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Feuille Fédérale Berne, le 17 mai 1968

120e année

Volume I

N°20 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 36f rancs par an: 20 francs pour six mois; plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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9949 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de la réglementation du marché du fromage (Du 1er mai 1968)

Monsieur le Président et Messieurs, Nous avons l'honneur de vous adresser ci-après un message concernant la revison de la réglementation du marché du fromage.

I. INTRODUCTION Aux termes de l'article 26, 1er alinéa, lettre a, de la loi du 3 octobre 1951 (RO 1953, 1095) sur l'amélioration de l'agriculture et le maintien de la population paysanne (loi sur l'agriculture), l'Assemblée fédérale peut, tout en tenant compte des intérêts de l'économie nationale, prendre des dispositions concernant la production, la qualité, la livraison et l'utilisation du lait et de ses dérivés, tant pour assurer un bon ravitaillement du pays en lait et en produits laitiers que pour faciliter la vente du lait à des prix équitables selon les principes de cette loi. Votre arrêté du 29 septembre 1953 (RO 1953, 1132) concernant le lait, les produits laitiers et les graisses comestibles (arrêté sur le statut du lait) se fonde sur cet article, ainsi que sur les articles 24, 29, 30 et 59 de ladite loi.

Le chapitre «IV. Réglementation du marché du fromage» ne fut toutefois mis en vigueur qu'à titre provisoire.

Après une étude approfondie de ces questions par une commission d'experts et par les autorités, les chambres, se fondant sur les articles 26 et 120 de la loi sur l'agriculture, revisèrent le 27 juin 1957 le chapitre «IV, Réglementation du marché du fromage» de l'arrêté sur le statut du lait (RO 1957, 573). Les dispositions du chapitre en question (art. 12 à 146 de l'arrêté sur le statut du lait) sont valables jusqu'au 31 juillet 1968.

Le 23 juin 1961 déjà, le département fédéral de l'économie publique avait chargé un groupe de travail de déterminer s'il y avait lieu de proposer une réforme fondamentale du régime en vigueur. En raison de la complexité des problèmes à examiner, le groupe de travail ne put remettre son rapport final au chef de ce département que le 27 juillet 1965. S'inspirant de ce rapport, la division de l'agriculture en élabora un second qui fut tout d'abord transmis à Feuille fédérale, 120- année. Vol. T.

69

1042 la commission des cartels, puis soumis à l'appréciation des cantons et des groupements économiques, conformément à l'article 32 de la constitution. Les avis exprimés nous obligèrent à remanier sensiblement le projet. Nous y reviendrons dans un chapitre particulier. C'est en partant de ce projet qu'il y a lieu de régler la commercialisation du fromage sur de nouvelles bases.

Précisons encore que, nous fondant sur l'article 146 de l'arrêté sur le statut du lait, nous avons fait part aux chambres des expériences qui ont été faites ensuite de la revison de la réglementation du marché du fromage. Nous leur avons adressé, le 7 mai 1963, un premier rapport sur l'activité de l'organisme commun (actuellement union suisse du commerce de fromage S.A./ convention fromagère suisse) institué par l'article 12 de cet arrêté (FF 1963, I, 1134). Dans ce rapport, nous exprimions notamment l'avis que les travaux préparatoires relatifs à une refonte de la réglementation du marché du fromage devraient être menés à bonne fin assez tôt pour que les chambres puissent se prononcer sur les modifications envisagées avant la revision des contingents prévue pour 1966. Les chambres se rallièrent à cette manière de voir.

Il est toutefois apparu par la suite que les travaux préparatoires prenaient davantage de temps qu'on ne l'avait prévu. Il fut dès lors impossible de vous présenter un projet assez tôt pour que les dispositions modifiées aient pu entrer en vigueur le 1er août 1966. Cependant, les arguments qui s'opposaient à une revision des contingents à cette date l'emportaient nettement sur ceux qui plaidaient en sa faveur. Aussi avons-nous proposé par notre message du 3 juin 1966 relatif à l'ajournement de la revision des contingents de 1966 de l'union suisse du commerce de fromage S.A. (FF 1966,1, 937) de ne pas entreprendre cette revision jusqu'à nouvel ordre. Le parlement accepta cette proposition le 21 décembre 1966 (arrêté fédéral modifiant l'arrêté de l'Assemblée fédérale concernant le lait, les produits laitiers et les graisses comestibles (RO 1966, 1738).

