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XXXIannée,éVolume Iel.

No 1. l.Samedi 3 janvier 1880

Abonnement par année (franco dans toute la Suisse) 4 francs.

Prix d'insertion : 15 centimes la ligne. Les insertions doivent être transmises franco a l'expédition. -- Imprimerie et expédition de C.-J. Wyss, à Berne,

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Message du

Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur les épidémies et les mesures préventives et effectives contre les épidémies qui offrent un danger général.

,(Du 18 décembre 1879.)

Monsieur le Président et Messieurs, La lutte contre les épidémies est aussi vieille que les sociétés humaines; bien plus, tous les âges l'ayant livrée avec les moyens de culture que l'époque mettait à leur disposition, ce que nous en savons contribue à caractériser le degré de civilisation de chacun de ces âges. La terreur, la croyance religieuse, la froide réflexion ont, l'une après l'autre, quelquefois côte à côte, soutenu ce combat, en y employant tout ce que l'on savait ou croyait savoir en fait de sciences naturelles.

De même que, pendant des siècles consécutifs, les idées qui .agitaient le monde procédaient uniquement des droits de l'Etat et des droits de l'Eglise, de môme notre siècle est régi par les sciences naturelles dont les méthodes s'appliquent dans la guerre, dans le commerce, dans l'industrie et dans les sciences sociales.

Notre vie domestique et notre vie publique nous montrent que jamais l'homme n'a été aussi puissant vis-à-vis de la nature ambiante.

Et cependant nous en sommes a nous demander si, vis-à-vis des Feuille fédérale suisse. Année XXXII. Vol. 1.

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épidémies, nous sommes mieux armés qu'autrefois et si nous avons su mettre à notre service les trésors de la science, ou bien si nous sommes restés dans un état d'impuissante perplexité.

La Suisse a eu depuis longtemps et le bonheur d'être épargnée par les grandes épidémies et le malheur que les petites épidémies, celles qui arrivent à pas de loup, n'attiraient l'attention que de ceux qui en étaient atteints. Il en est résulté que nous sommes restés en arrière, dans cette partie de la civilisation, beaucoup plus que sur d'autres points, et .que c'est seulement maintenant que nous commençons à agiter la question de savoir si, en ce qui concerne le danger des épidémies, nous ne devons pas, aussi bien que vis-àvis d'autres dangers publics, appliquer, malgré les libertés personnelles, ce vieil adage : « Salus publica, lex suprema ».

L'histoire de notre pays nous montre que, lorsque dans les siècles passés la peste le ravageait, ou lorsque, dans les temps modernes, le choléra s'y est montré, l'amour du prochain, empreint d'héroïsme et d'abnégation, a su répondre dignement et péremptoirement à la question posée plus haut. L'intérêt de l'individu disparaissait devant l'intérêt public, et les mesures de l'autorité y contribuaient de bonne foi, pour autant, du moins, que la foi dans les remèdes spécifiques le permettait.

Si la Suisse a réglé depuis plusieurs années la police sanitaire des animaux domestiques et introduit une statistique des maladies du bétail, et si les médecins sont à bon droit jaloux des vétérinaires, on peut, d'un autre côté, constater que la police sanitaire des hommes n'a pas été perdue entièrement de vue. Au fur et à mesure que les tendances humanitaires s'accentuaient et que les économistes nous représentaient la vie des hommes comme une valeur, comme un capital, on s'en est davantage préoccupé et l'on a tenté quelques essais.

Déjà sous l'ancienne Constitution, le Conseil fédéral et les autorités cantonales se sont souvent demandé si la Confédération ne devait pas régler, d'une manière uniforme pour toute la Suisse, la police sanitaire en temps d'épidémie. L'impulsion fut surtout donnée par le Gouvernement de Zurich en juin 1866. Les Gouvernements de Berne, de Lucerne, d'Unterwalden-le-Haut, de Glaris, de Fribourg, de Schaffhouse, de St-Gall et d'Argovie donnèrent leur adhésion. Le
moment était favorable pour soulever la question. En 1865 et 1866, la petite vérole avait franchi la frontière de France et s'était répandue dans plusieurs Cantons, grâce à la défectuosité des mesures de police sanitaire de l'un ou l'autre d'entre eux. Le typhus régnait alors à Baie avec une intensité, quant au nombre des malades et quant à la gravité du mal, qu'il n'avait jamais eue

auparavant et qu'il n'a plus eue depuis. En même temps, le choléra ravageait les villes et les villages de France et d'Allemagne, et la possibilité qu'il envahit notre terxitoire était d'autant plus prochaine que les événements de la guerre dans l'Europe centrale et méridionale avaient refoulé jusque près de notre frontière des armées où le fléau sévissait.

Malgré cela, la tentative d'une organisation fédérale des mesures préventives contre les épidémies échoua dès la période des discussions préliminaires. Dans une réunion de délégués de divers Cantons, convoquée à Berne le 19 juillet 1866 pour traiter la question, on ne tomba d'accord que sur un point, à savoir l'urgence d'une intervention des autorités fédérales contre le transport des varioleux, chacun étant d'accord à blâmer le système qui consistait à renvoyer ces malades quelquefois de très-loin dans leur Canton d'origine pour s'en décharger.

En général, cette Commission estimait que, à côté de la variole, il n'y avait que le choléra et le typhus -- et encore seulement le typhus des armées et le typhus pétéchial -- qui pussent donner matière aux autorités fédérales à appliquer les art. 59 ') et 74, chiifre 13 2), de la Constitution fédérale, et ce seulement pour autant que l'épidémie aurait déjà éclaté ou se répandrait d'une façon épidémique.

« Mais ' même dans ce cas -- ainsi s'exprimait le préavis de la Commission -- il faudrait en général abandonner aux autorités cantonales, ou à celle de subdivisions plus restreintes, le soin d'appliquer les moyens propres à combattre les progrès de l'épidémie, les autorités fédérales ne devant intervenir, si cela était nécessaire, que dans les circonstances les plus urgentes. » A peu près à la même époque siégeait, sous des auspices plus farorables, une Commission d'experts, pour discuter des mesures communes contre les épizooties. Si pendant des années on ne franchit pas la phase des diseussions préliminaires, on roussit néanmoins à faire promulguer, encore sous l'ancienne Constitution, la loi fédérale concernant les mesures de police à prendre contre les épizooties, qui porte la date du 8 février 1872.

*) Art. 59 de la Constitution de 1848 : « Les autorités fédérales peuvent prendre des mesures de police sanitaire lors d'épidémies et d'épizooties qui offrent un danger général. » 8 ) Art. 47, n» 13 :
« Les affaires de la compétence des deux Conseils sont, entre autres, les suivantes : « Les dispositions législatives touchant le libre établissement, les gens sans patrie, la police des étrangers et les mesures sanitaires. »

Le succès obtenu en matière de police vétérinaire, en regard de l'échec de la police sanitaire des gens, n'a rien de décourageant.

En effet, les difficultés sont d'une tout autre nature. Déjà le texte de l'art. 59 de la Constitution d'alors était à lui seul un obstacle.

Les autorités fédérales ne devaient pas, mais pouvaient seulement prendre des mesures de police sanitaire lors d'épidémies offrant un danger général. Une loi contre les épizooties, ordonnant le séquestre là où la peste bovine ou la péripneumonie gangreneuse a éclaté, défendant l'entrée du bétail de contrées infectées et prescrivant pour les animaux malades, comme suprême remède, le coup de massue fatal et définitif -- restait dans le cadre tracé par la Constitution et atteignait le but d'une manière efficace.

Il en est autrement des épidémies, des maladies du peuple, où l'on est appelé à ménager et à conserver celui qui porte en lui et sur lui le poison, le virus contagieux, c'est-à-dire l'homme malade; où, en suspendant la circulation, en isolant et en enfermant les individus malades, on trouble les relations sociales beaucoup plus profondément que ne le font les mesures contre les épizooties dont il vient d'être question; où enfin, dans les conditions modernes de la circulation, on ne peut presque rien obtenir par des mesures de séquestre ou de quarantaine à la frontière.

En général, la lutte contre les épidémies doit se faire avec plus de ménagement, d'une façon plus délicate ; car elle peut porter une atteinte si grave an droit le plus précieux des citoyens, c'est-à-dire à la liberté individuelle et à l'indépendance des familles, ainsi qu'au droit le plus important des communes, celui de l'autonomie communale, que, dans chaque cas où la police sanitaire est appelée à intervenir, il faut bien peser si le but qu'on se propose d'atteindre vaut le sacrifice que l'on exige.

Mais que pouvait-on faire aussi longtemps que les compétences des autorités fédérales étaient restreintes à des « mesures de police sanitaire», que l'on ne pouvait prendre que quand le fléau sévissait déjà? L'histoire de toutes les épidémies ne nous enseigne-t-elle pas que l'efficacité de la police sanitaire et la garantie de sou succès résident avant tout dans les mesures prophylactiques. Déjà ce fait seul de- ' vait faire échouer tout essai d'une organisation
fédérale de la police sanitaire, qui, aux termes de la Constitution fédérale, n'osait pas prévenir le mal et devait se borner à le circonscrire.

Un an après les conférences dont il vient être question, le choléra, importé d'Italie, faisait irruption à Zurich; malgré la sagacité et l'énergie des autorités, ce fut pour ce Canton un grande calamité. A la même époque, le fléau envahit les frontières du Tessin et y fit un grand nombre de victimes.

Quelques années après, la variole nous vint de France. Nous signalons ici sans antre commentaire le fait que la vaccination s'y faisait d'une façon très-irrégnlière par les médecins et les sagesfemmes, et qu'en général elle était libre; qu'en outre, à la suite de l'agitation provoquée par le mathématicien Carnot, officier d'artillerie , on ne vaccinait que rarement dans un grand nombre de communes et de départements, et, enfin, que la variole rognait dans une grande partie du territoire et y causait des milliers de décès.

Cette épidémie française de petite vérole fut répandue en masse et très-rapidement en Suisse, principalement par les internés, et elle fit des ravages tels qu'on ne les avait pas vus dans ce siècle.

Depuis lors, les épidémies ont épargné notre pays, bien que, il y a quelques années, le danger d'une nouvelle invasion du choléra fût imminent, alors qu'il sévissait dans les Etats qui nous avoisirtent et détruisait dans la seule Hongrie 260,000 vies d'hommes 8).

Ce fut précisément cette dernière tournée du choléra en Europe qui donna une impulsion nouvelle et plus durable aux efforts tentés en vue de le combattre d'une manière à la fois plus vigoureuse et plus rationnelle. Antérieurement déjà, sous l'impression des ravages de son premier passage, l'Angleterre avait ouvert le combat en grand en organisant la police sanitaire sur le pied de l'hygiène publique. C'est dans ce pays qu'on apprit d'abord à apprécier l'influence des forces hygiéniques et diététiques sur le développement et la propagation des épidémies ; c'est là que l'on reconnut d'abord combien les soins hygiéniques et diététiques sont capables de réduire la somme des cas de maladie et de décès, et combien, abstraction faite de toutes les considérations humanitaires, ils augmentent le bien-être national. C'est avant tout à l'intelligence de ce fait que l'Angleterre doit l'état florissant de ses institutions sanitaires.

En Allemagne aussi, ce fut le choléra qui propagea cette idée, déjà préparée par les faits nombreux acquis sur le terrain des sciences naturelles, qu'en matière d'épidémie le commencement seul est dans la main de l'homme, mais que la continuation s'accomplit comme une fatalité à laquelle on ne peut rien changer. Sous la direction réfléchie et ingénieuse de Pettenkofer, on commença à scruter les conditions
géognostiques et météorologiques, sociales et individuelles, qui font augmenter ou diminuer les épidémies. Cette règle partout vérifiée, qu'il faut résister aux commencements, commença à prendre une forme déterminée et à être appliquée aux soins hygiéniques et à la police sanitaire. Le Gouvernement et le peuple virent avec plaisir et encouragèrent les recherches étiologiques.

3

) von Sigmund, die internationale Seuchen-Commission, p. 115.

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L'intérêt croissant qui s'attachait à ces recherches ne tarda pas à porter ses fruits. En 1873 fut instituée la Commission de l'Empire allemand contre le choléra (Choléra-Commission), qui vient de livrer à la publicité un travail que l'on peut considérer comme un véritable modèle d'enquête officielle contre les épidémies. Puis, en 1874, l'Autriche convoqua une conférence sanitaire internationale.

Tous les Etats de l'Europe y envoyèrent des représentants. Les délibérations de cette conférence n'ont pas réussi, il est vrai, à dissiper l'obscurité qui entoure encore maintenant plus d'une question relative au choléra et à la manière dont il se propage. Néanmoins, elle n'est pas restée entièrement sans résultat, n'eût-elle fait autre chose que répandre .le désir de travailler avec elle au but qu'elle s'était proposé et, en provoquant l'entente sur un certain nombre de principes qui sont toujours applicables, que diriger la police sanitaire dans des voies nouvelles et naturelles.

De notre part, cette collaboration au but de la conférence internationale de Vienne est chose exécutable depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution fédérale. Le texte de l'article qui faisait dépendre les mesures de l'autorité fédérale contre les épidémies de leur irruption effective est changé en un autre texte, qui tient entièrement compte de l'importance des précautions prophylactiques et des mesures hygiéniques dirigées contre l'apparition et la propagation de ces épidémies.4) En outre, une des premières lois promulguées sous l'égide de la. nouvelle Constitution nous fournit les matériaux de statistique, sans lesquels tout essai de suivre le développement et la marche d'une épidémie est condamné d'avance à échouer. Le texte de l'art. 69, d'une part, et la loi sur l'état civil, de l'autre, permettent actuellement d'engager avec quelque espoir de réussite la lutte contre les épidémies.

Mais l'hygiène publique, comme base des mesures préventives, ne peut pas remplir sa mission et l'on ne peut attendre aucun effet des prescriptions contre les épidémies, si les citoyens, qui réclament, comme étant leur droit, quej l'Etat les protège contre cet ennemi extérieur, ne s'astreignent pas en même temps à certaines obligations, et avant tout, là où le bien général l'exige, à certaines restrictions de leur liberté
personnelle. Et cependant le sacrifice parait si lourd à telle personne qui ne se lasse pas de réclamer le droit!

Le projet de loi que nous présentons a été d'avance condamné 4 ) Art. 69 de la Constitution fédérale actuelle: «La législation concernant les mesures de police sanitaire contre les épidémies et les épizooties qui offrent un danger général, est du domaine de la Confédération.»

comme étant, «trop sévère et non exécutable».5) Le second reproche tombe à faux cas, car ce projet n'introduit aucune mesure et ne renferme aucune exigence qui n'ait été éprouvée et reconnue bonne et exécutable dans la pratique, soit chez nous, soit ailleurs.

En ce qui concerne le premier reproche, comment peut-on trouver trop sévère une mesure quelconque, qui, il est vrai, est importune pour l'individu, qui restreint sa liberté individuelle dans tel ou tel cas, mais non sans que par le fait môme des centaines de ses concitoyens soient préservés de maladie ou de mort?

Ce n'est que lorsqu'on prouvera que l'une des mesures de police sanitaire proposées ne sert à rien, qu'elle n'atteint pas son but, qu'elle est impuissante à protéger ceux qui sont sans protection et sans défense, c'est alors seulement que l'on aura droit de la déclarer trop sévère.

Quelles sont les épidémies doit la loi s'occupe?

(Art. 1er)

L'art. 69 de la Constitution fédérale restreint l'organisation légale de la police contre les épidémies par la Confédération à celles qui «offrent un danger général». Elle ne l'étend donc pas à toutes les épidémies, et la question surgit de savoir quelles sont celles que l'on a eues en vue. On ne peut la résoudre qu'en reprenant le motif sur lequel se base la prescription qui remet à la Confédération la législation sur les épidémies qui offrent un danger général. Ce motif ne peut être autre que la connaissance du fait qu'il y a certaines épidémies vis-à-vis desquelles les législations cantonales, adaptées aux besoins et aux intérêts locaux, ne suffisent pas pour empêcher que la maladie ne soit transportée dans un autre Canton, et qu'il n'y a que les mesures communes, qui doivent être prises et exécutées d'une manière uniforme par tous les Cantons, qui soient assez efficaces pour en préserver le pays. Dans cette catégorie n'entrent donc pas les épidémies qui n'ont qu'une importance locale, mais bien celles qui accusent une tendance prononcée à se répandre plus loin. Plus cette tendance est forte, plus le danger de la propagation du principe infectieux est grande, plus il menace la totalité et chacun de ceux qui se trouvent en contact avec lui, plus il tend à se propager rapidement et par sauts à travers le pays entier, et plus aussi nous sommes autorisés à considérer cette épidémie comme «offrant un danger général».

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) Requête de la société bernoise contre la vaccination obligatoire.

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Parmi les épidémies qui, de l'avis de tous, rentrent dans cette catégorie, la variole a, de tout temps, attiré le plus l'attention des autorités sanitaires, comme étant la maladie dont la contagion se transporte le plus facilement, maladie terrible qui, dans les siècles précédents, avant la découverte de la vaccine par Jenner, attaquait presque chaque individu une fois dans sa vie et qui décimait dans le sens le plus littéral du mot surtout les enfants.

Après 1860, ceux qui s'efforçaient dès cette époque de mettre en doute la haute valeur de cette découverte ont cherché à faire croire que dans la suite des temps cette maladie était devenue d'elle-même bénigne, et que ce n'est pas à la vaccination que l'on doit la diminution de la mortalité par suite de variole dans notre siècle. Or, la dernière épidémie, celle qui après 1870 a parcouru toute l'Europe, a fait mourir des milliers d'hommes et détruit la santé d'un grand nombre de ceux qui sont restés en vie. L'expérience de cette épidémie a dû ouvrir les yeux à tous les sceptiques qui sont encore capables d'être convaincus par des faits positifs; s'il fallait encore d'autres preuves, elles ont été fournies en trèsgrand nombre par les observations faites dans les pays qui naguère encore étaient privés du bienfait de la la mesure préventive connue sous le nom de vaccination.

De même que, dans le siècle passé, l'Islande a été presque dépeuplée à la suite d'un seul cas importé dans cette île, de même les Iles Sandwich ont perdu après 1850 le 8 °/0 de leur population à la suite de la petite vérole. On connaît également les ravages que la variole a faits parmi les Indiens de l'Amérique, puis dans le Mexique, où 3 1 / 2 millions d'habitans succombèrent, et enfin en Perse, où, il n'y a pas vingt ans, la destruction de vies d'hommes fut telle qu'elle bouleversa entièrement les opinions du médecin particulier du Schah, le Dr Polak, de Vienne; d'un adversaire déclaré de la vaccination il en devint le partisan enthousiaste, et il mit tous ses efforts à la répandre dans ce pays. Les mômes ravages se produisirent en Syrie et ne cessèrent que lorsque, surmontant les prégugés des Musulmans fatalistes, les bienfaits de la vacci-, nation eurent pu s'y manifester.6) La variole a certes conservé jusqu' à nos jours le caractère d'une épidémie excessivement dangereuse. Les
exemples les plus frappants nous ont été de nouveau fournis par les années de guerre 1870 et 1871 ; dans la Prusse orientale, 7 °/00 de la population entière périt e ) Recueil des travaux du Comité consultatif d'hygiène publique, tome VII. Rapport du Dr Suquet, médecin sanitaire à Baïrout; il termine son rapport par ces mots: «La vaccine sera défendue par les esprits sages et surtout par le coeur des mères» (3 mai 1866).

de la petit vérole ; en France, de l'avis unanime de tous les rapporteurs, les ravages furent excessifs.7) Carnot voulut prétendre8) que par la vaccine on ne fait que renvoyer à une époque plus retardée de la vie humaine la variole, qui réapparaît alors comme éruption typhoïde dans l'intestin. Cette opinion, qui transforme une maladie infectieuse en une autre, est de pure fantaisie. Les sciences naturelles et la nosologie moderne voient, au contraire, dans la fièvre charbonneuse, dans l'hydrophobie, dans la peste, le choléra, la variole, la syphilis, la fièvre scarlatine, la diphthérie et la rougeole, des maladies contagieuses bien déterminées, qui se développent chacune selon des formes nettement délimitées, et qui dans la suite des temps historiques ont aussi peu passé l'une dans l'autre que ne l'ont fait les divers genres des animaux et des plantes. Or, nous n'avons pas à nous occuper des éventualités possibles dans quelques milliers d'années, mais du temps présent.

Oe n'est pas ici qu'il y a lieu d'étayer de nouvelles preuves la valeur de la découverte de Jenner. Il s'agit pour nous seulement de constater que, malheureusement, aujourd'hui encore, la variole occupe, comme étant la plus répandue et la plus dangereuse, le premier rang parmi les épidémies qui «offrent un danger général».

Il est encore beaucoup moins nécessaire de se justifier d'avoir compris le choléra dans cette catégorie. A la vérité, Marc d'Espine, à Genève, répondait en 1848 à cette question : « Aurons-nous le choléra ? » en la niant d'énergiquement, et il tirait ses arguments de la situation géographique et du climat de la Suisse. Mais peu d'années après -- en 1854 -- le choléra lui-même, en se répandant dans le canton d'Argovie, vint donner à la sentence hardie du spirituel savant le démenti le plus déplorable. L'année suivante -- en 1855 -- le fléau fit beaucoup plus de victimes encore dans les Cantons de Baie (Ville et Campagne), Zurich, Genève et le Tessin.

Nous avons déjà parlé plus haut de ses ravages dans le Canton de Zurich et dans le Tessin.

Viennent ensuite deux maladies épidémiques que l'on connaît dans notre pays beaucoup moins que la variole et le choléra, et qui cependant doivent prendre place à l'art. 1er parmi celles qui offrent un danger général, à savoir le typhus pétéchial, cette maladiedé la guerre,
de la famine, de' la malpropreté et de toutes les misères sociales, et la peste, qui est la forme la plus terrible de toutes les maladies typhoïdes. Nous n'avons plus vu apparaîtra 7

) Recueil, etc., tome III. Rapport du Dr Fouquet, de Vannes.

) Idem. Rapport du Dr Fauvel.

