Les occupations accessoires des fonctionnaires et les activités professionnelles d'anciens fonctionnaires, plus particulièrement sous l'angle des conflits d'intérêts Rapport de la Commission de gestion du Conseil national du 12 mars 1999

«Il y a certes comme un relent totalitaire à espérer une politique morale.

La politique est une contingence, la morale est un absolu» Edwy Plenel, Un temps de chien, Paris, Le Grand livre du mois/Stock, 1994, page 135.

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Résumé ­

La Commission de gestion du Conseil national se préoccupe depuis plusieurs années déjà du problème posé par la corruption dans l'administration fédérale et des mesures à prendre pour y faire face.

Dans le droit fil de ces travaux, la commission s'est intéressée aux occupations accessoires des fonctionnaires ainsi qu'aux activités professionnelles d'anciens fonctionnaires. La commission s'est interrogée en particulier sur la question de savoir si de telles activités pouvaient engendrer des conflits d'intérêts. Certains exemples retentissants à l'étranger, par exemple en Allemagne et en France, montrent que le risque existe et qu'il doit être pris au sérieux.

Est-il acceptable qu'un avocat travaillant pour un service de recours de la Confédération traite, durant son temps libre, d'affaires de droit public fédéral dans une étude d'avocat? Est-il admissible qu'un inspecteur des impôts puisse faire du conseil fiscal auprès de contribuables, que ce soit durant ses congés ou après avoir quitté définitivement l'administration? Est-il tolérable qu'une personne qui exerce une tâche de surveillance étatique sur les banques ou les assurances s'adonne durant ses loisirs à la gestion de fortune? Faut-il tolérer qu'un ancien fonctionnaire fasse bénéficier son entreprise ou ses clients d'un traitement favorable ou d'avantages particuliers, compte tenu de la connaissance qu'il a des pratiques et des agents de l'administration?

Touts ces exemples, par ailleurs fictifs, présentent des conflits d'intérêts. Or tout conflit d'intérêts, réel ou apparent, est préjudiciable à l'indépendance de l'administration et porte atteinte au crédit de l'institution.

Hormis les conflits d'intérêts, toutes ces questions posent également un problème de concurrence déloyale à l'égard de l'économie privée.

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S'agissant des activités accessoires, le droit actuel prévoit l'interdiction de principe des activités accessoires: le fonctionnaire qui travaille à plein temps à la Confédération ne peut pas en général exercer une autre activité rémunérée. Ce principe connaît pourtant toute une série d'exceptions.

De manière générale, l'application par les départements des dispositions légales s'effectue correctement. Les départements font généralement preuve d'une grande retenue dans l'octroi des autorisations, ce qui répond d'ailleurs à la lettre de la loi selon laquelle les autorisations ne sont conférées que dans des cas exceptionnels. Pour autant que la commission ait pu en juger, elle n'a relevé aucune activité irrégulière. L'hypothèse que certaines activités accessoires puissent présenter des conflits d'intérêts, réels ou apparents, entre les affaires publiques et les affaires privées ne s'est concrétisée que dans quelques très rares cas. Cela concerne surtout les activités dans les domaines du conseil (conseil juridique ou fiscal, gestion de fortune, fiduciaire, etc.) ou de représentation (conseil d'administration, activité d'avocat, etc.).

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L'inspection a montré pourtant que la mise en oeuvre des dispositions sur les activités accessoires manque d'uniformité et conduit à des interprétations différenciées dans les départements. C'est notamment le cas pour les activités d'enseignement où il arrive que des fonctionnaires cumulent deux revenus. Sur le plan juridique, ces disparités ne sont pas satisfaisantes. Dans la pratique, la situation n'est pas alarmante, ni préoccupante.

La commission estime que le système actuel est perfectible. En effet, il n'est plus adapté aux exigences actuelles du marché de l'emploi, notamment en ce qui concerne le travail à temps partiel. Les règles existantes posent également des problèmes au titre de la liberté du commerce et de l'industrie. A notre époque, il apparaît de moins en moins raisonnable que l'Etatemployeur intervienne encore dans les actes de la vie économique des agents.

La commission a formulé diverses recommandations. Elle propose notamment de remplacer le principe de l'interdiction des activités accessoires lucratives, sous réserve d'autorisation, par un système d'autorisation générale moyennant déclaration préalable. Pour lutter contre les conflits d'intérêts, la commission suggère aussi d'élargir l'application des règles de récusation.

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En ce qui concerne les activités professionnelles d'anciens fonctionnaires, la commission constate que les seules règles juridiques applicables sont celles du secret de fonction. Ces dernières demeurent valables même après la cessation des relations de travail et s'imposent de ce fait aux anciens fonctionnaires.

Dans la pratique, la Confédération ne cherche pas activement à savoir quelles activités ses anciens agents mènent dans des sociétés de droit privé.

Il est donc impossible de déterminer la fréquence avec laquelle des agents passent dans des entreprises du secteur privé avec lesquelles ils entretenaient auparavant des rapports officiels comme fonctionnaires.

A défaut d'informations précises, la commission doit se limiter à constater que la situation actuelle n'est pas alarmante, mais qu'elle doit nous préoccuper. En effet, il serait hasardeux de conclure que de telles pratiques n'existent pas. A une époque où l'on exige davantage de mobilité et de souplesse de la part du personnel fédéral, les risques de conflits d'intérêts sont plus importants.

La volonté de la commission n'est pas de remettre en cause la possibilité, pour les fonctionnaires, de connaître d'autres expériences professionnelles que les emplois offerts par la Confédération. En effet rien ne serait plus dommageable qu'une fonction publique repliée sur elle-même et ignorante de la réalité du monde des entreprises. Toutefois, il importe de prendre certaines précautions pour éviter des situations critiquables. La commission suggère d'instituer des règles concernant l'utilisation, par d'anciens fonctionnaires, d'informations privilégiées et de l'influence acquise dans l'administration. Pour certaines fonctions, il conviendrait également d'examiner la possibilité d'introduire, par analogie au droit des obliga-

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tions, des règles d'interdiction de concurrence. Cela paraît d'autant plus nécessaire que la ligne de partage entre le secteur public et le secteur privé s'estompe de plus en plus.

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De manière générale, la commission estime que les conflits d'intérêts qui naissent d'activités privées, qu'elles soient le fait de fonctionnaires en activité ou d'anciens fonctionnaires, ne peuvent pas être maîtrisées uniquement par des règles de droit. Ni les contrôles ni les sanctions ne pourront jamais empêcher les défaillances humaines. Dans ce contexte l'éthique de la fonction publique joue un rôle préventif essentiel comme l'atteste d'ailleurs une étude de l'Organe parlementaires de contrôle de l'administration (OPCA) diligentée par la commission.

L'éthique n'est certes pas la panacée à tous les problèmes de l'administration. Elle constitue néanmoins un instrument très important pour affirmer, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, l'intégrité de l'administration.

Elle constitue également un élément important de limitation et d'équilibre contre tout abus de l'autorité publique. En effet, il est toujours dangereux pour une administration que les citoyens doutent du sens moral des personnes investies d'un pouvoir étatique.

La réflexion sur l'éthique est encore assez embryonnaire dans l'administration fédérale et elle est (encore) peu structurée. C'est pourquoi la commission va demander au Conseil fédéral de prendre des mesures actives favorisant l'émergence d'une culture d'entreprise qui favorise l'adoption de comportements éthiques.

L'éthique pose de hautes exigences non seulement aux employés, mais également aux employeurs. Un agent public correctement payé, fier de ses traditions et de son intégrité est plus à l'abri de comportements irréguliers qu'un employé qui s'estime être mal payé, surchargé de travail et dans une situation professionnelle incertaine.

Remarque liminaire: Dans le présent rapport, les termes utilisés pour la description des fonctions (chef de département, secrétaire général, collaborateur, agent, etc.) recouvrent aussi bien le féminin que le masculin.

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Rapport 1

Contexte

En février 1995 la Commission de gestion du Conseil national (CdG-CN) s'est adressée à tous les départements fédéraux pour les prier d'exposer, dans leur rapport de gestion, les mesures prises pour prévenir la corruption au sein de l'administration fédérale. Les réponses reçues donnèrent l'impression que la corruption ne constituait pas, en 1995 du moins, une préoccupation importante du Conseil fédéral et de l'administration.

La situation a changé depuis. Certains cas retentissants ont défrayé la chronique de l'administration fédérale. Ils ont mis en lumière le fait que l'administration fédérale n'était pas épargnée par la corruption. C'est ainsi que dans son rapport annuel 1995, paru en 1996, le Contrôle fédéral des finances (CDF) relevait pour la première fois dans un chapitre consacré à la lutte anticorruption: «La situation n'est pas (encore) alarmante. Toutefois des zones d'ombre existent. Cette affirmation s'appuie sur la constatation que la plupart des cas portés à notre connaissance l'ont été un peu par hasard, à la suite d'indications fournies par des tiers, par des collaborateurs ou encore par la presse, mais non pas à la suite de contrôles systématiques.»1 Une initiative importante a été prise dès la seconde moitié de 1995. En été 1995 le chef du Département fédéral de justice et police (DFJP) a institué un groupe de travail «Contrôles de sécurité et corruption». Ce groupe, dirigé par le chef de la police fédérale, a été chargé de faire le point sur la situation en matière de corruption en Suisse, d'évaluer la nécessité de prendre des mesures et d'élaborer des propositions. Le groupe de travail a remis son rapport en octobre 1996 2.

Sur la base du rapport, le Conseil fédéral a pris différentes mesures. Sur le plan du droit, il a chargé le DFJP d'élaborer un concept général d'intensification de la lutte contre la corruption. Le rapport et l'avant-projet de révision du droit pénal suisse de la corruption3 ont été envoyés en procédure de consultation le 1er juillet 1998.

L'avant-projet propose le renforcement des dispositions pénales sur la corruption d'agents publics suisses, la punissabilité des agents publics étrangers ainsi que l'adhésion à la convention de l'OCDE y relative et la révision des dispositions sur la corruption privée. Lors de la consultation, la nécessité de réviser le
droit pénal a été grandement reconnue. Dans leur ensemble, les modifications proposées ont été largement approuvées4.

Mais les mesures proposées par le Gouvernement ne s'arrêtent pas aux instruments répressifs. Sur le plan administratif, le Conseil fédéral a arrêté des mesures de nature préventive. Il a mandaté le Département fédéral des finances (DFF) d'élaborer, d'ici 1

2 3 4

Rapport du 22 mars 1996 sur l'activité du Contrôle fédéral des finances en 1995, destiné à la Délégation des finances des Chambres fédérales et au Conseil fédéral; FF 1996 II 1269.

Rapport final du groupe de travail «Contrôles de sécurité et corruption» du Département fédéral de justice et police, Berne, octobre 1996.

Révision du droit pénal suisse de la corruption, rapport et avant-projet, Département fédéral de justice et police, Berne, juin 1998.

Résumé des résultats de la procédure de consultation sur l'avant-projet concernant la révision du droit pénal suisse de la corruption, Office fédéral de la justice, Berne, novembre 1998.

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à la fin 1998, un modèle de réglementation pour l'acceptation de cadeaux par les employés de l'administration fédérale. En outre, le Contrôle administratif du Conseil fédéral (CCF) a été chargé, le 15 janvier 1997, de dresser un inventaire des activités de l'administration fédérale présentant un risque potentiel de corruption, d'évaluer les mesures de sécurité existantes et subsidiairement d'élaborer des propositions visant à améliorer les instruments de surveillance dont disposent le Conseil fédéral et l'administration.

Le rapport final du CCF a été publié dans le courant du mois de mai 19985. Se fondant sur ce rapport, le Conseil fédéral a pris un certain nombre de mesures complémentaires. Elles touchent à la formation et au perfectionnement professionnel des agents en matière d'éthique et de prévention de la corruption. Le DFF a été chargé en outre d'élaborer un code de comportement («code of conduct»).

Au niveau parlementaire, outre les travaux déjà cités de la Commission de gestion, de nombreuses impulsions ont été données depuis 19956. Parmi elles, il faut mentionner particulièrement l'initiative parlementaire 96.414 (lutte contre la corruption) qui demandait une adaptation des dispositions du code pénal destinée renforcer l'efficacité de la lutte contre la corruption. Le 5 juin 1997, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à l'initiative, au vu des mesures déjà introduites par le Conseil fédéral. En revanche, le Conseil national a adopté le même jour une motion 96.3457 du Conseil des Etats (actes de corruption, conséquences législatives) qui donne à l'exécutif un mandat impératif de présenter une révision des dispositions du code pénal sur la corruption.

Il faut mentionner finalement qu'une recherche du Fonds national de la recherche scientifique, consacrée au processus de corruption en Suisse, a débuté en 1997. Ces travaux font partie du programme national de recherches 40 («Violence au quotidien et criminalité organisée»). L'objectif des travaux est de mettre le doigt sur les facteurs qui favorisent la corruption, de déterminer les secteurs de l'économie et de l'administration les plus vulnérables et d'élaborer des stratégies de riposte et de prévention. La recherche se déroulera jusqu'à fin 1999.

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Problématique

Sur cette toile de fond de lutte contre la corruption, deux thèmes ont rarement été abordés. Il s'agit d'une part de la compatibilité des activités accessoires des fonctionnaires avec leur emploi public et, d'autre part, des activités professionnelles d'anciens fonctionnaires qui sont en relation étroite avec leurs précédentes tâches officielles.

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Rapport du Contrôle administratif du Conseil fédéral du 26 mars 1998 sur les risques de corruption et les mesures de sécurité au sein de l'administration fédérale.

Question ordinaire 95.1061, Cas Raphaël Huber. Mesures législatives à prendre; Question 95.5128, Délit de corruption. Révision des dispositions du code pénal; Interpellation 95.3357, Corruption lors de la construction de routes nationales; Question ordinaire 96.1005, Achat des F/A-18. Soupçons de corruption; Postulat 96.3347, Marchés publics et corruption. Action préventive; Question ordinaire 97.1040, Pots-de-vin. Déductions fiscales.

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Les questions qui se posent sont les suivantes: 1.

Les agents publics sont-ils libres d'utiliser leur savoir et leurs compétences, acquises dans leurs activités officielles, pour exercer des activités privées, notamment à caractère lucratif?

2.

Les agents publics doivent-ils être libres de quitter l'administration fédérale quand bon leur semble et d'occuper n'importe quel poste dans le secteur privé, indépendamment de leurs anciennes attributions ou faut-il prévoir des règles?

Ces deux problèmes sont juridiquement distincts. A première vue, le lien avec la corruption n'est pas apparent. En y regardant de plus près, on constate cependant qu'ils sont fortement liés dans la mesure où les activités décrites plus haut sont susceptibles, comme dans la corruption, de générer des confusions entre l'intérêt général servi par l'agent et l'intérêt privé qu'il peut être tenté de privilégier. Ce problème pose également des questions d'éthique.

Certains pays ne s'y sont pas trompés. C'est ainsi que récemment l'Allemagne et la France, par exemple, ont introduit dans leur arsenal juridique des dispositions extrêmement précises qui limitent les activités accessoires des fonctionnaires et restreignent les activités privées d'anciens fonctionnaires. Toutes ces mesures font partie de vastes stratégies de lutte contre la corruption. Elles s'inscrivent également dans un mouvement généralisé de moralisation de la vie publique.

La Commission de gestion a jugé nécessaire d'étudier les activités accessoires des fonctionnaires ainsi que les activités professionnelles d'anciens fonctionnaires, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, il est permis et nécessaire de prévenir tous les conflits d'intérêts, réels ou présumés, susceptibles d'entraîner des cas de corruption.

Ensuite, la discussion autour de la nouvelle gestion publique (NGP) remet en cause la distinction public/privé avec le développement de nouveaux critères d'évaluation de l'action publique et des comportements des agents publics. Les formes classiques de gouvernement de nos sociétés évoluent rapidement. La séparation entre secteur public et secteur privé s'estompe et avec elle la relation particulière entre employeur étatique et employé public. Les modes de gestion du secteur privé font leur entrée dans l'administration: contractualisation des relations de travail, mobilité professionnelle, compétence accrue des chefs de ligne, management development, etc. Par ailleurs la délimitation entre la sphère publique et la sphère privée est de plus en plus floue.

