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Message

du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi sur les organes directeurs et le conseil de la défense (Du 30 octobre 1968)

Monsieur le Président et Messieurs, Dans une guerre éventuelle, non seulement l'armée, mais la population aussi seraient frappées. De par sa nature, la menace est générale et englobe tous les domaines de la vie de l'Etat et de l'individu. Dès lors, la défense nationale ne peut plus concerner l'armée seule. Elle doit être générale et comprendre aussi les secteurs civils de la vie de l'Etat. A l'heure du danger, la défense nationale devient la mission générale et essentielle de la Confédération et de toutes les communautés qui s'y rattachent.

Il y a quelque temps déjà que cette évidence a été reconnue. Dans de nombreux domaines, tels que la défense économique, la protection civile, la protection de l'Etat ou la défense psychologique, des eiforts notables et encore accrus ces dernières années ont été entrepris; Les problèmes à résoudre ont montré toujours plus combien il importait de coordonner l'activité de tous les secteurs intéressés sous une direction centrale. Pareille tâche ne peut être dévolue qu'au gouvernement du pays. Pour l'accomplir, il doit disposer d'un instrument capable de le seconder dans la coordination des travaux préparatoires et de lui faciliter la direction de la défense. Un tel instrument fait encore défaut.

Aussi avions-nous, fin décembre 1964, donné au département militaire fédéral les instructions suivantes : Le colonel commandant de corps Annasohn a pour tâche d'examiner et de proposer les mesures visant à obtenir une coordination efficace entre tous les organes responsables de la défense totale (défense militaire, protection civile, économie de guerre et défense spirituelle), ainsi que les innovations d'ordre organique propres, au besoin, à atteindre ce but.

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A cet égard, les critères suivants seront déterminants: - Assurer, par )a défense totale, en tout temps et quelles que soient les circonstances et la nature de l'agression, la sécurité et l'indépendance du pays, ainsi que l'existence de la population, - Assurer la poursuite, selon des plans préétablis, des opérations de défense totale même lorsque les événements de guerre empêchent la direction centrale d'agir.

- Assurer le mieux possible la transition de la période de préparation en temps de paix à l'état de la neutralité armée ou de guerre.

- Les études mentionnées ne seront pas nécessairement lices aux principes constitutionnels relatifs à la défense nationale.

Fin décembre 1966, le délégué du département militaire a présenté une vaste étude qui a relevé notamment : - La présence de moyens de destruction massive dans la guerre totale a pour effet, par la menace latente qu'ils constituent, d'étendre le conflit jusqu'aux secteurs politique, économique, psychologique, compte tenu des moyens qu'offrent l'électronique et la technique de la subversion. Dès lors, la guerre concerne non seulement l'armée, niais le pays dans son ensemble, c'est-à-dire son économie et surtout sa population.

- La notion de la défense doit être précisée et circonscrite et les secteurs étrangers au domaine militaire doivent être définis.

- Il faut remédier à l'absence d'une doctrine valable pour tous les secteurs de la défense par une coopération qui réponde aux besoins réciproques et fixe les priorités.

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- Pour établir dans le domaine administratif Je contact étroit, reconnu nécessaire, entre la Confédération et les cantons, il faut créer un organe fédéral, qui puisse conseiller ces derniers et les aider à résoudre les problèmes multiples que leur posent aussi les préparatifs de la défense, - Un examen général a montré que de nombreux problèmes ont été traités, dans le cadre de la défense, par les administrations des sept départements et que d'autres sont ou doivent être étudiés. On est frappé par le nombre élevé des affaires qui souvent concernent à la fois plusieurs, voire tous les départements de l'administration fédérale et qui, pour être réglées convenablement, exigent une coopération permanente au niveau interdépartemental.

- La situation complexe créée par les conditions et les impératifs de la défense dans
le domaine de la planification et de l'intégration n'a pas permis jusqu'ici de coordonner efficacement les problèmes posés.

- La responsabilité dernière de la direction des préparatifs et de l'exécution des mesures de défense appartient, en temps de paix comme en temps de guerre, au Conseil fédéral. S'il convient qu'il soit secondé dans ses travaux de direction et de coordination, il importe de ne pas lui enlever sa fonction d'organe directeur suprême.

- Partant, il faut adjoindre au Conseil fédéral un organe d'état-major, au fait de tous les problèmes de défense, chargé de la planification et de là coordination.

- Il est nécessaire que le Conseil fédéral soit conseillé par un organe consultatif dans les affaires importantes concernant la défense. Toutefois, l'activité du conseil de défense nationale créé en 1958 n'a pas répondu en tout point à l'attente. Il faut dès lors trouver d'autres bases pour un organe consultatif.

- Il importe de remédier également à l'absence d'un centre de formation commune des chefs tant civils que militaires.

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Au début de 1967, nous nous sommes occupés de ces suggestions et nous avons chargé le département militaire fédéral de se prononcer et de nous présenter des propositions en vue d'une décision de principe. Il importait, notamment, d'établir la suite à donner aux conclusions de l'étude quant au soutien à accorder au Conseil fédéral dans la direction de la défense. Nous avions autorisé aussi le département militaire fédéral à demander l'avis du conseil de défense nationale. La commission de défense nationale et la commission pour la coordination de la défense civile et militaire en ont aussi discuté.

Ces trois organes ont approuvé à l'unanimité les considérations et propositions exposées dans l'étude.

Nous fondant sur les propositions du département militaire fédéral, ainsi que sur l'avis du conseil de défense nationale et de la commission pour la coordination de la défense civile et militaire, nous avons repris l'examen de cette affaire en septembre 1967. Il ne nous a pas paru utile de demander un complément d'information, ni de rechercher d'autres solutions. Nous avons donc chargé le département militaire fédéral d'élaborer, compte tenu du rapport Annasohn et des avis donnés, un projet de message et de loi. Ces projets ont été soumis à l'avis des cantons, de la société suisse des officiers, de l'association suisse de sous-officiers, de l'union suisse pour la protection des civils et du conseil de défense nationale. Les réponses ont toutes été favorables. Certaines suggestions ont été prises en considération dans la mesure du possible.

Le présent message comprend quatre parties.

Nous montrerons d'abord comment, au cours de la première guerre mondiale déjà, plus encore dans la seconde et toujours davantage depuis lors, l'existence tout entière de l'Etat et des individus est mise en cause par les conséquences des conflits. Cette première partie expose ensuite quels secteurs appartiennent à la défense. Enfin, elle donne un aperçu des travaux entrepris en vue d'une organisation efficace de la défense et de ses divers secteurs.

La deuxième partie traite du but et de la nature de la défense, de sa direction et des formes d'organisation requises. Elle expose aussi certains principes de la défense actuelle.

La troisième partie énumère les appuis dont le Conseil fédéral dispose dans la direction de la
défense. Dans cet ordre d'idées, la création d'un département de la défense est examinée. Les raisons qui s'y opposent sur les plans du droit public, de l'organisation et de la politique y sont exposées. En accord avec les conclusions de l'étude, nous recommandons l'institution d'un organe d'étatmajor chargé de nous seconder dans les travaux de préparation et dans la direction de la défense. En outre, le problerne du recours à des organes consultatifs y est abordé.

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La quatrième partie traite de la solution proposée, c'est-à-dire de la création des organes directeurs et du conseil de la défense. Les attributions, la structure et la subordination des organes directeurs, ainsi que la réforme prévue du conseil de la défense nationale y sont exposées. Elle contient notamment des considérations relatives aux bases légales et au contenu du projet de loi.

PREMIERE PARTIE I. La guerre totale 1. La guerre mondiale 1914-1918

La première guerre mondiale a éclaté à une époque où les idées et les actes étaient dominés par la politique et les considérations militaires. On pensait alors que la guerre n'était que la continuation de la politique par d'autres moyens, la décision étant enlevée par la force des armes.

Toutefois, on pouvait déjà prévoir que la guerre, alors limitée aux opérations militaires, s'étendrait peu à peu à tous les domaines. Pour la première fois, les bombardements aériens semèrent la terreur directement parmi la population. Sur mer, les sous-marins ne menaçaient plus seulement les bâtiments de guerre de l'adversaire, mais s'en prenaient avant tout à la flotte marchande. Le renforcement de la puissance et de la portée de l'artillerie, ainsi que l'usage des gaz de combat comme moyen de destruction massive marquèrent de nouveaux pas vers la guerre totale.

Les attaques dirigées contre les populations, les opérations visant à paralyser le ravitaillement et la production, la fomentation et le soutien de séditions en pays ennemis, la guerre portée sur tous les continents, l'entrée en lice des Etats-Unis d'Amérique ont non seulement transformé les événements de 19141918 en une guerre mondiale, mais leur ont aussi conféré de nombreux traits d'une guerre totale.

Notre pays a pu, grâce à sa politique de neutralité, rester à l'écart du conflit armé. Il n'a cependant pas échappé aux effets économiques et idéologiques de la guerre et a dû organiser le rationnement des denrées alimentaires et prendre des mesures pour maintenir le calme et l'ordre à l'intérieur.

La concordance des mesures de défense dans les secteurs militaires et civils n'a guère soulevé de difficultés. Des perturbations ont été.ressenties dans le seul domaine du personnel lorsqu'il s'est agi de prendre en considération et d'harmoniser les besoins de l'armée et de l'économie. Une défense générale à l'échelon national faisait défaut à l'époque.

2. La guerre mondiale 1939-1945 Les opérations militaires qui marquèrent le début de la seconde guerre mondiale ont été précédées d'une longue période de lutte psychologique et idéologique. De nouveaux problèmes surgirent très vite. Il importait notant ment d'étendre rapidement nos préparatifs de défense au secteur civil.

665 La défense aérienne passive a été organisée dans rentre-deux-guerres déjà, tant du point de vue technique que sur le plan de l'emploi du personnel.

Les troupes «bleues» de protection antiaérienne furent organisées et prirent place au côté de l'armée. Leur tâche consistait à protéger la population et elles ont constitué l'ossature de la défense civile.

Les solutions apportées en 1914-1918 aux problèmes d'ordre économique, social et matériel ont permis, avant que n'éclate la seconde guerre, de préparer la compensation de la perte de gain et la constitution de réserves obligatoires.

Ces mesures se sont révélées bénéfiques pour les soldats mobilisés et ont grandement facilité le passage au régime du rationnement.

Des préparatifs ont été entrepris aussi en vue de la protection de l'Etat.

La défense spirituelle s'opposait à la menace idéologique, avant tout à celle du nazisme et du fascisme. Cette défense s'est extériorisée tout particulièrement lors de la mémorable exposition nationale de 1939 et par la création et l'activité de la communauté de travail (puis fondation) «Pro Helvetia», qui considérait comme l'une de ses tâches essentielles de sauvegarder et de promouvoir la culture.

Ainsi, notre pays n'était pas sans quelque préparation dans le domaine de la défense civile quand éclata la seconde guerre mondiale.

Dès le départ, l'affrontement des peuples, qui dura près de six ans, a pris la forme d'une guerre totale et sans merci. Elle s'est caractérisée non seulement par son étendue, par les effets de méthodes et de moyens de combat nouveaux, mais aussi par les attaques aériennes contre les populations, la destruction des centres de production et des moyens de communication situés dans l'arrièrepays, la guerre économique illimitée, le recours aux méthodes subversives, psychologiques et idéologiques, y compris l'endoctrinement des peuples, aussi bien chez soi que chez l'adversaire.

N'ayant pas été engagés dans des opérations militaires, nous avons pu renforcer notre défense tant militaire que civile, sans qu'il en résulte toutefois une organisation satisfaisante en tout point.

La multitude des mesures qui, dans le domaine de la défense militaire et civile, sont concurrentes, imbriquées ou tout au moins parallèles, avaient amené le général à soulever, dans son rapport sur le service actif
de 1939/1945, le problème de la défense générale. Il soulignait, notamment, l'importance croissante des préparatifs à entreprendre en temps de paix et en vue d'une conduite ordonnée en temps de service actif.

3. La situation actuelle La possibilité de recourir à la force nucléaire à des fins militaires a modifié profondément l'image de la guerre telle qu'elle se présentait à la fin de 1945.

Les puissances atomiques disposent en effet d'un moyen entièrement nouveau d'imposer leur volonté.

Ftullle fédérale, 120- année. VoL n.

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Les effets de la nouvelle arme sont si complets qu'aucun pays, si bien armé soit-il, ne peut espérer échapper à des destructions massives en cas de guerre atomique généralisée.

Les Etats qui sont largement pourvus d'armes atomiques s'efforcent donc d'empêcher une dissémination de ces moyens. De plus, ils ont mis au point une stratégie, fondée sur cette arme extrême, qui doit assurer le succès de leur politique sans qu'il faille recourir effectivement à ce moyen ultime. A cette fin, ils utilisent toutes les ressources offertes par la diplomatie, l'économie, la science et la technique, ainsi que par la psychologie et l'idéologie.

