# S T #

N °

3 7

4 0 5

FEUILLE FEDERALE 116e année .

Berne, le 17 septembre 1964

Volume ]I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix : 33 francs par an ; 18 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis: 50 centimes la ligne ou son espace; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss S. A., case postale, 3002 Berne

# S T #

MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant des facilités en matière de votations et d'élections fédérales (Du 4 septembre 1964)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, avec le présent message, un projet de loi instituant des facilités en matière de votations et d'élections fédérales.

I. Aperçu historique L'article 43 de la constitution prescrit que le citoyen suisse exerce à son lieu de domicile son droit de vote en matière fédérale. Pour faciliter l'exercice de ce droit aux citoyens absents de leur commune de domicile, le Conseil fédéral avait jugé devoir autoriser, par une circulaire du 13 novembre 1925, le vote au lieu de présence, interprétant pour cela d'une manière extensive la notion du domicile politique. Le citoyen absent pouvait ainsi voter au lieu où il se trouvait, après y avoir déposé ses papiers. En 1937, le Conseil fédéral se vit cependant amené à abroger sa circulaire de 1925, notamment en raison du fait que la notion large du domicile qu'elle consacrait ne pouvait se concilier avec celle qu'instaurait un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 49, I, 431).'

Avant .même d'abroger sa circulaire, le Conseil fédéral proposa aux chambres, par message du 14 décembre 1936 (FF 1936, III, 449) un projet de loi autorisant les cantons à prévoir l'exercice du droit de vote par correspondance dans des cas motivés. Le Conseil national décida par 63 voix contre 55 de ne pas passer à la discussion de détail. Le Conseil des Etats prit une décision semblable par 20 voix contre 16. On opposa divers arguments au projet, dont le plus sérieux et le plus général semble résider dans le fait que Feuille fédérale. 116« année. Vol. II.

27

406

des abus sont à craindre, «lorsque la boîte aux lettres tient lieu-dé bureau de vote». Les bulletins, pensait-on, pourraient être recueillis par des tiers, qui se chargeraient de leur expédition; en outre, l'électeur pourrait être influencé par des tiers au moment où il remplit son bulletin dans une fabrique, un chantier par exemple.

Après l'échec du projet, les choses en restèrent là un certain temps. Les inconvénients que la circulaire de 1925 avait cherché à supprimer réapparurent dès l'abolition de la facilité qu'elle avait instituée. Le nombre des citoyens qui étaient empêchés d'exercer leur droit de vote fut considérable dans les années précédant la seconde guerre mondiale, alors que l'industrie hôtelière occupait de très nombreux saisonniers. Trois postulats du Conseil national demandèrent au Conseil fédéral d'examiner les mesures à prendre.

La chancellerie fédérale jugea qu'il ne serait pas indiqué de proposer aux chambres de recourir, par la voie législative, à l'interprétation extensive de la notion de domicile politique, ni de leur proposer le système du vote par correspondance qu'elles avaient rejeté peu d'années avant, ni le vote par procuration, que le canton de Berne était alors à peu près seul à connaître. C'est pourquoi elle mit sur pied en 1945 un avant-projet de loi instituant une forme spéciale de vote par correspondance. Le citoyen aurait été contraint de remettre personnellement son bulletin à une autorité du lieu de présence, qui l'aurait transmis à l'autorité compétente du canton de domicile.

Après des études complémentaires et consultations des autorités cantonales et se fondant sur un avant-projet de la chancellerie fédérale, le Conseil fédéral adressa aux chambres, le 20 août 1947, un message avec projet de loi (FF 1947, II, 764).

Sans se prononcer définitivement sur le système à adopter, la commission du Conseil national, auquel la priorité de discussion avait été attribuée, chargea la chancellerie fédérale de lui soumettre une variante sous la forme d'un projet instituant le vote par correspondance. Adopté, avec quelques modifications, par la commission, le projet de la chancellerie fédérale fut discuté et adopté avec quelques retouches peu importantes par le Conseil national sans qu'il ait été désormais question du projet primitif. Plusieurs membres du conseil
combattirent cependant avec vigueur l'idée du vote par correspondance. Au vote sur l'ensemble, la loi fut adoptée par 67 voix contre 9.

La commission du Conseil des Etats ne put se rallier à l'idée du vote par correspondance et rédigea des propositions qui se rapprochaient fortement du texte proposé par le Conseil fédéral dans son projet d'août 1947. Le principe était le même: le citoyen absent de sa commune de domicile vote au lieu de présence, dans un local officiel et remet son bulletin à une autorité, qui se charge de la transmission à l'autorité compétente du canton de domicile. Le Conseil des Etats adopta les propositions de sa commission.

407

Le Conseil national maintint le principe du vote par correspondance lorsque le projet lui revint. Le Conseil des Etats finit par s'y rallier. Mais lorsque vint le moment du vote final (le 20 juin 1952), il rejeta la loi par 19 voix contre 10.

Peu après l'échec du projet, la chancellerie fédérale se remit au travail.

Considérant que la décision du Conseil des Etats s'opposait à ce qu'on reprît l'idée du vote par correspondance, elle pensa qu'il fallait revenir au système que ce conseil avait envisagé au début.

Sur ces entrefaites, M. Dietschi, député de Soleure, déposa au Conseil national, le 2 décembre 1952, la motion suivante: L'échec du projet concernant le droit de vote des citoyens en séjour a jeté de l'émotion dans bien des milieux, en particulier chez les invalides, les tuberculeux et les employés d'hôtels. Afin de faciliter l'exercice du droit de vote aux malades, aux infirmes et aux citoyens absents du lieu de leur domicile, le Conseil fédéral est invité à élaborer un nouveau projet qui aplanisse autant que possible les divergences entre les deux chambres.

Le Conseil national adopta tacitement la motion le 17 mars 1954. Le Conseil des Etats l'adopta à son tour le 11 juin 1954, mais à la très faible majorité de 11 voix contre 10.