Un tel examen est également nécessaire compte tenu des évolutions récentes sur le plan international et à l'étranger.

Finalement les interrogations de la commission convergent avec la prochaine révision du droit de la fonction publique. Cette dernière constituera une occasion de se pencher sur les règles actuelles qui fixent les activités para- et post-professionnelles des fonctionnaires.

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Mandat et démarche

La commission a chargé la section «ressources» de procéder à l'inspection. Il s'agissait pour la commission d'examiner l'application, au sein de l'administration, des dispositions topiques du statut des fonctionnaires (StF) relatives aux activités accessoires et au secret de fonction. La commission a également mandaté la section d'effectuer, en marge de ses travaux, quelques réflexions sur la problématique de l'éthique dans le service public.

La section était composée de Monsieur le Conseiller national Hubert Lauper (président), de Madame la Conseillère nationale Milli Wittenwiller et de Messieurs les Conseillers nationaux Pierre Aguet, Boris Banga, Max Dünki, Jean-Jérôme Filliez (remplacé par la suite par Gilbert Debons), Fulvio Pelli et Rémy Scheurer.

La section s'est occupée elle-même des investigations relatives aux activités économiques des fonctionnaires. S'agissant de l'éthique, elle a diligenté une expertise auprès de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA).

Les questions suivantes ont servi de guide aux travaux de la section: 1.

Comment est exercé le contrôle des règles du statut des fonctionnaires sur les activités accessoires des fonctionnaires fédéraux et comment sont appliquées les règles d'incompatibilités?

2.

Qui décide dans quel cas il y a incompatibilité ou non et sur la base de quels critères?

3.

Comment est réglé le départ de fonctionnaires dans le privé s'agissant de leur relation avec l'administration?

4.

Que fait le Conseil fédéral pour maintenir un comportement éthique dans l'administration fédérale, et ce particulièrement en période de changements (restrictions budgétaires, diminution du personnel, besoins accrus de transparence des citoyens, etc.)?

Le Conseil fédéral a été informé de l'inspection le 30 mars 1998. Il a été invité à délier les agents concernés du secret de fonction.

Le 7 mai 1998, la section a adressé à tous les secrétariats généraux des départements et à la Chancellerie fédérale (ci-après: les départements) un catalogue de questions relatives à la mise en oeuvre des dispositions du droit des fonctionnaires sur les activités accessoires et le secret de fonction. Un rapport a également été demandé au Ministère public de la Confédération. La section a notamment demandé aux départements de lui livrer une liste nominative des personnes qui disposent d'une autorisation à exercer une activité accessoire, que cette dernière soit lucrative ou pas. Le 16 juillet 1998 et le 20 octobre 1998, la section s'est adressée à nouveau à certains départements en demandant des informations complémentaires sur le degré d'occupation des personnes disposant d'une autorisation à exercer une activité accessoire lucrative, sur le nom du ou des employeurs et sur le montant présumé des revenus. La récolte des informations a buté dans certains départements sur un certain nombre de problèmes qui ont ralenti considérablement les travaux de la section. La commission y reviendra au chapitre 4.

La section a eu également des entretiens avec des représentants de certains offices fédéraux, parmi lesquels l'Office fédéral du personnel (OFPER), le Contrôle fédéral des finances (CDF), l'Office central fédéral des imprimés et du matériel (OCFIM), l'Office fédéral des systèmes d'armes et des munitions (OFSARM), l'Office fédéral 9063

du matériel de l'armée et des constructions (OFMAC), l'Administration fédérale des contributions (AFC) ainsi que les Archives fédérales. Le Contrôle administratif du Conseil fédéral (CCF) a présenté à la section son rapport sur les risques de corruption et les mesures de sécurité au sein de l'administration fédérale.

La section a tenu en tout huit séances. La section a mis un terme à ses travaux à fin décembre 1998. Elle a transmis ses conclusions provisoires ainsi que le rapport de l'OPCA au DFF. Ce dernier a pris position dans un avis daté du 13 janvier 1999. Le présent rapport tient compte, pour autant que faire se peut, de la prise de position du département.

La Commission de gestion du Conseil national a mis le rapport en délibéré le 12 mars 1999. La commission l'a approuvé et en a décidé la publication ainsi que celle du rapport de l'OPCA.

La commission tient à souligner qu'elle n'a pas cherché, dans sa démarche, à analyser les pratiques des départements et offices à titre individuel, mais plutôt à porter une appréciation générale. Quand bien même le rapport illustre son propos d'exemples concrets, la commission ne veut pas clouer au pilori un département ou un office particulier. Le but du rapport est d'informer, et si possible de convaincre, pas de dénoncer. Aucun nom n'est donc cité, sauf en bonne part. Le rapport rend compte de l'état de la situation à fin novembre 1998.

4

Le problème de l'accès aux informations pertinentes

La commission a perdu passablement de temps pour obtenir les renseignements nécessaires sur les activités accessoires des fonctionnaires, que ces activités soient lucratives ou non. En effet, l'administration fédérale ne dispose pas, de manière centralisée, d'informations chiffrées sur ces activités, ni sur le nombre d'autorisations octroyées. Cela tient au fait que la compétence en la matière est largement déléguée aux départements, qui l'ont à leur tour partiellement subdéléguée aux groupements et offices.

La commission a donc demandé aux départements de lui fournir ces informations.

Cela a exigé beaucoup de travail et déclenché quelques réactions de mauvaise humeur dans certains services. Des départements ont indiqué à la commission qu'ils n'avaient pas de vue d'ensemble de la problématique et qu'il faudrait compulser de nombreux dossiers de personnel, ce qui prendrait trop de temps et de ressources.

D'autres départements ont avancé que les informations demandées, notamment celles ayant trait aux revenus accessoires, ne pouvaient pas être communiquées en raison de la loi sur la protection des données (LPD)7. Certains offices ont également invoqué la protection de la personnalité pour ne pas livrer certaines informations.

D'autres départements, finalement, ont invité la commission à s'adresser directement au Conseil fédéral, et non pas aux services.

7

Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD); RS 235.1.

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Confrontée à cette situation, la commission a dû examiner un certain nombre de questions de procédure. La commission a dû résoudre également des questions relatives à ses droits et compétences en relation avec la LPD. Pour ce faire, elle s'est appuyée sur un avis de droit de l'Office fédéral de la justice (OFJ)8.

Nous exposons ici de façon relativement exhaustive les considérations de la commission afin d'en illustrer la pratique. Cela doit permettre également de nourrir le prochain débat sur la révision totale de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC).

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Les droits et compétences d'information de la commission

Au titre de la loi sur les rapports entre les conseils (LREC), la Commission de gestion a le droit, dans la mesure où elle le juge nécessaire pour apprécier la gestion de l'administration fédérale, de demander les renseignements utiles à toutes les autorités et à tous les services de la Confédération. Elle peut exiger, après avoir entendu le Conseil fédéral, la production de tous les documents officiels de l'administration importants pour cette appréciation (art. 47quater, al. 1, LREC). Dans la mesure où il importe de sauvegarder un secret de fonction, des intérêts personnels dignes d'être protégés ou lorsqu'une procédure n'est pas encore close, le Conseil fédéral peut présenter un rapport spécial au lieu de produire des documents officiels (art. 47quater, al. 2, LREC).

Le 29 octobre 1975, le Conseil fédéral a arrêté des instructions qui règlent la communication de renseignements à la commission9. Ces instructions sont basées sur le pouvoir d'organisation (la compétence d'organiser) du Conseil fédéral. Le ch. 421 des instructions, qui s'appuie sur l'art. 47quater, al. 1, LREC, précise que «les chefs de service sont habilités à donner des renseignements aux commissions de gestion et à leurs sections». Le ch. 622 prescrit en outre que «les fonctionnaires compétents sont déliés du secret de fonction à l'occasion des visites d'inspection que les commissions de gestion ou leurs sections entreprennent dans les services de l'administration fédérale; ils sont aussi autorisés, le cas échéant, à produire des documents officiels».

Il ressort de ce qui précède que les fonctionnaires sont entièrement déliés du secret de fonction lors d'inspections décidées par la Commission de gestion. Ils sont tenus de donner les renseignements et de permettre que l'on consulte les documents. Ils sont en outre autorisés à remettre des documents officiels. L'autorisation ne confère aucun droit à l'agent; bien plus, elle lui attribue une obligation à laquelle il doit se conformer.

Cela signifie que la commission a, dans le cadre d'une inspection, un accès direct et quasi illimité aux renseignements et aux documents officiels de l'administration. Si, pour un agent, un doute subsiste quant à une demande de renseignements ou de 8

9

Avis de droit de l'Office fédéral de la justice du 29 octobre 1998 intitulé «Untersuchung der Geschäftsprüfungskommission des Nationalrates über Nebenbeschäftigungen und Einkünfte von öffentlichrechtlicher Bediensteten des Bundes» (seulement en allemand, non publié).

Instructions du Conseil fédéral du 29 octobre 1975 réglant la communication de renseignements, l'autorisation de consulter des documents et la remise de documents à la demande de membres des conseils législatifs, de commissions parlementaires ou de services du Parlement; FF 1975 II 2166.

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documents, il doit transmettre cette demande au chef du département, à l'intention du Conseil fédéral. La démarche ne doit pas être entreprise par la commission. Le Conseil fédéral a toujours partagé ce point de vue par le passé10.

Lors de la présente inspection, la commission a constaté que les instructions du Conseil fédéral étaient peu connues dans l'administration fédérale. Cela conduit souvent à des malentendus et à des frictions. La commission et son secrétariat ont dû à plusieurs reprises attirer l'attention des services sur l'existence desdites instructions et sur les compétences de la Commission de gestion. La commission estime que ces instructions gagneraient à être mieux diffusées dans l'administration.

Ces instructions sont par ailleurs déjà fort anciennes. Il serait judicieux de les adapter à la nouvelle organisation de l'administration, des commissions parlementaires et des services du Parlement.

Recommandation 1 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'assurer, au sein de l'administration fédérale, une plus grande publicité ainsi qu'une meilleure application des «Instructions réglant la communication de renseignements, l'autorisation de consulter des documents et la remise de documents à la demande de membres des conseils législatifs, de commissions parlementaires ou de services du Parlement», du 29 octobre 1975.

Recommandation 2 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral, au plus tard après l'adoption de la nouvelle loi sur les rapports entre les conseils, d'élaborer de nouvelles instructions réglant la communication de renseignements entre l'administration fédérale et les commissions parlementaires.

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Les contraintes auxquelles la commission est soumise

Les droits importants que possède la commission ne sauraient se concevoir sans un respect des principes de proportionnalité (ch. 421) et de légalité (ch. 422). Dans la mesure du possible, la commission cherche également à éviter toute charge de travail supplémentaire à l'administration (ch. 423).

421

La proportionnalité

Certains départements ont indiqué que les demandes de renseignements de la commission n'étaient pas proportionnées au but visé par l'inspection.

Pour la commission, les demandes formulées étaient propres à atteindre le but recherché par la loi (en l'occurrence la LREC), car elles ont permis ainsi à la commis10

Cf. rapport des Commissions de gestion aux Chambres fédérales concernant les inspections et requêtes en 1980, du 9 avril 1981, ch. 3: obligation des fonctionnaires fédéraux de communiquer des renseignements aux Commissions de gestion; FF 1981 II 208.

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sion d'examiner la gestion de l'administration (principe d'adéquation). Pour ce qui est de savoir si les informations demandées étaient celles qui portaient le moins atteinte aux intérêts publics et privés affectés par la demande (principe de subsidiarité), la commission estime que ce principe a été respecté, une réserve ayant été admise pour ce qui est des revenus qui ne sont pas soumis à rétrocession (cf. infra).

S'agissant de la nécessité des demandes d'informations, d'ailleurs expressément ancrée à l'art. 47quater («dans la mesure où elle le juge nécessaire pour apprécier la gestion de l'administration fédérale»), la commission est d'avis que la portée du problème examiné justifiait ces demandes Il est évident qu'il appartient à la commission de juger en premier lieu de la proportionnalité de ses demandes d'information et non pas aux organes contrôlés.

En ce qui concerne le cas des revenus accessoires qui ne doivent pas être remis à la Confédération, l'OFJ a émis des réserves quant à la proportionnalité et la légalité de la mesure. Sur proposition de l'office, la commission a accepté de renoncer à certaines demandes précises sur cette question.

422

La légalité

Certains départements ont invoqué la LPD pour ne pas transmettre certaines informations estimant que les renseignements ou documents demandés concernaient des données personnelles qui sont protégées par la loi.

Ainsi posé, l'argument n'est pas pertinent. En effet, la loi sur la protection des données ne s'applique pas au Parlement ni aux délibérations des commissions parlementaires (art. 2, al. 2, let. b, LPD) ni par conséquent aux demandes d'information de la Commission de gestion11.

Le fait que la LPD ne soit pas opposable au Parlement ne signifie cependant pas que la commission ait, par le biais de sa tâche de haute surveillance, un accès illimité à des informations protégées par la LPD.

La question qui se pose in casu n'est pas de savoir si l'administration peut ou ne peut pas communiquer des renseignements à la Commission de gestion, mais de savoir si l'administration a le droit de traiter de telles informations. Le statut des fonctionnaires ne contient aucune disposition en matière de traitement des dossiers de personnel. Selon l'OFJ, il faut, en l'absence de base légale, s'appuyer sur l'art.

328b du Code des obligations (CO). Cette disposition fait office de droit administratif supplétif et est applicable par analogie aux traitements de données effectuées par la Confédération. L'article en question stipule que l'employeur n'est en droit de traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes à remplir son emploi ou sont nécessaires à l'exécution du contrat de travail.

Ainsi, il est tout à fait licite que la Confédération demande à ses fonctionnaires des informations sur leurs activités accessoires afin d'en examiner la compatibilité avec l'activité officielle. Ces informations peuvent toucher notamment à l'ampleur et à la nature de la tâche accessoire. S'agissant des revenus accessoires, l'OFJ a estimé que de telles demandes d'informations allaient au-delà du but visé par la loi. La Confé11

Cf. Maurer, U., Vogt, N. P. (éditeurs), Kommentar zum schweizerischen Datenschutzgesetz, Editions Helbing & Lichtenhahn, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1995, pages 58 ss.

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dération doit donc renoncer à requérir systématiquement des informations sur les revenus accessoires, à moins qu'il n'existe une obligation de rétrocession du revenu à l'employeur. Dans un tel cas, le fonctionnaire doit fournir toutes indications nécessaires sur les revenus obtenus (art. 13a, al. 1, RF 112).

La commission a admis le point de vue de l'OFJ: si un employeur n'a pas le droit, au titre de la protection des données, de demander des informations et données sur les revenus accessoires de ses employés, la commission ne peut pas les exiger non plus.

Sur proposition de l'OFJ, la commission a renoncé à exiger des départements des informations sur les revenus accessoires qui ne sont pas soumis à rétrocession.

Certains départements lui ont tout de même livré ces informations. La commission n'a mentionné dans le présent rapport aucun détail particulier afin de ne pas se voir reprocher l'utilisation d'informations qui n'auraient pas dû lui être transmises.

Cela montre qu'il n'est pas toujours facile de distinguer les informations nécessaires pour examiner d'éventuelles incompatibilités des informations qui ne le sont pas.

Recueillir des renseignements qui vont au-delà de ce qui est strictement nécessaire constitue une atteinte à la sphère privée des fonctionnaires.

Cet exemple montre aussi l'impérative nécessité de disposer pour l'administration fédérale d'une base légale pour le traitement des données relatives aux agents de la Confédération.

423

L'importance des travaux générés

Certains départements et offices ont estimé que les demandes de renseignements nécessaires à l'inspection étaient disproportionnées et que leur récolte solliciterait trop de temps et de ressources.

