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Rapport du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative concernant «la question des étrangers».

(Du 20 août 1920.)

Au commencement de mars 1920, il a été remis à la Chancellerie fédérale 60.927 signatures de citoyens suisses, qui formulent la demande suivante: I.

L'alinéa 2 de l'article 44 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 est abrogé et remplacé par les dispositions ci-après : «Art. 44bis. L'étranger obtient la nationalité suisse en se faisant recevoir citoyen d'une commune et d'un canton. Il doit demander à cet effet l'autorisation préalable du Conseil fédéral. Celle-ci ne pourra être accordée que si, au cours des quinze années qui ont précédé sa demande, l'étranger a eu en Suisse son domicile effectif pendant au moins douze ans, dont deux ans immédiatement avant le dépôt de la demande. Cette restriction ne s'applique ni à la femme mariée, laquelle acquiert de plein droit la nationalité du mari, ni aux enfants âgés de moins de quinze ans, lorsqu'ils sont naturalisés en même temps que leurs parents.

Les étrangers naturalisés qui n'ont pas eu en Suisse leur domicile effectif pendant au moins douze ans depuis l'âge de cinq ans révolus jusqu'à la majorité ne sont pas éligibles comme membres des Autorités politiques fédérales, cantonales, et communales *). En autorisant la naturalisation, le Conseil lèderai recherche si cette condition est réalisée et décide si par conséquent le nouveau citoyen suisse est éligible.

*) Ici, le texte allemand contient encore la phrase suivante : « dagegen haben sie gleich den übrigen Schweizerbürgern das Recht .zu stimmen und zu wählen.»

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Pour le surplus la législation fédérale fixera les conditions auxquelles les étrangers peuvent être naturalisés. Elle facilitera la naturalisation des étrangers nés et élevés en Suisse j elle pourra décréter leur naturalisation de plein droit.

La législation fédérale fixera également les conditions auxquelles un Suisse peut renoncer à sa nationalité pour acquérir la naturalisation dans un pays étranger. » II.

L'article 70 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 est modifié comme suit: «La Confédération a le droit et le devoir de renvoyer de son territoire les étrangers qui compromettent la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse ou la prospérité du peuple suisse.

Cette disposition vise en particulier ceux qui participent à des mouvements anticonstitutionnels ou à des entreprises politiques de nature à troubler les bonnes relations de la Suisse avec les Etats étrangers, ainsi que ceux qui se livrent à une activité économique contraire aux règles de la loyauté commerciale et aux intérêts généraux de l'économie nationale.

Le Conseil fédéral est chargé de l'application de cette disposition. ' Les autorités cantonales de police lui signaleront, par l'intermédiaire du Ministère public fédéral, les étrangers à expulser. » Toutes les signatures ont été comme d'ordinaire vérifiées par le bureau de statistique; le résultat de son examen est, exposé dans le tableau suivant: fan+nnc manions

Signatures apposées

Zurich Berne Lucerne Uri Sehwyz Unterwald-le-Haut Unterwald-le-Bas .

Glaris

.

.

.

.

A reporter

7,580 7,418 1,997 199 417 145 113 1,370 19,239

Signatures valables

7,467 7,287 1,984 199 385 135 108 1,312 18,877

Signatures non valables

113 131 IS -- 32 10 5 58 362

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Cantnnc cantons

, Report

Zoug Fribourg .

.

Soleure Baie-Ville .

.

Baie - Campagne .

Schaffhouse Appenzell Rh.-Ext.

Appenzell Rh.-Int.

St-Gall Grisons Argovie Thurgovie .

.

Tessin Vaud Valais Neuchâtel .

.

Genève

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

.

Suisse

Signatures apposées 19,239 532 2,123 1,439 1,373 477 1,580 888 75 2,845 1,902 8,877 3,269 2,298 8,105 2,227 1,997 1,681 60,927

Signatures Signatures valables non valables 18,877 362 524 8 2,081 42 1,436 3 1,372 1 471 6 1,561 19 881 7 71 4 2,795 50 1,870 32 8,645 232 3,237 32 2,244 54 8,040 65 2,047 .