II. IMPORTANCE, POUR L'AGRICULTURE SUISSE, DE LA PRODUCTION ET DE L'ÉCOULEMENT DU FROMAGE A, Considérations générales Relevons pour commencer le rôle important de la production et de la vente du lait et de ses dérivés dans l'ensemble de notre production
agricole. Le lait, d'où provient à peu près un tiers du rendement brut apuré de l'agriculture, occupe, sur le plan économique, une place aussi importante que la production de viande (bétail bovin et porcs). La part du lait dans ce revenu est notablement supérieure à celle de la production végétale (céréales, pommes de terre, . betteraves sucrières, cultures maraîchères, arboriculture et viticulture, autres plantes).

Selon la statistique laitière de la Suisse, la production totale de lait n'a cessé de s'accroître dans les années écoulées (1934/38 ; 26,5 millions de quintaux; 1963: 31,17; 1964: 30,38; 1965: 31,17; 1966: 31,53).

Tableau n° l Utilisation du lait commercial1) (en milliers de quintaux) Lai L commercial Année

1934-1938 1963 1964 1965 1966

Lait transformé techniquement

Total des livraisons

dont Lait de consommation

dont transformation technique

Fromage

Beurre* crème de consommation

18014

6420 7120 7120 7136 7051

11 594 16649 16183 17389 17888

5950 8319 8713 9176 9462

5426 7440 6550 7250 7500

23769 23303 24 525 24939

Conserves de lait

216 890

920 960 920

Exportation yoghourt

22)

0 0 3 6

"·) Sources: - Diverses éditions des «Statistiques et évaluations concernant l'agriculture et l'alimentation», du Secrétariat des paysans suisses, Brougg; - Différents numéros de la Statistique laitière de la Suisse, du Secrétariat des paysans suisses, Brougg.

2

) Lait frais.

g W

1044 La quantité de lait consommée dans le ménage paysan et pour l'alimentation du bétail a diminué par suite de la régression de la population agricole et de l'emploi accru de succédanés du lait. Les livraisons de lait aux centres collecteurs, qui ont augmenté d'autant, ont été utilisées ces dernières années comme le fait ressortir le tableau n° 1, Depuis plusieurs années, la consommation de lait par la population non agricole est stationnaire. Ce fait, joint à l'augmentation des quantités de lait mises dans le commerce, a provoqué un accroissement sensible du volume du lait transformé techniquement. Les quantités de lait affectées à la fabrication du fromage ont été d'environ 60 pour cent plus élevées en 1966 qu'au cours des années d'avant-guerre. En conséquence, la production de fromages de toutes les sortes s'est accrue comme il suit : Tab leau n° 2

Répartition, de 1963 à 1966, de la production fromagère suisse d'après les sortes (en quintaux) *

1963

1964

1965

1966

Emmental Gruyère Autres fromages pour le couteau, tout gras et % gras Sbrinz Quantité totale de fromage à pâte dure , ,.

403 495 104 510

411 241 111 988

432 792 124 754

443 767 143 381

14002 26080

13697 28994

15021 31 549

13 315 34027

548 087

565 920

604 116

634 490

Tilsit tout gras Fromage d'Appenzell, tout gras . . .

Fromages de tout genre, demi-gras Fromages maigres et quart-gras . . .

Fromages à pâte molle et fromages spéciaux à. pâte demi-dure . , , . . .

Production fromagère totale selon la statistique

52049 14336 5905 8062

55262 19 542 5480 8045

54065 22372 4956 8534

52 125 23742 4588 7001

41 412

47927

48976

48000

669 851

702 176

7430)9

769 946

Fromages des Alpes et part de la production valaisanne Fromages aux herbes de Glaris . . .

26002 4147

25567 4257

26964 4017

27085 3969

Production fromagère totale selon la statistique laitière

700 000

732 000

774 000

801 000

1045 II ressort du tableau nb 2 que les fromages des sortes dites de l'union (emmental, gruyère et sbrinz) constituent la part la plus importante de la production fromagère suisse. Leur fabrication a pu être constamment développée, de même que celle de fromage d'Appenzell tout gras.

