lits dans les EMS où lesdits patients pourraient normalement être soignés à des coûts plus bas en raison de l'infrastructure plus simple.

d) Planification limitée au nombre de lits Les initiants considèrent la question de la planification uniquement sous l'angle du nombre de lits. Dans le cadre de la LAMal, la planification est par contre à établir afin de couvrir les besoins de la population en soins hospitaliers (art. 39, al. 1, let. d, LAMal) et non pas en lits. En effet, l'expérience montre que le nombre de lits n'est qu'un facteur parmi d'autres, et qu'il doit être mis en rapport avec des éléments générateurs de coûts tels que l'infrastructure. Cette comparaison est importante pour éviter des doubles emplois, notamment dans le domaine de l'offre d'infrastructures dans la médecine de pointe. Dans ce cadre, l'attribution de mandats de prestations spécifiques aux établissements hospitaliers est de première importance. Le critère du nombre de lits pris isolément, comme le proposent les initiants, ne peut valablement ni favoriser l'utilisation optimale des ressources et la maîtrise des coûts, ni représenter pour les assurés une quelconque garantie que les besoins hospitaliers sont couverts, conformément à l'art. 39, al. 1, let. d, LAMal.

234.2

Abandon de la participation des assurés aux coûts en cas d'hospitalisation

Lors de la révision totale de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, le principe d'une participation des assurés aux coûts contribuant, à l'instar des primes et des subsides destinés à la réduction des primes, au financement de l'assurance-maladie a été maintenu (voir ch. 212.2). La raison de ce maintien avait alors clairement été énoncée (message du 6 novembre 1991 concernant la révision de l'assurance-maladie, FF 1992 I 117). Elle tient d'une part à l'importance de cette participation comme source de financement et vise d'autre part à mettre l'assuré face à ses responsabilités au moment où il décide d'avoir recours à des prestations ou d'y renoncer. L'importance de la participation des assurés aux coûts a récemment été rappelée par le Conseil fédéral à l'occasion de la première révision partielle de la LAMal (FF 1999 793). Le gouvernement a proposé à cette occasion d'interdire l'assurance de la participation en raison de l'effet de désolidarisation que cette assurance entraînerait. La participation de l'assuré représente actuellement une charge relativement faible pour lui en comparaison avec tout ce qu'il devrait financer par ses propres moyens en cas d'acceptation de l'initiative. Il devrait en effet payer une prime exorbitante pour les soins ambulatoires, semi-hospitaliers et hospitaliers, surtout s'il est âgé ou malade, voire les soins eux-mêmes dans le cas où il aurait renoncé à conclure une assurance qui les couvre (voir ch. 233).

9027

234.3

Indemnité forfaitaire unique de 250 francs pour l'hospitalisation

a) Prestations couvertes par l'indemnité forfaitaire unique de 250 francs L'initiative dispose que l'indemnité forfaitaire de 250 francs comprend l'ensemble des prestations fournies par l'hôpital, notamment les opérations, les médicaments, les radiographies et le transport du patient à l'hôpital. Etant donné que la LAMal ne s'appliquerait plus aux assurés qui ont conclu une assurance pour l'hospitalisation avec un assureur privé en dehors de son cadre et que l'initiative n'indique pas que le catalogue des prestations hospitalières LAMal doit être repris dans le système qu'elle conçoit, celui-là ne serait par conséquent plus obligatoire en cas d'acceptation de l'initiative. La voie serait ainsi ouverte pour la couverture, par les institutions d'assurance n'opérant pas dans le cadre de la LAMal, de toutes les prestations que l'hôpital voudrait bien fournir, ce d'autant plus qu'il ressort de l'initiative que la liste des prestations hospitalières comprises dans l'indemnité n'a pas un caractère exhaustif.

S'agissant de l'obligation faite aux cantons de veiller à la mise à disposition de leurs habitants d'un nombre de lits suffisant (3e paragraphe de l'initiative), les initiants ont été exhaustifs en utilisant les termes spécifiques de division commune, semiprivée et privée (voir ch. 234.1, let. b). Il n'en est pas de même dans le 4e paragraphe concernant les tarifs, ce qui pourrait occasionner des problèmes d'interprétation. Une interprétation littérale du texte donnerait à penser que l'indemnité de 250 francs couvre seulement les patients qui sont hospitalisés en division commune.

Autrement dit, l'assurance-maladie ou l'assureur privé ne devraient pas verser aux cantons ladite indemnité lorsque l'assuré est hospitalisé en division privée ou semiprivée. Cette ambiguïté n'existe pas dans la LAMal, qui mentionne uniquement la notion de division commune. A ce sujet, la jurisprudence a déjà précisé que, par "division commune", on entend l'ensemble des prestations hospitalières dont la couverture est garantie par l'assurance-maladie obligatoire, et non pas un lieu géographique déterminé.

b) Absence de relation entre le montant du tarif et les prestations fournies Pour ce qui est de l'indemnité de 250 francs par jour et par patient, qui serait applicable uniformément sur l'ensemble du territoire suisse
pour toutes les hospitalisations, les initiants font totalement abstraction, d'une part, des différences de coût de la vie entre les différentes régions du pays et d'autre part, de l'offre fournie en fonction du type d'hôpital. Sous le régime voulu par l'initiative, les partenaires tarifaires n'auraient plus la possibilité de négocier les tarifs des soins et traitements hospitaliers. Ces négociations doivent se fonder actuellement sur les règles applicables en économie d'entreprise et les principes d'économie et d'équité. Il doit finalement y avoir une relation entre les coûts liés aux prestations fournies par un hôpital et leur rémunération. Les parties à la convention et les autorités compétentes doivent veiller à ce que les soins soient appropriés et leur qualité de haut niveau, tout en étant le plus avantageux possible. L'initiative ne dit rien concernant les principes, les règles ainsi que les compétences actuellement en vigueur sous le régime LAMal (art. 49, al. 6 et 7, LAMal). Les conditions de qualité, d'adéquation, d'efficience et d'économicité des prestations prodiguées par les fournisseurs de prestations ne

9028

seraient plus réglées, ce qui aurait de graves conséquences au niveau de l'offre (voir ch. 233, let. b).