180' 1,982 15 1,678 3 59,812 1,115

II ressort de ce tableau que la demande populaire concernant l'initiative des étrangers a été appuyée par 59.812 signatures valables et que le nombre minimum exigé par la loi pour pouvoir lui donner suite, se trouve dépassé. Il faut examiner toutefois si dans le cas particulier une demande d'initiative valable a abouti. A cet égard, nous avons l'honneur de vous, exposer ce qui suit: I.

e L'article 121, 3 alinéa, de la Constitution fédérale prescrit: « Si, par la voie de l'initiative populaire, plusieurs dispositions différentes sont présentées pour être revisées ou pour être introduites dans la Constitution fédérale, chacune d'elles doit former l'objet d'une demande d'initiative distincte. » Le message du Conseil fédéral du 13 juin 1890 concernant la révision du IIIe chapitre de la Constitution fédérale (Feuille féd.

1890, III, 411), déclare qu'une révision partielle de la constitution, même lorsqu'elle ne se rapporte qu'à un seul objet, peut embrasser plusieurs articles. «Mais une question importante à résoudre est celle-de savoir si la même demande d'initiative peut avoir pour objet plusieurs matières différentes.

Il est évident que, à chaque mouvement révisionniste, plusieurs

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·questions peuvent surgir simultanément et faire l'objet de ·demandes de révision par voie d'initiative populaire; quant à la question de savoir si plusieurs objets qui n'ont aucun rapport entre -eux et sont entièrement différents peuvent être présentés collectivement dans une seule et même demande, elle mérite d'être examinée de plus près. » « Certes tout le monde est d'avis qu'on ne peut pas soumettre en bloc au peuple, lorsqu'il est appelé au scrutin, la révision d'objets différents, mais que la votation doit avoir lieu séparément sur chacun d'eux. Aussi est-il plus simple et plus naturel que la séparation ait lieu déjà dans la demande d'initiative. Cette séparation a, de plus, l'avantage de laisser plus de liberté aux citoyens. Une demande d'initiative ne peut pas être formulée de telle sorte qu'un citoyen qui, tout en étant, d'accord avec la révision d'un objet, ne l'est cependant pas avec1 celle d'un ou de plusieurs autres, soit contraint ou bien de signer le tout, ou bien de ne pas signer du tout. D'ailleurs, cette séparation est le seul moyen de fournir à l'ensemble des électeurs appelés à l'urne ensuite de l'initiative prise par un nombre relativement petit de citoyens la garantie que la révision de chaque objet sur lequel ils ont à se prononcer est réellement (réclamée par le nombre prescrit de citoyens ayant droit de vote. » Le commentaire de B.urckhardt (page 819 et suiv.) s'exprime comme suit: «Toute demande d'initiative ne doit porter que sur un seul objet, afin que les initiants, de même que le peuple, auquel elle est soumise ensuite, puissent se prononcer séparément sur chaque objet. L'unité de l'objet ne consiste pas à ne viser qu'ww seul article d3 la Constitution fédérale, mais réside dans la connexion intime de ses éléments. Comme toutes les parties du droit se tiennent, il peut être difficile dans certains cas de prendre une décision qui ne soit pas arbitraire et mesquine. » II y a des cas où deux propositions formulées par une initiative, bien que logiquement distinctes, représentant néanmoins les faces téléologiquement inséparables d'une seule et même institution (par exemple, la centralisation militaire et, par suite, la nouvelle répartition des charges militaires entre la Confédération et les cantons). Lorsqu'une demande d'initiative porte sur des objets différents, la
question se pose de savoir si cette demande doit être déclarée non valable ou être soumise au peuple sous forme de propositions distinctes. «Le principe qu'une demande d'initiative ne doit pas présenter plusieurs dispositions différentes pour être révisées, n'a selon nous, d'autre sanction qu'une décision de l'As-