Un avant-projet de la'chancellerie fédérale, soumis aux cantons en.

janvier 1955, fut rejeté par six gouvernements cantonaux, tandis qu'une demi-douzaine d'autres se prononçaient d'une manière moins nette, mais qu'on ne peut qualifier d'affirmative. Il parut qu'on aurait été au-devant d'un échec certain en persistant dans cette voie. Les objections soulevées n'étaient d'ailleurs pas sans pertinence. Celle de ces objections qui se fondait sur la complication de la procédure n'était pas la moindre.

Soucieuse de revenir à un système plus simple, la chancellerie fédérale élabora un nouvel avant-projet qui instituait pour les citoyens absents une forme de vote analogue à celle du vote des militaires. Cette forme avait l'avantage de la simplicité. Mais l'usage de la facilité devait être limité à certaines catégories de citoyens vivant dans des conditions semblables à celles des militaires, c'est-à-dire groupés dans une sorte d'organisation dont on peut requérir les services pour le scrutin. Ce nouvel avant-projet rencontra à peu près autant d'oppositions que le précédent. Dix gouvernements cantonaux le rejetèrent de la façon la plus nette. Les principales objections résidaient dans le fait qu'il excluait de l'exercice du droit de vote un trop grand nombre de citoyens empêchés de voter dans les formes ordinaires et qu'il exigeait -- comme l'avant-projet précédent -- une certaine participation des autorités locales.

En 1956, M. Fritz Grutter, conseiller national, déposa un postulat qui invitait «le Conseil fédéral à présenter un rapport exposant de quelle manière on pourrait faciliter aux citoyens en séjour l'exercice du droit de

408

vote dans les affaires fédérales». Ce fut l'occasion pour le Conseil fédéral de donner quelques informations sur les travaux en cours.

Ayant constaté, d'après les avis émis au sujet de l'avant-projet de 1955, qu'il fallait, pour le vote des absents, écarter tout système impliquant, au lieu de présence, la participation d'une autorité communale, la chancellerie fédérale envisagea une solution selon laquelle le citoyen se ferait envoyer son matériel de vote (bulletin, enveloppe) au bureau de poste de son choix et l'y retirerait pour remplir son bulletin et le renvoyer sans quitter les lieux.

Un tel système paraissait moins compliqué que celui qui faisait l'objet de l'avant-projet de 1955 et nettement plus sûr que celui du vote par correspondance (garantie du vote personnel et meilleure protection contre les abus). Il avait l'avantage de substituer à une autorité ou à un fonctionnaire de la commune de présence un agent de la Confédération, disponible pour toutes les votations (même cantonales) et de permettre au citoyen de voter dans un local d'accès particulièrement facile. Le département des postes et des chemins de fer, aujourd'hui département des transports et communications et de l'énergie, estima cependant que les offices de poste n'étaient pas qualifiés pour exercer les contrôles nécessaires et que des opérations électorales se déroulant devant les guichets surchargeraient par trop les offices postaux dans la semaine précédant le scrutin. Le Conseil fédéral s'étant rangé à l'avis du département susmentionné, la chancellerie fédérale ne poussa pas plus avant l'étude du système du vote à la poste et proposa au Conseil fédéral de réunir une conférence des représentants des cantons pour un échange de vues sur la solution à envisager. Le Conseil fédéral adopta cette proposition.

La conférence en question se tint le 25 février 1959 et arriva sans longs débats à la conclusion que la solution à recommander pourrait se formuler comme suit: La Confédération autorise les cantons à prendre les mesures convenables pour faciliter l'exercice du droit de vote aux citoyens empêchés de se rendre aux urnes ; il importe toutefois que la liberté du vote et le secret du vote soient assurés et que les cantons accordent les mêmes facilités dans les scrutins fédéraux que dans les votations et élections cantonales.

Il n'y à pas lieu d'examiner dans ce chapitre, qui n'est qu'un aperçu historique, si une disposition dans ce sens serait acceptable ou pas. Ce point sera traité dans le chapitre VI.

IL Les raisons qui plaident pour l'institution de facilités La motion des conseils législatifs et le postulat du Conseil national concernant les mesures à prendre pour faciliter l'exercice du droit de vote se fondent sur des considérations qui incitent le Conseil fédéral, malgré l'insuccès des propositions antérieures, à présenter un nouveau projet en la matière. Dans un Etat démocratique, l'exercice du droit de vote devrait en

409

effet être réglé de telle façon que le plus grand nombre possible de citoyens puissent voter. Le résultat de la votation reflète alors aussi exactement que possible la volonté du souverain. Cette remarque a du poids, même s'il faut reconnaître que la faible participation aux votations constatée actuellement est due en grande partie à des causes sans rapport avec l'impossibilité de se rendre aux urnes. La faible participation enregistrée ici et là dans les cantons qui ont institué des facilités pour les citoyens empêchés en est la preuve. Il importe de veiller à ce que le vote ne soit pas par trop largement facilité aux dépens des formes à observer et à ce que la pratique de modes simplifiés ne devienne pas la règle.

III. Les différents modes de vote à distance 1. Le vote dans un local officiel de la commune de présence, avec transmission du bulletin.

Ce mode de vote, qui était celui du projet du Conseil fédéral de 1947, puis celui de la commission du Conseil des Etats, a l'avantage d'obliger le citoyen à voter dans des conditions fort semblables à celles dans lesquelles il voterait dans le bureau de vote de sa commune de domicile. Il assure la «dignité» de l'acte par lequel le citoyen exerce ses droits politiques et donne la garantie que le bulletin, avant de parvenir entre les mains de l'autorité, ne sera pas intercepté d'une manière ou d'une autre par des tiers ayant intérêt à modifier ou simplement à contrôler son contenu. A ces avantages s'oppose cependant un inconvénient sérieux, qui est le suivant : Le système implique la participation d'une autorité de la commune de présence, ce qui peut constituer une assez lourde charge pour cette commune, obligée de mettre une ou plusieurs personnes à disposition des absents qui voudraient user de cette procédure. En raison de cette collaboration de la commune de présence, le système ne serait praticable en matière cantonale que si des votations fédérales ont lieu en même temps. Ajoutons qu'aucun canton n'a instauré ce système pour les citoyens se trouvant dans une commune du canton qui n'est pas celle de leur domicile. L'instituer en matière fédérale augmenterait le nombre des procédures en usage, ce qui ne serait certes pas souhaitable.