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le typhus pétëchial, comme grande épidémie, depuis la fin des guerres du premier Empire, et la peste depuis deux siècles. Après 1830, il semblait que le typhus pétéchial allait quitter notre continent et se contenter des victimes que lui fournissait encore de temps à autre la population de l'Irlande, affaiblie par la faim et la misère; malgré cela, favorisé par les mêmes circonstances, il s'est de nouveau montré dans les années 1847 et 1848 en Bohême et en Silésie, plus tard en Crimée pendant la guerre, et enfin ces dernières années sur le théâtre de la guerre d'Orient entre la Russie et les Turcs.

Bien plus, en 1855, à la suite de l'importation d'un seul cas, il s'est développé dans un village du Rheinthal saint-gallois une épidémie de 96 cas qui enleva un grand nombre de pères de famille.

D'ailleurs, sommes-nous sûrs de la paix? En sommes-nous sûrs pour dix ans seulement? Qui nous dit que la guerre ne touchera pas à nos frontières et qu'elle n'envahira pas notre territoire en traînant à sa suite la famine, la misère et les grandes épidémies?

Et en ce qui concerne la peste, «l'épidémie d'Astracan», que l'on n'a pu étouffer que moyennant d'énormes sacrifices, n'a-telle pas heurté assez distinctement aux portes de l'Europe occidentale pour rappeler aux peuples de notre continent qu'elle aussi peut revenir et que rien ne nous garantit que nous ayons échappé pour toujours à ses ravages?

Le danger qui nous menaçait de près -- car, avec les moyens de transport actuels, la distance n'est pas grande de la Russie méridionale jusqu'aux confins de l'Europe occidentale -- est pour nous un avertissement de ne pas ajourner plus longtemps les mesures communes destinées à combattre les maladies épidémiques d'après un plan utile et rationel. Peut-être le temps n'est-il plus éloigné où les peuples organiseront, au moyen d'une Commission de santé internationale, la résistance contre les maladies épidémiques ; mais ceci n'exclnt pas le devoir de chaque Gouvernement en particulier de protéger son propre pays avec tous les moyens qui sont à sa disposition.

Outre ces grandes maladies épidémiques -- ces épidémies populaires (Volkskranicheiten), comme disent les Allemands -- il y a malheureusement encore toute une série de maladies, qui, elles aussi, sont contagieuses, transm'issibles d'individu à individu, d'une
localité à une autre, qui, poursuivant année pour année leur course permanente et silencieuse, font tantôt plus, tantôt moins de victimes, mais qui, dans le cours d'un siècle, font au peuple plus de mal que ces épidémies universelles qui éclatent soudainement, mais qui n'ont qu'une courte durée. Nous voulons parler de la rougeole et de la scarlatine, de ces anges exterminateurs de l'enfance, de la Diphtherie et de la dyssenterie, qui menacent surtout le jeune âge,

11 et du typhus qui attaque avec prédilection l'âge mûr et productif.

Bien que la cause du décès n'ait été attestée par certificat médical que pour un peu plus des trois quarts des décès, les années 1877 à 1878 nous indiquent en Suisse 4059 décès d'enfants par suite de scarlatine; dans le Canton d'Unterwalden-le-Haut et dans la seule année 1876 il en est mort 91, qui faisaient à eux seuls le quart de la mortalité totale. Les Cantons de Berne en 1877 et d'Argovie en 1878 ont eu également une forte mortalité par suite de scarlatine.

Dans ces mêmes années,, la diphthérie, qui n'était autrefois qu'une maladie des villes et qui s'est maintenant logée dans chaque village, a fait 4031 victimes !

En 1855, la dyssenterie a enlevé à Berne un nombre de malades presque aussi considérable que celui des victimes que le choléra faisait dans d'autres contrées de la Suisse. Et le typhus ! Pendant l'épidémie de Baie de 1865/66, plus de 1500 personnes en ont été atteintes. Une série d'épidémies typhoïdes, provoquées par de mauvaise eau à boire à Lausanne, à Soleure, à Winterthour, à St-Gall et dans plusieurs localités bernoises, ont augmenté très-considérablement le chiffre de la mortalité, tandis que l'empoisonnement de Kloten, avec ses 600 cas, a démontré d'une façon très-inquiétante le fait qu'une cuisson ordinaire est impuissante à détruire le principe contagieux du typhus.

Le nombre des décès par suite de cas de typhus constatés par certificat médical, dans les années 1876 à 1878, monte pour toute la Suisse au chiffre de 3303. Si nous admettons que la mortalité s'est élevée au 10 °/0 des cas de maladie, le chiffre des décès correspond à un nombre de malades dépassant 30,000. Abstraction faite des chagrins et de la misère, qui ont suivi un grand nombre de ces cas de typhus, nous devons nous dire que, même en ne comptant que 30 jours de maladie par malade, nous avons eu presque un million de journées de malades, appartenant à une maladie que les Anglais et les Américains déclarent pouvoir être prevenne (preventable disease).

Nous en connaissons presque toujours les causes, mais pour resrespecter la liberté personnelle, nous ne croyons devoir les écarter qu'en partie !

Si ces maladies épidémiques stationnaires, qui sont les pires de toutes, ne sont pas portées dans la l r8 classe de notre loi concernant les
mesures effectives et préventives contre les épidémies, c'est un sacrifice que nous faisons au texte de l'art. 69 de la Constitution fédérale, et en même temps une concession à l'opinion publique, qui ne sera amenée que progressivement, par une statistique consciencieuse des cas de maladie et des cas de décès (« morbilité » et mortalité), au sentiment réel de ce que l'on pèche soi-même et de l'aide qu'on pourrait donner soi-même aussi.

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Organisation.

(Art. 2 à 4.)

Avant d'indiquer les motifs de ces articles, il n'est peut-être pas superflu de jeter un coup d'oeil sur l'organisation actuelle de la police sanitaire dans les Cantons. Le nombre de ceux qui n'ont pas légiféré du tout sur cette matière est très-restreint.

D'abord, en ce qui concerne l'organisation des affaires sanitaires en général, tous les Cantons, sauf quatre, ont des collèges de santé, adjoints au Gouvernement comme autorités préconsultatives, mais n'en possédant pas moins certaines compétences executives, surtout pour prendre des mesures contre les épidémies.

Puis, dans douze Cantons 8), le maintien de la police sanitaire est confié à des organes particuliers, nommés par le Gouvernement, soit à des médecins publies ou de district, qui surveillent et dirigent les affaires sanitaires dans leur arrondissement. A Zoug et à Neuehâtel, cette tâche est dévolue pour tout le Canton à un médecin cantonal. Dans l'Unterwalden-le-Haut et dans le Tessin, chaque commune a son médecin cantonal, nommé dans le premier de ces Cantons par le Gouvernement, dans le dernier par la commune ou, exceptionnellement, par un groupe de communes voisines, et fonctionnant en temps d'épidémie comme médecin officiel.

Dans le Canton de Berne, ce sont les médecins vaccinateursr nommés par le Gouvernement, qui, dans les cas de variole, comme pour d'autres épidémies, prescrivent les mesures nécessaires; toutefois, tous les autres médecins sont astreints à exécuter les ordres relatifs à la police sanitaire9), et, en vertu d'une ordonnance contre le choléra, du 23 septembre 1867, la Direction de l'Intérieur (section des affaires sanitaires) était tenue de désigner un ou plusieurs médecins pour.le maintien de la police sanitaire (§ 11).

Les médecins officiels ou. publics n'existent pas -- sauf les médecins vaccinateurs chargés uniquement des vaccinations -- danslés Cantons : de Vaud, où l'on parait cependant regretter cette lacune 10 ); de Fribourg, où ils ont existé jusqu'en 1852"); de Glaris, où ils n'ont cessé de fonctionner que depuis l'introduction, en 1876, du libre exercice de la médecine, et où le président de la Coinrnis8 ) Zurich, Lucerne, Schwyz, Soleure, Baie-Ville, Schaffhouse, Appenzell-Bh. int., St-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie et Valais.

9 ) Loi sur l'exercice des professions médicales, du 14 mars 1865, § 6, 10 ) Rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 1877.

») Arrêté du 2 juillet 1852.

13 sion de santé, secondé par la police des communes, exerce la police sanitaire ; de Baie-Campagne, où « le médecin le moins éloigné, appelé à cet effet, doit, en cas d'épidémie, prescrire le nécessaire » *2) ; d'Appenzell-Rh. ext., où «les «capitaines des communes» et les médecins doivent veiller à la santé publique dans la mesure du possible»' 8 ); d'Unterwalden-le-Bas, qui donne au Conseil de santé la compétence de déléguer sur place, en cas de maladie dangereuse et contagieuse, un ou plusieurs médecins u); de Genève 15 ), et, enfin, d'uri.

L'exécution des mesures ordonnées par les organes officiels appartient partout aux autorités locales, qui, selon qu'est leur organisation et selon que leurs obligations en matière de police sanitaires sont plus ou moins restreintes, agissent plus ou moins par elles-mêmes. Elles sont surtout autonomes en ce qui concerne les mesures d'hygiène et de prophylaxie d'une portée générale, qui ont pour but de développer et de maintenir la salubrité publique. En revanche, elles n'agissent que sous la surveillance et la direction du médecin officiel là où -- comme c'est encore aujourd'hui le cas dans la plupart des Cantons -- ces autorités ne commencent à fonctionner que lorsque l'épidémie a déjà éclaté.

Le projet de loi soumis aux Chambres admet aussi une certaine liberté d'action de ces autorités locales dans la limite de leurs obligations, partant en cela du point de vue que le soin de la santé des ressortissants de la localité -- en tant qu'il rentre dans les affaires générales et qu'il n'appartient pas au domaine de l'hygiène privée -- incombe avant tout à la commune et à ses autorités.

C'est à elles notamment à prendre les mesures prophylactiques générales, qui visent à empêcher les épidémies. Leur devoir, en première ligne, sera de surveiller l'état sanitaire de la population et de donner connaissance de tous les changements notables qu'il subit, et, enfin, au premier signe d'une épidémie d'un caractère local, de prendre de leur propre autorité les mesures nécessaires pour qu'elle ne se propage pas.

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) Loi sur les affaires sanitaires, § 20.

) Circulaire aux capitaines des communes en fonctions et aux médecins, du 26 octobre 1871.

14 ) D'après le § 4, art. 4, de la loi médicale, les médecins chargés de la médecine locale ou judiciaire n'osent, en exécution de l'ordonnance du 14 avril 1858, qui s'occupe de ces médecins, pas quitter le pays quand se manifestent des maladies épidémiques et contagieuses; il paraît donc qu'on peut les employer en cas d'épidémie.

15 ) Toutefois, d'après des communications de nature privée, le médecin inspecteur de la salubrité a été chargé de la police sanitaire pendant la dernière épidémie de variole.

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14

Le Gouvernement cantonal ne pourra pas se dispenser de surveiller l'activité des autorités locales. Les obligations de ces dernières sont en partie nouvelles ; pour plusieurs, il faut en éveiller l'intelligence, et très-souvent la tâche ne pourra être accomplie que sur un conseil de l'autorité cantonale, experte en cette matière.

Cette surveillance n'exclut pas l'autonomie et la liberté d'action habituelles de la commune. Tout autre est la position quand le danger est publie, quand on est menacé d'une épidémie qui offre un danger général, d'une épidémie qui ne se propage pas de maison en maison, mais qui continue sa marche de village en village, de Canton à Canton, et qu'on n'est pas parvenu à la localiser et à l'étouffer dans son germe. Ceci n'est plus la tâche de la commune, mais celle du Canton. Les autorités cantonales sont engagées ; c'est sur elles que repose la responsabilité. Mais, sur ce point de l'organisation, on ne peut pas se dispenser de créer et de faire occuper des fonctions officielles et spéciales, soit pour contrôler, soit pour guider directement les autorités locales, car la réussite ne peut être obtenue que si la condition de posséder des connaissances spéciales est remplie. Nous avons déjà vu que dans la grande majorité des Cantons on a institué des médecins officiels, qui ordonnent les mesures nécessaires et qui, dans la plupart de ces Cantons, en dirigent l'exécution, tandis que ce n'est que dans un petit nombre de Cantons qu'ils ne font que la surveiller.

La plupart des pays étrangers ont une organisation analogue.

C'est le cas en Allemagne et en Autriche, et si, en Angleterre, au berceau de la police sanitaire moderne, l'administration en est confiée entièrement à l'autorité sanitaire locale, au local board of health, elle a dans son sein l'officier de salubrité publique, l'officer of health, qui est toujours un médecin qualifié et légalement reconnu, et qui a le devoir de diriger de sa propre initiative les mesures contre les maladies contagieuses.

En Hollande, en France et en Italie, les mesures contre les épidémies sont également du ressort de la police locale, mais toujours il existe aussi des fonctionnaires de la salubrité publique, qui surveillent l'exécution des mesures et qui tout au moins sont adjoints, pour donner leur' préavis, aux autorités locales.
D'après le projet, le soin de créer les organes qui devront exécuter la loi et d'en organiser les fonctions et l'activité est abandonné aux Cantons. En le faisant, ils pourront pleinement tenir compte de leurs circonstances particulières, < de l'étendue de leur territoire, de leur division politique et administrative et des conditions sociales de la population. Ainsi, dana les Cantons alpestres, avec leurs communes éloignées de la circulation, petites et disse-

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minées, l'organisation sera autre que dans les grands Cantons industriels, avec une population très-dense, ayant le caractère et les moeurs urbaines, au milieu desquelles le danger du développement et de la propagation d'une épidémie s'accroît avec l'augmentation de la circulation. Tandis que là-bas il suffira peut-être de confier à l'autorité locale existante l'exécution des mesures prophylactiques et de celles de police, prescrites par la loi pour toutes les communes, on constatera peut-être, petit à petit, dans un autre Canton, le besoin de créer des autorités sanitaires particulières.

Une série de Cantons ont pris les devants sur ce point.16) Ce que le projet se borne à exiger de tous, c'est que le service de la salubrité publique soit organisé de telle sorte qu'aucun phénomène marquant ou aucun changement sensible de l'état sanitaire public n'échappe à l'attention des autorités compétentes, et que partout existent les organes qui doivent exécuter les dispositions de la loi, de manière à en remplir le but. Le projet ne réserve au Conseil fédéral que le droit d'examiner les lois et ordonnances des Cantons, d'exiger, si cela est nécessaire, les modifications et les adjonctions sans lesquelles il ne serait pas satisfait au but de la loi fédérale, et enfin d'exercer la surveillance générale de l'exécution de la loi.

La police générale des épidémies est attribuée au Département fédéral de l'Intérieur, auquel est adjointe la Commission sanitaire fédérale, à l'instar de ce qui s'est fait dans tous les Etats dans lesquels on a reconnu combien est indispensable une direction centrale de la police des épidémies. C'est ainsi que, ces derniers temps encore, les Etats-Unis d'Amérique -- cette confédération soeur de la nôtre -- dans leur loi concernant les mesures contre la propagation des maladies infectieuses et contagieuses, du 25 février 1879, ont créé un office national de santé publique, lequel est chargé de faire les projets de toutes les ordonnances et règlements, de procéder à des enquêtes spéciales, de prendre connaissance de toutes les affaires sanitaires publiques et de donner des conseils là où le besoin s'en fait sentir.

Ce sont les mêmes attributions que le projet donne à la Commission sanitaire fédérale. Le Conseil fédéral, en la créant dès le 1er mars 1879, lui a assigné la tâche suivante :
a. discuter préalablement et préaviser toutes les affaires qui lui sont transmises par le Département et qui tombent sous la portée de l'art. 69 de la Constitution fédérale, en tant qu'elles ne concernent pas des examens ; b. prendre l'initiative dans les affaires sanitaires, en tant 16

) St-Gall, Neuchâtel, Zurich, Lucerne et Zoug.

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qu'elles sont de la compétence fédérale, et proposer au Département de l'Intérieur les mesures administratives et législatives qui lui paraissent être justifiées dans l'intérêt du pays.

Nous ne croyons pas que le peu d'étendue territoriale de notre pays et que l'existence d'autorités de police sanitaire dans les Cantons rendent une pareille autorité superflue, puisqu'il s'agit d'arriver à la communauté d'action, qui est indispensable si l'on veut préserver le pays des épidémies.

Nous considérons comme l'une des plus belles et des plus utiles parmi les obligations qui incombent à la Commission, et dont la désignation n'est qu'ébauchée dans le rapport, celle d'observer attentivement l'apparition et la marche des épidémies, d'en rechercher les causes de concert avec les autorités coordonnées d'autres pays, et de travailler ainsi à éclaircir les points obscurs si nombreux qui existent encore dans ces matières et qui rendent parfois si difficiles et une application heureuse et la preuve scientifique du bien-fondé des mesures de police contre les épidémies.

A côté de l'action régulière de la Commission sanitaire fédérale, le Conseil fédéral aura le droit, en cas d'épidémie d'un danger menaçant, de désigner des commissaires et, si le besoin s'en fait sentir, de les déléguer sur les lieux après les avoir munis de pouvoirs officiels. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'expliquer longuement cette disposition.

Il en est de même de l'art. 4, qui est la conséquence naturelle de la centralisation des affaires militaires fédérales. Les Cantons n'ont pas à s'occuper de la police sanitaire militaire ; toutefois, tout cas de maladie épidémique qui se produit dans un corps de troupes stationné dans le Canton a pour ce dernier la même signification et doit être suivi des mêmes effets que s'il avait éclaté dans la population civile. L'autorité cantonale est tenue, par la loi, de prendre les mesures nécessaires contre la propagation de l'épidémie. La prescription contenue dans le 2e alinéa de l'art. 4 a pour but de provenir l'autorité cantonale à temps, afin qu'elle puisse remplir ses obligations.

Mesures préventives.

(Art. 5.)

Toute pratique repose sur une théorie que l'on a déduite d'observations faites plus ou moins exactement. C'est surtout le cas pour les mesures préventives contre les maladies épidémiques. Plus l'intelligence d'une période de la civilisation ou d'un peuple pour l'explication des faits naturels est minime, et plus ce dernier sera dis-

17 posé à attacher de l'importance aux remèdes spécifiques contre les maladies mêmes. En revanche, plus son état de culture est avancé et sa civilisation générale, et plus il devient sceptique à l'égard de ces prétendus remèdes qui, malgré toutes les recommandations chaleureuses dont ils ont fait l'objet, n'ont changé en rien le tant pour cent des décès occasionnés par le choléra, la peste et la variole. Aujourd'hui, c'est, dans les mesures préventives, dans les mesures prophylactiques, que nous cherchons le salut, et nous en tirons, quelque imparfaites qu'elles soient encore, de bien meilleurs résultats que ceux qu'une autre époque obtenait par d'autres moyens. Ces mesures reposent sur la théorie des principes contagieux, généralement de l'ordre végétal, porteurs du virus de la maladie, se propageant par grandes masses, tantôt dans le corps, ou s,ur le corps du malade, tantôt dans les excrétions et se répandant par l'air, par l'eau, par les aliments, par les vêtements et surtout par les matières animales en putréfaction. Ces éléments de formation de maladies graves et contagieuses ont été reconnus et constatés au microscope pour la fièvre charbonneuse, la fièvre intermittente et la diphthérie. En ce qui concerne les autres maladies épidémiques, l'existence du « microbe spécifique », particulier à chacune d'elles, est une hypothèse -- à l'appui de laquelle on peut invoquer les maladies, accompagnées de l'apparition de ces organismes microscopiques, d'un grand nombre de plantes cultivées et d'animaux domestiques -- mais dont la justesse n'est pas encore prouvée par des découvertes directes. Cependant les expériences de Pasteur sur la fermentation et le procédé de Lister, qui a transformé toute la chirurgie operative, justifient cette hypothèse, d'une façon brillante, par des faits. La propreté minutieuse, qui est à la base du système de Lister, nous trace la voie à suivre pour prévenir les épidémies, lesquelles, du reste, ne sont pas aussi éloignées qu'il le semble des maladies traumatiques.

De même que les champignons visibles à l'oeil nu se développent le plus luxurieusement sur les plantes qui se meurent, de même aussi les porteurs microscopiques de la maladie, de la fièvre traumatique et des épidémies se développent luxurieusement sur les populations languissantes, là où les individus sont
pressés les uns sur les autres, là où régnent la malpropreté, la pauvreté et la misère sociale. Dans toutes les épidémies c'est la partie pauvre de la population qui fournit le plus fort contingent. Relativement, c'est-àdire en calculant le tant pour cent, la partie aisée est beaucoup moins menacée ; aussi peut-on dire que des mesures qui préviennent consciencieusement les épidémies sont, pour n'être pas toujours populaires, des mesures bien réellement républicaines, philanthropiques et amies du peuple.

Feuille fédérale suisse. Année XXXII.

Vol. I.

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18 La prophylaxie commence par la t propreté du sol, par le soin que les fosses d'aisance et les conduites de décharge soient hermétiquement fermées, que les mauvais recoins et les petites cours disparaissent ou soient désinfectés à fond, que le sol soit drainé, bref par tout ce qui détruit les lieux d'incubation et de multiplication des germes de maladie. Une pareille exigence peut paraître purement théorique. Mais ce qui nous montre combien il faut la prendre au sérieux, c'est qu'un grand nombre de villes suisses -- par exemple Zurich -- sont devenues beaucoup plus saines et sont en particulier beaucoup mieux préservées du typhus depuis qu'elles sont pourvues de bonne eau, qu'elles sont canalisées et que le système des latrines a été réglé d'une façon rationnelle. L'Angleterre a fait cette expérience en grand; dans 24 villes, la mortalité a diminué depuis plusieurs années de 2 à 5 °/0 à la suite d'améliorations de cette nature. C'est, en ce qui concerne le choléra, que les résultats ont été le.. plus remarquables : dans quelques villes il ne s'est plus montré ; dans d'autres il a été réduit au '/s * '/so ^e l'ancien chiffre de mortalité. Contre toute attente on a même constaté une diminution sensible et constante de la phthisie pulmonaire17).