Par ailleurs, on tient actuellement compte, lors de la conclusion des conventions tarifaires ou, à défaut, lors de la fixation de tarifs par le gouvernement cantonal, du fait que les coûts par exemple d'un hôpital universitaire sont plus élevés que ceux d'un hôpital régional et que les forfaits journaliers doivent donc être calculés en conséquence. La raison en est d'une part que les cas traités dans le premier type d'hôpital sont généralement plus complexes et nécessitent le recours à des traitements plus coûteux que dans le deuxième type et d'autre part que le niveau des salaires est habituellement plus élevé dans les villes qu'à la campagne. Avec l'indemnité de 250 francs par jour proposée par les initiants, si aucune compensation n'est possible, certains hôpitaux auraient des recettes inférieures, d'autres supérieures par rapport à la situation actuelle et la relation qui existe actuellement entre les tarifs de l'assurance de base et les coûts des prestations fournies disparaîtrait. Cela signifierait d'une manière générale que l'assurance-maladie obligatoire couvrirait une part plus faible des coûts hospitaliers dans des cantons avec des prix et salaires élevés par rapport à ceux avec des prix et salaires plus bas. Le texte de l'initiative ignore également complètement ces questions.

c) Types de tarifs applicables La LAMal, à l'art. 49, al. 2, prévoit la possibilité que des prestations diagnostiques ou thérapeutiques spéciales ne soient pas comprises dans le forfait mais facturées séparément. L'objectif poursuivi par le législateur est d'offrir la possibilité de ne pas intégrer dans les forfaits des prestations rarement allouées et particulièrement coûteuses, comme des mesures spécialement compliquées ou l'utilisation d'une technologie de pointe. Les partenaires tarifaires ont ainsi la possibilité, d'une part, de combiner les avantages de cette méthode de décompte avec la méthode des forfaits, d'autre part de compenser les désavantages éventuels des deux méthodes. Les parties ont ainsi à disposition les instruments nécessaires pour aménager les tarifs d'une manière souple et susceptible d'atténuer la hausse des coûts et il leur appartient d'utiliser cette liberté d'action conformément à
l'objectif visé par l'art. 43, al. 6, LAMal (FF 1992 I 167 et 168). Tel ne serait plus le cas si l'initiative devait être acceptée. Le texte de cette dernière précise en effet que l'indemnité de 250 francs "comprend l'ensemble des prestations fournies par l'hôpital" (par. 4) et semble donc exclure de fait la possibilité d'une facturation séparée de prestations diagnostiques et thérapeutiques spéciales. L'indemnité proposée par les initiants couvre finalement un nombre de prestations supérieur à celles rémunérées par les forfaits hospitaliers actuels.

Il faut également ajouter que la LAMal admet l'application du tarif hospitalier, couvrant notamment le séjour (art. 49, al. 1 et 2, LAMal), uniquement tant que le patient a besoin, selon l'indication médicale, d'un traitement et de soins ou d'une réadaptation médicale en milieu hospitalier. Si cette condition n'est pas remplie, le tarif pour les EMS selon l'art. 50 est applicable (art. 49, al. 3, LAMal). Pour les séjours de longue durée, soit dans les EMS, soit à l'hôpital, dans le cas où la condition énoncée ci-dessus n'est pas remplie, l'assurance-maladie n'assume pas les frais d'hôtellerie. En cas d'acceptation de l'initiative, les assureurs devraient verser un montant de 250 francs aussi pour les patients hospitalisés et nécessitant des traitements de longue durée. Cela entraînerait inévitablement des coûts supplémentaires pour l'assurance-maladie obligatoire pour ce type de patients par rapport à la situa9029

tion actuelle. Il faut aussi prévoir que les hôpitaux développent leur offre pour accueillir ce type de patients qui, dans le cadre de la LAMal, peut parfaitement être soigné à domicile ou dans un EMS.

d) Application du tarif par catégorie d'hôpitaux L'indemnité forfaitaire de 250 francs proposée par l'initiative représenterait le montant global par journée d'hospitalisation à la charge de l'assurance-maladie en cas d'acceptation de l'initiative. Les forfaits hospitaliers actuels comprennent par contre la participation des assurés aux coûts; ils ne couvrent cependant pas les prestations diagnostiques ou thérapeutiques spéciales si celles-ci sont facturées à part.

Les comparaisons qui suivent ne tiennent pas compte de ces différentes définitions des tarifs.

Nous avons déjà relevé (voir let. b) que l'indemnité de 250 francs serait d'autant plus insuffisante que les cas traités par l'hôpital seraient graves et donc coûteux.

Selon la moyenne pondérée d'un échantillon d'institutions dont les tarifs sont publiés dans le classeur "Taxes journalières des hôpitaux" du Concordat des assureursmaladie suisses (1999), on estime actuellement à un montant d'environ 330 francs par jour et par patient le tarif moyen appliqué dans les hôpitaux universitaires et de soins généraux (selon les catégories d'hôpitaux 1 à 6 de la typologie VESKA). Or, ces hôpitaux facturent les 2/3 des journées d'hospitalisation. C'est dire qu'en cas d'acceptation de l'initiative, ces hôpitaux recevraient un financement de l'assurancemaladie obligatoire beaucoup moins important par journée et par patient qu'actuellement. La qualité des soins et les finances cantonales, sous l'angle du subventionnement aux établissements hospitaliers, en seraient les premières affectées. La définition des hôpitaux et autres institutions au sens de la LAMal comprend aussi les établissements et celles de leurs divisions qui servent à l'exécution, en milieu hospitalier, de mesures médicales de réadaptation ou aux traitements psychiatriques (art. 39, al. 1, LAMal), lesquels facturent le 1/3 des journées d'hospitalisation restantes. Selon la moyenne pondérée tirée de la source précitée, nous avons estimé que le tarif moyen pour le secteur de la psychiatrie (catégories d'hôpitaux 31, 32) devrait être inférieur à 200 francs, alors que celui de la réadaptation
(catégories d'hôpitaux 14, 16) devrait se situer entre ce dernier et le tarif moyen estimé pour les hôpitaux universitaires et de soins généraux.

e) Evolution des coûts hospitaliers et des systèmes de tarification Les progrès de la médecine ont allongé considérablement l'espérance de vie, ce qui a pour effet d'augmenter le nombre de personnes âgées et de rendre les prestations offertes de plus en plus performantes et coûteuses. S'il y a quelques dizaines d'années il était relativement peu fréquent d'opérer les personnes souffrant d'une insuffisance coronarienne, aujourd'hui les opérations à coeur ouvert sont courantes et indiquées pour un nombre croissant de patients. Vraisemblablement, cette tendance se renforcera et apparaîtra aussi dans d'autres spécialités. En fixant l'indemnité à 250 francs par jour et par personne, indexée sur l'indice des prix à la consommation, l'initiative ne tient pas compte du fait que, dans les années à venir, les prestations fournies par cas d'hospitalisation seront de plus en plus complexes et coûteuses, permettant ainsi d'améliorer la durée et la qualité de vie de la population.