Cette stratégie revêt non seulement le caractère général de la dernière guerre mondiale; elle a même pour effet d'abolir les limites qui, traditionnellement, distinguaient l'état de paix de l'état de guerre. Elle englobe aussi bien les activités subversives que l'engagement de moyens militaires considérables sans déclaration de guerre. La méthode peut être utilisée simultanément sur plusieurs plans, avec ou sans recours aux forces militaires. L'arme atomique - qui n'a plus été utilisée depuis Hiroshima et Nagasaki - reste cependant l'ultime ressource.

Les préparatifs de défense doivent tenir compte de cette évolution. Ils doivent respecter la doctrine générale de la défense, qui prend en considération la nature de la menace à laquelle est exposé aujourd'hui un petit Etat, ainsi que les conditions extérieures et les tendances de l'évolution. Cette conception assure avant tout l'harmonisation des mesures militaires et civiles, qui sont prises dans un dessein commun: le maintien de notre indépendance et liberté. Il ne s'agit pas en l'occurrence de prendre certaines dispositions en prévision d'événements possibles. Il importe bien davantage de planifier et d'agir de façon continue.

II. Les composantes de la défense 1. Délimitation Nous venons de voir que dans la première guerre déjà, et davantage encore dans la seconde, les hostilités ne se sont plus limitées aux seules opérations dirigées contre des objectifs militaires. Elles ont atteint l'existence même de la population hors des zones d'opérations militaires proprement dites. De plus en plus, là stratégie est devenue indirecte et, aujourd'hui, c'est l'ensemble d'un pays, son économie, sa population entière que la guerre
atteint. Cela doit influencer nos préparatifs de défense.

Lorsqu'il est question, de manière générale, de défense militaire et de défense civile, il s'agit d'une part des tâches de l'armée et de l'administration militaire, d'autre part de celles des autorités civiles, ainsi que des mesures à prendre pour assurer l'indépendance de la patrie contre l'étranger, de maintenir la tranquillité et l'ordre, à l'intérieur et de protéger les personnes et les biens.

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La défense comprendra dès lors deux composantes, décrites ci-après : - la défense militane, - la défense civile.

Les mesures de défense ne seront efficaces que si nous gardons un attachement vigilant aux intérêts de l'Etat, un climat social sain, un sentiment profond de l'unité nationale et un esprit de sacrifice développé. C'est pour assurer l'existence et le maintien de ces conditions que l'on a multiplié, depuis les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale, les efforts et les mesures connus sous le nom de défense «spirituelle» du pays.

2. Défense militaire La stratégie défensive de la Suisse s'exprime dans sa politique de neutralité.

Celle-ci se fonde pour une part importante sur l'armée, dont la préparation doit sans conteste être permanente et convaincante. De ce fait, le rôle que l'armée doit, comme jusqu'ici, jouer dans l'affirmation de notre politique est décisif.

La préparation à la guerre et l'aptitude au combat doivent imposer le respect par un niveau approprié de l'armement, une bonne instruction et un esprit militaire vigilant.

Dans notre rapport du 6 juin 1966 concernant la conception de la défense militaire, nous avons exposé en détail les problèmes de cette défense. Il n'est donc pas nécessaire d'y revenir dans le présent message, la situation militaire étant en principe inchangée.

Rappelons simplement que, dans ce rapport, nous précisions que notre armée, par sa présence et son état de préparation, doit contribuer à démontrer qu'une attaque de notre territoire ne serait pas payante et. partant, à sauvegarder notre indépendance en évitant si possible la guerre.

En vertu des articles 18 à 22 de la constitution et de la loi sur l'organisation militaire, le Conseil fédéral répond de la préparation de la défense militaire.

En temps de paix, il appartient au département militaire de diriger les affaires militaires. En cas de guerre, le général dispose librement de toutes les ressources en hommes et en matériel nécessaires à l'accomplissement des tâches que lui confie le Conseil fédéral. Ce dernier reste, même après l'élection du général, l'autorité directoriale et executive supérieure.

3. Défense civile Le domaine de la défense civile englobe traditionnellement les ressorts suivants : - politique étrangère, - protection de l'Etat, - défense psychologique dans le domaine de l'information, - protection civile,

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défense économique, sécurité sociale, protection des biens culturels, autres tâches administratives d'intérêt vital.

a. Politique étrangère

Important rouage de notre défense, la politique étrangère comprend toutes les démarches propres à atteindre pacifiquement nos buts politiques et à sauvegarder nos intérêts internationaux. Selon l'article 2 de la constitution, un des buts de la Confédération est d'assurer l'indépendance de la patrie contre l'étranger. Le but principal de la politique étrangère suisse consiste dès lors, avant tout, à maintenir la liberté et l'indépendance du pays dans les limites de son territoire, d'empêcher les agressions et d'assurer les conditions de vie de l'Etat et du peuple. Cette politique, qui repose sur le principe de l'universalité des relations extérieures, recourt depuis longtemps, pour atteindre ses buts, à la politique de neutralité fermement observée.

La Suisse, en sa qualité d'Etat neutre permanent, est tout particulièrement qualifiée, aussi longtemps qu'elle n'est pas attaquée, pour offrir ses bons offices aux pays antagonistes sur le point de s'affronter ou qui sont déjà en guerre.

Avant l'ouverture des hostilités, il s'agira surtout de se mettre à disposition pour des missions d'arbitrage en vue de maintenir la paix. Une fois la guerre déclarée, l'Etat neutre peut offrir ses bons offices en qualité de puissance protectrice. Au cours de la seconde guerre mondiale, la Suisse a ainsi représenté les intérêts de 43 Etats, c'est-à-dire des quatre cinquièmes de la population mondiale. En outre, de nombreux citoyens suisses ont été chargés, dans le vaste monde, de missions humanitaires, notamment au service de la Croix-Rouge internationale.

Le Conseil fédéral dirige la politique étrangère en vertu de l'article 102, chiffres 8 et 9, de la constitution. Le département politique assume la préparation et l'exécution des mesures prises dans ce domaine. La politique du commerce extérieur relève en premier lieu de la division du commerce du département de l'économie publique. Les cas relevant du droit d'asile sont réglés, en premier lieu, par la division de police du département de justice et police.

b. Protection de l'Etat II faut entendre par protection de l'Etat toutes les mesures que prennent les autorités civiles dans l'intérêt de la sûreté intérieure et extérieure de la Confédération en tant qu'elles n'ont pas un caractère militaire et ne touchent pas la politique étrangère du pays. Il s'agit de la
protection de nos institutions démocratiques, du maintien de la tranquillité et de l'ordre, ainsi que de la protection de nos relations avec d'autres Etats et de notre neutralité.

Mentionnons les deux tâches essentielles suivantes :

669 - protéger notre pays contre les menées extrémistes, - démasquer et éliminer les services de renseignements illicites dirigés contre notre pays ou dans notre pays contre d'autres Etats.

Les mesures de protection de l'Etat sont d'ordre pénal ou administratif.

La protection pénale se fonde sur le code pénal suisse et le code pénal militaire, les mesures administratives notamment sur les articles 102, chiffres 8 à 10, et 70 de la constitution.

En cas de service actif, sont notamment considérées comme mesures de protection de l'Etat, au sens large du terme, celles qui concernent la surveillance, mentionnées ci-après à la lettre c, lorsqu'elles servent à la protection de la neutralité, de nos relations extérieures et du secret militaire et économique.

Le ministère public de la Confédération, subordonné au département de justice et police, répond de l'application de ces mesures de protection, conjointement avec la police fédérale, qui lui est rattachée, et avec les organes de police des cantons et des villes. La plupart des cas administratifs sont tranchés par le Conseil fédéral sur la proposition du département de justice et police.

c. Défense psychologique dans le domaine de l'information Les mesures que préparent les autorités en vue d'informer et de renseigner l'opinion publique en temps de service actif visent à maintenir et à renforcer la volonté de résistance et le moral de la population et de la troupe, ainsi qu'à s'opposer aux tentatives étrangères de subversion. Il s'agit notamment, pour faciliter la formation d'une opinion indépendante, de donner des informations détaillées sur ce qui se passe dans le pays et à l'étranger, sur la situation militaire et l'état des approvisionnements, ainsi que sur les intentions des chefs militaires et civils. Cette information du peuple et de l'armée et les mesures déclenchées d'office en temps de service actif, dans le pays et à l'étranger, contre la propagande subversive, les fausses nouvelles diffusées par la presse, la radio et la télévision et la propagation de rumeurs, constituent des tâches de protection de l'Etat, au sens large du terme, c'est-à-dire la défense psychologique, appelée aussi conduite de la guerre psychologique.

Rentrent aussi dans les attributions de la défense psychologique - lorsqu'elles ne sont pas déjà des tâches de protection
au sens strict du terme les mesures prises en cas de guerre par les autorités pour surveiller les publications, la transmission de nouvelles et de déclarations, notamment celles qui sont diffusées par les journaux, les agences de presse et de renseignements, la radio, la télévision, le téléphone, le télégraphe, la poste, le film, etc. Ces mesures ont pour but de : - lutter contre les effets trompeurs de fausses nouvelles et les dangers de la propagande étrangère et hostile à l'Etat, en particulier de celle qui vise à saper la volonté de maintenir la neutralité et la résistance; - protéger l'Etat et son indépendance à l'égard de l'étranger contre un jugement tendancieux des relations extérieures de notre pays ;

670 - protéger l'armée et ses activités dans le domaine de la défense militaire contre: - les atteintes à la volonté de défense (lutte contre le défaitisme), - la violation des secrets militaires (maintien de la puissance combative de l'armée); - maintenir le secret de la défense économique; - lutter contre les faux bruits.

Cette surveillance contribue à garantir la sûreté intérieure et à affirmer l'indépendance du pays vis-à-vis de l'extérieur, ainsi qu'à maintenir l'attachement résolu du peuple à son indépendance morale et politique.

La division presse et radio, attachée au département fédéral de justice et police, est l'instrument chargé, en temps de service de neutralité armée ou de guerre, de préparer et d'appliquer les mesures de défense psychologique. La réorganisation récente de cette division est fondée sur les enseignements du service actif 1939/1945, ainsi que, notamment, sur l'avis de la commission de la presse politique constituée par l'association suisse des éditeurs de journaux et l'association de la presse suisse. Les mesures prises le sont toujours avec l'accord de personnalités eminentes de la presse, de la radio, de la télévision, des agences, etc. qui, en qualité de spécialistes, occupent dans cette division les postes importants et sont en contact étroit avec le département de justice et police. Au sein de l'armée, les mesures de défense psychologique incombent avant tout à l'office d'armée et foyer.

d. Protection civile En cas de guerre, la survie de la population dépend essentiellement de l'état de préparation de la protection du point de vue matériel.

Le pays pourrait être aussi tenté de céder au chantage atomique s'il n'a pas pris de mesures suffisantes de protection. La situation sera semblable s'il est menacé par des moyens de combat chimiques ou biologiques.

Le succès de notre stratégie préventive requiert dans une large mesure la conviction que notre peuple et notre armée sont prêts à résister aussi bien au chantage qu'aux attaques directes. La certitude que leurs proches seront protégés aussi bien que possible renforcera considérablement l'esprit combatif et la volonté de résistance de nos soldats. Aussi la protection civile joue-t-elle dans le domaine de la défense, matériellement et moralement, un rôle tout aussi décisif que la préparation militaire.

La tâche de la protection civile consiste en premier lieu à protéger, secourir et assister la population, ainsi qu'à sauver les animaux. De plus, elle intervient pour prévenir ou atténuer les dommages que peuvent subir des biens. La protection civile n'intervient pas activement dans les combats. Selon la constitution, elle intervient
aussi en temps de paix pour prêter son aide en cas de catastrophe.

Principales responsables de la protection civile, les communes appliquent sur leur territoire les mesures ordonnées par la Confédération et les cantons.

Les cantons répondent de l'exécution des prescriptions fédérales et exercent sur leur territoire la surveillance et la direction. Le Conseil fédéral exerce la haute

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surveillance et la direction suprême. L'office fédéral de la protection civile, organe d'exécution rattaché au département de justice et police, arrête les prescriptions concernant l'organisation, les constructions et l'instruction, ainsi que l'équipement et la formation des cadres supérieurs et des spécialistes.

Outre les hommes dispensés du service militaire et les volontaires (des femmes notamment), les hommes de plus de 50 ans, libérés de leurs obligations militaires, peuvent être incorporés jusqu'à 60 ans révolus dans la protection civile. En effet, en vertu des dispositions de l'organisation des troupes de 1961, la limite d'âge pour le service militaire a été abaissée de 10 ans.

