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FEUILLE FEDERALE 116e année

Berne, le 6 février 1964

Volume I

Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 33 francs par an; 18 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement Avis : 50 centimes la ligne ou son espace ; doivent être adressés franco à l'imprimerie des Hoirs C.-J. Wyss, société anonyme, à Berne

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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à des mesures concernant le marché de l'argent et des capitaux, le crédit ainsi que des mesures conjoncturelles concernant la construction (Du 24 janvier 1964)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre, par le présent message, deux projets d'arrêtés fédéraux urgents relatifs l'un à des mesures concernant le marché de l'argent et des capitaux ainsi que le crédit, l'autre à des mesures conjoncturelles concernant la construction.

Partie générale I. L'évolution économique depuis 1959

1. La situation initiale Le fléchissement économique de 1957/1958 s'est manifesté d'une façon insignifiante en Suisse. Les commandes provenant du pays ou de l'étranger, les exportations et les investissements ont alors diminué en valeur absolue, mais les dépenses propres à la consommation interne se sont encore légèrement accrues. L'existence de réserves de commandes a fait que la détente sur le marché du travail n'a été que faible en ce qui concerne la main-d'oeuvre indigène. La diminution de l'effectif des travailleurs étrangers n'a touché tout d'abord que les saisonniers; elle a été extrêmement réduite. Le ralentissement de l'activité économique a cessé vers la fin de l'année 1958.

Feuille fédérale. 116e année. Vol. I,

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182 2. Le «boom» sur le continent européen Déjà durant le second trimestre de 1959, on assista à un nouvel essor économique qui prit rapidement de l'ampleur. Les causes en étaient très diverses.

Le rétablissement, à fin 1958, de la convertibilité des principales monnaies européennes a suscité un rapatriement de capitaux en Europe et accru le potentiel d'expansion économique des pays de ce continent. Le relâchement des entraves aux échanges a augmenté considérablement les possibilités d'expansion. Les mouvements en faveur de l'intégration européenne ont aussi été un grand facteur d'expansion. L'élargissement du marché a fait espérer à de nombreux exportateurs une amélioration sensible de leurs débouchés. Pour s'y préparer, ils ont opéré des investissements à des fins d'agrandissement (construction, et équipement). Tout chef d'entreprise qui se sentait menacé par de nouveaux concurrents engageait simultanément des investissements à des fins de rationalisation. De nombreuses entreprises établies en dehors des territoires européens en voie d'intégration ont cherché, par la création d'établissements, à s'assurer les avantages d'un nouveau régime préférentiel. L'augmentation de la population et la croissance économique ont exigé d'importants investissements secondaires, notamment en vue de développer et d'améliorer l'infrastructure (constructions pour l'éducation et l'instruction, pour la santé, appareil de transport et de communication, etc.). Du jeu de tous ces facteurs, il est résulté en Europe une multiplication sans précédent des créations d'établissements et des investissements.

3. La demande duc à l'exportation La forte demande suscitée par l'exportation par suite du «boom» européen a été la cause première de la nouvelle expansion conjoncturelle enregistrée en Suisse. Dans des secteurs importants de notre économie, cette demande plus forte est apparue déjà avant que le fléchissement précédent du volume des commandes ait été. ressenti dans la production. Les effets des facteurs d'animation du marché mondial se manifestèrent par une forte augmentation de la valeur de nos exportations, qui a dépassé les chiffres de l'année précédente de 11,8 pour cent en 1960, de 8,5 pour cent en 1961, de 8,6 pour cent en 1962. De janvier à novembre 1963, l'augmentation a été de 8,5 pour cent par rapport au chiffre
clé la période correspondante de 1962.

En Suisse, le développement des exportations a suivi à peu près la même courbe que dans les autres pays d'Europe jouant un rôle industriel important. Le taux moyen d'accroissement de nos exportations n'était pas éloigné du milieu entre le taux des pays enregistrant un accroissement particulièrement fort de leurs exportations (Italie, Allemagne de l'Ouest et France) et celui des antres pays européens. La poussée conjoncturelle causée par les exportations était ainsi un phénomène général pour l'Europe et non un fait particulier à notre pays.

183 Si la Suisse, malgré la discrimination douanière croissante que lui appliquent les principaux pays avec lesquels elle entretient des relations commerciales, a pu accroître pareillement ses exportations, elle le doit à des causes diverses. L'une d'elles est que l'augmentation des salaires et des prix n'a pas été, au début, aussi rapide que dans la plupart des autres pays industriels, ce qui assura à notre industrie une compensation pour la discrimination douanière dont elle est l'objet. Une autre cause du fort développement économique des exportations résidait dans le fait que notre industrie pouvait trouver facilement la main-d'oeuvre étrangère et les capitaux nécessaires. Un régime peu sévère pour l'admission des travailleurs étrangers permettait aux entreprises d'adapter la production à la demande plus rapidement que dans la plupart des autres pays. L'afflux de capitaux suisses rapatriés et de capitaux étrangers a fait que les taux d'intérêt pratiqués dans notre pays sont demeurés au-dessous du niveau européen quand bien même les investissements n'avaient pas tardé à dépasser la formation courante de capitaux. Nos entreprises ont pu ainsi surmonter plus aisément les obstacles mis aux échanges avec l'étranger et obtenu un placement plus facile de leurs produits. Cela a eu aussi pour effet d'accroître la capacité de concurrence, car l'amélioration du chiffre d'affaires a permis de mécaniser et rationaliser davantage l'appareil de production et, en conséquence, de maintenir à un niveau bas les frais par unité. Il convient de signaler également la structure relativement favorable de notre exportation, due à la place importante que la production des biens d'investissement occupe ici, et aussi à la meilleure qualité de certains produits importants pour le développement économique, 4. L'accroissement des investissements Au début de la phase d'expansion enregistrée dans l'économie mondiale, le volume des exportations a été porté aux limites des possibilités de livraison. Mais les réserves de capacité, très restreintes, et l'ampleur de la demande ont provoqué, en 1959 déjà, un accroissement des investissements dans l'industrie et les arts et métiers.

Stimulées par le développement de la demande due à l'exportation, de nombreuses entreprises se décidèrent à renouveler, à étendre et à moderniser leur
appareil de production afin de profiter de l'occasion qui s'offrait et de maintenir leur capacité de concurrence.

L'expansion se manifesta par la suite dans des branches économiques toujours plus nombreuses, lesquelles développèrent également leur capacité et contribuèrent à faire augmenter la demande de main-d'oeuvre et de capitaux pour des investissements. Le progrès technique et les perspectives économiques favorables stimulèrent aussi fortement les investissements, qui exercèrent une influence croissante sur la, conjoncture. Selon les enquêtes auxquelles le délégué aux possibilités de travail procède chaque année au sujet de l'activité dans l'industrie du bâtiment et des constructions projetées,

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les sommes affectées annuellement à la construction de bâtiments industriels ont, de 1958 à 1962, plus que doublé, passant de 1045 millions à 2177 millions de francs. L'augmentation dépasse 100 pour cent. Les investissements en vue de l'équipement se sont accrus dans une très forte mesure également.

L'institut de recherches économiques de l'école polytechnique fédérale estime qu'ils ont passé de 2000 à quelque 4300 millions de francs. L'augmentation serait donc de 115 pour cent environ. Par suite de l'augmentation de la population et des revenus et par suite aussi de certains changements dans les besoins en ce qui concerne le logement, la demande de logements s'est accrue également. Le nombre des logements construits dans les communes de plus de 1000 habitants a augmenté, de 1958 à 1962, de 23 176 à 52 359, soit de 126 pour cent en chiffre rond; les sommes affectées à la construction passaient, durant cette période, de 1203 à 3226 millions de francs (soit environ 170% d'augmentation).

L'activité dans le secteur public de la construction a évolué de façon quelque peu différente. Il s'agit le plus souvent ici d'investissements secondaires rendus surtout nécessaires par une expansion préalable de l'économie privée. C'est pourquoi ils suivent habituellement avec un certain retard l'essor général et l'évolution dans le secteur des constructions privées. Depuis 1962, on enregistre aussi un fort mouvement ascendant dans le secteur public de la construction. De 1958 à 1962, l'augmentation a été de 1571 à 2523 millions de francs, soit de 60 pour cent environ. Pour 1962, elle est de 50 pour cent. Cette croissance n'est ainsi plus inférieure à celle qu'on enregistre dans le secteur privé.

Dans l'ensemble, l'activité annuelle dans le bâtiment a passé, entre 1958 et 1962, de 4266 à 8515 millions de francs. Ces investissements considérables n'ont pu se faire que grâce à une main-d'oeuvre étrangère en augmentation et à la possibilité pratiquement illimitée d'importer des matières premières et des biens industriels. L'importation générale s'est accrue de 75 pour cent environ entre 1958 et 1962, Celle des produits fabriqués a augmenté de plus de 110 pour cent. L'augmentation extraordinaire des importations a porté le déficit de la balance commerciale à un degré encore jamais atteint. De 1958 à 1962, ce déficit
s'est élevé de 686 à 3406 millions de francs, pour augmenter encore en 1963 d'une somme probablement supérieure à 100 millions de francs. En 1962, les trois quarts à peine des importations étaient couverts par des exportations. En 1958, cette couverture atteignait encore 90 pour cent en chiffre rond. Le rapport a été, semble-t-il, tout aussi défavorable en 1963. Durant ces trois dernières années, notre balance des revenus accusait un solde passif en constante augmentation, la balance commerciale devenant toujours plus passive. Cela montre clairement que les forces d'expansion se sont concentrées depuis longtemps sur le marché intérieur. La demande de construction déclenchée par le développement des exportations et maintenue par des facteurs s'exerçant sur le marché interne dépasse depuis 1960 la capa-

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cité de notre industrie du bâtiment. Cette demande excédentaire eut pour effet que la sélection des projets à exécuter s'opéra par le biais de hausses de prix qui n'étaient pas justifiées uniquement par l'augmentation des frais. La montée du coût de la construction stimula la demande de travaux, parce que toute attente signifiait un renchérissement annuel de quelque 10 pour cent et que la possession d'une construction terminée était ainsi considérée comme un gain assuré. Ces tendances se sont complétées réciproquement et ont fait encore augmenter la demande et, par conséquent, la «surchauffe» dans le domaine de la construction.

Les frais de construction ont, effectivement, augmenté dans une mesure inquiétante. C'est ainsi que l'indice zurichois du coût de la construction (1939=100) a passé, de 1958 à 1963 (enquêtes du printemps et de l'automne) de 215,2 points à 280,8 points en moyenne annuelle (augmentation d'environ 30%). L'indice bernois est même monté de 9,2 pour cent durant le premier semestre de 1963, le coût de certains travaux (terrassement, maçonnerie, béton armé et canalisations) atteignant le niveau le plus élevé, avec 17,2 pour cent. Ajoutons que le renchérissement pourrait dépasser de beaucoup celui que les statistiques ont révélé. L'indice du coût de la vie s'est élevé de quelque 11 pour cent durant la période de 1958 à 1963.

5. L'accroissement de la consommation Le développement des exportations et, plus tard, tout particulièrement celui des investissements ont suscité une tension durable du marché du travail. Le chômage est tombé à un minimum, tandis que le nombre des personnes occupées a augmenté fortement, principalement par suite de l'arrivée de contingents importants de travailleurs étrangers. Le nombre des personnes occupées dans l'industrie ne cessa de s'élever du premier trimestre de 1959 au deuxième trimestre de 1963, pour atteindre à cette époque-là un niveau sans précédent. L'augmentation a été de près de 26 pour cent. Dans l'industrie de la construction, l'élévation du degré d'occupation a été plus de deux fois (61%) plus forte que dans le reste de l'industrie.

Les tensions qui se sont produites sur le marché du travail ont conduit à des augmentations de salaires considérables. Entre 1959 et 1962, les gains moyens se sont élevés de 2,9 à 7,6 pour cent pour les ouvriers
et de 2,8 à 6,6 pour cent pour les employés. La montée des salaires s'est encore accélérée en 1963.

La forte augmentation du nombre des personnes occupées et l'amélioration des revenus individuels ont accru le pouvoir d'achat des masses. Cet accroissement a déclenché, à son tour, une augmentation extraordinaire de la demande de biens de consommation. L'augmentation rapide de cette demande se reflète dans les chiffres du commerce de détail. Calculés sur la base des moyennes mensuelles, ils ont augmenté de 9,2 pour cent en 1960, de 10,4 pour cent en 1961 et de 11 pour cent en 1962. Entre 1958 et 1962, les chiffres du petit commerce sont montés de 41 pour cent. L'augmentation du

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chiffre des ventes a été de 8,7 pour cent de janvier à novembre 1963. Le tourisme, en constant développement jusqu'en 1962, a contribué à féconder la vie économique.

La demande de biens de consommation a aussi été un stimulant pour l'économie et a joué un rôle dans le fait que l'essor est plus largement dû à des facteurs du marché intérieur. L'accroissement du pouvoir d'achat des masses a ainsi suscité des investissements supplémentaires dans l'industrie et les arts et métiers. De même que le fort afflux de travailleurs étrangers, il a fait simultanément augmenter la demande de logements et les besoins dans le domaine de l'infrastructure et des «services». La conséquence en a été une nouvelle augmentation du besoin de main-d'oeuvre. Ces divers facteurs d'expansion ont été encore renforcés par la réduction de la durée du travail.

Le fait que, depuis 1961, les facteurs d'expansion sont de moins en moins dus à l'exportation et de plus en plus aux investissements et à la consommation est illustré par la relation existant entre l'évolution des exportations et l'expansion de l'économie en général. En 1950, les exportations représentaient 21,4 pour cent du produit social net. Pour chacune des années 1951, 1953, 1956 et 1957, la proportion s'inscrivait à plus de 23 pour cent, un léger fléchissement ayant été enregistré durant les années intermédiaires. En 1960, elle a presque atteint 24 pour cent, pour redescendre, il est vrai, à un peu moins de 23 pour cent au cours des deux années suivantes.

Etant donnée la forte augmentation du nombre des travailleurs étrangers, il eût fallu s'attendre à une plus forte augmentation de la part des exportations. La stabilité assez nette de la relation montre combien toiite l'économie a subi les effets de l'expansion qui a débuté dans le secteur des exportations.

On peut considérer que les facteurs d'expansion secondaires exercent une action bien plus forte que les facteurs primaires.

6. L'évolution du marché de l'argent et des capitaux Depuis 1959, les crédits à court et à moyen termes accordés par les banques et groupés sous le nom de «débiteurs» se sont accrus dans tme proportion beaucoup plus forte que l'épargne indigène. Il en est résulté que les investissements ont augmenté plus rapidement que l'épargne disponible et que l'écart a dû être comblé par des fonds
supplémentaires, le plus souvent par des capitaux de l'étranger. Le lien entre les crédits octroyés et les investissements est dû au fait qu'il y a généralement préfinancement, sous forme de crédits bancaires. Ces crédits sont remplacés plus tard par des prêts hypothécaires ou par l'émission d'obligations et d'actions sur le marché. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on s'aperçoit habituellement que l'épargne à long terme est insuffisante pour financer les investissements effectués avec des crédits à eu uri terme.

Pour les 62 banques dont les bilans mensuels font l'objet d'une statistique de la banque nationale, les comptes «débiteurs» se sont accrus, de fin

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1957 à novembre 1963, de 8,7 à 18,9 milliards de francs, soit de 117 pour cent. Ce n'est guère par hasard que ce taux d'accroissement correspond approximativement à celui de l'augmentation du volume des projets de construction durant la môme période. L'ensemble des crédits octroyés par les banques, compte tenu des avances aux corporations de droit public et des prêts hypothécaires, a augmenté pendant lesdites années de 23,7 à 42,4 milliards de francs, soit de 79 pour cent. Le tableau suivant renseigne sur des taux d'accroissement annuels des différentes sortes de crédits.

Augmentation des crédits bancaires par rapport à l'année précédente Débiteurs

Avances à des collectivités rie droit public

/If

1958 1959 1960 1961 1962 1963 (*)

-- 2,7 15,0 23,5 24,5 14,5 14,7

^Î^TM,** , j- , Hypothécaires

'

/O



6,7 13,2 4.1 15,5 5,4 19,8

Total /O

6,1 6,1 7,8 9,1 9,0 7,7

2,9 9,6 13,3 15,5 11,2 11,3

(!) De fin novembre 1962 à fin novembre 1963.

L'expansion des crédits s'est accélérée jusqu'au printemps 1962. Depuis lors, on constate un ralentissement dû en partie à la limitation imposée par les banques. Depuis l'été 1963, l'extension s'est de nouveau accentuée, principalement en raison des avances aux pouvoirs publics mais aussi aux «débiteurs». Pour juger ces chiffres, il faut être conscient du fait que l'augmentation du volume des crédits exerce des effets inflationnistes d'autant plus grands que la capacité indigène de production est déjà soumise à un effort excessif.