C'est à cet ordre de mesures qu'appartient le maintien de la salubrité des fleuves°et des rivières, question qui ne pourra probablement jamais être tranchée en principe, mais qu'il faudra toujours traiter d'après chaque cas particulier, parce que l'infection des cours d'eaux dépend de trois facteurs différents : de la quantité de substances malpropres qui s'y déversent, ensuite de la quantité et de la vitesse d'écoulement de l'eau. Ce qui est bien plus dangereux et chez nous beaucoup plus fréquent, c'est l'infection des petites rivières et des ruisseaux, et nous voyons fréquemment des cours d'eau minimes et inconstants, qui dépassent en malpropreté la Seine et la Tamise et dans lesquels on déverse plus d'immondices et de substances sales que ne pourrait en charrier une rivière de moyenne grandeur. Déjà souvent ces cours d'eau ont été chez nous les agents de transport d'épidémies typhoïdes, parmi lesquelles nous signalons, à côté d'un grand nombre de petites, celles plus consi· dërables de Lausanne, de Soleure et de St-Gall.

Le trop-plein des maisons habitées
n'a pas moins d'influence que les mauvaises conditions du sol. Pendant l'épidémie de variole de 1871 à Leipzig, 23 °/00 de la population que cela concernait sont morts là où il y avait de 0 à 2 habitants par chambre pouvant être chauffée ; 33 °/00 là où il y avait de '2 à 3 habitants par chambre ; 49 °/00 là où il y avait plus de 3 habitants par chambre.

17

) Kirchner, Lehrbuch der Militär-Hygiene, p. 224, tab. 17.

19 On a constaté les mêmes faits dans d'autres localités et pour d'autres maladies épidémiques, surtout pour le typhus pétéchial, qui est aussi bien le typhus du trop-plein des habitations que celui de la famine. Pendant l'épidémie de choléra de Zurich, en 1867, c'est dans les demeures étroites, humides, trop habitées et, par conséquent malpropres, que le fléau a sévi avec le plus de violence l8).

Quand l'épidémie règne, il faut disperser en un grand nombre de groupes isolés les grandes masses où les hommes sont serrés l'un sur l'autre, pour le même motif qui fait que, quand il y a danger de feu, on vide, pour en disperser le contenu, les magasins remplis de matières inflammables.

La police sanitaire est le combat contre des ennemis microscopiquement petits, mais qui montent à l'assaut par myriades, et contre leur camp retranché, c'est-à-dire contre la malpropreté sous toutes ses formes ; mais elle consiste aussi dans la tendance de fortifier l'individu isolé et de le rendre plus apte à résister, en prenant soin de sa nourriture, de ses vêtements, et de l'hygiène de son existence. Les secours aux pauvres et à ceux qui sont privés d'aide sont une manifestation déjà fort ancienne et qui a passé dans les moeurs de la prophylaxie contre les épidémies; même en temps normal, on a reconnu l'urgente nécessité de préserver de dommage économique et de dommage porté à la santé les enfants sans protection, les pauvres que les dettes forcent de se servir chez de mauvais fournisseurs et, en général, le peuple entier, auquel il serait impossible de se livrer jom-nellement lui-même à la police des vivres. Les empoisonnements en masse par de la viande de boucherie infectée, par des trichines, par le lait et la viande de bestiaux affectés de tuberculose (pommelière) et la propagation, fréquemment constatée en Angleterre, du typhus par le commerce de lait, nous avertissent en tout temps, mais surtout en temps d'épidémie, qu'il faut être constamment sur ses gardes, et que nous sommes sans cesse en état de légitime défense. Le contrôle des substances alimentaires est en ce moment la branche de notre hygiène publique que l'on comprend le mieux, qui est le plus populaire et qu'à l'approche d'un danger d'épidémie chacun sera le plus disposé à soutenir et à armer de moyens d'action énergiques.

' L'expérience de tous
les temps et de tous les pays nous enseigne aussi que la surveillance de la misère sociale engendrée par les vices de l'individu et la répression d'excès qui ne sont que trop souvent tolérés, sont aussi du domaine de la police contre les épi18 ) KîJpport en allemand sur l'épidémie de choléra de Zurich en 1867, p. 82 a 86.

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démies. Les visites à domicile organisées en temps d'épidémie sont aussi bien une mesure médicale qu'un acte de philanthropie.

La gratuité des soins et des ordonnances médicalas pour tous ceux qui en ont besoin pendant une épidémie est traditionnelle; elle est formellement stipulée dans les lois et règlements sur les épidémies des Cantons de Zurich, Berne, Fribourg, St-Gall, Argovie, Thurgovie, Vaud, Valais, et partout elle va de soi.

Mesures à prendre à l'origine et au cours des épidémies.

a. Rapport obligatoire.

(Art. 6.)

Le rapport obligatoire est la base de toute police sanitaire bien organisée; elle n'existe pas là où il n'est pas introduit.

Pour qu'elle puisse agir avec succès, il importe tout particuliè' renient que l'autorité ait immédiatement connaissance du premier cas qui se présente, afin qu'elle puisse intervenir sur le champ.

Aussi la police sanitaire voue-t-elle partout un grand soin aux prescriptions relatives à l'obligation de faire rapport, et il n'y a que quatre Cantons qui aient laissé entièrement de côté cette condition essentielle de réussite contre les épidémies.. Dans les autres Cantons, il est vrai, l'obligation du médecin traitant de faire rapport est presque partout restreinte à la variole.

Dans le projet actuel, cette obligation est étendue à toutes les maladies désignées à l'art. 1er; elle peut être appliquée pour d'autres maladies épidémiques, aussitôt que la statistique des décès montre que cela est devenu nécessaire.

En outre, aux termes de l'art. 39, les autorités cantonales peuvent, pour les maladies qui y sont énumérées, appliquer la disposition de l'art. 6 relative au rapport obligatoire, « lorsque les circonstances de temps et de lieu leur sembleront l'exiger ».

Mais l'obligation imposée aux médecins d'annoncer les cas de maladie épidémique n'est pas suffisante pour toutes les circonstances qui peuvent se présenter ; elle est avant tout insuffisante dans les Cantons qui ont introduit le libre exercice de la médecine. C'est ainsi qu'à Glaris le paragraphe 4 de « l'ordonnance provisoire concernant la médecine » astreint à faire rapport « tous ceux qui s'occupent de traitement médical ». La législation fédérale devra exiger la même chose.

Celui qui se présente au publie comme médecin doit remplir au moins ce minimum de devoir médical au service de la société.

21 De même, les établissements hospitaliers dans lesquels sont admises des personnes atteintes de maladies épidémiques doivent être soumis à l'obligation du rapport, si l'on ne veut pas que ces cas de maladie échappent à la connaissance des autorités.

Mais tout cela ne suffit pas encore. La dernière épidémie de variole à Baie, comme beaucoup d'autres, a mis en parfaite évidence les suites funestes de la non-révélation de cas de variole par les parents des malades. Le seul remède, c'est de les astreindre légalement au rapport, pour autant que l'on peut exiger d'eux qu'ils reconnaissent la nature de la maladie, et, en effet, plusieurs Cantons (Zurich, Glaris, Bâle-Ville, St-Gall, Argovie, Thurgovie, Tessin et Neuchâtel) ont déjà fait entrer une disposition de cette nature dans leurs actes législatifs sur les épidémies.

Des dispositions analogues se trouvent dans la législation des pays étrangers; ainsi en Autriche 19) et enPrusse 20), où les ecclésiastiques sont -aussi tenus de faire rapport; de môme en Hollande 21 ), où «le chef de la famille, l'hôte ou l'hôtesse d'une maison où on loge», et en Norvège, où tout «père de maison» sont astreints à cette obligation. Elle est si importante, et l'on peut dire si nécessaire, que tout récemment en Angleterre la société des fonctionnaires sanitaires, désirant combattre la variole avec plus de succès, s'est vue dans le cas de pétitionner auprès du Gouvernement pour que le devoir de faire rapport soit étendu à tous les chefs deménage29)..

D'après le projet, la dénonciation de chaque cas d'une des maladies auxquelles, d'après l'art. 1er, la loi s'applique, doit être faite à l'autorité de police sanitaire dont le médecin relève et à l'autorité locale. Le projet ne fait une exception que pour les établissements hospitaliers, en ce sens qu'ils doivent faire rapport à l'autorité sanitaire qui leur est préposée. En revanche, les rapports des chefs de famille ou de maison ne parviennent à l'autorité sanitaire supérieure que par l'autorité locale. Ce sera donc dans tous les cas à l'autorité sanitaire ou à son médecin officiel que la connaissance du cas parviendra en premier lieu. La menace d'un danger général exige son intervention immédiate, afin que les mesures propres à combattre 19 ) Uffelmann, Darstellung des auf dem Gebiete der öffentlichen Gesundheitspflege
in ausserdeutschen Ländern bis jetzt Geleisteten, p. 461.

20 ) Reglement prussien de 1835.

21 ) Loi néerlandaise du 4 décembre 1872 pour la répression des maladies contagieuses, art. 19.

· 22) Uffelmann, p. 112.

23 ) Veröffentlichungen des deutschen Reichsgesundheitsamtes, Ire année, N° 2.

22 l'épidémie soient dirigées selon les règles de la science; enfin, puisque c'est à l'autorité locale qu'il incombe d'exécuter ces mesures, elle ne doit pas être prétéritée.

Cette obligation du - rapport direct à l'autorité sanitaire, soit au médecin officiel, soit à l'instance supérieure, existe sauf à Neuchâtel dans tous les Cantons, au nombre de 21, qui ont organisé le rapport obligatoire. A Neuchâtel, le cas est annoncé d'abord à l'autorité locale, et c'est par elle que communication est faite au vice-Président de la Commission d'Etat de santé.24) Dans huit Cantons (Zurich, Lucerne, Zoug, Appenzell Eh-ext., St-Gall, Grisons, Argovie et Tessin) le médecin est, comme dans le projet, tenu de faire aussi rapport à l'autorité locale.

L'importance de l'obligation de dénoncer immédiatement tout cas de maladie épidémique n'échappera notamment pas aux médecins, et nous avons le ferme espoir qu'ils ne voudront pas s'y soustraire, mais qu'ils tiendront à honneur, comme amis du peuple, de seconder leurs autorités toutes les fois qu'il s'agira de préserver le pays de la calamité d'une épidémie.

Nous avons eu Suisse l'obligation de dénoncer les cas de surlangue et de piétain des bêtes à cornes, et Fon a introduit pour cette épizootie des bulletins hebdomadaires. Si nous n'étions pas en état d'en faire autant vis-à-vis des grandes épidémies générales et des maladies contagieuses stationnaires, ce serait une véritable défaite morale de notre peuple et de ses médecins.

Il est tout à fait inadmissible de vouloir prétexter le secret médical à propos de maladies épidémiques. Quand il y a un danger croissant et que sa nature même rend imminent, comme c'est le cas dans les incendies et dans les épidémies, la non-révélation est un délit, et les égards délicats pour une personne seule sont cent fois compensés par la malhonnêteté vis-à-vis de la généralité.25) Plusieurs Cantons ont pris les devants en réglant en principe l'organisation du rapport obligatoire des médecins pour tous les cas quelque peu saillants de maladies épidémiques; ainsi Bàie, Lucerne, Zurich et Thurgovie. On facilite la tâche aux médecins au moyen de livrets à souche très-commodes.

Mais la valeur du rapport obligatoire ne gît pas seulement 24 ) Arrête prescrivant des mesures pour prévenir et arrêter l'extension de la variole, du 23 mai 1871
(Art. 2).

25 ) II paraît que, encore pendant la dernière épidémie de variole à Genève, ce principe du secret médical a entravé là police sanitaire (voir la circulaire du Département de Justice et Police, relative à la variole, du 28 février 1879).

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dans l'occasion qu'elle donne aux autorités d'intervenir immédiatement. Elle a encore une autre importance. En groupant tous les cas qui se produisent dans un certain laps de temps, en poursuivant leur cours quant au temps et quant à l'espace parcouru, on seconde puissamment la science dans l'étude des causes de ces épidémies, et l'on rend ainsi de grands services "pratiques, car les résultats obtenus pourront être utilisés par l'hygiène tant privée que publique. Quand nous aurons pendant des années suivi, en nous faisant aider des renseignements de la statistique, chaque cas en particulier et la marche de chaque épidémie de localité à localité, de Canton à Canton, quand nous aurons observé l'influence des saisons, de la situation géographique, de la circulation, des conditions sociales, sur le développement et le cours des maladies épidémiques, nous parviendrons aussi à en connaître et à en comprendre les causes, et nous saurons aussi où et comment appliquer, pour les combattre, des moyens simples et'd'une efficacité incontestable.

l>. Séquestration.

(Art. 7 à 15.)

Ce ne sont pas seulement ceux qui sont bien portants, mais aussi les malades, qui ont le devoir de ne pas porter de préjudice aux autres et de ne pas les mettre en danger de mort. Toute vie en société («contrat social») et toute connaissance de causes et effets restreignent la liberté individuelle.

Celui qui n'a aucune idée de la marche d'une maladie épidémique ne sera pas coupable pour avoir infecté tout son entourage.

Mais celui qui sait quelle calamité il peut engendrer, celui-là doit se rappeler qu'il est soumis aux mêmes lois morales et publiques qui le forcent, quand il est bien portant, à mettre sa fortune et sa vie au service de la patrie.

Dans toutes les maladies contagieuses et par conséquent «traversant, le peuple», c'est-à-dire épidémiques, chaque malade individuellement doit être considéré et traité comme une colonie du principe contagieux. Son sort à lui s'accomplit régulièrement et est la résultante de sa constitution, de la qualité du poison qui l'a infecté et des soins qu'il a reçus. Quant au sort de ceux qui partagent son habitation, qui demeurent dans la même commune et dans le même pays, il dépend du nombre d'individus qui viendront au lit du malade, pour y chercher le principe contagieux pour eux-mêmes, ou,
s'ils y sont insensibles, pour d'autres, c'est-à-dire du nombre d'infections et de cas de propagation. Des cas tout à fait bénins de petite vérole, de scarlatine, de diphthérie, de typhus pétéchial et

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de peste peuvent, par la transmission, engendrer les cas les plus graves.

Aussi a-t-on de tout temps enfermé les malades atteints d'une affection contagieuse et éloigné ou consigné ceux qui sont autour d'eux. Ce procédé ne s'applique en grand, sous le nom de séquestre à. la frontière, de cordon sanitaire, qu'à quelque maladies commedia peste, et seulement dans des localités comme les ports de mer ; la grande circulation moderne ne permet plus guère de l'employer.

L'application de ce procédé à de petites épidémies a été accompagnée de difficultés sociales et économiques telles que très-souvent on a donné la préférence au système qui consiste à déloger ceux qui sont bien portants.

La meilleure prophylaxie contre les épidémies est celle .'qui consiste à soigner les premiers malades dans un asile bien dirigé.

L'urgence dépend de la condition sociale du malade, ainsi que de la nature de la maladie. C'est un vaste chapitre pour un débat théorique, mais, au fond, quand on songe à l'épouvante que donne une épidémie déjà présente, c'est une question bien simple, que la pratique tranchera chaque fois, sans grand combat entre l'intérêt de l'individu et celui de la société, et sans blesser, ce qui est essentiel, les égards dus à des personnes gravement malades et à leurs familles.

Le détail de ces mesures n'exige pas de longues explications.

Ainsi il va de soi, par exemple, que celui qui souffre d'une forme bénigne de la variole doit être isolé dans sa chambre aussi sévèrement que si la forme était grave (art. 7, 3me alinéa). Que le cas soit pins ou moins dangereux en lui-même, il est à un haut et même degré dangereux pour toutes les autres personnes qui ont une disposition à contracter cette maladie. Il en est de môme pour toutes les maladies contagieuses.

Art. 8, alinéa 2. Le même danger de transmission nous force à isoler immédiatement les voyageurs et à leur faire suspendre leur voyage, soit que la maladie les ait atteints en route, soit qu'on ne l'ait découverte qu'en voyage. Mais ceci ne se fera que dans une station dans le voisinage de laquelle se trouve un bon hôpital, car il ne faut pas abandonner le malade, mais s'assurer qu'il aura des soins convenables. En revanche, les égards humanitaires que doit avoir la police sanitaire ne peuvent pas aller, si le voyageur malade est un étranger, jusqu'à
lui permettre de retourner dans son pays d'origine. Une loi contre les épidémies, qui se propose d'empêcher le propagation des maladies contagieuses dans le pays même, ne peut pas en favoriser la transmission au delà des frontières sans blesser les convenances internationales.

25 Cette défense de laisser des personnes atteintes du choléra poursuivre leur voyage est contenue dans le règlement prussien de 1835, tandis que le règlement allemand sur l'exploitation des chemins de fer, du 10 juin 1870, fait dépendre la continuation du voyage de malades contagieux de la condition qu'ils puissent prendre un coupé pour eux seuls.

Art. 9. Une disposition analogue à celle contenue dans le 2me alinéa se trouve dans les lois et ordonnances de Berne, St-Gall, Neuchâtel, dans le règlement prussien et dans la loi hollandaise.

La disposition contenue à l'alinéa 3 a été provoquée par les expériences faites à l'époque de l'épidémie du choléra dans le Canton de Zurich. Le terme des loyers (11 septembre, KirchweïK) arriva au plus fort de l'épidémie. Des recherches faites avec beaucoup d'exactitude établirent qu'un grand nombre de cas furent provoqués par l'entrée en location dans des maisons qui étaient déjà infectées. Il va de soi qu'une pareille mesure, qui trouble les relations ordinaires bien au delà des limites d'une seule commune, ne pourra jamais être de la compétence communale, mais qu'elle ,ne devra être prise que par l'autorité cantonale compétente.

Art. 10, alinéas 2 et 3. L'interdiction de se rendre à la fabrique ou aux ateliers n'est pas absolue ; une autorisation peut être donnée par l'autorité.

Toutefois, elle ne sera accordée que si le chef de la fabrique ou de l'atelier est d'accord et si l'occasion lui a été fournie de prendre, contre la contagion, les précautions nécessaires, par exemple en assignant des latrines particulières, qui seront régulièrement désinfectées, aux habitants d'une maison dans laquelle il y a eu le choléra.

Au moyen de ces précautions et d'autres encore, on peut restreindre jusqu'à un certain point le danger, qui, dans ces limites, est un mal moindre que ne le serait le manque de travail, avec ses suites, que la commune ne pourrait supporter pendant longtemps qu'an prix de très-grands sacrifices.

Art. 11, alinéa 5. Les écriteaux d'avertissement qui doivent seconder le séquestre en cas de variole sont déjà prescrits dans les Cantons de Zurich, Berne, Soleure, Argovie, Thurgovie et Neuchâtel.

Le règlement prussien les prescrit aussi pour la petite vérole; la loi hollandaise, même pour toutes les maladies épidémiques dont elle s'occupe.26) A Zurich, pendant le choléra, on plaçait aussi à la porte des maisons infectées des affiches jaunes très-visibles. Il 26

) Choléra, typhus, varioles, scarlatine, diphthérie et rougeole.

26

faudra, dans l'application de cette mesure, tenir compte des usages et des besoins locaux; une aggravation du séquestre par ce moyen ne sera pas toujours opportune et ne saurait par conséquent être déclarée partout exécutoire.

Art. 12. Quand le malade est isolé et que sa demeure est fermée, ces mesures suffiront dans la plupart dés cas. Toutefois, le projet fait dépendre la limitation des mesures restrictives de l'autorisation de l'autorité compétente, qui veillera avant tout à ce qu'il n'y ait pas de rapports fréquents avec la maison où se trouve le domicile du malade.

Les rapports les plus dangereux sont ceux qui résultent de la tenue d'une école dans la maison infectée; il faudra toujours l'interdire si l'on veut préserver les enfants et les personnes auxquelles ils appartiennent. 27 ).

Art. 14. L'isolement d'un malade infectieux étant impossible, on doit pouvoir ordonner par voie officielle son transfert dans un hôpital. Cette mesure est une atteinte grave à la liberté personnelle, si l'on fait rentrer dans cette liberté le droit de personnifier et d'être une source de danger général. La prescription que ce transfert ne peut se faire que sur une attestation médicale sera toujours une garantie. Les expériences faites à Zurich pendant les épidémies de choléra et de variole parlent pour cette mesure, qui, en temps d'épidémies graves, dont il est seul question ici, ne trouvera en principe pas d'adversaires, et qui généralement sera considérée comme un bienfait. Berne a aussi introduit cette mesure dans son ordonnance sur les mesures contre le choléra28) et envoie aussi à l'hôpital ses variolenx pauvres ou rencontrés sans asile dans la commune.ï9) Neuehâtel traite de même les varioleux qui ne peuvent pas être transportés. 30) Bàie a étendu le transfert à l'hôpital même aux enfants atteints de scarlatine dont l'isolement parfait ne peut pas être obtenu. 3I) Dans le Tessin, le medico condotto doit attester que le transport a l'hôpital peut s'effectuer sans danger pour le malade et désigner en même temps le moyen de transport.82) 27 ) A Berne, on ferme également les magasins et les auberges dans la maison qui renferme des varioleux.

Prescription pour empêcher la propagation de la variole, du 1er mai 1872.

28 ) Du 23 sept. 1867.

« 89 ) Ordonnance du 5 déc. 1864, concernant le transport des varioleux.

30 ) Arrêté prescrivant des mesures pour prévenir et arrêter l'extension de la variole, du 23 mai 1871, art. 6.

3,)

32

) Regolamento per le condotte medico-chirurgische de 9 Nov. 1872.

27 Cette contrainte de transfert existe aussi à l'étranger: en Suède33), en Norvège M), en Hollande, où il faut un certificat d'un médecin86), en Belgique36), où le directeur' du bureau d'hygiène peut envoyer le malade à l'hôpital. En Angleterre37), il faut, outre le certificat d'un médecin enregistré (reconnu par l'Etat), une ordonnance du juge. En Prusse38), il faut l'assentiment du chef de la famille.

L'Autriche 30 ) ne veut pas de coercition et préfère avoir des douzaines de varioleux et de cholériques dans les demeures particulières.