Les importations de fromage ont, elles aussi, augmenté dans une mesure considérable ainsi que le montre le tableau ci-après : Tableau n° 3 Quantité totale de fromage consommée en Suisse Consommation Année

1934-1938 1963 1964 1965 1966

indigène

q

q

q

507 000 700 000 732 000 774 000 801 000

17803 105 546 116082 124 547 133 963

329117 330 534 354 251 400084

183 773

des stocks

totale

q

q

+ -- + H+

3768 6031 12 660 16263 7506

337 262 482 460 504 888 528 033 527 373

par lete et par an

kg

8,1

8,3

8,6 8,8 8,7

La part de fromages étrangers dans la consommation totale s'est notablement accrue au cours des dernières années; elle a atteint environ 25 pour cent en 1966 contre 22 pour cent à peine en 1963.

La quantité de fromage consommée par habitant est restée longtemps stationnaire. Elle s'est légèrement accrue de 1963 à 1965, pour régresser de nouveau en 1966. A noter cependant que la part de fromage du pays a diminué sur le marché alors que celle de produits étrangers augmentait.

B. Ventes de fromage à l'étranger 1. Considérations générales

Les chiffres indiqués ci-dessus montrent que, dans l'écoulement de notre production laitière, nos exportations traditionnelles jouent un rôle très important à côté de la consommation suisse de lait et de produits laitiers.

Parmi les denrées agricoles suisses exportées, ce sont les dérivés du lait qui prédominent. En ] 966, la Suisse en a vendu à l'extérieur pour plus de 270 millions de francs, ce qui représente 73 pour cent de la valeur des exportations de denrées agricoles (sans le chocolat). Cette part élevée souligne l'importance que revêtent les exportations de produits laitiers, et plus particulièrement du fromage à pâte dure.

2. Bilan du commerce extérieur de l'industrie laitière

L'évolution du volume de nos ventes à l'étranger de lait et de produits laitiers est illustrée par le tableau ci-après :

Tableau rf> 4

Bilan du commerce extérieur de l'industrie laitière en 1937/39 et de 1963 à 1966 1937/39

Exportation, dont de produits choisis Fromage à pâte dure Fromage à pâte molle Fromage en boîtes et en pains Poudre de lait, farines lactées *) Lait condensé, stérilisé Total des exportations converti en lait frais 2 ) Importation, dont de produits choisis Fromage à pâte dure Fromage à pâte molle Fromage en boîtes et en pains Poudre de lait, farines lactées J) Lait condensé Crème et poudre de crème Beurre Total des importations, converti en lait Total des importations sans le beurre, verti en lait frais Excédent d'exportation, converti en lait Excédent d'exportation sans le beurre, verti en lait frais 1 ) 2

frais confrais con-

wagons wagons wagons wagons wagons Mio q

1602

wagons wagons wagons wagons wagons wagons wagons Mio q

54 (07

1

356 128 619 2,51

1963

1964

1966

2617 3,4 646 469 470 4,26

2599 2,9 679 447 521 4,25

2833 4,6 684 430 584 4,55

768 310 83 1200 464

826 348 72 1951 509 69 626 3,66

3295 5,6 675 427 760 5,12

0,5 1,5 138 0,63

688 294 73 456 697 34 262 2,35

Mio q Mio q

0,29 1,88

1,70 1,91

1,97 -- 0,423)

2,10 0,89

2,29 1,62

Mio q

2,22

2,56

2,28

2,45

2,83

46

1082 4,67

886 369 84 1147

550 86 486 3,50

La farine lactée figure dans fe nouveau'tarif douanier, non plus avec la poudre de lait (0402.10), mais sous le n° 1902.01.

) Sans les livraisons aux oeuvres d'entraide internationales.

3 ) Excédent d'importation.

1047 H ressort de ce tableau que nos exportations de produits laitiers - converties en lait frais - ont passé de 2,51 millions de quintaux dans la moyenne des années 1937/39 à 5,12 millions de quintaux en 1966. La cause principale de cet accroissement réside dans l'augmentation des exportations de fromage à pâte dure et de fromage fondu.

Nos importations de produits de l'industrie laitière se sont aussi accrues.

Si l'on exclut les achats de beurre étranger - dont la fonction spéciale est de fournir les fonds qui permettent de réduire les prix des produits laitiers et d'encourager leur placement - l'année 1966 se signale encore par un considérable excédent d'exportation.