Ainsi qu'il ressort du tableau ci-dessous, l'ampleur extrême de la demande de capitaux s'est reflétée également sur le marché des émissions, qui a été fortement mis à contribution.

Argent frais prélevé par des émissions publiques sur le marché suisse des capitaux (Argent frais sans les remboursements) En millions de francs 1958 1959 1960 1961 1962 1963

suisses

Emprunts par obligations étrangers

Total

Actions suisses

182 549 634 971 885 1664

137 480 558 860 440 533

319 1029 1192 1S31 1325 2197

105 376 182 365 654 504

Total généra.

424 1405 1374 2196 1979 2701

188

De 1958 à 1963, l'argent frais prélevé sur le marché suisse par l'ensemble des émissions a plus que sextuplé. En 1963, le montant net des émissions d'emprunts suisses était neuf fois et celui des émissions d'actions presque cinq fois plus élevé qu'en 1958.

La demande de capitaux a été plus forte que la formation de l'épargne dans le pays, laquelle a augmenté à peu près dans la même mesure que le revenu national. L'écart entre les dépenses pour les investissements indigènes et la formation de l'épargne interne a été comblé partiellement par l'afflux de capitaux de l'étranger. Cet afflux nous a aussi permis de couvrir le déficit de la balance des revenus, sans que cet argent affluant de l'étranger ait entraîné une réduction de l'offre de capitaux ni conduit, par conséquent, à une diminution de l'activité bancaire dans le domaine du crédit. Les fonds de l'étranger qui ont afflué dans le circuit économique interne peuvent être estimés à 1,5 milliard de francs environ pour 1961 et a 2 milliards pour chacune des années 1962 et 1963. Le montant de ces fonds a été toutefois beaucoup plus élevé, mais une partie d'entre eux ont repris le chemin de l'étranger et une autre ont été bloqués.

En raison de la stabilité de la situation politique et économique de notre pays et de la grande considération dont jouit notre monnaie à l'étranger, d'importants capitaux ont de tout temps été attirés chez nous, mais plus particulièrement ces dernières années. Lorsque la situation économique et politique devenait critique à l'étranger et que d'importantes perturbations monétaires s'y produisaient, des capitaux cherchaient refuge en Suisse. Des capitaux suisses étaient aussi rapatriés en pareille occurrence. D'importants fonds ont afflué dans notre pays lors de la crise du Congo, en juillet 1960. Une autre vague s'est produite en octobre de la même année, par suite du peu de confiance qu'inspirait le dollar dans le monde. Des capitaux importants ont aussi afflué en Suisse en mars 1961, alors que la République fédérale d'Allemagne et les Pays-Bas réévaluaient leurs monnaies, en août 1961 lors de la crise de Berlin, à fin mai 1962 à l'occasion de l'effondrement des cours à la bourse des actions de New York et en octobre de la même année, lors de la crise de Cuba.

Bien que diverses mesures eussent été prises pour enrayer et
neutraliser ces afflux de capitaux, le marché est devenu chaque fois plus fluide et la capacité de crédit des banques en a été augmentée. La liquidité du marché s'est donc maintenue jusqu'en 1962 et les taux d'intérêt n'ont subi que des modifications insignifiantes.

Le fait que les sommes nécessaires aux investissements dépassaient l'épargne formée dans le pays et que la Suisse devenait d'une manière croissante dépendante de l'étranger pour son alimentation en capitaux devait conduire nécessairement à un resserrement du marché de l'argent et des capitaux dès que l'afflux d'argent fléchissait et que le déficit de la balance des revenus commençait à se faire sentir. Les signes d'une telle évolution appa-

189 rurent dans le premier semestre de 1963. Il en est résulté pour les banquesune diminution de leurs liquidités, un ralentissement de l'afflux des fonda confiés par la clientèle, ainsi qu'un certain raidissement des taux d'intérêt.

La tension du marché fut aussi causée par le fait qu'on cherchait davantage à transformer l'épargne en valeurs réelles et que les grandes banques avaient un besoin croissant de capitaux placés à long terme pour le financement descrédits d'exportation, de plus en plus demandés par notre industrie. Par suite de l'importance de la demande de capitaux, le marché se serait sans, doute resserré beaucoup plus tôt et plus fortement s'il n'avait été continuellement alimenté par l'étranger. Ces afflux de fonds ont toutefois empêché 1& marché de se régler lui-même.

7, La poussée inflationniste et ses conséquences Le concours des principaux facteurs inflationnistes soumit notre appareil de production à un effort excessif. Cela se manifesta particulièrement par un développement continu des importations, par un déficit croissant de notre balance des revenus, par une augmentation du nombre des travailleurs étrangers, par un manque prononcé de personnel, par une prolongation des délais de livraison, par l'accroissement du volume des commandes et par un large appel au crédit. La demande excédentaire est la cause véritable de la montée des prix et des salaires enregistrée jusqu'ici. Elle menace de dégrader à un rythme accéléré le pouvoir d'achat de la monnaie.

Au début de la période d'expansion économique, les prix tendaient à baisser légèrement. Depuis la seconde moitié de 1959 et jusque vers la fin de 1961, ils sont remontés, mais dans une mesure relativement modeste. Depuis lors, on note cependant une hausse rapide des prix, et cette hausse s'est accrue en 1962 et 1963 dans une mesure inhabituelle pour la Suisse.

L'évolution des prix qu'il a fallu malheureusement enregistrer ces deux dernières années était due à des causes essentiellement internes. Or pendantce temps, les prix des marchandises importées marquaient même une tendance à la baisse ainsi que le montre notamment l'indice des prix du commerce de gros. Ce n'est que ces derniers temps que l'on enregistre de nouveau, ici certains facteurs d'expansion.

Le renchérissement des denrées alimentaires et des loyers, qui jouent
ici un rôle particulièrement important, a été la cause principale de la hausse de l'indice des prix à la consommation. La poussée expansionniste due à une demande toujours plus excédentaire s'est exercée dans ces deux domaines encore plus fortement, étant donné qu'il y a là un véritable mécanisme d& déclenchement de la montée des prix. En vertu du principe légal de la parité des salaires, les augmentations de salaire accordées dans l'industrie et les arts et métiers se traduisent plus ou moins automatiquement par une augmentation du prix des produits agricoles, en particulier des denrées alimen-

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taires. La hausse de ces prix conduit, à son tour, à des relèvements de salaires, etc. La montée de l'indice des loyers est due notamment au rôle croissant que jouent les nouveaux logements, à loyers chers, dans les calculs. L'augmentation continue du prix des vêtements et des services exerça également un effet sur l'indice des prix à la consommation. Au cours de ces cinq dernières années, les prix des autres positions de l'indice haussèrent également mais sans jouer un grand rôle. Du milieu de l'année 1959 à la fin de l'année 1963, l'indice général s'est élevé de 14 pour cent.

La hausse rapide et prononcée des prix pendant ces deux dernières années a suscité de l'inquiétude dans de larges milieux, surtout parce que la Suisse, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, n'avait pas connu un tel renchérissement s'étendant sur une longue période. Entre 1945 et 1960, l'indice des prix à la consommation ne s'y était élevé, en moyenne annuelle, que de 1 % pour cent. Durant les deux dernières années, le taux de renchérissement est monté à 4 pour cent.

L'accélération de la montée des prix en Suisse se manifeste surtout quand on compare notre situation à celle des autres pays industriels avec lesquels nous sommes en concurrence sur les marchés mondiaux. Les chiffres que nous indiquons ci-après au sujet des modifications des indices des prix à la consommation sont tirés des Bulletins statistiques de l'OCDE de novembre 1963. Des comparaisons ne sont pas partout possibles, car certains chiffres concernent des marchandises qui ne sont pas groupées de la même façon. Ils permettent cependant de se faire une idée assez exacte de la tendance des prix.

Pour la période de 1958 à septembre 1963, on constate que les EtatsUnis d'Amérique et le Canada enregistraient le renchérissement le plus faible (Etats-Unis 6,5%, Canada 6,6%). Venaient ensuite la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la Suisse (11 à 11,5%). En Norvège, aux Pays-Bas, en Autriche et en Suède, la hausse du niveau moyen des prix se situait entre 13 16 pour cent. Des taux encore plus élevés sont notés en Italie (17,7%) et en Trance (27,7%).

Poxir la période de septembre 1962 à septembre 1963, la comparaison est moins favorable à notre pays. Les taux les plus faibles sont enregistrés en Norvège (0,7%) et aux Etats-Unis d'Amérique (0,9%). Viennent ensuite
la Grande-Bretagne et le Canada avec un taux légèrement inférieur à 2 pour cent. Le renchérissement est plus marqué en Autriche et en Allemagne (2,9%), en Suède (3%), en Suisse (3,3%) et aux Pays-Bas (3,9%). Ce sont de nouveau la France et l'Italie qui sont dans la situation la plus défavorable, la .hausse étant de 7 pour cent dans un cas, de 7,3 pour cent dans l'autre. Sur onze pays industriels d'une certaine importance, sept (parmi lesquels nos principaux concurrents) enregistrent un, taux de renchérissement inférieur au nôtre. Dans les trois pays mentionnés en dernier lieu, des mesures de lutte ont été prises de sorte que nous risquons de compter au nombre des pays où le

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renchérissement est le plus prononcé si nous ne prenons pas aussi des mesures efficaces pour réduire une demande qui pousse à la hausse des prix.

La Suisse, qui dépend si largement de ses exportations et du tourisme, ne peut subir à la longue les effets d'un tel renchérissement sans affaiblir durablement sa capacité de concurrence sur le marché international, ni compromettre, par conséquent, la croissance de son économie.

Il faut se rendre compte que la discrimination que nous applique la Communauté économique européenne et l'avantage que les pays concurrents rattachés a cette communauté tirent d'un grand marché commun sont déjà une menace pour notre capacité de concurrence. Nous devons par conséquent faire des efforts pour que nos frais de production ne dépassent pas, ces prochaines années, le seuil à partir duquel il ne nous serait plus possible de compenser la discrimination intégrale pratiquée par les pays du marché commun et les avantages que des aménagements structurels (production de masse) vaudraient à ces pays dans le domaine de la concurrence.

La hausse persistante des pris ne diminue pas seulement notre capacité de concurrence sur le marché international. La nouvelle répartition des revenus et des fortunes liée à la dépréciation de l'argent conduit aussi à des tensions sociales, ébranle la confiance dans notre monnaie et paralyse dans notre peuple la volonté d'épargner. L'affaiblissement du pouvoir d'achat de l'argent peut aussi amener à prendre des dispositions peu judicieuses dans le domaine de la production et des investissements, ce qui est de nature à compromettre l'amélioration générale de la productivité et nous expose encore davantage à des revers.

Par suite de l'effort excessif auquel sont soumises nos forces productives, notre pays devient en outre dépendant de l'étranger dans une mesure inconnue jusqu'ici lorsqu'il s'agit de se procurer la main-d'oeuvre et les capitaux nécessaires. Se rappeler que des conditions politiques ou économiques pourraient briser à tout moment ces supports de notre activité, c'est constater que celle-ci repose sur des fondements bien peu sûrs. L'urgence des mesures à prendre pour ramener notre économie essoufflée à un degré d'activité correspondant mieux à ses possibilités naturelles de croissance apparaît ainsi d'autant plus clairement.

II. Les
mesures prises jusqu'ici par la Confédération et la banque nationale pour réduire la «surchauffe» économique et freiner la montée des prix Nous avons toujours? considéré que nous avions le devoir de lutter par tous les moyens possibles contre les effets nuisibles de la «surchauffe». La politique de la banque nationale tendait au même but. Les moyens dont on

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disposait étaient cependant limités. C'est pourquoi les efforts entrepris pour lutter contre le renchérissement ont jusqu'à présent consisté, pour l'essentiel, dans des mesures de la banque nationale concernant les capitaux et la.

monnaie, dans la politique de la Confédération en matière de finances et de dépenses, ainsi que dans des appels à la raison adressés à tous ceux qui participent à la vie économique.

1. La politique du marché de l'argent et des capitaux

Vu la liquidité du marché de l'argent et des capitaux, les efforts des.

autorités compétentes en matière monétaire tendaient avant tout, dans les années 1960 à 1963, à empêcher l'argent étranger de pénétrer dans notre circuit économique et à atténuer la liquidité supplémentaire créée par cet argent venu de l'étranger. Dans ce dessein, la banque nationale a conclu avec les autres banques, en août I960, un Gentlemen's Agreement pour endiguer l'afflux de capitaux de l'étranger. Cet accord, plusieurs fois prolongé, est encore en vigueur. Pour retirer des fonds liquides du marché, la banque nationale a placé auprès des autres banques, en octobre 1960, des rescriptions de la Confédération dites rescriptions de stérilisation, se montant à 400 millions ; leur contre-valeur a été portée sur un compte spécial de notre établissement d'émission. Au printemps 1961, les grandes banques se sont déclarées prêtes à placer dans un compte spécial auprès de la banque nationale la majeure partie des fonds qui leur avaient été versés à la suite de la revalorisation des monnaies allemande et hollandaise. Une somme de 1035 millions de franca put être ainsi soustraite à la libre disposition par les banques. Ce blocage subsiste à l'heure actuelle. En juillet et octobre 1962, d'autres fonds (600 millions de francs) ont été retirés du marché par des opérations SWAP, exécutées par la banque nationale en coopération avec les autorités monétaires américaines, la banque des règlements internationaux et de grandes banques suisses. La banque nationale a aussi conclu en avril 1962 un accord avec les autres banques. Aux termes de cet accord, tous les établissements bancaires dont la somme du bilan était au moins de 10 millions de francs s'engageaient à limiter l'accroissement de leurs crédits à un certain pourcentage de l'augmentation des années 1960 et 1961, Cet accord, lui aussi, a été prolongé au printemps de 1963 pour un an.

Malgré la liquidité toujours croissante du marché due à l'afflux d'argent étranger et la pression exercée ainsi sur le taux d'intérêt, la banque nationale a renoncé, pour des raisons de principe, à prendre des dispositions qui eussent pu renchérir sensiblement l'intérêt. Etant donnée la grande liquidité du marché, il était indiqué de conserver des taux moins élevés que ceux de l'étranger pour faciliter le
rapatriement des fonds venus du dehors et pour ne pas attirer encore davantage l'argent étranger. Pour la môme raison, la banque nationale s'est efforcée de laisser le marché suisse des émissionsouvert aux emprunts étrangers en fonction de l'argent disponible. Si la.

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banque nationale est demeurée fidèle au principe d'un taux d'intérêt ausai stable que possible alors qu'on était déjà en pleine période d'expansion économique, elle l'a fait en grande partie en raison du fléchissement qui se dessinait à l'étranger durant le second semestre de 1962 et jusqu'au cours de l'année 1963. On pouvait en outre espérer que les mesures prises par la Confédération, la banque nationale et l'économie pour contenir l'expansion économique auraient des résultats tangibles. Il n'eût pas été sage de chercher à avoir des taux d'intérêt élevés en période de fléchissement de l'activité économique.

Lorsqu'une nouvelle expansion commença à se produire à l'étranger dans le second semestre de 1963 et que des signes nombreux d'une forte reprise des affaires apparurent en Suisse également, le problème du taux de l'intérêt se posa sous un jour nouveau. Le besoin de capital pour des investissements ne diminua pas mais s'accrût même. Aussi une raréfaction de l'argent et des capitaux se fit-elle graduellement sentir sur le marché au cours de l'été 1963. Elle était également due au fait que le volume des capitaux étrangers déposés en Suisse avait diminué depuis le début de l'année. L'évolution de l'économie générale favorisa ainsi la tendance à la hausse du taux de l'intérêt. Dans ces conditions, il parut sage de ne plus chercher à maintenir l'intérêt à un taux aussi stable que possible. Il eût été contraire aux exigences de la situation de lutter contre la tendance à la raréfaction en accroissant artificiellement l'offre de capital, par exemple en libérant d'importantes sommes d'argent stérilisées ou neutralisées. La conséquence en aurait été qu'une demande générale déjà trop forte et que les investissements en particulier auraient encore été stimulés par une mesure d'ordre monétaire.

2. La politique financière de la Confédération La Confédération s'est efforcée de pratiquer une politique financière propre à freiner la surexpansion économique. Les principes d'une telle politique n'étaient toutefois que très partiellement applicables aussi dans la nouvelle phase de la «surchauffe». Cela est dû en premier lieu au fait qu'il n'était pas possible de contenir l'augmentation des dépenses dans la mesure souhaitable, ni d'adapter les taux d'impôt à la situation du moment. Les tâches de la Confédération
s'étendant continuellement, les dépenses n'ont fait, au contraire, qu'augmenter depuis 1959. Le rendement de divers impôts fédéraux (par exemple les droits de douane et l'impôt sur le chiffre d'affaires) étant très facilement influencé par la situation économique, les recettes de la Confédération ont, elles aussi, augmenté. En conséquence, les comptes financiers de la Confédération se sont soldés sans exception par des excédents de recettes plus ou moins importants, ce qui, quant à la tendance, était conforme aux exigences de la politique conjoncturelle.