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semblée fédérale déclarant la demande non valable; mais cette sanction doit être appliquée avec mesure. » Lorsque la demande est présentée sous forme d'un voeu général, il peut facilement arriver que, pour la réalisation du but visé (par exemple la révision du règlement financier en faveur des cantons), deux moyens soient proposés, qui peuvent être employés isolément ou conjointement. Il n'y aurait alors aucune raison de déclarer l'initiative non valable, les initiants ayant tous voulu la même chose; en pareil cas, ce n'est pas grâce à la jonction de demandes de nature différente que le nombre nécessaire de signatures a été atteint. L'Assemblée fédérale pourrait donc, sans faire violence à la demande d'initiative, soumettre séparément à la votatior. du peuple chacun des moyens proposés; elle doit le faire quand les deux parties de l'initiative touchent des questions sur chacune desquelles les citoyens voudront se prononcer séparément. Le principe de la séparation des matières peut n'être pas appliqué aussi rigoureusement à la teneur de la demande d'initiative qu'au texte soumis à la votation, parce que, quand il s'agit de la première, tout citoyen à qui elle ne convient pas peut refuser sa signature, tandis que, lorsqu'il s'agit du second, il doit manifester sa volonté. «La difficulté est plus grande, quand la demande est présentée sous forme d'un projet rédigé de toutes pièces. Il est conforme sans doute à la constitution fédérale et plus clairement encore à la loi d'exécution du 27 janvier 1892 (art. 8 et 9) de rejeter comme non valable la demande d'initiative lorsqu'elle ne peut être soumise au peuple telle qu'elle est formulée. Mais il y a de bonnes raisons en faveur de la solution contraire; outre celle que nous avons indiquée à propos du voeu général, celle-ci encore notamment, que le principe qui interdit de rien changer au projet émané de l'initiative populaire n'a pas été posé spécialement en considération du présent cas. » V. Waldkirch (Mitwirkung des Volkes bei der Rechtssetzung, p. 18), expose ce qui suit: «Sans doute, ni la Constitution fédérale ni la loi fédérale de 1892 ne prescrivent ce que les conseils doivent faire quand la même demande d'initiative traite plusieurs objets. Le mieux pour l'Assemblée fédérale est de procéder de la manière suivante: lorsqu'il est possible, sans
altérer le sens de l'initiative, de la diviser en plusieurs demandes ne visant chacune qu'un seul objet, elle doit le faire. C'est seulement lorsqu'il ne serait pas possible de séparer les matières sans altérer le sens -- ce qui n'arrivera guère -- que l'Assemblée fédérale pourrait déclarer que l'iniFeuille fédérale. 72« année. Vol. IV.

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tiative est inconstitutionnelle et qu'il ne peut par conséquent lui être donné suite. » Deux constitutions cantonales seulement (Soleure et Tessin) contiennent une disposition répondant à l'article 121, 3e alinéa de .la Constitution fédérale. L'article 80bis de la constitution du canton de Soleure, adopté le 17 mars 1895, dispose, aux 3e et 7e alinéa, ce qui suit: « Si, par la voie de l'initiative, plusieurs dispositions différentes sont présentées pour être adoptées, abrogées ou modifiées, chacune d'elles doit former l'objet d'une demande d'initiative distincte. » « Si, malgré la prescription du 3e alinéa, plusieurs dispositions différentes sont présentées dans la même demande d'initiative, le Conseil d'Etat peut, qu'il s'agisse d'un voeu général ou d'un projet rédigé de toutes pièces, ordonner une votation distincte sur chacune de ces dispositions. » La loi constitutionnelle tessinoise du 2 juillet 1892 prescrit à l'article 28, 2e alinéa : « Se la domanda d'iniziativa per l'adottamento o per la modificazione od abrogazione di più articoli è relativa a materie differenti, ciascuna di queste dovrà formare oggetto di una domanda particolare d'iniziativa. » La constitution soleuroise prescrit expressément que, si une initiative présente plusieurs dispositions différentes, le Conseil d'Etat peut ordonner une votation distincte sur chacune d'elles. Le droit tessinois ne règle pas la question de savoir si une pareille initiative doit être déclarée non valable ou être soumise au peuple sous forme de propositions distinctes.

