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XXXIIme année, Volume III, N° 27.

Samedi 19 jnin 1880

Abonnement par année (franco dans tonte la Suisse) 4 francs.

Prix d'insertion : 15 centimes la ligne. Les insertions doivent être transmises franco à l'expédition. -- Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, a Berne.

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Message du

conseil fédéral à la haute assemblée fédérale concernant l'exécution de l'art. 27 de la constitution.

(Du 3 juin 1880.)

Monsieur le président et messieurs, Dans les premiers temps de son existence, l'art. 27 de la constitution fédérale a été appliqué essentiellement par voie de décisions spéciales sur les recours qui nous ont été adressés. Toutefois, ces recours ne se sont pas présentés fréquemment, et leur nombre est loin d'égaler ceux qui avaient trait à d'autres articles de la constitution fédérale, par exemple l'art. 31 (liberté du commerce et de l'industrie). Depuis l'entrée en vigueur de la constitution de 1847, il ne nons est parvenu que 16 recours relativement à l'art. 27.

Trois d'entre eux se rapportaient à la fusion d'écoles catholiques et protestantes ; cinq aux écolages ; un à la fréquentation obligatoire; un au refus d'une commune de fournir des secours pécuniaires à l'école officielle, tandis qu'elle avait fondé une, école libre; trois à l'enseignement par des « soeurs enseignantes » (soeurs appartenant à une congrégation religieuse) ; un à la cession, en faveur d'un ecclésiastique, de l'enseignement dans une école publique ; un à la réduction du traitement des maîtres; un à la situation générale des écoles d'un canton. Jusqu'ici, l'assemblée fédérale n'avait pas eu à s'occuper de ces recours, pour le détail desquels nous renvoyons à nos rapports annuels de gestion ; ce n'est que dernièrement que deux Feuille fédérale suisse. Année XXXII. Vol III.

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d'entre eux ont été portés par devant vous. En revanche, vous avez été mis plusieurs fois en demeure de vous prononcer sur certaines dispositions de l'art. 27, à l'occasion de la garantie à accorder à des constitutions cantonales révisées. Ce cas s'est présenté pour la constitution de Zoug, de décembre 1873, pour celle de Lucerne, de 1875, pour celle du Valais, de 1876, pour celle de Schwyz, de la même année, et enfin pour celle d'Unterwalden-le bas, de 1877.- Nous ne jugeons pas qu'il y ait lieu d'entrer en matière, dans cet exposé, sur le fond de chacun des arrêtés.

Il est clair qu'on continuera, à l'avenir, de pourvoir à Üobservation des dispositions de l'art. 27, toutes les fois qu'il y aura recours ou qu'une nouvelle constitution sera présentée. Mais la Confédération ne peut pas s'en tenir là. Les obligations résultant de cet article pour les cantons sont, d'une part, de telle nature qu'elles s'imposent à tous les particuliers qui veulent faire jouir leurs enfants de l'instruction primaire; d'autre part, chaque canton est, par leur fait, responsable vis-à-vis de tous' les autres, soit vis-à-vis de la Confédération. Il ressort de là non seulement que le citoyen est en droit de recourir auprès de la Confédération, lorsqu'un canton ne s'acquitte pas du tout, ou seulement partiellement, des obligations qui lui incombent en vertu de l'art. 27, ainsi qu'il a été fait jusqu'à présent, mais .encore que le conseil fédéral, entant que représentant la Confédération, a le devoir de veiller par lui-même à ce que les cantons remplissent ces obligations. En conséquence, le conseil fédéral devra s'assurer d'une manière immédiate si et jusqu'à quel point la situation des écoles dans les cantons répond aux dispositions de l'art. 27, et, lorsqu'il est démontré que tel n'est pas le cas, il aura à intervenir de son chef et sans attendre pour cela les réclamations des citoyens.