2. Le vote par correspondance

Le vote par correspondance, qu'on appelle aussi vote par la poste, est une des formes de vote les plus simples qu'on puisse imaginer. Le citoyen n'entre ainsi en rapport qu'avec l'autorité de sa commune de domicile et n'a qu'un minimum de formalités à accomplir. Il n'est donc pas étonnant que les cantons qui ont pris des dispositions pour les citoyens empêchés de s'approcher des urnes puissent quand même participer au scrutin aient presque tous instauré cette forme de vote, soit d'une façon très large, soit

410 pour certains cas d'empêchement seulement. A l'heure actuelle, si nous sommes bien renseignés, le vote par correspondance, appliqué sous une forme quelque peu large, existe dans les cantons suivants : Zurich, Soleure, Baie-Ville, Saint-Gali, Vaud, Neuchâtel et Genève. Tous ces cantons paraissent avoir fait de bonnes expériences avec cette forme de vote, encore qu'il faille relever qu'ici et là les expériences de longue date font, pour le moment, défaut.

Les débats des années 1948 à 1952 ont cependant montré que le vote par correspondance avait des adversaires déclarés. La lecture du Bulletin sténographique de l'Assemblée fédérale relève qu'on a en particulier formulé les reproches suivants : a. La sûreté du vote n'est pas assurée (possibilité de soustractions de bulletins, manoeuvres illicites lors de l'inscription de la réponse sur le bulletin et contrôle illicite de son contenu) ; 6. Le secret du vote n'est pas garanti; c. L'institution du vote par correspondance dans des cas spéciaux risque d'être un premier pas vers la généralisation de cette forme de vote, quand bien même le vote par les urnes devrait rester la forme normale ; d. Le vote par correspondance entraîne pour l'Etat des complications et des frais supplémentaires sans rapport avec le résultat recherché.

3. Le vote par procuration Le vote par procuration n'existe pour ainsi dire que dans les cantons de Berne et Baie-Campagne. Plus exactement, il existe aussi dans le canton de Zurich, mais à côté du vote par correspondance, pour les cas d'âge avancé (60 ans!), d'invalidité et de maladie. Une procuration peut être donnée en dehors de ces cas, à un votant faisant partie de la famille. En ce qui concerne le canton de Berne, il ne paraît pas être très attaché à ce système, puisqu'une initiative cantonale a demandé son abolition et que si les autorités compétentes ont recommandé au peuple le rejet de cette initiative c'est en raison du fait qu'il ne serait pas opportun de régler la question à une époque où de nouvelles dispositions sont en préparation sur le plan fédéral. Dans une lettre adressée à la chancellerie fédérale le 30 juillet 1963, le Conseil exécutif du canton de Berne ne recommande aucunement d'instaurer la.

possibilité du vote par procuration en matière fédérale. Il se borne à manifester le voeu que', dans le cas où le
vote par correspondance serait admis en droit fédéral, le cercle des citoyens autorisés à user de cette facilité soit au moins aussi large qu'en droit cantonal sous le régime des dispositions instituant le vote par procuration. Le gouvernement de Baie-Campagne demande en revanche qu'on examine sérieusement la question de savoir si le vote par procuration ne pourrait pas être aussi autorisé en matière fédérale, étant donné qu'il est sensiblement plus facile à pratiquer que le vote par correspondance, spécialement dans les cas de maladie ou d'infirmité.

411 Nous nous exprimerons ailleurs sur la question de savoir s'il convient de donner suite à ce voeu.

Nous devons ajouter que le vote par procuration n'est pas à l'abri de tout reproche, car il peut arriver, par exemple, que des citoyens s'organisent pour s'assurer la représentation de malades ou de vieillards, · de façon à pouvoir mettre dans les urnes des bulletins remplis «de la bonne manière».

Lors des débats parlementaires dont il a été question plus haut, un seul député avait rompu une lance en faveur du vote par procuration, mais sa proposition n'avait rencontré aucun écho.

4. Le vote dans les formes militaires Le vote dans les formes militaires ou des formes analogues suppose uri organe (officier électoral) qui recueille les bulletins enfermés dans les enveloppes de transmission et les expédie à l'autorité compétente du canton de domicile. Il a l'avantage d'assurer un certain contrôle des conditions dans lesquelles le citoyen vote, puisque celui-ci remet directement son bulletin à cet organe de transmission. L'inconvénient d'un tel système, s'il doit s'appliquer à des civils, est qu'il ne pourrait fonctionner que pour ceux d'entre eux qui sont plus ou moins groupés dans une organisation (hôpital, sanatorium, etc.), où puisse être mise en place la personne appelée à jouer le rôle qui, dans la troupe, est dévolu à l'officier électoral.

5. Le vote à la poste

La forme du vote à la poste qu'avait étudiée la chancellerie fédérale serait nouvelle. Son mérite serait d'obliger le citoyen à remplir son bulletin dans un local officiel, c'est-à-dire dans des conditions offrant à peu près la même sécurité que des opérations se déroulant dans un bureau de vote. On pourrait être à peu près certain que le contenu du bulletin répond bien à la volonté du votant et qu'aucun tiers n'a pu intervenir entre le moment où le votant s'est dessaisi de son bulletin et celui où la poste en a pris possession.

Ces avantages sont cependant contrebalancés par certains inconvénients tels que l'encombrement des guichets, l'impréparation du fonctionnaire postal et les discussions désagréables qui pourraient se produire entre celui-ci et le votant dans le cas où la pièce d'identité requise donnerait lieu à des contestations.