9030

L'indemnité proposée par les initiants ne tient pas non plus compte du fait que les progrès de la médecine permettent de réduire la durée des séjours hospitaliers. D'un point de vue purement arithmétique, cette diminution a pour conséquence que les coûts d'hospitalisation liés aux examens d'entrée et à l'opération sont répartis sur un nombre de journées toujours plus petit, ce qui augmente logiquement le coût de la journée d'hospitalisation. En fixant une indemnité non négociable de 250 francs, indexée sur l'indice suisse des prix à la consommation, l'initiative méconnaît cet aspect. Son acceptation inciterait les hôpitaux à réduire la durée d'hospitalisation dans une mesure moindre que ce que les progrès de la médecine permettraient normalement. Le potentiel d'économie que pourrait engendrer cette diminution pour le système de santé (en matière de soins, de personnel et d'hôtellerie), mais également pour l'économie (en termes de journées d'absence au travail) ne pourrait donc plus être exploité entièrement. L'initiative réduirait aussi à néant les efforts entrepris par certains partenaires tarifaires dans les conventions pour dissocier la question de la rémunération de celle du nombre de journées d'hospitalisation et éviter par là un prolongement de la durée des séjours en milieu hospitalier pour des raisons de financement. Nous pensons à cet égard aux forfaits par cas ou par division.

f) Plafonnement tarifaire et financement des coûts restants Si l'initiative était acceptée, le financement par l'assurance-maladie obligatoire de la journée de traitement hospitalier, selon la définition de la LAMal (art. 39, al. 1, LAMal), c'est-à-dire pour le traitement des maladies aiguës, la réadaptation et la psychiatrie ensemble, passerait de la valeur moyenne actuelle que nous avons estimée à 300 francs au montant de 250 francs proposé par les initiants. Cela signifierait une diminution de la part de l'assurance obligatoire au financement des frais hospitaliers. Par la suite, la proportion de financement par l'assurance-maladie obligatoire devrait continuer à diminuer progressivement. En effet, avec le temps, il y aurait un décalage croissant entre l'indemnité fixe de 250 francs à verser par l'assurancemaladie ou l'assureur privé, laquelle serait indexée uniquement sur l'indice suisse des prix à la consommation,
et les coûts réels des traitements par journée qui augmentent dans une proportion plus grande, notamment en raison des progrès de la médecine. Pour l'assurance-maladie, cela ne signifierait pas nécessairement moins de charges par rapport à la situation actuelle, étant donné que le nombre de journées d'hospitalisation augmenterait. Pour ce qui est des pouvoirs publics, cela entraînerait inévitablement une augmentation toujours plus importante du subventionnement des hôpitaux publics pour combler le déficit de financement et, partant, assurer leur survie ainsi que leur mission de service public.

Les initiants n'indiquent par ailleurs pas comment les établissements privés compenseraient le manque à gagner résultant de la différence entre les coûts effectifs des prestations et la participation de 250 francs que devraient verser les assureurs en cas d'acceptation de l'initiative. On peut imaginer que les patients au bénéfice d'une assurance complémentaire d'hospitalisation pourraient financer les coûts qui ne seraient pas couverts par l'assurance obligatoire et s'assurer ainsi l'accès aux hôpitaux privés. Les initiants n'ont pas prévu de financement permettant le maintien d'une offre hospitalière privée pour les patients avec uniquement une assurance obligatoire. La LAMal rend possible cette offre par la garantie du financement des hospitalisations aussi dans la division commune d'institutions non subventionnées, pour lesquelles elle admet, notamment si les conditions de transparence des coûts

9031

sont satisfaites, que les coûts imputables soient couverts entièrement par l'assurance de base (voir let. g).

g) Accès aux soins dans le canton L'art. 49, al. 1, 2e phrase, LAMal limite la part des coûts à financer par l'assurancemaladie sociale dans les hôpitaux publics ou subventionnés par les pouvoirs publics à 50 % des coûts imputables dans la division commune. L'hôpital privé non subventionné par les pouvoirs publics ne tombe pas sous le coup de la règle des 50 % de l'article précité. Dans ce cas, le tarif à fixer, soit la participation de l'assurancemaladie obligatoire doit permettre de couvrir la totalité des coûts imputables dans la division commune de l'hôpital privé concerné, c'est-à-dire prendre en compte les frais d'exploitation ainsi que ceux d'investissement, à l'exclusion des coûts relatifs à la recherche, à la formation et aux surcapacités qui doivent être supportés par l'hôpital lui-même (Jurisprudence publiée dans RAMA 4/1997, KV 8, p. 234 ss). Le financement du séjour des assurés en division commune est ainsi en principe assuré dans tous les types d'hôpitaux, notamment si la condition de transparence des coûts est satisfaite. Si l'initiative était acceptée, le financement des coûts excédant les 250 francs par jour pour le séjour dans des hôpitaux privés de patients assurés pour la seule division commune ne serait plus possible. Dans l'hypothèse où un hôpital privé serait le seul établissement hospitalier dans une région périphérique, il ne pourrait plus être mandaté dans le cadre de la planification hospitalière, comme c'est le cas actuellement, pour couvrir les besoins hospitaliers de base des patients de la région disposant uniquement d'une assurance-maladie obligatoire. Dans ce cas, l'égalité de traitement des patients ne serait pas assurée, puisque les habitants de régions périphériques ayant dans les environs de leur domicile uniquement un hôpital privé seraient pénalisés par rapport aux habitants des centres disposant d'un hôpital public. L'initiative exige d'une part, que les cantons veillent à ce que les habitants disposent du nombre de lits nécessaire (par. 3), mais d'autre part elle ne propose aucune solution pour leur permettre de faire appel aux hôpitaux privés dans le cadre de la mise à disposition des lits pour des patients disposant uniquement d'une assurance-maladie
obligatoire.

h) Accès aux soins hors canton De nombreux assurés doivent, pour des raisons médicales, se rendre hors de leur canton de domicile pour se faire soigner dans des hôpitaux universitaires ou dans des hôpitaux qui sont mieux équipés. Les soins fournis à ces patients sont généralement plus complexes et coûteux que ceux qui sont pratiqués en moyenne dans les hôpitaux du canton de domicile.