L'effet des excédents de recettes sur la situation économique varie dans une large mesure suivant que les excédents rentrent dans le circuit écono-

194 mique ou qu'ils sont bloqués. Comme dans certaines des années antérieures, la Confédération a fait usage, depuis 1959, de la possibilité de stériliser ses fonds en renonçant à affecter largement ses excédents de recettes au remboursement des dettes.

De fin 1959 à fin 1963, les fonds stérilisés par la Confédération se sont accrus de 1,2 milliard de francs pour atteindre quelque 2 milliards. Leur placement dans le pays ne pouvait pas entrer en considération car il eût été un facteur d'expansion comme le remboursement de dettes. Pour limiter les.

frais des mesures appliquées par la Confédération aux fins d'influencer le marché, les autorités se sont efforcées de placer cet excédent de liquidité à l'étranger d'une manière aussi sûre et productive que possible. Les placements de la Confédération en monnaies étrangères bénéficient d'une garantie de cours. La Confédération n'a pas pratiqué de politique rigide lorsqu'il s'agit de l'influence à exercer sur le marché et du remboursement de ses dettes. Si nous comparons les remboursements nets de la Confédération avec ses excédents de recettes (compte tenu des excédents de paiements à l'étranger, qui soustraient également des fonds au circuit économique interne), nous obtenons le tableau, suivant: 1SGO

19(31.

1.962

Est-imatioii 1963

r

(in millions dû l rïiiiC3

Excédent de recettes du compte financier Excédent des paiements de la Confédération à l'étranger Total Dont à déduire : Remboursement net de dettes publiques Moyens absorbés par la Confédération .

715

140

430

90

140 855

460 600

180 610

20Q 290

305 550

200 400

260 350

90 200

Au cours de ces dernières années, des montants considérables ont été retirés du circuit économique. Le montant retiré en 1963 a été sensiblement plus faible que d'ordinaire; il se réduit à 50 millions de francs environ, compte tenu des remboursements d'emprunts auxquels les chemins de fer fédéraux ont procédé. Les montants retirés sont, toutefois, modestes comparativement à l'afflux de capitaux étrangers.

3. Autres mesures prises par la Confédération pour réduire la «surchauffe» Les facteurs d'expansion se faisant sentir très vite et d'une manière particulièrement prononcée dans le secteur de la construction, nous avons, en septembre 1960, invité les départements, ainsi que les chemins de fer fédéraux et l'entreprise des postes, téléphones et télégraphes à observer la plus grande retenue dans l'adjudication de travaux, eu égard à la tension

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excessive existant sur le marché de la construction. Nous avons recommandé en même temps aux cantons et aux communes d'appuyer les efforts de la.

Confédération. La délégation du Conseil fédéral pour les questions financières et économiques a en outre pris contact avec des représentants de l'économie en vue d'obtenir des chefs d'entreprise qu'ils observent aussi de la modération. Nous devons constater aujourd'hui que cette intervention n'a pas eu un effet suffisant.

En décembre 1961, nous avons chargé un groupe de travail interdépartemental d'élaborer un programme de mesures propres à freiner la montée des frais et des prix. Nous avons approuvé ce programme en mars1962. L'un de ses points principaux consistait dans une mesure dont nous avons parlé au chapitre II, 1 : la conclusion d'un Gentlemen's Agreement entre la banque nationale et les banques au sujet de la fixation d'un plafond pour l'ouverture de crédits. Pour renforcer l'effet de cet arrangement, nous, avons invité l'entreprise des postes, téléphones et télégraphes, le fonds de l'assurance-vieillesse et survivants et la caisse nationale d'assurance en cas d'accidents à tenir davantage compte, dans leur politique de placements, des impératifs de la conjoncture. Dans le domaine de la garantie contre les risques à l'exportation, il a également été tenu compte des exigences de l'heure par une réduction des taux garantis. Des résultats prometteurs ont aussi été obtenus par des mesures douanières favorisant le transfert à l'étranger de phases de fabrication peu intéressantes pour notre économie..

On a pu ainsi éviter de faire appel à des travailleurs étrangers.

Pour seconder les efforts des associations faîtières de l'économie en vue de stabiliser l'effectif du personnel, nous avons décidé que, pendant une année à partir du 1er mai 1962, toutes les divisions de l'administration centrale de la Confédération devaient en principe renoncer à créer de nouveaux emplois.

Cette décision a été prorogée.

Les dispositions prises pour limiter d'une manière directe et coordonnée la construction par les particuliers et les collectivités publiques ont constitué aussi un point important du programme établi en vue de freiner la surexpansion. A cet effet, les cantons ont été invités à constituer des commissions régionales chargées de soumettre à un examen
attentif tous les projets de construction dont le devis dépasse une certaine somme et, dans le cas où un effort excessif est demandé à l'industrie du bâtiment, de s'employer à obtenir une réduction du volume par des pourparlers ou un appel à la raison.

Nous citerons encore une autre mesure importante prise pour réduire la « surchauffe»: il s'agit de l'intervention du département de l'économie publique auprès des divers milieux économiques pour les amener à s'imposer euxmêmes une certaine discipline. Le résultat en a été que quelque trente branches importantes -- parmi lesquelles celles de l'industrie de base, qui jouent un si grand rôle dans la formation des prix -- ont souscrit des déclarations relatives au blocage des prix. Les représentants de branches impor-

196 tantes se prononcèrent pour la réduction des investissements ou prirent des décisions limitant l'accroissement du personnel des entreprises. Il convient de mentionner spécialement la convention, fort utile, par laquelle les entreprises affiliées à l'association patronale suisse des constructeurs de machines ·et industriels en métallurgie sont convenues de fixer un plafond pour leur main-d'oeuvre.

Pour lutter contre le danger d'infiltration étrangère et pour obéir à des considérations de politique conjoncturelle, nous avons édicté, le 1er mars 1963, un arrêté limitant l'engagement des travailleurs étrangers. II prévoit ·un plafond pour l'ensemble du personnel des entreprises (Suisses et étrangers).

Ces mesures et appels des autorités et les dispositions prises volontairement par les milieux économiques pour modérer l'expansion économique ont, à n'en pas douter, contribué à empêcher que les facteurs inflationnistes ne se développent encore et que la dévaluation de l'argent ne s'accentue. Les efforts de l'économie privée méritent surtout d'être reconnus. Comme le montre l'évolution récente, ils sont cependant insuffisants pour contenir l'expansion provoquée par le jeu des forces du marché. Dans l'intérêt bien compris de notre économie, ils doivent être complétés temporairement par des mesures officielles plus efficaces et plus méthodiques, III. Appréciation de la situation économique actuelle et perspectives d'avenir La Suisse dépendant fortement de l'extérieur, il en résulte que sa situation économique subit à un haut degré l'influence des conditions économiques des autres pays et de la politique commerciale de l'étranger.

En Amérique du Nord, surtout aux Etats-Unis, il y a une accélération manifeste de la croissance économique. En Europe, on a constaté, dans les années 1962 et 1963, un ralentissement, variable suivant les pays. On note cependant de nouveau une accélération de l'expansion depuis le printemps 1963. Comme le marché des capitaux est en général tendu, que l'insécurité subsiste dans le domaine de la politique commerciale et que, ici et là, des tensions internes freinent les investissements, il n'est pas encore possible dé dire avec certitude ce que sera l'expansion de l'activité économique. La reprise de la demande à l'étranger paraît devoir, comme précédemment, exercer ses effets
sur nos exportations. Ce serait toutefois une erreur de laisser les coûts s'accroître dans la mesure où le permettrait le rendement actuel de nos exportations, parce qu'il risque de fléchir par la suite. Notre capacité de concurrence diminuera de plus en plus en raison de la discrimination croissante pratiquée par les pays qui sont nos principaux acheteurs et du peu d'élasticité de l'offre de main-d'oeuvre et de capitaux. La dégradation de notre capacité concurrentielle pourrait se manifester plus nettement

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et peut-être même brusquement dans le cas où le placement des produits deviendrait plus difficile et où les entreprises seraient portées à produire beaucoup pour compenser les prix peu élevés auxquels elles vendent leurs produits.

Contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres pays industrialisés depuis longtemps, l'expansion économique et la tension du marché se sont maintenues en Suisse sans interruption depuis 1959, ce qu'il faut attribuer surtout à l'arrivée de main-d'oeuvre étrangère et à un afflux de capitaux étrangers qui a été un facteur d'inflation monétaire. C'est pourquoi les prix ne sont pas devenus stables. Au contraire, on a constaté précisément ces derniers temps une montée des prix et des salaires -- et par conséquent des frais de production -- dépassant celle qui est enregistrée dans les pays qui sont nos principaux concurrents.

La seule répercussion de la détente qui s'est manifestée à l'étranger a été une légère réduction du volume des commandes de marchandises à exporter ainsi qu'une certaine baisse de la production et du degré d'occupation dans les industries produisant des biens d'investissement destinés principalement à l'étranger.

Après un léger fléchissement temporaire, la demande qui anime l'ensemble de notre économie s'est accrue nettement. Cela est dû principalement à l'activité des entreprises travaillant pour le marché intérieur, en particulier de l'industrie de la construction, aux dépenses des collectivités publiques, aux mesures pour développer l'infrastructure et enfin à la consommation privée, stimulée par la montée des salaires. Il s'agit là des suites des facteurs d'expansion primaires qui se sont manifestés précédemment. On distingue en outre de nouveaux signes d'une reprise des investissements industriels, due à un accroissement du volume des commandes de marchandises destinées à l'exportation.

L'aboutissement de l'évolution conjoncturelle de ces dernières années consiste en ce que la demande générale dépasse largement la capacité de production, malgré l'emploi de main-d'oeuvre étrangère et la mise à contribution de capitaux étrangers. Bien que toutes les réserves de main-d'oeuvre soient épuisées, il y a toujours tendance à réduire la durée du travail. La montée des salaires et des taux d'intérêt entraîne, il est vrai, avec le temps, un ralentissement
de l'expansion sur toute la ligne. Mais l'effet, surtout sur le marché intérieur, ne s'en fait sentir qu'avec un fort retard et suscite un affaiblissement de la capacité de concurrence, une accélération des transformations structurelles et une raréfaction de la main-d'oeuvre requise pour l'accomplissement de fonctions d'importance vitale. Il en résulte, de nouveau, une hausse générale des prix, des salaires et des frais.

Si les tendances actuelles se développent sans frein, il s'ensuivra certainement une accélération des mouvements inflationnistes, étant donné que les effets secondaires se feraient encore sentir pendant un à deux ans, même Feuille fédérale. 116e année. Vol. I.

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198 si aucun nouveau facteur primaire n'exerçait son action. Ce développement sans frein aurait en outre pour conséquence une infiltration étrangère toujours plus poussée, une industrialisation et une urbanisation accélérées. On doit considérer que l'affaiblissement de la capacité de concurrence est un phénomène peu visible. Il faut des années pour qu'on le remarque clairement, mais il peut alors apparaître d'une façon brusque et inattendue.

Si les facteurs d'expansion qui gagnent de la force devaient conduire à un essor général en Europe -- ce qui n'est nullement impossible --- les déséquilibres s'-aggraveraient très vite. A l'inverse de ce qu'on a constaté dans maints pays industriels, le nouvel essor enregistré en. Suisse se produirait dans un état de suremploi et de tension extrême dans tous les domaines.

Il faudrait surtout craindre qu'une nouvelle expansion économique ne favorise une montée des prix. Comme il faudrait s'attendre en même temps à une raréfaction plus grave de la main-d'oeuvre, la hausse plus rapide des salaires dans les pays de la Communauté économique européenne aurait des répercussions immédiates en Suisse. Il en résulterait une augmentation des frais et une hausse des prix que la Suisse, privée des avantages d'ordre structurel dont bénéficient les pays concurrents, ne pourrait contenir.

IV. But et grandes lignes des mesures à prendre pour réduire la « surchauffe» économique et défendre le pouvoir d'achat du franc Le but principal de notre politique conjoncturelle doit être d'assurer une croissance régulière de l'économie, avec plein emploi de la main-d'oeuvre indigène, l'usage optimum de tous les moyens de production à disposition et le maintien de la stabilité monétaire. En un mot, il s'agit d'une croissance équilibrée.

Pour atteindre ce but général, il importe tout particulièrement, dans les circonstances actuelles, de chercher à maintenir la capacité de concurrence de nos industries sur le marché international, le pouvoir d'achat de notre monnaie, la confiance dans sa stabilité et à rendre le marché suisse du travail et des capitaux moins dépendant de l'étranger.

C'est pourquoi il s'agit en. principe de diminuer la demande générale et de la réduire à un degré qui permette de ne pas exiger un effort excessif des forces productives dont dispose le pays. On ne saurait
obtenir les résultats susmentionnés par des mesures schématiques et atteindre le but d'un seul coup. Il y a en effet, pour le moment du moins, une certaine antinomie entre les uns ou les autres points du programme. Cela est particulièrement vrai pour l'effort à faire pour maintenir notre capacité de concurrence et les mesures à prendre, surtout pour des raisons de politique générale, en vue de freiner l'afflux des étrangers. Il est donc nécessaire de procéder de façon différenciée, en combinant Jes divers moyens à disposition.

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Procéder de cette manière est aussi indiqué en raison de la phase conjoncturelle par laquelle nous passons actuellement. Comme nous l'avons dit, l'expansion est due principalement à des facteurs s'exerçant sur le marché intérieur (services, industrie de la construction, en particulier). Ce sont des secteurs qui sont largement soustraits à la concurrence étrangère. Ces facteurs d'expansion sont encore forcément influencés par le capital étranger qui afflue en Suisse malgré la modicité du taux de l'intérêt et par l'activité que la présence des travailleurs étrangers impose à notre économie.

Pour les raisons susindiquées, mais surtout parce que les déséquilibres déjà enregistrés commandent d'agir avec la plus grande célérité pour mettre ordre à la situation, il n'est pas possible d'agir d'une manière efficace en faisant simplement jouer les lois du marché. Dans certains domaines, des interventions directes à but précis sont indispensables, vu qu'on doit actuellement se préoccuper principalement d'empêcher le développement des facteurs secondaires dans le secteur de la construction et sur le marché intérieur en général, ainsi que de prévenir une plus forte infiltration étrangère.

Abstraction faite du principe -- d'importance capitale chez nous -- selon lequel la monnaie doit demeurer stable, il y a lieu de considérer, après l'examen du caractère et des causes de la «surchauffe», qu'on commettrait une erreur en revalorisant la franc suisse pour réduire les exportations par l'effet d'un renchérissement artificiel des marchandises. Les facteurs de «surchauffe» les plus dangereux --- les investissements secondaires -- ne seraient pas ou que tardivement influencés. En revanche, une revalorisation frapperait brusquement et très lourdement notre industrie d'exportation. Il y aurait heu de redouter grandement la cessation de l'activité d'entreprises industrielles, car nombreuses sont déjà celles dont les prix ne couvrent plus guère les frais. Le tourisme subirait, lui aussi, un tort considérable. La politique conjoncturelle ne doit pas avoir pour bxit d'arrêter l'essor économique.

Elle doit tendre, au contraire, à ralentir le rythme de l'expansion et à ajuster la croissance à la capacité de production du pays.

L'idée de revalorisation de la monnaie doit être combattue en particulier en raison du fait que
l'avantage dont bénéficierait notre pays a l'égard de la concurrence étrangère, et qu'il s'agirait d'atténuer, est d'une façon générale inexistant, notamment si l'on tient compte de la discrimination doxianière. On peut s'en rendre compte en considérant l'évolution, de la balance commerciale et des revenus. Il n'y a pas d'excédents d'exportation. Le passif est, au contraire, extrêmement élevé et s'accroît encore. Il n'est donc pas question d'un déséquilibre structurel de notre commerce extérieur qu'il.

s'agirait de combattre par un ajustement. La division toujours plus prononcée de l'Europe en blocs économiques détériorera encore sensiblement notre capacité clé concurrence. La revalorisation du franc suisse porterait à nos relations avec l'étranger dans le domaine de la circulation des capitaux, de l'activité bancaire et des assurances un coup dont elles se remettraient

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difficilement et qui nuirait au bon renom de notre monnaie à l'étranger. Dans ces conditions et vu l'insécurité qui règne dans les relations commerciales avec l'étranger, il serait faux de vouloir, en raison de la situation économique du moment, compromettre la confiance dans la stabilité du franc et courir ainsi le risque de devoir peut-être, dans un avenir plus ou moins rapproché, décider une opération contraire.