Dans le rapport présenté à l'assemblée de la société des juristes en 1959, ·Me Usteri, avocat à Zurich, a émis l'avis qu'il y aurait lieu, pour les absents valides, de prévoir la remise personnelle du bulletin de vote à la poste. Ce système s'inspire fortement de celui qu'avait envisagé la chancellerie fédérale. La seule différence, peu importante, apparaît dans l'envoi du matériel.

Dans le projet de la chancellerie fédérale, le citoyen devrait retirer son bulletin à la poste (envoi poste restante), tandis que suivant la proposition

412

de Me Usteri, le bulletin lui serait envoyé à son adresse particulière. Ce système, comme celui qu'envisageait la chancellerie fédérale, aurait l'avantage que le citoyen ne pourrait pas voter simplement en introduisant ou faisant introduire un bulletin dans une boîte aux lettres mais devrait le remettre à un fonctionnaire qui s'assurerait de son identité. Si des objections peuvent être élevées contre la mise à contribution d'un fonctionnaire postal dans le système envisagé par la chancellerie fédérale, elles peuvent l'être également dans le système de la remise personnelle du bulletin à la poste, selon la proposition Usteri.

IV. La forme de vote proposée: le vote par correspondance Ainsi qu'il ressort du chapitre précédent, il n'y a guère que deux systèmes qui puissent entrer en considération pour le législateur fédéral: le vote par correspondance et le vote à la poste, selon la formule de la chancellerie fédérale ou celle de Me Usteri. Nous donnons la préférence au vote par correspondance, parce qu'il est déjà pratiqué, en matière cantonale, par un certain nombre de cantons, qu'il est très proche du mode de votation institué pour les militaires et -qu'il ne met pas les organes de la poste à contribution d'une manière qui puisse susciter certaines craintes. Une question plus délicate est de savoir pour quelles catégories de cas il y a lieu de prévoir cette forme de vote. C'est ce que nous verrons tout à l'heure.

a V. Les cas pour lesquels il y a lieu de prévoir le vote par correspondance Ainsi que nous l'avons relevé, le vote par correspondance a suscité une forte opposition lors des débats parlementaires des années 1948 à 1952.

Actuellement encore, plusieurs cantons ne sont guère favorables à cette forme de vote et voudraient que son application reste l'exception. Divers autres cantons, en revanche, recommandent de tracer très largement le cercle des cas d'application et invoquent le fait qu'ils n'ont pas constaté d'abus dans ces cas en matière cantonale. Que le vote par correspondance, appliqué largement, présente ou non les inconvénients qu'on lui prête, qu'il doive en principe être appliqué de manière étendue ou avec retenue, nous pensons qu'il ne serait pas indiqué de rouvrir actuellement un vaste débat à ce sujet. L'essentiel est d'arriver à mettre assez rapidement sous toit un projet de
loi réglant le vote par correspondance pour les cas où son institution paraît, de l'avis général, s'imposer le plus particulièrement. Nous traiterons ci-après ces cas-là ainsi que ceux pour lesquels il convient, selon nous, de faire abstraction de cette forme de vote, pour le moment du moins.

Les quatre catégories de citoyens pour lesquels nous proposons d'instaurer le vote par correspondance sont les suivantes : a. Les patients de l'assurance militaire; b. Les malades ou infirmes hospitalisés ;

413

c. Les malades ou infirmes non hospitalisés; d. Les citoyens empêchés par une force majeure.

Voici les raisons pour lesquelles notre projet prévoit cette forme de vote pour ces quatre catégories de citoyens : Les patients de l'assurance militaire. L'idée que les patients de l'assurance militaire doivent bénéficier du vote par correspondance n'est, croyonsnous, combattue par personne. Ces citoyens, qui ont perdu la santé au service du pays, souffrent de ne pouvoir voter comme le reste des citoyens lorsqu'ils ne peuvent se rendre au bureau de vote de leur commune de domicile et demandent instamment des mesures en leur faveur. Le droit en vigueur s'oppose à ce qu'ils votent dans les formes militaires, les dispositions y relatives n'étant valables que pour les citoyens au service militaire (art. 4 de la loi du 19 juillet 1872). Or les militaires en traitement dans un établissement hospitalier, militaire ou civil, n'accomplissent pas un service mais sont des patients de l'assurance militaire. Ils n'ont plus droit à la solde mais peuvent prétendre aux prestations de l'assurance militaire. Quant aux patients qui ont été réformés par une commission de visite sanitaire, ils ne sont plus des militaires au sens juridique du terme.

Les malades ou infirmes civils hospitalisés. Si l'on admet que le vote par correspondance doit pouvoir être institué pour les patients de l'assurance militaire, il semble.bien qu'on doive l'instituer également pour les malades et infirmes civils qui, eux aussi, séjournent, peut-être fort longtemps, dans un établissement hospitalier situé hors de leur commune de domicile. Ce sont là aussi des gens qui ne doivent pas avoir l'impression d'être des citoyens dé seconde classe. L'institution de cette facilité pour les citoyens en traitement dans un hôpital paraît d'autant plus indiquée que le nombre de ces citoyens va en augmentant non seulement par suite de l'accroissement de la population mais aussi par suite du fait que l'usage se répand de plus en plus de se faire traiter à l'hôpital.

Les malades ou infirmes civils non hospitalisés. Pour l'autorité chargée de délivrer les papiers nécessaires à l'exercice du droit de vote par correspondance, la qualité de malade ou d'infirme est moins évidente quand il s'agit de citoyens retenus chez eux par la maladie ou l'infirmité. On peut donc
se demander si ce n'est pas aller trop loin que d'accorder à ces citoyens la possibilité d'user de la forme du vote par correspondance. Le souci d'assurer aux malades ou infirmes le plus large accès possible au scrutin et de traiter autant que possible sur pied d'égalité tous les malades et infirmes nous incite à considérer qu'il faut étendre l'application du vote par correspondance aux cas où il n'y a pas hospitalisation. Pour empêcher les abus, il faudrait, en principe, toutefois exiger la preuve de la maladie ou de l'infirmité sous la forme d'une attestation médicale. Cette exigence ne nous paraît pas excessive. Considérant cependant que certains cantons qui ont

414

institué le vote par correspondance en matière cantonale ont renoncé à une pareille exigence et qu'il y a un intérêt évident à ce que le régime fédéral et le régime cantonal concordent si possible, nous sommes d'avis qu'on pourrait laisser aux cantons la liberté d'exiger ou de ne pas exiger l'attestation médicale. Cette solution paraît rencontrer l'approbation des gouvernements cantonaux.