Les troupes de protection aérienne ont été constituées en vertu de l'organisation des troupes de 1951. Il s'agit de formations militaires spécialisées et, en majeure partie, déjà attribuées par le Conseil fédéral pour renforcer la protection civile aux communes qui, de par leur densité de population, paraissent particulièrement exposées.

e. Défense économique L'interdépendance de la défense civile et de la défense militaire est particulièrement marquée dans le domaine du ravitaillement où, cas spéciaux exceptés, les besoins militaires et civils sont fort semblables. Pour un petit Etat tel que la Suisse dont la défense a un caractère territorial marqué, nombreux sont les problèmes militaires et civils qui peuvent et même doivent être résolus d'après les mêmes critères.

Pays fortement peuplé et pauvre en matières premières, la Suisse est vulnérable non seulement dans le secteur militaire, mais tout particulièrement dans le secteur économique.

Sécurité sociale, bien-être et progrès de l'individu et de la nation sont étroitement dépendants de notre commerce extérieur. Un arrêt de nos importations, surtout de matières premières, peut nous valoir de graves difficultés. Nos importations peuvent être sérieusement menacées, en dehors d'un blocus direct de notre pays, non seulement par des opérations militaires, mais aussi par d'autres blocus, des catastrophes naturelles, des révolutions, des grèves ou des troubles sociaux à l'étranger.

Nos préparatifs en matière de ravitaillement et d'approvisionnement visent à fournir au pays le moyen de continuer à vivre pendant un certain temps, sans devoir céder à des pressions
d'ordre économique, lors de tensions internationales, de service de neutralité armée ou de guerre, même si les importations sont totalement interrompues. Dans cet ordre d'idées, il est important de maintenir une agriculture forte, comme l'ont fait voir les expériences de la dernière guerre mondiale.

En cas de mobilisation de guerre, l'économie devrait se passer des hommes mobilisés et d'un certain nombre, difficile à- évaluer, de travailleurs étrangers.

Il importe de prendre des mesures en vue de maintenir une production suffisante et l'activité des services publics et privés indispensables.

672 Notre résistance et nos chances de survie seront d'autant mieux assurées que notre économie sera mieux préparée et que nous manifesterons ainsi, à l'égard de l'étranger, notre ferme volonté de tenir.

Le délégué à la défense nationale économique attaché au département de l'économie publique, ainsi que les offices de l'économie de guerre organisés eri temps de paix déjà, répondent des préparatifs de défense économique. Ces mesures sont prises en vertu des articles 23 bis et 31 bis de la constitution, ainsi que de la loi d'exécution du 30 septembre 1955 sur la préparation de la défense nationale économique.

/. Sécurité sociale Dans notre pays, les conditions sociales se sont beaucoup améliorées au cours des trente dernières années. D'importantes institutions de solidarité ont été réalisées, par la voie législative et par des mesures prises par les partenaires sociaux, dans le domaine de la sécurité économique pour la vieillesse, les survivants, les invalides, les malades, les victimes d'accidents et les familles des militaires. Le régime de compensation pour perte de salaire et de gain a montré durant le service actif à quel point ces oeuvres peuvent contribuer à affermir le moral des troupes. Il importe donc de tout entreprendre pour que notre peuple jouisse de la sécurité sociale en temps de paix comme en temps de guerre. Une bonne situation sociale est propre à fortifier l'esprit de résistance contre toute atteinte au progrès réalisé.

Il convient de prendre des mesures analogues à celles de défense économique pour conserver en temps de guerre les avantages sociaux que représentent l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité et ses prestations complémentaires, le régime de compensation pour perte de gain pour les militaires et les personnes astreintes à la protection civile, l'assurance militaire, l'assurance-accidents, l'assurance-maladie et les allocations familiales.

Les mesures de sécurité sociale comprennent les institutions de la Confédération, cantons et communes, ainsi que privées, créées en vue de permettre aux militaires et aux civils de vivre dignement et aux fins d'adoucir les difficultés d'ordre social nées de la guerre.

Les préparatifs concernant la sécurité sociale incombent, à l'échelon fédéral, à l'office central pour la préparation civile à la guerre du département
de justice et police, ainsi qu'à l'office des assurances sociales du département de l'intérieur, en collaboration avec la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents et l'assurance militaire qui dépend du département militaire. La loi sur l'assurancevieillesse et survivants et le régime des allocations pour perte de gain sont fondés sur l'article 34 de la constitution, l'assurance militaire sur les articles 11 et 21 de la loi sur l'organisation militaire.

673 g. Protection des biens culturels La protection des biens culturels comprend toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des biens meubles ou immeubles qui présentent une grande importance pour notre patrimoine culturel. En vertu de la convention de La Haye du 14 mai 1954, entrée en vigueur pour la Suisse le 15 août 1962, nous nous sommes engagés à préparer dès le temps de paix la sauvegarde des biens culturels sur notre propre territoire contre les effets prévisibles d'un conflit armé en prenant les mesures que nous estimons appropriées. Nos troupes doivent respecter la convention.

Au sens de la convention, sont considérés comme biens culturels, quels que soient leur origine ou leur propriétaire, notamment les biens sans importance militaire, tels que les édifices destinés aux cultes, aux beaux-arts, à la science ou la bienfaisance, les monuments d'architecture, d'art ou d'histoire, en outre les manuscrits, livres et autres objets d'intérêt artistique, historique ou archéologique, ainsi que les collections s'y rapportant.

Le département de l'intérieur est chargé des mesures à prendre dans ce domaine. En cas de guerre, la protection civile assure l'exécution des préparatifs.

h. Autres tâches administratives d'intérêt vital en cas de guerre En dehors des attributions concernant la politique extérieure, la protection de l'Etat, la défense psychologique, la protection civile, la défense économique, la sécurité sociale et la protection des biens culturels, nombreuses sont les tâches que la Confédération, les cantons et les communes devront poursuivre pour assurer la vie ordonnée de la population en cas de service de neutralité armée, de guerre, d'impossibilité pour l'administration fédérale d'agir ou d'occupation partielle ou totale du pays.

Les tâches dites d'intérêt vital de l'administration font partie de la défense civile. Le maintien de cette activité contribue à lutter contre le défaitisme et la panique et, partant, à renforcer la volonté de résistance du peuple. Certaines de ces tâches ne peuvent être exécutées qu'en étroit contact avec d'autres secteurs de la défense. Il faudra sans aucun doute s'efforcer de réaliser un regroupement des moyens militaires et civils dans les domaines de la santé, des transports et des télécommunications.

Sont notamment vitaux, en cas de guerre, les
secteurs suivants de l'administration fédérale: - les postes, télécommunications et chemins de fer; - la circulation monétaire, les douanes, la perception d'impôts fédéraux et la couverture des dépenses extraordinaires ; - les assurances sociales mentionnées plus haut; - la division de la police et la police des étrangers, pour les affaires ne relevant pas de la protection de l'Etat, ainsi que la division de la justice;

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les affaires de personnel importantes en temps de guerre; l'office de l'hygiène publique et l'office vétérinaire; les affaires ecclésiastiques et scolaires ; les registres de l'état civil, le registre foncier et le registre du commerce; l'exercice de la justice.

L'office central pour la préparation civile à la guerre, créé en 1963 au département de justice et police, a été chargé de présenter des propositions relatives à la poursuite des tâches administratives civiles d'intérêt vital et de s'assurer que l'administration fédérale et les cantons prennent les mesures d'application concernant les instructions données par le Conseil fédéral aux autorités civiles. Il s'occupe aussi des préparatifs en vue du transfert éventuel aux cantons de tâches relevant de la Confédération. Pour son travail, l'office traite directement avec les organes intéressés de l'administration fédérale et les cantons.

4. Défense spirituelle

Ainsi que nous l'avons dit au chiffre 1 ci-dessus, la défense spirituelle est en quelque sorte le fondement sur lequel reposent tous les autres éléments de la défense.

Au cours des années qui précédèrent la seconde guerre mondiale, l'opinion publique suisse fut soumise à une intense propagande de la part de nos voisins du nord et du sud qui prônaient le nazisme et le fascisme; on s'aperçut alors qu'outre la préparation matérielle du pays à sa défense, il fallait aussi procéder à une «mobilisation spirituelle» pour affermir le sentiment national, le souci d'indépendance et l'esprit militaire.

Cette mobilisation avait pour but de faire comprendre au peuple, ainsi qu'à l'armée, que notre Etat a le droit d'exister et qu'il est nécessaire pour cela de sauvegarder les fondements sur lesquels il repose, c'est-à-dire la démocratie, la liberté, la dignité humaine; il importait aussi de leur rappeler leurs devoirs envers l'Etat qui mérite d'être défendu et doit l'être.

Bien que notre neutralité politique et militaire nous impose une certaine réserve, il est de notre devoir de participer activement à la discussion des problèmes d'ordre moral, social et politique que pose la transformation du monde et de les suivre avec attention aussi bien individuellement que collectivement.

La défense spirituelle est ainsi l'une des grandes tâches d'intérêt national.

Elle est l'affaire de tous les hommes et femmes du pays, des associations et corporations de droit privé qui s'efforcent de définir notre position dans le monde, ainsi que des partis politiques attachés à nos libertés démocratiques.

Le but de la défense spirituelle est dès lors d'amener Je citoyen à se former personnellement et librement une opinion raisonnée et positive à l'égard de son pays et de sa raison d'être. Il n'appartient donc ni à l'Etat, ni à ses organes d'assurer cette tâche.

675 En revanche, ainsi que nous l'avons indiqué, la défense psychologique comprend les mesures que prennent pendant le service actif les autorités civiles ou militaires dans le domaine de l'information.

La défense spirituelle ne saurait être réglementée. C'est une tâche qui incombe aux forces vives de la nation; l'Etat ne doit en aucune façon diriger la formation de l'opinion chez le citoyen et le soldat. La discussion et la controverse, qui caractérisent la défense spirituelle, sont cependant liées à une condition fondamentale: elles doivent respecter l'esprit de liberté et de démocratie qui sont les bases constitutionnelles et traditionnelles de notre Etat.

m. Les bases actuelles d'une organisation de la défense 1. La constitution et la défense La constitution ne contient aucune disposition expresse sur une défense générale. Toutefois, l'article 2 mentionne le but de la Confédération, notamment celui d'assurer l'indépendance de la patrie contre l'étranger et de maintenir la tranquillité et l'ordre à l'intérieur. Cet article peut être considéré comme le fondement de l'organisation de la défense sur le plan général. L'Assemblée fédérale ou le Conseil fédéral répond des mesures à prendre à cette fin, la première en vertu de l'article 85, le second de l'article 102 de la constitution. Certaines affaires, réglées par les articles 18 à 22, concernent en particulier la défense militaire; l'article 22bis a trait à la protection civile et l'article 31 bis à la défense économique.

Divers autres articles concernent indirectement la défense générale. L'article 23 bis précise, par exemple, que la Confédération entretient des réserves de blé pour assurer l'approvisionnement du pa3;s, l'article 26 relève que la législation sur la construction et l'exploitation des chemins de fer est du ressort de la Confédération, de même que le font l'article 36 en ce qui concerne les postes et les télégraphes et l'article 36bis pour l'établissement et l'utilisation d'un réseau de routes nationales.

Bien que les bases de la défense ressortent implicitement du droit constitutionnel actuel, il paraît indiqué d'examiner, lors des études relatives à la refonte de la constitution, comment en définir clairement les principes. De plus, les . dispositions essentielles de la défense devraient être systématiquement énurnérées dans
la constitution.

2. La nécessité de coordonner la défense La défense peut être, nous l'avons vu, décomposée en divers éléments.

Cependant, ils sont si fortement imbriqués que les affaires les concernant doivent être coordonnées. Les préparatifs de défense dans les divers secteurs relèvent de plus en plus de la compétence de différents organes administratifs et, en partie aussi, des cantons.

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Un recensement des attributions et tâches de l'administration fédérale a montré que tous les départements, ainsi que la chancellerie fédérale doivent s'occuper de problèmes concernant la défense; un grand nombre d'affaires exige la collaboration des offices de plusieurs départements.

L'adaptation et la coordination des mesures qui doivent être prises par les différents offices deviennent dès lors de plus en plus ardues et difficiles à contrôler. La tâche de coordination qui doit notamment éliminer les dispositions contradictoires et les chevauchements devient toujours plus importante.

Peu après la fin du service actif, en 1945 déjà, des mesures ont été prises pour obtenir une coordination efficace de toutes les composantes de la défense.