Dans certains cantons (constitutions de Berne, art. 104; d'Argovie, art. 105; de St-Gall, art. 123), qui admettent qu'une demande d'initiative présente des dispositions différentes, il est expressément prescrit que la votation populaire a lieu séparément sur chaque objet. V. Waldkirch (page 40 et 45/6) est d'avis que, même dans les cantons où une telle prescription n'existe pas, le parlement doit diviser suivant les matières un projet d'initiative qui en contient plusieurs de nature différente; une semblable séparation, pense-t-il, sera toujours possible, sans qu'il soit besoin de modifier beaucoup le texte de l'initiative; niais en tous cas le sens de l'initiative doit ètra absolument respecté, et, à cet effet, on pourra, s'il le faut* modifier considérablement le texte. Il est
conforme à l'essence de la révision partielle que chaque matière soit soumise séparément au peuple. *) *) Voir encore ce que dit Waldkirch (page 40) : Parce qu'il est admis qu'une même demande peut se rapporter à des objets différents, cela ne veut pas dire que la votation doive avoir lieu sur la.

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II.

Pour décider si une demande d'initiative embrasse plusieurs matières différentes, il ne faut pas considérer si elle ne tend à réviser qu'un seul article de la Constitution fédérale, ou si elle veut en réviser plusieurs, ni si l'objet de la demande concerne la sphère d'activité d'un seul département ou de plusieurs. Ce qui est ici décisif, c'est la connexion intime de l'objet de la demande d'initiative.

L'initiative des étrangers se divise en deux parties: le chiffre Ier veut abroger l'alinéa 2 de l'article 44 de la Constitution fédérale et le remplacer par un nouvel article 44bis; le chiffre II veut modifier l'article 70 de la Constitution fédérale. Comme le montre déjà le titre de l'initiative, les deux parties ont cela de commun de viser à une nouvelle réglementation du traitement applicable aux étrangers, et cela dans le sens de mesures plus sévères.

D'une part, l'étranger doit avoir moins de facilité d'obtenir la nationalité suisse (et aussi, une fois naturalisé, l'éligibilité); d'autre part, la police des étrangers doit être exercée avec plus de rigueur. Les deux propositions peuvent être regardées comme les éléments d'une solution de la question des étrangers; elles cherchent à parer au danger de la surpopulation étrangère. Il y a lieu cependant de distinguer deux parties, chacune visant bien à parer au danger en question, mais dans un domaine différent, le chiffre I dans le domaine de la naturalidemande en bloc, ce qui fausserait évidemment la manifestation de la volonté du peuple. « Ce sont précisément les prescriptions sur la séparation des matières pour la votation qui permettent de conclure qu'il est loisible de présenter une demande se rapportant à des objets de nature différente. Cela facilite au peuple l'exercice de son droit d'initiative. Il peut se faire qu'on ne réunisse dans une même demande des objets différents que pour obtenir plus facilement le nombre nécessaire de signatures. Cet abus toutefois n'a rien de préjudiciable, du moment que pour la votation les matières sont séparées; il est donc sans importance, en comparaison des avantages qu'offre la faculté de présenter des objets différents dans une même demande. Il suit de là que la disposition qui veut que toute demande ne se rapporte qu'à un seul objet, ne permet pas de décider si une demande est valable ; elle prescrit
simplement la forme qu'elle doit avoir. Si cette disposition n'est pas observée, la demande n'est pas pour cela non valable, mais le parlement la divise suivant les matières. »

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sation; le chiffre II dans celui de la police des étrangers.

Le chiffre I a pour objet une matière qui a déjà été soumise à l'Assemblée fédérale par le projet du Conseil fédéral du 28 juin 1919, modifiant l'article 2, alinéa 1er, de la loi fédérale sur la naturalisation des étrangers et la renonciation à la nationalité suisse (Feuille fédérale 1919, IV, 235); la question a été en partie liquidée par l'adoption de la nouvelle loi sur le droit cité suisse.

Les deux parties de l'initiative des étrangers poursuivent somme toute le même but; mais cela ne suffit pas pour qu'on puisse affirmer l'unité interne de son objet. Il faut encore considérer que ce but commun a un caractère très général Qutte contre le danger de la surpopulation étrangère): outre les mesures préconisées par l'initiative, on pourrait en proposer beaucoup d'autres tendant à la même fin. La réunion de toutes les propositions de ce genre dans un acte unique soumis à la votation ne manquerait pas de soulever des objections.