Quelques cantons ont institué pour les citoyens âgés la même facilité que pour les malades et les infirmes. Pour la raison qui militait en faveur de l'adoption d'une solution fédéraliste au sujet du certificat médical, la chancellerie fédérale avait prévu une disposition qui laisserait, ici aussi, aux cantons la possibilité de régler les choses à leur guise, à la condition toutefois que 65 ans reste l'âge minimum. Aucun des gouvernements cantonaux n'a fait une remarque négative à ce sujet, mais trois d'entre eux ( Schaffhouse, Grisons et Neuchâtel) mettent en doute l'utilité d'une disposition dans le sens indiqué. Parce que cette solution fédéraliste créerait une inégalité de traitement d'un canton à l'autre, nous n'avons pu nous décider à la proposer. Considérant que le vote par correspondance doit en principe demeurer l'exception, qu'une disposition instituant ce vote pour les citoyens âgés mais valides ne s'impose pas impérieusement et que la grande majorité des cantons n'ont pas adopté en matière cantonale une disposition semblable, nous sommes arrivés à la conclusion que, pour assurer l'égalité de traitement, il convenait de ne pas autoriser cette forme de vote dans les cas en question.

Les conditions de l'exercice du vote étant les mêmes pour les malades ou infirmes civils (hospitalisés ou non) et les patients de l'assurance militaire (hospitalisés ou non), il n'est pas nécessaire d'insérer dans la loi des dispositions spéciales pour régler le cas de ces derniers, abstraction faite d'une disposition visant le cas de traitement ou de mesures de réadaptation professionnelle appliquées à des patients qui ne sont ni malades ni infirmes.

Les citoyens empêchés par une force majeure. Le projet de loi issu des délibérations des années 1948 à 1952 et rejeté en votation finale par le Conseil des Etats contenait un article selon lequel les cantons, en tant que les circonstances ne s'y opposent pas, prennent des
dispositions spéciales (urne volante, vote par correspondance) pour les citoyens qui ne peuvent se rendre aux urnes par suite de mesures de police sanitaire, de communications coupées ou d'autres faits constituant un cas de force majeure. Encore que cet article n'ait, heureusement, pas une grande portée pratique, nous croyons qu'il convient de le reprendre, sous une forme appropriée, dans le nouveau projet de loi, notamment pour cette raison que plusieurs cantons qui ont prévu la possibilité du vote par correspondance en matière cantonale ont inséré une disposition dans ce sens dans leur législation, mais toujours limitée, sauf erreur, au cas de mesures de police sanitaire.

415

VI. Les cas pour lesquels il n'y a pas lieu de prévoir le vote par correspondance Eu égard aux craintes qu'on a exprimées au sujet de l'institution du vote par correspondance pour les citoyens qui ne sont pas empêchés par une raison spéciale, c'est-à-dire pour les absents en général, le Conseil fédéral renonce à faire _une proposition dans ce sens. En 1937, il avait proposé d'instaurer le vote par correspondance pour les citoyens qui sont retenus hors de leur domicile par des raisons professionnelles. Le Conseil national et -- à un moment donné aussi -- le Conseil des Etats avaient adopté cette solution lors de leurs délibérations d'il y a une quinzaine d'années. Etant donnée l'attitude négative observée par une série de cantons, nous renonçons à présenter une proposition dans le sens indiqué.

Dans un avant-projet de loi communiqué aux gouvernements cantonaux en février 1961, la chancellerie fédérale avait lancé l'idée d'une solution moyenne, consistant à prévoir le vote par correspondance pour les cas d'absence durable et permanente, considérés comme étant les plus dignes d'intérêt parmi les cas d'absence, notamment pour raisons professionnelles.

Certains gouvernements cantonaux ont alors relevé les difficultés que causerait une limitation du vote par correspondance à ces cas d'absence.

Ces difficultés sont incontestables. La question de l'autorité à désigner pour constater que les conditions de l'absence durable et permanente sont remplies est particulièrement délicate. Si la tâche est confiée à une autorité communale, il est à craindre que la notion dont il s'agit ne soit comprise d'une manière peu uniforme dans les différentes communes, voire les différentes communes d'un même canton. Si une autorité cantonale est chargée de ce soin ou de statuer sur les recours formés contre une décision communale, il en résulterait des complications excessives. C'est pourquoi la chancellerie fédérale, dans le dernier avant-projet soumis aux cantons, a laissé tomber la disposition relative aux cas d'absence durable et permanente.

Abstraction faite des cantons qui recommandent l'extension du vote par correspondance à tous les absents, aucun canton n'a demandé que cette disposition soit reprise. Nous proposons, à notre tour, d'y renoncer.

C'est la question du vote des absents valides qui divise particulièrement
les cantons. Dans le groupe de ceux qui, sans se ranger à nos considérations sur l'opportunité, recommandent de prévoir d'ores et déjà l'application du vote par correspondance à tous les cas d'absence, nous comptons Zurich, Berne, Lucerne (lequel recommande plus précisément d'autoriser les cantons à tracer à leur guise le cercle des cas d'absence ou à retendre au moins à l'absence pour raisons professionnelles), Saint-Gali et Vaud (qui s'expriment dans le même sens que Lucerne). Les cantons qui sont d'avis qu'il ne faut pas élargir le cercle tracé par notre projet sont: Schwyz, Glaris, Thurgovie, Valais et Neuchâtel. Les autres cantons, quelle que soit

416

leur opinion sur la question de principe, acceptent, au moins pour le moment, la solution proposée par notre projet.