En ce qui concerne la prise en charge par l'assurance-maladie des séjours hospitaliers effectués par des assurés hors de leur canton de résidence, l'initiative prévoit un rôle d'intermédiaire du canton de domicile, qui recevrait l'indemnité de 250 francs de l'assureur, tout en demeurant libre de passer un autre accord avec l'hôpital hors canton où le patient est ou a été hospitalisé, ou avec le canton où est situé cet hôpital (par. 5). Le texte de l'initiative ne fournit aucune indication sur "l'autre accord" que le canton de domicile de l'assuré pourrait passer avec un hôpital extracantonal ou avec le canton où cet hôpital se trouve. La question de l'accueil des patients en division commune se poserait si le canton de domicile du patient ne parvient pas à un accord avec l'hôpital ou le canton en question pour financer les coûts du traite-

9032

ment hospitalier excédant les 250 francs proposés par l'initiative. Les hospitalisations hors canton sont actuellement régies par la LAMal, qui prévoit d'une part un tarif calculé sur la base des coûts de l'hôpital (art. 49, al. 1, LAMal) et, d'autre part, une réglementation précise en matière de prise en charge par le canton de domicile des coûts facturés par l'hôpital subventionné et non couverts par l'assurancemaladie de base (art. 41, al. 3, LAMal).

S'agissant des hôpitaux privés, l'indemnité de 250 francs proposée par les initiants serait versée directement par l'assureur à l'hôpital où le patient a séjourné (voir par. 6); par conséquent le canton ne jouerait plus le rôle d'intermédiaire. De toute évidence, l'accueil de patients dans des hôpitaux situés hors canton pour lesquels le financement de la part des coûts excédant les 250 francs par jour proposés par l'initiative n'est pas couvert par une assurance complémentaire serait fortement compromis.

Dans le cadre de la LAMal, la prise en charge des hospitalisations hors canton pour des raisons médicales dans des hôpitaux non subventionnés est, pour autant que la condition de transparence des coûts soit satisfaite, garantie entièrement par l'assurance de base pour le patient disposant exclusivement d'une couverture d'assurance obligatoire (art. 49, al. 1, LAMal). En cas d'acceptation de l'initiative, le canton de domicile du patient pourrait prendre en considération des institutions privées hors canton, pour couvrir les besoins en soins de ses ressortissants qui ne seraient pris en charge que par l'assurance obligatoire, uniquement en leur octroyant des subventions, ce qui n'est pas nécessaire aujourd'hui. Si l'initiative était acceptée, il ne serait pourtant pas obligé de le faire et la voie serait ouverte à une limitation de la marge de manoeuvre des cantons pour collaborer dans la mise à disposition de lits pour des patients n'ayant que la couverture d'assurance obligatoire. Sur ce point également, le Conseil fédéral ne peut que constater l'incohérence du texte de l'initiative, qui, au paragraphe 3, prône cette collaboration.

i) Incitation à l'accroissement de l'offre en traitements hospitaliers peu complexes S'agissant de l'offre de prestations pour des patients qui n'ont conclu qu'une assurance pour l'hospitalisation obligatoire, les
hôpitaux privés seraient incités à réorienter leur activité vers des domaines où les coûts par journée sont plus bas (réadaptation, psychiatrie, soins aigus de base) portant sur des cas simples et soins de longue durée de manière à obtenir le meilleur financement des coûts possible par l'indemnité de 250 francs.

j) Formes particulières d'assurance/maîtrise des coûts Dans le cadre des formes particulières d'assurance, la LAMal (art. 41, al. 4, et 62, al. 1) permet la sélection de l'offre basée sur le prix. Dans le cadre des HMO, l'assureur peut offrir une réduction de primes aux patients qui acceptent de restreindre leur choix quant aux fournisseurs de prestations. A ces conditions, l'assureur peut notamment influer sur les tarifs des hôpitaux qui, pour s'assurer la demande, sont contraints de se faire concurrence sur le plan de l'efficience ou du prix. Avec un tarif fixe de 250 francs par journée de soins, l'initiative enlève à l'assuré et à l'assureur-maladie toute possibilité d'influer sur le marché de l'offre hospitalière.

En cas d'acceptation de l'initiative, les mesures de maîtrise des coûts prévues par la LAMal ne seraient plus contraignantes. Or, l'efficacité desdites mesures influence fortement l'évolution des coûts qui est actuellement sous contrôle dans le domaine 9033

hospitalier; ainsi, on a eu une augmentation des coûts de 1,3 % en 1997 et une diminution de 1,4 % en 1998 (source: Statistique de l'assurance-maladie, chiffres provisoires 1998, OFAS) grâce notamment à la mise en place de planifications hospitalières dans les cantons.

3

Effets de l'initiative

31

Conséquences financières et effets sur l'état du personnel

311

Répercussions sur l'assurance-maladie

Le potentiel d'économies réalisable grâce au progrès de la médecine, qui offre aux fournisseurs de prestations une possibilité croissante de traiter leurs patients en milieu ambulatoire et semi-hospitalier, ne pourrait pas être exploité en cas d'acceptation de l'initiative. En effet, les patients qui n'auraient pas conclu une assurance adéquate prenant en charge les traitements ambulatoires ­ soins à domicile et dans les EMS inclus ­ et semi-hospitaliers s'empresseraient de recourir à davantage de traitements en milieu hospitalier dans la mesure où, dans le cadre de l'initiative, ces derniers sont pris en charge dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins. Cela aurait pour effet direct de déplacer un certain nombre d'interventions des secteurs ambulatoire et semi-hospitalier plus avantageux en direction du secteur hospitalier notoirement plus coûteux. Indirectement ce déplacement compromettrait l'existence même des fournisseurs de prestations du secteur non hospitalier.