Dans ses travaux, la commission a à coeur de ne pas mettre l'administration à trop forte contribution, ni de créer une charge supplémentaire de travail. Dans la mesure du possible, la commission limite ses demandes de renseignements à ce qui est absolument essentiel pour accomplir son mandat. Il n'est pas rare que les renseignements demandés ne sont pas disponibles dans l'administration et qu'ils doivent être recherchés. La commission en est pleinement consciente. C'est pourquoi elle s'efforce toujours de trouver un équilibre entre, d'une part, la confiance qui doit régner entre l'exécutif et le législatif et, d'autre part, les exigences démocratiques du contrôle parlementaire.

43

Conclusions

Les problèmes formels rencontrés lors de la présente inspection montrent à l'envi que certains départements et offices ne saisissent pas toujours le sens de la haute surveillance parlementaire, ni sa nécessité dans un état de droit démocratique.

Certaines réactions des départements étaient compréhensibles et, dans ces cas, des solutions ont pu être trouvées. Dans d'autre cas, la commission a eu l'impression que les arguments étaient plutôt de nature dilatoire, pour ne pas dire vexatoire.

12

Règlement des fonctionnaires (1) (RF 1) du 10 novembre 1959; RS 172.221.101.

9068

Une conclusion s'impose: du fait de la suprématie du Parlement dans l'ordre des pouvoirs (art. 71 cst.), il ne peut revenir à l'administration de déterminer ce qui est nécessaire ou non à la surveillance parlementaire, au risque que finalement ce soit l'organe surveillé qui détermine ce que le Parlement a le droit de contrôler. Il appartient à la commission de fixer ce qui est utile à l'exercice de son mandat constitutionnel (art. 85, ch. 11, cst.). Il s'agit bien moins d'une question de droit que d'une question politique.

La haute surveillance est un processus d'apprentissage constant et réciproque. Dans la mesure du possible, la Commission de gestion essaie de parvenir à une entente avec l'administration plutôt que d'en arriver à l'affrontement. Dans le cas présent, la commission a parfois dû faire valoir les besoins de l'inspection sur les intérêts de l'administration. Elle est intervenue plusieurs fois auprès de certains départements.

Au bout du compte, la commission a reçu toutes les informations utiles à son inspection. Elle profite ici de remercier toutes les personnes et services qui, parfois sous la pression, ont collaboré à son inspection que ce soit par l'élaboration de rapports ou par la remise de documents.

5

Les occupations accessoires des fonctionnaires

51

Les aspects juridiques

Le statut des fonctionnaires (StF) ainsi que différentes ordonnances réglementent les occupations que les fonctionnaires peuvent exercer à titre privé13 telles les activités culturelles, sportives, scientifiques, militaires, économiques, professionnelles, dépendantes ou indépendantes, bénévoles ou à but lucratif, etc. Le principe qui soustend ces dispositions est le suivant: il est interdit pour un fonctionnaire d'exercer une activité accessoire qui compromet l'accomplissement de ses devoirs de service ou qui soit incompatible avec sa fonction. L'agent doit consacrer tout son temps et ses capacités à son travail; il ne doit pas diviser sa force de travail (devoir de gestion14). L'agent doit aussi éviter les activités privées susceptibles de créer des confusions d'intérêts et compromettre, dans les faits ou en apparence, son indépendance et son objectivité (devoir de fidélité15). Dans tous les cas, l'agent doit faire prévaloir les intérêts de la Confédération sur tout autre intérêt.

Ainsi formulée, la loi ne contient pas une défense absolue de se livrer à une activité accessoire. En revanche elle autorise le Conseil fédéral à interdire certaines activités par des dispositions d'exécution et à subordonner l'exercice d'une activité accessoire à une autorisation.

13

14 15

Art. 15 du statut des fonctionnaires (StF) du 30 juin 1927; RS 172.221.10; art. 13 du règlement des fonctionnaires (1) (RF 1) du 10 novembre 1959; RS 172.221.101; art. 16 du règlement des fonctionnaires (2) (RF 2) du 15 mars 1993; RS 172.221.102; art. 18 du règlement des fonctionnaires (3) (RF 3) du 29 décembre 1964; RS 172.221.103; art. 18 du règlement des employés (RE) du 10 novembre 1959; RS 172.221.104. Sur la notion d'activités accessoires, cf. l'avis de l'OFPER du 6 février 1996 (JAAC 1997 III no 56 pages 507 à 518).

Art. 21 StF.

Art. 22 StF.

9069

Art. 15 du statut des fonctionnaires fonctionnaire n'est pas autorisé à exercer une activité accessoire qui compromet l'accomplissement de ses devoirs de service ou est inconciliable avec sa fonction.

2 L'exercice d'une activité commerciale ou industrielle est incompatible avec la charge de fonctionnaires.

3 Le Conseil fédéral peut subordonner l'exercice d'une activité accessoire à une autorisation. L'autorisation n'est accordée qu'à titre exceptionnel lorsqu'il s'agit d'une activité lucrative.

4 S'il exerce une activité accessoire lucrative qui est liée à sa fonction administrative ou aux tâches qui sont les siennes, le fonctionnaire est en principe tenu de verser à la Confédération une fraction du revenu tiré de cette activité. Le Conseil fédéral règle les modalités d'application.

1 Le

Il convient de distinguer les activités accessoires sans but lucratif de celles qui visent la réalisation d'un gain.

Si une activité accessoire poursuit un but de nature idéale ou d'épanouissement personnel (p. ex. une activité culturelle, sportive, scientifique, religieuse, militaire, caritative, tutelle, etc.), c'est le fonctionnaire qui apprécie s'il a le droit de l'exercer ou non. Si, par exemple, un fonctionnaire passe la plupart de son temps de travail à gérer son patrimoine ou s'il exerce durant son temps libre une activité de veilleur de nuit qui crée une surcharge de fatigue, il devra y renoncer car cela compromet l'accomplissement de ses devoirs de service. Il en ira certainement de même s'il exécute un sport particulièrement dangereux susceptible de mettre en danger sa vie ou sa santé. L'agent qui se trouve dans l'impossibilité d'exécuter sa tâche en raison de ses activités accessoires doit se déterminer et, le cas échéant, y renoncer.

Si une activité accessoire poursuit un but lucratif, le fonctionnaire n'est pas libre de décider lui-même. Il doit solliciter une autorisation auprès de l'autorité de nomination (art. 13, al. 2, RF 1). Ce sont les départements qui sont compétents pour accorder les autorisations, voire les groupements et offices si cette compétence leur a été octroyée (art. 4a, RF 1).

L'autorisation d'exercer une activité accessoire rémunérée n'est accordée «qu'à titre exceptionnel» (art. 15, al. 3, StF). Elle sera refusée s'il est à craindre que la fonction soit négligée ou s'il existe un conflit d'intérêts. L'exercice d'activités accessoires interdites est passible de mesures disciplinaires (art. 30 ss, StF), pénales (notamment art. 314 à 316 CPS) et patrimoniales (loi sur la responsabilité).

L'autorité de nomination peut soumettre l'exercice d'une activité accessoire lucrative à des charges ou des conditions. La décision d'autorisation peut être révoquée notamment lorsque les conditions d'octroi ne sont pas respectées.

Les détails et les critères d'octroi des autorisations sont réglés en particulier à l'art. 13, al. 2 et 3, RF 1:

9070

Art. 13 du règlement des fonctionnaires (1) 2 Le fonctionnaire doit, quel que soit son degré d'occupation, demander une autorisation par la voie hiérarchique pour: a.

Exercer des activités accessoires qui ont un but lucratif; b.

Participer à la direction d'une société à but lucratif; c.

Participer à la direction d'une association ou institution qui vise à procurer des avantages économiques à ses membres d'après le principe d'entraide.

3 L'autorisation peut être accordée: a.

Lorsqu'il n'y a pas d'incompatibilité et que tout conflit est exclu entre les intérêts du service et ceux qui sont liés à l'activité accessoire; b.

Pour la direction d'une société à but lucratif, lorsque: 1. Le fonctionnaire est de surcroît lié d'une manière particulièrement étroite à la société à but lucratif par des rapports autres que financiers et que 2. La situation, sur le plan du personnel de la société à but lucratif semble exiger la collaboration du fonctionnaire à la direction de celle-ci; c.

Pour toute activité accessoire à but lucratif, lorsque, sous réserve de la let. a, la Confédération n'est pas en mesure d'offrir un emploi à plein temps au fonctionnaire qu'elle occupe à temps partiel.

Si un fonctionnaire exerce une activité accessoire lucrative qui est liée à sa position officielle, il doit en principe rétrocéder une partie du revenu à la Confédération (art. 15, al. 4, StF; art. 13a, RF 1). C'est notamment le cas pour les agents qui représentent la Confédération dans des sociétés d'économie mixte ou dans des sociétés anonymes (représentation d'office à raison de la fonction). Le fonctionnaire qui exerce une telle activité est tenu de fournir toutes les indications nécessaires sur le revenu qu'il en retire (art. 13a, al. 1, RF 1). Les détails sont réglés dans une ordonnance particulière du Département fédéral des finances16. Si l'activité en question sert des intérêts importants de la Confédération, l'autorité de nomination peut dispenser, entièrement ou partiellement, le fonctionnaire de l'obligation de verser une fraction du revenu (art. 13a, al. 3, RF 1). La remise à l'Etat d'une partie des recettes constitue une prestation spéciale dans le cadre des rapports de service17.

En bref: il découle de ce qui précède que le principe de l'interdiction des activités accessoires est assorti de toute une série
d'exonérations de portée générale (incompatibilité conditionnelle ou relative). Celles-ci sont, suivant les cas, laissées à l'appréciation des fonctionnaires ou de l'autorité de nomination. En principe, le fonctionnaire qui travaille à plein temps pour la Confédération ne peut pas exercer une autre activité rémunérée.

16

17

Ordonnance du Département fédéral des finances du 30 juin 1987 concernant le revenu déterminant tiré d'activités accessoires et l'obligation de verser ledit revenu, RS 172.221.128.

ATF 100 Ia 312, ATF 113 Ia 97.

9071

Pour la simplicité de l'exposé, nous utiliserons dorénavant le terme de fonctionnaire dans un sens large et entendrons par là tout agent de l'administration générale de la Confédération, et ce indépendamment de la réglementation de droit public à laquelle il est subordonné.

Le libellé actuel de l'art. 15 StF remonte à une modification intervenue en 198618.

Cette dernière a introduit l'obligation de verser à la Confédération une partie du revenu provenant des occupations accessoires que le fonctionnaire peut exercer en raison de sa situation administrative. Cette révision a également supprimé de la loi l'interdiction faite aux membres de la famille vivant dans le ménage du fonctionnaire d'exploiter un restaurant ou un café et de vendre professionnellement au détail des boissons alcooliques.

Peu de cas de jurisprudence sont connus en relation avec les activités accessoires.

Les cas les plus fréquents touchent à la relation entre l'interdiction d'une activité accessoire rémunérée et la liberté du commerce et de l'industrie fixée à l'art. 31 de la Constitution fédérale. La jurisprudence des autorités administratives et du Tribunal fédéral a admis qu'une telle disposition était valable au titre de la relation de puissance publique spéciale qui lie le fonctionnaire à l'Etat. Cette position a été précisée depuis. Dans un arrêt de 1995, le Tribunal fédéral a reconnu qu'un fonctionnaire puisse invoquer la liberté du commerce et de l'industrie lors de l'exercice d'une activité lucrative accessoire dans l'économie. Pour que cette dernière soit admissible, il ne doit pas y avoir de connexité matérielle entre l'activité officielle et l'activité accessoire. De même, l'activité accessoire ne doit pas porter atteinte à la réputation du fonctionnaire et à la confiance du public dans son impartialité19.

Les dispositions sur les activités accessoires sont valables pour toutes les fonctions, supérieures ou subalternes, de nature régalienne ou non. Elles s'appliquent pour tous les agents (fonctionnaires, employés permanents et non permanents, employés engagés à l'essai). Les agents à temps partiel qui exercent encore une autre activité rémunérée sont soumis aux mêmes conditions et obligations que les agents à plein temps et doivent également, dans ce cas, demander une autorisation. Le message de 1986 précise par
ailleurs: «ils (les agents à temps partiels) ne pourront bénéficier de l'autorisation exceptionnelle d'avoir une autre activité que s'ils ont échoué dans leur tentative de voir augmenter la durée de leur travail dans l'administration»20.

Il faut relever finalement que les dispositions sur les activités accessoires ne s'appliquent pas aux membres du Conseil fédéral ni au chancelier de la Confédération. Ces derniers ont l'interdiction absolue d'avoir des activités accessoires à caractère économique, que celles-ci soient lucratives ou non (incompatibilité absolue:

18 19 20

Nouvelle teneur selon le ch. I de la loi fédérale du 19 décembre 1986, en vigueur depuis le 1er juillet 1987 (RO 1987 932 939; FF 1986 II 317).

ATF 121 I 326.

Message du Conseil fédéral du 10 mars 1986 concernant la modification de la loi sur le statut des fonctionnaires et l'approbation des modifications apportées à l'état des fonctions; FF 1986 II 321.

9072

art. 97, cst.; art. 60, LOGA21). La règle est identique pour les membres du Tribunal fédéral assumant une charge complète (art. 108, al. 3, cst.; art. 3, al. 2, OJ22). Le tribunal peut néanmoins autoriser les juges à accepter des mandats d'expert et à exercer des fonctions arbitrales ainsi que d'autres activités accessoires, dans la mesure où l'exercice de leur fonction de juge, l'indépendance et le prestige du tribunal n'en sont pas entravés (art. 3a, OJ). Un règlement règle les détails23.

52

Nature, objet et ampleur des activités accessoires dans l'administration fédérale

Les informations communiquées par les départements révèlent des écarts importants en ce qui concerne la nature, l'objet et l'ampleur du phénomène. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) compte moins de 0,2 % de son personnel qui exerce des activités accessoires alors que le Département fédéral de l'intérieur (DFI, sans le domaine des EPF) est celui qui présente le plus haut pourcentage (4,7 %).

Les chiffres des autres départements s'échelonnent entre 1,5 % (Chancellerie fédérale) et 3,1 % (Département fédéral de justice et police, DFJP).

A l'intérieur des départements, la commission a constaté des différences très marquées: au DFI p. ex., l'Office fédéral de la santé publique possède la proportion la plus élevée (8,1 %) alors que le Service hydrologique et géologique national n'a aucun agent qui exerce une activité accessoire. Au Département fédéral des finances (DFF), l'Administration fédérale des contributions (AFC) compte une proportion de 5,6 % (sans les activités d'enseignement et les charges publiques), alors que l'Office central fédéral des imprimés et du matériel (OCFIM) et la Régie fédérale des alcools (RFA) n'ont aucun fonctionnaire exerçant une activité accessoire.

S'agissant plus particulièrement des activités accessoires à caractère lucratif, le DDPS compte une proportion de 0,03 % d'agents concernés alors que le DFI en compte 2,5 %. La part s'échelonne dans les autres départements entre 0,2 % au DFAE et 2,4 % au DFJP.

Les différences entre les départements s'expliquent partiellement. Les chiffres peu élevés du DFAE se justifient notamment par le fait qu'il est pratiquement exclu pour les agents diplomatiques et consulaires en service à l'étranger d'exercer des activités

21

22

23

Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA); RS 172.010. Sur cette notion, cf. l'avis de droit de l'Office fédéral de la justice du 13 août 1998 intitulé «Kurzgutachten zur Interpretation von Artikel 60 des Regierungs- und Verwaltungsorganisationsgesetzes im Hinblick auf eine allfällige Wahl von Herrn Bundesrat Adolf Ogi zum Präsidenten der «Association pour les Jeux Olympiques d'hiver 2006» (AJOH)» (existe seulement en allemand). Cf. également le message du Conseil fédéral du 20 octobre 1993 concernant la loi sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA); FF 1993 III 949.

Loi fédérale d'organisation judiciaire (Organisation judiciaire [OJ]) du 16 décembre 1943; RS 173.110. Cf. aussi le message du Conseil fédéral du 18 mars 1991 concernant la révision de la loi fédérale d'organisation judiciaire et de l'arrêté fédéral concernant l'augmentation temporaire du nombre des juges suppléants et des rédacteurs d'arrêts du Tribunal fédéral, FF 1991 II 461.