La chancellerie fédérale a aussi donné aux partis politiques représentés au Conseil national l'occasion de s'exprimer. Le parti populaire conservateur chrétien social souhaiterait voir appliquer le vote par correspondance aux cas d'absence pour raisons professionnelles mais il déclare comprendre les raisons qui poussent à tracer pour le moment un cercle moins large. Le parti radical démocratique a fait savoir qu'il approuve en principe l'avant-projet, mais il a déclaré en même temps que l'exercice du droit de vote devrait, à son avis, être assuré dans la plus large mesure possible. Les autres partis n'ont formulé aucune objection contre la limitation prévue dans le projet.

L'union syndicale suisse et la fédération des ouvriers du bois et du bâtiment ont, spontanément, fait part de leur avis à la chancellerie fédérale: elles recommandent toutes deux d'instituer le vote par correspondance aussi pour les cas d'absence due à des raisons professionnelles.

VII. Solution fédérale ou compétence des cantons ?

Nous sommes d'avis qu'il est indiqué d'adopter le système du vote par correspondance si le législateur fédéral veut instaurer un mode spécial de vote pour les cas où des citoyens ou, plutôt, certains cas où des citoyens sont empêchés de s'approcher des urnes. Il reste à savoir s'il doit instaurer lui-même cette forme de vote ou s'il vaut mieux autoriser les cantons à instaurer le système qui leur paraît approprié. Comme nous l'avons dit plus haut, la conférence qui réunit le 25 février 1959 les représentants des cantons aboutit à la conclusion que cette seconde façon de régler les choses serait la bonne.

A première vue, une disposition dans ce sens présenterait des avantages, sous l'angle purement technique. Elle permettrait de tenir compte des conditions propres à chaque canton et d'éviter toute différence de régime entre les votations fédérales et les votations cantonales, ce qui est tout à l'avantage des autorités, mais aussi et surtout des citoyens, notamment quand une votation fédérale et une votation cantonale ont lieu simultanément.

Si l'on regarde les choses de plus près, on constate cependant que cette formule fédéraliste suscite une sérieuse objection: Elle aurait pour
effet de créer une grande diversité entre les citoyens des différents cantons, les uns pouvant participer au scrutin sans se rendre au bureau de vote, les autres ne , pouvant pas (parce que le droit du canton de domicile ne prévoit pas une telle facilité ou ne la prévoit que pour certaines catégories de citoyens).

Peut-on accepter une telle diversité ?

Il faut constater ici que le Conseil fédéral avait jugé en 1936 qu'une telle diversité serait acceptable, puisqu'il proposait un projet de loi selon lequel les cantons auraient pu disposer que les citoyens empêchés de se

417

présenter au scrutin sont autorisés, sur demande motivée, à envoyer leur bulletin par la poste.

Dans son message concernant ce projet de loi, le Conseil fédéral faisait valoir, à l'appui de cette solution fédéraliste, que celle-ci introduisait, certes, un élément de diversité dans le droit fédéral, mais que les élections et votations fédérales ont lieu précisément, sauf disposition spéciale, d'après les prescriptions des lois cantonales. Cette circonstance avait, ajoutait-il, permis à certains cantons d'instituer le vote obligatoire. Il faut reconnaître que le droit fédéral tolère une large diversité en ce qui concerne l'exercice des droits politiques. L'article 74 de la constitution prévoit en .effet que le droit de prendre part aux élections et votations fédérales appartient à tout Suisse, âgé de vingt ans révolus, «qui n'est point exclu du droit de citoyen actif par la législation du canton de domicile». En vertu de ces dispositions, il existe des divergences entre cantons au sujet du droit de vote des citoyens qui doivent être assistés en permanence ou auxquels la fréquentation des auberges est interdite.

Il faut prendre son parti d'une certaine diversité due au fait que le citoyen exerce ses droits politiques non seulement en matière fédérale mais aussi en matière cantonale et que la loi de 1872 dit que les élections fédérales «ont lieu d'après les prescriptions des lois cantonales» mais sous réserve des dispositions fédérales. Il semble toutefois indiqué de ne pas accroître sans raison particulière la diversité entre les cantons en ce qui concerne la possibilité pratique d'exercer les droits politiques. C'est pourquoi nous croyons que la solution envisagée par la conférence du 25 février 1959 ne doit pas être retenue.

Le législateur fédéral doit donc imposer une certaine unité aux cantons pour l'exercice des droits politiques. On peut se demander s'il ne conviendrait pas de prévoir une exception en faveur des cantons qui ont institué le vote par procuration en matière cantonale. Nous pensons ici moins au canton de Berne, qui paraît prêt à abandonner cette forme de vote et au canton de Zurich, où elle ne semble pas jouer un très grand rôle, qu'au canton de Baie-Campagne, qui, comme nous l'avons dit plus haut, souhaiterait qu'on autorise les cantons à l'appliquer en matière fédérale. Faut-il
sacrifier le principe de l'uniformité de la procédure et autoriser les cantons qui pratiquent déjà la forme de vote par procuration à l'appliquer aussi en matière fédérale ? Malgré les principes fédéralistes consacrés par la législation fédérale en matière de votations et l'avantage de la solution souple que nous venons d'esquisser, nous croyons qu'il faut, pour des raisons d'égalité, s'en tenir à la seule règle du vote par correspondance. La requête du canton de Baie-Campagne ne nous paraît donc pas pouvoir être prise en considération.

VIII. La forme et le contenu du projet de loi Le projet de loi discuté par les chambres au cours des années 1948 à 1952 réglait le vote par la poste d'une façon très détaillée. Nous pensons

418

qu'il n'est pas nécessaire que le législateur fédéral établisse des règles aussi minutieuses et qu'il peut se borner à adopter un petit nombre de dispositions, le reste devant être réglé par les cantons et, au besoin, par une ordonnance du Conseil fédéral.