Les mesures à but précis que nous proposons sont aussi préférables parce que, dans maints domaines, la «surchauffe» a faussé complètement les revenus, de sorte que la fonction régulatrice des forces agissant sur le marché est devenue inefficace. Dans de telles circonstances, on ne peut plus attendre de ces seules forces qu'elles rétablissent l'équilibre. Des interventions directes sont aussi nécessaires. Elles doivent agir de telle manière que la réduction de la demande qui en résulte réduise à un minimum les conséquences fâcheuses à attendre d'une limitation de l'effectif des travailleurs étrangers.

Nous devons enfin signaler que les interventions envisagées tendent en général à exercer une action dans un sens où les forces naturelles du marché pourront, tôt ou tard, se faire sentir également. Si l'économie européenne devait connaître un nouvel essor, la main-d'oeuvre étrangère que nous occupons trouvera probablement emploi dans son pays d'origine. Il ne faut pas non plus s'attendre à un afflux durable de capital étranger. Suivant les circonstances, les travailleurs étrangers et les capitaux étrangers pourraient quitter brusquement notre pays et nous mettre dans une situation critique.

Les mesures que nous prévoyons anticipent ainsi sur des phénomènes qui se produiront tôt ou tard et donnent à notre économie la possibilité de sortir à. temps d'une situation peu sûre.

Considérant cet état de choses, nous nous sommes décidés, pour atteindre nos buts, principalement dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui de la construction, à proposer aux chambres fédérales des mesures immédiates pour réduire la «surchauffe» économique, freiner la montée des prix et limiter en même temps l'effectif des travailleurs étrangers. Nous voulons en outre arriver à ce que dans l'administration fédérale, mais aussi dans celle des cantons et des communes, on pratique, en matière de
personnel, une politique qui détende le marché du travail et exerce, en matière de dépenses, une action qui freine l'expansion économique.

Il y aura lieu d'examiner en outre jusqu'à quel point des réductions de droits de douane pourraient contribuer à endiguer le renchérissement. Quelques mesures peuvent être prises en vertu de la législation en vigueur. Pour les dispositions à prendre par les autorités au sujet du marché de l'argent et des capitaux et de l'industrie de la construction, de nouveaux textes légaux sont en revanche nécessaires.

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1. Mesures concernant le marché de l'argent et des capitaux et le crédit Le but de ces mesures est d'établir un meilleur équilibre entre l'épargne et les investissements et de mettre un frein à la création d'argent.

Elles doivent autant que possible reposer sur le principe d'une libre collaboration entre les autorités et l'économie. Nous sommes d'avis que ce système qui, d'une façon générale, a donné ces dernières années des résultats positifs bien que limités, notamment en ce qui concerne la politique de la banque d'émission, convient particulièrement aux conditions de notre pays.

Avec la banque nationale, nous pensons cependant que les arrangements librement conclus que celle-ci a passés avec les banques, et qui souffrent par la nature des choses de certaines lacunes, doivent être complétés et renforcés sur divers points.

Il faut, avant tout, élargir le cercle des établissements touchés par les mesures. A côté des établissements bancaires, les sociétés d'assurances et les caisses d'assurance et de prévoyance publiques et privées, les fonds de placements ainsi que toutes les personnes et sociétés qui s'occupent de placer des fonds jouent, en effet, un rôle parfois important dans le domaine de l'argent et du crédit.

Les mesures prises jusqu'ici sous la forme de libres arrangements n'étaient pas coercitives. Il y a lieu de prévoir que le Conseil fédéral pourra déclarer d'application générale les arrangements qui ont reçu l'approbation de la majorité des intéressés ou instaurer une réglementation légale au cas où un arrangement volontaire n'aboutirait pas, se révélerait insuffisant ou n'entrerait pas en considération en raison des circonstances. Il s'agira ici, sur toute la ligne, de mesures urgentes et temporaires qui ne doivent pas se substituer aux dispositions en préparation pour accroître les moyens d'action de la banque nationale.

Les remarques que nous faisons ci-après au sujet des divers articles du projet d'arrêté fédéral renseignent sur les mesures qu'il s'agirait de prendre pour agir sur le marché de l'argent et des capitaux. Les plus importantes d'entre elles sont celles qui tendent à enrayer l'afflux des capitaux étrangers et à limiter le crédit.

Ainsi que nous l'avons déjà exposé, le marché de l'argent et le crédit sont fortement influencés chez nous par l'afflux de fonds
étrangers. Au cours de ces dernières années, ceux-ci ont permis une augmentation des investissements qui dépasse considérablement la capacité du capital indigène. On est fondé à affirmer que l'afflux de capitaux de l'étranger a contribué fortement à la hausse des prix et des coûts intervenue chez nous ces derniers temps.

Cela est particulièrement net sur le marché des immeubles, où la hausse énorme des prix est due, pour une part, aux placements de fonds étrangers.

Les cours des actions suisses et des certificats délivrés par les fonds de placements ont été aussi parfois fortement influencés ces années passées par les capitaux étrangers.

202 Une partie des mesures envisagées pour limiter les crédits consiste à fixer un plafond pour les banques, comme le prévoit l'arrangement en vigueur depuis avril 1962 entre la banque nationale et les établissements de crédit. L'autre partie de ces mesures résident dans la fixation de limites en matière de crédits de construction et de prêts hypothécaires et s'appliqueraient non seulement aux banques mais aussi aux sociétés d'assurances et aux caisses publiques et privées d'assurance et de prévoyance. Une lacune importante dans la limitation des crédits doit être comblée en étendant, dans l'arrangement, cette limitation aux crédits accordés par les fonds de placements immobiliers. On a en outre l'intention de soumettre le marché des émissions à une certaine surveillance afin qu'il ne soit pas mis à contribution au-dessus de sa capacité par les pouvoirs publics et l'économie privée, sinon il faudrait craindre que le marché des capitaux ne soit complètement désorganisé.

Les autorités tiendront compte dans une juste mesure des besoins à satisfaire dans la construction de logements et dans l'agriculture.

Nous sommes conscients que clés mesures destinées à contrôler le volume de l'argent et du crédit pourraient entraîner, selon les circonstances, une nouvelle hausse des taux d'intérêt; nous sommes néanmoins d'avis qu'il serait inadmissible, dans .les circonstances actuelles, ds recourir à des mesures spéciales visant à les maintenir artificiellement à un niveau bas. C'est pourquoi nous sommes décidés à poursuivre, dans la mesure du possible, la politique de stérilisation du capital excédentaire. Mais il faut bien se rendre compte que le taux d'intérêt augmenterait sans aucun doute beaucoup plus si l'on ne réussissait pas à freiner l'expansion économique et à établir un meilleur rapport entre la demande de capitaux et l'offre. La limitation directe de la demande sur le marché de la construction est précisément de nature à freiner la hausse du taux de l'intérêt.

En ce qui concerne l'exportation de capitaux, les axitorités continueront à s'efforcer d'échelonner les autorisations d'emprunts étrangers sur le marché suisse des émissions, de telle manière que l'économie suisse soit approvisionnée suffisamment en capitaux. Aussi longtemps que l'argent continuera à aimier de l'étranger, le maintien d'une
exportation limitée est en principe désirable car elle fait contrepoids à l'afflux de capitaux.

2. Mesures dans le domaine do la construction Les statistiques concernant l'évolution de la situation économique montrent clairement que les facteurs d'expansion les plus forts exercent actuellement leur action dans le secteur de la construction particulièrement exposé. Nous ne pouvons qu'en indiquer sommairement les raisons. Lorsque l'économie est en expansion, les besoins en constructions se cumulent.

L'expansion naît dans le secteur de l'indiistrie et des arts et métiers. Par

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suite de l'amélioration des revenus et du standard de vie, ainsi que de l'immigration, elle gagne le marché du logement et passe ensuite dans le domaine des «services» et de l'infrastructure. Or la capacité de notre industrie de la construction était pleinement utilisée au début de l'actuelle phase d'expansion. L'exécution de travaux de construction exige beaucoup de temps, de sorts que l'offre ne peut pas augmenter immédiatement. Par suite de l'effort excessif demandé aux entrepreneurs et de la rareté de la maind'oeuvre, la productivité est plutôt faible. En outre, la demande de construction ne peut, de façon générale, être couverte que par les entreprises dii pays.

Les efforts qu'on fait pour s'arracher une offre insuffisante dans l'industrie dii bâtiment amènent forcément des hausses de prix. En raison des hausses à attendre, on précipite même la construction. Les gains élevés résultant de la rareté du sol et des constructions, ainsi que le souci d'éviter les conséquences de l'inflation par l'acquisition de valeurs réelles, sont également des facteurs qui stimulent la demande. Leur effet est encore renforcé par l'argent affluant de l'étranger. Le renchérissement de la construction fait monter les loyers, les frais de production, de même que les prix de l'industrie, des arts et métiers et de l'agriculture, et met ainsi en mouvement la spirale des prix et des salaires.

Les mesures à prendre dans le domaine monétaire doivent, naturellement, tendre à freiner aussi la demande de construction. Elles ne pourront cependant exercer leur effet qu'au bout d'un certain temps et que partiellement, étant donné que certaines sources financières, en particulier les fonds des entreprises qui financent elles-mêmes leurs constructions, échappent à leur action. Il importe donc de prendre pour le marché de la construction des mesures à effet immédiat afin que la demande soit ajustée à la capacité des entreprises par l'ajournement de projets moins urgents et que les effets redoutables d'un renchérissement dus à des facteurs cumulés soient tempérés.

Dans les circonstances présentes, ce but ne peut être atteint sans une intervention de l'autorité, c'est-à-dire sans l'instauration du régime du permis de construire. Il faut toutefois relever qu'un ordre de priorité, si bien étudié qu'il seit, institué à titre de
principe directeur pour l'octroi des permis, n'offre pas encore la garantie que le nombre des autorisations ne sera ni trop élevé ni trop bas.

Les autorités ne sauraient certainement pas assumer la responsabilité d'une telle intervention dans le monde économique s'il paraissait d'emblée douteux que le but puisse être atteint. Si la demande doit donc être ajustée à l'offre sur le marché de la construction, on n'obtiendra ce résultat par le régime du permis que si le volume général de construction est déterminé d'avance et adapté à la capacité actuelle de l'industrie. S'il n'y a pas cette limite générale, le volume autorisé peut être trop faible et entraîner une

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insuffisance de l'emploi ou, ce qui est plus probable, être supérieur à la capacité de l'industrie.

Tant pour des motifs relevant de la politique générale que pour des raisons pratiques, l'exécution des ces mesures doit être l'affaire des cantons.

C'est pourquoi il faut que le volume des constructions soit limité non seulement pour l'ensemble du pays mais aussi pour les cantons, d'une façon tenant justement compte de la mesure dans laquelle ils ont participé jusqu'à présent à l'activité dans le domaine de la construction. Ce régime doit aussi empêcher que des différences dans la pratique des autorités délivrant les permis n'aient pour conséquence que certains cantons réussissent à accroître leur part du volume de construction aux dépens des autres.

Il faut donc, d'une façon générale, se fonder sur les conditions de fait, c'est-à-dire sur la part des cantons au volume global eie la construction, telle qu'elle s'est constituée en vertu des lois du marcile. On prévoit cependant de tenir compte dans une juste mesure de la place qu'occupent certains grands ouvrages dans la part cantonale. Si l'on voulait donner satisfaction à certains cantons désirant que l'on tienne compte de leurs besoins spécifiques en matière de développement économique, on serait forcé d'instaurer un système de planification centralisé.

On ne peut attendre de ceux qui veulent bâtir -- qu'il s'agisse de constructions publiques, de constructions pour l'industrie et les arts et métiers ou encore de la construction de logements -- qu'ils se soumettent au régime du permis que si tous sont obligés de contribuer dans la même mesure à la réduction de la demande. Pour cela, il est prévu que la part de la Confédération au volume global des constructions, de même que les parts des cantons, des communes, des entreprises industrielles et artisanales et de la construction de logements au volume cantonal, détermineront approximativement les différentes parts au volume désormais autorisé. On évitera ainsi que la répartition des constructions entre les différentes catégories, telle qu'elle résulte des conditions du marché, ne soit modifiée arbitrairement.

Pour aider à diminuer le manque de logements et freiner la hausse des loyers, il est prévu que la construction de logements sera, dans une certaine mesure, privilégiée, en ce sens que le
régime du permis ne sera pas applicable aux constructions subventionnées et que les gouvernements cantonaux seront autorisés à libérer également les constructions non. subventionnées.

Cela doit permettre de maintenir plus facilement le volume -- considérable -- de la construction de logements enregistré actuellement. De cette façon, le passage du contrôle des loyers à la surveillance des loyers, de même que le rétablissement de la liberté du marché des logements, désiré depuis longtemps, ne seraient pas compromis par une activité insuffisante dans le domaine du bâtiment.

Selon quels critères les projets de construction devront-ils être jugés et acceptés ? C'est là un problème extrêmement délicat. Les expériences faites

205

ont révélé que l'instauration d'ordres de priorité pour les différentes catégories de travaux ne limite pas considérablement le pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente pour accorder les permis. L'institution de catégories, générales ne permet pas une pratique uniforme, déjà pour la raison que les conditions varient d'une région à l'autre. Il arrive en outre souvent qu'on ne puisse pas ranger sûrement certaines constructions dans une catégorie déterminée. Aussi la priorité accordée jusqu'à présent aux investissements entrepris à des fins de rationalisation (par opposition aux investissements à fins d'agrandissement) n'a-t-elle joué qu'un faible rôle dans les délibérations des commissions chargées de donner leur avis sur les projets de constructionLés agrandissements qui ne servent pas aussi à la rationalisation sont en.

effet rares.

En raison des expériences faites, mais aussi pour des raisons pratiques, le cercle des constructions soumises au régime du permis sera limité, en ce sens qu'il y aura trois catégories. La première comprendra certaines constructions hautement prioritaires, qui ne seront pas soumises au régime du permis mais seront imputées sur le volume des constructions à autoriser. La deuxième catégorie sera celle des constructions du plus faible degré d'urgence. Cesconstructions seront interdites pendant une année, puis soumises au régime du permis. Tous les autres ouvrages, sans spécification, appartiendront à latroisième catégorie et seront soumis au régime du permis. Pour ces ouvrages, on se bornera à fixer les critères à appliquer pour juger de l'urgence de la construction.

La démolition d'immeubles sera l'objet d'une interdiction partielle pour empêcher qu'en procédant à une démolition préalable on ne force la main de l'autorité chargée de statuer sur les demandes de permis en vue de la construction ou la transformation d'un immeuble. Feront exception les démolitions imposées par l'érection de bâtiments dont la construction est déjà autorisée. L'interdiction de démolir ne limitera ainsi en aucune manière les pouvoirs de l'autorité habilitée à délivrer les permis de construire.

3. Autres mesures à prendre mais sans qu'il soit nécessaire de créer une base légale a. Limitation du nombre des travailleurs étraïujers

Le nombre des autorisations de séjour délivrées pour la première fois et l'effectif de la main-d'oeuvre étrangère soumise au contrôle ont, dès 1959.

évolué de la façon suivante : Année

1959 1960 1961 1962 1963

Autorisations de séjour délivrées pour la première fois

EHectil en août

274000 342000 423000 456000 442000

365000 435000 548000 645000 690000

Accroissement de l'effectif en comparaison de l'année précédente en %

70000 113000 07 000 45000

19,4 25,9 17,6 7,0

:206

Pour des raisons de politique générale mais aussi pour des motifs relevant d'une politique économique à vues lointaines, on ne peut plus accepter ·une nouvelle augmentation du nombre des travailleurs étrangers. Nous avons par conséquent chargé le département de justice et police et le département de l'économie publique clé nous soumettre un projet tendant à fixer un plafond pour l'effectif des ouvriers étrangers. Les nouvelles dispositions devront remplacer l'arrêté que nous avons pris le 1er mars 1963 et qui cessera ses effets le 29 février 1964.

L'arrêté du 1er mars 1963, qui tend à maintenu' et à généraliser les mesures que l'économie s'est imposées elle-même, fixe un plafond pour l'ensemble du personnel des entreprises ( Suisses et étrangers). Des exceptions sont possibles. Des Suisses quittant l'entreprise pourront en outre être remplacés par des étrangers. C'est pourquoi l'arrêté ne peut pas empêcher un accroissement du nombre des travailleurs étrangers. Il ne peut que le réduire. Cela explique pourquoi, selon le dénombrement d'août 1963, l'effectif des étrangers soumis au contrôle s'est accru de quelque 45 000 unités au cours d'une année malgré les mesures prises contre les nouveaux engagements. D'autre part, le nombre des étrangers libérés du contrôle a augmenté, de sorte que l'effectif global de la main-d'oeuvre étrangère est estimé à quelque 800 000 personnes.