Il ressort des données fournies par les assureurs-maladie que ce sont notamment des hôpitaux de réadaptation et les hôpitaux psychiatriques qui ont des tarifs inférieurs aux 250 francs par journée et par patient proposée par l'initiative. C'est donc logiquement dans les secteurs de la réadaptation et de la psychiatrie que le financement des coûts par l'indemnité serait le plus élevé. L'acceptation de l'initiative devrait également conduire les cliniques privées en particulier à réorienter leur offre aux patients qui n'ont conclu qu'une assurance obligatoire pour l'hospitalisation vers des prestations bon marché, autrement dit vers des prestations pour lesquelles elles pourraient obtenir le meilleur financement possible de leurs coûts par l'indemnité de 250 francs, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la qualité et la quantité des prestations fournies (voir ch. 234.3, let. i).

Pour les raisons susmentionnées, il est difficile de déterminer si, dans l'immédiat, l'acceptation de l'initiative conduirait à une diminution ou à une augmentation des coûts de l'assurance-maladie pour le secteur hospitalier. D'une part, le tarif uniforme de 250 francs par jour et par patient proposé par les initiants est inférieur à la moyenne des tarifs hospitaliers journaliers actuels, que nous avons estimée à environ 300 francs,
toutes catégories d'hôpital confondues, ce qui va dans le sens d'une diminution de la part de couverture par l'assurance-maladie obligatoire des coûts hospitaliers (voir ch. 234.3, let. f). Il en résulte cependant une augmentation de coûts à financer par l'impôt et les assurances complémentaires. D'autre part, l'augmentation prévisible des journées d'hospitalisation, provoquée par le déplacement attendu des patients vers ce secteur qui serait couvert par l'assurance-maladie obligatoire, devrait logiquement conduire à une augmentation des journées d'hospitalisation à la charge de l'assurance-maladie. De manière générale, le Conseil fédéral estime que l'importance du bilan pour l'assurance-maladie obligatoire au niveau des frais hospitaliers devrait de toute manière être relativisée à deux égards. D'une part, par 9034

rapport aux effets pervers de l'initiative sur les coûts hospitaliers considérés globalement, notamment en raison des coûts supplémentaires à la charge de l'assurécontribuable (voir ch. 313), d'autre part surtout par rapport aux conséquences extrêmement graves qu'aurait la proposition des initiants sur les secteurs ambulatoires et semi-hospitaliers. Les dépenses pour les traitements hospitaliers à la charge de l'assurance-maladie obligatoire représentaient en 1996 environ 10 % de l'ensemble des coûts du système de santé suisse, lesquels se montent à environ 38 milliards (cf.

Statistiques des assurances sociales suisses 1999, OFAS, p. 120). Il apparaît cependant qu'en ce qui concerne spécifiquement les prestations prises en charge par l'assurance-maladie obligatoire, les coûts hospitaliers représentent actuellement environ 25 % des dépenses à la charge de l'assurance-maladie obligatoire (Statistiques de l'assurance-maladie, chiffres provisoires 1998, OFAS). Cela signifie que, en cas d'acceptation de l'initiative, 75 % des dépenses globales actuellement à la charge de l'assurance-maladie sociale ne seraient plus couvertes. C'est justement dans les domaines où le financement par l'assurance-maladie sociale est le plus important que l'initiative engendre de nombreuses incertitudes. On ne peut en outre pas supposer une stabilité des coûts, notamment en raison de la déréglementation en matière de contrôle de l'Etat sur les conventions (voir ch. 233, let. b) qui pourrait conduire à une augmentation des prix et des tarifs. En outre, le transfert des secteur ambulatoire et semi-hospitalier dans le cadre facultatif aurait pour effet que le risque serait reporté sur l'assuré, avec les conséquences déjà relevées au niveau des coûts et de l'accès aux soins.

En ce qui concerne les assureurs, l'absence de solidarité et en particulier la perte de possibilité de libre passage (voir ch. 232), auxquelles conduirait l'acceptation de l'initiative, entraîneraient vraisemblablement des regroupements d'assurés avec risque de maladies comparables dans une même caisse ­ avec des primes très élevées dans les caisses avec mauvais risques ­ ou, ce qui est plus probable, des primes individuelles liées au risque. Dans l'hypothèse où l'assuré conclurait une assurance indépendamment de la LAMal avec une institution d'assurance
privée, les assureurs travailleraient dans un marché comparable à celui des assurances complémentaires actuelles que ce soit dans le cadre des assurances facultatives dans les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier ou dans le cadre de l'assurance obligatoire pour l'hospitalisation. Dans un tel marché, l'absence d'un catalogue des prestations entraînerait dans les domaines ambulatoire et semi-hospitalier en particulier une diversification des prestations offertes par les assureurs.

312

Conséquences pour la Confédération

Actuellement les subsides de la Confédération, dont la part qui revient à chaque canton est calculée d'après sa population résidante, sa capacité financière et sa prime moyenne, sont d'abord versés aux cantons. Ces derniers apportent ensuite leur contribution en complétant lesdits subsides. L'apport global des cantons correspond, au minimum, à la moitié des subsides fédéraux.

L'acceptation de l'initiative aurait certainement des répercussions sur le système actuel de réduction des primes de l'assurance-maladie par les subsides des pouvoirs publics, subsides destinés exclusivement à réduire les cotisations individuelles des assurés de condition économique modeste. Dans cette éventualité, il faut se demander si le système serait maintenu ou pourrait être remplacé par un autre, étant donné

9035

que la LAMal ne serait plus nécessairement applicable et que donc la Confédération et les cantons ne seraient plus obligés de mettre à la disposition des personnes actuellement subventionnées des montants dans le but de réduire leurs primes.