Le lien entre les deux parties de la demande étant assez lâche, il est préférable, semble-t-il, de considérer l'objet du chiffre I et celui du chiffre II de l'initiative des étrangers comme deux objets de nature différente.

Nous arrivons ainsi à cette conclusion que la présents demande d'initiative comprend « plusieurs dispositions différentes » au sens de l'article 121, 3e alinéa, de la Constitution fédérale.

III.

Reste à examiner la question de principe, savoir en quoi consiste la sanction de la prescription portant qu'une demande d'initiative ne peut avoir pour objet « plusieurs dispositions différentes ». Ni la Constitution fédérale, ni la loi fédérale, du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la révision de la Constitution fédérale (Recueil off., tome XII, page 742) ne contiennent de disposition sur la manière de traiter une demande d'initiative embrassant plusieurs matières différentes. En fait de sanction, la demande ne peut être que déclarée non valable ou divisée suivant les matières par l'Assemblée fédérale; la question est de savoir quelle est celle de ces deux conséquences que doit entraîner une demande d'initiative contraire à l'article 121, 3e alinéa, de la Constitution fédérale.

Si une demande de révision partielle est présentée sous

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formo d'un voeu général, les Chambres fédérales, suivant l'article 7, 1er alinéa, de la loi précitée, 'devront décider si elles l'acceptent, oui ou non, au plus tard dans le délai d'une année; si elles l'écartent ou si elles n'arrivent pas à prendre une résolution dans ce délai, le Conseil fédéral soumet la question de révision à la votation du peuple (art. 7, 3e alinéa).

Lorsque la demande de révision partielle est présentée sous la forme d'un projet rédigé de toutes pièces, les Chambres devront décider, au plus tard dans le délai d'une année, si elles adhèrent au projet d'initiative, tel qu'il est formulé, ou si elles le rejettent (art. 8); le projet d'initiative est alors1 soumis à la votation du peuple (éventuellement avec une proposition de rejet ou contre-projet de l'Assemblée fédérale, art. 9 et 10). La loi pose le principe, à l'article 8 notamment, gu'aucun changement ne peut être apporté à la demande d'initiative, telle qu'elle est formulée; le projet d'initiative doit être soumis « tel quel » à la votation populaire ; l'Assemblée fédérale ne peut en modifier le fond ni la forme. Cette prescription a pour but de garantir que le projet d'initiative sera soumis à la votation du peuple tel qu'il répond à la volonté des initiants. Quand une demande d'initiative tend, par exemple, à la révision de deux articles constitutionnels dont chacun a trait à un objet différent, on peut aisément la diviser en deux points, sans modifier le contenu ni le texte du projet des initiants; en pareil cas, la séparation des matières par l'Assemblée fédérale n'est pas contraire au but visé par le principe qui interdit de rien changer à la demande d'initiative,' telle qii'elle est formulée. Mais qu'arrivera-t-il si les deux matières différentes se trouvent réunies dans un même article, voire dans une même phrase, de la demande d'initiative?

Diviser le projet d'initiative en deux propositions oblige nécessairement à en modifier le texte. Mais dès que le texte est modifié, le contenu du projet peut l'être aussi. On imagine aisément des cas où cette séparation n'irait pas sans difficultés et ne pourrait guère s'effectuer sans porter atteinte au contenu.

Suivant la prescription qui veut pour chaque objet une demande d'initiative distincte, c'est tout d'abord aux initiants de séparer les matières lorsqu'ils rédigent
leur demande. S'ils n'observent pas cette prescription, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il faille déclarer leur demande non valable et que l'Assemblée fédérale ne doive pas en séparer les matières.

L'essentiel, lorsqu'il s'agit d'une demande de révision partielle, est que la votation ait lieu séparément sur chaque objet.

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Grâce à la séparation des matières, le citoyen a plus de liberté pour prendre position à l'égard de chacune d'elles et sa volonté est plus clairement exprimée; la votation manifeste ainsi mieux la volonté du peuple.