Règlement du 22 février 1993 sur les activités accessoires des membres du Tribunal fédéral; RS 173.113.1; règlement du 16 mars 1993 sur les activités accessoires des membres du Tribunal fédéral des assurances; RS 173.113.2.

9073

professionnelles ou commerciales en vertu des conventions de Vienne24. Les chiffres élevés du DFI sont dus notamment au fait que le département compte beaucoup d'agents à temps partiel (33,9 % à fin janvier 1998). Selon le département en question, il arrive de plus en plus souvent que des personnes employées à temps partiel par la Confédération soient contraintes d'exercer une autre activité pour subvenir à leurs besoins. Pour le DFI, la généralisation du travail à temps partiel remet en question la règle actuelle sur les activités accessoires et nécessite, pour l'heure, de l'interpréter avec largesse. Certains offices qui ont procédé à des restructurations encouragent d'ailleurs leurs agents à avoir d'autres occupations, notamment pour réduire l'impact de mesures de réorganisation (c'est le cas au Département fédéral de l'économie [DFE]).

Une autre raison des écarts constatés est donnée par des interprétations très différentes de la notion de caractère lucratif: le DDPS a indiqué que si le revenu procuré par l'activité accessoire dépasse de 10 % le montant maximum de la classe de traitement de l'agent, l'occupation accessoire était qualifiée de rémunérée. Cela correspond à une somme d'environ 5000 francs par an pour un fonctionnaire placé dans les classes de traitement inférieures et une somme d'environ 17 000 francs pour un agent dans les classes de traitement élevées. Le DFF quant à lui ne fait aucune distinction entre une activité accessoire lucrative et une activité accessoire non lucrative. Il estime, à raison, que la notion de «but lucratif» n'est pas définie dans le StF, ni dans les dispositions d'application. Dans d'autres départements, on considère qu'est lucratif tout ce qui produit un avantage pécuniaire, qu'il s'agisse d'un revenu régulier ou occasionnel, d'indemnités journalières, d'honoraires, de brevets, de licences, de royautés, de droits d'auteur, de dédommagements, etc.

Les indications données sont donc difficiles à interpréter. Si l'on admet, à l'instar du Tribunal fédéral, qu'est lucrative toute activité «tendant à la production d'un gain et exercée à titre professionnel»25, il faut reconnaître alors qu'une très grande partie des activités déclarées ne tombe pas sous cette définition ne serait-ce qu'en raison de leur caractère irrégulier ou ponctuel.

Il n'y a pas que la
définition de caractère lucratif qui pose problème. La notion même d'activité accessoire donne lieu à des interprétations divergentes. Dans certains départements ou offices, les charges publiques sont considérées comme des activités accessoires rémunérées. Les deux situations sont pourtant juridiquement très différentes car le législateur fait une distinction très claire entre l'exercice d'activités accessoires (art. 15 StF) et l'exercice de charges publiques (art. 14 StF).

Il faut relever finalement la confusion existant dans certains départements entre les activités accessoires privées et les représentations d'office à raison de la fonction.

C'est pourquoi, d'un point de vue qualitatif, les statistiques ne révèlent qu'une petite facette de la réalité. Les chiffres sont dans certains cas trop élevés, dans d'autres cas trop faibles. De plus, ces chiffres ne concernent que les activités déclarées par les fonctionnaires. Pour être complet, il faudrait également ajouter les activités non déclarées.

24

25

Art. 42 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques; RS 0.191.01; art. 57, al. 1, de la Convention de Vienne sur les relations consulaires; RS 0.191.02. Il faut noter que les dispositions du RF 3 sur les activités accessoires des employés du DFAE en service à l'étranger touchent également les membre de la famille vivant dans son ménage (art. 18, al. 6, RF 3).

ATF 103 Ia 261, ATF 106 Ia 355.

9074

La commission a renoncé à contrôler systématiquement les informations livrées pour voir si elles correspondaient à la réalité. En effet, il n'aurait été possible de procéder à ces contrôles qu'au prix de lourdes dépenses et d'une perte de temps considérable sans commune mesure avec les résultats escomptés. La commission a cependant recoupé certaines informations reçues avec des renseignements qu'elle possédait déjà. Elle a pu ainsi constater que certaines occupations accessoires n'étaient pas déclarées. Ce fait n'est d'ailleurs pas contesté: certains départements et offices ont admis ne pas disposer d'informations complètes, notamment en ce qui concerne les agents à temps partiel. Il est plausible également que certains fonctionnaires exercent des activités accessoires lucratives en totale méconnaissance des dispositions juridiques en la matière.

Mises à part les charges d'enseignement ou les activités de conseil ou de représentation, la majeure partie des activités accessoires lucratives sont soit liées à la vie associative (participation à un syndicat ou à une coopérative d'habitation, activités artistiques, etc.) ou il s'agit d'activités relativement subalternes: concierge, travaux ménagers, leçons particulières, guide de voyage, vendeur, maître de sport, guide de montagne, chauffeur de taxi ou de car, mécanicien sur auto, traducteur, travaux de secrétariat, etc. Pour les personnes concernées, souvent dans des classes de traitement inférieures, ces activités apportent un appoint de revenu indispensable. Dans ces cas-là, la commission n'a identifié aucun problème particulier de conflits d'intérêts. La question de savoir si ces activités n'absorbaient pas trop les fonctionnaires concernés n'a pas pu être tranchée, car il aurait fallu pour cela examiner chaque cas d'espèce. Ceci est de la compétences des chefs de ligne.

Au chapitre des activités de conseil (conseil juridique ou fiscal, etc.) ou de représentation (conseil d'administration, activité d'avocat, etc.), la commission a un avis plus nuancé. En effet, certaines situations examinées par la commission laissent supposer un conflit d'intérêts, apparent ou réel, entre les affaires publiques et les affaires privées. Voici quelques exemples fictifs: est-il acceptable qu'un avocat travaillant à mi-temps pour un service de recours de la Confédération
traite, dans l'autre mi-temps, des affaires de droit public fédéral dans une étude d'avocat?26 Estil admissible qu'un agent de l'administration fiscale puisse faire du conseil en comptabilité auprès de contribuables? Faut-il tolérer qu'une personne qui exerce une tâche de surveillance étatique sur des banques, des assurances ou des entreprises, puisse parallèlement à ces activités avoir un bureau de conseil, une fiduciaire ou faire de la gestion de fortune27? La commission a constaté que de telles situations existaient. Pour des raisons de protection de la personnalité, la commission a directement informé les chefs de département concernés et leur a enjoint de prendre les mesures nécessaires.

Pour la commission, il faut impérativement éviter de telles situations qui sont préjudiciables à l'indépendance de la fonction publique et portent atteinte au crédit de l'institution. Hormis le problème de conflits d'intérêts, cela pose un problème de concurrence déloyale à l'égard de l'économie privée lorsque l'agent utilise les ressources et l'infrastructure de la Confédération pour exercer son activité privée.

26 27

Un exemple analogue avait été développé par le chef du DFF en 1986 lors de la révision du statut des fonctionnaires; BO 1986 E 729.

A noter que l'art. 161 du Code pénal, entré en vigueur le 1er juillet 1988, réprime l'exploitation abusive, notamment par un fonctionnaire, de connaissances privilégiées en matière de transactions boursières.

9075

53

Le cas particulier des activités d'enseignement

Les activités d'enseignement, exercées durant les heures de travail, constituent un cas particulier d'activités accessoires. Ces activités sont soumises à une ordonnance du Conseil fédéral qui date de 197428. Les grandes lignes en sont les suivantes: Si l'activité d'enseignement sert les intérêts de la Confédération, l'ordonnance prévoit que les heures ordinaires de travail perdues sont comptées partiellement comme heures de travail. Les premières quarante-deux heures ­ soit l'équivalent d'une semaine de travail ­ sont réputées congé payé; la moitié des quarante-deux heures suivantes doit être compensée par du temps de travail ou imputées sur la rétribution versées par la Confédération; chaque heure supplémentaire sera entièrement compensée par du temps de travail ou imputée dans sa totalité sur la rétribution versée par la Confédération. Il est laissé à la libre appréciation des services de décider quel enseignement sert les intérêts de la Confédération.

Si une activité d'enseignement ne sert pas les intérêts de la Confédération, les heures de travail perdues sont entièrement compensées par du temps de travail ou imputées dans leur totalité sur la rétribution versée.

L'enseignement dont sont chargés les agents des Ecoles polytechniques fédérales, de l'Institut suisse de pédagogie pour la formation professionnelle et des stations de recherches agronomiques fait l'objet d'une réglementation particulière.

Il n'existe pas de contrôle centralisé sur les fonctionnaires exerçant une activité d'enseignement à titre accessoire. Les recherches effectuées par la commission ont montré que près de quatre-vingts agents de la Confédération avaient une charge d'enseignement supérieur en 1998. La rétribution versée à ces agents est parfois importante. Elle s'échelonne, suivant les cas, entre 500 francs et près de 50 000 francs pour des fonctionnaires engagés à temps complet. Ces revenus sont acquis aux fonctionnaires, l'ordonnance ne prévoyant pas de rétrocession à la Confédération, ni de déclaration de revenus29. Les revenus s'ajoutent ainsi aux revenus de la fonction officielle.

Sous l'angle des conflits d'intérêts, les activités d'enseignement ne posent pas de problème particulier. Il en va différemment s'agissant de la charge de travail. En effet, il paraît difficilement possible qu'un agent de l'administration
à temps complet puisse à la fois exercer son activité officielle et enseigner de manière régulière, qui plus est durant les heures de travail, sans que cela ne perturbe en aucune manière la marche du service.

Certaines des activités examinées par la commission correspondent à des postes d'enseignement à quart temps, soit théoriquement 10 à 15 heures de travail par semaine. En période de surcharge de l'administration fédérale, de telles activités d'enseignement sont discutables. Elles représentent une charge que peu d'entreprises peuvent se permettre. Certes, une activité d'enseignement est louable et recommandable. Reste à savoir si elle est essentielle pour la Confédération.

28 29

Ordonnance du 2 décembre 1974 concernant l'enseignement dont sont chargés des agents de l'administration générale de la Confédération; RS 172.221.126.

Malgré le silence de l'ordonnance, certains offices exigent un relevé annuel des revenus obtenus dans des activités d'enseignement. C'est notamment le cas de l'Administration fédérale des contributions.

9076

Pour la commission, les activités d'enseignement durant les heures de travail devraient demeurer une exception. Elles devraient être admises que lorsqu'il est absolument avéré que des intérêts importants de la Confédération sont en jeu. Ces intérêts doivent être clairement distingués de l'intérêt qu'a l'agent d'enseigner ou de porter un titre.

Recommandation 3 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral de soumettre à un contrôle plus strict les activités d'enseignement que les fonctionnaires exercent durant leur temps de travail ordinaire. Les activités d'enseignement doivent être autorisées à la condition qu'elles servent les intérêts de la Confédération et seulement ceux-là et qu'elles soient conciliables avec la charge de travail.

Une autre question a particulièrement retenu l'attention de la commission, soit celle du cumul des revenus. En effet, la commission juge très contestable la pratique actuelle qui permet à des agents de réaliser plusieurs salaires durant leur temps de travail ordinaire. Cette situation est d'autant plus insatisfaisante qu'elle touche essentiellement, voire exclusivement, des agents situés dans des classes de traitement élevées. Ces derniers disposent généralement d'un salaire suffisant pour vivre conformément à leur situation sociale.

Alors que les fonctionnaires représentant la Confédération dans des entreprises, commissions, institutions ou organisations sont tenus de reverser une partie du revenu à la Confédération, les chargés d'enseignement n'y sont pas astreints. Pourtant ces deux types d'activités participent de la même intention, celle de servir les intérêts de la Confédération. Malgré ce point commun, elles sont traitées de manière différente quant à la cession du revenu. Cette situation constitue une inégalité de traitement au profit des chargés d'enseignement qui est susceptible de créer des jalousies au sein de l'administration.

Juridiquement, la question qui se pose est la suivante: l'obligation existant pour les fonctionnaires qui exercent une activité lucrative accessoire liée à la fonction administrative de verser une partie du revenu à la Confédération est-elle applicable aux chargés d'enseignement?

L'art. 15, al. 4, du statut des fonctionnaires dispose: Art. 15, al. 4, statut des fonctionnaires S'il exerce une activité accessoire
lucrative qui est liée à sa fonction administrative ou aux tâches qui sont les siennes, le fonctionnaire est en principe tenu de verser à la Confédération une fraction du revenu tiré de cette activité. Le Conseil fédéral règle les modalités d'application.

Le Conseil fédéral a fixé les modalités d'application en ajoutant un art. 13a dans le règlement des fonctionnaires (1) (RF 1):

9077

Art. 13a, RF 1, Obligation de verser le revenu fonctionnaire exerçant une activité accessoire liée à sa fonction administrative ou aux tâches qui sont les siennes doit fournir à l'office dont il relève toutes les indications voulues sur le revenu qu'il en retire.

2 Si le revenu total que lui procurent cette activité et son traitement fixé à l'art. 36 du statut des fonctionnaires est supérieur à 110 % du montant maximum de sa classe de traitement, le fonctionnaire doit verser l'excédent à la Confédération. Le Département fédéral des finances règle les modalités concernant le revenu déterminant et le versement d'une fraction de celui-ci.

3 Lorsque l'exercice d'une activité accessoire sert des intérêts importants de la Confédération, le fonctionnaire peut être dispensé entièrement ou partiellement de l'obligation de verser une fraction de son revenu. Est compétente pour en décider l'autorité qui nomme.

1 Le

Sur la base de l'art. 13a RF 1, le Département fédéral des finances a édicté l'ordonnance du 30 juin 1987 concernant le revenu déterminant tiré d'activités accessoires et l'obligation de verser ledit revenu (RS 172.221.128). L'ordonnance de 1974 sur les chargés d'enseignement, qui elle est basée sur l'art. 15, al. 3, StF, n'a en revanche pas été modifiée à la suite de l'adoption de l'art. 15, al. 4, StF.

L'interprétation de la lettre de l'art. 15, al. 4, StF, ne permet pas de déterminer avec certitude si le législateur a entendu ou non exiger une rétrocession du revenu pour les chargés d'enseignement. En effet, l'examen des textes allemand et italien, dont la teneur est identique, n'apporte aucune réponse à cette question. Tout est question de savoir si l'activité d'enseignement du fonctionnaire est liée à sa fonction administrative ou aux tâches qui sont les siennes. Dans tous les cas examinés par la commission, il existe un lien extrêmement étroit entre les charges d'enseignement et les activités officielles. L'agent qui enseigne cherche généralement à transmettre aux étudiants le savoir et les expériences acquises dans le cadre de sa fonction officielle.

En retour, il acquiert des compétences nouvelles, mais aussi un prestige important, qui peuvent être utiles à l'accomplissement de son activité officielle. Dans les deux cas, il existe une connexité étroite entre les tâches qu'exerce le fonctionnaire et ses activités d'enseignant. Il faut donc admettre que l'art. 15, al. 4, StF, s'applique également aux chargés d'enseignement.