Ce qui prouve que cette liberté personnelle est purement théorique et beaucoup plus importune pour le malade et pour les siens que le transfert dans un hôpital, ce sont les 'conditions excessivement sévères qu'y mettent les lois allemandes et autrichiennes, qui punissent les transgressions contre « les mesures d'isolement et de surveillance» 40 ) ou «la transgression du séquestre»41) d'une peine de 1 à 2 années d'emprisonnement.

En outre, dans toutes les villes principales de l'Autriche, les Commissions sanitaires possèdent les pleins pouvoirs d'une autorité (die Vollmacht einer Landesstelle).

c. Dispositions relatives aux décédés.

(Art. 16 à 18.)

Le cadavre d'un varioleux est toujours contagieux. Les expériences faites en tous pays ne laissent aucun doute à cet égard.

Il n'est pas rare que des gens prennent la variole pour avoir assisté à l'ensevelissement du cadavre d'un varioleux. Plus d'une fois l'exhumation de pareils cadavres, longtemps après le décès, a provoqué des épidémies.

Les cadavres de personnes mortes du typhus pétéchial et de la peste sont au moins aussi ^dangereux.

33) Uflelmann, page 116.

) Idem, page 113.

35 ) Loi, art. 9.

36 ) Uft'elmann, page 110.

37 ) Idem, page 43.

38) Règlement de 1835.

39 ) Ufielmann, page 461.

">) Code pénal de l'Empire allemand, de 1872, § 327, qui est la repoduction de l'art. 307 du règlement premier du 8 août 1838.

4I ) Ordonnance impériale et royale du 8 mai 1850 et décret impérial et royal du 29 août 1837.

34

28 Le pouvoir contagieux des cadavres des cholériques est plus douteux. Ni la conférence de Constantinople, de 1868, sur lo choléra, ni la conférence sanitaire internationale de Vienne en 1874 n'ont pu arriver à cet égard à une décision certaine; cependant, les deux conférences ont eu grand soin de ne pas les déclarer non dangereux.42) La crainte d'une transmission du virus contagieux par les cadavres a de tout temps engagé la police sanitaire à prendre des mesures de préservation, qui sont presque partout les mêmes, et qui ont aussi été introduites dans plusieurs Cantons par la voie des ordonnances. La police des cadavres en temps d'épidémie tend à soustraire le plus tôt possible le cadavre du contact avec les vivants et à l'ensevelir. C'est ainsi que, dans 13 Cantons 43 ), on a prescrit l'enterrement anticipé ; dans 7 autres44), en outre, la désinfection du cadavre. Dans 6 Cantons *s), les personnes qui prennent part au convoi funèbre n'osent pas pénétrer dans la maison mortuaire. A Nenchâtel, il est défendu de transporter un cadavre de varioleux dans une autre commune. La défense de l'entrée et du passage en transit de cadavres provenant de pays infectés (art. 17, al. 2) est tout aussi importante.

Nous allons plus loin que l'Italie, qui ne fait cette défense que quand « la mort a été la suite d'une maladie contagieuse », et nous réclamons cette disposition plus sévère, qui existe aussi en Prusse47) et en Bavière, interdisant l'entrée de cadavres « venant des endroits où règne une épidémie ».

Nous ne saurions nous exposer au risque que, par suite d'une négligence ou d'une erreur dans le diagnostic, le principe contagieux soit importé chez nous. Les égards pour le sentiment d'affection dans les familles doivent céder le pas au bien public.

Art. 18, D'un-autre côté, le projet ne prescrit pas la création de chambres ou maisons mortuaires particulières, de morgues sanitaires, pour le dépôt des cadavres de personnes décédées à- la suite 42 ) «Bien qu'il ne soit pas prouvé par des faits concluants que les cadavres de cholériques puissent transmettre le choléra, il est prudent de les considérer comme dangereux.» -- Protocole, page 42.

Il paraît que, dans ces derniers temps, il y a eu au Japon une épidémie de choléra provenant de l'infection par des cadavres de cholériques.

43 ) Zurich, Berne. Lucerne,
Fribourg, Baie-Ville, Schafïhouse, St-Gall, Grisons, Argovie, Thurgovie, Neuchâtel, Vaud et Genève.

44 ) Zurich, Berne, Zoug, Soleure, Sehaffhouse, Grisons.

45 ) Zurich, Zoug, Soleure, Grisons, Argovie, Neuchâtel.

46 ) Arrêté prescrivant des mesures, etc., du 23 mai 1871.

47 ) Circular. Verfügung des Ministeriums des Innern, vom 19. Dec. 1857.

29

d'une maladie contagieuse. Pour les localités très peuplées, elles sont devenues un besoin, même en dehors des temps d'épidémie. Dans les petites localités, il se trouvera toujours bien un local qu'on pourra destiner à cet emploi dans le cas de besoin.

d. Désinfection.

(Art. 19 à 21.)

La question de la désinfection, traitée dans les art. 19 à 21, nous ramène à l'historié des épidémies et aux controverses des naturalistes. De tout temps on a cherche à détruire les germes de la contagion avec toutes les substances possibl.es, et surtout au moyen de gaz très-odorants. Depuis que nous croyons avoir reconnu que dans les grandes maladies contagieuses des plantes et des animaux le principe contagieux se manifeste sous la forme d'organismes microscopiques, nous sommes obligés, partout où, au vu de l'expérience, les matières contagieuses se sont implantées, prêtes à entreprendre leur course, d'employer les agents qui détruisent les parasites.

Ce sont principalement la température de l'eau bouillante, le chlore gazeux, l'acide sulfureux, l'acide carbolique ou phénique, les sulfates de fer, de cuivre et de zinc, etc. Le développement rapide de la chimie scientifique et technique nous amène des changements si fréquents, qui ne touchent cependant pas au principe, dans les méthodes de désinfection, qu'il serait tout à fait hors de saison de vouloir les déterminer dans une loi. L'utilité des désinfections n'est pas seulement prouvée en principe, mais elle a été aussi démontrée des milliers de fois en pratique ; en revanche, il est tout aussi certain qu'une désinfection superficielle et sans méthode ne sert absolument à rien, qu'elle est très-eoûteuse en pure perte et qu'elle est même positivement nuisible en ce sens qu'elle provoque une fausse sécurité.

La première condition de toute désinfection, c'est qu'elle soit faite complètement, qu'on y procède sérieusement et d'après un plan déterminé ; enfin, qu'elle soit faite par les autorités sanitaires, mais non abandonnée aux hésitations et à la négligence des divers habitants de la maison. Nous trouvons une prescription de cette espèce en Prusse et en Suède. En Angleterre, c'est le médical officer, comme organe exécutif de l'autorité sanitaire locale, qui dirige partout la désinfection et qui contrôle les employés.

En ce qui concerne le commerce et le transport
de linge sale, d'habits portés par des malades infectieux et de chiffons, une série d'expériences faites dans notre pays comme ailleurs en démontrent le ,,danger.

30

C'est la variole qui a été transmise le plus souvent de cette manière. En 1871, par exemple, la variole a été répandue dans la population de Winterthour par du linge sale que l'on avait donné à laver à la buanderie publique. Le délissage des chiffons par des femmes dans les fabriques de papier a déjà été souvent le point de départ d'une épidémie de variole.

De même, le choléra et le typhus se manifestent très-fréquemment chez les blanchisseuses. En ce qui concerne le choléra, l'histoire de nos épidémies nous offre un exemple très-frappant de transmission, qui s'est produite, dans les villages soleurois de Eecherswil et de Kriegstetten, après l'épidémie de Zurich.

Des recherches minutieuses faites à cette époque montrèrent que des chiffons, en majeure partie de laine, venant d'Aussersihl où le choléra avait régné le plus longtemps et avec le plus d'intensité, avaient été livrés et mis en oeuvre à la fabrique de Kriegstetten. Deux ouvrières délisseuses tombèrent d'abord malades, et de là le fléau se répandit dans les deux villages nommés plus haut et dans quelques localités voisines, en suivant surtout le cours du ruisseau dans lequel débouchaient les latrines de la fabrique. Sur 15 personnes atteintes, 12 moururent.

Du reste, ce qui indique que la propagation se fait bien de cette manière, c'est cette circonstance que, pendant l'épidémie en question, 6 chiffonniers tombèrent malades dans différentes contrées du Canton de Zurich et qu'ils moururent tous dans les 48 heures.

Il faut bien que l'on ait fait des expériences semblables dans les autres pays, car partout, en temps d'épidémie, on interdit sévèrement et on supprime le commerce de lits et de vêtements déjà mis en usage, de laine non dégraissée, de crin, de vieux chiffons et de tous les autres « véhicules de la peste ». L'art. 31, lettre c, de la Constitution fédérale stipule, du reste, à cet égard les compétences les plus positives ; contre les épidémies, ce n'est pas seulement l'importation d'objets suspects que l'on peut interdire, mais encore leur emploi dans l'industrie.

Variole.

A. Mesures préventives. -- La vaccination obligatoire.

(Art. 22 à 26.)

Ce que nous savons de la variole et de l'effet produit sur elle par la vaccine peut être -- ainsi que cela ressort de l'annexe Pocken und Vaccination -- résumé comme suit :

31

1. Dans les siècles passés, avant la vaccine, la variole était l'épidémie la plus destructive en Europe. Elle était la cause d'un douzième à peu près de tous les cas de décès. En dehors de l'Europe, elle était, pour autant que cela est parvenu à notre connaissance, tout aussi meurtrière (annexe, IVe partie).

2. La vaccination avec la lymphe animale donne aux personnes vaccinées une immunité analogue à celle dont jouissent ceux qui ont eu la variole (IIIme et VIIIme partie).

, 3. La préservation donnée par la vaccination n'est pas d'aussi longue durée que celle que l'on a acquise en subissant la maladie de la variole. La durée peut être estimée en moyenne à 10 ans (XIme partie).

« 4. Aussi, lorsque la vaccine fut introduite, la variole diminua tout à coup, de sorte que la mortalité provenant de cette maladie n'était plus que le 1/s ou le 1JW ^e ce qu'elle avait été avant la vaccine, phénomène qui ne s'explique que par la vaccine même (XIIme partie).

5. Dans les pays qui n'ont introduit qu'une vaccination tardive et incomplète, des épidémies très-considérables, de variole surgissent aujourd'hui encore avec une malignité excessive.

Dans les pays dont la population est vaccinée complètement et de bonne heure, une épidémie de variole ne prend pas de beaucoup les dimensions qu'elle acquiert clans les pays dont il a été question ci-dessus. En particulier, toutes les observations sûres qui ont été faites en détail concordent, en ce qui concerne le sort des personnes vaccinées, sur ce point que la mortalité par la variole est extrêmement minime -dans les classes d'âge rapprochées de l'époque de la vaccination jusqu'au delà d'une limite de dix années, surtout si on la compare à la grande mortalité par suite de variole dans les mômes classe d'âges des pays où la vaccination est pratiquée d'une manière défectueuse (XIVme partie).

7. Les dommages à la santé qui sont réellement arrivés à la suite de vaccinations ont eu en grande partie pour cause de graves négligences dans l'exécution; aussi sont-ils excessivement rares quand la vaccination se fait d'une façon consciencieuse; du reste, jusqu'à présent ils ne se sont présentés que comme de rares exceptions dans les pays où. la vaccine se pratique" rationnellement (XVime partie).

8. Aux cas isolés de dommages à la santé dans les pays où la vaccination est bien organisée, on peut opposer des milliers de personnes que la vaccine a sauvées de la mort par la variole ou des infirmités provenant de cette maladie.

32

Un fait qui ne saurait donc être mis en doute c'est que, placé en face de la menace d'une épidémie de variole, chaque Etat a un grand intérêt à ce que la plus grande partie possible de ses ressortissants soit vaccinée. Il rie pourra donc se soustraire d'avance au devoir de ne pas abandonner la vaccination aux hasards de l'initiative privée, mais il devra la prendre lui-même en mains et ·veiller à ce qu'elle soit bien organisée.

Donc -- abstraction faite de la question de savoir si la vaccination sera obligatoire ou "facultative -- l'Etat doit en première ligne donner à ceux qui se font vacciner le plus de garanties possibles que le vaccin est de bonne qualité et que la vaccination s'exécute consciencieusement. Dans - ce but il doit non seulement organiser le nécessaire et rendre des prescriptions, mais il doit aussi, pour exercer un contrôle, prendre connaissance du résultat des vaccinations et des suites nuisibles qu'elles auraient pu avoir. Enfin, pour se rapprocher du but que l'on reconnaît désirable, c'est-à-dire la vaccination aussi complète que possible de ses ressortissants, il facilitera autant que faire se pourra l'utilisation de l'organisation créée pour la vaccine, en fournissant partout l'occasion de se faire vacciner gratuitement. Mais, tout ce qui précède étant admis, l'Etat peut-il s'en contenter et doit-il abandonner au libre arbitre de chacun de faire ou non usage de l'occasion qu'on lui offre -- ou bisn l'Etat doit-il, c'est-à-dire peut-il, pour assurer la vaccination complète de la population, prendre des mesures coercitives ?

Vaccination facultative. L'avantage le plus apparent de la liberté en cette matière est une question de principe. L'Etat est débarrassé d'une responsabilité quand chacun se soumet de son libre arbitre à une petite opération -- qui ne peut avoir qu'exceptionnellement des suites nuisibles et n'entraîner la ruine de la santé que dan's un nombre infiniment petit de cas -- pour se préserver contre un danger à la fois très-grand et très-fréquent qui menace sa santé et sa vie ; en d'autres termes, quand la personne vaccinée ou plutôt ses parents assument le risque d'une probabilité excessivement minime de dommage en échange de la très-grande probabilité d'un avantage. Or, pratiquement la liberté de la vaccine n'a pas fait ses preuves. Le nombre de ceux qui ne
sont pas assez prudents pour se soucier des mesures préservatrices, aussi longtemps que le danger est encore éloigné, a toujours été beaucoup trop grand. Cette négligence qui ne s'inquiète de rien est secondée par l'agitation infatigable des adressaires, car il reste toujours quelque chose de leurs suspicions fausses ou exagérées. Le résultat en est toujours que la vaccination ne se fait qu'incomplètement, soit qu'il n'y ait pas d'obligation ou de contrainte comme en France, soit que les mesures de contrainte soient indirectes et ne produisent leur effet que tard, par exemple

au moment de l'entrée à l'école, comme c'était le cas en Prusse jusqu'en 1874, et comme c'est encore le cas en Autriche, dans les Pays-Bas, etc., soit enfin que les dispositions relatives à la contraint restent à l'état de lettre morte et ne soient pas exécutées dans la pratique, comme cela arrive surtout dans les villes (Londres, Berlin, Stockholm, etc. ). La vaccination ne se fait pas, le danger est en permanence et la jeunesse surtout en est menacée.

Sans doute, quand une fois les cas de décès d'une épidémie qui est à son début secouent la torpeur des négligents, et que les «adversaires perdent leur assurance, -chacun veut être vacciné. Mais, dès que le danger est passé, tout rentre dans la.vieille ornière.

Partout se répète l'exemple de Berlin, où le chiffre des vaccinations, qui était de 25,153 en 1864, tomba en 1866 à 10,587.

C'est ce que nous relate aussi le Dr Fouquet48), du Morbihan.

Selon des données incomplètes, plus de 6000 personnes y étaient mortes de la variole dans les années 1870 et 1871, sur une population de pas tout à fait 500,000 âmes. Les naissances arrivent abaque année au chiffre de 12,000 à 14,000. En 1860, il y eut 9000 vaccinations et revaccinations; en 1869, il y en eut 11,000.

Puis, en 1870, elle s'élevèrent à 28,000, pour retomber ensuite à 6000, chiffre qu'elles n'ont plus dépassé depuis. De même, dans le département de la Charente, où, en 1873, il n'y eut, en regard de 9404 naissances, que 5544 vaccinations. En Irlande 49 ), où la vaccination obligatoire existe sur le papier, le nombre des vaccinations fut de 282,484, c'est-à-dire presque le double du nombre des naissances; eu 1876, il tomba à 114,487, tandis qu'il y avait 140,438 naissances. En Autriche50), dans les années 1873 et 1874, 13 à 14 % des personnes qui devaient être vaccinées ne le furent pas.

On pourrait multiplier ces exemples.

L'arrivée en masse des gens désireux de se faire vacciner au moment d'.uno épidémie ne peut pas réparer l'omission antérieure, car cette affluence ne se produit que lorsque l'épidémie a déjà pris une certaine extension, et il est impossible, dans ce moment-là, de de se procurer assez vite le vaccin nécessaire, puisqu'on ne peut le conserver en dépôt que dans une mesure très-restreinte.

Si l'on veut se servir, de lymphe humaine, qui est plus durable, on doit combattre la
résistance des parents, qui refusent souvent ..

.

o 4) Eecueil des travaux du Comité consultatif d'hygiène. Vol. 5, p. 268 et suivantes.

43 ) Virchow et Hirsch. Jahresbericht über die gesummte Medicin, Année 1378. vol. II, p. 45.

50) Statistik des Sanitätswesens in Oesterreich, bearbeitet von A. Killicher, Jahrg. 1873 et 1874.

Feuille fédérale suisse. Année XXXII Vol. I.

3

34

que l'on prenne du vaccin. Quant à la lymphe animale, que l'on; peut se procurer plus facilement en de grandes quantités, on ne peut compter sur elle que pendant quelques jours, et généralement au bout de quelques semaines elle est sans effet.

Dans ces circonstances, il est presque impossible que la vaccination ne soit pas dépassée par l'épidémie, et dès lors il est impossible de prévenir cette dernière, qui d'ailleurs se propage avec une grande rapidité, en raison directe du nombre des non vaccinés, qui offrent bonne prise a la variole. Jusqu'à ce que le but que les insoucieux d'autrefois poursuivent avec impatience, maintenant que l'agitation des adversaires ne s'y oppose plus, soit atteint, c'està-dire jusqu'à ce qui toute la population susceptible d'être vaccinée le soit enfin, il se passe dans une grande ville des mois, de longs mois, pendant lesquels la variole exerce ses ravages. A Berlin, dans ces circonstances, les 37,200 vaccinations de l'année 1871 n'ont pas pu empêcher qu'il ne meure la même année 5086 personnes de lavariole et -dans les 7 premiers mois de l'année 1872 un nouveau contingent de 1392.

Les vaccinations elles-mêmes se ressentent de la hâte avec laquelle on y procède sous l'empire d'un danger imminent. La qualité du vaccin, les soins dans l'exécution, aussi bien que le contrôle des résultats, ne laissent jamais autant à désirer que pendant ces vaccinations en masse, et c'est précisément alors qu'on a le moins de garanties contre les préjudices que la vaccine porte exceptionnellement à la santé.

c Ce n'est -- nous dit avec beaucoup de raison le professeur Knssmaul 5I) -- que lorsque les médecins vaccinateurs peuvent procéder aux vaccinations dans un laps de temps déterminé et réglé d'avance -et qu'ils peuvent disposer d'un grand choix d'enfants xaccinifères -- ce qui malheureusement n'est guère possible si la vaccination n'est pas obligatoire -- que la vaccine offre aussi peu de dangers que possible quant au transfert de l'érysipèle et de lar syphilis, qui sont les plus gros risques qui puissent entrer en considération. » Enfin, ce ne sont pas les négligents et non-vaccines seuls qui ont à porter tout le mal, mais chacun est appelé à en prendre sa part. Uri incendie.reste rarement limité aux maisons facilement inflammables. L'étendue d'une épidémie en augmente aussi
l'intensité, c'est-à-dire la mortalité et la contagiosité, de sorte que les vaccinés et ceux qui ont eu la variole sont plus facilement atteints que si l'épidémie avait été restreinte dès le principe.

51 ) Kussmaul, Zwanzig Briefe über Kuhpocken und Kuhpockenimpfv/ngr 117.

35

Ainsi -- l'expérience le prouve à satiété -- on ne peut attendre que peu de chose de la vaccination facultative. Elle offre tous les dangers que la vaccination peut exceptionnellement présenter, et elle est d'une utilité fort restreinte. Non seulement, vu le grand nombre de ceux qui ne s'étaient pas fait vacciner hors du temps d'épidémie, le remède préventif arrive souvent trop tard, mais l'épidémie prend aussi des dimensions qui sont menaçantes pour la population entière.

Vaccination obligatoire. Une bonne organisation suppose la fixation d'un, terme qui ne doit pas dépasser la première année d'enfance ; avant qu'il soit texpiré, sauf réserve d'exceptions fondées, tous les enfants devraient être vaccinés, sous peine d'une amende pour les parents ou tuteurs négligents ou récalcitrants.

Nous parlerons plus loin du principe de l'obligation. Avant tout il faut prouver que le but à atteindre par l'obligation -- c'està-dire la vaccination faite de bonne heure, la vaccination précoce de toute la population -- est efficace et qu'il vaut la peine de le poursuivre.

On pourrait aussi rendre la vaccination obligatoire d'une autre manière, en fixant pour la vaccination un terme plus retardé, par exemple celui de l'entrée à l'école, ou bien on pourrait restreindre l'obligation de la vaccination aux temps d'épidémie. En ce qui concerne cette dernière éventualité, il est évident qu'une vaccination obligatoire ainsi limitée quant au temps ne serait guère meilleure que la vaccination facultative dont il a été question plus haut, et le résultat en serait d'avoir une grande quantité de non-vaccinés en temps ordinaire et une affluence^énorme en temps d'épidémie.

Une obligation ainsi limitée répondrait aussi peu au but que la liberté de la vaccination.

En ce qui concerne un terme tardif, par exemple celui de l'entrée à l'école, il est clair que, plus on s'éloigne du moment de la naissance, et plus le nombre des non-vaccines est grand. Ensuite, quand on vaccine tardivement, dans la 6° ou la 7e année, l'époque de la préservation à un haut degré, dont la durée peut être évaluée à 10 années, tombe justement dans les classes d'âge qui offrent, soit pour la variole, soit pour d'autres maladies, la plus petite mortalité, tandis qu'on laisse sans protection préventive les années les plus tendres de l'enfance, celles qui
sont le plus particulièrement menacées par la variole, comme le prouve encore aujourd'hui leur mortalité dans la période qui précède la vaccination au milieu des populations qui ne sont qu'incomplètement vaccinées (par exemple dans les Pays-Bas et à Berlin).