Cette * tâche est grosse de difficultés des plus sérieuses. Pour en préparer la solution, nous avons d'abord chargé de ce soin notre département de l'intérieur, qui- s'est mis résolument à l'oeuvre. Le résultat de ses recherches a été publié dans l'ouvrage intitulé: « L'art. 27 de la constitution fédérale et l'instruction primaire en Suisse, rapport au conseil fédéral suisse ». Ce rapport, après avoir exposé l'origine des dispositions
contenues dans l'art. 27, examine la portée de celles qui ont trait à l'instruction primaire; il fait ensuite une revue des mesures prises par la Confédération jusqu'à cette époque (commencement de 1878), en vue de l'exécution de l'article en question, et donne un aperçu de l'état de l'instruction primaire en Suisse, eu égard aux divers postulats constitutionnels.

Suit un examen des divers systèmes qui pourraient être suivis pour faire arriver, dans tous les cantons, l'instruction primaire à un

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niveau aussi élevé et aussi égal que possible, ainsi qu'un exposé des principes qui pourraient servir de base, cas échéant, à une loi scolaire fédérale. Il termine par les conclusions générales ci-dessous.

1° L'art. 27 de la constitution fédérale ne prescrit pas une loi fédérale, mais il ne s'y oppose pas non plus.

2° Une loi uniforme détaillée présente des difficultés exceptionnelles. En tout cas, elle doit laisser aux cantons toute la liberté d'action compatible avec les principes renfermés dans l'art. 27.'

Trop minutieuse, elle manquerait son but en soumettant à un régime intolérable les autorités scolaires et les populations. Le développement des principes constitutionnels par la législation fédérale ne devrait pas, à notre avis, excéder les limites tracées par les bases du projet de loi présenté dans ce rapport.

3° Le moment actuel, où tant de préoccupations politiques et financières pèsent sur la Confédération, ne paraît pas propice pour tenter u n . essai de législation fédérale sur l'instruction primaire.

Néanmoins, le développement de l'école populaire doit être de plus en pins l'objet de la sollicitude des autorités fédérales.

4° A cet effet et en tout état de cause, il y a lieu : a. d'organiser mieux le département fédéral de l'intérieur pour l'exercice d'une surveillance efficace, sans être tracassière, sur l'exécution de l'art. 27 ; b. de continuer les examens des recrues, en perfectionnant le système afin que les résultats soient le plus possible l'expression de la réalité; c. de publier un rapport général annuel sur l'état de l'instruction populaire en Suisse; d. de stimuler les cantons, par divers moyens, dans l'accomplissement de leur tâche, et de prendre des mesures appropriées contre ceux qui la négligeraient; e. d'établir un programme minimum qui, bien entendu, devrait être uniquement envisagé comme la limite extrême qu'auraient au moins à atteindre les élèves placés dans les circonstances extérieures les plus défavorables pour leur développement intellectuel ; f. de favoriser la formation d'instituteurs et d'institutrices capables, soit en créant, lorsque l'état des finances fédérales le permettra, une ou plusieurs écoles normales fédérales, soit en s'entendant avec la direction d'écoles normales existantes (art. 27 de la constitution fédérale, 1er alinéa); g. d'examiner s'il ne conviendrait pas, en tout cas, que les instituteurs soient formés sur la base d'un programme sane-

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tionné par l'autorité fédérale et obtiennent des brevets de capacité valables pour toute la Confédération suisse (art. 33 de la constitution fédérale).

Ce rapport a été adressé avec notre assentiment aux cantons, en date du 27 mai 1878, et ceux-ci ont été invités à l'examiner et à nous transmettre les observations auxquelles il pourrait donner lieu de leur part. En outre, il a été mis à la disposition de tous les cercles qui pouvaient avoir un intérêt spécial dans la question.

Il s'est écoulé un temps considérable jusqu'à ce que les appréciations de tous les cantons fussent en notre possession. Le dernier rapport est daté du 8 février 1880. Les questions une fois posées aux cantons, il fallait, avant d'aller plus loin, attendre les résultats de cette mesure. Nous renvoyons aux rapports mêmes des gouvernements cantonaux, qui se trouvent joints aux actes, et nous nous bornons ici à en exposer succinctement le contenu.

Contre la promulgation d'ime loi fédérale, on a fait valoir essentiellement les raisons suivantes.

