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MESSAGE du

Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la prolongation des cours de répétition.

(Du 25 avril 1938.)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous soumettre ci-après notre message à l'appui d'un projet de loi prolongeant les cours de répétition.

I.

Notre message du 11 juin 1934 relevait entre autres choses, comme déterminant pour la réorganisation de l'instruction, le fait que ni la Société des Nations ni la conférence du désarmement n'avaient réalisé l'espoir qu'on mettait en elles pour diminuer le danger de guerre, ce qui nous obligea de soumettre à un examen sévère et objectif la question de l'aptitude à la guerre de notre armée eu égard à la situation politique et au potentiel de guerre des Etats européens.

Vous avez, dans la suite, approuvé nos propositions tendant à prolonger la durée de l'instruction.

Depuis 1934, la situation militaire et politique est devenue bien plus défavorable encore pour notre pays. L'Autriche, qui couvrait une partie importante de notre frontière de l'Est, a cessé d'exister. La guerre d'Ethiopie, la sortie de l'Italie et le conflit sino-japonais ont porté un nouveau coup au prestige et à l'autorité de la Société des Nations. Ce n'est pas ici le lieu de nous exprimer sur la manière d'envisager désormais nos rapports avec la Société des Nations. Mais notre devoir est de nous représenter clairement la situation et d'en tirer les conséquences nécessaires pour notre pays.

La Suisse, réduite plus que jamais à ses propres forces depuis la guerre mondiale, doit prendre les mesures qui lui permettront d'imposer sa volonté de maintenir intégralement la neutralité et l'indépendance du pays.

627 II.

Animé de la ferme volonté de maintenir son indépendance, notre peuple a généreusement fourni les ressources qui devaient permettre aux autorités responsables d'adapter dans la mesure du possible l'armement et l'équipement de l'armée aux exigences actuelles. Nous renvoyons, à ce sujet, à notre message du 25 avril 1938 concernant l'emploi du solde du fonds créé en vue d'un nouveau renforcement de la défense nationale, dans lequel nous nous réservons de vous soumettre de nouvelles propositions à l'effet de parfaire l'armement et l'équipement. Les études en vue de déterminer l'importance de ces compléments sont en cours.

Toutefois, autant il importe que l'armée soit dotée d'un matériel moderne, autant il faut, pour le manier et en tirer tout le rendement possible, des hommes suffisamment nombreux et instruits.

La diversité de notre armement, ainsi que le maniement des nombreuses machines et appareils parfois très compliqués, imposent en temps de paix déjà à nos soldats de sévères exigences.' La guerre moderne, avec toutes ses horreurs, demande encore bien davantage du combattant: elle met sa force de résistance morale à la plus dure épreuve. Aussi importe-t-il que le maniement de son arme ou de son appareil soit à tel point familier au soldat qu'il puisse être maître de l'engin même dans le feu de l'action.

Il importe également que les soldats apprennent à manier correctement toutes les armes de leur formation. Il ne suffit pas de spécialiser quelques hommes pour des fonctions déterminées dans l'emploi d'une arme ou d'un appareil ; en effet, la mise hors de combat de certains d'entre eux entraînerait l'élimination de l'arme ou de l'appareil, même s'il restait suffisamment d'hommes pour continuer la lutte. Nous ne devons en aucun cas nous exposer à ce danger.

Ces points sont, aujourd'hui déjà, l'objet de la plus grande attention dans les écoles de recrues, où l'instruction est autant que possible donnée en conséquence. La question de savoir si la durée actuelle des écoles de recrues continuera de répondre aux exigences est présentement examinée à la lumière des expériences recueillies jusqu'ici. Il s'agit d'un problème extrêmement complexe, qui doit être examiné avec le plus grand soin sous tous ses aspects, notamment en ce qui concerne l'instruction et le maintien des cadres et les répercussions
financières. Etant données les exigences sans cesse grandissantes posées dans tous les domaines de l'instruction du soldat, étant donné aussi ce que d'autres Etats, même petits, considèrent comme nécessaire en fait de durée de l'instruction, la question de la prolongation du temps de service devait forcément se poser. La décision de la commission de défense nationale et du Conseil fédéral demeure cependant réservée jusqu'au moment où le problème aura été examiné à fond.

628 Avec notre système de milices, une première instruction, quelque bonne qu'elle soit, ne servirait à rien s'il n'était pas possible de maintenir les connaissances acquises et d'avoir une troupe constamment entraînée dans toutes les branches de l'activité militaire.

Les cadres, subalternes et moyens surtout, doivent, eux aussi, rester constamment entraînés à l'emploi, si divers, des moyens de combat. Des cours tactiques et théoriques ne suffisent pas; il faut surtout un travail pratique avec la troupe.