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ob

Enfin, il faut considérer que les classes d'âge pins avancées ne comptent plus autant de vivants.

C'est ainsi qu'en Bavière 52), lors du recensement de 1875, il y avait .

.

. 1,114,796 personnes âgées de 2 k 11 ans, et seulement .

.

983,405 » » »^7 à 16 ans.

En. admettant que la préservation à un haut degré ne dure que 10 ans, elle atteignait, en vaccinant a la fin de la 1TM année, 131,39!· personnes, soit 2,6°/00 de la population totale, de plus que si l'on n'avait vacciné qu'au bout de la 6° année.

Ainsi, au moyen d'une vaccination précoce, il n'y a que peu de personnes qui restent non-v&ccinées, le nombre le plus fort possible de vivants jouissent de la préservation à un haut degré, et l'on protège surtout l'enfance dans les années où elle est le plus menacée. Ces motifs ont engagé tous les pays où la vaccination officielle existe à fixer un ternie précoce. En Angleterre, la fin du 3e mois; eu Ecosse, le 6° mois; dans l'Empire allemand, la fin de l'année civile qui suit celle où la naissance a eu lieu ; en Suède, au plus tard à la fin de la 2e année.

Quand la variole est importée dans une population ainsi vaccinée, il ne reste plus -- abstraction faite des autres mesures de police sanitaire -- qu'à vacciner le nombre relativement petit des non-vaccines et qu'à revacciner la partie de la population qui a déjà dépassé le ter-me de la préservation. C'est une tâche que l'on peut alors accomplir d'autant plus facilement à temps utile que l'épidémie ne se répand ni aussi vite, ni par si grandes masses que dans une population où la vaccination est défectueuse.

L'exemple de la Bavière qui. au commencement de la dizaine d'années qui court, partageait avec la Prusse les circonstances les plus défavorables (la propagation par les prisonniers de guerre et des mouvements de troupes de toute espèce), tandis qu'elles n'existaient, par exemple, pas dans les Pays-Bas, nous montre de quelle énorme utilité est, dans un cas donné, une vaccination obligatoire bien exécutée.

La Bavière a eu, dans les années 1871 et 1872, une épidémie de variole trois ou quatre fois plus violente que toutes celles qui y ont régué depuis 1807, époque où la vaccination obligatoire a été introduite dans ce pays. Eh bien! cette épidémie fnt bien loin d'être aussi meurtrière que celle des deux autres pays que nous avons nommés. Si
la mortalité avait été comme celle de l'épidémie prussienne, la Bavière aurait perdu 16,000 personnes de plus; si 62 ) Revue du bureau royal de statistique, Xe année, 1878, p. 31 et suivantes.

elle avait été comme celle de l'épidémie hollandaise, elle en. aurait perda 18,000 de plus qu'elle n'en a perdu en effet -- saus compter les cas de maladie non suivis de mort, avec tontes les pertes physiques' et économiques qu'ils occasionnent, lesquels arrivent à un chiffre de 4 à 6 fois plus fort que celui des décès.

D'un autre côté, nous avons déjà vu, à propos de la vaccination facultative, que c'est en procédant à la' vaccination complète de la population que l'on arrive le plus facilement à éviter entièrement les dangers que peut offrir la vaccination, c'est-à-dire l'érysipôle et la syphilis.

Mais, dira-1-on, bien que l'utilité générale de la vaccination soit incontestable, peut-on, sachant qu'elle peut porter préjudice à tel ou tel individu, exiger de lui que dans l'intérêt de la généralité il s'expose à une pareille éventualité ?

La question de savoir jusqu'à quel point et dans quelle mesure l'Etat peut, dans l'intérêt de la généralité, restreindre la liberté individuelle, est une de celles auxquelles ou ne peut pas donner une réponse valable pour toutes les époques. La compétence de l'Etat varie avec les notions générales, avec les opinions, avec les moeurs, avec tout ce qui constitue une époque, une étape de la civilisation et de la vie publique. Nous rappellerons ici que la fréquentation obligatoire de l'école et le service militaire obligatoire rentrent tout à fait dans nos opinions, dans nos moeurs, dans la notion que nous avons de l'Etat, et de nos droits, ainsi que clé nos devoirs vis-à-vis de lui.

Et cependant personne ne mettra ces deux obligations en doute, ces deux obligations qui sont pour l'individu qu'on y astreint une cause fréquente de préjudice économique, de maladie et même de mort. L'école n'agit pas seulement d'une manière défavorable, sur la santé de l'un ou de l'autre -- sans faire entrer en ligue de compte la défectuosité hygiénique des écoles -- ; elle est encore la propagatrice dangereuse de maladies mortelles, comme la fièvre scarlatine et la rougeole ; même si elle est "bien surveillée et si on la ferme pendant les temps d'épidémie, elle ne cesse pas d'être pour beaucoup d'enfants l'entremetteuse de la maladie et de la mort.

Quant au militaire, il est à peine besoin de dire que, même au sein d'une paix profonde, le service militaire peut occasionner aux uns
ou aux autres des maladies ou des accidents dont ils n'auraient pas été atteints sans cela.

Eh bien ! si, dans l'intérêt de l'existence intellectuelle et politique de la généralité, nous ne reculons pas devant tout cela, ne sommes-nous pas justifiés à faire courir à l'individu, dans l'intérêt

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de l'existence physique de la généralité, un danger beaucoup plus minime et beaucoup moins fréquent ?

Le vacciné est muni d'une préservation non pas seulement dans son propre intérêt, mais dans l'intérêt de la généralité, de même que le non-vaccine reste exposé à prendre la variole, non seulement à son propre détriment, mais encore au détriment de la généralité.

Voilà le point saillant, le vrai noeud de la question, comme on le prouve, du reste, dans la pièce annexe déjà mentionnée.

Rappelons-nous quel est l'enjeu. Rappelons-nous que la Bavière peut opposer, au très-petit nombre de cas d'un préjudice causé par la vaccination dans un laps de temps de 70 années, le fait d'avoir dans deux seules années préservé de la mort 16 à 18,000 individus, et de la maladie un nombre quadruple. Notre pays a à peu près la moitié de la population de la Bavière. Ces chiffres, divisés par deux seulement, peuvent donc être une fois ou l'autre en jeu dans la Suisse, prise comme ensemble, car on ne saurait douter que, si la vaccination obligatoire n'était pas admise dans la loi fédérale contre les épidémies, cette circonstance, pesant d'un grand poids moral, créerait tôt ou tard une norme pour la majeure partie des Cantons, y compris les plus populeux. En d'autres termes, ne pas admettre la vaccination obligatoire dans la loi fédérale, c'est l'enterrer en Suisse.

Or, sait-on ce que signifient pour un petit pays la perte de milliers d'individus, la maladie de dizaines de milliers que l'on aurait pu éviter, le préjudice physique, le dommage économique, les charges qui en découlent pour l'Etat, pour les communes, pour les caisses de secours, sans compter les chagrins, les détresses et la misère morale qui échappent aux supputations de la statistique î Tout cela n'a pas besoin d'être expliqué en détail. Notons seulement qu'une seule épidémie violente de variole suffirait à mettre gravement en péril tous les intérêts engagés dans l'industrie dite des touristes et des étrangers.

Mais il y a encore un point qui mérite d'être relevé spécialement. Qui est-ce qui a toujours le plus à souffrir d'une épidémie de variole ? Ce sont chaque fois ceux qui ne possèdent rien d'autre que leur santé et leur famille ; ce sont les gens sans fortune, ceux qui, s'il n'y a pas de coercition légale, négligent le plus fréquemment, hors des
temps d'épidémie, de se faire vacciner et prêtent le plus volontiers l'oreille aux déclamations des adversaires de la vaccine. Ceux-là restent donc sans protection préservatrice, qui, lorsque l'épidémie éclate, sont, soit parce qu'ils sont plus serrés dans leurs habitations, soit en raison de leurs occupations, le plus exposés à la contagion, et qui, lorsque la maladie s'est emparée d'eux, courent le plus de mauvais risques.

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Si, en ce qui concerne la propagation des épidémies et la marche d'une maladie, on attache avec raison beaucoup d'importance aux facteurs hygiéniques généraux, il ne faut pas perdre de vue que ces facteurs (l'insalubrité des demeures et de la profession, une alimentation défectueuse, etc.) ne sont susceptibles-que d'une amélioration, très-lente, qui ne s'obtient qu'au prix des plus grands efforts, et que ces mots de Laboulaye resteront longtemps vrais : « Vous ne pouvez donner à tous ni la santé ni la fortune. » Raison de plus pour préserver au moins d'une des épidémies les plus malignes ceux à l'existence desquels tant de mauvais facteurs mettent déjà la dent. On peut le dire : le maintien ou la suppression. de la vaccine obligatoire, c'est le maintien ou la suppression de la préservation de ceux qui sont sans fortune.

Il y a peu de choses à dire sur les amendes dont doivent être frappés les négligents et les récalcitrants. On a reproché à la vaccination obligatoire de ne frapper, comme toutes les mauvaises choses, que les indigents, tandis que les riches peuvent « se racheter».

D'après ce que nous avons expliqué plus haut, c'est méconnaître les faits. Pour la grande majorité, la vaccination obligatoire n'est pas. une contrainte : c'est un fait auquel ne peuvent' rien changer même "les nombreuses signatures des pétitions ennemies de la vaccination. La majorité de ceux qui ont signé s'empresse, quand la variole s'approche, de courir chez le médecin vaccinateur. Il ne pourrait être question de contrainte que pour les adversaires absolus de cette opération hygiénique: or, nous ne voudrions pas qu'après les avoir frappés d'amende on les contraignît encore effectivement à se faire vacciner. Dans toute cette question, ce n'est pas d'un principe qu'il s'agit, mais d'un but pratique. Or, ce but pratique -- qui est la vaccination complète et aussi précoce que possible de la population -- on l'atteint suffisamment,' comme le montre l'exemple de nos voisins de l'Allemagne du sud, au moyen d'amendes modérées qui suffisent pour rappeler à des parents insouciants ou négligents qu'ils doivent faire vacciner leurs enfants.

Pour la Suisse, l'admission de la vaccination obligatoire dans la loi sur les épidémies n'est que le maintien de prescriptions dirigées dans le même sens et qui existaient depuis > plusieurs
dizaines d'années dans tous les Cantons suisses, sauf Genève, Glaris et Uri, et qui, partout où on les a appliquées, en Suisse comme ailleurs, ont eu d'excellents résultats.

Outre l'exemple d'autres pays qui ont depuis longtemps la vaccination obligatoire (la Bavière, le Wurtemberg, la Suède), il est remarquable de voir quelle leçon la Prusse a tirée, sous forme de la loi d'Empire sur la vaccination, de 1874, de la grave épidémie des années 1871 et 1872. Mais en première ligne il ne faut pas

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oublier l'Angleterre et l'Ecosse, où le sentiment populaire, qui y est si éminement pratique, n'a pas reculé devant la nécessité de subordonner aux exigences d'une liante utilité publique cette liberté personnelle au maintien de laquelle il veille d'habitude avec un soin si jaloux.

La Suisse a le choix. Elle peut imiter cet exemple, à moins qu'elle ne veuille tôt ou tard :-- car les conséquences ne manqueront pas de se produire -- vérifier à son propre et très-grave préjudice l'expérience faite en France, en Prusse, dans les Pays-Bas et ailleurs, et qui est très-bien résumée dans le mot final du rapporteur bollandais 53 ): « Tous les non-vaccines sont dangereux pour la santé publique. »

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Art. 22. D'après ce qui vient d'être dit, la vaccination obligatoire a essentiellement pour but d'assurer la vaccination précoce et générale de la population. Le terme proposé, c'est d'être vacciné avant que les deux années qui suivent celle de la naissance soient écoulées. Nous avons vu qu'en Allemagne c'est avant que la première année qui suit celle de la naissance soit écoulée; en Angleterre, dans les trois premiers mois de la vie; en Ecosse, dans le?

six premiers. Notre proposition est basée sur cette considération que des dispositions de cette nature prescrites pour toute la Suisse doivent être applicables jusque dans les recoins les plus reculés de nos montagnes, là où l'occasion de faire vacciner les enfants ne se présente pas souvent, et où on ne peut la retrouver, quand on l'amanquée par hasard, qu'à grands frais et avec beaucoup de difficulté. Quand les enfants sont faibles, un terme si long est utile en soi, d'abord pour qu'ils puissent se fortifier avant de subir cette petite opération, et ensuite au point de vue de la vaccination, en ce sens que tous les maux imaginables que l'on se plaît aujourd'hui à mettre sur son compte auront le temps de se produire avant qu'elle soit pratiquée. D'après ce qui est proposé, l'enfant pourra, dans le cas le plus défavorable, arriver sans être vacciné à l'âge de 3 ans, en moyenne à celui de 2 l/<> ans, quand on attendra jusqu'au dernier moment. En réalité les enfants n'auront pas à attendre si longtemps, surtout dans les contrées bien peuplées, où l'occasion de se faire vacciner se renouvelle fréquemment. En outre, chaque Canton peut, si le besoin en existe, abréger le terme.

Art. 23. Le contrôle de la vaccination au moment de l'entrée à l'école a été en usage de tout temps, soit en Suisse, soit ailleurs.

Sur 25 Cantons ou demi-Cantons, 16 l'ont expressément prescrit.

Cette même disposition se retrouve dans la loi allemande (§ 18), 53

) L'épidémie de variole en Hollande 1870--1873, p. 56.

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tìans la loi néerlandaise contre les maladies contagieuses (art. 17), en Italie dans le Regolamento per l'istrusione elementare de 185& (art. 6) ; de môme en Autriche et ailleurs. Le contrôle au moment de l'admission à l'école est facile à exercer ; il est en même temps très-utile pour compléter le premier contrôle, car, par suite des changements de domicile et surtout dans les villes, il y en a toujours qui échappent au devoir d'être vaccinés. Enfin, pour l'école elle-même, en temps d'épidémie, la certitude qu'il ne s'y trouve pas d'élèves non-vaccines est très-précieuse. .

Art. 24. La gratuité est le corrollaire de l'obligation. Si cette dernière s'impose surtout par cette considération que l'on vaccine l'individu aussi bien dans l'intérêt de la généralité que' dans le sien propre, il n'est qu'équitable de ne pas exiger encore de lui un sacrifice d'argent. -- Les différentes espèces de vaccin sont décrites dans la pièce-annexe.

Art. 25. En imposant aux médecins le devoir d'apporter les plus grands soins aux opérations de la vaccine et en les rendant,.

jiar une déclaration expresse de la loi, responsables des suites d'uno négligence qu'ils commettraient, on prescrit une chose juste, et l'on rassure le public, qui a le droit d'exiger des garanties sérieuses contre l'imprudence et la négligence en matière de vaccination et contre les mauvaises suites qui pourraient en résulter. Les détails seront précisés dans le règlement spécial sur la vaccine prévu à l'art. 26. Une disposition essentielle est celle de l'art. 2, qui veut que les enfants vaccinifères soient âgés d'au moins 6 mois, âgeauquel des maladies qui étaient latentes, surtout la syphilis, ont dans la règle déjà manifesté leur existence. Le 3me alinéa est aussi de nature à tranquilliser les parents, puisqu'il leur abandonne le choix du médecin et de la lymphe à vacciner.

Art. 2G. Le règlement devra contenir des dispositions sur la manière de vacciner avec soin et prudence, et surtout sur le contrôle uniforme des sujets à vacciner et de ceux qui le sont. Pour que la vaccination ait lien partout d'une manière uniforme et pour que les résultats puissent être utilisés par la statistique médicale,, il sera nécessaire d'introduire pour toute la Suisse une formule unil'orme de contrôle.

B. Mesures au début et au cours de l'épidémie.

· Art. 28. -- La revaccination. Le reproche le plus sérieux que des calculateurs consciencieux ont fait à la vaccine, c'est derefouler à la phase productive des vies d'hommes la mortalité provenant de la variole de l'âge de l'enfance improductive et de constituer,.

42 par conséquent, nue opération économique mauvaise et nuisible.

Si ces statisticiens avaient été aussi versés dans la médecine pratique que dans l'arithmétique, ils auraient aussi fait entrer en ligne de compte que l'alternative n'est du tout pas donnée aux enfants varioleux entre la santé et la vie, mais que malheureusement plusieurs d'entre eux ne peuvent ni vivre ni mourir et que, maladifs, aveugles ou estropiés, ils ne font que végéter. Ils auraient eu outre fait entrer en ligne de compte le fait que la disposition à contracter la variole et le degré de gravité de cette dernière sont bien moindres chez les vaccinés d'un certain âge que chez les enfants non-vaccines.

Cette probabilité d'une forme bénigne et non dangereuse de la petite vérole chez ceux qui ont été vaccinés une fois est la règle, et l'immunité complète contre la variole chez ceux qui ont été revaccinés .avec succès est presque absolument sûre et certaine. (Il n'y a de mathématiquement sûr et certain que les mathématiques elles-mêmes !)

Cette manière de se préserver au milieu de l'épidémie la plus grave de variole est régulièrement employée par les médecins pour euxmêmes. L'efficacité en a été constatée en masse dans les armées prussiennes, qui, ayant été revaccinées avec soin, n'ont, pendant leur séjour dans la France infectée de variole, et avec un effectif de 6 à 700,000 hommes,perdu que 316 hommes par suite de variole.

Le seul procédé logique est par conséquent d'exiger la revaccination générale obligatoire. Si néanmoins le projet ne le fait pas, mais se contente de la revaccination d'urgence pratiquée dans l'entourage des foyers d'infection, c'est une concession faite à une époque agitée et passionnée, qui ne veut pas se laisser enlever entièrement le droit de faire ses propres expériences, même avec la variole. Il faut donc qu' ici aussi le mieux ne soit pas l'ennemi du bien. Il va de soi que dans la revaccination d'urgence on -veillera, comme pour la vaccination, à ce que la lymphe animale ou humaine soit de bonne qualité, à ce que le contrôle se fasse ·exactement ; enfin , ces revaccinations seront gratuites. En Allemagne, on est plus conséquent: la loi y prescrit la revaceination tout au moins pour chaque élève d'une école publique ou privée dans le cours de sa 12me année. ' Baie54) a également, il y a 5 ans, introduit
la revaccination obligatoire pour tous les élèves des deux sexes des écoles privées et publiques; on les revaccine généralement dans leur 13me année.

Les Grisons55) l'ont introduite il y a deux ans pour les jeunes gens des deux sexes, à savoir pour les garçons à l'âge de 17 à 19 ans, pour les filles à l'âge de 14 à 16 ans.

54

) Ordonnance sur la vaccination, du 10 février 1875, § 1.

) Supplément à l'art. 106 de l'ordonnance sanitaire, du 11 déc. 1817.

55

·43

En ce qui concerne les autres mesures proposées dans le projet (art. 29, a et d), l'isolement tout à fait strict des malades et des cadavres.de varioleux, ainsi que l'éloignement complet de tous ceux qui ne sont pas préservés par la vaccination, s'explique suffisamment par l'intensité du pouvoir contagieux de la variole, et il n'y a guère que la prescription de la lettre a qui exige d'autres explications que celles qui ont déjà été données dans ce message.

On sait que la petite vérole vraie et la fausse, c'est-à-dire la variole et la varicelle, qui sont deux 'maladies différentes l'une de l'autre, se ressemblent parfois à s'y méprendre, et que la confusion que l'on fait de l'une avec l'autre a été déjà souvent la cause de la propagation de la variole. Il arrive plus-fréquemment encore que l'on cherche à excuser, sous prétexte d'avoir pris une des maladies pour l'autre, la non-dénonciation de la variole vraie. La police sanitaire ne peut vaincre cette difficulté et empêcher la fraude qu'en exigeant des médecins qu'ils fassent rapport sur tous les cas qui prêtent à doute et en n'acceptant pas une pareille excuse des chefs de famille dans les cas où leur attention avait dû être éveillée par d'autres cas de variole qui s'étaient produits dans la commune, et, enfin, lorsque ce sont des personnes adultes qui sont tombées malades, attendu que la varicelle est très-rare chez ces dernières.

Nous ne connaissons ni remèdes ni mesures préventives, employés ·dans les grandes épidémies universelles, qui aient produit des effets ou provoqué des diseussions approchant de loin les résultats de l'inoculation et de la «réinoculation» de la vaccine.

Ce n'est pas l'Allemagne seule qui revaccine son armée; la France, qui laissait autrefois toute vaccination facultative, le fait aussi86), et c'est ainsi que se confirment les opinions que déposent dans ce projet les médecins suisses et la Commission sanitaire fédérale.

2. Le choléra asiatique.

Tandis que la variole, est dans le sens le plus complet du mot, une maladie contagieuse, qui se transmet directement d'individu a individu, tandis qu'ici nous savons avec pleine certitude que le malade reproduit lui-même le principe contagieux, qui s'attache à sa personne, à son corps, à ses vêtements, qui se répand et se fixe dans la chambre du. malade et qui conserve son pouvoir infectieux . 56) Le chef du bureau sanitaire au Ministère du Commerce m'a déclaré verbalement « que tous les militaires, même les volontaires d'un an, étaient revaccinés à leur arrivée sous les drapeaux». -- Lettre de la Légation de Suisse en France, Paris, le 10 sept. 1879.

44'

pendant des mois et môme pendant des années -- en ce qui concerne la contagiosité du choléra les recherches sur la manière dont il se propage sont loin d'être terminées.

Le nombre des «contagionnistes», c'est-à-dire de ceux qui soutiennent aujourd'hui encore Ja possibilité d'une transmission directe 'du virus du choléra d'un malade sur des gens bien portants ov.

seulement l'effet directement contagieux des déjections, É diminue de jour en jour. L'enquête minutieuse à laquelle s'est livrée la commission contre le choléra instituée par l'Empire allemand semble confirmer l'hypothèse émise pour la l re fois il y a déjà 20 ans par Pettenkofer et d'après laquelle le germe du choléra doit d'abord, sous l'influence d'agents de décomposition, subir une transformation dans le sol avant de devenir un poison actif et une matière contagieuse.