1° II n'est pas besoin que l'art. 27 reçoive de la Confédération un plus grand développement législatif (Lucerne, Unterwalden-le-bas) ; car, s'il est prescrit que l'instruction primaire doit être obligatoire, gratuite, placée exclusivement sous la direction de l'autorité civile et non confessionnelle, on se trouve en présence de maximes évidentes, en sorte que, même sans le fil conducteur d'une loi, l'autorité compétente peut s'assurer si ces maximes sont suivies ou non par les cantons (Tessin).

2° Envisagée au point de vue de l'utilité, uno loi fédérale sur l'instruction primaire se heurte tout d'abord à la diversité des circonstances ou des milieux. Car, si l'on tient compte de ceux-ci dans la réalité et d'une manière suffisante, il ne peut pas être question d'uniformité ou de loi générale ; si, d'autre part, on n'en tient pas compte, l'application de cette loi serait impossible sans tyrannie (Baie-ville). En outre, la diversité des besoins doit aussi être prise en considération. Ceux-ci ne sont pas les mêmes partout; bien mieux, ils ne diffèrent nulle part plus que ce n'est le cas pour les cantons suisses; quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire d'avoir reçu une instruction portée à un haut degré pour exercer ses droits d'électeur et pour faire son service militaire (Uri).
Une loi uniforme ne ferait que porter préjudice au développement des écoles, parce que, d'une part, elle aigrirait les populations et provoquerait chez elles un esprit tenace d'opposition, de l'autre parce qu'elle découragerait les amis des écoles et paralyserait leur action dans les cantons (Grlaris, Vaud, Valais). Enfin, une tendance

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hostile à une loi fédérale sur l'instruction primaire serait celle des partisans fanatiques des écoles (Schnlsturmer), auxquels il importe moins d'instruire le peuple que de le déchristianiser, tendance qui est réprouvée par la grande majorité des chrétiens (Uri, Appenzellintérieur).

3° Les cantons atteindront, par leur propre initiative, le but qu'on se propose) tout axissi bien et tout aussi sûrement que si la Confédération intervenait dans un domaine si complexe au point de vue des contrées, des populations et des besoins, en introduisant les nombreux rouages des écoles normales, des lois et des inspecteurs fédéraux (Unterwalden-le-haut, Zoug).

4° La Confédération n'est pas compétente pour édicter une loi sur l'instruction primaire, cette loi n'étant prévue ni par l'esprit, ni par le texte de la constitution fédérale, ainsi qu'il ressort des procèsverbaux de l'assemblée fédérale en 1874, relatifs aux délibérations sur la révision de la constitution, et spécialement du dernier alinéa de l'art. 27 lui-même (Sehaffhouse). Cette conclusion se tire également de la forme en laquelle sont conçus les autres articles de la constitution, nommément ceux qui limitent les droits de souveraineté des cantons : en effet, dans ces articles, on a toujours prévu expressément la législation fédérale, par exemple art. 19, 20, 23, 24 et 25 (Unterwalden-le-bas et Zoug).

5° La constitution fédérale fait partout la distinction entre les cas suivants: si le principe posé rentre dans la compétence de la législation fédérale -- art. 18, 20, 23, 24, 25, 26, 34, 39, 44, 46, 47, 48, 49 dernier alinéa, 53, 64, 66, 67, 68, 69 -- ou s'il est réglé par les lois cantonales pour lesquelles la sanction fédérale est réservée -- art. 6, 7, 9, 3l, 43, 55, 56 -- ou encore s'il ne s'agit que de principes généraux qui sont soumis à la haute surveillance de la Confédération, sans toutefois faire l'objet de dispositions législatives -- art. 27, 49, 50, 54, 57, 58, 59, 61, 65 -- (Fribourg, Baie-ville, Vaud).

6° Dans la loi sur l'organisation judiciaire fédérale, du 27 juin 1874, l'art. 27 figure parrai les dispositions constitutionnelles qui ne sont pas réglées par une loi fédérale' -- voir art. 59 de la loi en question. -- C'est là une interprétation de l'art. 27 qui a été donnée immédiatement après la promulgation de la constitution
et par l'autorité même qui l'avait présentée (Baie-ville).