Les services de l'administration ont examiné avec les représentants de l'économie ]a possibilité de combiner une limitation de l'effectif des travailleurs étrangers avec un régime qui laisse les lois du marché exercer une plus forte influence sur la répartition de cette main-d'oeuvre entre les entreprises, ·ainsi que la possibilité d'assouplir graduellement l'obligation de solliciter un permis pour les changements de profession et de place. Il a fallu constater que ni les autorités ni les milieux économiques n'étaient suffisamment pré·parés pour appliquer une telle mesure. Aussi est-il prévu de proroger de six -ou neuf mois l'arrêté du Conseil fédéral qui cessera ses effets à fin février 1964, Pour que l'effectif des travailleurs étrangers ne continue pas à monter, l'efficacité de l'arrêté doit cependant être augmentée par quelques modifications, principalement par une limitation du champ des exceptions.

Cette prorogation doit
donner à l'économie la possibilité de se préparer en vue de la difficulté croissante qu'il y aura à recruter et à garder la maind'oeuvre étrangère. Les cantons disposeront du temps nécessaire pour créer l'appareil technique qui doit leur permettre de déterminer plus rapidement et fréquemment l'effectif des étrangers. La prolongation provisoire de l'interdiction d'accroître le personnel diminuera la demande de main-d'oeuvre et permettra d'attendre que les mesures prises pour freiner l'expansion commencent à produire leurs fruits.

L'arrêté du Conseil fédéral devra être alors remplacé par des mesures "plus souples et répondant mieux aux lois du marché.

207

Ce qu'on fait pour empêcher un nouvel accroissement du nombre des travailleurs étrangers a, du point de vue de la politique conjoncturelle, un aspect positif et un aspect négatif. Il faut considérer comme positif le fait qu'un terme sera mis à renflement de la demande de biens de consommation et d'investissement due à la main-d'oeuvre étrangère. Cette stabilisation de la demande de biens d'investissement est particulièrement importante, parce qu'il semble que la création d'un seul poste de travail dans l'industrie coûte, en investissements, une somme de 10 000 à 50 000 francs. A cela s'ajoutent les dépenses pour le logement et pour l'adaptation de l'infrastructure (moyens de transport, services publics, écoles, etc.). Comme aspect négatif, il y a le fait que la limitation de la main-d'oeuvre étrangère peut pousser temporairement à la hausse des salaires.

1). La politique des pouvoirs publics en matière de personnel Nous sommes résolus à agir pour que, dans l'administration fédérale comme dans celle des cantons et des communes, on suive une politique propre à détendre le marché du travail. Nous avons prévu de proroger d'une année, à partir de fin avril 1964, notre arrêté sur le blocage des engagements de personnel dans l'administration centrale de la Confédération. Les vides devront être comblés par un plus large appel à des agents pensionnés. La centrale pour les questions d'organisation de l'administration fédérale a été chargée de présenter des propositions au sujet des recherches à faire pour savoir quelles simplifications et limitations seraient nécessaires pour obtenir un emploi aussi rationnel que possible du personnel et, partant, une économie.

Les cantons ont été renseignés sur les intentions de la Confédération et invités à faire rapport, encore avant la session extraordinaire de printemps, sur ce qu'ils ont déjà entrepris dans ce domaine et sur ce qu'ils envisagent pour l'avenir.

c. La politique en matière de dépenses publiques Le principe selon lequel les dépenses de l'Etat doivent autant que possible être comprimées en période de grande prospérité, pour ne pas renforcer encore la poussée expansionniste, mérite aujourd'hui plus d'attention que jamais. La modération est de mise avant tout pour les dépenses qui conduisent directement à des investissements. C'est principalement ]e cas
pour les constructions publiques et pour les subventions de nature à favoriser la construction. Il faut donc étendre aux constructions publiques les restrictions envisagées dans le secteur du bâtiment. Notons cependant qu'il s'agit souvent d'ouvrages indispensables à l'accomplissement de tâches publiques et devenus urgents en raison de la retenue observée jusqu'alors.

La plupart des constructions subventionnées par les pouvoirs publics sont d'intérêt général, de sorte que des restrictions auraient des répercussions défavorables sur l'économie. Tel est par exemple le cas pour les instai-

208 lations servant aux transports et communications publics. A cela s'ajoute que la Confédération a déjà promis des subventions pour plusieurs centaines de millions de francs en faveur d'ouvrages dont l'exécution exigera un temps prolongé et qui n'ont été entrepris que récemment ou ne l'ont pas encore été. La retenue plus grande observée dans l'octroi des nouvelles subventions de cette nature ne se fera ainsi sentir, partiellement, que dans quelques années.

Nous avons chargé le département des finances et des douanes d'examiner avec les autres départements tous les actes législatifs contenant des dispositions en matière de subventions afin de savoir s'il importe de proposer aux chambres de réduire les taux ou, dans certains cas, de supprimer temporairement les subventions. Nous sommes pleinement conscients du fait que l'attitude des pouvoirs publics revêt du point de vue psychologique ime importance particulière.

d. La réduction des droits d'entrée A l'étranger, on a cherché de façon répétée à contribuer à la lutte contre la surexpansion en réduisant les droits de douane. Mais le tarif suisse des douanes a aussi subi des réductions ces dernières années. Il s'agissait soit de réductions décidées à la suite de négociations, soit de réductions opérées à titre autonome dans des cas où la charge était économiquement trop lourde.

Les droits grevant les importations en provenance de pays faisant partie de l'Association européenne de libre-échange ont été en particulier réduits de 60 pour cent et l'on a accéléré l'exécution de tout le programme d'abaissement des barrières douanières adopté par ladite association.

Du point de vue d'une politique tendant à influencer la conjoncture, il y aurait lieu d'envisager surtout une nouvelle réduction linéaire des droits qui ont été fixés en vue de protéger l'emploi. Le «Kennedy-round» prévu déjà pour le premier semestre de cette année conduira, en cas de succès, à un tel résultat. Il conviendrait en particulier d'examiner si les concessions douanières à faire dans le cadre du «Kennedy-round» ne devraient pas être mises en vigueur par anticipation.

Nous somm.es prêts à étendre à d'autres branches les facilités douanières accordées dans certains cas pour favoriser le transfert à l'étranger d'une partie du processus de fabrication. On examinera également si certains
droits de douane dépassant largement le niveau ordinaire et assurant une protection inopportune du point de vu© conjoncturel ne pourraient pas être réduits provisoirement, dans l'attente du «Kennedy-round».

209 Remarques concernant les divers articles des deux arrêtés fédéraux I. Arrêté fédéral autorisant des mesures dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit Article premier. --· Le premier alinéa de cet article décrit le but de l'arrêté fédéral. Les mesures relatives à la politique monétaire et en matière de crédit doivent avant tout tendre à lutter contre l'accroissement du volume de l'argent et dea crédits, qui contribue à renforcer l'expansion et à augmenter les prix. Elles doivent servir aussi à maintenir sous contrôle la mise à disposition de fonds destinés à l'activité économique, particulièrement à des investissements. L'arrêté doit permettre au Conseil fédéral de prendre les mesures indispensables, d'entente avec la banque nationale. Le Conseil fédéral n'ordonnera et ne maintiendra les mesures envisagées que si elles sont indispensables pour atteindre les buts visés.

Ces mesures doivent tenir compte des intérêts légitimes du marché des logements et de l'agriculture. Le financement de la construction d'habitations à des coûts et à des loyers supportables pour de larges couches de la population ainsi que les investissements nécessaires à l'agriculture doivent avoir une priorité.

Article 2. -- Les buts visés doivent autant que possible être atteints par la libre conclusion de conventions avec les milieux intéressés. Dans le passé, la banque nationale a conclu de nombreuses conventions avec d'autres banques et occasionnellement aussi avec d'autres entreprises pratiquant des opérations de crédit et de placement. Souvent, ces arrangements ont été utiles, bien que, par la nature des choses, leur champ d'application et leurs effets soient limités.

Si la banque nationale réussit à conclure un accord avec la majorité des personnes et des sociétés auxquelles une certaine réglementation est applicable, par exemple des banques, le Conseil fédéral pourra déclarer l'accord obligatoire de telle manière qu'il vaille aussi pour les autres milieux intéressés et puisse être appliqué sans lacune. Par cette déclaration, les conventions deviendront du droit public fédéral; leur application sera contrôlée par les autorités et leur violation sera punie (voir les articles 8 à 11 du projet). Pour cela, le Conseil fédéral pourra aussi déclarer obligatoires les accords auxquels sont
parties toutes les personnes ou sociétés qui ont été invitées à y adhérer.

Si un accord ne peut pas être conclu ou si, vu les circonstances, il ne pouvait pas aboutir dans un délai utile, le Conseil fédéral sera habilité, dans les limites de l'arrêté, à prendre avec la banque nationale les mesures qu'exigé la situation.

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Article 3. -- Les mesures pour empêcher les fonds étrangers de pénétrer dans l'économie suisse occupent une place très importante parmi les dispositions à prendre pour réduire la «surchauffe». Le libre transfert des monnaies étrangères ne sera pas entravé. Le franc suisse restera une monnaie complètement convertible. Seule l'utilisation des fonds étrangers dans le pays doit être limitée en tant que cela est nécessaire. Aux term.es du premier alinéa de cet article, les banques peuvent être tenues de prévoir un délai de dénonciation pour les fonds étrangers qui leur sont parvenus depuis le 1er janvier 1964 et de ne pas verser d'intérêts sur ces fonds. Ces deux mesures, déjà contenues dans le Gentlemen's Agreement conclu entre la banque nationale et les autres banques en août 1960 pour lutter contre l'afflux d'argent étranger, tendent à rendre moins attrayant le placement d'avoirs étrangers auprès des banques suisses. En outre, le Conseil fédéral pourra en cas de nécessité demander aux banques de verser sur un compte spécial auprès de la banque nationale les sommes qui leur sont parvenues de 1 étranger depuis le début de 1964 ou de les placer à l'étranger en devises étrangères. Le but est d'empêcher que cet argent ne soit utilisé pour ouvrir des crédits dans le pays. Lorsque cela paraît justifié économiquement, des exceptions peuvent être accordées à des fins particulières, par exemple pour les avoirs des saisonniers et des frontaliers.

* Les mesures contre la pénétration des fonds étrangers dans l'économie suisse seraient insuffisantes si elles n'étaient pas complétées par des mesures contre le placement de capital étranger en titres suisses, en biens-fonds ou en hypothèques. Les banques ont déjà pris un engagement dans ce sens en concluant le Gentlemeris Agreement que nous avons mentionné, mais l'on constata bientôt que les dispositions prises pour limiter le placement de fonds étrangers n'étaient pas appliquées par certains milieux n'appartenant pas à la banque. Cette lacune doit être comblée si l'on veut que les mesures prises pour lutter contre l'afflux d'argent étranger soient efficaces ; tel est le but du second alinéa. Contrairement au premier alinéa, cette disposition ne fait pas de distinction entre l'argent étranger «ancien» et «nouveau». Pour maintenir la valeur de l'argent, il pourrait
en effet être nécessaire clé limiter d'une manière générale les placements d'argent étranger en valeurs suisses, sans tenir compte du moment où l'argent est arrivé en Suisse. Il convient cependant de réserver les exceptions justifiées économiquement. Nous pensons surtout au replacement du produit de la vente de valeurs suisses qui étaient déjà en mains étrangères. Il va de soi que le placement d'argent étranger en obligations étrangères, libellées en francs suisses, continuera d'être autorisé.

Le 3e alinéa dispose expressément que les sociétés de gérance des fonds de placements peuvent être tenues do ne pas délivrer dee certificats de participation à des étrangers. L'étranger auquel il est interdit d'acquérir directement des valeurs de placement suisses ne doit pas pouvoir participer indirec-

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tement à de telles affaires. Cette limitation ne concerne pas les fonds de placements qui acquièrent uniquement ou en très grande partie des titres et des biens-fonds étrangers.

Article 4. -- Depuis le 1er avril 1962, la banque nationale et toutes les autres banques dont la somme du bilan est de 10 millions de francs au moins sont liées par une convention concernant la limitation des crédits. Aux termes de cette convention, les établissements bancaires doivent maintenir l'octroi des crédits dans certaines limites. En fixant le taux de croissance des crédits, on s'est efforcé de ralentir l'expansion extraordinairement forte des années 1960 et 1961 et de contribuer ainsi à réduire les investissements.

Mais, en même temps, 011 a voulu laisser la possibilité de satisfaire aux demandes de crédit justifiées et urgentes de l'économie privée et des pouvoirs publics. Dans la liste des mesures prises dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux, la fixation d'un plafond de crédit joue un rôle important.

Article 5. -- Cette disposition prévoit la fixation de limites pour les crédits de construction et les prêts hypothécaires. Elle permettra de lutter contre l'octroi de crédits qui ne sont pas dans un juste rapport avec les investissements, c'est-à-dire de crédits qui facilitent l'acquisition de biensfonds et la construction à des fins de spéculation et contribuent à la montée des prix sur le marché des immeubles. De 1951 à 1957, un Gentlemen'sAgreement concernant le financement des constructions était en vigueur. Il fixait des normes pour l'octroi des crédits. Les banques en étaient parties, mais aussi les sociétés d'assurances placées sous la surveillance de la Confédération et la plupart des caisses d'assurance publiques et privées. Il convient que la nouvelle réglementation puisse, le cas échéant, s'appliquer à ces établissements.

Article 6. -- Du fait que les banques devront limiter l'ensemble de leurs, crédits et observer également certaines limites pour les crédits de construction et les prêts hypothécaires, l'activité des fonds de placements immobiliers, devra aussi demeurer dans certaines bornes. 11 faut empêcher que ces fonds, n'interviennent là où les banques ne peuvent pas financer une construction ou refusent de la faire pour des raisons conjoncturelles. La réglementation eu vigueur
souffre d'une assez grave lacune. Des raisons techniques, empêchent cependant de fixer pour les fonds immobiliers un plafond analogue à celui qui a été établi pour les crédits bancaires. La raison en est que les fonds de placements ne peuvent en général procéder à des investissements qu'avec l'argent frais qu'ils tirent de l'émission de bons de participation. Il est prévu d'autoriser l'émission, de parts dans la mesure où leur produit doitêtrs utilisé pour financer la construction de logements.

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Article 7. -- La convention concernant la limitation de crédits ne touche que les investissements dont le financement dépend du crédit bancaire.

Elle n'a donc pas d'effet sur les investissements qui doivent être financés par le marché des capitaux. Quand l'octroi de crédits sera plus difficile, de nombreux intéressés ayant besoin de fonds importants pourraient essayer de se les procurer par des émissions. Cette ressource, qui ne serait d'ailleurs pas offerte aux petits emprunteurs, pourrait selon les circonstances compromettre vivement l'effet des mesures prises. C'est pourquoi il est prévu de soumettre les émissions publiques d'obligations, d'actions, de bons de jouissance et d'autres papiers-valeurs analogues à un certain contrôle et de les échelonner dans le temps, de telle manière que le marché des capitaux ne soit pas mis à contribution au-delà de sa capacité et qu'il n'y ait pas une hausse d'intérêt indésirable pour l'ensemble de l'économie. Les principales organisations bancaires qui s'occupent des émissions, c'est-à-dire le cartel des banques suisses et l'association des banques cantonales suisses, seront appelées à prêter leur concours.

Article 8. -- La banque nationale, qui, en vertu de l'article 39 de la constitution, a notamment pour tâche «de pratiquer dans les limites de la législation fédérale une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays», sera chargée de l'exécution des prescriptions édictées en vertu de l'arrêté fédéral. Les mesures dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit entrent dans ses attributions.

Pour faciliter le contrôle à exercer par la banque nationale, les autorités de surveillance des banques, des sociétés d'assurances et des caisses d'assurance seront tenues de collaborer autant que possible. En outre, il paraît indiqué de faire appel au concours des organes de revision qui, en vertu de la loi fédérale du 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne, sont chargés de la surveillance des banques (voir notamment article 21 de ladite loi). H y a lieu de n'indiquer expressément dans l'arrêté que les autorités de surveillance qui ne sont pas des divisions de l'administration fédérale.

Article 9. -- L'obligation d'annoncer et de renseigner incombe à toutes les personnes ou sociétés qui, aux termes de cet
arrêté et par conséquent en vertu du droit public, sont tenues de se comporter de telle ou telle façon.

Elles doivent donc rendre compte de la manière dont elles se sont acquittées de leurs obligations. Elle ne peuvent pas invoquer le secret des banques ou l'obligation de conserver le secret professionnel conformément à l'article 321 du code pénal (voir article 321, chiffre 3).

Les informations, pièces justificatives et renseignements ne doivent servir qu'à l'exécution et la surveillance des mesures prévues dans l'arrêté.

C'est pourquoi la banque nationale et les offices et sociétés de revision chargés de la surveillance sont tenus de garder le secret à ce sujet.

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Article 10. -- Si les mesures nécessaires doivent être prises en vertu de conventions librement conclues qui n'ont pas été déclarées d'application générale, ces conventions devront prévoir des sanctions appropriées pour que les signataires observent leurs engagements et pour punir toute contravention.

Si les conventions sont déclarées d'application générale, il est nécessaire qu'il existe des dispositions pénales; la déclaration en question fait rentrer ces conventions dans le droit public de la Confédération, ce qui exige des mesures de protection pénale.