3. Les bases d'une réglementation a. Conseil de défense nationale En 1947, le Conseil national, approuvant un postulat de sa commission des affaires militaires, nous avait invités à examiner s'il ne convenait pas d'instituer une commission, composée de représentants de l'économie, de la science et de la politique, laquelle, en qualité de «conseil de la défense nationale», donnerait son avis sur les conditions économiques, financières, sociales et politiques de notre défense. Une année plus tard, à l'occasion de la revision du titre cinquième de l'organisation militaire (service actif), la commission des affaires militaires du Conseil national reprit la question. Elle s'avisa que l'on pouvait renoncer à créer un tel conseil, vu que des représentants de l'économie, de la science, de la technique et de la politique, choisis hors de l'administration et membres de la commission interdépartementale de défense nationale économique, pouvaient être consultés en tout temps. Par la suite, le postulat a été classé.

Le Conseil national a approuvé en 1955 une motion tendant à faire de la commission de défense nationale un organe consultatif central pour les affaires concernant la préparation militaire, la recherche et la défense économique et de la compléter à cet effet par des représentants de la science, de l'économie et de l'administration civile. Le Conseil des Etats a repoussé la motion; il a adopté en revanche un postulat de sa commission des affaires militaires qui proposait la création d'une nouvelle commission pour l'étude et la coordination de toutes les mesures
importantes concernant la défense totale. Devaient faire partie de cette commission des représentants de tous les départements fédéraux, ainsi que de l'économie et de la science.

La création du conseil de défense nationale a été décidée en juin 1958 sur la base de l'article 104 de la constitution.

La tâche de ce conseil a été fixée comme il suit : - Le conseil de défense nationale est un organe consultatif du Conseil fédéral ;

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- Il examine des problèmes de défense nationale sortant da domaine strictement militaire, ainsi que la coordination de mesures civiles et militaires. Il consigne le résultat de ses délibérations dans des rapports, recommandations et propositions destinés au Conseil fédéral.

Comme on envisageait de lui confier notamment la coordination de l'activité des départements et des divers organes de l'administration fédérale, chaque département a désigné un représentant. Seul le département militaire occupe une situation particulière, en ce sens qu'il y délègue 3 membres : le chef de l'instruction, le chef de F état-major général et le directeur de l'administration militaire, alors que le chef du département préside le conseil. La représentation relativement forte du département militaire était motivée par le désir d'assurer la coordination entre le conseil et la commission de défense nationale.

Le conseil est caractérisé par le fait que la majorité de ses membres sont choisis hors de l'administration. Il compte, en effet, 16 représentants de l'économie, de la science et de la politique, etc. et 10 représentants de l'administration.

Jusqu'ici, l'activité du conseil de défense nationale n'a pas donné les résultats attendus. Les affaires qui lui ont été soumises et les problèmes débattus ont été peu nombreux. Il s'est réuni peu souvent et n'a pas exercé d'activité de coordination. Deux ans déjà après sa constitution, le conseil a constaté, par deux fois, qu'il lui était impossible, avant tout pour des raisons institutionnelles, d'assumer cette tâche. Son opinion n'a pas changé.

b. Commission pour la coordination de la défense nationale civile et militaire Le conseil de défense nationale ayant constaté qu'il ne pouvait pas exercer une activité de coordination effective, le Conseil fédéral a décidé, le 19 janvier 1962, de former une commission pour la coordination de la défense nationale civile et militaire. En font partie des représentants des départements les plus intéressés aux problèmes de la défense. Le directeur dé l'administration militaire la préside.

Cette commission a été chargée de faciliter la coordination des mesures de défense civiles et militaires de l'administration fédérale et d'intervenir en vue de remédier aux lacunes et défauts de cette préparation. Elle s'assure que les affaires, qui
doivent être coordonnées, sont traitées par les organes compétents.

Elle fait en sorte que l'organe le plus intéressé procède aux examens et démarches nécessaires à la solution des problèmes, avec l'appui de tous les intéressés.

Lorsqu'une affaire ne peut être réglée par cette voie, la commission de coordination doit intervenir pour que le département compétent ou le plus intéressé nous la transmette pour décision selon le procédé habituel.

La commission s'est occupée de nombreuses affaires de la défense, qui sont sur le point d'être réglées ou tout au moins à l'examen. Relevons notamment l'organisation de la réquisition en rapport avec les besoins de l'armée, de la protection civile et de l'économie de guerre. Elle a établi et .tient à jour un contrôle de l'état des préparatifs de défense.

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Même si la commission a obtenu sur bien des points une meilleure coordination, son action est encore insuffisante à cet égard. Son champ d'activité est trop limité et ses attributions sont modestes. Le fait que tous les départements ne sont pas représentés contribue à ralentir son action. La majorité de ses membres, qui occupent des postes dirigeants dans leur département, ont déjà une lourde tâche à remplir. Malgré leur importance, les problèmes de coordination ont donc dû ici ou là passer au second plan. Les membres de la commission sont tous d'avis qu'elle n'est pas et ne peut être l'organe propre à seconder efficacement le Conseil fédéral dans la direction de la défense. Pour maîtriser les problèmes qui se posent dans le domaine de la planification et de la préparation, il importe de pouvoir exercer une activité permanente et exclusive, c'est-à-dire à plein temps, ce qui n'est pas le cas présentement.

c. Office central pour la préparation civile à la guerre Au printemps de 1961, le vice-chancelier nous a présenté un rapport détaillé énumérant les activités civiles de la Confédération qu'il importe de poursuivre en temps de guerre, activités qui ne concernent pas la protection civile, l'économie de guerre ou la défense psychologique.

Le 30 avril 1963, le département de justice et police a créé l'office central pour la préparation civile à la guerre, déjà mentionné, qui est dirigé par un chef permanent. Ces tâches ont été mentionnées au chapitre II, chiffre 3, lettre h (défense civile).

d. Commissions de l'administration fédérale relevant de lu défense ou s'y rapportant d'une manière quelconque - Commission d'étude pour les questions stratégiques Cette commission est la plus récente de celles qui s'occupent des affaires de la défense ou de ses secteurs; elle a été créée à la suite de l'exercice de défense nationale de 1967. La commission a pour tâche d'élaborer, à l'intention du Conseil fédéral, un projet concernant la conception stratégique de la Suisse.

Elle comprend, outre le président, 24 membres, qui sont, en règle générale, des personnalités choisies en dehors de l'administration fédérale. Ses travaux ont débuté en juillet 1967.

- Commission d'étude du département fédéral de justice et police pour la protection civile Cette commission est chargée d'établir des données solides pour
apprécier le danger auquel la population civile est exposée et déterminer les moyens d'y parer, de manière à élaborer des systèmes de protection qui soient techniquement réalisables et financièrement supportables, compte tenu des différentes phases des hostilités. Elle se compose de personnalités choisies dans l'administration ou hors de celle-ci.

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- Commission interdépartementale pour la défense nationale économique Cette commission est l'organe consultatif du Conseil fédéral pour 'toutes les affaires relevant de la défense économique, notamment de celles qui concernent la défense générale. Présidée par le chef du département de l'économie publique, elle comprend des représentants de tous les départements, ainsi que le délégué à la défense nationale économique.

- Délégué du Conseil fédéral pour la coordination des postes de commandement et des stationnements de guerre souterrains Cet organe, créé le 27 novembre 1964 pour coordonner toutes les mesures concernant la planification et la construction des postes de commandement et des stationnements de guerre souterrains, est subordonné au chef de la section pour la coordination de la construction à Fétat-major du groupement de l'étatmajor général.

Il s'agit d'un organe qui, à l'instar de l'office central pour la préparation civile à la guerre, est chargé expressément d'un secteur bien défini de la défense.

- Autres commissions Aux organes ci-dessus s'ajoutent d'autres commissions, composées essentiellement de représentants des départements, mais aussi de ceux de l'économie et de la science. Elles s'occupent d'affaires limitées et définies relevant de certains secteurs de la défense, par exemple la commission d'artillerie. D'autres encore ont des tâches qui concernent aussi les problèmes de la défense générale.

Ci-après quelques-unes des commissions qui s'occupent de ces problèmes : - commission pour la sécurité des installations atomiques, - commission des carburants, - commission militaire d'électricité, - commission chirurgicale du service de santé, - commission des télécommunications et de l'électronique militaires, - commission de météorologie, - commission pour la motorisation militaire, - commission du contrôle des prix, - commission de la radioactivité, - commission pour la sécurité des installations de transports par conduites, - commissioQ de l'économie hydraulique et énergétique.

Comme le montre déjà leur dénomination, ces commissions travaillent exclusivement pour certains secteurs de la défense.

e. Solution intérimaire Nous avons jugé qu'il importait de disposer d'un organe intérimaire en attendant qu'entre en vigueur la nouvelle organisation de la défense. Pour ne pas préjuger
la solution définitive, nous avons provisoirement élargi la commission pour la coordination de la défense nationale civile et militaire (cf. lettre b), tout en maintenant ses attributions.

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Par une première mesure, prise dès avril 1966, le chef du service territorial et des troupes de protection aérienne a été désigné comme membre de la commission pour la coordination. Ensuite, selon notre arrêté du 17 octobre 1967, cette commission a été complétée par un délégué de chacun des départements de l'intérieur, des finances et des douanes, des transports et communications et de l'énergie, qui n'y étaient pas encore représentés. De plus, un «directeur» a été détaché pour s'occuper à plein temps, avec le concours d'un secrétariat, des affaires de la défense générale. Nous estimons que ces mesures renforcent l'efficacité de la commission pour la coordination.

DEUXIÈME PARTIE I. Le but et la nature de la défense La défense a pour but de sauvegarder l'indépendance du pays et de protéger le territoire national et la vie de la population en tout temps et contre tout genre d'attaque. Elle comprend toutes les mesures militaires et civiles nécessaires à cet effet.

Les mesures militaires incombent à l'armée. En temps de paix, elles sont planifiées et dirigées par un seul département, le département militaire. L'organisation militaire est fortement hiérarchisée et centralisée. En cas de service actif, elle passe aux ordres du général, qui détient des pouvoirs très étendus.

Les mesures civiles, en revanche - nous l'avons vu - relèvent de la compétence des départements civils, de la chancellerie et de nombreux offices. En partie, elles sont aussi l'affaire des cantons et communes.

Ainsi se posent, à l'échelon national, le problème d'une direction générale et celui d'un mode d'organisation permettant à l'armée et aux divers secteurs de la défense civile de collaborer efficacement, II. La direction générale de la défense 1. La direction, tâche du Conseil fédéral Selon l'article 95 de la constitution, le Conseil fédéral est l'autorité directoriale et executive supérieure de la Confédération. L'article 192 précise qu'il dirige les affaires fédérales conformément aux lois et arrêtés de la Confédération.

Le Conseil fédéral veille à la sûreté extérieure de la Suisse, au maintien de son indépendance et de sa neutralité. II veille à la sûreté intérieure, au maintien de la tranquillité et de l'ordre.

Il ressort de ces dispositions constitutionnelles que la direction de la défense, en temps de paix comme en
temps de guerre, incombe au Conseil fédéral, sous réserve de la haute surveillance de l'Assemblée fédérale. Cette tâche englobant les affaires les plus importantes du pouvoir exécutif ne saurait être déléguée.

Elle est la tâche fondamentale, immuable et caractéristique du Conseil fédéral, qui ne peut ni s'en dessaisir, ni la partager.

681 2. Les tâches directoriales

Tout d'abord, la direction a pour tâche de préparer et d'exécuter toutes les mesures civiles et militaires utiles à la défense. Il importe, notamment, de préciser en détail les attributions de chacun des organes de la Confédération et des cantons s'occupant de tâches de défense en vertu de la législation fédérale.

Il s'agit pour l'essentiel d'un acte juridique fondamental qui requiert une vue d'ensemble.

La direction générale de la défense comprend la planification et la préparation des mesures particulières aux divers secteurs et leur groupement en un tout cohérent.

En temps de paix, il importe avant tout de prendre des mesures dans le domaine de la planification et de l'organisation. En temps de guerre, il s'agit de recourir aux moyens préparés en vue de la défense et de conduire toutes les .opérations. Fait donc partie des préparatifs l'élaboration de plans et de schémas d'actions concernant la stratégie, qui doivent permettre d'agir selon les circonstances et d'obtenir un rendement optimal des mesures de défense. En temps de paix, la «conduite» de la défense, fondée sur les préparatifs et visant à vérifier s'ils sont efficaces, peut se faire sous forme d'un entraînement raisonné, ainsi que cela a déjà été tenté dans les exercices de défense nationale de 1956, 1963 et 1967. A cette fin, les participants doivent être préparés, ainsi que le sont les militaires, alors que dans le secteur civil, un travail plus intense est encore nécessaire.

L'importance de cet entraînement passe cependant après celle des tâches de direction requises par la préparation. Ces tâches ont non seulement la priorité, mais sont le fondement de la «conduite» de la défense.

Il importe d'abord de définir une conception générale, laquelle conditionne les travaux de planification et de préparation. Cette conception procède d'une appréciation à longue échéance de la situation. Un rapport équilibré doit être établi entre la menace, les facteurs extérieurs, les possibilités financières et les mesures envisagées.