Lors de la réorganisation de l'instruction, la durée de quelques écoles de sous-officiers et d'officiers a été considérablement réduite, surtout, disons-le, à cause de la prolongation de l'instruction pratique dans les écoles de recrues. Les expériences faites jusqu'ici nous amènent toutefois à nous demander si cette mesure était judicieuse; il se peut que la durée actuelle de ces écoles soit reconnue insuffisante, tant à cause des nombreux matériels introduits depuis lors que de la nécessité de donner aux jeunes cadres, déjà dans les écoles de sous-officiers et d'officiers, l'assurance qui leur est indispensable comme chefs. Nous ne nous prononçons toutefois pas définitivement sur ce point.

Enfin, pour être prête à intervenir en tout temps, notre armée doit suivre aussi les progrès constants accomplis dans les moyens et les méthodes de combat. Nos soldats doivent donc être instruits en conséquence, et non seulement les jeunes, mais tous ceux qui appartiennent aux groupements de combat. La situation est aujourd'hui telle que nous ne pouvons pas attendre que nos formations soient composées exclusivement d'hommes instruits, à l'école de recrues déjà, au maniement des nouvelles armes et appareils; nous n'obtiendrions d'ailleurs jamais de la sorte des formations complètement instruites, parce que la technique crée toujours du nouveau dont la connaissance reste limitée aux jeunes classes. Mais il faut que tous les militaires, et non seulement les jeunes, soient constamment familiarisés avec ces perfectionnements.

En manière de conclusion, nous dirons: que l'armement et l'équipement modernes ne sont pas tout, mais que les hommes appelés à s'en servir doivent encore avoir une instruction suffisante ; que l'emploi des armes et du matériel doit être connu de tous les hommes d'une même formation, de
manière que cet emploi soit assuré, également en temps de guerre, grâce à la force de résistance morale des combattants, auxquels on demandera des nerfs d'une solidité à toute épreuve ; que seul un affermissement méthodique et consciencieux des connaissances acquises permet d'atteindre ce but; que ni l'école de recrues, ni l'école de sous-officier s et d'officiers n'y suffisent, attendu que ce sont des services qui n'ont lieu qu'une fois et que la formation pratique des cadres doit, en fin de compte, se faire avec la troupe;

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qu'il importe d'initier le plus rapidement possible les militaires des formations actuelles au maniement des armes et du matériel et de les familiariser continuellement avec les perfectionnements nécessités par l'évolution de la technique de l'armement et du combat.

m.

Seuls des cours de répétition périodiques permettent d'assurer l'instruction nécessaire, en donnant l'occasion de rafraîchir d'une façon sérieuse et régulière, avec la troupe, les connaissances acquises, de familiariser complètement le soldat avec les perfectionnements et de l'habituer rapidement aux formations de guerre.

Ces cours sont toutefois aujourd'hui déjà tellement chargés qu'il est impossible de tenir compte de ces exigences dans une mesure suffisante.

Le temps disponible suffit à peine -- quelque judicieux que soient les préparatifs et la répartition du travail -- pour rafraîchir en peu de temps une partie des connaissances acquises, et il ne peut guère être question d'approfondir sérieusement l'instruction; quant aux choses nouvelles qu'il faut apprendre aux hommes, elles ne peuvent pas non plus être enseignées et exercées assez à fond pour qu'ils les possèdent encore au moment d'entrer au service suivant ou en cas de mobilisation.

Ces considérations nous amènent à vous proposer de prolonger la durée des cours de répétition.

Relevons, à ce propos, que depuis 1934 un certain nombre d'Etats se sont vus dans l'obligation de prolonger, parfois considérablement, la durée du service. C'est ainsi que la Belgique l'a prolongée de 8 à 17 mois ; l'Allemagne a introduit le service de 2 ans, la France a également porté ce temps de 1 à 2 ans; la Hollande a maintenant 11 mois de service au lieu de 5%, la Tchécoslovaquie 24 au lieu de 14.

IV.

Dans quelle mesure les cours de répétition doivent-ils être prolongés pour atteindre le but fixé ?

Pour pouvoir répondre à cette question, il faut aussi déterminer dans quelle mesure les périodes de service peuvent être prolongées sans que la situation civile des cadres et des hommes en souffre trop.

Un examen approfondi de la question nous amène à conclure qu'une prolongation à 18 jours (non compris les jours d'entrée et de licenciement) représente le minimum de ce qui est nécessaire pour donner à nos troupes la préparation indispensable à la guerre. Cette mesure est d'ailleurs supportable pour chaque militaire, à condition qu'il touche tout ou partie de son salaire, comme c'est déjà souvent le cas aujourd'hui. Le Conseil fédéral attend des employeurs qu'ils se fassent un point d'honneur de continuer

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de payer le salaire pendant les cours de répétition ou, s'ils ne l'avaient pas fait jusqu'ici, de le faire à l'avenir. Il ne doit en tout cas pas arriver qu'un militaire perde son gagne-pain à cause du service que lui impose la constitution.