L'initiative aurait des conséquences particulièrement graves pour les personnes de situation économique modeste, ainsi que pour les personnes faisant partie des classes à risque et qui devraient payer, en raison de la désolidarisation découlant de l'initiative, des primes très élevées, sans que la Confédération et les cantons ne soient encore obligés de les subventionner afin de réduire le montant de leurs primes. L'initiative abroge en effet les bases juridiques de cette obligation et n'apporte aucun élément de réponse quant à la question de savoir si des subventions devraient encore être allouées aux personnes de condition économique modeste, notamment lorsqu'elles auraient conclu des assurances facultatives pour les prestations ambulatoires et semi-hospitalières. Même si la Confédération et les cantons étaient malgré tout prêts à mettre à disposition des moyens financiers pour des subsides, on peut cependant s'attendre à un accroissement des frais administratifs engendré par l'établissement et l'application de nouvelles règles d'attribution des subsides qui tiendraient compte des particularités d'un système où coexisteraient une assurance à caractère social et une assurance soumise aux règles de l'économie privée.

313

Conséquences pour les cantons

L'abandon du caractère obligatoire de l'assurance-maladie dans les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier amènerait, entre autres, les personnes en bonne santé ou aux revenus importants à ne plus s'assurer, les assureurs à introduire des réserves d'assurance en fonction de l'état de santé et les autorités cantonales à ne plus avoir de compétence dans l'approbation des conventions tarifaires, ce qui pourrait conduire les fournisseurs de prestations à pratiquer des tarifs plus élevés qu'actuellement. Des primes très élevées dans les caisses d'assurés à mauvais risques ou, ce qui est plus probable, des primes individuelles liées aux risques obligeraient de nombreuses personnes de condition économique modeste ou malades à renoncer, pour des raisons purement financières, à la couverture, devenue facultative, des traitements ambulatoires et semi-hospitaliers, mais aussi à des mesures diagnostiques ou de prévention. Elles ne disposeraient de ce fait plus d'une couverture suffisante dans les cas de maladies ne nécessitant pas une hospitalisation. Pour les mêmes raisons, ces personnes devraient recourir aux pouvoirs publics pour payer les primes de l'assurance obligatoire en cas d'hospitalisation.

Dans ces conditions, il pourrait arriver facilement qu'une personne ne disposant pas de couverture d'assurance pour les traitements ambulatoires et semi-hospitaliers soit obligée de faire appel à l'aide sociale pour la prise en charge de ceux-ci, dans la mesure où ils seraient particulièrement onéreux. Il pourrait en aller de même pour la prise en charge du traitement d'une maladie soumise à une réserve d'assurance dans le cadre d'une assurance facultative et qui engendrerait des coûts tels que la personne atteinte dans sa santé ne pourrait les assumer personnellement. Etant donné que la proportion de la population touchée par des problèmes d'accès aux soins serait loin d'être négligeable en cas d'acceptation de l'initiative, l'Etat ne pourrait limiter son intervention à l'aide sociale. Il devrait probablement mettre en place une offre sanitaire parallèle au marché libre, par exemple des services ambulatoires (voir ch. 233, let. c).

9036

L'acceptation de l'initiative entraînerait dès lors pour les cantons non seulement un nouvel et important engagement financier dans les secteurs ambulatoire et semihospitalier, mais également une augmentation des dépenses dans le domaine hospitalier. Dans la mesure où, comme on l'a déjà vu, les médecins et les patients préféreraient l'hospitalisation pour obtenir la couverture d'assurance, les cantons devraient faire face à des coûts supplémentaires en matière d'investissements et de charges d'exploitation hospitaliers. Les cantons devraient en effet prendre en charge de nombreux patients qui auparavant étaient traités en milieu ambulatoire ou semihospitalier (voir ch. 233, let. c).

La Confédération et les cantons ne seraient plus nécessairement obligés de fournir des subsides pour la réduction des primes des assurés de condition économique modeste en cas d'acceptation de l'initiative. Nous avons vu que l'intervention des collectivités publiques, pour garantir un minimum de soins à la population ne disposant pas des ressources suffisantes pour se soigner, pourrait prendre plusieurs formes (voir ch. 233, let. c) et qu'il faudrait aussi réduire les primes par des subsides pour les personnes de situation économique modeste, ainsi que pour les personnes faisant partie des classes à risque.

L'application des dispositions de l'initiative engendrerait donc des charges supplémentaires pour les cantons, que ce soit au niveau de l'aide sociale, du financement de l'offre de prestations ambulatoire et semi-hospitalière ou d'un engagement financier plus important dans le domaine hospitalier. Ce qui ne serait plus financé par les primes serait donc à la charge du patient, par le paiement direct des prestations médicales qu'il reçoit et du contribuable par la voie fiscale. Cette situation serait particulièrement dangereuse si l'on considère la situation actuelle des finances cantonales et les limites de la mise à contribution de l'assuré-contribuable. En cas d'acceptation de l'initiative, les coûts occasionnés par la maladie seraient de toute façon payés par le patient soit directement, soit par ses cotisations, soit sous forme d'impôts. L'initiative aurait pour effet de transférer une partie importante du risque et de sa prise en charge sur le malade.

32

Répercussions sur la péréquation financière

La nouvelle péréquation financière (NPF) se propose de clarifier les tâches, les compétences et les flux financiers entre la Confédération et les cantons et de définir les responsabilités respectives de ces deux niveaux de l'Etat. Clarifier la répartition des tâches dans le domaine des assurances sociales fait également partie des travaux engagés dans cette perspective. On étudie entre autres l'ancrage juridique de la planification et de la répartition des tâches à l'échelle suisse dans le domaine de la médecine de pointe. Le rapport final de l'organisation du projet NPF propose pour l'essentiel la création d'un concordat intercantonal ayant force de droit. Un tel concordat renforcerait d'une certaine manière la planification et prescrirait aussi la gamme des prestations offertes par les hôpitaux dans le domaine de la médecine de pointe. Dans sa décision du 14 avril 1999, le Conseil fédéral a adopté un projet pour la procédure de consultation allant dans ce sens pour la nouvelle péréquation financière. La réglementation envisagée n'irait pas dans le sens proposé par l'initiative populaire "pour des coûts hospitaliers moins élevés" dans la mesure où celle-ci ne prévoit pas une planification hospitalière au sens où l'entend la LAMal (voir ch.

234.1).