7° Le motif invoqué en faveur de l'institution d'une loi scolaire fédérale, savoir que la Confédération a déjà édicté des prescriptions sur l'enseignement de la gymnastique, prouve que, en dehors de l'enseignement primaire laissé par elle aux cantons, elle a statué toutes les fois qu'elle a cru devoir le faire par égard pour d'autres intérêts

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et qu'elle peut poursuivre cette voie sans toucher à ce qui constitue proprement et essentiellement l'enseignement primaire (Tessin).

8° Une loi fédérale serait d'une application aussi difficile qu'une loi cantonale. En effet, à moins d'augmenter le personnel fédéral de surveillance, de manière à ce qu'il entre en collision avec le droit réservé aux cantons de pourvoir à l'enseignement primaire, ce qui occasionnerait des frais énormes, il arriverait toujours, en fin de compte, que les cantons seraient chargés d'appliquer la loi fédérale.

Or, si ceux-ci ne sont pas déjà convaincus des avantages qu'offre une bonne instruction scolaire, ou ne voit pas trop comment une loi fédérale les amènerait à cette conviction (Tessin).

9° Les craintes qui se font jour quant au préjudice dont souffre la liberté dé conscience et de croyance sont bien fondées en théorie, mais elles n'ont dans la pratique qu'une portée très-relative. Dans les contrées où il existe côte à côte plusieurs confessions, et des confessions qui souvent diffèrent fort entre elles, l'application scrupuleuse de l'alinéa 3 de l'art. 27 présente une garantie indispensable pour que les parents aient confiance en l'école et n'y voient pas un instrument de prosélytisme. Par contre, là où une religion prédomine, de pareilles craintes ne sont exprimées qu'exceptionnellement, et il est toujours facile aux cantons mêmes de se pourvoir pour des cas pareils, qui ne valent pas la peine qu'on édicté une loi fédérale (Tessin).

10° En admettant qu'une loi scolaire fédérale soit avantageuse, les principes qu'elle consacrerait auraient besoin d'être complétés par des règlements et des ordonnances d'exécution, qui altéreraient là signification de l'art. 27. Sinon, ces principes resteraient à l'état de lettre morte et leur interprétation finirait toujours par être laissée à l'appréciation et à la gestion des autorités cantonales (Tessin).

11° Une loi fédérale ne pourrait être promulguée que s'il était démontré qu'il n'existe pas d'autre moyen pour arriver à une application uniforme des principes contenus dans l'art. 27. Mais, auj'ourd'hui, il n'est .plus possible de prétendre sérieusement que nous en soyons là et que, dans ce domaine, on ait encore à craindre de la négligence ou de la mauvaise volonté de la part de la majorité des cantons (Vaud, Schwyz).
En favewr d'une loi scolaire fédérale, on a avancé par contre les raisons suivantes.

1° II faut fixer par une loi fédérale les règles précisant les obligations qui résultent pour la Confédération des exigences de la constitution (Zurich, Berne, Thurgovie, Genève, Neuchâtel, Grisons),

205 car une intervention efficace de la Confédération en matière scolaire a'est possible qui si elle peut s'appuyer sur une loi, qui lui fournisse les moyens et les agents d'exécution nécessaires (Soleure).

2° Ce n'est que par une loi que les autorités fédérales peuvent arriver à l'uniformité et à la justice dans leurs décisions sur des recours scolaires. Sans elle, les décisions spéciales portent toujours plus ou moins le sceau de l'arbitraire. La Confédération s'exposerait également à tomber dans l'arbitraire, du moins en apparence, si, ensuite de non-observation des dispositions de l'art. 27, elle venait à s'immiscer dans le gouvernement d'un canton par des instructions, des ordonnances spéciales, des menaces de pénalités, etc., sans y être autorisée par la législation. Mais, si la compétence accordée aux autorités fédérales par l'art. 27 ne devait se manifester que par des tâches à donner aux cantons, ou par des directions ou des conseils qui n'auraient aucun caractère obligatoire, on aurait ' là «un couteau sans manche auquel l'a lame manque». Des mesures pareilles seraient superflues pour les cantons dont l'instruction publique est bien ordonnée, tandis que les autres ne s'en inquiéteraient que juste autant qu'il pourrait leur convenir (Thurgovie).