En faveur de la sanction consistant à déclarer la demande non valable, on peut faire valoir que l'article 121, 3e alinéa, de la Constitution fédérale veut empêcher qu'on ait recours à la jonction de demandes de nature différente pour obtenir le nombre nécessaire de signatures. Ce danger toutefois n'est pas grand, car le nombre nécessaire de signatures est faible en comparaison de celui des électeurs (actuellement Vw environ); il peut dès lors être facilement atteint, sans jonction de demandes de nature différente. Il faut considérer en outre que par leur signature les initiants déclarent leur volonté de proposer le projet entier de révision contenu dans leur demande. On doit tenir compte, selon nous, de cette volonté clairement déclarée d'au moins 50.000 électeurs.

Comme il n'y a aucune raison décisive d'admettre que la sanction de l'article 121, 3e alinéa, de la Constitution fédérale doive consister à déclarer la demande non valable, et comme la séparation des matières par l'Assemblée fédérale -- qui n'est expressément prévue, il est vrai, ni par la Constitution fédérale ni par la loi fédérale de 1892 -- est la sanction qui permet de tenir compte de la volonté des initiants exprimée dans le projet, nous sommes d'avis qu'une initiative qui a pour objet plusieurs matières différentes ne doit pas être déclarée non valable, mais divisée par l'Assemblée fédérale suivant les matières. Il est conforme au principe démocratique de ne pas déclarer non valable une semblable demande d'initiative populaire, mais de la corriger.

En divisant la demande, l'Assemblée fédérale ne doit modifier le texte du projet de révision des initiants que dans la mesure où c'est absolument nécessaire; les changements rédactionnels qu'exigé absolument la séparation des matières ne doivent pas modifier le contenu du projet des initiants. Il pourra se faire néanmoins que ces changements apportés au texte du projet entraînent une certaine modification de son contenu; cette possibilité est une conséquence de l'inobservation par les initiants de l'article 121, 3e alinéa, de la constitution fédérale; ils doivent dès lors se résigner.

En ce qui concerne l'initiative des étrangers, la séparation des matières peut s'effectuer sans modification du contenu ni

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du texte, les chiffres I et II présentant deux propositions distinctes.

Nous ajoutons que, quand sera liquidée la motion Grünenfelder, qui propose de réviser la loi fédérale du 27 janvier 1892, on pourra examiner encore si et de quelle manière les questions agitées plus haut doivent être résolues par la loi.

IV.

Suivant les articles 5 (dernier alinéa) et 6 de la loi susmentionnée, l'Assemblée fédérale doit décider si une demande d'initiative valable a abouti.

L'Assemblée fédérale, à notre avis, doit dès maintenant décider si l'initiative des étrangers est contraire à l'article 121, 3e alinéa, de la Constitution fédérale, et, le cas échéant, déterminer quelle est la conséquence qu'entraîné l'inobservation par les initiants de cette prescription constitutionnelle. Comme la question de principe, savoir si cette conséquence consiste à déclarer la demande non valable ou à séparer les matières, n'a encore jamais été décidée, c'est dans la phase actuelle déjà de l'examen de la demande d'initiative qu'il y a lieu de l'envisager du point de vue de l'article 121, 3e alinéa, de la Constitution fédérale. Cela paraît indiqué, même si l'on admet que la sanction consiste, non dans la déclaration que la demande n'est pas valable, mais dans la séparation des matières par l'Assemblée fédérale. La question de savoir si une demande d'initiative doit être divisée relève de l'examen de sa forme et non de la position à prendre à l'égard de son contenu. La décision quant au fond suppose déjà résolue la question de savoir si la demande doit être soumise à la votation populaire en bloc ou sous forme de propositions distinctes.

Suivant la solution qui aura été donnée à cette question, la position à prendre quant au fond sera différente, car dans un cas elle consistera en une adhésion, un contre-projet ou une proposition de rejet concernant la demande d'initiative en bloc, dans l'autre cas en une adhésion, un contre-projet ou une proposition de rejet concernant chacune des propositions à soumettre séparément à la votation. Puis, il est de l'intérêt d'une décision de principe que la question, si une initiative répond aux exigences de l'article 121, 3e alinéa, de la Constitution fédérale et, dans la négative, quelles conséquences il en résulte quant à la suite à lui donner, soit résolue déjà à l'occasion de la décision sur le succès de la de-

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mande, donc avant que le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale aient pris position à l'égard du contenu de l'initiative; à ce moment-là, en effet, des raisons d'opportunité, qui pourraient être invoquées plus tard, ne peuvent influencer la solution de ces questions, si importantes pour l'exercice du droit populaire de l'initiative.