La pénalité indiquée sous chiffre 1 fait que les infractions à l'arrêté fédéral seront des contraventions au sens du code pénal. C'est pourquoi il faut spécialement mentionner que la tentative et aussi la complicité sont punissables. Si l'amende maximum a été fixée à 100 000 francs et si l'on prévoit en outre une peine privative de liberté, c'est pour tenir compte du fait que les infractions intentionnelles sont commises en général dans un esprit de lucre.

Article 11. -- Etant données les particularités de la matière, il est bon que les contraventions soient poursuivies et jugées par le département des finances et des douanes. L'inculpé peut cependant demander a être jugé par un tribunal. Dans ce cas, l'affaire est transmise au tribunal cantonal compétent (art. 324 et 325 de la loi sur la procédure pénale). Si le département des finances et des douanes considère comme remplies les conditions requises pour prononcer une peine privative de liberté, il transmet dans tous les cas le dossier au tribunal cantonal (art. 322, 2e al., de la loi sur la procédure pénale).

Article 12. -- Après l'exposé détaillé qui a été fait de la situation, point n'est besoin de donner d'autres raisons pour justifier l'insertion de la clause d'urgence. Pour la durée de validité, nous proposons deux ans, l'Assemblée fédérale devant toutefois être autorisée à la proroger d'une année sans que le referendum puisse être demandé. Il faut considérer que tant l'arrêté autorisant des mesures dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit que l'arrêté instituant des mesures dans le domaine de la construction n'exerceront qu'après un certain temps leurs pleins effets sur l'économie du pays. Dans l'état actuel de «surchauffe», un certain laps de
tenlps est nécessaire pour atteindre le but visé.

Nous tenons à ne laisser subsister aucun doute sur le fait que nous ne voulons pas voir maintenir plus longtemps qu'il ne sera nécessaire les graves entraves qu'il est proposé d'apporter à la liberté économique.

Feuille fédérale. 116e année. Vol. I.

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II. Arrêté fédéral instituant des mesures de politique conjoncturelle dans le domaine de la construction

1. Permis et interdiction de construire Article premier. -- Le 1er alinéa motive le régime du permis auquel est subordonnée l'exécution de travaux de construction. Il en ressort simultanément que cette prescription s'applique non pas aux entrepreneurs, mais exclusivement aux maîtres de l'ouvrage, auxquels il est interdit de faire exécuter des travaux de construction sans permis.

Le 2e alinéa énumère six catégories de travaux de construction qui, en raison de leur importance générale et de leur urgence, ne sont pas assujettis à un permis; ils peuvent par conséquent être exécutés sans restriction pendant la durée de validité de l'arrêté fédéral, pourvu qu'aient été observées les prescriptions légales ordinaires, en particulier celles qui relèvent de la police des constructions. Cette disposition vise à épargner aux autorités compétentes l'examen de demandes d'autorisation se rapportant à des travaux dont l'exécution devrait généralement être approuvée de toute façon eu égard à leur importance et à leur urgence. Les différentes catégories de travaux ne donnent lieu qu'à quelques brèves observations.

La lettre a soustrait d'abord au régime du permis les travaux d'entretien. Selon la terminologie scientifique et juridique en usage, les travaux d'entretien comprennent toutes les dépenses destinées non pas à accroître, mais à maintenir la valeur d'une construction. Bien que, pour l'ensemble de la Suisse, ces travaux d'entretien absorbent quelques centaines de millions de francs par an, il apparaît exclu de les assujettir au régime du permis. Il s'agit le plus souvent de travaux relativement peu coûteux; les soumettre à l'appréciation des autorités habilitées à délivrer les permis ne ferait que leur compliquer la tâche. Dans les cas plutôt rares où l'on a affaire à des travaux d'entretien d'une certaine importance, les maîtres de l'ouvrage parviendraient le plus souvent à éluder l'obligation de requérir un permis en faisant exécuter leurs projets en plusieurs étapes. Aussi le fait de soustraire les travaux d'entretien au régime du permis n'aura-t-il pour ainsi dire aucune influence sur l'efficacité de l'arrêté fédéral.

Les lettres b à / ont trait aux constructions nouvelles et aux transformations dont l'urgence est généralement reconnue ; c'est pourquoi leur exécution n'est pas soumise à un permis. Diverses
raisons nous ont incités à établir cette liste do manière très limitative, quand bien même nous n'ignorions pas qu'une énumération plus étendue eût été de nature à faciliter aux cantons l'exécution de l'arrêté. Etant donné que l'effort demandé actuelle-

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ment à la branche du bâtiment est manifestement excessif, seules peuvent être soustraites au régime du permis les catégories de travaux dont l'ajournement n'entrerait probablement jamais en ligne de compte. Il ne nous paraît pas que cette condition serait toujours remplie en ce qui concerne par exemple les constructions scolaires, dont le cas n'a pas échappé à notre attention. Un canton disposant d'une commission consultative du bâtiment très active a insisté, lors de l'élaboration de l'arrêté fédéral, sur le fait que cette commission a dû se prononcer plus d'une fois contre des projets de constructions scolaires en raison de leur ampleur exagérée. Aussi renonçons-nous à faire figurer dans la liste des travaux non soumis à un permis la construction d'écoles et d'autres établissements d'instruction.

D'autre part, toute extension de cette liste accroîtrait le risque d'y inclure des travaux moins urgents que ceux dont elle fait état. Le champ d'action dans les limites duquel les gouvernements cantonaux ont la faculté d'octroyer des permis au sens de l'article 4 s'en trouverait réduit. Il se pourrait donc qu'il faille différer, en lieu et place de ces travaux moins urgents, des constructions répondant à un besoin beaucoup plus impérieux; cette hypothèse se réaliserait si le montant jusqu'à concurrence duquel des permis peuvent être délivrés était déjà atteint. De surcroît, si la liste figurant au 2e alinéa était étendue, il serait sensiblement plus difficile, voire impossible, d'appliquer le principe énoncé à l'article 5, chiffre 1, selon lequel les parts des principaux secteurs (travaux publics, constructions industrielles et artisanales, construction de logements) au volume global des constructions doivent être maintenues. Cet inconvénient se manifesterait par exemple si l'on affranchissait intégralement la construction de logements (y compris les appartements luxueux) du régime du permis. Kelevons enfin que le degré d'urgence des catégories de travaux que l'on pourrait encore éventuellement soiistraire à ce régime varie considérablement d'une région à l'autre ; il ne serait plus possible de tenir compte de ces différences si la réglementation était notablement moins restrictive. Cette remarqiie s'applique par exemple à la construction de logements non subventionnés qui, spécialement dans les régions
rurales, ne répond pas à des besoins aussi impérieux que dans la plupart des villes de quelque importance.

Il se pourrait, à la suite notamment des autres mesures visant à tempérer les cadences de l'expansion, que les conditions du marché se modifient sensiblement pendant la durée de validité de l'arrêté. Les raisons que nous avons invoquées pour justifier la limitation des catégories de travaux soustraites au régime du permis perdraient alors un peu de leur poids. En pareille occurrence, il se révélerait peut-être souhaitable de simplifier le plus possible l'application des mesures tendant à influencer le cours de l'activité dans la branche du bâtiment. En prévision de cette éventualité, le 3e alinéa donne au Conseil fédéra] le pouvoir de soustraire d'autres catégories de travaux au régime du permis. De surcroît, le 4e alinéa prévoit que les

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gouvernements cantonaux sont habilités à libérer de cette surveillance les constructions d'un coût inférieur à 100 000 francs, ainsi que tout ou partie de la construction de logements d'abord soumise à un permis. Cette disposition permettra aux cantons d'adapter à leurs besoins spécifiques la liste des travaux dont l'exécution n'est pas subordonnée à un permis.

L'obligation d'annoncer prévue au 5e alinéa est une conséquence inéluctable de la procédure --· dont il est notamment question aux articles 4 et 6 ·-- visant à ajuster à la capacité de production de la branche du bâtiment la demande à, laquelle elle doit faire face. Cette obligation s'impose pour permettre de fixer les limites dans lesquelles peuvent être accordés des permis de construire.

Article 2. -- Le 1er alinéa énumère les travaux de construction dont l'urgence paraît moins manifeste et dont l'exécution est dès lors interdite pendant une année. L'interdiction de construire a pour but de restreindre le champ d'application du régime du permis et de faciliter ainsi, sur le plan administratif, la tâche des cantons pendant la première année de validité de l'arrêté. L'interdiction de construire portant sur des catégories de travaux déterminées doit naturellement permettre aussi à la branche du bâtiment d'affecter à la réalisation d'ouvrages plus importants et plus urgents la part de sa capacité de production devenue disponible.

La liste des travaux interdits doit être aussi établie avec circonspection.

Bien que son application soit limitée à une année, l'interdiction de construire peut constituer, selon les circonstances, une mesure rigoureuse et schématique. Elle risque, dans certains cas, de léser d'importants intérêts et d'avoir aussi de fâcheuses répercussions en ce sens qu'elle pourrait provoquer l'ajournement de travaux plus urgents que d'autres ouvrages dont la réalisation aurait été autorisée. Aussi est-il apparu nécessaire de restreindre le plus possible la portée de l'interdiction.

Nous reconnaissons que, telle qu'elle est formulée au 1er alinéa, l'interdiction de construire peut néanmoins porter atteinte à d'importants intérêts publics et privés. Cette constatation s'applique à chacune des sept catégories de travaux prévues ; il ne serait toutefois guère raisonnable de chercher à déterminer pour quels genres d'ouvrages
l'interdiction se révélerait le plus préjudiciable à de légitimes intérêts. Inversement, il nous semble que l'énumération ne comprend aucune catégorie de travaux dont l'interdiction pendant une année pourrait être tenue pour absolument inacceptable. Si les conditions du marché venaient à se modifier, nous aurions toujours la faculté, conformément au 3e alinéa, de soustraire certaines catégories de travaux à l'interdiction et de les soumettre au régime du permis avant l'expiration du délai d'une année.

Article 3. -- L'article 3 règle les questions de compétence que pose l'institution du régime du permis et de l'interdiction de construire.

217

Le 1er alinéa précise qui est habilité à délivrer les permis. Nous avons déjà exposé pourquoi nous avons décidé de répartir cette attribution entre le Conseil fédéral et les gouvernements cantonaux. Ajoutons simplement qu'il est loisible à ces derniers de déléguer leur compétence à des services subordonnés. Dans de grands cantons, où l'on, enregistre un nombre très élevé de projets de construction soumis au permis, le gouvernement pourrait être contraint de faire usage de cette faculté en vue notamment de s'épargner un surcroît de travail. Toutefois, les décisions des services subordonnés peuvent être déférées au Conseil d'Etat qui statue à titre définitif conformément au 1er alinéa, chiffre 2.

Nous avons examiné de manière approfondie s'il y avait lieu d'accorder aux maîtres de l'ouvrage le droit de déférer les décisions des gouvernements cantonaux à un organe fédéral. Il est essentiel, du point de vue économique, que les décisions soient rendues rapidement; c'est l'une des raisons qui nous ont incités à ne pas prévoir de recours de ce genre. De surcroît, celui-ci ne serait pas compatible avec la conception de l'arrêté en ce sens que l'autorité supérieure serait appelée, par ses décisions, à exercer aussi une influence sur la façon dont est utilisé le montant dans les limites duquel, aux termes de l'article 4, des permis peuvent être accordés; cela reviendrait à supprimer en principe la responsabilité des gouvernements cantonaux quant à l'observation des limites fixées par ce montant. L'efficacité des mesures instituées par l'arrêté dépend très largement de l'observation des contingents assignés aux cantons; aussi estimons-nous particulièrement important que l'application de l'arrêté ne fasse pas naître le moindre doute quant à la responsabilité encourue à cet égard.

En vertu du 1er alinéa, chiffre 1, le Conseil fédéral est compétent pour accorder les permis se rapportant à la construction des routes nationales. Ce point appelle un commentaire spécial. La solution retenue découle au premier chef du caractère national de cette oeuvre de grande envergure qui ne saurait être systématiquement menée à bien dans des délais raisonnables si elle n'est pas conçue et dirigée par un organe central. La très forte participation financière de la Confédération, qui s'inscrit en moyenne entre 85 et 90 pour cent
des dépenses, reflète aussi l'importance que revêtent les routes nationales pour l'ensemble du pays. Pour que la direction générale des travaux reste centralisée, il est indispensable que la compétence de délivrer les permis de construire soit attribuée au Conseil fédéral.

Donnant suite à nos recommandations, nombre de cantons ont institué des commissions consultatives du bâtiment, sur lesquelles nous avons déjà attiré votre attention. Le 2e alinéa dispose que de telles commissions peuvent être appelées à coopérer utilement à l'examen des demandes de pcr-mis, leur composition permettant notamment à l'économie privée d'avoir voix au chapitre.

218

'

Au 3e alinéa, il est question des divergences de vues qui peuvent naître lorsqu'il s'agit de décider si l'exécution, d'un projet de construction déterminé est soustraite au régime du permis au sens de l'article premier, 2e alinéa, ou si elle est interdite en vertu de l'article 2, 1er alinéa. L'usage par le Conseil fédéral ou les gouvernements cantonaux des pouvoirs qui leur sont dévolus à l'article premier, 3e et 4e alinéas, ainsi qu'à l'article 2, 3e alinéa, serait aussi de nature à soulever des contestations. En pareille occurrence, le gouvernement cantonal compétent statue à titre définitif. Nous admettons que cette réglementation présente certaines lacunes, du fait en particulier que les gouvernements cantonaux peuvent avoir eux-mêmes un intérêt à ce qu'une divergence de vues donne lieu à une décision dans tel sens plutôt que dans tel autre. L'attribution aux gouvernements cantonaux du pouvoir de statuer comporte en outre le risque que les cantons n'appliquent pas l'arrêté de manière uniforme. En fait, l'institution d'un droit de recours auprès d'un organe fédéral eût été souhaitable. Si nous n'avons pas retenu cette solution, c'est parce que l'autorité fédérale, si elle était saisie de nombreux recours, ne serait pas en mesure de rendre ses décisions en temps utile. Il convient de surcroît de faire remarquer que l'accumulation de recours en suspens auprès de l'organe fédéral compétent serait de nature à entraver l'accomplissement de la tâche confiée aux gouvernements cantonaux; en effet, tant qu'il ne serait pas statué sur un recours, le projet de construction qui en est l'objet devrait être imputé virtuellement sur le montant jusqu'à concurrence duquel le gouvernement cantonal peut, conformément à l'article 4, délivrer des permis.

Article 4. -- L'article 4 définit la notion du «plafond cantonal» et précise comment il est déterminé. Du point de vue de la politique conjoncturelle, l'arrêté fédéral ne vise aucunement à priver la branche du bâtiment de possibilités de travail auxquelles elle serait à même de faire face avec les moyens dont elle disposera à la longue. Il cherche uniquement à éliminer la demande excédentaire, c'est-à-dire les nombreuses commandes potentielles qui, bien qu'inexécutables jusqu'à nouvel ordre, contribuent cependant à la hausse des prix. Cet objectif soulève la question
de la capacité de production de la branche du bâtiment. Il faut reconnaître qu'il n'est pas possible de l'établir de manière absolument précise ; en effet, il ne suffit pas de tenir compte de l'évolution probable de l'offre de main-d'oeuvre, du marché de l'argent et des capitaux, de la productivité et du renchérissement; des facteurs autres qu'économiques, tels que l'évolution des conditions météorologiques, peuvent également jouer un certain rôle. Mais il ne saurait être question en l'occurrence de calculer à un pour mille près la capacité de production de la branche du bâtiment. Les enquêtes annuelles du délégué aux possibilités de travail sur l'activité de oc aoctour et les constructions projetées fournissent aux autorités des renseignements suffisants sur le développement de la capacité de production et de la productivité de

219

cette branche économique. Il est possible aussi de déceler à temps des indices annonçant de prochaines fluctuations des différents facteurs qui influencent le coût de la construction et qu'il importe de prendre en considération lors de la fixation des «plafonds cantonaux». D'autre part, les nouvelles mesures envisagées en ce qui concerne les travailleurs étrangers -- dont il est question ailleurs -- permettront d'évaluer assez exactement les effectifs de main-d'oeuvre dont disposera la branche du bâtiment. Nous sommes dès lors tout à fait à même d'estimer sa capacité de production avec une précision répondant amplement aux exigences que pose l'application de l'arrêté.

Chaque année, une partie du potentiel de construction est absorbée par des travaux entrepris l'année précédente ou peut-être même plus tôt, mais qui ne seront achevés que durant l'année en cours ou même ultérieurement. Lorsque le degré d'occupation est satisfaisant, le volume des constructions dont l'exécution chevauche sur deux années reste à peu près constant.