On pourrait se demander en outre s'il y a lieu d'insérer les nouvelles dispositions dans la loi de 1872 sur les élections et votations fédérales, ce qui permettrait de ne pas accroître le nombre -- déjà grand -- des lois relatives à l'exercice des droits politiques. Nous sommes cependant d'avis qu'il ne serait giière indiqué d'insérer dans cette loi, bientôt centenaire, un ensemble de dispositions qui feraient jusqu'à un certain point figure de corps étranger. Nous tenons pour préférable de vous proposer de faire une loi distincte, dans laquelle on insérerait les dispositions que nous vous soumettons aujourd'hui et celles de la loi du 30 juin 1960 instituant le vote anticipé en matière fédérale. De cette façon, toutes les mesures tendant à faciliter les élections et les votations seraient groupées dans une seule loi.

Ces explications concernant la forme et le contenu du projet de loi nous donnent l'occasion de toucher la question d'une refonte des lois réglant l'exercice des droits populaires, refonte réclamée par certains cantons lors de consultations antérieures. Une lance a aussi été rompue en sa faveur lors des délibérations de la société suisse des juristes en 1959 (intervention du professeur Imboden). Nous pensons que tant qu'on n'aura pas réglé la question des facilités à instituer pour permettre aux malades et absents (ou certains absents) d'exercer leur droit de vote, il n'est pas judicieux de procéder à une refonte générale des lois sur Ja matière. Cette refonte, que nous jugeons en soit également recommandable, pourra se faire au moment où l'on aura éclairci les questions pendantes.

IX. Le vote des Suisses à l'étranger Au cours des délibérations des années 1948 à 1952 sur le projet de loi concernant le vote des citoyens absents de leur commune de domicile, les conseils législatifs avaient adopté un postulat ainsi rédigé : Le Conseil fédéral est invité à présenter un rapport précisant et, éventuellement, à quelles conditions les Suisses à l'étranger pourraient participer aux élections et votations fédérales.

Un message à l'appui d'un projet de loi instituant des facilités en matière d'élections et votations fédérales parut tout d'abord être l'occasion de donner aux conseils législatifs des éclaircissements sur la question du droit de vote des Suisses à l'étranger, soulevée par le postulat susmentionné.

Les avis que nous avons reçus au sujet d'tin avant-projet concernant aussi cet objet nous ont conduits à la conclusion que la question ne peut être traitée conjointement avec celle des facilités à instituer pour les Suisses demeurés au pays. Il s'agit, en l'occurrence, non seulement de la question du droit de vote des Suisses à l'étranger, niais aussi et surtout du problème

419

d'un article constitutionnel concernant ces compatriotes. Comme on le sait, ce problème fait l'objet actuellement d'un examen approfondi. D'ordre du Conseil fédéral, le département politique procède actuellement à une large consultation des milieux intéressés. C'est ainsi que les gouvernements cantonaux, les partis politiques, les associations économiques et les organisations des Suisses à l'étranger ont été invités à se prononcer sur un avantprojet d'article constitutionnel.

X. Commentaire des dispositions du projet de loi Nous commentons ci-après brièvement les dispositions du projet en tant que nous ne nous sommes pas déjà exprimés dans l'un ou l'autre des chapitres antérieurs.

Les articles 1er à 3 sont la reproduction textuelle des articles correspondants de la loi du 30 juin 1960. Ils n'appellent aucun commentaire. Nous avons dit plus haut que c'est le souci de ne pas multiplier les lois fédérales en matière d'exercice des droits populaires qui nous a incités à reprendre ces dispositions dans notre projet, qui abrogerait la loi de 1960. D'une façon générale, les cantons n'ont pas soulevé d'objections contre ce mode de faire.

A signaler cependant que le canton de Saint-Gali attacherait du prix à ce que cette reprise des dispositions en vigueur dans le projet ne soit pas l'occasion d'une modification du régime instauré en 1960. Le gouvernement du canton de Lucerne estime au contraire qu'il faudrait saisir l'occasion pour rendre plus souple la disposition prescrivant l'obligation d'instituer le vote anticipé dans les communes comptant plus de 800 citoyens, étant donné les cas où il n'est guère fait usage des facilités en question. Considérant que le vote anticipé ne charge que légèrement les autorités communales et qu'il y a un intérêt majeur à ne pas toucher à un régime institué de fraîche date, nous concluons qu'il n'est pas indiqué de donner suite à la proposition lucernoise.

L'article 4 concerne le vote des militaires. Il se borne à prévoir que le Conseil fédéral édicté des dispositions uniformes sur l'exercice du droit de vote par les militaires. Ces dispositions existent d'ailleurs déjà aujourd'hui, sous la forme d'un arrêté du Conseil fédéral du 10 décembre 1945, qui se fonde sur les articles 4 et 45 de la loi de 1872.

L'article 5 pose le principe que les cantons prennent les mesures
nécessaires et indique les cas où le vote par correspondance est admis.

L'article 6 tend à tenir compte du droit en vigueur dans les cantons en laissant les cantons libres d'exiger ou non une attestation médicale et de régler la forme de cette attestation.

L'article 7 oblige les cantons à édicter les dispositions nécessaires. Il se distingue des projets antérieurs par le fait qu'il leur laisse la plus grande liberté en n'entrant dans aucun détail sur la procédure à suivre dans l'exer-

420

cice du droit de vote par correspondance. Nous attachons en effet du prix à ce que les cantons qui ont institué le vote par correspondance en matière cantonale puissent l'appliquer dans les mêmes formes en matière fédérale.

Contrairement à l'avis du canton de Thurgovie, nous pensons qu'il ne faut pas chercher à préciser suffisamment les choses pour que les cantons puissent se contenter de régler la procédure par voie d'ordonnance. Le Conseil fédéral se réserve cependant un droit de regard.

Il doit être entendu que les mots «assurer le contrôle de la qualité d'électeur» signifient que l'autorité communale doit s'assurer que le citoyen dont l'adresse figure sur l'enveloppe de transmission est effectivement habile à voter. Ils ne signifient pas qu'il faille s'assurer qu'il a voté personnellement.