9037

4

Relation avec le droit européen

41

Le droit communautaire

L'art. 2 du Traité CE charge la Communauté de promouvoir un niveau de protection sociale élevé. La libre circulation des travailleurs est consacrée à l'art. 39 (ex 48) de ce traité. Ce principe implique une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, ce que prévoit l'art. 42 (ex 51) du Traité CE. Celui-ci n'envisage ni l'établissement d'un système autonome de sécurité sociale communautaire, ni l'harmonisation des systèmes nationaux. Seule une coordination des régimes nationaux de sécurité sociale est prévue. Elle est mise en oeuvre par le règlement du Conseil no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et par son règlement d'application no 574/72 (codifiés par le règlement du Conseil no 118/97, JOCE no L 28 du 30.1.1997, p. 1; modifiés en dernier lieu par le règlement du Conseil no 307/1999, JOCE no L 38 du 12.2.1999, p. 1). Fondamentalement, les Etats demeurent libres d'aménager leur régime de sécurité sociale comme ils l'entendent et de le modifier en fonction de leurs besoins. Ce système de coordination part cependant du principe que tous les Etats offrent en matière d'assurance-maladie une couverture de base tant pour les soins hospitaliers que pour les soins médicaux et pharmaceutiques. La Suisse entrera dans ce système de coordination lors de l'entrée en vigueur des accords sectoriels conclus avec la Communauté (cf. message du Conseil fédéral du 23 juin 1999 relatif à l'approbation des accords sectoriels entre la Suisse et la CE; FF 1999 5440). Dans sa recommandation du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et politiques de protection sociale (JOCE no L 245 du 26.8.1992, p. 49), le Conseil des Communautés européennes invite les Etats membres, en matière de maladie, notamment à assurer aux personnes qui résident légalement sur leur territoire l'accès aux soins nécessaires de santé ainsi qu'aux mesures visant la prévention des maladies.

42

Les instruments du Conseil de l'Europe

La Charte sociale européenne du 18 octobre 1961 est le pendant de la Convention européenne des droits de l'homme pour les droits économiques et sociaux. L'art. 12 consacre le droit à la sécurité sociale: les Etats parties s'engagent à établir ou à maintenir un régime de sécurité sociale, à le maintenir à un niveau satisfaisant, à s'efforcer de le porter progressivement à un niveau supérieur et à prendre des mesures pour assurer l'égalité de traitement entre les nationaux et les ressortissants des autres Etats parties. La Suisse a signé la Charte le 6 mai 1976, mais le Parlement en ayant refusé la ratification en 1987, ce traité ne lie pas notre pays.

La Charte sociale européenne (révisée) du 3 mai 1996 met à jour et adapte quant au fond le contenu de la Charte de 1961. Le droit à la sécurité sociale figure également à l'art. 12. La Charte sociale est entrée en vigueur le 1er juillet.

Le Code européen de sécurité sociale du 16 avril 1964 a été ratifié par la Suisse le 16 septembre 1977 (RO 1978 1491). Notre pays n'en a toutefois pas accepté la partie II relative aux soins médicaux. Tout Etat qui entend accepter les obligations découlant de la partie II du Code doit garantir l'attribution de prestations médicales 9038

aux personnes protégées en cas d'état morbide, quelle qu'en soit la cause, et en cas de maternité. Le bénéficiaire peut être tenu de participer aux frais des soins médicaux reçus en cas d'état morbide, un stage peut être exigé et la durée des prestations servies en cas d'état morbide peut être limitée à 26 semaines par cas. En ce qui concerne le financement, le Code prévoit que le coût des prestations et leurs frais d'administration doivent être financés collectivement par voie de cotisations ou d'impôts, ou par les deux voies conjointement, selon des modalités qui évitent que les personnes de faibles ressources n'aient à supporter une trop lourde charge et qui tiennent compte de la situation économique de la Partie contractante et de celle des catégories de personnes protégées (art. 70, par. 1). Par ailleurs, le total des cotisations d'assurance à la charge des salariés protégés ne doit pas dépasser 50 % du total des ressources affectées à la protection des salariés, de leurs épouses enfants (art. 70, par. 2). Enfin, aux termes de l'art. 71, par. 1, lorsque l'administration n'est pas assurée par un département gouvernemental responsable devant un parlement, des représentants des personnes protégées doivent participer à l'administration ou y être associés avec pouvoir consultatif dans des conditions prescrites; la législation nationale peut aussi prévoir la participation de représentants des employeurs et des autorités publiques.

Le Code européen de sécurité sociale (révisé) du 6 novembre 1990 renforce les normes du Code européen de sécurité sociale, notamment par l'extension du champ d'application personnel et l'amélioration de la nature et du niveau des prestations. Il introduit parallèlement une plus grande flexibilité en assouplissant les conditions de ratification en formulant les normes de façon suffisamment souple pour tenir compte au mieux des réglementations nationales. Le Code révisé prévoit des dispositions similaires aux art. 70, par. 1, et 71, par. 1, du Code. N'ayant été ratifié par aucun pays, le Code révisé n'est pas encore entré en vigueur. Parmi les instruments du Conseil de l'Europe, il faut encore mentionner les recommandations suivantes du Comité des Ministres aux Etats membres:

43

­

Recommandation no R (80) 15 du 14 novembre 1980 concernant une meilleure distribution des soins médicaux à l'intérieur et à l'extérieur des hôpitaux;

­

Recommandation no R (86) 5 du 17 février 1986 sur la généralisation des soins médicaux.

Compatibilité de l'initiative avec le droit européen

La LAMal régit l'assurance-maladie sociale. L'assurance des soins en cas de maladie, qui englobe les traitements ambulatoires, semi-hospitaliers et l'hospitalisation, est obligatoire pour toute la population. En garantissant, dans le cadre de cette assurance, à toute la population la fourniture des prestations nécessaires, la LAMal a contribué à élever le niveau de la sécurité sociale suisse, ce qui est conforme aux objectifs établis dans les instruments normatifs européens.

L'initiative populaire "pour des coûts hospitaliers moins élevés" propose de limiter l'assurance obligatoire des soins à la seule couverture de l'hospitalisation. Les traitements ambulatoires et semi-hospitaliers ne seraient par conséquent plus couverts à titre obligatoire et les personnes qui viendraient à être atteintes dans leur santé et qui auraient besoin de tels traitements, n'auraient d'autre alternative que de payer di9039

rectement les prestations prodiguées ou de contracter une assurance privée pour couvrir ces frais. Le système d'assurance obligatoire que les initiants voudraient imposer ne bénéficierait donc plus des règles de protection sociale offerte par la LAMal.