Tout donne à penser qu'il s'est assez considérablement accru ces derniers temps par suite de l'extraordinaire surexpansion économique. Le grand nombre de travaux mis en chantier, mais dont l'exécution ne progresse que très lentement, ainsi que la prolongation des délais de construction qui en est le corollaire sont de fâcheuses conséquences de la situation actuelle sur le marché de la construction.

Tant que l'on n'envisage pas de modifier le volume des constructions commencées dont la réalisation s'étend sur l'année suivante, l'évaluation de la capacité de production de la branche du bâtiment peut directement servir, pour l'essentiel, de base à la détermination des «plafonds cantonaux», sur lesquels sont imputables aussi, selon le 1er alinéa, les travaux non soumis à un permis. Il suffit que les autorités compétentes veillent à ce que le rythme de l'activité de la branche du bâtiment, tel qu'il découle des permis accordés, donne lieu à des chevauchements d'ampleur uniforme. C'est dire que l'octroi des permis, même s'ils sont délivrés par anticipation, doit être réparti, sur toute l'année au même titre que les mises en chantier de constructions nouvelles. Si l'on cherchait en revanche à réduire le volume -- excessif actuellement -- des constructions dont l'achèvement est
reporté sur l'année suivante, les «plafonds cantonaux» fixés d'après la capacité de production annuelle de la branche du bâtiment devraient subir une diminution correspondante. Le Conseil fédéral ne se résoudrait à cette opération qu'après un examen approfondi de la situation, précédé d'une consultation des cantons.

Afin de préciser mieux encore la façon de déterminer le «plafond», nous ajouterons que la capacité de production du canton dans le domaine de la construction, telle qu'elle résulte du volume de construction atteint antérieurement, sera réduite de la part nécessaire à l'exécution des travaux de la Confédération, de ses entreprises en régie et des chemins de fer fédéraux, ainsi qu'à l'aménagement des routes nationales. Il faudra en outre tenir

220

compte de l'influence exercée par certains grands travaux sur la détermination du volume de construction assigné au canton. Ces grands travaux peuvent avoir hypertrophié l'activité dans certaines régions, et il ne serait pas juste d'en tenir compte pour arrêter le «plafond cantonal», ne serait-ce que parce que le rayon d'activité des entreprises occupées à ces grands travaux (par exemple la construction d'usines hydro-électriques) dépasse les limites du canton. Après l'achèvement d'un ouvrage de ce genre, ces entreprises émigrent souvent en d'autres régions avec leur équipement technique et leur main-d'oeuvre, ce qui prive le canton pour un certain temps du potentiel de construction qu'elles représentaient pour lui. Inversement, le montant prévu à l'article 4 doit tenir compte des grands travaux dont l'exécution est projetée, pour autant que le canton est en mesure de prouver qu'ils ne peuvent être ajournés et que la capacité de production nécessaire à leur exécution sera mise à temps à sa disposition. Sans cette mobilité du potentiel de production nécessaire à l'aménagement de notre réseau roiitier, il serait inconcevable de confier à la Confédération la compétence de délivrer les permis se rapportant à la construction des routes nationales.

Article 5. -- L'article 5 traite des principes régissant l'octroi des permis par les cantons. Grâce au régime du permis, les autorités pourraient favoriser tel secteur de la construction au détriment de tel autre. C'est ainsi que, dès l'institution des commissions consultatives du bâtiment, certains milieux de l'économie privée exprimèrent parfois la crainte que ces organismes ne fussent tentés de favoriser la construction publique au préjudice de la construction privée. Le régime du permis n'est cependant acceptable pour tous les intéressés que si chaque secteur de la construction est tenu de contribuer dans une mesure égale à la réduction de la demande. Il convient dès lors de faire en sorte que, pour l'essentiel, les travaux publics, les constructions industrielles et artisanales ainsi que la construction de logements participent au volume global des constructions dans la même mesure que par le passé, selon la proportion qui s'est établie par le jeu des lois du marché. C'est ce que prévoit le principe énoncé au chiffre 1. Pour calculer les parts dont il
s'agit, on se fondera sur la situation qui existait de 1959 à 1962. Il faudra cependant tempérer le principe de la constance des parts en laissant aux cantons une certaine marge de manoeuvre, du fait que les grands travaux notamment peuvent exercer une influence considérable sur la participation respective des divers secteurs à l'ensemble de l'activité dans le domaine de la construction.

Rappelons une fois encore que grâce à ce système, il devrait être possible, dans les limites tout au moins de la capacité de construction disponible, do maintenir durant la période de validité du présent arrêté la production de logements au niveau record qu'elle avait atteint pendant les années 1961 et 1962.

221

Dans la mesure où, pour ne pas dépasser le «plafond cantonal» fixé selon l'article 4, les autorités cantonales compétentes devront refuser des permis, il serait souhaitable de leur donner des listes de priorité qui leur permettraient d'apprécier nettement l'urgence des divers projets de construction. Les expériences faites par les commissions consultatives du bâtiment ont toutefois montré qu'il n'existe pas de critères satisfaisants pour dresser de telles listes. Il est impossible d'appliquer partout un ordre général de priorité, ne serait-ce qu'à cause de la diversité des conditions régionales.

Souvent, il n'est pas possible non plus de ranger les constructions en catégories nettement tranchées. C'est ainsi qu'en règle générale, on ne peut pas distinguer clairement un investissement de rationalisation d'un investissement visant à accroître la production, car il est rare que l'expansion d'une entreprise ne soit pas accompagnée d'une rationalisation. De même, il est fort difficile, par exemple, de déterminer le caractère spéculatif d'un projet de construction en fonction de critères préétablis. C'est pourquoi, au lieu d& dresser une liste de priorité en soi souhaitable, nous avons dû nous borner à* formuler quelques principes généraux pour l'application du régime du permis. Nous rappelons d'ailleurs que par sa conception même, l'arrêté impose déjà un certain ordre de priorité puisqu'il distingue entre les travaux de construction qui peuvent être entrepria librement, ceux dont l'exécution est subordonnée à un permis et ceux qui sont interdits. En tentant d'établir, pour ce qui concerne les constructions soumises au régime du permis, une liste détaillée de priorités, on n'éviterait pas un schématisme dangereux ni.

de nombreuses difficultés d'interprétation.

Article 6. -- II va de soi que les travaux de construction de la Confédération, de ses entreprises en régie et des chemins de fer fédéraux, ainsi que la construction des routes nationales doivent être soumis aux mêmes restrictions que celles qui s'appliquent aux travaux commandés par d'autres maîtres d'ouvrage. On ne saurait toutefois passer sous silence les difficultésextraordinaires que suscitera le plafonnement de travaux de construction fédéraux sujets au permis. Il suffit de mentionner à ce propos les besoins d'investissements des chemins
de fer fédéraux, qui se sont manifestés à plusieurs reprises de manière frappante au cours de l'année dernière, le retard dans la construction ou l'aménagement de certains bâtiments d'exploitation des PTT, qui n'échappe à l'attention d'aucun citoyen, enfin la nécessité, récemment mise en évidence dans notre message du 13 septembre 1963 concernant des ouvrages militaires et des places d'armes, d'entreprendre de grands travaux dans le domaine militaire. L'article 6 prescrit l'application, aux travaux de la Confédération, de ses entreprises en régie et des chemins de fer fédéraux, ainsi qu'à la construction des routes nationales, des principes généraux visant à aiguiller l'activité de la branche du bâtiment-

.222 2. Interdiction de démolir des immeubles Article 7. -- L'interdiction de démolir des maisons d'habitation et des immeubles commerciaux porte une atteinte profonde au droit de libre disposition de la propriété privée. Si nous nous sommes tout de même résolus à instituer cette mesure pour la durée de l'arrêté, c'est en considération des motifs que voici: D'une part, cette interdiction permet, à notre avis, d'alléger dans une certaine mesure le marché de la construction. D'autre part, la démolition d'immeubles encore en bon état équivaut à un gaspillage économiquement peu raisonnable de moyens de production. Il est particulièrement indési.rable en cette époque d'engagement excessif de toutes les forces productives de notre économie. Enfin, l'interdiction vise à empêcher qu'on ne démolisse un immeuble dans le dessein de créer ainsi les motifs qui justifieraient par la suite l'obtention d'un permis de le reconstruire, de l'agrandir ou de le transformer. L'article 7 prévoit des exceptions à l'interdiction de démolir; elles se justifient d'elles-mêmes.

3. Dispositions d'exécution Article 8. --· L'article 8 règle l'exécution; il n'appelle pas de cominen-taires.

4. Peines et mesures administratives Articles 9 à 12. -- Selon le chiffre 3 de l'article 9, le Conseil fédéral pourra compléter le catalogue des infractions éiiumérées sous chiffre 1, au cas où les dispositions d'exécution qui seront édictées en feraient apparaître .la nécessité. En dépit du montant relativement élevé de l'amende prévue, lequel se justifie eu égard à l'importance des intérêts en cause, les infractions sont des contraventions au sens du code pénal. Si l'on veut que la -tentative et la complicité soient aiissi punissables -- il est important qu'il -en soit ainsi notamment en considération du régime du permis -- il est dès lors nécessaire de le prévoir expressément. Nous tenons également pour justifié de doubler le délai de prescription de l'action pénale qui, pour les -contraventions, est d'une année seulement.

Article 13. -- II est très important de pouvoir empêcher l'exécution -illicite de travaux de construction, sans quoi les cantons seraient dans l'impossibilité, le cas échéant, de s'en tenir au «plafond» fixé.

5, Dispositions transitoires et finales Article 14. -- Le point de savoir à partir de quel moment et à quelles ·constructions doivent s'appliquer le régime du permis et l'interdiction de

223

construire suscite des difficultés non négligeables. A première vue, il semblerait normal de soustraire aux dispositions de l'arrêté tous les travaux de construction pour l'exécution desquels le maître de l'ouvrage bénéficie d'une autorisation de police à la date d'entrée en vigueur, donc tous les travaux qu'il aurait déjà pu entreprendre légitimement. Pareille solution priverait toutefois l'arrêté d'une bonne partie de son efficacité durant cette année.

Non seulement les travaux entrepris l'année dernière et encore inachevés, mais pratiquement la totalité de ceux qui seraient mis en chantier ce printemps échapperaient au régime du permis et à l'interdiction de construire.

Cette conséquence nous paraît inacceptable. Nous proposons au contraire une solution conférant à l'arrêté la plus grande efficacité possible en ce sens que seuls les travaux en cours d'exécution au moment de l'entrée en vigueur lui seront soustraits. Nous sommes conscients de la rigueur que cette solution pourra impliquer pour de nombreux maîtres d'ouvrage. Il appartiendra axix gouvernements cantonaux d'examiner les cas de ce genre avec une attention particulière et de les traiter avec la compréhension voulue. En outre, il se pourrait qu'au cours des premières semaines de validité de l'arrêté, le degré d'occupation de la branche du bâtiment fléchisse temporairement du fait que les organes chargés de la délivrance des permis risquent d'être débordés. Il serait également fâcheux que des difficultés initiales et un recul éventuel de l'emploi dans la branche du bâtiment engagent les organes compétents à autoriser des constructions qui, en réalité, devraient être considérées comme de bons exemples de travaux à ajourner. Nous pensons toutefois être en mesure de faire front à ces dangers. Pendant les délibérations parlementaires, nous observerons attentivement, avec le concours des cantons, le développement de la situation sur le marché de la construction. Si l'éventualité d'une régression sensible de l'emploi -- ne fût-elle que momentanée -- devait être sérieusement envisagée en certains endroits, il serait possible d'y remédier en faisant usage des compétences prévues à l'article premier, 3e et 4e alinéas. Pour créer rapidement des possibilités de travail suffisantes, on pourrait par exemple soustraire au régime du permis tous les
travaux de constraction pour lesquels une autorisation de police a été délivrée avant le 1er février 1964.

Article 15. -- A peu de chose près, l'article 15 est identique à l'article 12 de l'arrêté fédéral autorisant des mesures dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit. Nous pouvons dès lors nous référer aux commentaires relatifs à cette dernière disposition. La différence réside en ceci que, dans le cas de l'arrêté instituant des mesures de politique conjoncturelle dans le domaine de la construction, le Conseil fédéral a la compétence de l'abroger avant l'échéance du délai légal. Cette compétence nous paraît nécessaire car, dans l'éventualité d'un renversement imprévu de la situation économique, il pourrait être inutile, voire nuisible, d'en poursuivre l'application.

224

III. De la constitutionnalité des doux arrêtés fédéraux et de leur mise en vigueur d'urgence Ainsi que vous le constaterez en prenant connaissance de l'article 15 du projet d'arrêté fédéral instituant des mesures de politique conjoncturelle dans le domaine de Ja construction et de l'article 12 de l'arrêté fédéral autorisant des mesures dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit, nous vous proposons d'édicter ces deux arrêtés urgents conformément à la procédure prévue à l'article 89 bis, 3e alinéa, de la constitution.

Nous avons examiné si ces deux actes législatifs urgents ont ou non une base constitutionnelle. A première vue, il semblerait naturel d'invoquer l'article 31 quinquies de la constitution, qui charge la Confédération de prendre conjointement avec les cantons et l'économie privée des mesures tendant à prévenir des crises économiques. Mais comme l'un et l'autre arrêtés contiennent dea dispositions dérogeant au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, on s'est aussitôt demandé si, lorsqu'il applique l'article Slquinquies, le législateur doit ou non respecter ce principe. Prise à la lettre, la disposition en cause n'exclut aucun moyen propre à permettre à la Confédération de remplir la tâche qui lui est dévolue. Selon une interprétation purement grammaticale, la Confédération pourrait donc aussi prendre des mesures restreignant la liberté du commerce et de l'industrie.

Conformément aux principes généraux du droit, son intervention devrait simplement rester adéquate à son objet et ne pas contrevenir à l'égalité devant la loi. Toutefois, des dispositions constitutionnelles qui, comme celle qui est en discussion, ont été adoptées à la faveur d'un compromis politique ne sauraient être interprétées sans égard à leur genèse, même si le texte en paraît clair. C'est particulièrement le cas des dispositions de caractère économique. Or si l'on examine la genèse de l'article 31 quinquies, on doit en conclure qu'il n'est pas possible de fonder les deux arrêtés urgents sur cette base constitutionnelle, vu les atteintes qu'ils portent à la liberté du commerce et de l'industrie. L'interprétation logique et téléologique le confirme.

Aussi bien, selon l'opinion qui prévaut en doctrine, il n'est pas possible de fonder sur l'article Slquinquies de la constitution
des mesures dérogeant au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Il n'existe pas d'autres dispositions constitutionnelles pouvant servir de base aux deux arrêtés fédéraux urgents.

Le fait que les deux arrêtés urgents reposent sur l'article 89bis, 3e alinéa, de la constitution ne doit préjuger en rien la décision qui sera prise quant au fondement constitutionnel de la revision à laquelle sera soumise la, loi sur In, banque nationale. La portée de cette revision doit d'ailleurs être encore déterminée.

225 La nécessité de mettre les deux arrêtés immédiatement en vigueur et, par conséquent, de les munir de la clause d'urgence résulte des circonstances : nous avons affaire à une situation telle que des mesures urgentes sont absolument indispensables. Noua renvoyons à ce propos aux considérations que nous avons exposées dans la partie générale du message, notamment au chapitre intitulé «But et grandes lignes des mesures à prendre pour réduire la surchauffe économique et défendre le pouvoir d'achat du franc».

Pour terminer, il sied de relever encore que la procédure prévue à l'article 89&*s, 3e alinéa, de la constitution, procédure à laquelle nous vous recommandons de vous rallier, implique la consultation obligatoire du peuple et des cantons dans le délai d'un an, attendu que les deux arrêtés sont destinés à demeurer en vigueur plus d'une année.

IV. Considérations finales Chacun se rend parfaitement compte que les prix augmentent de façon inquiétante en Suisse. Tout le monde admet que cette dépréciation du pouvoir d'achat du franc menace l'avenir de notre économie et, partant, celui de notre pays. Cette constatation commande impérieusement des mesures tendant à juguler le phénomène inflationniste. C'est pourquoi nous vous proposons des réglementations sortant de l'ordinaire. Leur justification réside dans le souci de maintenir et de renforcer le pouvoir d'achat de notre monnaie. Ce faisant, nous rendrons notamment un grand service à nos concitoyennes et concitoyens n'exerçant plus d'activité rémunérée et surtout aux personnes âgées au bénéfice d'une rente. Quand bien même nos propositions et les autres mesures que nous envisageons auront de fortes répercussions, elles sont encore insuffisantes. Le but que nous visons ne pourra être atteint qu'avec la collaboration des cantons, des communes et de l'économie privée, c'est-à-dire des employeurs et des salariés. Comme ce fut toujours le cas dans des circonstances difficiles, les conseils législatifs et le peuple suisse seront résolus à prendre, avec le Conseil fédéral, les mesures que requièrent les intérêts supérieurs de la patrie.