Le 3e alinéa prévoit l'affranchissement des plis (demande à l'autorité communale, puis enveloppe de transmission) envoyés par le citoyen. Cet affranchissement des plis est usuel dans les cantons qui ont instauré le vote par correspondance en matière cantonale. Il est conforme.à la ligne suivie par le législateur fédéral, qui s'efforce de restreindre le plus possible les cas où l'envoi en franchise est autorisé. Nous ne voyons donc aucune raison de proposer une disposition instituant la franchise postale en faveur du citoyen qui vote par correspondance, quand bien même le votant s'acquitte d'un devoir civique, exerce une certaine activité officielle. Quelques cantons, peu nombreux, ne peuvent accepter que le votant soit obligé d'affranchir ses envois. Nous ne voyons aucune objection à ce que des cantons assurent la gratuité des envois de leurs citoyens en faisant supporter aux communes les frais de port. C'est pourquoi nous avons ajouté au projet un 4e alinéa selon lequel les cantons peuvent déroger à la règle du 3e alinéa en mettant les frais à la charge de leurs communes.

L'article 8 abroge l'article 4 de la loi de 1872, les facilités prévues dans cet article en faveur de diverses catégories de citoyens appartenant aux services publics n'ayant plus leur raison d'être du fait que les bureaux de vote sont maintenant plus longtemps ouverts qu'au siècle dernier et que le vote anticipé est largement instauré.

Les dispositions arrêtées par le Conseil fédéral sur la participation des militaires aux élections
et votations fédérales reposeront désormais sur l'article 4 de la nouvelle loi.

XI. La base constitutionnelle Notre projet repose sur l'article 90 de la constitution, qui dispose que la législation fédérale détermine les formes et les délais à observer pour les votations populaires. Les articles 73 (élection du Conseil national) et 122 (votations concernant la revision de la constitution) peuvent aussi être invoqués.

421 XII. Classement de la motion ,, des conseils législatifs et du postulat du Conseil national Notre message a traité la question soulevée par le postulat du Conseil national n° 6978 (postulat Grütter). Ce postulat peut donc être classé. Le projet de loi donne suite, dans la mesure qui nous paraît compatible avec les circonstances présentes, à la motion des conseils législatifs n° 6367. Nous proposons de classer également la motion.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous vous recommandons d'adopter le projet de loi ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président-et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 4 septembre 1964.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, L. von Moos 15207

Feuille fédérale. 116« année. Vol. II.

Le chancelier de la Confédération, Ch. Oser

28

422

(Projet)

LOI FÉDÉRALE instituant

des facilités en matière de votations et d'élections fédérales L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 73, 90 et 122 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 4 septembre 1964; arrête:

I. Vote anticipé Article premier Les cantons sont autorisés à instituer en matière de votations et d'élections fédérales le scrutin anticipé pour un ou plusieurs des quatre jours précédant le dimanche de la votation, soit pour tout le territoire cantonal soit pour certaines communes.

2 Là où le vote anticipé est prévu pour les votations cantonales, il doit être institué pour les votations et élections fédérales dans une mesure semblable, mais seulement dans la limite des quatre jours précédant le dimanche de la votation.

3 Pour les votations et élections fédérales, le vote anticipé doit, dans tous les cas, être institué pour au moins deux des jours précédant le dimanche de la votation dans les communes comptant plus de 800 citoyens actifs et dans les autres communes où cette facilité est demandée au plus tard trois semaines avant la votation par au moins trente citoyens actifs.

1

Art. 2 Pour le scrutin anticipé, le droit cantonal peut prévoir que les urnes seront en tout ou partie ouvertes pendant un certain temps ou que le citoyen remettra personnellement son bulletin, dans une enveloppe fermée, à une autorité.

Art. 3 Les cantons édictent les dispostions nécessaires pour empêcher les abus.

H. Vote par correspondance Art. 4 Le Conseil fédéral édicté des dispositions uniformes relatives à l'exercice du droit de vote par les militaires.

423

Art. 5 Les cantons prennent les mesures nécessaires pour que les malades et les infirmes, quel que soit le lieu où ils se trouvent, puissent participer aux votations et élections fédérales dans les formes du vote par correspondance.

2 Les patients de l'assurance militaire qui, sans être malades ou infirmes, sont l'objet d'un traitement ou de mesures de réadaptation professionnelle hors du lieu de leur domicile bénéficient des facilités accordées aux malades et aux infirmes.

3 Les cantons prennent des dispositions pour que les citoyens empêchés de se rendre aux urnes dans un cas de force majeure, par exemple dans le cas d'un isolement imposé par la police sanitaire, puissent voter par correspondance.

4 Le vote par correspondance ne peut être exercé que par un citoyen domicilié et se trouvant en Suisse.

1

Art. 6 Les cantons décident si .le citoyen qui désire voter par correspondance en qualité de malade ou d'infirme doit produire une attestation d'un médecin ou de la direction de l'établissement où il est hospitalisé.

Art. 7 Les cantons règlent la procédure du vote par correspondance et édictent en particulier des dispositions pour assurer le contrôle de la qualité d'électeur et le secret du vote ainsi que pour empêcher les doubles votes.

2 Ces dispositions sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral.

3 La taxe des envois par la poste est régie par la loi fédérale du 2 octobre 19241 sur le service des postes et ses dispositions d'exécution. L'affranchissement des envois soumis à la taxe incombe à l'expéditeur.

4 Les cantons peuvent prescrire que les frais de port pour les enveloppes de transmission seront supportés par les communes. Dans ce cas, les communes joignent à leurs envois de matériel de voté des enveloppes de transmission déjà affranchies.

III. Dispositions finales 1

Art. 8 La présente loi abroge l'article 4 de la loi du 19 juillet 1872 sur les élections et votations, ainsi que la loi du 30 juin 1960 instituant le vote anticipé.

Art. 9 Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

C1) RS 7, 752.

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant des facilités en matière de votations et d'élections fédérales (Du 4 septembre 1964)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1964

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

37

Cahier Numero Geschäftsnummer

---

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

17.09.1964

Date Data Seite

405-423

Page Pagina Ref. No

10 097 450

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.