L'étude de la genèse de l'article conforte cette interprétation. Les propos du rapporteur de la commission devant le Conseil national nous apportent de précieuses indications sur les objectifs du législateur: «Reste le problème de certaines occupations accessoires en relation directe avec la fonction. Un certain nombre de hauts fonctionnaires, par exemple, sont invités à donner des cours dans les universités. C'est une pratique louable, il faut la maintenir. Le problème se pose cependant du cumul des salaires entre la fonction publique et la fonction de professeur ou une autre fonction que le fonctionnaire pourrait être appelé à exercer.» Dans son message du 10 mars 1986 le Conseil fédéral, commentant l'art. 15, al. 4, du projet du statut, relevait qu'il soumettrait à
rétrocession tous les revenus découlant d'activités accessoires exercées par des fonctionnaires en raison de leur situation administrative ou de leurs obligations de service particulières. Et le Conseil fédéral d'ajouter: «Pour apprécier cet élément, il convient de tenir compte des connaissances et aptitudes que le fonctionnaire a acquises au fil de ses années de service» (FF 1986 II 327). A 9078

l'appui de sa démonstration, le Conseil fédéral mentionne explicitement les charges d'enseignement. Il faut rappeler aussi que l'art. 15, al. 4, StF, avait été proposé en réponse aux critiques formulées par la Délégation des finances à l'égard des fonctionnaires chargés d'un enseignement. Dans le rapport d'activité de la Délégation des finances pour 198430, on peut lire ceci: «Le Gouvernement a aussi été prié d'étudier la possibilité de limiter les honoraires consentis aux agents (chargés d'enseignement), par analogie avec la réglementation applicable aux rétributions des membres de conseils d'administration» (FF 1985 II 25). L'art. 15, al. 4, StF a été repris par le Parlement sans aucune modification.

En conclusion, il ne fait aucun doute qu'en adoptant l'art. 15, al. 4, StF, le législateur voulait limiter la possibilité de cumuls de gains pour les fonctionnaires chargés d'enseignement.

Pour la commission, cette conclusion est d'ailleurs logique: à supposer retenue l'hypothèse qu'une activité d'enseignement sert les intérêts de la Confédération, il faut admettre à ce moment-là qu'elle relève des obligations normales des fonctionnaires au titre de l'article 22 StF31, en quel cas il faut prévoir une cession d'une fraction du revenu tiré de ces activités. Autrement dit: une charge d'enseignement qui sert les intérêts de la Confédération relève de l'activité officielle et non privée du fonctionnaire. La doctrine partage d'ailleurs l'avis de la commission32.

A titre de comparaison, les règlements sur les activités accessoires du Tribunal fédéral et du Tribunal fédéral des assurances prévoient un devoir de cession pour toutes les activités accessoires rémunérées, y compris les charges d'enseignement33.

Le Conseil fédéral a donc méconnu l'objectif poursuivi par le législateur qui voulait empêcher, partiellement ou complètement, le cumul de salaires. En omettant de modifier l'ordonnance de 1974 sur les activités d'enseignement, le Conseil fédéral a contribué à perpétuer une pratique bienveillante à l'égard des chargés d'enseignement par rapport aux autres activités accessoires lucratives exercées durant les heures de travail. Pour la commission, la pratique actuelle est manifestement entachée d'illégalité.

Il convient de signaler enfin que cette situation ne semble pas propre uniquement aux activités
d'enseignement. En effet, selon un rapport récent du Contrôle fédéral des finances, il apparaît que des situations identiques se posent également pour la rédaction d'articles scientifiques ou spécialisés.

30

31

32 33

Rapport de la Délégation des finances des Chambres fédérales aux Commissions des finances du Conseil national et du Conseil des Etats sur son activité en 1984, du 23 avril 1985; FF 1985 II 8.

Art. 22 StF: «Le fonctionnaire est tenu de remplir fidèlement et consciencieusement ses obligations de service, de faire tout ce qui est conforme aux intérêts de la Confédération et de s'abstenir de tout ce qui leur porte préjudice».

Modoianu, G., «Les intérêts privés des fonctionnaires», in: Revue de droit administratif et de droit fiscal, Genève, no 6, novembre­décembre 1991, page 441.

Art. 6 du règlement du 22 février 1993 sur les activités accessoires des membres du Tribunal fédéral; art. 6 du règlement du 16 mars 1993 sur les activités accessoires des membres du Tribunal fédéral des assurances.

9079

Recommandation 4 La Commission de gestion invite le Conseil fédéral à procéder dans les plus brefs délais à une révision de l'ordonnance concernant l'enseignement dont sont chargés des agents de l'administration afin de l'adapter à la lettre et à l'esprit de l'art. 15, al. 4, du statut des fonctionnaires.

54

Les procédures et les critères d'examen des requêtes

Les demandes pour exercer une activité accessoire lucrative sont évaluées à l'aune des dispositions statutaires et réglementaires. Les raisons qui peuvent conduire l'autorité de nomination à refuser une autorisation, à la restreindre ou à la retirer, sont de double nature. Ou bien les deux activités, fédérales et accessoires, sont incompatibles car elles créent un conflit d'intérêts qui enlèverait à l'agent l'indépendance et l'objectivité qui lui sont indispensables, ou bien l'exercice de l'activité porte préjudice à la fonction fédérale en accaparant trop son titulaire. Cela exige une pondération d'intérêts entre l'exécution du mandat officiel d'une part, et le respect des droits personnels des fonctionnaires d'autre part. Cela présuppose une connaissance précise des tâches du fonctionnaire ainsi que de l'ampleur et de la nature des activités accessoires (charge de travail, disponibilité, etc.).

Les cas d'incompatibilités conduisant à des refus sont assez rares. Le DFAE mentionne un cas (poste au sein d'une société para-étatique en Namibie), le DFI deux cas (activités informatiques), le DFJP un cas (nomination au sein du conseil d'administration d'une banque), le DFF cinq cas récents (direction d'une société commerciale, mandat d'administrateur d'une fabrique de spiritueux, conseils en comptabilité et tenues de comptabilités). La Chancellerie fédérale, le DDPS, le DFE et le DETEC n'en relèvent aucun. Aucun cas d'interdiction n'a été signalé en raison d'une activité mettant en danger la vie ou la santé du fonctionnaire ou l'accaparant continuellement. Il faut dire que la chose est plus difficile à apprécier. De tels cas se règlent souvent de manière informelle entre le supérieur et le fonctionnaire concerné sans que le département ni l'office n'en ait connaissance.

Une fois rendues, les autorisations sont classées dans le dossier personnel de l'agent.

A l'exception du DFAE, il n'existe pas de registres des autorisations octroyées à l'échelon des départements. Les autorisations ne font que très rarement l'objet d'un contrôle régulier et systématique. Certains offices rappellent régulièrement leurs obligations aux agents. C'est notamment le cas de l'Office fédéral des assurances sociales et de l'Office fédéral de l'assurance militaire où les agents sont sporadiquement invités à faire une déclaration
sur leurs activités accessoires. Ce rappel a lieu tous les deux ans aux Archives fédérales. Le secrétariat général du DFE effectue des contrôles dans les cas relevant de la compétence du département. A noter qu'au DFAE la pratique d'octroi des autorisations fait l'objet de contrôles par l'inspectorat diplomatique ou l'inspectorat consulaire et financier. A la connaissance de la commission, ce sont les seuls services de l'administration qui procèdent ainsi, ce qui est préoccupant. Cette absence de contrôle a pour effet que des autorisations sont parfois vieilles de plus de vingt ans sans qu'elles n'aient jamais fait l'objet d'un réexamen. De ce fait, il est tout à fait possible que les circonstances qui ont conditionné l'octroi d'une autorisation se sont modifiées radicalement entre temps.

9080

La commission s'est posé la question de savoir si l'ampleur du revenu obtenu dans l'exercice d'une activité accessoire constituait un critère à prendre en considération pour apprécier la compatibilité de cette dernière avec la fonction officielle. La littérature relève en effet le cas d'un employé communal qui avait assisté un couple de personnes âgées dans la gestion de leurs affaires et qui, à l'occasion de la vente d'un immeuble, s'était vu promettre 10 % du prix de vente. L'employé en question fut puni disciplinairement. Il interjeta recours, mais ce dernier fut rejeté par le Conseil d'Etat du canton au motif que l'activité en question était contraire au devoir de fidélité puisque le montant de la vente représentait l'équivalent de plusieurs années de traitement du fonctionnaire34.

Dans l'administration fédérale, la commission n'a relevé aucun cas où le revenu accessoire ait servi de critère d'examen. On estime généralement que cette information n'est pas nécessaire pour identifier d'éventuelles incompatibilités, bien que cela ne soit pas exclu selon l'OFJ. En effet, le revenu obtenu peut parfois constituer un bon indice de l'importance d'une activité accessoire. L'appréciation porte en général sur d'autres éléments tels la charge de travail, la nature de l'activité, l'existence d'une connexité matérielle avec la tâche officielle, etc.

Bien que le revenu n'apparaisse pas comme un critère déterminant, la commission a tout de même examiné l'importance des revenus accessoires obtenus par certains fonctionnaires. Ces revenus sont souvent peu élevés. Pour les personnes employées à 50 % , les revenus s'échelonnent entre 2000 francs et environ 40 000 francs. Pour les agents à temps plein, la commission a relevé des revenus accessoires de l'ordre de quelques centaines de francs à 50 000 francs. Une exception notable concerne les postes d'enseignement académique où l'on trouve, pour des fonctionnaires à temps partiel, des revenus pouvant atteindre environ 70 000 francs; pour des agents à temps complet, cela peut atteindre jusqu'à près de 50 000 francs.

55

Comparaisons sur le plan international

De nombreux pays connaissent des restrictions à l'exercice d'activités accessoires pour leurs fonctionnaires35: En France, le statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales consacre l'interdiction pour les fonctionnaires d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelle nature que ce soit36. Les fonctionnaires ne peuvent pas non plus prendre des intérêts dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent.

34

35

36

Arrêté du Conseil d'Etat du canton de Lucerne du 6 septembre 1979, cité in: Hänni, P., Rechte und Pflichten im öffentlichen Dienstrecht, Freiburg, Universitätsverlag Freiburg, 1993, cas no 21, pages 29 ss.

Cf. parlement européen, Mesures de prévention de la corruption dans les Etats membres de l'UE, Luxembourg, document de travail, direction générale des études, série affaires juridiques, 1998.

Art. 25 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (loi dite loi Le Pors), Journal Officiel du 14 juillet 1983. Pour une application concrète, cf. «Procédure disciplinaire contre un magistrat d'une chambre des comptes. Il aurait exercé une profession commerciale», in: Le Monde, 22 septembre 1998, page 12.

9081

En Allemagne, la loi sur les fonctionnaires fédéraux37 admet l'exercice d'activités accessoires, mais ces dernières doivent être déclarées et autorisées. En 1995, environ 11 % des fonctionnaires exerçaient une activité accessoire38. Des abus ayant été constatés dans ce domaine39, le Bundestag a décidé d'introduire en 1997 des critères d'autorisation plus stricts. Selon la nouvelle loi portant restriction des emplois supplémentaires40, l'autorisation d'occuper un emploi supplémentaire est dorénavant limitée à cinq ans pour les fonctionnaires et employés de l'Etat et des communes.

L'autorisation est soumise à des charges et conditions. Toutes les autorisations antérieures sont annulées au 31 décembre 1999. Le fonctionnaire doit déclarer le type et l'importance de l'activité, mais également les revenus et autres avantages matériels obtenus. Pour le législateur, il importait que l'activité accessoire ne devienne pas une seconde activité professionnelle. Il s'agissait également de renforcer la confiance des citoyens dans l'intégrité de l'Etat et de ses agents. Quelques Länder allemands ont pris des dispositions analogues, tels le Baden Württemberg et le Schleswig-Holstein.

En Autriche, l'exercice d'une activité accessoire est en principe interdit quand elle est susceptible d'interférer avec la tâche officielle, si elle met en doute l'impartialité du fonctionnaire ou si elle met en danger d'autres intérêts essentiels. Toute activité accessoire lucrative doit être annoncée à l'autorité. Elle n'est autorisée que dans certains cas (diminution de l'horaire de travail, travail à temps partiel, congé pour soigner un enfant, etc.). La participation à un conseil d'administration ou à d'autres organes de société de droit privé est autorisée sous réserve d'annonce à l'autorité41.

En Espagne, la loi du 11 mai 1968 sur les incompatibilités des ministres et des hauts fonctionnaires fixe le cadre dans lequel ces personnes peuvent exercer d'autres activités publiques ou privées. La loi prescrit notamment l'obligation de déclarer ces activités ainsi que le patrimoine. L'omission ou la fausse déclaration sont sanctionnées. Des dispositions analogues existent en Grèce où les déclarations d'intérêts sont vérifiées par une commission de contrôle parlementaire ou par un représentant du ministère public près la Cour de justice.
La Finlande42 autorise ses fonctionnaires à exercer des activités accessoires lucratives, mais ces dernières doivent être annoncées à l'autorité. Depuis le 1er avril 1995, les membres du gouvernement sont tenus de déclarer leurs activités extra professionnelles. Il leur est interdit notamment d'exercer une autre activité qui puisse porter atteinte à leur indépendance. Un groupe de travail a en outre proposé récem37 38

39

40 41 42

Art. 65 et 66 de la Bundesbeamtengesetz (BBG).

Cf. Schwarze, J., Nebenerwerbstätigkeit in Deutschland nimmt zu. Zur Frage der Versicherungspflicht, Berlin, Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung, Wochenbericht 22/97, 1997.

Pour des exemples, CDU-Bürgerschaftsfraktion Hamburg, Nebentätigkeiten im öffentlichen Dienst kontrollieren und einschränken, conférence de presse du 12 mai 1998. Le cas le plus retentissant qu'a connu l'Allemagne est celui d'un président tribunal à Francfort qui toucha 1,3 million de mark pour effectuer une expertise pour un syndicat. Voir sur ce cas: «IG Metall schickt Justitiar Kittner in die Wüste. Rücktritt nach HonorarAffäre um Heinrichs», in: Die Welt, 26 novembre 1996.

Zweites Nebentätigkeitsbegrenzungsgesetz vom 9. September 1997, BGBl. I S. 2294.

Art. 56 ss. de la Beamten-Dienstrechtsgesetzes (BDG 1979), BGBl. Nr. 333/1979.

Organisation de Coopération et de Développement Economiques, L'éthique dans le service public, questions et pratiques actuelles, Paris, études hors série sur la gestion publique, no 14, 1996, page 52; Äijälö, K., Hyvönen, T., «The management of ethics and conduct in the public service, case study Finland» (non publié, mais disponible sur le site de l'OCDE à l'adresse: www.oecd.org//puma/gvrnance/ethics/ethicsfi.htm).

9082

ment d'élargir ces restrictions aux fonctionnaires supérieurs, soit approximativement 0,1 % des effectifs. Il s'agit en l'occurrence d'accroître la confiance du public dans une administration impartiale et objective.

En Suède43, les fonctionnaires de haut rang peuvent exercer des activités accessoires pour autant qu'elles soient déclarées. Ces informations sont accessibles au public.

Au Japon, il n'existe pas de procédures formalisées. Les hauts fonctionnaires n'ont pas le droit d'avoir des fonctions exécutives dans des sociétés à but lucratif. S'ils veulent exercer une activité commerciale, ils doivent requérir l'approbation préalable du Premier ministre.

Les Etats-Unis44 connaissent un dispositif particulièrement développé destiné à éviter les conflits d'intérêts. L'exercice d'activités accessoires n'est pas interdit en principe, mais il est soumis à déclaration pour certaines catégories de fonctionnaires.

Dans les trente jours qui suivent leur entrée en fonctions, les fonctionnaires concernés doivent donner à l'autorité toute une série d'informations sur les activités exercées à l'extérieur, que ces activités soient rémunérées ou non. Il s'agit pour l'essentiel des occupations dans des sociétés, dans des organisations à but non lucratif, dans des organisations syndicales ainsi que des activités d'enseignement. Ne sont pas soumises à déclaration les activités religieuses, sociales, caritatives ou politiques, ni les postes honorifiques ou les activités des membres de la famille. Les fonctionnaires doivent en plus annoncer tous leurs revenus et fortune ainsi que les cadeaux et voyages reçus par eux-mêmes, leur conjoint ou leurs enfants. Ces informations doivent être actualisées chaque année. Le non-respect des dispositions est passible de mesures disciplinaires ou pénales45.

A l'instar des Etats-Unis, d'autres pays connaissent également, dans certaines circonstances, un système de déclarations patrimoniales pour certains fonctionnaires.

C'est le cas de l'Australie, de la Belgique, du Canada, de la Finlande, de la France, de l'Irlande, de l'Islande, de l'Italie, du Mexique, du Portugal, de la Suède, de la Turquie et du Royaume-Uni46.