Sur ce point, quelques problèmes importants donnent déjà une idée de la situation : - Etendue de l'obligation de servir ; limites du système de milice ; effectifs de l'armée ; délimitation par rapport aux besoins de l'économie de guerre, ainsi que de la protection civile et de l'assistance; exemptions et dispenses
du service; service du travail pour les militaires non mobilisés; réquisition de prestations personnelles.

- Protection de la population; collaboration de l'armée et des autorités civiles.

- Services de police, de santé, de transports, génie civil, information et transmission, le tout sous l'aspect d'une organisation groupant l'ensemble de la population et l'armée.

- Mesures de protection et de défense contre les moyens de combat atomiques, chimiques et biologiques.

faillit Uditale, 120' année. Vol. II.

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- Montant des crédits à attribuer à la défense et répartition de ce montant entre ses divers secteurs; rapport supportable avec l'ensemble des dépenses; étendue de la préparation à la guerre sur le plan matériel.

- Evacuations (personnes et biens), réfugiés, droit d'asile.

- Réquisition de biens d'importance vitale pour l'armée, l'économie de guerre et la protection civile; couverture des besoins civils.

- Standardisation des matériels de l'armée, de la protection civile et de l'économie de guerre.

- Préparation économique à la guerre; réserves de marchandises de tout genre pour l'armée et la population; garantie d'une production indigène suffisante de denrées alimentaires.

- Energie, production et distribution.

- Mesures de sécurité sociale pour les personnes âgées, les survivants, les invalides, les malades, les victimes d'accidents et les familles des militaires, - Création d'une carte fédérale d'identité uniforme pour les besoins de la protection civile en temps de guerre, la sécurité sociale et la défense économique.

Il faut une planification s'étendant à l'ensemble pour pouvoir apprécier selon leur importance ces problèmes partiels, dont l'énumération est loin d'être complète. Cette planification incombe, pour le détail, aux départements. La direction de la planification, l'étude et la réunion en un tout des résultats partiels, l'élaboration de variantes, la présentation de propositions requièrent donc un travail interdépartemental intensif et, finalement, des décisions prises à l'échelon supradépartemental.

Cette règle vaut aussi pour les mesures d'exécution qui, de manière générale, relèvent des départements. Lorsque plusieurs départements sont intéressés, l'exécution requiert une entente et une adaptation au tout.

Le contrôle des travaux d'exécution doit être aussi assuré.

En résumé, les préparatifs de la défense et leur exécution exigent surtout un travail de planification, d'organisation et d'administration.

Ce travail doit créer les conditions d'efficacité des mesures de défense en temps de paix et assurer leur application ordonnée en cas de guerre.

3. La structure de la défense L'importance des divers secteurs de la défense dépend de leur nature.

Notre préparation s'extériorise de la façon la plus évidente dans l'arrriée. E est aisé de reconnaître aussi l'importance de la protection civile, organisation qui englobe tout le pays, les cantons et communes, les citoyens et citoyennes.

D'autres secteurs sont moins apparents. Ainsi, l'organisation de la défense économique n'est guère spectaculaire. Il en est de même, et à un degré encore plus marqué, pour d'autres préparatifs de la défense civile, la protection de l'Etat par exemple.

Nous avons ainsi, d'un côté, une structure militaire de caractère monolithique bien marqué, de l'autre, c'est-à-dire dans la partie civile, une multitude de structures diverses.

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II faut ainsi non seulement organiser les diverses parties au profit de l'ensemble, mais il est en outre nécessaire de créer un appareil qui assure la coopération dans tous les domaines et à tous les échelons.

Une organisation de base simple et judicieuse étant déjà donnée par l'armée, il convient de s'en inspirer pour organiser la défense générale. Le service territorial a déjà été désigné comme organe de liaison entre l'armée et les autres secteurs de la défense. L'article premier de l'ordonnance du 7 février 1964 concernant le service territorial précise que celui-ci a non seulement pour tâche de seconder l'armée et d'aider militairement les autorités civiles et la population, mais qu'il est précisément l'organe de liaison entre l'armée, la protection civile et l'économie de guerre. Ainsi, une condition importante pour la réalisation de la défense est déjà remplie.

Un autre point essentiel réside dans la structure federative de notre Etat et le fort développement de l'autonomie communale. Les cantons et les communes forment la structure naturelle de la défense civile. Pour que le service territorial puisse servir de trait d'union entre la défense militaire et la défense civile, il faut que l'organisation de ses postes de commandement soit adaptée à cette structure civile.

La nouvelle organisation du service territorial tiendra compte de ces considérations, puisqu'elle fera coïncider les limites du service territorial avec les limites politiques. Une fois que l'organisation du service territorial aura été mise sur pied, il faudra créer, sur le plan civil, une organisation correspondante, comprenant avant tout des états-majors civils qui devront collaborer avec ceux du service territorial. La réalisation de ce point exigera quelque temps, ne seraitce qu'à cause de la diversité des besoins et des structures. L'appareil civil, il est vrai, existe déjà - pensons à la protection civile et aux offices de l'économie de guerre - et, en soi, il est plus ou moins prêt à fonctionner. Il y a également des liaisons entre le service territorial et les autorités civiles, qui ont été mises à l'épreuve ces derniers temps dans plusieurs cours ou exercices, ainsi que des normes de collaboration fixées à l'occasion d'entretiens ou dans des documents de diverse nature. Il manque pourtant, du côté civil, une
organisation permettant, à tous les échelons du service territorial, une collaboration avec l'armée, qui soit pratique, directe, rapide et sans complications.

La création d'une telle organisation n'est pas l'objet du présent message, qui traite essentiellement de la direction de la défense sur le plan fédéral.

Il eût été indiqué d'examiner ces problèmes ensemble. Considérant toutes les données, notamment le grand travail qu'il faut encore accomplir dans le secteur civil, il nous a paru plus raisonnable de renforcer d'abord l'organisation de la défense générale à l'échelon de la Confédération.

Il importe tout d'abord de mettre au point la structure de cette organisation. Le personnel à disposition ne permet pas d'entreprendre cette tâche immédiatement, pas plus d'ailleurs que de préparer d'autres mesures relatives à la défense. Cette tâche est urgente cependant et elle ne pourra être exécutée que si nous disposons d'organes directeurs.

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TROISIÈME PARTIE I. Les solutions propres à assurer au Conseil fédéral une aide dans la direction générale de la défense Nous avons dit que la direction générale de la défense est une compétence fondamentale, immuable et caractéristique du Conseil fédéral, qui ne peut ni s'en dessaisir, ni la partager. Il faut créer dès lors l'organe capable de l'assister efficacement dans l'exercice de cette compétence, II y aurait deux solutions, fondamentalement différentes : confier la direction générale de la défense à un département de la défense nationale ou créer un état-major au service du Conseil fédéral. Les deux variantes sont examinées en détail ci-après.

En l'occurrence, assister le Conseil fédéral signifie, au sens large, également le conseiller. D'une utilité déjà reconnue lors de la création du conseil de défense nationale, ce rôle doit être pris en considération dans l'organisation de la direction de la défense. Il en sera question dans le chapitre III, chiffre 4, ci-après.

II. La direction générale de la défense confiée à un département A la fin du service actif déjà, mais plus particulièrement au cours des dernières années, on a dit que la solution la plus judicieuse des problèmes que posent la direction et la coordination de la défense consisterait à créer un département de la défense nationale.

Dans son rapport sur le service actif de 1939 à 1945, le général suggérait de faire du département militaire un «département fédéral de la défense nationale».

Bien qu'il se soit attaché plutôt à l'aspect militaire de la défense nationale et de ses éléments et qu'il n'ait pas abordé l'ensemble des tâches concernant la défense générale, il pensait probablement déjà à un règlement plus vaste et plus efficace des problèmes de direction et d'intégration posés par la défense générale.

Le problème de la création d'un tel département n'a pas été abordé toutefois lors des diverses revisions de l'organisation militaire entreprises depuis le service actif. En revanche, le département des finances et des douanes nous avait proposé, le 25 avril 1957, de transformer le département militaire en un département de la défense nationale, qui aurait compris, outre les .affaires militaires, celles de la protection civile, des offices et services de l'économie de guerre, ainsi qu'un organe consultatif pour les questions
de défense psychologique.

Par la suite, le conseil de défense nationale s'est aussi occupé de la création d'un tel département qu'un de ses membres avait préconisée. Ce département aurait eu à répondre des préparatifs dans tous les domaines de la défense.

Après une discussion approfondie, le conseil de défense nationale a considéré que cette solution né serait pas judicieuse.

685 Le même projet a été soutenu par d'autres intéressés; à l'appui de leur démarche, ils relevaient notamment qu'il convenait de fonder l'organisation de la défense sur la probabilité qu'une guerre future frapperait également l'armée et la population. Il serait donc logique de créer un département s'occupant de tous les problèmes de la défense, alors que les autres départements continueraient à traiter leurs propres affaires.

Dans son rapport, le colonel commandant de corps Annasohn expose de nombreuses variantes pour un département de la défense nationale, dont les trois suivantes sont caractéristiques.

1. Groupement dans un département de la défense nationale de tous les offices et services chargés de tâches dans le domaine de la défense Nous savons combien, à première vue, un tel projet de centralisation de toutes les affaires de la défense nationale sous la direction d'un seul membre du Conseil fédéral peut paraître séduisant. On pourrait alors compter dans tous les domaines sur des solutions communes et harmonisées. 11 suffirait de continuer à assurer la coordination avec les autres départements lorsque les tâches civiles du temps de paix concernent aussi la préparation militaire.

Malgré les avantages qu'elle offre à l'égard de la direction et de la coordination, cette solution ne peut pas être recommandée.

Un département de cette sorte prendrait certainement une telle importance que son chef n'en pourrait assumer la charge écrasante tant en ce qui concerne le travail que les responsabilités; à cet égard, il y aurait un déséquilibre marqué avec les autres départements.

Dans leur composition actuelle, un grand nombre d'offices ne pourraient en aucun cas passer dans un autre département, car ils remplissent des tâches qui concernent à la fois le temps de paix et la préparation à la défense. Si ces tâches devaient être exécutées séparément, il deviendrait inévitable de dissocier des offices et services qui forment un tout organique. Pareille situation aurait pour effet de compliquer le travail et ne saurait donner satisfaction à aucun égard.

Cette dislocation de services entraînerait encore de nouvelles obligations de coordination interdépartementale.

Mais l'inconvénient majeur de cette solution est constitué par le fait que le chef d'un tel département serait le «ministre de la défense nationale», au sens le plus large du terme. Son rôle serait de préparer et diriger, outre la défense militaire, la défense civile qui touche à tous les secteurs de la vie du pays. Par rapport aux autres départements, le sien prendrait une importance exagérée, lui conférant en quelque sorte un rang plus élevé. Cela est contraire au principe de la collégialité et à notre sentiment politique. Les autres chefs de département resteraient en relation avec la défense en tant que membre du gouvernement, mais n'auraient plus à s'en occuper directement et sous leur responsabilité; pareille situation ne saurait donner satisfaction.

686 2. Attribution au département militaire, élargi en un département de la défense nationale, des offices et services civils les plus importants chargés de tâches concernant la défense

Ainsi, une partie seulement des organes intéressés passeraient au département militaire, notamment l'office fédéral de la protection civile, celui du délégué à la défense nationale économique, la division presse et radio (défense psychologique) et l'office central pour la préparation civile à la guerre.

Par rapport à la première solution, le département militaire, à part ses propres tâches, ne s'occuperait que des affaires de la défense civile les plus importantes. De ce fait, ces affaires civiles, notamment celles que nous avons mentionnées, pourraient être certainement coordonnées et harmonisées avec les mesures militaires et celles du service territorial.

Mais cette solution «réduite» apporterait aussi de graves inconvénients.

Grouper l'office de la protection civile et d'autres services militaires dans un département de la défense nationale pourrait faire naître des doutes quant au caractère strictement civil de sa tâche. Notre message de 1961 concernant la loi sur la protection civile fait état de la convention de Genève du 12 août 1949 . relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. L'article 63, 2e alinéa, de cette convention tend à accorder, en cas d'occupation d'un pays par une puissance étrangère, aux organismes spéciaux d'un caractère non militaire des privilèges analogues à ceux qui sont conférés aux sociétés nationales de la Croix-Rouge. Bien que cette disposition ne puisse être interprétée comme une obligation imperative du droit international, nous avons jugé qu'il était correct et judicieux de donner à la protection de la population la structure d'un organisme civil. En 1960, répondant à une petite question, nous avions déclaré qu'en prévision d'événements de guerre, il paraissait indiqué de ne donner à un ennemi éventuel aucune raison juridiquement valable d'intervenir contre l'organisation et le personnel chargés de la protection civile. De plus, on tend visiblement aujourd'hui à prendre, sur le plan international, des dispositions plus précises dans le domaine de la sauvegarde des institutions de caractère non militaire chargées d'assister et de protéger la population. Subordonner la protection civile au département qui s'occupe essentiellement des préparatifs militaires pourrait en effet avoir des répercussions indésirables.