226 Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter le projet d'arrêté fédéral urgent autorisant des mesures dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit, ainsi que le projet d'arrêté fédéral urgent instituant des mesures de politique conjoncturelle dans le domaine de la construction.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 24 janvier 1964.

Au nom du Conseil fédéral suisse : L& président de la Confédération, L. von Moos Le, cJiancelier de la Confédération, Ch. Oser

227 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL autorisant

des mesures dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message clu Conseil fédéral du 24 janvier 1964, arrête: Article premier 1

En vue d'empêcher de graves perturbations dans l'équilibre économique et de maintenir le pouvoir d'achat du franc, le Conseil fédéral peut prendre, dans le domaine du marché de l'argent et des capitaux et dans celui du crédit, les mesures indiquées ci-après. Il prend ces mesures en liaison avec la banque nationale suisse.

2 Le Conseil fédéral tiendra équitablement compte, dans ces mesures, des besoins de la construction de logements et de l'agriculture.

But

Art. 2 1

La banque nationale suisse prend les mesures nécessaires en Conventions; concluant, autant que possible, des conventions volontaires.

ioKe?wf°^» 2 Si une convention a été signée par la majorité des personnes et des sociétés qui ont été invitées à y adhérer, le Conseil fédéral peut lui conférer force obligatoire générale.

Art. 3 1

Le Conseil fédéral peut obliger les entreprises qui sont soumises à la loi fédérale dii 8 novembre 1934 sur les banques et les caisses d'épargne (dénommées ci-après «banques»), ainsi que les sociétés financières à caractère bancaire qui ne font pas appel au public pour obtenir

Fonda étrangers.

228

des dépôts de fonds, à ne payer aucun intérêt sur les capitaux étrangers qui -ont afflué depuis le 1er janvier 1964, à les soumettre à un délai de dénonciation et à en verser la contre-valeur sur un compte spécial à la banque nationale suisse, en tant que cette contre-valeur n'est pas placée en monnaie étrangère à l'étranger.

2 Le Conseil fédéral peut obliger, en outre, les banques et les sociétés financières mentionnées au 1er alinéa, les agents de change, les maisons de bourse et les maisons qui font le commerce des papiersvaleurs, ainsi que d'autres personnes et sociétés s'occupant du placement de capitaux, à renoncer au placement de fonds étrangers dans des papiers-valeurs, des immeubles et des hypothèques suisses ou à limiter de tels placements.

3 Le Conseil fédéral peut obliger les sociétés de gérance de fonds de placements qui acquièrent des papiers-valeurs ou des immeubles suisses à renoncer à délivrer des certificats de participation à des étrangers ou à limiter la délivrance de tels certificats.

Limitation des crédita

Limites de crédit et de prêt

Emission de certificats immobiliers

Marché des émissions

Art. 4 Le Conseil fédéral peut obliger les banques à limiter l'augmentation de leurs crédits en Suisse à un quota déterminé de l'accroissement des crédits octroyés dans les années 1960 à 1962.

Art. 5 Le Conseil fédéral peut fixer des limites pour les crédits et les prêts hypothécaires qui sont octroyés par les banques, les sociétés d'assurances soumises à sa surveillance, ainsi que par les caisses d'assurance et de prévoyance publiques et privées, en vue de l'acquisition, de la construction et de l'aménagement d'immeubles en Suisse.

Art. 6 Le Conseil fédéral peut limiter l'émission des certificats des fonds de placements qui acquièrent des immeubles suisses.

Art. 7 Le Conseil fédéral peut exiger que les émissions publiques d'obligations, d'actions, de bons de jouissance et d'autres papiers-valeurs analogues soient annoncées ; il peut aussi, en cas de nécessité, les échelonner dans lo temps afin d'empêcher que le marché des capitaux ne soit mis à contribution de façon excessive. A cet effet, il requerra le concours des organismes bancaires qui s'occupent des émissions.

229

Art. 8 La banque nationale suisse est chargée de l'exécution des prescriptions édictées sur la base du présent arrêté.

2 Le Conseil fédéral peut ordonner que la commission fédérale des banques et les organes de contrôle prévus par la loi sur les banques coopèrent à la surveillance.

Art. 9 1 Les personnes et sociétés soumises au présent arrêté sont tenues de fournir toutes les informations, pièces justificatives et renseignements nécessaires et d'en laisser vérifier l'exactitude sur place.

2 Le secret doit être gardé sur les informations, les pièces justificatives et les renseignements fournis ainsi que sur les constatations faites lors des vérifications sur place.

1

Art. 10 1. Celui qui contrevient aux prescriptions édictées par le Conseil fédéral en vertu du présent arrêté ou aux conventions ayant force obligatoire générale, qui ne s'acquitte pas de l'obligation de fournir des informations, de communiquer des renseignements et de produire des livres de commerce et pièces comptables ou donne des indications inexactes ou incomplètes, qui rend difficile, entrave ou empêche l'exécution d'un contrôle officiel, en particulier l'exécution d'un contrôle des livres, sera puni, s'il a agi intentionnellement, d'arrêts ou d'une amende de 100 000 francs au plus. La tentative et la complicité sont également punissables.

2. Si l'infraction a été commise par négligence, elle sera punie d'une amende de 50 000 francs au plus.

3. Lorsqu'une infraction est commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite ou d'une entreprise individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en leur nom. La personne morale, la société ou le titulaire de l'entreprise individuelle répondent toutefois solidairement de l'amende et des frais, à moins que la direction responsable ne prouve qu'elle n'a rien négligé pour que les personnes en cause observent les prescriptions. Cela s'applique aussi, par analogie, aux collectivités et établissements de droit public.

Les personnes solidairement responsables ont les mêmes droits que les inculpés.

Feuille fédérale. 116° année. Vol. I.

16

Exécution et surYBÏllanGf)

Obligation !6ifnw

Dispositions

230

Art. 11 Poursuite péna e

x

Les contraventions seront poursuivies et jugées par le département des finances et des douanes en vertu de la cinquième partie de la loi fédérale sur la procédure pénale du 15 juin 1934.

2 La poursuite se prescrit par deux ans.

Art. 12 Entrée en vigueur

1

Le présent arrêté est déclaré urgent. II entre en vigueur à la date de sa publication et a effet pendant deux ans.

2 L'Assemblée fédérale peut, au besoin, proroger d'une année la durée de validité du présent arrêté sans que le referendum puisse être demandé.

3 Le présent arrêté est soumis à la votation du peuple et des Etats, conformément à l'article 89 bis, 3e alinéa, de la constitution.

15080

231 (Projet)

ARRÊTÉ FÉDÉRAL instituant

des mesures de politique conjoncturelle dans le domaine de la construction

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu le message du Conseil fédéral du 24 janvier 1964, arrête:

I. Permis et interdiction de construire Article premier En vue de tempérer la demande dans la branche du bâtiment, T , , . .

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les travaux de construction sont subordonnes a un permis.

11 est interdit d'en faire exécuter sans permis.

2 Ne sont pas assujettis à un permis au sens du 1er alinéa : a. Les travaux d'entretien ; 6. La construction de logements bénéficiant de l'aide des pouvoirs publics, ainsi que les travaux d'aménagement communaux qui s'y rapportent; c. La construction de bâtiments hospitaliers, ainsi que d'établissements destinés aux vieillards et aux invalides ; d. Les travaux destinés à assurer l'alimentation en eau potable et les travaux de protection des eaux contre la pollution; e. Les constructions rurales au sens de l'ordonnance du 29 décembre 1954/21 décembre 1959 sur les améliorations foncières et de la loi du 23 mars 1962 sur les crédits d'investissements dans l'agriculture et l'aide aux exploitations paysannes; /. La construction d'installations d'entreposage de carburants et combustibles liquides.

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Permis

de construire

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Le Conseil fédéral peut, selon la situation du marché, soustraire dj autres catégories de travaux au régime du permis.

4 Les gouvernements cantonaux sont habilités à affranchir du régime du permis les constructions d'un coût inférieur à 100 000 francs ainsi que tout ou partie de la construction de logements dont le 2e alinéa ne fait pas déjà mention.

5 Les travaux de construction qui ne sont pas assujettis à un permis doivent être annoncés, avant leur mise en chantier, aux services désignés par les gouvernements cantonaux.

Art. 2 Interdiction de construire

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Pendant une année, il est interdit de faire exécuter des travaux de construction des catégories énumérées ci-après : a. Cinémas, salles de spectacles, dancings et autres locaux de divertissement ; b. Musées, halles d'exposition et maisons de congrès; c. Installations de sport (piscines, halles de gymnastique, patinoires, places de sport, etc.); d. Bâtiments administratifs publics ou privés ; e. Maisons de vacances ou de week-end, sauf celles qui sont construites dans une région de montagne et dont le volume est inférieur à 700 m 3 ; /. Maisons d'une famille d'un volume supérieur à 1200 m 3 ou dont le coût excède 200 000 francs; g. Correction et réaménagement de rues de quartier, privées ou publiques ; h. Stations distributrices d'essence avec ou sans service.

2 L'interdiction s'applique aussi aux constructions mixtes si la partie relevant d'une des catégories visées au 1er alinéa représente, quant au volume et au coût, plus du tiers de l'ensemble de l'ouvrage.

3 A l'expiration d'un délai d'une année, le régime du permis au sens de l'article premier se substitue à celui de l'interdiction. Le Conseil fédéral peut, selon la situation du marché, soustraire certaines catégories de travaux de construction à l'interdiction de construire et les soumettre au régime du permis avant l'échéance de ce délai.

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Compétences

mier:

Art. 3 Sont compétents pour délivrer les permis visés à l'article pre-

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1. Le Conseil fédéral, pour les travaux de construction de la Confédération, de ses entreprises en régie et des chemins de fer fédéraux, ainsi que pour la construction des routes nationales ; 2. Les gouvernements cantonaux, pour tous les autres travaux de construction. Les gouvernements cantonaux peuvent, sous réserve du droit de recours, déléguer cette attribution à des services subordonnés. Les décisions des gouvernements cantonaux sont définitives.

2 Le Conseil fédéral et les gouvernements cantonaux peuvent instituer des commissions d'experts où les autorités et l'économie sont représentées, et les consulter avant de prendre leurs décisions.

3 En cas de divergences de vues quant à l'assujettissement de travaux de construction au régime du permis ou à celui de l'interdiction de construire, les gouvernements cantonaux statuent à titre définitif.

Art. 4 1 Le Conseil fédéral fixe pour chaque canton, après consultation du gouvernement cantonal, le montant jusqu'à concurrence duquel les organes cantonaux compétents peuvent, dans l'espace d'une année, accorder des permis de construire, le coût des constructions qui doivent être annoncées conformément à l'article premier, 5e alinéa, étant imputé sur ce montant.

2 Le montant visé au 1er alinéa sera déterminé de telle façon que la demande à laquelle doit faire face la branche du bâtiment soit adaptée à sa capacité de production. On tiendra compte en l'occurrence de l'influence qu'exercent sur le volume des constructions les travaux d'une importance exceptionnelle, tels que les constructions d'usines hydro-électriques.

Art. 5 Les principes suivants régissent l'octroi des permis dans les limites du montant fixé selon l'article 4: 1. En ce qui concerne les travaux cantonaux et communaux, les constructions industrielles et artisanales, de même que la construction de logements, leurs parts respectives au volume global des constructions doivent être maintenues pour l'essentiel ; on en établira la moyenne sur la base des années 1959 à 1962.

2. S'il est nécessaire, pour s'en tenir au montant fixé selon l'article 4, de refuser des permis, les considérations dictant les décisions des organes compétents seront les suivantes : a. Pour ce qui cat des travaux publics, l'intérêt que présentent les projets pour la collectivité ainsi que l'urgence de leur exécution ;

Plafond cantonal

Principes régissant l'octroi dos permis par les cantons

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Principes régissant l'octroi dus permis par la Confédération

6. Pour ce qui est des constructions industrielles et artisanales, l'importance que revêtent les projets du point de vue du développement de l'entreprise dans les limites des possibilités de l'économie en général et du marché du travail en particulier.

On tiendra compte de manière appropriée des exigences de la recherche et du développement technique; c. Pour ce qui est de la construction de logements, la structure régionale des besoins de logements selon leur grandeur et leur confort.

Art. 6 Les travaux de construction de la Confédération, de ses entreprises en régie et des chemins de fer fédéraux, ainsi que la construction des routes nationales ne peuvent être autorisés que jusqu'à concurrence d'un montant à la détermination et à la répartition duquel sont applicables par analogie les principes énoncés aux articles 4 et 5.

II. Interdiction de démolir des immeubles

Art. 7 II est interdit de faire démolir des maisons d'habitation et des immeubles commerciaux sauf dans les cas où une démolition a. Est ordonnée pour des raisons d'hygiène ou de sécurité ; 6. S'impose pour permettre l'exécution de constructions autorisées ou non soumises au régime du permis.

III. Dispositions d'exécution

Art. 8 Le Conseil fédéral est chargé de l'exécution et édicté les dispositions nécessaires à cet effet. Il peut déléguer cette attribution au département de l'économie publique.

2 Les gouvernements cantonaux prennent les mesures nécessaires pour l'accomplissement des tâches qui leur sont dévolues en vertu du présent arrêté. Ils sont tenus de donner au Conseil fédéral les renseignements nécessaires à l'exécution.

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IV. Peines et mesures administratives Infractions à l'arrêt«

Art. 9 1. Celui qui, dans le dessein d'obtenir un permis ou de le procurer à un tiers, aura donné des renseignements inexacts ou incomplets, celui qui n'aura pas observé les conditions ou charges attachées à un permis,

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celui qui, en sa qualité de maître de l'ouvrage, aura illicitement fait mettre en chantier ou fait poursuivre des travaux de construction auxquels le présent arrêté est applicable, celui qui, en tant que propriétaire d'une maison d'habitation ou d'un immeuble commercial, l'aura fait démolir illicitement, celui qui ne se sera pas conformé à l'obligation d'annoncer, sera puni, s'il a agi intentionnellement, d'arrêts ou d'une amende de 100 000 francs au plus. La tentative et la complicité sont également punissables.

2. Si le délinquant a agi par négligence, il sera puni d'une amende de 50 000 francs au plus.

3. Le Conseil fédéral peut prévoir les mêmes peines pour les infractions aux dispositions d'exécution.

Art. 10 Lorsqu'une infraction est commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite ou d'une entreprise individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en leur nom. La personne morale, la société ou le titulaire de l'entreprise individuelle répondent toutefois solidairement de l'amende et des frais, à moins que la direction responsable ne prouve qu'elle n'a rien négligé pour que les personnes en cause observent les prescriptions. Cela s'applique aussi,par analogie, aux collectivités et établissements de droit public. Les personnes solidairement responsables ont les mêmes droits que les inculpés.

Art. 11 L'action pénale se prescrit par deux ans.

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Art. 12 La poursuite et le jugement des infractions incombent aux can-

tons.

Infractions commises dans la gestion d'entreprises

Prescription de l'action pénale Compétence et communication de jugements

- Tous les jugements, prononcés administratifs ayant un caractère pénal et ordonnances de non-lieu seront communiqués sans délai et gratuitement, en expédition intégrale, au ministère public de la Confédération, à l'intention du Conseil fédéral.

Art. 13 Si des travaux de construction sont mis en chantier ou poursuivis illicitement, le gouvernement cantonal ou le service désigné par lui peut, indépendamment de la poursuite pénale, en ordonner la suspension.

Mesures administrative»

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V. Dispositions transitoires et finales Disposition!!

transitouTM

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Art. 14 Le régime du permis (art. 1er) et celui de l'interdiction de cons-

truire (art, 2) ne s'appliquent pas aux travaux de construction qui étaient en cours d'exécution lors de l'entrée en vigueur du présent arrêté.

2 Les travaux de construction mis en chantier entre le 1er janvier 1964 et la date de l'entrée en vigueur du présent arrêté doivent être annoncés au service cantonal compétent. Leur coût sera imputé sur le montant fixé selon l'article 4.

Art. 15 Entrée en vigueur

* Le présent arrêté est déclaré urgent. Il entre en vigueur à la date de sa publication et a effet pendant deux ans. Le Conseil fédéral peut l'abroger avant l'expiration de ce délai.

2 L'Assemblée fédérale peut, au besoin, proroger d'une année la durée de validité du présent arrêté sans que le referendum puisse être demandé.

3 Le présent arrêté est soumis à la votation du peuple et des Etats, conformément à l'article SSbis, 3e alinéa, de la constitution.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à des mesures concernant le marché de l'argent et des capitaux, le crédit ainsi que des mesures conjoncturelles concernant la construction (Du 24 janvier 1964)

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Bundesblatt

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Feuille fédérale

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Foglio federale

Jahr

1964

Année Anno Band

1

Volume Volume Heft

05

Cahier Numero Geschäftsnummer

8909

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

06.02.1964

Date Data Seite

181-236

Page Pagina Ref. No

10 097 242

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