Le résultat de cette enquête est que la perméabilité du solr son dessèchement venant après l'humidité (variation du niveau des eaux du sous-sol, eaux souterraines) et en première ligne son imprégnation avec des matières organiques qui sont un voie de décomposition jouent le rôle essentiel parmi les conditions qui favorisent la transformation dont il est question ci-dessus. L'hypothèse de Pettenkofer, qui peut expliquer la propagation du choléra et pourquoi il fuit certaines localités, tandis qu'il affecte une grande prédilection pour d'autres, n'en laisse pas moins obscure la solution de plusieurs problèmes.

C'est ainsi notamment que la part que l'homme prend luimême à la propagation et à l'extension du principe contagieux dn choléra n'est encore nullement déterminée avec quelque certitude ;.

nous savons seulement qu'il peut transporter le germe de la maladie d'un endroit à un autre et d'un pays dans un autre.

Pettenkofer lui-même, qui avait cru reconnaître et qui a enseigné à peu près le premier l'infection cholérique par les excréments comme un fait général, a dans la suite de ses recherches abandonné cette explication, qui paraissait si plausible, de la propagation par le contact, parce qu'elle ne suffit pas à expliquer tous les cas qui se présentent. D'après lui, la multiplication du principe contagieux du choléra est entièrement indépendante des cholériques, et il pourrait ótre tout aussi bien transporté d'un endroit dans un autre par de& gens sains que par des
malades, pour ensuite continuer à se développer dans des circonstances de temps et de lieu favorables, et pour cela les déjections des malades ne seraient pas nécessaires.

Si cette manière de voir est la vraie, la police sanitaire devra suivre des voies nouvelles, car jusqu'à ce jour toute son activité se basait sur l'opinion que ce sont des déjections qui"sont contagieuses

et que celles des diarrhées prodromiques le sont autant que celles du choléra lui-même.

Malgré la haute estime qu' inspirent les savantes recherches de Pettenkofer, nous ne pensons pas que le dernier mot ait été dit sur cette question, et provisoirement nous ferons bien d'observer les anciennes règles et de mettre aussi à profit des faits suffisamment constatés, qui prouvent que ce ne sont pas seulement les fosses d'aisance ou le linge sale qui peuvent transmettre le choléra, mais aussi le lit et la chambre du malade. Comme dans toutes-les autres Epidémies, le principe contagieux paraît passer par des phases trèscourtes, c'est-à-dire gagner d'intensité là où les malades se trouvent ·en grand nombre les uns auprès des autres, comme c'est le cas pour le typhus pétéchial, la peste et la variole. .

Outre celles des causes auxiliaires de la propagation, qu'il faut toujours chercher de préférence dans le sol, surtout dans celui des maisons habitées, il y a celle des dispositions personnelles qui joue, c'est hors de doute, un rôle considérable.

Aucune épidémie de choléra ne s'est produite sans confirmer ce fait que l'alimentation de la population exerce une influence notable sur la propagation du fléau. La première grande épidémie du choléra dans l'Inde avait été précédée d'une mauvaise récolte de riz et de la famine. En Angleterre, l'énorme importation de céréales pendant les trois années qui précédèrent les épidémies de 1832 et de 1849 a prouvé que la récolte avait manqué dans le pays.

En France, Dane a prouvé par des chiffres que le prix élevé du blé dans un département coïncidait avec une mortalité plus forte, tandis que le prix faible dans un autre département allait de pair avec une moindre mortalité. De même que ces observations en grand, de même aussi la plus petite épidémie nous montre que le manque de nourriture ou une nourriture défectueuse favorise la propagation du choléra autant que le mauvais air de demeures malsaines et trop peuplées. «L'aisance et la pauvreté, -- c'est-à-dire la somme des circonstances hygiéniques et anti-hygiéniques qui constituent ces notions -- sont, d'après Griesinger57), l'origine des dispositions les plus diverses. Le choléra est essentiellement une maladie du prolétariat et en général des basses classes, et elle l'est d'autant plus que la différence avec les
circonstances hygiéniques des classes aisées est plus grande, et que les classes, intérieures vivent davantage dans la malpropreté et l'humidité et dans des locaux trop peuplés, et que leur alimentation est plus mauvaise, bref que leur misère est plus grande. » Griesinger, Die Infections-Kranheiten, page 365.

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Ce qui est moins incontesté que l'influence de conditions sociales défectueuses, c'est l'action directe ou indirecte de l'eau à boire impure sur la propagation du choléra. A une certaine époque, on a essayé en Angleterre d'attribuer au déversement de matières excrétées par les cholériques dans l'eau des fleuves -- qui, bien que filtrée, était employée comme eau à boire -- la faute principale de la propagation du principe contagieux, et on a essayé de la prouver par la statistique. Ailleurs, en revanche,^ on a nié toute influence, même indirecte, de cette espèce ; la Commission de l'Empire allemand contre le choléra n'attribue aucune force probante aux obsertions dans le sens de celles qui ont été faites en Angleterre.

Quelque incertain qu'il soit que l'eau que l'on boit peut, comme telle, quand elle est impure, répandre le choléra, il est, d'un autre côté, certain que toutes les eaux renfermant des matières en putréfaction augmentent puissamment, qu'on les boive crues ou après cuisson, la disposition anx catarrhes intestinaux et, par conséquent, aussi la disposition individuelle au choléra.58) Il y a donc trois points sur lesquels la police sanitaire doit avant tout faire porter son attention: les excréments, comme étant les colporteurs probables du germe de l'épidémie ; le sol, dans lequel il se transforme dans la règle en principe contagieux, et enfin la manière de vivre de la population, surtout en ce qui concerne les logements et la nourriture.

En ce qui regarde le premier de ces points, nous cherchons à rendre les excréments inoffensifs par un contrôle de propreté et par la désinfection, faite journalièrement sous la direction de l'autorité, de tous les lieux d'aisances publics (art. 30) aussitôt que l'on est menacé du choléra.

Quand le danger augmente ou lorsque le choléra a réellement éclaté, ife faut, dans les communes populeuses et dans les centres de circulation, soumettre aussi à la désinfection les lieux d'aisances et les canaux d'égoùts des maisons particulières.

Là où les fosses sont mal construites, la où, par suite de l'incurie générale, le sous-sol des villes et des villages est imprégné de matières eu putréfaction, là où les fontaines trahissent par unequantité extraordinaire de sel de cuisine contenue dans l'eau leurs communications souterraines avec les cloaques, là où, dans l'aménagement et l'emploi des maisons, on a égard à tout sauf à la santé des 68

) Pendant l'épidémie de 1867, la maladie a atteint relativement beaucoup plus de personnes tirant leur eau à boire des puits, dans lesquels l'eau des fosses filtre très-souvent, que de personnes se servant de l'eau courante des fontaines.

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gens qui les habitent, là la désinfection perd ses droits et c'est le choléra qui s'en empare.

Mais comment combattre par les mesures publiques les influences prédisposantes du genre d'alimentation et de la manière de vivre en général? Ici aussi on peut obtenir des résultats: tantôt ce sera en instruisant la population, s'il s'agit de mesures de précaution que chacun doit prendre pour soi (art. 5,'alinéa 3); tantôt ce sera par des secours publics, lorsque la disette et la misère augmentent les dispositions individuelles (art. 36, 6); dans tons les cas, en pror tégeant la population contre l'influence délétère d'aliments corrompus et en veillant à ce que l'eau à boire ne soit pas impure (art. 33).

Si, malgré tout cela le choléra fait irruption, alors il s'agit d'exécuter, dès la constatation du premier cas, toutes les mesures (art. 34) qui doivent empêcher la propagation du principe contagieux.

Nons croyons savoir que chaque individu atteint de maladie est une source qui produit de nouveaux germes de maladie et que ses excrétions en sont les véhicules. Dès lors qu'y a-t-il à faire?

Isoler le malade dans un local spécial destiné à cet effet, et ne le laisser dans son chez-soi que si toutes les conditions y sont remplies, et, quant aux excrétions, les rendre inoffensives et les éloigner de la maison ; voilà ce qui doit se faire en premier lieu.

Comme les lieux et les fosses d'aisances se sont montrés comme très-dangereux en temps d'épidémie et qu'ils peuvent infecter l'atmosphère de la maison, il y a lieu ensuite d'éloigner de leur sphèred'action les habitants restés sains et de les placer, si possible, dans un local d'évacuation. Finalement, la maison ainsi vidée doit ensuite être soumise à une désinfection complète.

Du reste, une fois que le choléra a éclaté, la simple désinfection des fosses est rarement suffisante. Le procédé suivant parait être meilleur ; il a, du reste, fait ses preuves pendant l'épidémie de Zur.ich en 1867. On ferme entièrement les lieux d'aisances, on fait entrer les déjections dans une tonne qui sert de récipient collecteur (si possible un sceau en tôle muni d'une fermeture à eau et qui renferme un agent chimique désinfectant, par exemple une solution de vitriol de fer), et l'on en enfouit journellement le contenu dans une fosse que l'on achève de remplir avec la terre
creusée, et que l'on traite comme un « water-closet » de Moulé.

Il ne faut pas oublier que l'une ou l'autre des personnes que l'on a fait sortir de la maison peuvent déjà porter en elles le germe de la maladie. Nous savons que l'incubation -- c'est-à-dire le temps depuis le moment de l'infection jusqu'à celui où la maladie éclate -- peut durer au moins deux à trois fois 24 heures avant

qu'un symptôme de maladie quelconque, par exemple la diarrhée prémonitoire, éclate. C'est nu motif pour placer sous surveillance médicale tous ceux qui ont dû quitter une maison dans ces conditions, afin que le premier signe de l'infection puisse être combattu aussitôt et avec succès. Ohaque épidémie nous enseigne que dans la plupart des cas on réussit à empêcher la maladie elle-même en ·combattant énergiquemont cette diarrhée.

La poesibilité que l'infection, qui peut être'suivie à chaque instant de l'irruption de la maladie, ait déjà eu lieu, fait que ces personnes expulsées de leur domicile sont aussi dangereuses pour d'autres et nous force à restreindre leurs relations avec le monde extérieur (art. 10) an strict nécessaire. Cette précaution est plus nécessaire encore quand le malade doit être soigné à la maison; dans ce cas il faut absolument veiller à ce que l'on évacue tous les habitants de la maison qui ne sont pas obligés de rester pour soigner les malades.

C'est quand la nature du sous-sol, le trop-plein des chambres habitées, le mauvais air qui y règne, favorisent d'avance le développement du principe contagieux, que l'on peut le moins éviter l'évacuation d'un bâtiment; dans ces conditions là, elle est à la fois un bienfait pour les individus et aussi la garantie unique et mainte fois éprouvée que l'on roussira à étouffer l'épidémie en cet endroit.

Parfois on n'y réussit pas. Souvent nous arrivons trop tard avec nos mesures, mais cette expectative ne nous dispense pas du devoir de tout préparer pour les exécuter et de ne pas attendre, pour préparer des locaux d'évacuation à employer cas échéant, que l'ennemi ait fait irruption (art. 32). Ces locaux auront une grande valeur, même quand on .n'aura pas réussi à étouffer l'épidémie, lorsqu'elle ira, frappant de porte en porte, exercer ses ravages dans les demeures encombrées des pauvres. Paire sortir les habitants de ces demeures et les placer ailleurs, a été souvent le seul moyeu d'éteindre les foyers les plus dangereux et d'enlever ainsi à l'épidémie son aliment. Nos épidémies suisses fournissent toute une série de preuves en faveur de ce procédé. A Baie, on avait fait sortir 210 personnes des maisons les plus infectées et les plus peuplées, et on les avait placées à la caserne du Klingenthal: aucune d'elles ne prit le choléra, et
quelques-unes seulement furent atteintes de diarrhées cholériques. A Aarau, le choléra sévissait plus fort qu'ailleurs dans la division des hommes de l'hospice des pauvres ; cette division ayant été évacuée dans un bâtiment auxiliaire situé plus haut, le choléra cessa immédiatement. A Zurich, même résultat après que les habitants du quartier du Niederdorf, qui était le plus éprouvé, ·eurent été transportés à la Tonhalle. Dans tous ces endroits, ou-

49 avait réussi à éteindre l'épidémie dans ses foyers les plus pernicieux.

Il est superflu d'expliquer encore, d'une façon plus détaillée pour le choléra déjà passé à l'état d'épidémie, les mesures prescrites aux articles 7 à 21 pour toutes les maladies épidémiques qui offrent un danger général.

Les sants effrayants de l'épidémie, le fait qu'elle éclate en même temps en différents endroits très-éloignés les uns des autres et quelques insuccès réels ou apparents aggravent, d'une manière extraordinaire, la tâche qui incombe à la police sanitaire. Cependant, quand on en est à ce point, comme lorsqu'on craint seulement qu'elle ne vienne, on parvient à circonscrire le mal quand on exécute, d'après un plan et avec une grande persistance, les mesures dont il est question. Elles n'empêcheront plus l'épidémie de se produire, c'est vrai ; elles ne l'empêcheront pas de suivre son cours qui est presque typique, mais -- et c'est là tout ce que nous pourrons conquérir dans cette phase du mal -- elles enlèveront au fléau beaucoup de victimes dont il se serait emparé si on ne les avait pas prises.

Cela ne nous empêchera pas, quand l'épidémie sera à son apogée, d'attacher le plus d'importance à tous les arrangements qui sont de nature à combattre la disposition individuelle et les premiers symptômes de la maladie, tout d'abord dans cette classe de la population dont la position sociale est telle que c'est à elle que le fléau demande le plus de victimes. Dans ce cas, le simple exercice de la police des aliments, relativement aux falsifications' dont ils pourraient avoir été l'objet et à leur état de conservation, devient tout à fait insuffisant. Quand le commerce et l'industrie sont arrêtés et que la misère des pauvres et des gens sans travail augmente de jour en jour, alors il s'agit de venir à leur aide en créant des sociétés de secours, en fondant des établissements de soupe, en pourvoyant à des soins médicaux gratuits, et en organisant des visites régulières à domicile. Celles-ci auront lieu de préférence dans les maisons les plus habitées, afin d'en faire disparaître les circonstances anti-hygiéniques et pour être à même d'intervenir dès le commencement des cas nouveaux de maladie.

Ces mesures (art. 36 a à d) seront toujours une des tâches les plus belles et les plus fructueuses des autorités, à la prudence
et à l'initiative desquelles le bien-être de la commune est confié.

L'art. 36, lettre e, demande, pour terminer, que l'on publie chaque jour le nombre de ceux qui sont tombés malades, celui des malades guéris et celui des décédés. Partout l'expérience nous a montré que jamais la consternation n'est aussi grande et que rien Feuille fédérale suisse. Année XXXII.

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n'est aussi propre à entretenir la peur et l'épouvante au sein de la population et d'augmenter en même temps ainsi la disposition à" contracter la maladie que l'incertitude sur la situation générale et sur le nombre des victimes que le fléau fait tous les jours.

Enfin, l'art. 37 du projet fait dépendre, tout au moins du Conseil fédéral, toute entrave au trafic ou à la circulation de commune à commune et de Canton à Canton. Après que la conférence sanitaire internationale de Vienne a déclaré que môme les mesures de séquestre à la frontière, qui entravent la circulation internationale, ne répondent pas au but et doivent être considérées comme pernicieuses, en ce sens que des entraves de cette nature font empirer la situation générale, sans empêcher l'invasion de l'épidémie -- la disposition de l'art. 37 va de soi.

L'épouvante toutefois est mauvaise conseillère. Plus d'une fois elle a, chez nous aussi, incité des autorités de commune, de district ou même de Canton à chercher une protection contre l'irruption de l'épidémie dans le séquestre prononcé contre les endroits infectés, dans la défense d'y mettre les pieds ou dans la défense de recevoir ceux qui fuient le choléra. L'utilité de pareilles mesures est toujours très-problématique ; peser tous les intérêts contradictoires qui peuvent être en jeu, est bien la tâche des autorités préposées au pays tout entier.

3. Typhus pétéchial et peste.

Pour ces maladies nous ne proposons pas d'autres mesures que celles que nous avons motivées pour la variole et le choléra. Toutes deux sont éminement contagieuses. Or, comme dans la variole, il n'y a aucun doute que le principe contagieux est adhérent au malade, que celui-ci le reproduit et que tout contact avec lui peut avoir pour conséquence l'infection immédiate. Aussi, quand une a de ces épidémies vient à éclater, il faut isoler avec soin, mettre la maison à ban et désinfecter en tout sens. Puis, en ce qui concerne la préservation et la protection contre la propagation, il faut appliquer les mesures d'hygiène prophylactique (art. 5) qui sont propres à augmenter en général la vitalité et la santé de la population et à combattre les dispositions individuelles à devenir malade. Dans les pays où ces maladies sont aujourd'hui encore fréquentes, de même qu'aux époques où elles sévissaient jusque dans le coeur de l'Europe avec une violence que rien ne diminuait, la pauvreté et la misère, la malpropreté et la saleté en ont le plus favorisé les ravages.

Tout ce que l'on peut faire à l'aide de l'hygiène publique, pour extirper ces plaies sociales, sera le meilleur préservatif que les ressources humaines puissent offrir contre ces épidémies.

51

Le danger que présentent ces deux maladies épidémiques exige que l'on donne au Conseil fédéral la compétence de pouvoir prendre encore d'autres mesures que celles reconnues utiles au moment de la promulgation de la loi et de pouvoir agir en corrélation avec la police sanitaire internationale. Depuis la peste d'Astracan, cette' dernière a été mieux organisée, elle a été vigoureusement soutenue par les Etats les plus .directement menacés, et elle a ouvert la voie à des enquêtes établies sur une base très-large sur l'origine et la propagation des épidémies.

4. Epidémies offrant momentanément un danger général.

Art. 39. A côté de ces épidémies universelles, qui, dès le premier pas, menacent directement le pays tout entier et n'épargnent aucun âge, aucune classe de la population, mais qui, après avoir fait leurs victimes, disparaissent complètement pour un temps plus ou moins long, il y a toute une série de maladies contagieuses, qui sont devenues endémiques chez nous. Elles ne sont pas toujours épidémiques; souvent, on n'en constate que ça et là des cas sporadiques. Là où les circonstances de temps et de lieu en favorisent le développement assez pour que cela donne une épidémie, elles font leur migration de maison en maison, infectent toute la localité, et passent souvent de l'une à l'autre, au fur et à mesure des pérégrinations du principe contagieux.

Mais ce qui les distingue de ces grandes épidémies universelles, c'est leur marche beaucoup plus lente, souvent interrompue, et le danger moindre qu'elles offrent. Tandis que, en ce qui concerne les premières, 40 à 50 °/0 des malades sont voués à la mort, le péril que ces dernières produisent varie d'après le caractère de l'épidémie ; toutefois, elles n'atteignent jamais les mêmes dimensions, même dans les circonstances les plus défavorables. Au nombre de ces épidémies il faut compter -avant tout celles qui menacent le jeune âge, la scarlatine, la diphthérie et la rougeole, puis le typhus et la dyssenterie.

Le projet les réunit dans l'art. 39 sous la rubrique des épidémies pour lesquelles les dispositions à prendre sont du ressort des autorités cantonales. Le choix des moyens leur est abandonné dans les limites tracées par cette loi; il sera déterminé par l'espèce de la maladie et par sa tendance à se répandre.

Il faudra donc tenir compte du plus ou moins grand degré de contagiosité, car elle est loin d'être la même pour toutes. Ainsi, il faut traiter les exanthèmes des enfants et la diphthérie autrement que le typhus. Là, le principe contagieux adhère au malade et à

52 tout ce qui a été en contact avec lui. Ici, dans le typhus, la transformation du germe de la maladie en un principe contagieux paraît dépendre, comme dans le choléra, de conditions de temps et de lieu indépendantes du corps humain ; c'est ainsi que l'on a constaté chez nous et ailleurs, d'une façon très-exacte, que le virus contagieux est transporté par l'eau à boire. On soupçonnait aussi que ce virus pouvait être propagé par les viandes alimentaires; depuis l'empoisonnement en masse de Kloten, il ne saurait plus y avoir de doutes à cet égard. Il est, par conséquent, indispensable de surveiller plus sévèrement les fontaines et de faire plus exactement le contrôle de la viande de boucherie.

Il en est de môme de la dyssenterie, qui, heureusement, est devenue très-rare chez nous. Des facteurs de temps et de lieu et les circonstances sociales jouent, pour cette maladie aussi, un rôle prédisposant.

Si donc c'est à l'autorité cantonale qu'il appartient de peser les circonstances et de décider comment on procédera, en revanche, le projet lui indique cependant, dans une direction, la voie qu'elle doit suivre. Avant tout, elle^ doit veiller à ce que les maladies épidémiques des enfants ne soient pas propagées par l'école publique.

Celle-ci ne doit pas être transformée en un foyer d'infection qui menace la vie et la santé des enfants astreints à fréquenter l'école.

Cela arrive malheureusement très-souvent. C'est de l'école que les enfants rapportent la scarlatine, la diphthérie et la rougeole, qui infectent des familles et des localités tout entières : l'expérience des dernières années nous en fournit' des preuves nombreuses.

C'est sous cette impression qu'un certain nombre de Cantons 59) ont pris, les uns tout récemment encore, surtout contre la propagation de l'ennemi le plus dangereux de l'enfance, contre la scarlatine, des mesures consistant à isoler les enfants malades, à exclure temporairement même leurs frères et soeurs de l'école, et, quand cela est nécessaire, à fermer l'école pour quelque temps. La fréquentation de l'école étant obligatoire, il faudra étendre cette prescription à toute la Suisse.

On y ajoute beaucoup d'importance dans le monde médical ; nous en avons une preuve dans la pétition de la Société centrale des médecins au Département fédéral de l'Intérieur, du 30 octobre de
cette année, par laquelle elle demande que la scarlatine soit rangée parmi les maladies offrant un danger général.

Faut-il mettre en mouvement tout l'appareil de la police sanitaire contre une maladie à laquelle ce qui manque n'est pas la 59 ) Zurich, Berne, Uri, Glaris, Baie-Ville, Schaffhouse, Grisons, St-Gall, Thurgovie, Valais et Neuchâtel.