L'office du délégué à la
défense nationale économique pourrait faire partie, sans grande difficulté, d'un département groupant les organes militaires. Etant donné qu'il s'occupe de la planification et de la coordination de toutes mesures d'ordre économique prises en vue de préparer et d'assurer l'approvisionnement du pays en temps de guerre, pareille intégration le placerait au centre des études et de la coordination de tous les problèmes intéressant la défense. La nécessité impérieuse de maintenir un étroit contact et un lien organique avec le département de l'économie publique s'oppose cependant à une intégration au sein d'un département militaire élargi. Il en résulterait en effet des conflits de compétence et de nouvelles mesures de coordination.

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Le 1er février 1942, la division presse et radio a été rattachée au département de justice et police pour des raisons politiques et, notamment, à la lumière des expériences faites depuis 1939. Aujourd'hui, cette subordination judicieuse n'est pas contestée. Une grande partie des activités de la division est étroitement liée aux autres tâches civiles de défense du département ; pour cette raison déjà et aussi pour maintenir une meilleure coordination, un transfert nous paraît inopportun.

De manière générale, transférer même en partie des organes des départements civils à celui de la défense nationale aurait des inconvénients tels que cette mesure ne peut être prise en considération. Un département de la défense nationale, même réduit, aurait encore trop de poids par rapport aux autres départements et la prépondérance de son chef par rapport aux autres membres du Conseil fédéral serait encore trop marquée. La part de responsabilités d'un tel département serait en outre exagérée.

Il est évident que de nombreux organes resteraient hors d'un département qui serait responsable de l'ensemble de la défense et qui grouperait seulement les parties les plus importantes de la défense militaire et civile. Même si l'on voulait adopter ce système malgré les graves inconvénients indiqués, son efficacité n'en resterait pas moins insuffisante.

3. Transfert au département militaire, élargi en un département de la défense nationale, de la direction de la planification et, lorsqu'elle concerne plusieurs départements, de la coordination de l'exécution des mesures de défense

Cette variante éliminerait les inconvénients d'une répartition irrationnelle d'offices fédéraux ou la dislocation d'ensembles organiques. Les tâches de la défense pourraient être remplies et une collaboration harmonieuse serait assurée.

Nous n'avons pu cependant nous rallier à cette solution. Même si le département militaire n'était chargé que de planifier et de coordonner l'exécution de toutes les mesures relatives à la défense, son chef n'en aurait pas moins une situation particulière par rapport aux autres membres du Conseil fédéral. Il aurait à lui présenter toutes les propositions relatives à la défense, à jédiger les messages y relatifs et à exposer les projets aux chambres. Il deviendrait donc le porte-parole d'autres chefs de département pour des affaires relevant en fait de leurs attributions et préparées par leurs organes compétents. Son immixtion dans les affaires des autres départements et de leurs organes serait aussi importante qu'inévitable. L'ordre des responsabilités au sein de l'administration en serait perturbé et le principe selon lequel le Conseil fédéral dirige la défense en serait affecté. Cela doit être évité.

688 4. Autres possibilités

Nous venons d'aborder les variantes principales de l'organisation d'un département de la défense nationale. Il y en aurait certainement d'autres.

Le rapport du colonel commandant de corps Annasohn mentionne encore la possibilité de créer un nouveau département, éventuellement un «département de la présidence», qui centraliserait toutes les affaires de la défense civile et qui serait dès lors le seul avec lequel le département militaire aurait à collaborer. Il n'est cependant pas utile de passer en revue toutes ces variantes, dont certaines pourraient, à la rigueur, être reprises lors de la revision générale de la constitution. Elles vont de là proposition visant à réunir en un département tous les offices et services chargés de préparatifs de défense à celle qui entend confier à un département la direction de la planification et de la coordination. Quelle que soit la solution choisie, les inconvénients mentionnés n'en demeurent pas moins.

Vu ce qui précède, nous estimons que le Conseil fédéral ne peut être secondedans la direction de la défense nationale par un département organisé dans ce dessein. La solution est ailleurs.

IU. L'organe d'état-major, soutien du Conseil fédéral dans la direction de la défense 1. Considérations générales

Des difficultés d'ordre politique et d'organisation s'opposant à un déplacement important des attributions entre les départements en vue de grouper les tâches essentielles de la défense, il faut examiner si un organe consultatif particulier ne pourrait pas apporter au Conseil fédéral l'appui recherché.

Cet organe auxiliaire ou d'état-major aurait pour tâche première de fournir au Conseil fédéral les bases d'appréciation nécessaires dans les divers secteurs de la défense. Il fixera les règles de la planification, réunira les résultats obtenus par les départements dans ce domaine et établira le plan général.

L'organe d'état-major aura en outre à surveiller et à coordonner l'exécution des mesures prises par le Conseil fédéral dans le domaine de la défense.

De plus, il devra assurer la continuité de la direction et de la préparation.

Il devra affermir la coopération entre les organes de commandement et les autorités civiles et créer les conditions de la coopération entre la Confédération et les cantons.

Au passage de l'état de paix à celui de neutralité armée ou de guerre, toutes les affaires militaires sont groupées dans les mains du général. En cas de guerre, il dispose de toutes les ressources du pays du point de vue personnel

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et matériel, tandis que le Conseil fédéral reste l'autorité directoriale et executive.

Pour la mobilisation et l'engagement des forces du pays, le général doit dès lors en référer au Conseil fédéral. Pour pouvoir assurer dans le secteur civil l'exécution des mesures prises, ainsi que le ferait le général dans le domaine militaire, le Conseil fédéral doit recourir, dans la mesure du possible, à l'organe même qui, en période de préparation, l'a secondé dans la direction de la défense; cet organe devra alors assurer la continuité entre la préparation et l'exécution, notamment dans le secteur civil.

Si la coopération entre les organes militaires supérieurs et ceux de la défense civile est déjà fixée et appliquée par un organe d'état-major pour le temps de paix, il sera d'autant plus aisé de la poursuivre en temps de neutralité armée ou de guerre, même lorsque les attributions et responsabilités de l'armée, conduite par le général, auront pris une importance beaucoup plus grande.

Il résulte de ces considérations que l'organe d'état-major devra exercer son activité en permanence et avec compétence et que sa tâche principale consistera à s'occuper des préparatifs en temps de paix. En cas de guerre, il ne devra pas empiéter sur la responsabilité évidente assumée par le général dans la défense militaire. Si le pays est en état de neutralité armée ou de guerre, il devra cependant continuer à assister le Conseil fédéral, lui faciliter la direction des secteurs civils de la défense et contribuer à assurer leur coopération avec l'armée.

2. Statut de l'organe d'état-major

Nous avons cherché à établir comment devrait être constitué un organe d'état-major permanent et compétent, condition sine qua non de son efficacité.

Nous sommes partis de l'idée qu'un appareil administratif trop lourd serait irrationnel non seulement du point de vue économique, mais qu'il serait encore, on le sait par expérience, la source de frictions et de conflits de compétence qui ralentiraient l'activité gouvernementale et administrative.

Recherchant une forme de statut appropriée, nous avons estimé qu'il serait indiqué d'instituer un organe groupant les services responsables des divers secteurs de la défense, institution analogue à la commission pour la coordination de la défense nationale civile et militaire. Cette formule permettra de tenir compte de la condition posée à l'état-major en matière de compétence.

Elle assurera aisément la coopération entre tous les secteurs. Elle offrira l'avantage, en ce qui concerne les attributions des départements, de ne pas imposer de règles nouvelles, ni de créer d'autres organes administratifs, ce qui aura pour effet d'exclure toute possibilité de chevauchements de compétence et d'affaiblissement des responsabilités.

Un tel organe formé de représentants des divers secteurs de la défense serait toutefois inopérant par lui-même ainsi que l'expérience l'a montré en d'autres domaines. Il n'aura pas les moyens de s'imposer. Surtout, son activité ne sera pas permanente. Ses membres seront déjà tellement occupés par l'exer-

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cice de leurs propres fonctions que l'on ne saurait attendre qu'ils exercent en plus un travail de création, de planification et d'exécution au profit de l'ensemble. Leur rôle sera au contraire d'apporter à l'ensemble leur contribution particulière et de représenter à cet échelon les intérêts de leur secteur; il sera indispensable pour l'unification des résultats partiels et une exécution coordonnée s'étendant à tous les autres domaines. Par lui-même, un tel organe n'est cependant pas un instrument de travail efficace. Il devra comprendre encore une personnalité chargée de préparer et de diriger en permanence et exclusivement les affaires de l'état-major; ce directeur disposera de collaborateurs compétents, engagés à plein temps, ainsi que des services nécessaires de secrétariat et de documentation. La constitution d'un office fédéral ou d'un service central paraît dès lors indiquée.

Le chef d'un tel office, ainsi que ses collaborateurs, devront exercer, comme à l'échelon militaire, les fonctions d'un chef d'état-major et d'officiers d'étatmajor général. Ce chef aura à jouer un rôle important lorsqu'il s'agira de traiter les affaires de la défense sur l'ordre et selon les instructions du Conseil fédéral et avec l'aide des représentants des divers secteurs. Il devra notamment s'occuper des travaux de préparation, de coordination des projets de décisions et, dans la phase d'exécution, des ordres à donner et des contrôles. Il va de soi que ces tâches se présenteront seulement si un département déterminé n'est pas seul compétent, à raison de la matière, ce qui n'est souvent pas le cas dans le domaine de la défense générale.

Les efforts d'une telle organisation, qui s'occupera en permanence et exclusivement des affaires de la défense, conjugués avec ceux des représentants des divers secteurs, conféreront à l'organe d'état-major la possibilité de seconder efficacement le Conseil fédéral dans ses fonctions directoriales.

3. Subordination et fonctionnement de l'organe d'état-major

En principe, un état-major doit être subordonné à l'autorité pour qui il travaille, c'est-à-dire, en l'occurrence, au Conseil fédéral. Le rapport Annasohn recommande du reste une telle subordination.

L'article 103, 1er alinéa, de la constitution précise toutefois que les affaires du Conseil fédéral sont réparties par département entre ses membres. Subordonner un office directement au Conseil fédéral constituerait une innovation qui soulèverait une question de constitutionnalité.

Outre cette question, d'autres raisons d'ordre pratique s'opposent à une subordination directe.

Elles apparaissent dès que l'on se représente la marche des affaires relatives à la défense qui, en règle générale, relèvent de plusieurs départements. H faut donc qu'une autorité prenne l'initiative des travaux et les suive jusqu'à une solution donnant toute satisfaction. Telle sera la tâche principale d'un futur organe d'état-major.

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Souvent, il ne réussira cependant pas à régler ses affaires de la sorte.

Les affaires doivent être soumises à la décision du Conseil fédéral. Il faut donc se demander qui les préparera en vue de cette décision et qui les présentera au sein du Conseil fédéral et, le cas échéant, aux chambres.

La préparation des affaires en vue de la décision définitive incombe, en règle générale, au département le plus intéressé. Aussi le rôle de l'organe d'étatmajor se limitera-t-il souvent à soulever les problèmes et à s'assurer qu'ils seront traités par la voie normale jusqu'à ce qu'une décision soit prise. Dans ce cas, le soin de faire la proposition au Conseil fédéral et de la présenter appartient au département le plus intéressé, qui est responsable de l'examen de l'affaire.

Souvent, l'organe d'état-major ne se contentera pas de soulever le problème, mais devra s'en occuper lui-même jusqu'à la décision. Ce sera notamment le cas pour les affaires particulièrement importantes dans lesquelles des intérêts essentiels souvent opposés et des divergences de vues entre plusieurs départements sont en jeu. En l'occurrence, l'organe d'état-major devra jouer un rôle particulièrement actif. Il devra aplanir les difficultés, si possible par des accommodements consentis dans l'intérêt commun ou pour le moins en préparant et facilitant la décision du Conseil fédéral par un exposé précis des divergences de vues et des solutions possibles. Avant qu'on recoure à la méthode compliquée fondée uniquement sur la présentation par écrit des avis des départements, il faut qu'une affaire soit élucidée par l'organe d'état-major au cours d'une confrontation et d'un .échange de vues direct. Facteur important en l'occurrence, l'organe d'état-major agit sous l'angle d'une planification générale et embrasse totalement la situation. Cette vue d'ensemble fait défaut dans une large mesure lorsque les avis sont présentés par écrit. Ce système n'est plus nécessaire dans de nombreux cas ou est tout au moins réduit par le travail de l'organe d'étatrnajor. Mise à part la possibilité d'une intervention directe des chefs de département au sein du Conseil fédéral, le système sera cependant maintenu lorsqu'un office estime que ses intérêts sont par trop négligés.