En ce qui concerne la couverture de l'hospitalisation, qui demeurerait obligatoire, l'assurance pourrait être conclue dans le cadre de la LAMal ou, indépendamment de cette dernière, avec des organismes privés pratiquant l'assurance privée. Dans ce dernier cas aussi, la protection offerte par la LAMal ne serait plus garantie. L'"assurance-maladie", telle qu'elle est conçue par les auteurs de l'initiative, n'a plus les caractéristiques d'une assurance sociale au sens des instruments internationaux normatifs, que ce soit ceux de la Communauté européenne (voir ch. 41, par. 2) ou ceux du Conseil de l'Europe (voir ch. 42). Elle n'entre donc plus dans le champ d'application de ces instruments et la question de sa compatibilité avec ces instruments est dès lors sans objet.

Le Traité CE impose la coordination des systèmes de sécurité sociale pour que la libre circulation des personnes, l'un de ses objectifs fondamentaux, puisse être réalisée. Une limitation de la couverture d'assurance ne permet plus d'assurer par la coordination une protection efficace des travailleurs qui se rendent dans un autre Etat; on peut donc la considérer comme une entrave à la libre circulation des personnes, ce qui va à l'encontre des principes du droit communautaire.

5

Conclusion

Les propositions faites dans l'initiative vont à l'encontre du rôle social de l'Etat que prône la constitution fédérale, rôle qui se trouve d'ailleurs renforcé dans la nouvelle Constitution fédérale acceptée par le peuple le 18 avril 1999. Ainsi, la volonté clairement exprimée par les initiants d'abandonner la partie de l'assurance-maladie obligatoire liée à toutes les prestations autres que celles qui sont fournies dans le cadre d'une hospitalisation s'oppose à l'idée essentielle de la LAMal qui est la mise sur pied d'égalité du traitement ambulatoire et du traitement hospitalier. Elle met en péril les deux objectifs fondamentaux de cette loi que sont le renforcement de la solidarité et la maîtrise des coûts. En effet, l'exclusion des secteurs ambulatoire et semi-hospitalier de l'assurance-maladie obligatoire voulue par l'initiative traduit une absence complète de solidarité envers notamment les malades chroniques ou ceux nécessitant des traitements de longue durée, lesquels ont très souvent recours aux prestations fournies par ces secteurs. Confrontées à des institutions d'assurance privées non soumises à la LAMal, ces personnes se verraient opposer, compte tenu de leur état de santé, des réserves d'assurance ou devraient payer des primes très élevées. Autant dire que l'accès aux soins de nombreuses personnes ne serait plus garanti. Dans le cadre de l'assurance obligatoire d'hospitalisation, les personnes âgées et les malades seraient tenues de payer des primes élevées. L'acceptation de l'initiative mettrait à cet égard en échec la politique sociale actuelle qui vise à garantir des soins appropriés et d'une qualité de haut niveau et à couvrir les besoins en soins de l'ensemble de la population.

Par ailleurs, les patients sans protection d'assurance pour tout ce qui est effectué ambulatoirement ou en milieu semi-hospitalier seraient enclins à recourir davantage aux traitements en milieu hospitalier. Or il est notoire que le secteur hospitalier est plus coûteux que les secteurs ambulatoire et semi-hospitalier. C'est dire que l'objec9040

tif de diminution des coûts de l'assurance-maladie serait fortement compromis en cas d'acceptation de l'initiative. De leur côté, les pouvoirs publics devraient assumer des frais supplémentaires par rapport à la situation actuelle.

Enfin, la proposition des initiants de limiter de manière péremptoire la contribution de l'assurance-maladie aux coûts hospitaliers à 250 francs par jour et par patient n'est également pas propre à réduire les coûts de la santé. En effet, l'initiative ne fait que transférer la charge que représentent les coûts hospitaliers de l'assurance-maladie, d'une part, vers les pouvoirs publics et donc vers les contribuables, d'autre part vers les assurés complémentaires. On peut dès lors s'attendre à une augmentation importante de la charge fiscale pour compenser un accroissement des dépenses sociales induites par la nécessaire prise en charge par l'Etat, des frais de santé non couverts des personnes les plus démunies. Il faut en outre se demander si l'acceptation de l'initiative serait susceptible d'entraîner une réduction du montant des primes pour les assurés dans le domaine hospitalier compte tenu de l'augmentation prévisible du nombre de journées d'hospitalisation.

Outre le fait que l'assurance obligatoire voulue par les initiants ne posséderait plus les caractéristiques d'une assurance sociale, l'initiative pose un problème quant à son adéquation avec le droit européen. En effet, au niveau de la coordination des systèmes de sécurité sociale, l'initiative peut être considérée comme une entrave à la libre circulation des personnes, et va de ce fait à l'encontre des principes communautaires. L'application par la Suisse du système de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale prévue par l'art. 42 (ex 51) du Traité CE, prendrait toute son importance lors de l'entrée en vigueur des accords sectoriels conclus entre la Suisse et la Communauté européenne.

Une remise en question du système mis en place par la LAMal, sous l'angle des dispositions proposées dans l'initiative, est d'autant moins justifiée, qu'une première révision partielle de la LAMal, en deux étapes, est en cours. Cette dernière vise d'une part à renforcer le système actuel et d'autre part à lever certaines ambiguïtés qui perturbent son bon fonctionnement. Cette révision répond aux nécessaires adaptations
d'un système mis en place par la nouvelle loi sur l'assurance-maladie, en vigueur depuis le 1er janvier 1996. A fortiori, un bouleversement total de l'assurance-maladie suisse et la suppression pure et simple d'acquis sociaux obtenus au fil des années et constamment améliorés sur la base de l'expérience ou d'études approfondies conduisant à certaines réformes et aboutissant enfin à une révision totale de la loi sur l'assurance-maladie ne peut en aucun cas être soutenu par le gouvernement. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral recommande le rejet de la présente initiative sans lui proposer de contre-projet.

9041