56

Conclusions

Les agents publics sont-ils libres d'utiliser leur savoir et leurs compétences, acquises dans leurs activités officielles, pour exercer des activités privées, notamment à caractère lucratif ?

43

44

45

46

Organisation de Coopération et de Développement économiques, «Managing the senior public service: a survey of OECD countries» (non publié, mais disponible sur le site de l'OCDE à l'adresse: www.oecd.org/puma/mgmtres/hrm/pubs/sps97).

Organisation de Coopération et de Développement Economiques, L'éthique dans le service public, questions et pratiques actuelles, Paris, études hors série sur la gestion publique, no 14, 1996, pages 52­53; Gilman, S., «The management of ethics and conduct in the public service, case study The United States federal government», (non publié, mais disponible sur le site de l'OCDE à l'adresse: www.oecd.org//puma/gvrnance/ethics/ethicsus.htm).

Title I of the Ethics in Government Act of 1978, 5 U.S.C. app. § 101 et seq.; 5 C.F.R Part 2634 and 2635.801­809, Subpart I, of the Office of Government Ethics regulations; Executive Order 12674 of April 12, 1989.

Organisation de Coopération et de Développement Economiques, Mesures prises dans les pays de l'OCDE pour lutter contre la corruption dans le secteur public (à paraître).

9083

Les fonctionnaires fédéraux ne sont pas totalement libres d'utiliser leur savoir et leurs compétences, acquises dans leurs activités officielles, pour exercer des activités privées, notamment à caractère lucratif. Le système actuel prévoit une interdiction de principe ainsi qu'un système d'autorisations pour les activités lucratives.

La commission constate que l'application par les départements des dispositions légales s'effectue correctement. Dans l'ensemble, les départements font preuve d'une grande retenue dans l'octroi des autorisations, ce qui répond à la lettre de la loi selon laquelle les autorisations ne sont conférées que dans des cas exceptionnels.

Pour autant que la commission ait pu en juger, elle n'a relevé aucune activité irrégulière. L'hypothèse que certaines activités puissent présenter des conflits d'intérêts, réels ou apparents, ne s'est concrétisée que dans quelques très rares cas.

L'inspection a démontré pourtant que la mise en oeuvre des dispositions manque d'uniformité et conduit à des interprétations différenciées dans les départements.

Sur le plan juridique, ces disparités ne sont pas satisfaisantes. Dans la pratique, la situation n'est pas alarmante, ni préoccupante.

La commission estime que le système actuel est perfectible. En effet, il n'est plus adapté aux exigences actuelles du marché de l'emploi, notamment en ce qui concerne le travail à temps partiel. La différence entre une activité accessoire et une deuxième profession n'est pas claire: pour un fonctionnaire qui travaille à 50 % à la Confédération et à 50 % pour un autre employeur, il est difficile de dire quelle activité est accessoire de laquelle. Il faut admettre dans ce cas qu'il s'agit de deux activités professionnelles distinctes (certains cantons font la distinction entre activités accessoires et professions accessoires).

Les règles actuelles posent également des problèmes au titre de la liberté du commerce et de l'industrie47. A l'heure actuelle, il apparaît peu raisonnable que l'employeur intervienne dans tous les actes de la vie économique des agents et qu'il y introduise des règles de distorsion de concurrence. Cela concerne notamment l'art. 15, al. 4, StF (interdiction d'une activité commerciale ou industrielle) ainsi que la règle introduite par le Conseil fédéral élargissant le champ d'interdiction
aux activités accessoires qui constituent «une concurrence déloyale envers l'artisanat, l'industrie, le commerce ou toute autre activité économique» (art. 13, al. 1, let. b., RF 1).

La commission est d'avis qu'il convient à l'avenir d'apporter des solutions plus nuancées et plus libérales au problème des activités accessoires. L'interdiction de principe d'une activité accessoire rémunérée, sous réserve d'autorisation, devrait être limitée à certaines catégories d'agents. La commission pense d'abord aux hauts fonctionnaires associés dans une mesure importante aux processus décisionnels des pouvoirs exécutifs (directeur, vice-directeur, secrétaire général, délégué du Conseil fédéral pour les négociations commerciales, etc.) ainsi qu'à des fonctions dans des secteurs particulièrement exposés (passation des marchés publics; secteur des fournitures de biens et services; octroi d'autorisations, de licences, de concessions, de permis et de patentes; attribution de subventions; administrations chargées de tâches de surveillance, etc.). Dans de tels cas, l'autorité procéderait comme aujourd'hui à un examen de compatibilité. L'autorité pourrait exiger que les activités soient réduites, modifiées ou abandonnées s'il devait s'avérer qu'il existe un risque réel, potentiel ou apparent de conflits d'intérêts.

47

Cela est confirmé par la jurisprudence récente du Tribunal fédéral.

9084

Cette proposition part d'un principe plus éthique que juridique. La commission estime en effet que si l'on exerce de hautes responsabilités, on doit accepter des contraintes supérieures à celles des autres agents et, en particulier, s'imposer des règles, des disciplines qui font que l'opinion vous considère comme insoupçonnable. Les autorisations feraient l'objet d'un contrôle régulier et centralisé afin de s'assurer que les modalités d'octroi des autorisations soient respectées et appliquées uniformément. En outre, les autorisations seraient assorties d'un terme auquel elles cesseraient automatiquement.

Pour les autres fonctions, l'exercice d'activités accessoires lucratives serait expressément admis, mais soumis à notification préalable. L'autorité ne se chargerait plus d'octroyer des autorisations, mais se contenterait de réprimer les abus. Une solution assez identique avait été proposée lors de la révision du statut des fonctionnaires en 1986, mais fut repoussée par le Parlement48.

La commission proposera d'examiner ces solutions dans le cadre de la révision totale du droit des fonctionnaires prévue dans le courant 1999. Soucieuse de créer une législation sur la fonction publique moins compliquée, plus simple, plus souple, la commission estime que cette matière devrait être réglée par le Conseil fédéral et non par le législateur. En effet, la multiplicité des cas de figures, du concierge au chanteur d'opéra en passant par le professeur de droit, exclut toute réglementation détaillée dans la loi.

Recommandation 5 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral de remplacer le principe de l'interdiction d'une activité accessoire lucrative, sous réserve d'autorisation, par un système d'autorisation générale soumis à déclaration. Le principe de l'interdiction ne devrait demeurer possible que pour certaines tâches ou fonctions.

La commission est consciente que le système proposé n'est pas sans risques. Il est possible que cela conduise à une augmentation des activités accessoires lucratives et donc à une accroissement des risques potentiels de conflits d'intérêts.

A cela s'ajoute le fait qu'il existe de plus en plus d'activités à temps partiel. Il est de plus en plus fréquent qu'un employé ait plusieurs employeurs. Le fait qu'un employé puisse aussi bien être actif auprès de la Confédération
qu'auprès d'employeurs privés présente des avantages. Cela permet l'échange d'expériences. Cette situation engendre également de nouveaux dangers concernant les conflits d'intérêts. C'est pourquoi il faudra veiller à maintenir, pour certaines tâches ou fonctions, l'interdiction d'activités accessoires.

Pour la commission, la prévention des collisions d'intérêts, quelle que soit leur nature ­ que ce soit à cause d'activités accessoires ou pour d'autres raisons (liens de parenté, relations personnelles etc.) ­ , devrait être maîtrisée par des dispositions sur la récusation plutôt que par des règles d'incompatibilités.

48

BO 1986 N 1073 ss.

9085

La récusation existe pour les membres et participants aux séances du Conseil fédéral (art. 20 LOGA) ainsi que pour les juges fédéraux (art. 22 ss OJ). De telles dispositions existent également pour l'administration, mais elles ne s'appliquent que lorsque l'administration prend des décisions de nature formelle en première instance ou sur recours (art. 10 de la loi sur la procédure administrative49). Or il est un fait que l'action de l'administration ne se limite pas seulement à la prise de décisions formelles. Dans des domaines entiers, l'administration a recours à des instruments d'intervention plus souples tels l'information, les recommandations, les gentlemen's agreements, les contrats, le subventionnement, etc. Dans d'autres domaines, l'Etat agit en vertu du droit privé, notamment en ce qui concerne l'acquisition de matériel, de fournitures et de prestations de service ou lorsqu'il crée une société d'économie mixte. Dans tous ces cas-là, qui ne sont pas exempts de conflits d'intérêts, les règles de récusation ne s'appliquent peu ou prou.

C'est pourquoi la commission estime nécessaire d'examiner l'introduction, dans le droit de la fonction publique, de règles de récusation plus larges que celles prévues dans la loi sur la procédure administrative.

Recommandation 6 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'examiner la possibilité d'introduire, pour les agents de l'administration générale de la Confédération, des règles de récusation obligatoire.

6

Les activités professionnelles d'anciens fonctionnaires

61

Introduction

C'est un lieu commun de constater que, de par leurs activités, les fonctionnaires disposent d'informations privilégiées. Il peut s'agir d'informations officielles tels des renseignements sur des personnes physiques ou morales, ou des décisions non publiées. Ces informations peuvent également être officieuses. Il en va ainsi, par exemple, des informations sur le fonctionnement interne de l'administration, sur les pratiques des services dans l'examen de requêtes, sur les procédures dans l'exécution d'une surveillance étatique, etc. Ces informations peuvent être mises à profit dans un emploi ultérieur pour permettre à son entreprise de se soustraire, partiellement ou totalement, à des obligations légales ou pour accéder plus facilement aux organes de décision afin d'obtenir des avantages ou un traitement de faveur50. Il peut également être intéressant pour une entreprise privée d'embaucher d'anciens fonctionnaires notamment lorsqu'il s'agit d'entrer sur un marché nouvel-

49 50

Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative; RS 172.021.

Contrairement à la Belgique, à la France ou à l'Italie, la punissabilité du trafic d'influence est très limitée en droit pénal suisse, notamment lorsque les échanges en question n'aboutissent pas à la violation de devoirs de fonction, mais permettent seulement l'octroi de privilèges importants, cf. Queloz, N., «Le problème de la corruption en droit pénal suisse, en particulier dans le domaine de la construction», in: Revue pénale suisse, Berne, tome 115, 4-97, 1997, pages 425­426. Cf. aussi, du même auteur, «En Suisse, la corruption est noyée dans le consensus», in: Le Temps stratégique, Genève, no 81, mai/juin 1998, page 44.

9086

lement dénationalisé. L'utilisation de ces informations privilégiées peut, suivant le cas, être dommageable pour l'administration fédérale.

La question qui se pose est donc la suivante: les agents publics doivent-ils être libres de quitter l'administration fédérale quand bon leur semble et d'occuper n'importe quel poste dans le secteur privé, ou faut-il prévoir des règles?

A la connaissance de la commission, il n'existe pas d'étude générale du phénomène pour l'administration fédérale.

La commission s'est donc contentée d'analyses partielles et de comparaisons avec l'étranger.

62

Les aspects juridiques

Le droit fédéral ne connaît pas de dispositions spécifiques qui restreignent la nature des activités que des fonctionnaires fédéraux peuvent exercer après avoir quitté leur emploi, que ce soit comme salariés d'entreprise et/ou comme membres d'un conseil d'administration. Contrairement au secteur privé, le droit de la fonction publique ne connaît pas de règles d'interdiction de concurrence pour les fonctionnaires fédéraux (art. 340 et 340a à 340c, CO; RS 220).

Art. 340 du Code des obligations travailleur qui a l'exercice des droits civils peut s'engager par écrit envers l'employeur à s'abstenir après la fin du contrat de lui faire concurrence de quelque manière que ce soit, notamment d'exploiter pour son propre compte une entreprise concurrente, d'y travailler ou de s'y intéresser.

2 La prohibition de faire concurrence n'est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l'employeur un préjudice sensible.

1 Le

L'absence de dispositions spécifiques ne signifie pas pour autant que les anciens fonctionnaires fédéraux peuvent impunément divulguer toutes les informations obtenues dans le cadre de leurs fonctions officielles. En effet l'art. 27, al. 1, StF, stipule: «Il est interdit au fonctionnaire de divulguer les affaires de service qui doivent rester secrètes en vertu de leur nature ou d'instructions spéciales». Il s'agit de tous les faits que le fonctionnaire apprend en tant qu'employé de l'Etat ou dont il a eu connaissance dans l'exercice de sa fonction. L'art. 27 n'est pas concrétisé au niveau des règlements d'application du StF.

Le devoir de garder le secret professionnel subsiste même après la cessation des rapports de service (art. 27, al. 2, StF).

La violation du secret de fonction par d'anciens fonctionnaires peut entraîner des mesures pénales et patrimoniales: Sur le plan pénal, la violation du secret de fonction est réglée à l'art. 320 du code pénal et à l'art. 77 du code pénal militaire. Il s'agit d'un délit poursuivi d'office et qui est puni d'emprisonnement ou d'amende.

9087

Le Ministère public de la Confédération est obligé d'ouvrir une information pénale dès qu'un soupçon pertinent est porté à sa connaissance, et ce indépendamment que la violation présumée du secret de fonction se soit produite pendant ou après la résiliation des rapports de service. Les autres étapes de la répression pénale s'opèrent dans le cadre de la procédure d'enquête judiciaire. Si la présomption se confirme, une instruction préparatoire est alors ouverte (l'exception) ou le cas est déféré à un canton pour instruction ultérieure et jugement (la règle).

Sur le plan patrimonial, la situation est la suivante: Si, par la violation du secret de fonction, un ancien agent cause intentionnellement ou par une négligence grave un dommage à la Confédération ou à des tiers, la Confédération peut, au titre de la loi sur la responsabilité, intenter une action récursoire contre le fonctionnaire, et ce même après la résiliation des rapports de service51.

Hormis le respect du secret de fonction, aucune condition n'est posée aux anciens employés de la Confédération en ce qui concerne leurs éventuelles activités futures.

Seuls certains bénéficiaires d'une rente de vieillesse ou d'invalidité de la Caisse fédérale de pensions (CFP) doivent déclarer leurs gains accessoires. Selon l'art. 20, al. 2 des statuts de la CFP52, les bénéficiaires d'une rente de vieillesse ou d'invalidité qui n'ont pas encore 65 ans révolus et qui réalisent un revenu du travail dépassant le 50 % du plafond de la 4e classe de traitement, sont tenus de présenter de leur propre chef une attestation de revenu à la CFP. Il s'agit de dispositions destinées à éviter la surindemnisation. Elles ont été introduites pour des raisons de solidarité et n'ont aucun lien avec la prévention de conflits d'intérêts.

63

La pratique dans l'administration fédérale

Dans la pratique, la Confédération ne cherche pas activement à savoir quelles activités ses anciens agents mènent dans des sociétés de droit privé. Il est donc impossible de déterminer la fréquence avec laquelle des agents passent dans des entreprises du secteur privé avec lesquelles ils entretenaient auparavant des rapports officiels comme fonctionnaires.

A défaut d'informations, la commission a cherché à savoir si, dans le passé, des cas de violation du secret de fonction commis par d'anciens fonctionnaires avaient été dénoncés. Le Ministère public et les départements ont indiqué qu'ils n'avaient connaissance d'aucune procédure. Le Ministère public a cependant admis que «l'utilisation éventuelle de connaissances acquises dans le cadre des fonctions à des fins relevant de l'économie privée se fait de manière très discrète et que ces irrégularités sont entourées d'une épaisse zone d'ombre»53.

La mesure du phénomène est donc extrêmement difficile. Le fait qu'aucun cas ne soit connu ne signifie encore pas, tant s'en faut, que de telles pratiques n'existent pas. C'est ainsi que par suite des demandes de la commission, les EPF ont estimé

51 52 53

Art. 7 de la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (Loi sur la responsabilité); RS 170.32.

Ordonnance du 24 août 1994 régissant la Caisse fédérale de pensions (Statuts de la CFP); RS 172.222.1.

Lettre du Ministère public de la Confédération à la Commission de gestion du Conseil national, du 25 juin 1998.