Pour tous les cas dans lesquels l'organe d'état-major et non pas un département doit
traiter les affaires jusqu'à la décision du Conseil fédéral, parce qu'aucun département n'en a la responsabilité directe, il s'agira de savoir qui doit soumettre des propositions au Conseil fédéral. La réponse donnée à cette question déterminera dans une large mesure la subordination.

Il serait possible de subordonner l'organe d'état-major directement au Conseil fédéral. Le président de la Confédération aurait alors à présenter les propositions. La durée de son mandat rendrait toutefois une telle éventualité peu opportune et peu pratique organiquement, sans même parler de la constitutionnalité d'une telle solution. La continuité dans la direction et dans la présentation au sein du Conseil fédéral des affaires de la défense ne serait pas assurée. De plus, la charge de la présidence qui s'ajoute à celle de la direction d'un département est déjà si lourde, que d'autres tâches ne sauraient y être ajoutées.

692

On pourrait aussi songer à subordonner l'organe d'état-major au chancelier, qui exerce aussi et exclusivement pour le Conseil fédéral des tâches d'étatmajor. Cette solution est en effet plausible. Elle affecterait cependant les intérêts de la défense, car ces intérêts ne pourraient pas être exposés au sein du gouvernement par un de ses membres.

Reste encore la possibilité de subordonner l'organe d'état-major à un département. Il s'agit de savoir quel département est le plus approprié en ]'occurrence.

Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il serait indiqué de le subordonner au département militaire, ne serait-ce que parce que ce département est le seul qui s'occupe de presque tous les problèmes particuliers de défense. De plus, dette subordination apportera en cas de service actif des avantages certains. En temps de service de neutralité armée ou de guerre, le chef du département militaire est déchargé des questions administratives de la plupart des services de son département, qui sont alors subordonnés au général. Il pourra donc consacrer plus de temps aux affaires concernant la défense générale; outre l'exercice des tâches administratives lui incombant encore, il pourra notamment confronter les problèmes importants pour l'existence du pays qui relèvent du commandant en chef avec ceux de la défense civile qui sont traités par l'organe d'état-major et les présenter au sein du Conseil fédéral, Ainsi, la coordination et la coopération des secteurs civils et militaires de la défense seront aussi assurées à l'échelon le plus élevé. Cette solution permettra de passer sans difficulté de l'organisation du temps de paix à celle du temps de guerre.

De par sa nature et son étendue, la compétence du chef du département militaire concernant la défense générale pourra être nettement distinguée de celle qui lui incombe dans le domaine de la défense militaire en vertu de ses attributions fondamentales. A l'égard de la défense générale, cette compétence aura surtout un caractère de coordination. Les décisions légales appartiennent en effet au Conseil fédéral. Dans le domaine de la défense générale, le rôle du département militaire se limitera donc à la responsabilité des affaires dans les cas seulement qui, de par leur nature, né relèvent pas déjà de la compétence d'un autre département ou dont la direction
n'a pas été confiée à un département.

Une subordination de l'organe d'état-major au département militaire se rapproche de la solution indiquée au chapitre II, chiffre 3, qui consisterait à charger des travaux de planification et de coordination de la défense le département militaire qui deviendrait alors un «département de la défense nationale».

Malgré la ressemblance, ces solutions sont cependant fondamentalement différentes.

Cette différence réside dans le fait essentiel et caractéristique que la solution «département de la défense nationale», conférerait au département militaire la responsabilité des affaires pour l'ensemble de la défense. Par exemple, le chef du département militaire, et non celui du département de l'économie publique,

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devrait présenter au sein du Conseil fédéral les affaires concernant l'économie de guerre. Ce serait lui aussi, et non le chef du département de justice et police, qui exposerait les problèmes de la protection civile ; lui encore, et non pas le chef du département des transports et communications et de l'énergie ou celui de l'économie publique, qui présenterait les projets relatifs à la production de l'énergie et aux transports en cas de guerre. La situation serait la même devant les chambres.

En revanche, la responsabilité du département militaire se limitera, dans la solution que nous préconisons, aux problèmes qui ne relèvent pas déjà d'un département donné ou à ceux qui sont d'une importance particulière pour la défense et concernent les intérêts de plusieurs départements.

La subordination et la marche des affaires devront être réglées dans le détail de manière aussi claire que possible. Il importera en outre de préciser que l'organe d'état-major exercera une activité autonome selon les instructions du Conseil fédéral, de sorte que sa subordination au département militaire sera de caractère administratif seulement. Cette formule a déjà été appliquée à la centrale pour les questions d'organisation de l'administration fédérale, qui est précisément un organe d'état-major typique. Cette centrale a été créée par la loi du 6 octobre 1954 et rattachée administrativement au département des finances et des douanes; elle travaille d'une façon autonome.

4. Rôle consultatif dans le domaine de la défense Nous avons déjà relevé que l'aide nécessaire au Conseil fédéral dans la direction de la défense comporte aussi, au sens large, les conseils d'un organe consultatif.

L'organe d'état-major qui aura à seconder le Conseil fédéral dans la direction de la défense et qui sera composé essentiellement d'un chef permanent et de collaborateurs, ainsi que d'un collège réunissant les représentants des secteurs de l'administration importants pour la défense, aura certainement un caractère trop unilatéral pour pouvoir exercer un rôle consultatif général.

Etant donné que, pour diriger les affaires de la défense, le Conseil fédéral devra recourir dans une large mesure à un organe issu de l'administration, il importe d'établir aussi des contacts avec l'extérieur. Les personnes consultées devront être étrangères à
l'activité de l'administration. Leur rôle, s'exercera à un échelon plus élevé; le Conseil fédéral y fera appel lorsque les problèmes de principe à résoudre seront d'une importance dépassant celle de simples décisions de caractère purement administratif.

Si l'on considère le grand nombre d'affaires spéciales à traiter et, partant, la nécessité d'une consultation de caractère purement technique, mais aussi générale et s'étendant à tous les aspects des problèmes, il faut se demander comment l'efficacité de cette consultation pourra être assurée.

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Selon le rapport Annasohn, il convient de renoncer à créer un organe permanent à la seule fin de renseigner le Conseil fédéral. Pour répondre à toutes les exigences, un tel instrument deviendrait trop important et trop lourd. Si l'on réduit le nombre de ses membres, il ne lui sera plus possible de garantir une consultation exhaustive. Le rapport Annasohn a donc proposé de dissoudre le conseil de défense nationale et de recourir à uri organe consultatif ad hoc, qui ferait appel, dans chaque cas particulier, aux spécialistes nécessaires pour renseigner le Conseil fédéral.

Nous ne pouvons pas nous rallier à cette idée, bien que nous soyons d'avis qu'il faut faire appel à des experts de la branche pour traiter des problèmes particuliers et former à cet effet, suivant les cas, des commissions qualifiées.

Nous avons d'ailleurs fait usage, à maintes reprises, de cette possibilité prévue par l'article 104 de la constitution.

D'autre part, nous ne voudrions pas renoncer à un organe consultatif capable de saisir dans toute leur ampleur les problèmes complexes qui se posent et les répercussions pour le pays et la population des solutions auxquelles on parviendra. Nous pensons dès lors qu'il est indiqué de maintenir le conseil de défense nationale, mais qu'il faut définir à nouveau sa tâche et sa composition.

En raison de la nature des problèmes, il faut réunir dans un organe consultatif des représentants des cantons, de la politique et des cercles intéressés les plus importants.

Nous accordons une attention spéciale à la représentation des cantons.

Les problèmes de la défense (p. ex. ceux qui touchent les services généraux de santé, de police, de l'information et de l'approvisionnement, ainsi que le service de la protection civile et les mesures de protection et de défense contre les moyens de combat AC) concernent de manière si directe et constante les services cantonaux que la coopération entre Confédération et cantons devra être resserrée et rendue plus efficace. Pour ce faire, les cantons devront être appelés à participer à l'examen des projets importants, par le truchement de représentants des diverses conférences de chefs de départements cantonaux, qui feront partie de l'organe consultatif.

L'organe prévu devant exercer une activité consultative sans avoir de tâches de coordination, il faudra
renoncer à lui affecter des représentants de l'administration en qualité de membres titulaires, comme c'est le cas dans le conseil de défense nationale actuel. En revanche, ils pourront être appelés à participer à des séances en qualité d'experts. En outre, nous renonçons aussi à nous y faire représenter, car qui entend être renseigné ne doit pas faire partie de l'organe consultatif.

Il est aussi indiqué d'assurer un lien permanent entre l'organe d'état-major chargé de nous seconder dans la direction de la défense et l'organe appelé à nous conseiller.

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Un organe consultatif, tel qu'il est esquissé, nous permettra d'avoir une vue plus générale des intérêts et des problèmes de la défense militaire et civile.

Il nous permettra en outre d'établir la liaison avec les milieux que représentent ses membres, de les renseigner sur les préparatifs de la Confédération et d'éveiller leur intérêt pour les nombreux aspects de notre défense.

QUATRIÈME PARTIE I. La solution envisagée 1. Récapitulation L'analyse qui précède montre que nous devons disposer, pour diriger la défense, d'un organe d'état-major et d'un organe consultatif.

Le premier aura pour tâche de traiter en permanence les affaires dé la défense et d'assurer la coordination entre ses divers secteurs en y apportant la continuité et les connaissances techniques requises. Il sera constitué par un bureau permanent et un groupe de représentants des secteurs intéressés siégeant régulièrement.

Nous serons conseillés par un organe groupant des personnalités choisies hors de l'administration. L'appel à des experts pour l'examen de projets particuliers est naturellement réservé.

Nous vous proposons de créer des organes directeurs comprenant un étatmajor et un office central de la défense, ainsi que d'instituer un conseil de la défense, remplaçant le conseil actuel.

2. Organes directeurs a. Composition Ces organes comprennent : L'état-major de la défense (appelé ci-après état-major), qui sera composé, de représentants de tous les départements et des offices qui s'occupent d'affaires particulièrement importantes concernant la défense. Vu le très grand rôle qu'elle est appelée à jouer en prévision de l'activité du Conseil fédéral en temps de crise ou de guerre et lors des préparatifs nécessaires, la chancellerie fédérale doit aussi être représentée.

L'office central de la défense (appelé ci-après office central), qui comprendra un directeur, un suppléant et 5 à 7 collaborateurs, tous engagés à titre permanent, ainsi qu'un secrétariat et un service de documentation.

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697 L'état-major sera composé: -

du directeur de l'office central, en qualité de président; d'un représentant de chaque département et de la chancellerie fédérale; du directeur de l'office de la protection civile; du sous-chef d'état-major logistique, responsable notamment du service territorial, à l'état-major du groupement de l'état-major général; - du sous-chef d'état-major planification à l'état-major du groupement de l'étatmajor général; - du délégué à la défense économique.

Il est indiqué que nous réglions nous-mêmes en détail le choix des personnes qui composeront l'état-major.

De plus, il sera loisible à celui-ci d'appeler au besoin à des séances d'autres spécialistes des départements ou des experts choisis hors de l'administration.

b. Tâches et attributions Les organes directeurs, composés de l'état-major et de l'office central mentionnés à là lettre a, devront nous seconder dans la direction de toutes les affaires relatives à la défense dans les domaines de la planification, de la coordination et de l'exécution des mesures prises.

L'état-major aura pour tâche d'élaborer la conception de la défense, notamment en se fondant sur l'appréciation de la situation à longue échéance qui est faite par les départements. Il arrêtera les directives sur la planification générale, compilera les éléments de la planification incombant aux départements et dressera le programme de la défense. Sous l'angle de la conception générale, il devra examiner les divers projets de la défense qui concernent plusieurs départements; il traitera également toutes les affaires qui exigent une coordination ou un examen approfondi, que ces questions aient été soulevées par le Conseil fédéral, les départements, le conseil de la défense ou par luimême. Il préparera les affaires qui concernent la défense, notamment lorsqu'elles intéressent plusieurs départements, avant qu'elles ne soient présentées pour décision au Conseil fédéral par la voie ordinaire. Il travaillera de manière autonome selon les directives du Conseil fédéral; les services et offices de l'administration devront lui accorder tout leur appui et lui fournir tous les renseignements nécessaires. Lorsque la compétence d'un autre département ou de la chancellerie fédérale n'est pas clairement établie, l'état-major pourra présenter les projets au Conseil fédéral par l'entremise du département militaire. S'il y a divergence de vues, il soumettra le cas au Conseil fédéral pour décision. Le service ou l'office qui ne partage pas les vues de l'état-major devra soumettre l'affaire à son département; si l'opposition émane d'un département ou de la chancellerie fédérale, l'affaire sera portée devant le Conseil fédéral. Il appartiendra aux représentants des départements de défendre les intérêts de ceux-ci au sein de l'état-major, de renseigner
leurs chefs de département sur l'activité de cet organe, de coordonner les affaires de la défense au sein de leurs départements et de surveiller l'exécution des décisions de l'état-major.