3° Toutefois, il ne faut pas entraver par une loi scolaire le libre développement de l'initiative cantonale, mais seulement attribuer à la Confédération un droit de haute surveillance dans des directions bien définies (Zurich, Thurgovie, Appeuzell extérieur).

4° Comme l'oeuvre difficile d'une législation scolaire fédérale n'est pas encore suffisamment préparée ni dans l'administration, ni au sein des populations, il y a lieu en première ligne d'organiser le département fédéral de l'intérieur en vue de l'exercice d'un contrôle efficace sur l'exécution des dispositions qui sont ici en cause (St-Gall, Thurgovie, Berne); il paraît surtout désirable qu'on s'enquière toujours plus exactement de l'état de l'enseignement dans les écoles populaires,, des résultats qu'il produit en général, et non pas seulement en ce qui concerne les examens des recrues, et que ces résultats soient portés à la connaissance du public à des intervalles réguliers (Zurich).

5° Les conclusions du département fédéral de l'intérieur, reproduites plus haut dans le présent message,
sont appuyées (Berue, Argovie, Baie-campagne), et spécialement les postulats énumérés sous chiffre 4 de ces conclusions- sont jugés bien faits pour préparer la publication d'uue loi, attendu que, par là, il s'établit un contact salutaire entre l'autorité centrale et les cantons, que celle-là a ainsi la possibilité de se rendre compte de la situation des écoles primaires, et que, d'autre part, ceux-ci se trouvent délivrés des craintes et des préjugés, qu'ils pourraient avoir par rapport à l'adoption d'une loi fédérale (Thurgovie).

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Les appréciations des cantons donneraient lieu, de notre part, à des considérations de plus d'un genre, particulièrement le point essentiel qu'elles touchent, savoir celui de la constitutionnalité de la loi. Mais nous pouvons y renoncer, puisque nous ne vous proposons pas cette loi, comme vous pouvez le voir par le projet cidessous.

Sans doute, les avantages d'une réglementation législative se laissent à peine discuter, du moins sous certains côtés. Les obligations imposées aux cantons sont susceptibles d'interprétations fort diverses par suite des expressions générales qu'emploie l'art. 27; elles laissent plus ou moins dans le donte les cantons sur les prestations qu'ils ont à fournir, les particuliers sur ce qu'ils sont en droit d'exiger, et l'autorité executive fédérale sur les objets qui tombent sous sa surveillance et sur le mode dont cette surveillance doit être exercée. La meilleure manière de faire disparaître cette incertitude, ce vague, dont souffre l'autorité fédérale lorsqu'il s'agit d'examiner des recours isolés et surtout d'exercer le contrôle direct, serait que l'assemblée fédérale adoptât une loi qui aurait à préciser les obligations des cantons contenues dans l'art. 27.

Mais nous jugeons que le moment n'est pas encore venu où une loi de cette nature pourrait être présentée aux conseils législatifs avec quelque chance de succès, soit être adoptée avec l'espoir que le peuple l'accepterait, ou encore être promulguée et mise à exécution sans inquiétude sur le succès qu'elle obtiendrait. A l'appui de cette manière d'envisager la situation, nous invoquons essentiellement les appréciations des gouvernements cantonaux.

Mais, indépendamment des difficultés qui s'opposent actuellement à l'élaboration d'une loi scolaire, noas devons appeler votre attention sur le fait que les conditions préalables 'nécessaires pour adopter une voie sûre dans le règlement législatif des difficiles questions de l'art. 27 ne sont pas remplies et nous font encore défaut.

Une de ces conditions, qui nous paraît indispensable et la plus importante de toutes, c'est une connaissance exacte, approfondie dans les limites du possible, des circonstances et des milieux sur lesquels s'exercerait l'action de la loi. Cette connaissance ne nous paraît pas indispensable seulement pour l'autorité qui délibère en première
ligne et à laquelle il appartient de rechercher la ligne vraie, la ligne pratique à suivre dans le choix des postulats, mais encore pour l'assemblée fédérale, les gouvernements cantonaux et le peuple, qui ne peuvent être édifiés sur la nécessité de marcher de l'avant et ne peuvent y être préparés que par une exposition comparative et claire de la situation faite à l'enseignement dans les divers cantons.