Comme, d'après ce qui est exposé ci-dessus, la disjonction de l'initiative par matières est, dans les circonstances actuelles, à la fois possible et opportune, nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter le projet d'arrêté fédéral ci-joint, constatant le résultat de l'initiative populaire sur la question des étrangers.

Nous saisissons cette occasion, Monsieur le président et Messieurs, pour vous renouveler l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 20 août 1920.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, MOTTA.

Le vice-chancelier, KAESLIN.

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(Projet.)

Arrêté fédéral constatant

le résultat de l'initiative populaire sur la question des étrangers.

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE de la CONFÉDÉEATION SUISSE, Vu le rapport du Conseil fédéral du 20 août 1920, En application de l'article 121, al. 3, de la constitution fédérale, et de la loi fédérale du 27 janvier 1892 sur le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale, arrête : 1. L'initiative populaire concernant la question des étrangers, présentée au mois de mars 1920 et appuyée par 59812 signatures valables de citoyens suisses, jouissant de leurs droits civiques, est considérée comme ayant abouti.

2. L'initiative sera divisée en deux parties qui seront soumises séparément à la votation populaire.

Première initiative : L'alinéa 2 de l'article 44 de la constitution fédérale du 29 mai 1874 est abrogé et remplacé par les dispositions ciaprès : « Art. 44bis. L'étranger "obtient la nationalité suisse en se faisant recevoir citoyen d'une commune et d'un canton.

Il doit demander à cet effet l'autorisation préalable du Conseil fédéral. Celle-ci ne pourra être accordée que si, au cours des quinze années qui ont précédé sa demande, l'étranger a eu en Suisse son domicile effectif, pendant au moins douze ans, dont deux immédiatement avant le dépôt de la demande. Cette restriction ne s'applique ni à la femme mariée, laquelle acquiert de plein droit la nationalité du mari, ni aux enfants âgés de moins de quinze ans, lorsqu'ils sont naturalisés en même temps que leurs parents.

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Les étrangers naturalisés qui n'ont pas eu en Suisse leur domicile effectif pendant au moins douze ans depuis l'âge de cinq ans révolus jusqu'à la majorité ne sont pas éligibles comme membres des autorités politiques fédérales, cantonales et communales. En autorisant la naturalisation, le Conseil fédéral recherche si cette condition est réalisée et--décide si par conséquent le nouveau citoyen suisse est éligible.

Pour le surplus, la législation fédérale fixera, les conditions auxquelles les étrangers peuvent être naturalisés.

Elle facilitera la naturalisation des étrangers nés et élevés en Suisse; elle pourra décréter leur naturalisation de plein droit.

La législation fédérale fixera également les conditions auxquelles un Suisse peut renoncer à sa nationalité pour acquérir la naturalisation dans un pays étranger ».

Seconde initiative : L'article 70 de la constitution fédérale du 29 mai 1874 est modifié comme suit : « La Confédération a le droit et le devoir de renvoyer de son territoire les étrangers qui compromettent la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse ou la prospérité du peuple suisse.

Cette disposition vise en particulier ceux qui participent à des mouvements anticonstitutionnels ou à des entreprises politiques de nature à troubler les bonnes relations de la Suisse avec les Etats étrangers, ainsi que ceux qui se livrent à une activité économique contraire aux règles de la loyauté commerciale et aux intérêts généraux de l'économie nationale.

Le Conseil fédéral est chargé de l'application de cette disposition. Les autorités cantonales de police lui signaleront, par l'intermédiaire du ministère public fédéral, les étrangers à expulser ».

3. Le Conseil fédéral est invité à présenter aux Chambres fédérales un rapport et des propositions sur ces deux initiatives, en vue de la décision à prendre conformément à l'article 8 de la loi fédérale du 27 janvier 1892 concernant le mode de procéder pour les demandes d'initiative populaire et les votations relatives à la revision de la constitution fédérale.

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Rapport du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale sur l'initiative concernant «la question des étrangers». (Du 20 août 1920.)

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