53 malignité, mais le caractère de l'explosion soudaine, ainsi que la concentration sur un point et dans un moment donnés, pour en faire une épidémie réelle justifiant des mesures importunes ? Dans sa majorité, la Commission sanitaire fédérale ne l'a pas pensé. Elle craignait que cette maladie étant journalière et par conséquent moins redoutée, la sévérité de la loi fédérale no s'y émoussât et que ce ne soit le commencement d'une application relâchée de la loi. La scarlatine est donc restée à l'art. 39, mais au moins dans l'espoir que, en présence de cette importante endémie', le peuple suisse acceptera que1 l'on fasse une statistique de cette maladie au moins aussi volontiers qu'il accepte la statistique de l'épizootie la moins dangereuse.

Quant aux mesures à prendre par l'autorité cantonale contre la scarlatine, elles dépendent, pour cette maladie comme pour d'autres, de son intensité locale et temporaire et de sa malignité.

Nous retrouvons pour la diphthérie la même mortalité que pour la scarlatine, comme nous l'avons déjà vu plus haut. Dans d'autres pays, le chiffre de la mortalité est encore plus défavorable.

C'est ainsi qu'en Prusse, sur 10,000 âmes de la population, il -en est mort de la scarlatine.

de la diphthérie et du croup, en 1875 9,07 31,61 » 1876 10,08 32,70 » 1877 15,54 32,90 En France aussi, la diphthérie se répand de plus en plus; depuis 1873, elle y est devenue la maladie épidémique la plus fréquente après le typhus.

En Perse, la diphthérie a fait en 1876 et en 1877 parmi les enfants et parmi les adolescents, dans les villes et les villages et môme dans les tribus nomades, des ravages immenses.

Si, pour répondre à la question de savoir si telle ou telle maladie épidémique existant dans le pays doit être comptée parmi celles qui offrent un danger général et traitée en conséquence, la mortalité seule donnait l'appoint, il n'est pas de doute que la diphthérie aurait la priorité sur toutes les autres, d'autant plus qu'elle compromet, beaucoup plus que la scarlatine, la vie des personnes sorties de l'enfance.

54

IV. Frais.

(Art. 40.)

La proposition de faire participer la Confédération aux frais que l'exécution de la loi occasionnera aux Cantons n'a pas besoin d'être longuement motivée.

Pour cette participation, on ne fora entrer en ligne de compte que les épidémies offrant un danger général, pour lesquelles la loi reçoit sa pleine et entière exécution.

Des dispositions prises par un Canton pour empêcher qu'une épidémie n'éclate, de l'action rapide et énergique de ses autorités dès les premiers cas, dépend le salut, non pas seulement de sa propre population, mais peut-être du pays entier.

Parmi les plus importantes et les plus coûteuses de ces dispositions, il faut ranger la création de locaux d'isolement et d'évacuation. Là où ils existent, là où rien n'empêche d'y transporter immédiatement, dans les uns, ceux des habitants d'une maison qui sont tombés malades, dans les autres, ceux qui sont restés bien portants, on peut avoir bon espoir de maîtriser l'épidémie et de préserver le peuple d'une grande calamité. Nous croyons, par conséquent, qu'il est juste de faire participer la Confédération, pour un tiers au moins, aux frais occasionnés par l'organisation et l'existence de ces locaux. Les deux-tiers de la dépense resteraient au Canton, et ce ne serait qu'équitable, puisque le Canton a un haut intérêt à se prémunir contre le danger qui le menace en première ligne. Il en est ainsi pour le choléra, la peste et le typhus pétéchial, mais il en est autrement pour la variole. Ici, c'est surtout la vaccination qui doit préserver le Canton et le pays entier des dangers de la variole. Plus la vaccination est générale, et plus on peut se passer de locaux d'isolement et d'évacuation et éviter les frais qui en résultent. On ne pourra pas s'en passer entièrement aussi longtemps que nous renoncerons à une revaccination obligatoire et aussi longtemps qu'aucun remède humain ne pourra donner une absolue sécurité. Nous avons entouré la vaccination de précautions bien déterminées et qui remplissent leur but de préserver l'enfant à vacciner d'une infection syphilitique. La première de ces précautions est de vacciner avec de la lymphe animale. Des établissements de vaccination, établis dans ce but, existent déjà dans quelques Cantons (Baie, St-Gall et Schaffhouse). D'autres travaillent à les créer. Plus ils deviendront nombreux, plus ils se répandront dans tous les Cantons, et plus aussi il sera possible de répondre à toutes les exigences.

55 . Or, la Confédération a un grand intérêt à participer aux frais des1 établissements dont le but est de créer du vaccin animal, car, quand la variole fait irruption, c'est un danger pour la partie nonvaccinée de la population du pays entier.

En ce qui concerne les autres frais résultant des mesures de salubrité prescrites, le projet en abandonne la répartition entre les individus, les familles, les communes et le Canton lui-même à l'autorité cantonale, ce qui est très-èqui table, puisque l'organisation et l'administration du service sanitaire public sont remises entre ses mains.

En nous basant sur les développements ci-dessus, nous avons l'honneur de vous recommander l'adoption du projet de loi ci-après, et nous saisissons cette occasion, Monsieur le Président et Messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre considération distinguée.

Berne, le 18 décembre 1879.

1

Au nom du Conseil fédéral suisse, Le Président de la Confédération: HAMMER.

Le Chancelier de la Confédération: SOHIBSS.

56

Projet.

Loi fédérale concernant

les dispositions et les mesures préventives et effectives contre les épidémies qui offrent un danger général.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la

C O N F É D É R A T I O N SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 18 décembre 1879; o en exécution de l'art. 69 de la Constitution fédérale, arrête : er

Art. 1 . Les maladies épidémiques qui offrent un danger général (art. 69 de la Constitution fédérale) et auxquelles la présente loi est applicable sont la variole, le choléra asiatique, le typhus pétéchial et la peste.

Le Conseil fédéral peut en étendre l'application à d'autres maladies épidémiqnes, telles que le typhus (fièvre typhoïde ou nerveuse), la scarlatine, la diphthérie (croup), la rougeole, lorsque leur extension ou leur intensité vient à l'exiger.

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T. Organisation.

Art. 2. La police générale des épidémies forme un office du Département fédéral de l'Intérieur. Celui-ci correspond directement avec les autorités sanitaires supérieures des Cantons pour le courant des affaires.

Le Conseil fédéral surveille l'exécution de la loi et prend les mesures nécessaires pour assurer une communauté d'action indispensable. En cas d'épidémie d'un danger menaçant, il est autorisé à désigner des commissaires et à les munir des pouvoirs nécessaires.

Le Département de l'Intérieur est assisté de la Commission sanitaire, qui a voix consultative. Celle-ci préavise sur les mesures à prendre et sur les ordonnances et décrets principaux à édicter pour l'application de la loi ; elle surveille l'état de la santé publique en ce qui concerne l'apparition des épidémies, provoque l'étude des questions spéciales qui peuvent surgir et propose chaque fois les mesures exécutoires.

Art. 3. L'exécution de la loi est du ressort des Cantons.

Ils ont à pourvoir, au moyen d'une organisation convenable de leur service sanitaire public, à ce que toute apparition extraordinaire et toute · modification essentielle dans l'état de la santé publique soient rapidement et sûrement portées à la connaissance des autorités sanitaires du Canton, et par celles-ci à celles de la Confédération ; à ce que les mesures préventives générales contre les épidémies soient partout, constamment et également, mises à exécution ; à ce que les dispositions spéciales que la loi ordonne en cas de simple menace ou d'irruption réelle d'épidémies graves soient partout exécutées sans retard et d'une manière complète.

A cet effet, les lois et ordonnances cantonales à rendre, pour autant qu'elles n'existent pas encore, doivent être adoptées élans l'espace d'une année et soumises à l'approbation

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du Conseil fédéral. Celui-ci a le droit, après les avoir transmises à sa Commission sanitaire, d'exiger les modifications et les adjonctions qu'il estime nécessaires pour assurer l'exécution de la loi.

Art. 4. La police de santé militaire, de même que toutes les mesures qui servent à protéger l'armée contre les épidémies, est sous la dépendance immédiate du Conseil fédéral et .des autorités qu'il désigne à cet effet.

L'autorité sanitaire militaire est tenue d'informer l'autorité sanitaire cantonale aussitôt qu'une maladie épidémique fait irruption dans un corps de troupes en service.

II. Dispositions générales.

A. Mesures préventives.

Art. 5. Il sera exercé une surveillance sur la propreté des routes, des rues, des places publiques et du sous-sol des lieux habités, sur l'écoulement régulier des eaux stagnantes, sur l'enlèvement des matières putrescibles, sur la pureté des eaux et de l'air, et sur la bonne qualité des substances alimentaires.

'·>.

A l'approche d'une épidémie grave, toutes ces mesures seront redoublées, et, si le danger est menaçant, cette surveillance s'étendra à l'intérieur des maisons.

On se pourvoira à temps de matières désinfectantes, de locaux convenables pour l'isolement et du nécessaire pour l'entretien et le traitement médical gratuits des malades pauvres. Suivant les circonstances, le public sera averti du danger et rendu attentif aux précautions générales et personnelles à observer. Le Conseil fédéral donne des instructions spéciales au personnel des chemins de fer et des postes, sur les mesures à prendre pour être rapidement informé de l'introduction d'une épidémie par les voyageurs et pour combattre l'infection.

59

B. Mesures à prendre à l'origine et au cours des épidémies.

a. Eapport obligatoire.

Art. 6. Le médecin doit sans -retard donner avis, à l'autorité sanitaire dont il relève, de chaque cas de maladie qui lui survient et qui rentre dans l'art. 1er. Il doit, en même temps, porter le cas à la connaissance de l'autorité locale. Dans les Cantons où la pratique médicale est libre, toutes les personnes qui soignent des malades sont soumises à ces mêmes règles.

Les établissements hospitaliers devront de même annoncer à l'autorité sanitaire la réception, dans leurs salles, de chaque cas de'l'une des maladies précitées.

Pour les malades qui ne reçoivent pas de traitement médical, le chef de famille ou de maison a le devoir de les dénoncer à ^l'autorité locale.

Celle-ci doit, sans aucun retard, en informer l'autorité sanitaire et prendre en attendant les mesures nécessaires.

b. Séquestration.

Art. 7. Le malade doit être séparé des membres bien portants de sa famille et placé dans un local convenable, éclairé et aéré, où il n'aura de contact qu'avec les personnes spécialement chargées de le soigner.

Ces dernières doivent éviter autant que possible tout, rapport avec les autres habitants de la maison et ne pas sortir de la maison sans une autorisation officielle.

De même, il n'est pas permis, aux malades dont l'état ne réclame plus de soins spéciaux, de quitter leur chambre ou d'avoir des relations avec les gens de la maison ou du dehors.

Art. 8. Il est interdit aux malades de se servir des voitures et autres moyens publics de transport.

60

' Lorsque des personnes voyageant par diligences, chemins de fer, bateaux à vapeur ou autres moyens publics de transport tombent malades, elles doivent, aussitôt que la maladie est reconnue, être isolées et descendues à la station la plus rapprochée dans le voisinage de laquelle se trouve une infirmerie. Elles y seront internées et ne seront autorisées à retourner chez elles ou à continuer leur voyage, sous la responsabilité de l'autorité locale, que lorsque, sur l'avis du médecin, le danger de la contagion sera cc/mplètement dissipé.

Art. 9. Il est interdit de transporter des malades, si ce n'est pour les transférer dans un local de séquestration.

Cependant, dans des circonstances particulières et avec l'approbation du médecin, l'autorité locale peut permettre le transfert dans une autre habitation de la même commune.

Lorsqu'une épidémie sévit en quelque endroit à l'époque des termes de location, l'autorité cantonale peut décréter un prolongement des baux jusqu'à l'extinction du plus grand danger.

Art. 10. Les relations entre les habitants d'une maison où se trouve un malade et les personnes du dehors doivent être aussi restreintes que possibles.

Ces habitants ne doivent pas quitter la maison avant d'avoir été préalablement soumis à une désinfection. 11 leur est absolument interdit de se rendre à l'église, à l'école, dans les établissements publics ou dans des réunions publiques. Ils ne peuvent se rendre à la fabrique ou à l'atelier qu'ensuite d'une autorisation officielle.

L'autorité locale pourvoit à l'entretien des séquestrés, pour autant que leurs moyens ou la charité publique n'y ont pas déjà pourvu.

Art. 11. L'entrée de la maison infectée est interdite à toute personne non munie d'une autorisation officielle.

La porte doit en être tenue fermée. L'autorité compétente peut y faire appliquer un écriteau portant le nom de

61 la maladie, avec défense d'entrer sous peine d'amende, et prendre les dispositions nécessaires contre l'enlèvement volontaire de cet écriteau.

Art. 12. Dans une maison habitée par plusieurs familles, les mesures restrictives indiquées aux art. 10 et 11 peuvent, avec l'assentiment de l'autorité sanitaire compétente , être limitées au domicile du malade, si ce domicile est isolé d'une manière parfaitement sûre.

En aucun cas, il ne pourra se tenir d'école dans une maison infectée. Sans autorisation officielle, on ne pourra y exploiter ni auberges, ni cafés, ni autres établissements qui, par leur nature, impliquent une circulation active.

Art. 13. La séquestration du malade, de même que les mesures restrictives indiquées aux art. 10 à 12, durera jusqu'à la guérison attestée par certificat de médecin, ou, en cas de mort, jusqu'après l'inhumation.

Avant l'ouverture du séquestre, tout comme après le transfert du malade dans un local d'isolement, on doit procéder en tout cas à une complète désinfection de la maison ou du domicile du malade.

Art. 14. Lorsqu'un malade ne peut pas être suffisamment isolé, l'autorité compétente peut le faire transporter dans un local d'isolement spécial, pour autant que son état, constaté par attestation médicale, le permet.

Art. 15. Dans les localités où une> épidémie grave a éclaté, l'autorité locale fermera les écoles, en cas d'urgence, sur le préavis du médecin. En outre, elle pourra, suivant les circonstances, interdire les assemblées publiques, les fêtes patronales ou autres et les foires, ou les faire cesser avant le moment fixé.

c. Dispositions relatives aux décédés.Art. 16. Le corps d'une personne morte par suite d'une des maladies mentionnées à l'art. 1er sera placé dans un cercueil goudronné, avec les vêtements qu'elle portait au mo-

62

ment de sa mort, et traité par les désinfectants appropriés.

Le cercueil sera fermé hermétiquement.

Lorsque la manière dont la maison est habitée ou d'autres circonstances l'exigent, le corps sera transporté hors de la maison, dans un local isolé.

Art. 17. Le corps doit toujours être enterré au cimetière de la commune ou de l'établissement où la mort a eu lieu.

Le transport des corps dans d'autres habitations ou dans d'autres communes est interdit.

Les corps des personnes décédées à l'hôpital ne peuvent donc pas être rendus à leurs parents.

De même, l'entrée en Suisse et le transit de cadavres venant de pays infectés sont interdits.

Art. 18. L'enterrement d'une personne qui, d'après le certificat médical, a succombé à l'une des maladies infectieuses de l'art. 1er, doit avoir lieu aussitôt que possible, cependant pas moins de 12 heures après la mort.

Dans les mois d'été, on y procédera le matin de bonne heure ou le soir tard.

Il est interdit aux personnes qui accompagnent le cercueil de pénétrer dans la maison infectée, et à celles qui ont été en contact avec le malade de prendre part au convoi.

. d.

Désinfection.

Art. 19. Pour chaque cas de maladie, toutes les personnes et tous les objets qui ont été en contact avec le malade ou avec le décédé doivent être dûment désinfectés.

La maison ou le domicile doit également l'être, soit après la guérison soit après la mort.

En conséquence, les médecins, les ecclésiastiques, les infirmiers et les garde-malades, de môme que les habitants de la maison ou du domicile, doivent être soumis à une désinfection avant de quitter la maison ou le domicile.

63

La désinfection des lits, des vêtements, des linges, de la chambre, des ustensiles, de la maison entière ou du domicile, de même que celle des voitures qui ont servi au transport d'un malade ou d'un mort, a lieu sur l'ordonnance et sous la responsabilité de l'autorité locale, conformément aux instructions qui seront édictées par le Conseil fédéral, sur le préavis de la Commission sanitaire.

Art. 20. Les vêtements, linges, etc., qui ne valent pas les frais de désinfection, et ceux dont l'usage ultérieur offrirait un danger de contamination pour l'avenir, peuvent êtrç, détruits sur l'ordre de l'autorité. Le propriétaire aura, toutefois, droit à une indemnité, ensuite d'une estimation officielle.

Art. 21. Les objets qui ont été en contact avec le malade ou le décédé ne peuvent être enlevés, vendus, donnés ni utilisés, sans avoir été préalablement soumis à une désinfection complète.

Le trafic des vieux linges, vêtements, bardes ou chiffons est interdit dans toute commune où règne une épidémie grave.

Cette interdiction sera maintenue tant que l'autorité sanitaire n'aura pas déclaré tout danger d'extension disparu.

Le Conseil fédéral peut étendre à un ou plusieurs Cantons l'interdiction du trafic des vieux vêtements, chiffons, etc. De même, en cas de danger, il peut interdire l'importation en Suisse des mêmes objets, tout comme de toute autre marchandise facilitant la transmission des virus.

Les industries et les fabriques où ces objets sont employés ou travaillés, ainsi que celles où les vêtements sont blanchis ou lessivés, seront surveillées par la police sanitaire.

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HT. Dispositions spéciales.

1. Variole.

A. Mesures préventives.

Art. 22. Tout enfant né en Suisse ou y séjournant doit être vacciné, au plus tard dans le délai de 2 ans à partir du 1er janvier qui suit la naissance. Il doit en être délivré un certificat médical. On enfant qui, à cause de l'état de sa · santé, n'aurait pu être vacciné pendant ce laps de temps devra l'être dans le courant de l'année suivante.

Art. 23. Aucun enfant ne peut, sans un certificat médical constatant qu'il s'est soumis à l'obligation de la vaccine, être admis à fréquenter une école publique ou privée.

Art. 24. On pourvoira à ce que ceux qui doivent être vaccinés, ou qui se présentent pour être revaccinés, puissent l'être gratuitement.

Il sera créé des établissements de vaccine, qui délivreront aux médecins vaccinateurs, sous surveillance officielle et gratuitement, de la lymphe animale ou humanisée.

Art. 25. Il est du devoir des médecins vaccinateurs d'apporter le plus grand soin dans l'emploi des enfants vaccinifères, comme, en général, dans tous leurs devoirs de vaccinateurs. Ils sont responsables des suites de leur négligence éventuelle.

Les enfants vaccinifères doivent être âgés d'au moins six mojs.

Les parents et les tuteurs ' peuvent exiger que l'enfant soit vacciné avec de la lymphe animale ; ils sont libres de' faire vacciner leurs enfants par le médecin chargé des vaccinations publiques ou par celui de leur famille.

Art. 26. Sur le préavis de la Commission sanitaire, le Conseil fédéral édictera un règlement spécial sur la vaccine.

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B. Mesures au début et au cours de l'épidémie.

Art. 27. Lorsque la variole ou la varioloïde fait son apparition dans un Canton, tous les médecins -- publics ou privés -- doivent accélérer le plus possible les vaccinations et revaccinations.

Art. 28. Dans toute maison infectée, toutes les 'personnes non vaccinées doivent Tètre immédiatement, et toutes celles déjà vaccinées, qui ont plus de dix ans et qui n'ont pas été variolées ou revaccinées avec succès dans les dix dernières années, doivent être revaccinées.

En outre, la vaccination doit être pratiquée sur tous les sujets non vaccinés du voisinage.

Si la variole prend une forte extension dans une commune, l'autorité sanitaire cantonale peut rendre obligatoire la vaccination et la revaccination de tous les habitants qui tombent sous le coup du premier alinéa ; elle peut de môme exiger la revaccination de tous les ouvriers d'une fabrique ou d'un atelier où la variole a éclaté.

Art. 29. Relativement au rapport obligatoire, à la séquestration et aux dispositions concernant les décédés et la désinfection, on appliquera les mesures énumérées aux articles 6 à 21, avec les adjonctions suivantes : a. En temps de variole ou lorsque la maladie affecte des personnes ayant dépassé la période de l'enfance, l'omission de la dénonciation, soit de la part du médecin, soit encore, lorsque des cas de variole se sont déjà présentés dans la commune, de la part du chef de famille, ne peut trouver d'excuse dans une confusion supposée de la variole vraie ou modifiée (variole ou varioloïde) avec la varicelle.

b. Pour que l'isolement du malade soit effectif, celui-ci ne doit être soigné que par une personne déjà variolée ou revaccinée. Cette personne évitera tout contact avec les gens de la maison, et il lui est interdit d'en sortir tant que durent ses soins.

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c. Pour le transport des malades ou des décédés, on ne peut employer que des personnes variolées ou revac' cinées.

d. Les cadavres seront, autant que possible, transportés au cimetière ou à la morgue par voiture et non par porteurs.

2. Choléra asiatique.

A. Mesures préventives.

Art. 30. A l'approche du choléra, dans les Cantons les plus exposés, les lieux d'aisance des chemins de fer, postes et hôtels seront tous les jours désinfectés, sous le contrôle de l'autorité.

Art. 31. .Dans les communes populeuses et surtout dans les villes directement menacées, tous les lieux d'aisance, môme ceux des maisons particulières, et tous les canaux d'égoûts doivent être soumis à une désinfection complète (art. 19) par les employés de l'autorité locale ; les fosses d'aisance remplies doivent être curées à temps et avec les précautions nécessaires.

Art. 32. Ces communes devront, de plus, s'assurer, pour y placer les personnes qui doivent être éloignées de la maison infectée (art. 34, 2e alinéa), d'un local qui puisse être occupé dans les 24 heures, et se pourvoir d'un personnel ^officiel de désinfecteurs, d'infirmiers et d'enterreurs.

Art. 33.. Dans les communes, les puits et les sources dont la pureté de l'eau serait suspecte seront examinés et temporairement condamnés, si cela est nécessaire.