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Sans parler môme de ce mode de procéder, dont la nécessité peut s'imposer plus tard, nous attachons la plus grande valeur intrinî èque à l'enqxiete projetée sur la situation comparative des écoles dans les cantons. Nous y voyons un moyen réel et efficace de nous rapprocher du but que la constitution s'est proposé par l'art. 27, et, (.ans les circonstances présentes, ce moyen nous paraît le plus corn ict.

Sous ce rapport, les examens des recrues nous ont fourni des expériences dignes de fixer l'attention. Il n'y a eu qu'à en constater les i ésultats et à les publier dans des tableaux comparatifs annuels, pour provoquer aussitôt de la part des cantons un examen sérieux de hi situation de leurs écoles et des efforts intenses à l'effet do l'améliorer. L'intervention de la Confédération n'a pas été nécessaire; les autorités scolaires cantonales, dont l'attention avait été éveillée par '.es faits mis au jour, ont recherché immédiatement par ellesmêmes les causes des lacunes existantes et ont pris les mesures qui leur paraissaient adaptées aux circonstances particulières, pour y re:nodier do leur mieux.'

Nous p'ouvons dire que les autorités cantonales, presque sans exception, font preuve de la meilleure volonté pour maintenir et élever le niveau de l'instruction populaire. Mais nous sommes aussi convaincus qu'elles en sont toutes, à désirer que la situation de leurs écoles soit constatée non pas une fois, mais périodiquement, en tant du moins que cette situation est mise sous la sauvegarde commune de l'art. 27 de la constitution fédérale; qu'elles mettront à profit les résultats des inspections, tout comme elles l'ont fait et le fo'it encore pour les examens des recrues; que, de cette manière et saus autre action ni intervention de la Confédération, les écoles popu aires publiques s'amélioreront et progresseront; enfin, qu'en procédant avec cette retenue la Confédération est en état de rendre aux cantons des services très-appréciables.

. Jes Etats-Unis d'Amérique ont, dans le bureau de l'instruction publique de Washington, une institution telle que celle que nous propcsons, seulement avec un déploiement de dépenses infiniment plus :onsidérable. Lors même que la constitution des Etats-Unis ne reconnaît au pouvoir central aucune compétence en matières scolaires, le congrès a jugé nécessaire de créer ce
bureau, dont les publications sur l'état de l'enseignement sont d'un grand intérêt et d'une utilité reconnue.

'ii maintenant, à la suite d'une application sérieuse-et intelligente clé cette manière de faire, qui devrait être expérimentée pendant une certaine durée et n'exclurait pas, cela va sans dire, un examen spécial pour tous les recours qui pourraient se produire,

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il était démontré qu'il faut en venir à des dispositions législatives uniformes, l'assemblée fédérale serait alors en état de procéder avec pleine connaissance de cause et avec l'assentiment non seulement de l'opinion publique, mais encore de la majorité des gouvernements cantonaux.

Après cet exposé général de nos vues, il nous reste à donner quelques explications sur les points essentiels du projet.

S'il s'agissait d'une enquête générale et unique, le conseil fédéral aurait pu aller de l'avant sans l'autorisation do l'assemblée fédérale et, eu cas de dépenses extraordinaires, procéder par la voie du budget pour les couvrir. Mais il ressort de ce qui précède que telle n'est pas notre idée. Nous désirons pouvoir rendre compte, année par année, de la situation des écoles, à tous les points de vue qui correspondent aux exigences de l'art. 27 de la constitution fédérale, et cela non seulement au moyen de chiffres et de tableaux qui ne pourraient faire ressortir et élucider que peu de points relatifs à la matière.

Nous espérons po.uvoir amener les gouvernements cantonaux à adopter, dans leurs comptes rendus annuels sur les écoles, une certaine uniformité de plan, en sorte qu'il soit possible de composer, de tous ces comptes rendus, un rapport général comparatif sur l'année scolaire, sans devoir pour cela recueillir par nous-mêmes des données. Nous souhaitons être mis en mesure de diriger constamment notre attention sur les écoles populaires suisses en première ligne, et ensuite sur celles d'autres pays animés d'un esprit progressif, ainsi que de développer dans ce domaine une activité soutenue, sans toutefois sortir de la compétence attribuée à la Confédération.