9088

utile d'agir au niveau interne, notamment en ce qui concerne l'utilisation de fichiers et celle de licences de traitement électronique des données.

A défaut d'informations précises, la commission doit se limiter à constater que la situation actuelle n'est pas alarmante, mais qu'elle doit nous préoccuper.

Le Ministère public et les départements sont d'avis que les dispositions actuelles sur le secret de fonction sont suffisantes sous l'angle juridique. La commission partage cet avis. Elle estime en effet que la protection pénale du secret de fonction et la responsabilité en droit patrimonial ont un effet préventif. En revanche leur application pose des problèmes dans la pratique sous l'angle des sources d'informations.

Dans le contexte qui intéresse la commission, les violations du secret de fonction ne se produisent certainement pas par pure négligence, mais avec conscience de l'illicéité de la manière d'agir. Les contractants sont convenus pour leur part de la discrétion à observer. Cela se passe de manière clandestine, dissimulée et inavouée.

Dès lors, les autorités compétentes sont informées de tels délits uniquement par hasard ou sur dénonciation. Cela explique la rareté des cas.

La définition du secret de fonction pose également un problème. S'il est évident que le secret de fonction s'applique, par nature, à toutes les informations officielles qui touchent, par exemple, la sphère privée des particuliers, il est plus difficile de savoir si cette notion recouvre également toute une frange d'informations liées au fonctionnement interne de l'administration. Dans de tels cas, la notion d'information est plus difficile à saisir que le laissent supposer les qualifications juridiques: La connaissance des points faibles d'une administration constitue-t-elle un secret? Savoir exactement qui concourt à la préparation d'une décision ou à la rédaction d'un cahier des charges est-il couvert par le secret? Connaître exactement les relations de pouvoir existant au sein d'un service est-elle une information de service? La question est ouverte. Sur ce point, la jurisprudence est de peu de secours puisque peu de cas ont occupé les tribunaux. La doctrine semble admettre que les expériences et les connaissances professionnelles acquises par le fonctionnaire dans ses activités officielles ne sont pas couvertes
par le secret et peuvent donc être utilisées librement54.

En tous les cas, la commission est d'avis que la notion de secret de fonction gagnerait à être précisée: plus on descend dans les cas pratiques, plus il est difficile de distinguer clairement entre ce qui doit être gardé secret et ce qui peut être communiqué.

C'est avec satisfaction que la commission a relevé que le Conseil fédéral avait, dans son projet de nouvelle loi sur le personnel fédéral, remplacé le terme de «secret professionnel» (art. 27 StF) par celui de «secret de fonction» (art. 320 CPS). Ainsi il n'y aura plus de différence terminologique sur ce point entre le droit de la fonction publique et le code pénal.

Finalement la commission a pu constater que les agents qui quittent la Confédération ne sont pas systématiquement informés sur les règles relatives au secret de fonction. On ne pourra donc pas leur reprocher d'ignorer leur existence quand bien même, selon le droit commun, «nul n'est censé ignorer la loi». La Chancellerie fédérale n'informe pas les agents qui la quittent. Au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), la question est mentionnée dans l'entretien final et 54

Modoianu, G., «Les intérêts privés des fonctionnaires», in: Revue de droit administratif et de droit fiscal, Genève, no 6, novembre­décembre 1991, page 431, avec d'autres références.

9089

dans la confirmation de la résiliation des rapports de service. C'est généralement aussi le cas au Département fédéral de l'intérieur (DFI) et au Département fédéral de l'économie (DFE). Au Département fédéral de justice et police (DFJP), la question est mentionnée lors de l'entretien de départ seulement. Au Département fédéral des finances (DFF), chaque office a des règles différentes en la matière: information du personnel lors de l'entrée en fonction par la remise des prescriptions relatives au statut des fonctionnaires, mention écrite dans la décision d'engagement, mention lors de l'entretien de départ, information donnée lors du départ et figurant sur la confirmation des documents au service du personnel, information par un renvoi aux directives concernant la sécurité, le classement et le délai de conservation des documents. A l'Administration fédérale des contributions (AFC), le fonctionnaire doit signer une déclaration écrite au moment du départ55. Au Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC), il n'y pas de règle uniforme et les offices peuvent régler la question de manière autonome.

De manière générale, la commission a établi que les départements étaient relativement peu sensibles à la question de l'information sur le secret de fonction, l'Administration fédérale des contributions constituant une notable exception.

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Comparaisons sur le plan international

Parmi les pays de l'OCDE qui réglementent de manière spécifique les activités de leurs anciens fonctionnaires, il faut citer le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, la Turquie, la France, le Japon et les Etats-Unis56.

Au Canada, il est interdit à tout ancien cadre supérieur, dans l'année qui suit la cessation de ses fonctions, d'accepter une nomination au conseil d'administration d'une entité avec laquelle il a eu des rapports officiels importants, ni d'accepter un emploi dans celle-ci. Il ne peut pas non plus intervenir pour le compte d'une personne physique ou morale auprès d'un ministère avec lequel il a eu des rapports officiels, ni donner des conseils touchant aux politiques du ministère pour lequel il travaillait ou avec lequel il entretenait d'importants rapports directs. Dans des circonstances particulières, cette période de carence («cooling off period») peut être réduite notamment lorsqu'il s'agit de favoriser le passage dans le secteur privé de connaissances et de compétences qui servent l'intérêt public 57. Les dispositions applicables en Nouvelle-Zélande et au Mexique sont relativement identiques. En Turquie, le délai de restriction est porté à deux ou trois ans suivant les cas.

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La déclaration est la suivante: «J'ai pris bonne note de mon obligation d'observer le secret de fonction au-delà du terme de celle-ci. J'atteste avoir remis à mon supérieur hiérarchique toute la documentation officielle (dossiers, rapports, notices, etc.) ayant trait à des affaires fiscales que j'ai traitées ou qui était en ma possession à quelque autre titre».

Organisation de coopération et de développement économiques, «Managing the senior public service: a survey of OECD countries» (non publié, mais disponible sur le site de l'OCDE à l'adresse: www.oecd.org/puma/mgmtres/hrm/pubs/sps97).

Ch. 37 de l'appendice A ­ code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique, secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

9090

En France, le code pénal dispose en son art. 432.13 (prise illégale d'intérêt par un ancien fonctionnaire)58 qu'il est interdit pour un fonctionnaire public, avant l'expiration d'un délai de cinq ans, de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise dont il était chargé d'assurer la surveillance, ou avec laquelle il concluait des contrats ou sur laquelle il était chargé d'émettre un avis.

L'infraction est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 francs français d'amende. Cette disposition a été introduite en 1992 dans le cadre du programme de lutte contre la corruption. Notons également l'existence d'une commission de déontologie, mise en place en 1993, et qui est chargée de contrôler le départ des fonctionnaires vers le secteur privé. Sa saisine est obligatoire avant tout passage dans le secteur privé. Cette commission se montre rarement sévère puisqu'en 1996 seuls vingt avis d'incompatibilité ont été prononcés, soit seulement 3.1 % des avis59.

Un décret de 199560 définit les activités privées qu'un ancien fonctionnaire ne peut exercer et fixe les modalités du contrôle de compatibilité. Ce dispositif a été étendu à certains agents non titulaires de droit public par un second décret publié la même année61.

Les dispositions applicables à l'administration du Japon sont schématiquement identiques à celles de la France, la période de restriction étant ramenée à deux ans.

Quant aux Etats-Unis, ils connaissent toutes une série des restrictions particulièrement minutieuses et complexes qu'il serait inutile de développer ici62. Relevons cependant l'existence d'un décret-loi qui exige de certaines personnes nommées à des postes de niveau élevé qu'elles s'abstiennent de représenter des groupes d'intérêts pendant une période de cinq ans qui suit leur activité pour l'administration63.

Dans les autres pays de l'OCDE, dont la Suisse, il n'existe pas de restrictions particulières aux activités ultérieures des fonctionnaires dans le secteur privé, si ce n'est le respect du secret de fonction.

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63

Loi no 92-683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre la nation, l'Etat et la paix publique.

Pour des exemples d'application, cf. Georgel, J., Thorel, A.-M., Dictionnaire des affaires. Argent et Politique, Rennes, Editions Apogée, 1997.

Commission de déontologie de la fonction publique d'état, Accès des agents publics au secteur privé, 2e rapport d'activité 1996, Paris, La Documentation française, 1997, page 15.

Décret no 95-168 du 17 février 1995, modifié par le décret no 95-833 du 6 juillet 1995, relatif à l'exercice d'activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et aux commissions instituées par l'article 4 de la loi no 94-530 du 28 juin 1994.

Décret no 95-833 du 6 juillet 1995 relatif à l'exercice d'activités privées par des agents non titulaires des collectivités et établissements publics et modifiant le décret no 95-168 du 17 février 1995.

Organisation de coopération et de développement économiques, L'éthique dans le service public, questions et pratiques actuelles, Paris, études hors série sur la gestion publique, no 14, 1996, p. 52­53;. Gilman, S., «The management of ethics and conduct in the public service, case study The United States federal government», (non publié, mais disponible sur le site de l'OCDE à l'adresse: www.oecd.org//puma/gvrnance/ethics/ethicsus.htm).

Executive Order 12834 of January 20, 1993: «Ethics Commitments by Excutive Branch Appointees»; 18 U.S.C § 207; 3 C.F.R., 1993 Comp., pp. 580­586; 5 C.F.R. parts 2637 and 2641; OGE Forms 203 and 204.

9091

65

Conclusions

Les agents publics doivent-ils être libres de quitter l'administration fédérale quand bon leur semble et d'occuper n'importe quel poste dans le secteur privé, indépendamment de leurs anciennes attributions ou faut-il prévoir des règles?

En l'état actuel du droit, les agents de l'administration fédérale sont en principe64 libres de quitter leur fonction quand bon leur semble. Ils ne doivent rendre de compte à personne de leurs futures activités pour autant qu'ils respectent le secret de fonction.

A première vue et en comparaison avec les situations prévalant à l'étranger, l'arsenal juridique présente des défauts importants. Mais, à l'instar du Ministère public, la commission estime que le problème ne se situe pas dans les règles, mais bien dans les sources d'information. A moins d'instituer par exemple un service de dénonciation anonyme, comme cela existe par ailleurs dans l'Union européenne et aux EtatsUnis, ce problème ne peut pas être réglé. La commission estime que l'acuité du problème ne nécessite pas de telles mesures.

Une réglementation plus restrictive sur les modèles français ou américain serait certes intéressante, mais elle ne serait guère applicable. L'extrême formalisation des règles inviterait à les contourner65. Il faut savoir aussi que la plupart des modèles décrits plus hauts se rapportent à une fonction publique de carrière et servent à endiguer la fuite des élites («brain drain»): il s'agit en particulier de décourager des hauts fonctionnaires de carrière d'occuper des postes à responsabilités dans les entreprises publiques et privées (phénomène américain de la porte pivotante [«revolving door»66], système français du «pantouflage»67). Ce phénomène est intiment lié à l'existence d'une fonction publique de carrière. Il faut constater aussi que la culture anglo-saxonne se méfie généralement plus des conflits d'intérêts que la culture latine68.

La fonction publique fédérale participe d'un cadre culturel, politique et administratif différent. Des dispositions de cette nature compromettrait l'avenir économique des fonctionnaires. Cela rendrait également difficile voire même illusoire les échanges de personnel entre le secteur privé et le secteur public. A une époque où l'on exige davantage de mobilité et de souplesse de la part du personnel fédéral, il serait inopportun de restreindre la liberté qu'a tout fonctionnaire de quitter l'adminis64

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Une réserve doit être faite pour le cas de guerre, de danger de guerre ou dans la perspective d'une mobilisation pour un service actif où certains fonctionnaires peuvent être obligés, contre leur gré, de rester au service de la Confédération (art. 53, al. 2, StF).

Malgré l'importance de l'arsenal pénal français, le nombre de poursuites et de condamnations pour prise illégale d'intérêts est relativement faible. On compte cinq condamnations en 1994 (cf. ALT, E., LUC., I., La lutte contre la corruption, Paris, Presses universitaires de France, collection «Que sais-je?», 1997, pages 75 ss.).

Cf. sur la question Joint commitee on performance evaluation and expenditure review, «Report to the Mississippi Legislature. A policy Analysis of Mississippi's Ethics Laws Regulating Former Public Servants' Working for Private Contractors», Jackson, 1997.

Le terme de «pantouflage» fait référence à la somme d'argent (la «pantoufle») que les fonctionnaires doivent payer à la collectivité, s'ils quittent l'administration dans les premières années, pour rembourser les études suivies dans une grande école; cf. Rohn, J.A., «Ethical issues in French public administration: a comparative study», in: Public Administration Review, 51(4), 1991, pages 283­296; Quermonne, J.-L., L'appareil administratif de l'Etat, Paris, Editions du Seuil, collection «Politique», 1991, pages 244­249.

Cf. Meny, Y., «La corruption? Elle est profondément débilitante», in: Le Temps stratégique, Genève, no 81, mai/juin 1998, page 25.

9092

tration fédérale pour aller dans le secteur privé. D'ailleurs les Pays-Bas, qui sont le seul pays de l'Union européenne à avoir un système de fonction publique équivalent au nôtre (système de l'emploi par opposition au système de la carrière), ne connaissent aucune restriction quant aux emplois que peuvent occuper d'anciens fonctionnaires.

Cette conclusion est ambivalente: s'il est sain de permettre une circulation des agents entre le secteur public et le secteur privé, cela ne saurait se faire sans certaines précautions, notamment pour les personnes qui occupent des positions supérieures.

La commission est en tous les cas d'avis que les dispositions du statut des fonctionnaires sur le secret de fonction gagneraient à être rappelées de manière systématique et uniforme aux fonctionnaires qui quittent la Confédération. Ce rappel devrait être indiqué verbalement, comme cela est majoritairement le cas aujourd'hui et être confirmé par écrit sur le modèle de l'Administration fédérale des contributions. Le personnes devraient signer à leur départ un document attestant qu'elles ont lu et qu'elles comprennent les dispositions du statut des fonctionnaires sur le secret de fonction et qu'elles s'engagent à les respecter. A cet effet, il serait judicieux également que l'Office fédéral du personnel (OFPER) édicte d'entente avec les départements des sortes de listes de vérification («check-lists») permettant d'assurer que les départs soient exécutés partout de la même manière.

Recommandation 7 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral de faire rappeler systématiquement aux fonctionnaires qui quittent l'administration les tenants et aboutissants du secret de fonction.

La commission est également d'avis que ses préoccupations sur les activités professionnelles d'anciens fonctionnaires devraient être inscrites dans toute réflexion sur l'éthique dans le service public. La commission estime qu'une partie importante de la réflexion devrait être consacrée aux devoirs et obligations des fonctionnaires qui quittent l'administration quant à l'utilisation de l'information privilégiée et de l'influence acquise. S'il est bon de développer le passage du public au privé ­ l'inverse est également vrai, mais moins fréquent ­ il faut s'interroger sur les conditions qui moraliseraient ces mouvements, sans les
paralyser.

A un moment où les velléités de rapprocher le droit de la fonction publique fédérale de celui du code suisse des obligations sont toujours plus fortes et que la ligne de partage entre le secteur public et le secteur privé est toujours plus ténue, il semblerait logique de prévoir, dans certains cas, des règles d'interdiction de concurrence sur le modèle du droit privé.

Recommandation 8 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'examiner la possibilité d'introduire des dispositions juridiques ou éthiques destinées à limiter l'exploitation, par d'anciens fonctionnaires, d'informations privilégiées ou de l'influence acquise dans l'administration, et ce pour autant que leurs activités professionnelles aient un lien étroit avec leurs anciennes fonctions officielles. Le 9093

Conseil fédéral examinera également la possibilité, par analogie au droit des obligations, d'introduire des règles d'interdiction de concurrence pour certaines fonctions ou activités particulières.

En définitive, et dans une perspective plus large, il serait opportun de se demander si l'existence même du secret de fonction a encore toute sa justification. A l'heure actuelle, l'exigence du secret doit être conciliée également avec les impératifs d'ouverture, d'information au public, et de droit d'accès aux documents officiels.