Indépendamment de la possibilité d'adapter constamment l'instruction au rythme de l'évolution, la prolongation des cours de répétition à 18 jours aurait un autre avantage: elle permettrait de rafraîchir les connaissances avec plus d'exactitude et moins de précipitation que ce n'est aujourd'hui encore généralement le cas. Le travail pourrait être fait avec beaucoup plus de méthode et de calme.

D'après nos propositions, le temps de service du soldat subirait les modifications suivantes : Temps de service actuel: 8 cours de répétition à 13 jours (1) (élite et landwehr) 104 jours Prolongation de 7 jours de ces cours de répétition = 8x7 jours 56 » Total des jours de service faits dans les cours de répétition (élite et landwehr) 160 jours(1) La prolongation proposée est, à vrai dire, surtout indispensable pour les troupes combattantes. Ce serait toutefois une erreur de ne pas prolonger dans la même mesure les cours de répétition des autres armes, parce que leurs cours, à elles aussi, sont trop chargés. Si l'on instaurait un régime différent suivant les troupes, certaines catégories de soldats seraient tenues de faire beaucoup plus de service que d'autres et subiraient un préjudice injustifié. Enfin, la coopération nécessaire des diverses armes, à laquelle il faut tendre, ainsi que le contact personnel réciproque, notamment dans les cours de. répétition de division et de manoeuvres, exigent une période de service égale pour tous les corps de troupes.

D'autre part, la durée des cours de répétition de l'artillerie, ainsi que des troupes d'aviation et de défense contre avions, ne doit être également portée qu'à 18 jours; elle ne doit donc être augmentée que de quatre jours, ce qui est suffisant.

Des cours de répétition de 18 jours ont une valeur toute particulière aussi pour les exercices à double action de grandes unités, qui seront rétablis selon un roulement régulier dès 1940. Ces exercices peuvent en effet être adaptés beaucoup mieux à la réalité et surtout organisés avec plus de soin et plus utilement que ce n'est le cas avec le temps dont nous disposons
actuellement.

V.

La prolongation des cours de répétition ne changera rien aux cours préparatoires de cadres prévus par l'article 122 de l'organisation militaire.

(*) Jours d'entrée et de licenciement compris.

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De l'avis unanime des commandants de troupes, cette brève préparation des officiers et sous-officiers, en vue surtout de leur activité de chefs dans le cours de répétition, s'est révélée extrêmement pratique et féconde.

VI.

En prenant pour base les prix d'unité tels qu'ils ont été établis pour le budget de 1938 et en calculant les frais pour sept classes d'âge, nous supputons à 6 580 000 francs la dépense supplémentaire résultant de la prolongation à 18 jours des cours de répétition de toute l'armée.

Cette dépense pourra être augmentée quelque peu par: l'assurance militaire, les secours militaires, l'entretien et le remplacement du matériel, les chevaux tombés malades au service.

Ces frais présumés ne peuvent pas être calculés d'avance, mais ils n'augmenteront certainement pas de beaucoup la somme indiquée ci-dessus.

Comparées avec les frais des cours de répétition actuels (env. 13 millions et demi de fr.), les dépenses supplémentaires présumées résultant de la prolongation des cours de répétition à 18 jours, sont dans la proportion de 1 à 2 et représentent donc environ la moitié des frais actuels.

Cette augmentation des dépenses se justifie certainement par la nécessité de prolonger les cours de répétition dans l'intérêt de la défense nationale.

En nous fondant sur l'exposé qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'approuver le projet de loi ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur lé Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 25 avril 1938.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, BAUMANN.

Le chancelier de la Confédération, G. BOVET.

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(Projet.)

Loi fédérale modifiant

celle du 12 avril 1907/28 septembre 1934 sur l'organisation militaire.

(Prolongation des cours de répétition.)

L'ASSEMBLÉE FÉDÉRALE DE LA

CONFÉDÉRATION SUISSE, vu le message du Conseil fédéral du 25 avril 1938, arrête :

Article premier.

L'article 122 de la loi du 12 avril 1907/28 septembre 1934 sur l'organisation militaire est abrogé et remplacé par la disposition suivante: Art. 122. Les cours de répétition sont de dix-huit jours pour toutes les troupes. Les officiers sont convoqués, avant la troupe, à un cours de cadres de deux jours, les sous-officiers à un cours d'un jour.

Art. 2.

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi. Il est chargé de son exécution.

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MESSAGE du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la prolongation des cours de répétition. (Du 25 avril 1938.)

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27.04.1938

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