B. Mesures au début de l'épidémie.

Art. 34. Aussitôt qu'un cas de choléra sera parvenu à la connaissance de l'autorité, le malade sera immédiatement transporté, avec son infirmier, dans un local séparé et isolé.

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Sur l'ordre de l'autorité, la maison infectée peut être immédiatement évacuée de ses habitants en santé. Dans ce cas, ceux-ci n'y rentreront pas avant sa complète désinfection.

Les habitants de la maison évacuée seront, .pendant 8 jours, soumis à une surveillance médicale et visités chaque jour par un médecin. En ce qui concerne leurs rapports avec le dehors, on appliquera l'art. 10.

Par exception, un malade peut être soigné chez lui sur la demande de sa famille. Toutefois, les personnes nécessaires à ses soins peuvent seules séjourner dans la maison.

Les latrines en seront temporairement condamnées, et les déjections du malade seront désinfectées et portées en terre.

C. Mesures en cas d'extension de la maladie.

Art. 35. Si les mesures indiquées à l'art. 34 n'ont pas suffi pour arrêter l'épidémie à son début, il sera fait une application immédiate des dispositions indiquées aux art. 7 à 21 relatives à l'isolement, à la séquestration et au transport des malades, aux corps des décédés et à la désinfection.

Le désinfection des latrines, des fosses d'aisance et de tout autre accumulation de matières putrescibles sera soumise à une attention toute spéciale. Pendant la durée d'une épidémie, toutes les latrines des maisons infectées doivent être autant que possible temporairement condamnées.

Art. 36. De plus, on pourvpira: «. à une surveillance active des substances alimentaires, en particulier de la viande, des fruits, des légumes, de la bière, du cidre et du vin ; 1). à la création de bureaux alimentaires pour la distribution de subsistances aux personnes pauvres et sans travail, ainsi qu'à la distribution gratuite de médicaments aux indigents; c. à l'installation de bureaux de secours, où se trouvera, · jour et nuit, un médecin pourvu des remèdes et objets nécessaires ;

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d. à une inspection médicale régulière des maisons surchargées d'habitants; e. à la publication quotidienne du nombre des malades nouveaux, des guéris et des morts, et, pour les localités populeuses, avec indication des quartiers.

Art. 37. Il ne peut être apporté aucune entrave au trafic et aux relations entre Cantons on entre communes, sans le consentement du Conseil fédéral.

3. Typhus pétéchial et peste.

Art. 38. Au début du typhus pétéchial ou de la peste, on appliquera, outre les prescriptions générales indiquées aux art. 7 & 21, celles qui sont relatives à l'isolement et à l'évacuation (art. 34) et celles qui concernent les devoirs des autorités locales (art. 32, 36 et 37), sans préjudice des mesures spéciales que le Conseil fédéral pourra prendre en vertu de l'art. 3.

4. Epidémies offrant momentanément un danger général.

Art. 39. Pour la scarlatine, la diphthérie, le typhus, la dyssenterie, de même que pour les épidémies de rougeole maligne, les autorités cantonales pourront appliquer les dispositions indiquées aux articles 6 à 13, 16, 20, 34 et 36, lettre e, concernant la dénonciation, l'isolement, la désinfection, lorsque les circonstances de temps ou de lieu leur sembleront l'exiger. Elles apporteront un soin particulier, en vertu des articles 1 à 10, à ce que les maladies épidémiques de l'enfance ne se propagent pas par les écoles, les visites de malades et les cérémonies mortuaires.

IV. Frais.

Art. 40. La Confédération bonifie aux Cantons le tiers des dépenses justifiées, causées par l'installation des locaux

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d'isolement extraordinaires pour le choléra asiatique, la peste et le typhus pétéchial. Ue plus, elle se charge d'une partie des frais qui incombent aux Cantons pour la création et l'exploitation des établissements qui produisent de la lymphe : animale.

Du reste, les Cantons décident de l'emploi des fonds appliqués aux mesures sanitaires prescrites et veillent à ce que les secours soient prêts partout où il s'agit de prendre des mesures protectrices.

"V-. Clanses pénales.

Art. 41. En cas de négligence ou d'omission des prescriptions relatives au rapport obligatoire (art. 6), on appliquera une amende de 10 à 500 francs, suivant la gravité du cas et l'importance de l'épidémie.

En cas de négligence ou d'omission des mesures prescrites dans la loi ou dans les ordonnances des autorités compétentes, on pourra appliquer une pénalité de 10 à 1000 francs, pour autant que les lois cantonales n'en ordonnent pas une plus forte. En cas de récidive, l'amende peut ótre doublée.

Art. 42. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874 concernant la vocation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi et de fixer l'époque où elle entrera en vigueur.

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Loi fédérale concernant

la fabrication des allumettes phosphoriqu.es.

(Du 23 décembre 1879.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉR ATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 21 novembre 1879; vu les articles 31, lettre c, et 34 de la Constitution fédérale, décrète : Art. 1er. La fabrication, l'importation et la vente des allumettes ordinaires et des allumettes-bougies au phosphore jaune sont interdites.

L'interdiction de la fabrication et de l'importation partira du 1er janvier 1881 ; celle de la vente, du 1er juillet 1881.

La fabrication des allumettes de ce genre est punie, conformément à l'article 19 de la loi fédérale sur le travail dans les fabriques, d'une amende de 5 à 500 francs ; en cas de récidive, les tribunaux peuvent, indépendamment de l'amende, condamner le contrevenant à un emprisonnement allant au maximum à 3 mois.

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L'introduction ou la vente de ces allumettes est punie d'une amende de 5 à 100 francs.

Les allumettes fabriquées, introduites ou destinées à la vente seront détruites.

Art. 2. Le Conseil fédéral adoptera, pour la fabrication des allumettes, un règlement renfermant les conditions auxquelles on pourra fabriquer les allumettes sans phosphore ou celles au phosphore rouge.

Art. 3. Le Conseil fédéral est chargé, conformément aux dispositions de la loi fédérale du 17 juin 1874, concernant la votation populaire sur les lois et arrêtés fédéraux, de publier la présente loi.

Ainsi décrété par le Conseil national, Berne, le 20 décembre 1879.

Le Président: KUNZLI.

Le Secrétaire : SOHIKSS.

Ainsi décrété par le Conseil des Etats, Berne, le 23 décembre 1879.

Le vice-Président: SAHLI.

Le Secrétaire : GISI.

NOTE. Date de la publication : 3 janvier 1880.

Délai d'opposition : 2 avril 1880.

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Extrait des délibérations du Conseil fédéral.

(Du 27 décembre 1879.)

Le Conseil fédéral a libéré du service militaire les officiers dont les noms suivent:

Infanterie.

MM. Amstutz, Jean, à Berne, colonel.

Fierz, Hermann, à Küssnacht (Zurich), lieutenant-colonel.

Signer, Jean-Jacques, à Hérisau, lieutenant-colonel.

Spengler, Jules, à Orbe (Vaud), . Syfrig, Arnold, à Mettmenstetten (Zumajors rich), Brunner, Ferdinand, à Lucerne, Cavalerie.

MM. Couvreu, Aloïs, à Corsier (Vaud), major.

Truttmann, Aloïs, à Küssnacht (Schwyz), capitaine.

Lcliger, Gerold, à Mönchenstein (Baie-Campagne), capitaine.

Merian, Albert, à Baie.

Artillerie.

MM. Sarasin, Georges, à la Tour-de-Balessert (Genève), lieutenant-colonel.

Rochaz, Eugène, à Orbe (Vaud), lieutenant-colonel.

Bleuler, Gustave, à Uster (Zurich), major.

Adam, Paul, à Âarau, capitaine.

Gueisbühler, Adolphe, à Serrières (Neuchâtel), capitaine.

Génie.

MM. Stanz, Rodolphe, à Aarau, capitaine.

Largin, Frédéric, à Lucerne, capitaine.

?a Troupes sanitaires.

a. Médecins.

MM. Schnyder, Henri, à Pegli près Gênes, colonel.

Lorenz, Paul, à Coire, lieutenant-colonel.

Christener, Adolphe, à Berne, maior.

Maunoir, Paul, à Genève, Brugisser, Antoine, à Wohlen (Argovie), Good, Edouard, à Mels (St-Gall, Scherrer, Jean, à Ebnat (St-Gall), Möhrlen, Jonathan, à Orbe (Vaud), Kevilliod, Léonard, à Genève, Schindler, Conrad, à Mollis (Glaris), Schwarzlin. Auguste, à Porrentruy, Meyer, Joseph, à Willisau (Lucerne), Martin, Jean, à Pratteln (Bâle-Camcapitaines.

pagne), Baur, Arnold, à Sarmenstorf (Argovie), Barth, Adolphe, à Bremgarten (Argovie), Kessler, Hermann, à St-Gall, Bärlocher, Fintan, à Kirchberg (StGall), Pozzi, Agostino, à Quinto (Tessin), Gujoni, Salvatore, à Lugano, Eossier, Henri-Auguste, à Vevey, Gobbi, Luigi, à Airolo (Tessin), premier-lieutenant.

, b. Pharmacien.

M. Müller, Wilhelm, à Zurich, premier-lieutenant.

c. Vétérinaires.

MM. Meyer, Jean, à Bremgarten (Argovie), major.

Paganini, Giuseppe, à Bellinzone, major.

Grossenbacher, Jean, à Thoune, capitaine.

Brauchli, Jacques, à Wigoltingen (Thurgovie), capitaine.

Troupes d'administration.

MM. Deggeler, Charles, à Schaffhouse, lieutenant-colonel.

Gyr, Bénédict, à Einsiedeln (Schwyz), Regli, Jacques, à Berne, capitaines.

Hirt, Joseph, à Soleure,

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MM. Aider, Edouard, à Genève, König, Albert, à Berne, Gattabin, Joseph, à Lausanne, capitaines.

Hohl, Robert, à Hérisau, Dändliker, Arnold, à Fribourg, Meyer, Conrad, à Zurich, Bürcher, Ferdinand, à Brigue (Valais), premier-lieutenant.

Pottier, Ladislas, à Monthey (Valais), lieutenant.

Hediger, François, à Schwyz, lieutenant.

Secrétaires d'état-major.

MM. Eichard, Ferdinand, au Locle, Blösch, Edouard, à Berne, Nicati, Adrien, à Versoix (Genève), adjud.-sous-officiers.

de Rameru, Auguste, à Aigle (Vaud), Beretta, Salvatore, à Lugano,

Ont été transférés dans la landwehr:

Cavalerie.

M. Alexander, Jean, à Fideris (Grisons), capitaine.

Artillerie.

MM. Brandt, Louis, à St-Imier (Berne), capitaine.

Rämann, Jacques, à Meilen (Zurich), > Haldenwang, Fritz, à Neuchâtel, Tavernier, Etienne, à Martigny-Bourg premiers-lieutenants.

(Valais), Fäsch, Fritz, à Baie, Meyer, Joseph, à Heitenried (Fribourg), 1 Brugger, Henri, à Davos (Grisons), > lieutenants.

Angst, Henri, à Zurich, j Génie.

MM. Grossmann, Eugène, à Lucerne, capitaine.

Bettschardt, Joseph, à Schwyz, capitaine.

Müller, Arnold, à Aarau, lieutenant.

75

Troupes sanitaires.

a. Médecins.

MM. Grob, Jean-Jacques, à Flawyl (St-Gall),\ Guisan, Ernest, à Mézières (vaud), Arni, Alexandre, à Bibern, von Ins, Frédéric, à Münsingen (Berne), Porte, Louis, à Genève.

Guhl, Edouard, à Steckborn (Thurgovie), Larguier, Jacques, à Lausanne, Meyer, Rodolphe, à Zurich, « Picot, Constant, à Genève, Guibert, Emile, à Concise (Vaud), Sidler, François, à Zoug, Wittmer, Georges, à Granges (Soleure), \ Irmiger, Gustave, à Küssnacht (Zurich), / Schupbach, Pierre, à Oberdiessbach (Berne), , Vontobel, Hans, à Höngg (Zurich), Dahinden, Isidore, àEttiswyl (Lucerne), Tatti, Quii-ino, à Quinto (Tessin), Lötscher, Jean, à Romanshorn (Thurgovie), Durrer, Jean, à Wattenwyl (Berne), Bossi, Jean-Jacques, à Schweiningen (Grisons), » » dtllUltu ,

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capitaines.

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leure), Frölich, Hans, à Weesen (St-Gall), Krönlein, Ulrich, à Berlin, Escher, Théodore, à Trieste, Hess, Edouard, au Caire,

/ premiers-lieutenants.

b. Vétérinaires.

MM. Michaud, Auguste, à Montet (Vaud), capitaine.

Lugmbuhl, Théophile, a la (Jhaux -deFonds, Steiner, Rodolphe, à Durrenäsch (Arpremiers-lieutenants.

go vie), Trachsler, Adolphe, à OErlikon (Zurich),

76

MM. Buchmann, Jacques, à Mettmenstettenx (Zurich), Reutefnann, Jean, à Diessenhofen (Thur- prem iers-lieutenants.

govie), Suter, Jean, à Liestal.

Troupes d'administration.

MM. Odermatt, Antoine, à Stans (Unterwalden-le-Bas), Forestier, François, à Cully (Vaud), Dick, Edouard, à Berne, Becker, Bernard, à Ennenda (Glaris), capitaines., Maffey, Charles, à Lugano, Imhof, Edouard, à Eiesbach (Zurich), Meyer, Rodolphe, à Lenzbourg (Argovie), Gerster, Gustave, à Berne, La Roche, Fritz, à Baie, Gninand, François, au Locle, Von Arx, Adrien, à Olten, Labhardt, Jean, à Baie, premiers-lieutenants.

Zinggeler, Adolphe, à Wädensweil (Zurich), Deflorin, J.-Michel, à Coire, Böhy, »Albert, 'à Nyon (Vaud), lieutenant.

Peyer, Charles, à Ruswyl (Lucerne), lieutenant.

Secrétaires d'état-major.

MM. Flury, Louis, à Soleure, lieutenant.

Schmalz, Gottfried, à Buren (Berne), Kläfiger, César, à Interlaken, .

Bangerter, Gottfried, à Langenthal (Berne), Bossard, Jacques, à Bauma (Zurich), Gerber, Godefroi, à Signau (Berne), Meyer, Louis, à Lucerne, Horngacher, Maurice, à Genève, Rütishauser, Edouard, à St-Gall,

adjud.-sous-officiers.

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Sur la demande qui leur en a été faite, ensuite de la décision du Conseil fédéral du 15 novembre dernier, les officiers ci-après se sont déclarés disposés à continuer leur service:

Etat-major général (section des chemins de fer).

M. Hunziker, Jean, à Berne, lieutenant-colonel.

Infanterie.

MM. de Keding-Biberegg, Hector, à Genève, de Montmollin, Jean, à Neuchâtel, Busca, Félix, à Locamo, lieutenants- colonels.

Gessner, Arnold, à Schaffhouse, Schwarz, Wilhelm, à Lenzbourg (Argo vie), Bigaud, Charles, à Genève.

Cavalerie.

MM. Kühne, Bodolphe, à Benken (Zurich), lieutenant-colonel.

Schmid, Arnold, à Aarau, lieutenant-colonel.

Martignoni-Be, Carlo, à Bellinzone, capitaine.

Brun, Jules, à Genève, premier-lieutenant.

Artillerie.

MM. Fischer, Théodore, à Beinach (Argovie), Bossardt, Jacques, à Ober-Embrach (Zurich), Bonnet, Edouard, à Chambésy (Genève), Hübscher, Wilhelm, à Bàie,

lieutenant-colonel.

capitaines.

Génie.

MM. Baumann, Frédéric, à Berne, Gysin, Jean-Jacques, à Liestal, Lindt, François, à Berne, capitaines.

Glauser, Daniel, à Berne, Meley, Arnold, à Berne, Kaiser, Dagobert, à Zoug, premier-lieutenant.

Fehr, Jules, à Zurich, premier-lieutenant.

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Troupes sanitaires.

a. Médecins.

MM. Reinhard, Adolphe, à Soleure, \ Auchlin, Théodore, à Oberstrass (Zurich), Strähl, Frédéric, à Laufenbourg (Argovie), Hess, Jean-Jacques, à Uster (Zurich), Miniat. Lonein. à Buren.

Streckeisen, Conrad, à Eomanshorn, \ f\f\ VIO

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capitaines.

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Lendi, Raget, à Sainaden (Grisons), Arquinf, Albert, à Schuls (Grisons), Kolb, Otto, à Güttingen (Thurgovie), Pitteloud, Jean, à Sion, Scherer, Eusène, à Mett (Berne), Pasquier, Joseph, à Cully (Vaud), / b. Vétérinaires..

MM. Weber, Jules, à Genève, J Meyer, Robert, à Glattfélden (Zurich),Jpremiers-lieutenants.

Arnold, Joseph, à Menzingen (Zoug), ( ·

Troupes d'administration.

MM. Gloor, Jacques, à Schottland (Argovie), lieutenant-colonel.

(Ederlin, Frédéric, à Zurich, major.

Brunner, Hugo, a berne, Passet, Maximilien, à Thusis (Grisons), capitaines.

Kohr, umile, a Lenzbourg (Argovie), Prince, George, à Neuchàtel, Jenny, Jean, à Morat (Fribourg), Tritten, Ernest, à Berne, premiers-lieutenants.

Dietschi, Charles, à Lenzbourg, Deschwanden, Arnold, à Stans, Gygax, Emile, à Bleienbach (Berne), Stampai, Jacques, à Yv'erdon, lieutenants.

Ballmer, Wilhelm, à Liestal,

Justice militaire.

MM. Borei, Eugène, à Berne, lieutenant-colonel.

Clerc, Cyprien, à Fribourg, capitaine.

79

Le Conseil fédéral a procédé aux promotions et mutations suivantes dans -le corps des officiers de l'artillerie :

I. Promotions.

1. Lieutenant-colonel.

M. Charles Gard, à Genève, major.

2. Majors.

. Théodore Turrettini, à Genève, Frédéric Wüst, à Lucerne, Etienne Dufour, à Genève, N. Hünerwadel, à Lenzbourg (Argovie), Emile Montandon, à Ste-Croix (Vaud),

capitaines.

Train d'armée.

MM. Adolphe Seeberger, à Lùpfig (Argovie), Hermann Spengler, à, Hasli (Berne), Jules Prey, à Eglisau (Zurich),

capitaines.

II. Mutations et remises de commandements.

Sont mis à la disposition du Conseil fédéral : MM. Louis Bovet, lieutenant-colonel, à Areuse (Neuchâtel), actuellement commandant du 3me régiment de la IIme brigade d'artillerie ; Charles Gard, lieutenant-colonel, à Genève, · actuellement commandant du parc de la I re division.

Sont nommés : MM. James Eoulet, major, à St-Blaise (Neuchâtel), commandant du 3me régiment de la IIme brigade d'artillerie; Théodore Turrettini, major, à Genève, commandant du parc de la IIme division ; Etienne · Dufour, major, à Genève, commandant, du parc de la Ire division; Emile Montandon, major, à Ste-Croix (Vaud), commandant du 2e régiment de la Ire brigade d'artillerie.

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Ont été promus au grade de premier-lieutenant dans la cavalerie (guides) les lieutenants dont les noms suivent : MM. Joseph Müller, à Untersiggingen (Argovie), Hans Vogel à Zurich.

Les militaires dont les noms suivent, qui ont fréquenté l'école préparatoire d'officiers d'artillerie de cette année, ont été nommés lieutenants dans cette arme : I. Artillerie de campagne.

MM. Edouard Riggenbach, à Baie; Adolphe Respinger, à Baie; Charles Bernhard, à Coire; Wilhelm Schmid, à Berne; Alfred Amsler, à Schaffhouse ; Eodolphe Wyss, à Gerzensee .(Berne); Henri Siegrist, à Schaffhouse; Louis Murset, à Berne; Arnold Prêtre, à Madretsch (Berne); Jacques Bieder, à Laugenbruck (Baie-Campagne) ; Emile Falkner, à Baie; Eobert Honegger, à Wollishofen (Zurich); Edmond Dietler, à Aarberg (Berne); Charles-Edouard Obérer, à Sissach (Baie - Campagne) ; Jules Helbling, à Zurich; Louis Borei, à Berne; Ernest Heim, à Berne; Arnold Bernet, à St-Gall; Walter Herosee, à Constance; Arthur de Chambrier, à Neuchâtel.

IL Artificiers.

M. Fritz Niederhäuser, à Nidau (Berne).

Le Conseil fédéral a adopté une. nouvelle ordonnance sur le passage des officiers dans la landwehr et sur leur libération du service actif.

'

81.

(Du 30 décembre 1879.)

Le Conseil fédéral a créé un vice-Consulat à Adélaïde pour l'Australie du Sud, et il a nommé comme vice-Consul à ce nouveau poste M. James Page, sujet britannique, associé de la maison Morgan et Cie, à Adelaïde.

Le Conseil fédéral a nommé médecin de la VIIme division, M.

Wilhelm Winterhalter, à St-Gall, major dans les troupes sanitaires, avec promotion au grade de lieutenaiit-colonel.

(Du 31 décembre 1879.)

Le Conseil fédéral a nommé : Buraliste de poste et télégraphiste à Fontainemelon : Mlle Sophie-Dina Bohrer, horlogère, de Bolligen (Berne), à Fontainemelon (Neuchâtel) ; Télégraphiste à Grüningen : » Ida Heusser, de Gossau (Zurich).

# S T #

IN SERTION S.

Chemins de fer de l'Union Suisse.

Dès le 1er janvier 1880, les nouveaux tarifs suivants entreront en vigueur : 1° le tarif exceptionnel Bavarois-Suisse pour bois de construction, de charpente, etc. ; 2° une Ire annexe au tarif Bavarois-Suisse, du 1er octobre dernier, pour le transport de céréales.

St-Gall, le 27 décembre 1879. [1] La Direction générale.

Feuille fédérale suisse. Annie XXXII.

Vol. J.

C

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à la haute Assemblée fédérale concernant un projet de loi sur les épidémies et les mesures préventives et effectives contre les épidémies qui offrent un danger général.(Du 18 décembre 1879.)

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Bundesblatt

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Feuille fédérale

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1880

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03.01.1880

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