Actuellement, l'administration est encore gérée conformément au principe du secret: selon ce principe, tout ce qui n'est pas public est confidentiel («Geheimhaltungsprinzip mit Öffentlichkeitsvorbehalt»). La commission est d'avis que la question des activités professionnelles d'anciens fonctionnaires perdrait beaucoup de sa pertinence si l'administration adoptait le régime de la transparence. Cette question ayant déjà été longuement commentée dans un précédent rapport69, la commission n'y revient ici que pour répéter son désir de voir introduire un tel régime.

7

L'éthique dans l'administration fédérale

71

Rapport et constatations de l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration

La commission a chargé l'Organe parlementaire de contrôle de l'administration (OPCA) d'examiner diverses questions en relation avec l'éthique dans le service public et de mener une enquête auprès de certains services de l'administration fédérale.

L'OPCA a remis ses constations le 30 octobre 1998. Le lecteur intéressé pourra se rapporter au rapport complet qui figure en annexe et qui fait partie intégrante des travaux de la commission.

Voici résumées à très gros traits les constatations majeures de l'OPCA qui reposent sur douze entretiens effectués dans l'administration fédérale:

69

1.

La confiance du public dans la fonction publique suisse a accusé un net recul ces dernières années. Elle reste néanmoins élevée.

2.

Les principaux facteurs qui conduisent à des écarts de conduite de la part de fonctionnaires sont, outre les faiblesses humaines, des erreurs de gestion et de recrutement, ainsi que des compétences mal définies.

3.

La nouvelle gestion publique ne devrait pas conduire à une augmentation des comportements répréhensibles. Certaines conditions doivent néanmoins être respectées (responsabilités clairement définies, obligation de rendre des comptes, etc.).

4.

La Confédération a pris un certain nombre de mesures préventives destinées à renforcer l'éthique dans l'administration fédérale. L'Office fédéral du personnel (OFPER) a été chargé d'assister les départements dans leur mission

Rapport de la Commission de gestion du Conseil national sur les activités déployées par le Conseil fédéral et l'administration fédérale en matière d'information lors de situations extraordinaires, du 29 mai 1997, FF 1997 III 1401.

9094

de formation continue et de perfectionnement en matière de lutte contre la corruption et d'éthique. Parmi les départements et offices consultés, aucun ne dispose (encore) d'un code de conduite ou ne donne de cours de formation consacrés spécifiquement à l'éthique. Un groupe de travail dirigé par l'OFPER a cependant été chargé d'élaborer un code de comportement.

72

Considérations et conclusions de la commission

Le rapport de l'OPCA constitue une solide base de réflexion. A la lumière des constations de l'OPCA et des auditions qu'elle a elle-même effectuées, la commission est en mesure de faire les considérations suivantes: 1.

L'administration fédérale se trouve encore au début de sa réflexion sur l'éthique. De manière générale, la réflexion est encore assez embryonnaire et elle est peu structurée. Chaque département et chaque office règle le problème à sa manière. Les départements ont des approches très différentes.

Quelques départements et offices connaissent certaines règles sur les cadeaux, les invitations et autres catégories d'avantages (directs ou indirects) ou encore sur l'utilisation privée de ressources publiques. Il n'existe cependant pas de code de conduite ou de code déontologique de la fonction publique. L'impression qui se dégage est que la promotion de l'éthique à l'aide d'instruments tels qu'un code de conduite est davantage considérée, dans l'administration, comme un exercice obligé plutôt que comme l'expression d'une conviction. On part de l'idée que l'éthique est une donnée implicite qui n'a pas lieu d'être énoncée formellement.

Ce qui surprend aussi, c'est que certains départements n'ont encore rien entrepris dans le domaine. Cela est d'autant plus surprenant que le Conseil fédéral a chargé tous les départements, le 20 mai 1998, de veiller à la formation et au perfectionnement en matière d'éthique, et ce en application de certaines des recommandations du CCF. En outre, le Conseil fédéral a chargé le DFF d'élaborer un code de comportement («Code of conduct») destiné à prévenir les risques de corruption dans l'administration. Un groupe de travail, placé sous la direction de l'OFPER, est à l'oeuvre actuellement. Ces travaux devraient être achevés dans le courant du premier trimestre 1999.

La commission se félicite des décisions prises par le Conseil fédéral en matière d'éthique. La commission estime que ces mesures vont dans la bonne direction. Ni les contrôles ni les sanctions ne pourront jamais empêcher les défaillances humaines. Les mesures prises par le Conseil fédéral s'inscrivent par ailleurs dans le droit fil de la recommandation du Conseil de l'OCDE du 23 avril 1998 relative à l'amélioration du comportement éthique dans le service public.

La commission s'est toutefois posé la question de savoir s'il était judicieux que ce soit un groupe de travail interne qui élabore un code de conduite. En effet, l'étude de l'OPCA l'a montré, l'impulsion et l'exemple en matière d'éthique doivent venir des
organes dirigeants, en l'occurrence du Conseil fédéral. En confinant la question au sein d'un groupe de travail, le Conseil fédéral court le risque que celle-ci reste l'apanage de quelques spécialistes.

En outre, la démarche choisie est trop étroite puisqu'elle n'associe que les acteurs, mais pas les usagers de l'administration.

9095

Pour la commission, la réflexion sur l'éthique devrait s'effectuer dans un cadre plus large et faire l'objet d'une publicité plus grande. Le fait que les décisions du Conseil fédéral soient en partie ignorées est peu satisfaisant. Il faut en outre sensibiliser les agents publics afin qu'ils prennent conscience que l'éthique est l'affaire de chacun, des agents de l'administration comme des usagers. En matière d'éthique, on est finalement jamais placé que face à soi-même. L'éthique ne peut être le fait d'un groupe de travail ou d'un organe spécialisé au risque d'exonérer les fonctionnaires de leurs responsabilités individuelles («pourquoi m'occuper de ces questions puisqu'il existe un service qui est chargé de cela?»). L'éthique est aussi une question de culture d'entreprise et de comportements individuels, et non l'affaire d'un service.

Elle ne vaut que si ceux qui vont la mettre en oeuvre participent activement à sa définition. En effet, le processus de formulation d'un code de conduite est tout aussi important que le contenu du code lui-même.

La commission donne en revanche raison à ceux qui considèrent que la dimension éthique ne doit pas être traitée à part, de façon distincte, mais qu'elle fait partie intégrante des structures habituelles de gestion. Cela concerne avant tout la gestion des ressources humaines (recrutement, formation continue, évaluation du personnel, etc.). La dimension éthique est donc en premier lieu l'affaire des chefs à tous les niveaux.

La commission est d'avis que la meilleure prévention contre d'éventuels actes répréhensibles réside dans l'observation attentive des agents par leurs chefs et leurs collègues ainsi que dans un dialogue permanent. C'est un truisme que de constater que l'administration fédérale ne saurait avoir un comportement éthique, faute de posséder une conscience. En revanche, ce qu'elle peut faire, c'est de créer une culture d'entreprise qui favorise l'adoption de comportements éthiques70.

Recommandation 9 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral de prendre des mesures actives permettant, au sein de l'administration fédérale, l'émergence d'une culture d'entreprise qui favorise l'adoption de comportements éthiques.

2.

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La discussion en relation avec la nouvelle loi sur le personnel fédéral sera certainement un bon point de départ pour engager un débat sur les valeurs fondamentales qui sous-tendent l'action publique, et ce au-delà des principes classiques du droit public (légalité, égalité, proportionnalité, intérêt public, etc.). Ces valeurs fondamentales devront servir de ligne de force à l'administration du futur. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi, il faudra ensuite concrétiser ces valeurs sous la forme d'un code de déontologie ou d'autres mesures de socialisation professionnelle (information des nouveaux collaborateurs, formation etc.). Il s'agira également de déterminer si ces principes auront un caractère facultatif ou obligatoire auquel cas il faudra instituer des instances de régulation (médiateur, comité d'éthique, commission d'usagers, autorité administrative indépendante, etc.). Il n'est pas

Cf. sur cette question Dherse, J.-.L., Minguet, H., L'éthique ou le chaos?, Paris, Presses de la Renaissance, 1998, pages 293 ss., avec références.

9096

inutile de rappeler aussi que quels que soient la qualité des règles, il ne sera pas possible, ni souhaitable, de formuler toutes les règles. Pour les agents publics comme pour les membres d'autres professions (médecins, journalistes, scientifiques, etc.), l'éthique doit dépasser largement le cadre de règles écrites et être vécue au quotidien. En ce sens, il reste à inventer non pas une administration plus morale, mais une administration qui accepte la confrontation permanente avec l'éthique.

Recommandation 10 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral de lancer, dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur le personnel fédéral, une vaste campagne de sensibilisation aux questions de l'éthique dans l'administration fédérale. Elle propose également de donner à l'éthique dans le service public une place importante dans le programme de la législature 1999­2003.

3.

Il faut dire également que le comportement éthique des agents publics est étroitement lié au statut de leur fonction ainsi qu'aux conditions matérielles de son exercice. Un agent public correctement payé, fier de ses traditions et de son intégrité est plus à l'abri de comportements irréguliers qu'un employé qui s'estime être mal payé, surchargé de travail et dans une situation professionnelle incertaine. Une bonne rémunération ainsi que certains avantages doivent être préservés car ils sont la contrepartie de garanties d'impartialité et de continuité de services. Il appartiendra au législateur de déterminer lesquels dans le cadre de la révision du droit des fonctionnaires.

4.

L'interaction toujours plus grande entre le secteur public et le monde des affaires ainsi que le recours toujours plus fréquent de l'administration à des techniques de gestion du privé (contractualisation, gestion des risques, autonomie de gestion, valorisation des résultats plutôt que du respect des règles, compétitivité, rendement, productivité, valeur ajoutée, etc.) posent aux agents publics des problèmes nouveaux. Ces changements peuvent placer les fonctionnaires dans des situations entraînant des conflits d'intérêts ou d'objectifs et pour lesquels ils ne disposent que de peu de principes directeurs. Par exemple, les cadeaux offerts dans le cadre de relations d'affaires sont pratiques courantes dans le secteur privé, mais elles sont interdites dans le secteur public.

La réduction des règles et des contrôles augmente les risques d'erreurs.

L'instauration de plus de compétitivité et la recherche de plus d'efficacité peut conduire certains agents à contourner les procédures pour améliorer leurs résultats.

La nouvelle gestion publique (NGP) remet aussi en question le schéma classique de l'administration basé sur les principes de légalité, d'égalité de traitement, etc. Les agents publics se voient dès lors partagés entre deux responsabilités: envers la Confédération et l'ensemble des citoyens, les agents doivent faire primer le respect des règles de légalité et d'égalité. Ils ne peuvent prendre des décisions que basées sur la loi et doivent traiter tous les citoyens de manière identique. Envers les clients, ils doivent faire preuve d'efficacité

9097

et de rendement, quitte à devoir adopter des modes individualisés de traitement.

Pour la commission, les libertés accrues dont disposent certains services dans le cadre de la nouvelle gestion publique, et la déréglementation qui s'en suit, doivent être contrebalancées par un certains nombre de règles en matière d'éthique publique. Il convient d'être attentif à cette question dans les mandats de prestations confiés aux groupements et offices en vertu de l'art. 44 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA). Les effets de tels mandats sur l'éthique devront également être évalués.

Recommandation 11 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'introduire dorénavant dans les mandats de prestations confiés aux groupements et offices un certain nombre de règles éthiques.

Recommandation 12 La Commission de gestion recommande au Conseil fédéral d'introduire un volet éthique dans l'évaluation de la gestion par mandats de prestations.

5.

L'éthique n'est pas la panacée à tous les problèmes de l'administration.

Elle constitue néanmoins un instrument très important pour affirmer, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, l'intégrité de l'administration. Elle constitue également un élément important de limitation et d'équilibre contre tout abus de l'autorité publique. En effet, il est toujours dangereux pour une administration que les citoyens doutent du sens moral des personnes investies d'un pouvoir étatique. Il est vrai que les cas d'irrégularités constatés dans l'administration fédérale sont quantitativement peu nombreux. Ils sont assez peu importants s'agissant de la valeur économique. Qualitativement, leurs effets sur l'opinion sont en revanche considérables.

La commission est consciente que les obstacles à la mise en place d'une éthique dans le service public sont nombreux. Dans aucune profession, et les fonctionnaires ne font pas exception, on apprécie la nouveauté, surtout quand il est question de devoirs supplémentaires. Parmi les obstacles, il faut noter: l'effet de mode, la menace d'enlisement, le risque que les mesures ne restent que symboliques, les coûts supplémentaires, le temps nécessaire, la mise en question de l'utilité ou l'efficacité de la démarche, etc. Ces obstacles devront être réduits par un engagement important des départements et des offices. Ce dernier devra être sous-tendu par une volonté politique forte du Conseil fédéral et du Parlement.

9098

8

Suite des travaux

La Commission de gestion prie le Conseil fédéral de l'informer, d'ici à la fin de l'année 1999, de la suite qu'il entend donner au présent rapport et aux recommandations qu'il contient. Par ailleurs, la commission invite le Conseil fédéral à développer dans son avis les mesures prises en application de la recommandation de l'OCDE du 23 avril 1998 concernant l'amélioration des comportements éthiques dans le service public.

12 mars 1999

Pour la section «ressources»: Le président, Hubert Lauper, conseiller national Le secrétaire, Philippe Schwab Pour la Commission de gestion du Conseil national: Le président, Alexander Tschäppät, conseiller national

9099

Liste des abréviations AFC AJOH al.

art.

ATF BBG BDG BO CE BO CN CCF CDF CdG-CN cf.

CFP C.F.R.

ch.

CO CPS cst.

DDPS DETEC DFAE DFE DFF DFI DFJP EPF FF JAAC let.

LOGA LPD LREC NGP OCDE 9100

Administration fédérale des contributions Association pour les Jeux Olympiques d'hiver 2006 Alinéa Article Recueil officiel des arrêts du Tribunal fédéral suisse Bundesbeamtengesetz (Allemagne) Beamten-Dienstrechtsgesetz (Autriche) Bulletin officiel du Conseil des Etats Bulletin officiel du Conseil national Contrôle administratif du Conseil fédéral Contrôle fédéral des finances Commission de gestion du Conseil national confere Caisse fédérale de pensions Code of Federal Regulations (Etats-Unis) Chiffre Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (livre cinquième du droit des obligations); RS 220 Code pénal suisse du 21 décembre 1937; RS 311.0 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29 mai 1874; RS 101 Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral de l'économie Département fédéral des finances Département fédéral de l'intérieur Département fédéral de justice et police Ecole polytechnique fédérale Feuille fédérale Jurisprudence des autorités administratives de la Confédération Lettre Loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration; RS 172.010 Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données; RS 235.1 Loi fédérale du 23 mars 1962 sur les rapports entre les conseils; RS 171.1 Nouvelle gestion publique Organisation de coopération et de développement économiques

OCFIM OFJ OFMAC OFPER OFSARM OGE OJ OPCA RE RF 1 RF 2 RF 3 RFA RO RS ss.

StF U.S.C.

Office central fédéral des imprimés et du matériel Office fédéral de la justice Office fédéral du matériel de l'armée et des constructions Office fédéral du personnel Office fédéral des systèmes d'armes et des munitions Office of Government Ethics (Etats-Unis) Loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943; RS 173.110 Organe parlementaire de contrôle de l'administration Règlement des employés (RE) du 10 novembre 1959; RS 172.221.104 Règlement des fonctionnaires (1) du 10 novembre 1959; RS 172.221.101 Règlement des fonctionnaires (2) du 15 mars 1993; RS 172.221.102 Règlement des fonctionnaires (3) du 29 décembre 1964; RS 172.221.103 Régie fédérale des alcools Recueil officiel des lois fédérales Recueil systématique du droit fédéral Et suivantes Statut des fonctionnaires du 30 juin 1927; RS 172.221.10 United States Code (Etats-Unis)

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