Feuille fédérale. 120' année. Vol. n.

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Pour sa part, l'office central pourvoira à ce que les conditions préalables dont dépend l'activité de Pétat-major soient remplies. Selon les instructions de celui-ci, il élaborera la planification, préparera les affaires, assurera la coordination et procédera aux contrôles nécessaires en vue de la surveillance de l'exécution.

Le directeur de l'office central présidera Pétat-major. Il dirigera les affaires de l'office central et représentera celui-ci et Pétat-major à l'extérieur. Après entente avec les départements intéressés ou la chancellerie fédérale, il entrera en relation directe avec les offices et services de l'administration. Il maintiendra la liaison avec les cantons pour ce qui a trait à la défense et pourra leur demander de le renseigner. Il tiendra un tableau synoptique des besoins et projets concernant la défense, des mesures à prendre, de l'état d'avancement de leur exécution et des organes qui en sont chargés.

Dans la limite de ces attributions, l'activité des organes directeurs devra être adaptée aux divers degrés de la menace, tels que l'état de paix relative, de tension accrue, de neutralité armée ou de guerre.

En temps de paix, les travaux de planification et de préparation seront au premier plan. Il s'agira dans une large mesure d'une activité de coordination en vue d'apprécier Ja situation et d'élaborer un plan général. Il importera en outre d'assurer les contrôles de l'exécution des mesures ordonnées et de tenir un tableau de l'état d'avancement des projets de défense. Les organes directeurs se verront confier également des tâches d'instruction et devront soutenir les cantons dans leurs préparatifs.

En temps de tension accrue, les organes directeurs examineront et prendront les mesures dictées par la situation.

En cas de neutralité armée, l'essentiel de l'activité passera de la planification à l'exécution. Les organes directeurs devront alors s'occuper notamment de la coordination et du contrôle des mesures qui concernent plusieurs départements ou offices de guerre. La compétence légale du général ne sera touchée en rien par les attributions et l'activité des organes directeurs. Lorsque la planification et l'exécution de mesures ordonnées par le général auront des répercussions sur la défense civile, le Conseil fédéral recourra aux organes directeurs pour faciliter la
coordination des mesures à prendre pour faire face aux besoins militaires et civils.

En cas de guerre, les organes directeurs nous seconderont dans la mesure du possible dans la direction dé la défense.

Les attributions et tâches prévues pour Pétat-major, l'office central et son directeur conféreront à l'organisation une activité propre bien définie, qui n'entraînera aucune immixtion dans les attributions des départements ou de leurs chefs. Des conflits de compétence, des parallélismes ou des chevauchements d'attributions entre les organes directeurs et les départements ne devraient se

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produire que rarement. Les organes directeurs ne devront pas être chargés de tâches que les départements ou leurs services peuvent exécuter plus judicieusement. Le passage sans difficulté de l'organisation du temps de paix à la neutralité armée ou à la guerre sera assuré.

L'état-major et l'office central ne seront donc que des organes auxiliairesdû gouvernement, qui continuera à répondre de la direction de la défense.

Comme jusqu'ici, le pouvoir de décider appartiendra pleinement au gouvernement; la tâche essentielle des organes directeurs sera la préparation.

3. Conseil de la défense

Nous avons exposé au chapitre lu, chiffre 4, de la troisième partie, les raisons qui justifient le maintien du conseil de défense nationale, bien qu'il n'ait pas répondu entièrement à l'attente. Nous sommes d'avis que cela est dû moins à l'institution elle-même qu'aux buts qui lui ont été fixés, à l'usage qui en a été fait et à sa. composition. Il importe donc de définir à nouveau ses attributions et son activité il faut avant tout le décharger de ses tâches de coordination, que son organisation ne lui a pas permis de remplir. Sa composition doit être revue; en premier lieu, les représentants de l'administration en seront retirés, car ils auront leur place dans l'état-major de la défense, où ils exerceront une fonction conforme à leurs tâches.

En donnant leur appréciation sur le rapport Annasohn, Factuel conseil de défense nationale et la commission pour la coordination de la défense civile et militaire ont préconisé, si les conditions restent les mêmes, le maintien du conseil de défense nationale. En particulier, on a estimé que ce devait être un «groupe restreint de personnalités hautement qualifiées et indépendantes».

Nous approuvons cette recommandation. Toutefois, l'expérience a montré qu'il n'est guère facile de réduire à volonté le nombre des membres de telles institutions.

Compte tenu de tous les aspects de cette activité consultative, si importante pour nous, il nous paraît souhaitable de constituer un nouveau conseil de la défense, qui ne devrait pas comprendre un nombre trop élevé de membres.

ïl semble judicieux de confier le secrétariat de ce conseil à l'office central, de la défense.

4. Suppression d'institutions

La constitution d'un état-major et d'un office central de la défense permettra de renoncer à une partie des organes mentionnés au chapitre III, chiffre 3, de la première partie, qui avaient été créés pour les besoins du moment. Leurs travaux, qui concernent essentiellement des problèmes partiels ou particuliers de la défense, pourront être repris par Fétat-major. La commission pour la coordination de la défense nationale civile et militaire, notamment, sera dissoute ou incorporée aux nouveaux organes directeurs. Le délégué pour la coordination des postes de commandement et lieux de stationnement souterrains et l'office central pour la préparation civile à la guerre pourront être rattachés à Fétat-major de la défense.

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u. La loi sur la défense 1. Remarques sur le régime juridique En vertu de l'article 104 de la constitution, nous pourrions instituer nousmêmes l'état-major et le conseil de la défense.

L'office central de la défense n'est cependant pas seulement un groupe d'experts, mais aussi un service officiel. Or la création de nouvelles fonctions incombe à l'Assemblée fédérale en vertu de l'article 85, chiffres 1 à 3, de la constitution. L'institution par une loi fédérale n'est pas seulement une nécessité juridique. La nature des tâches dévolues à l'état-major et à l'office central au sein de la future organisation de la défense confère à ces organes une importance telle que leur création dépasse la portée d'une mesure purement administrative ; il s'agit d'une institution d'intérêt général sur laquelle le souverain doit se prononcer en dernier ressort. Une loi fédérale est la forme appropriée pour marquer l'importance que revêt la défense nationale et définir les dispositions concernant sa direction; elle respecte aussi les règles de la loi sur les rapports entre les conseils au sujet de la forme des actes législatifs édictés par l'Assemblée fédérale (art. 5). Nous vous présentons par conséquent un projet de loi sur les organes directeurs et le conseil de la défense. Ce projet ne fixe que les principes de l'organisation, tandis que les attributions et les obligations des nouveaux organes, ainsi que les détails de l'organisation interne et les rapports avec le Conseil fédéral et Jes départements, devront être réglés par une ordonnance du gouvernement.

La réorganisation du conseil de défense nationale aurait pu, nous venons de le voir, être réglée aussi par un arrêté du Conseil fédéral en vertu de l'article 104 de la constitution. Nous avons jugé qu'il serait indiqué de régler par la même loi les questions concernant l'assistance qui nous sera prêtée dans la direction de la défense et celles qui ont trait à notre information dans ce domaine, d'une part, et à la création des organes directeurs de la défense, d'autre part.

2, Les dispositions de la loi Le projet de loi sur les organes directeurs et le conseil de la défense est brièvement commenté ci-après.

'L'article premier précise que la direction de la défense relève du Conseil fédéral. Celui-ci réglera la coordination de la préparation et de l'exécution
de toutes les mesures de défense civiles et militaires; il délimitera en particulier les attributions des offices fédéraux et cantonaux chargés en vertu de la législation fédérale de tâches concernant la défense.

701

L'article 2 institue, pour seconder le Conseil fédéral dans la direction de la défense, des organes directeurs comprenant un état-major et un office central, ainsi qu'un conseil de la défense.

L'article 3 règle d'une manière générale l'organisation de l'état-major et de l'office central de la défense. L'état-major est composé de représentants des départements, de la chancellerie fédérale et des offices d'importance vitale pour la défense, ainsi que du directeur de l'office central, qui a qualité de président. L'office central dispose d'un directeur et d'un suppléant, ainsi que des collaborateurs nécessaires. Le Conseil fédéral désigne les membres de Pétat-major; il nomme le directeur de l'office central et son suppléant, qui exercent leurs fonctions à plein temps.

L'article 4 fixe les attributions générales de-l'état-major et de l'office central; le Conseil fédéral réglera les détails.

Relevons en particulier que l'office central aura pour tâche de renseigner les cantons sur les intentions et les mesures de la Confédération dans le domaine de la défense, ainsi que de les seconder et conseiller dans leurs préparatifs. La souveraineté cantonale n'en sera pas touchée. Les cantons auront tout intérêt à pouvoir s'adresser à un office central fédéral pour tous leurs problèmes de défense. La Confédération est par ailleurs en droit de demander aux cantons des informations sur les questions concernant la défense.

L'article 5 dispose que la subordination administrative de l'office central sera réglée par le Conseil fédéral.

L'article 6 précise que le conseil de la défense est un organe consultatif du Conseil fédéral. Celui-ci réglera en détail sa composition, ses obligations et les modalités de sa coopération avec les organes directeurs; il en désignera également les membres.

L'article 7 charge le Conseil fédéral de fixer la date de l'entrée en vigueur de la loi sur les organes directeurs et le conseil de la défense.

702

La loi étant fondée sur l'article 85, chiffres 1, 2 et 3, de la constitution, nous n'avons aucune remarque à formuler au sujet de la cónstitutionnalité de notre projet.

Nous fondant sur ce qui précède, nous avons l'honneur de vous recommander d'adopter le projet de loi ci-joint.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 30 octobre 1968.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Spiihler 18335

Le chancelier de la Confédération, Huber

703

(Projet)

Loi fédérale sur les organes directeurs et le conseil de la défense

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 85, chiffres 1, 2 et 3, de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 30 octobre 1968, arrête: Article premier 1

II appartient au Conseil fédéral de diriger la défense.

Direction de ia défense Le Conseil fédéral règle la coordination de la préparation et de l'exécution de toutes les mesures civiles et militaires qui servent à la défense. Il fixe notamment en détail les attributions des offices fédéraux et cantonaux chargés, en vertu de la législation fédérale, de tâches concernant la défense.

2

Art. 2

Le Conseil fédéral dispose pour diriger la défense : a. Des organes directeurs de la défense; b. Du conseil de la défense.

Organ«

auxiliaires

A. Organes directeurs de la défense Art. 3 1

Les organes directeurs de la défense comprennent: a. L'état-major de la défense (appelé ci-après état-major), com- composition posé de représentants de tous les départements, de la chancellerie fédérale, des offices d'importance vitale pour la défense, ainsi que du directeur de l'office central de la défense en qualité de président;

704

. b. L'office central de la défense (appelé ci-après office centrai), composé du directeur, de son suppléant et des collaborateurs nécessaires.

3 Le Conseil fédéral désigne les membres de l'état-major et nomme le directeur de l'office central et son suppléant, qui exercent leurs fonctions à plein temps.

.

Attributions

Art. 4

l

L'état-major et l'office central secondent le Conseil fédéral dans la direction de toutes les affaires relatives à la défense, notamment en ce qui concerne la planification, la coordination, la préparation et l'exécution des mesures.

2 L'office central renseigne les cantons sur les intentions et les mesures de la Confédération dans le domaine de la défense; il les aide et les conseille dans leurs préparatifs. Il peut demander aux cantons des informations sur les affaires concernant la défense, s Le Conseil fédéral fixe les détails des attributions de l'étatmajor et de l'office central, ainsi que les modalités de leur collaboration avec le conseil de la défense.

Art. 5 Subordination de l'office

central

Le Conseil fédéral fixe la subordination administrative de l'office central.

B. Conseil de la défense

Art 6 1

Le conseil de la défense (appelé ci-après conseil) est l'organe consultatif du Conseil fédéral.

2 Le conseil comprend des représentants des cantons et des différents domaines de la vie nationale.

3 Le Conseil fédéral désigne les membres du conseil ; il fixe les attributions du conseil et les modalités de sa collaboration avec les organes directeurs.

C. Disposition finale

Art. 7 Le Conseil fédéral fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

18335

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi sur les organes directeurs et le conseil de la défense (Du 30 octobre 1968)

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Bundesblatt

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Jahr

1968

Année Anno Band

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Volume Volume Heft

46

Cahier Numero Geschäftsnummer

10084

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

15.11.1968

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661-704

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