Mais, à cet effet, il est besoin, au sein de l'administration fédérale, d'une institution permanente, qui ne peut être créée que par voie législative. En raison de sa nature, cette institution essentiellement statistique et de renseignements, dans le sens étendu du mot, nous paraît avoir sa place au bureau de statistique. En conséquence, nous voudrions donner au directeur de ce bureau un adjoint qui serait chargé avant tout de s'occuper de tous les travaux en corrélation-avec l'art. 27 de la constitution fédérale. Il va de soi qu'il ne peut être .question ici que d'une personne déjà bien familiarisée avec la situation scolaire en Suisse et
en état de suffire par sa propre initiative à la tâche qui lui est confiée.

En regard des conditions d'expérience et de culture intellectuelle que 'ce fonctionnaire devrait remplir, nous proposons de lui allouer un traitement de fr. 4500 à fr. 5000.

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Basés sur les considérations qui précèdent, nous avons l'honneui de vous recommander l'adoption du projet d'arrêté ci-après, et nous saisissons cette occasion, monsieur le président et messieurs, de \ous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 3 juin 1880.

Au nom du conseil fédéral suisse, Le président de la Confédération : WELTI.

Le chancelier de la Confédération : SCHIESS.

Projet.

Arrêté fédéral concernant

l'exécution de l'art. 27 de la constitution fédérale.

L'ASSEMBLÉE PÉDÉEALE de la

CONFÉDÉEATION SUISSE, ra le message du conseil fédéral du 3 juin 1880, arrête : ... Le conseil fédéral est chargé de faire procéder, par le départemei.t de l'intérieur, aux enquêtes nécessaires pour assurer l'exécution île l'art. 27 de là constitution fédérale, enquêtes portant sur la situation des écoles dans les cantons, et de pourvoir à ce que les résultats en soient recueillis, récapitulés, coordonnés et publiés d'une manu re régulière et continue.

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Pour mettre le bureau de statistique en état de remplir la partie de cette tâche qui lui incombe, il est donne au directeur de ce bureau un adjoint. Ce dernier touche un traitement de fr. 4500 à fr. 5000. Les attributions de cet emploi seront fixées par un règlement spécial du conseil fédéral.

2. Les cantons sont tenus de fournir, en tout temps, au conseil fédéral et à ses mandataires les indications nécessaires se rapportant à la teneur de l'art. 1er ci-dessus, et cela conformément aux questions posées et dans des délais équitablement fixés.

3. Le conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 (E. off., nouv. série, I. 97) concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier le présent arrêté fédéral et de fixer l'époque où il entrera en vigueur.

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Message du

conseil fédéral à la haute assemblée fédérale concernant la création d'une nouvelle place d'ingénieur LU département fédéral de l'intérieur, section des travaux publics.

(Du 7 juin 1880.)

Monsieur le président et messieurs, L'art. 4 de la loi fédérale concernant la police des eaux dans les régions élevées, du 22 juin 1877, est conçu comme suit : <; Le conseil fédéral dispose, pour l'exercice de sa- haute sur« veillance (sur la police des eaux), du personnel technique nécessaire. » Lors de la réorganisation de diverses fonctions, nécessitée par la révision de la loi sur l'organisation du conseil fédéral et qui a notamment aussi affecté le bureau des travaux publics de notre département de l'intérieur, il n'a provisoirement pas été tenu compte de cette prescription. D'après le message qui vous a été adressé à cette occasion le 17 mai 1878 et qui concerne une révision partielle de la loi du 2 avril 1873 sur le traitement des fonctionnaires fédéraux, on a voulu préalablement attendre de nouvelles expériences sur les besoins qui se feraient jour.

Un réalité, cette réorganisation, en supprimant la place de secrétaire spécial pour les travaux publics, sans décharger ce bureau de

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Message du conseil fédéral à la haute assemblée fédérale concernant l'exécution de l'art. 27 de la constitution. (Du 3 juin 1880.)

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