3. Exportation de fromage suisse Nous reviendrons ci-après en détail sur l'importance des exportations de fromage à pâte dure et sur les conditions qui régnent sur les marchés étrangers.

Les données disponibles concernant le commerce mondial du fromage montrent que notre pays compte, après la Hollande, la Nouvelle-Zélande, le Danemark et la France, au nombre des plus grands exportateurs. Nos principaux acheteurs sont l'Italie, la France, l'Allemagne de l'Ouest et les Etats-Unis d'Amérique. Le tableau suivant donne un aperçu de nos exportations de fromage (quantité, valeur et prix moyens):

1048 Tableau n° 5 Exportation de fromage suisse en meules1) (Emmental, gruyère et sbrinz) de 1963 à 1966 (années civiles)

Pays de destination

1963

1964

1965

1966

93098 59018 32331 23351 4097 4 077 33704 13527 2fi3 203

101 526 68997 32885 24514 3779 3905 32317 15020

120 138

Total

105 154 55315 30282 22452 2846 3780 32893 10681 263 403

50243 33829 16255

Total

51257 30943 14415 10513 1390 2126 19795 5219 135 658

Total

487.45 559.40 476.-- 468.25 488.35 562.50 601.80 488.80 514.45

a. Exportations en q Italie

USA...

b. Exportations en 1000 fr.

Italie. .

Suède USA Autres pays

Italie

Suède USA Autres pays

l

282 943

21 001 6716 144 323

58834 40098 17604 14238 1 860 2446 20863 7928 163 871

189 840

539.68 573.20 502.78 508.19 489.53 590.17 623.08 496.46 548.33

579.50 581.15 535.32 580.80 492.21 626.27 645.58 527.82 578.49

563.53 604.93 526.23 586.02 483.45 647.56 615.72 531.49 572.96

11 867

2006 2406

) Données fournies par l'Union suisse du commerce de fromage S.A.

) Valeur moyenne selon la statistique douanière.

2

75921 42773 27843 3970 3640 38899 17234 330418

67701 45927 22508 16317 1919

2357 23951 9160

1049 II ressort de ce tableau que, ces dernières années, la Suisse a pu accroître ses exportations de fromage à pâte dure tant en quantité qu'en valeur. Jusqu'en 1965, l'accroissement en valeur a été proportionnellement plus fort que l'augmentation quantitative. En 1966, le prix moyen à l'exportation a diminué quelque peu.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que le prix de base du lait a été relevé de 6 centimes par kilo/litre de 1963 à 1966. Il en est résulté un accroissement du prix de revient des fromages de l'union de 70 francs par quintal en chiffre rond. Cette hausse n'ayant pu être entièrement compensée par des prix de vente supérieurs, les pertes par quintal exporté ont été plus élevées en 1966 qu'en 1963. Si importantes que soient ces pertes, elles se justifient dans le cadre du plan beurre/fromage, qui donne la priorité à la production fromagère aussi longtemps que ce mode d'utilisation du lait provoque, à quantités égales de lait, moins de pertes que la transformation en beurre.

III. BUT DE LA RÉGLEMENTATION DU MARCHÉ DU FROMAGE Ci-après, nous nous occuperons principalement des fromages des sortes dites de l'union, c'est-à-dire ceux qui doivent obligatoirement être livrés à l'organisme commun institué en vertu de l'article 12 de l'arrêté sur le statut du lait. Comme on l'a vu, il s'agit surtout de l'emmental, du gruyère et du sbrinz.

Jusqu'à maintenant, le but de la réglementation du marché du fromage était défini de la manière suivante par l'article 12 de l'arrêté sur le statut du lait: 1 L'union centrale des producteurs suisses de lait, l'union suisse des acheteurs de lait, l'union suisse des exportateurs de fromages et les grossistes en fromages sont tenus de prendre les dispositions appropriées : a. Pour améliorer la qualité du fromage; b. Pour assurer et régler l'approvisionnement du pays en fromage, ainsi que pour maintenir et développer la vente de ce produit dans le pays et à l'étranger, à des prix autant que possible en rapport avec le prix de base du lait fixé par le Conseil fédéral (art. 4); c. Pour encourager la fabrication de spécialités de l'économie alpestre et en faciliter le placement.

2 Pour accomplir les tâches qui leur sont confiées au 1er alinéa, les associations et les maisons de commerce visées régleront le marché du fromage et créeront à cet effet un
organisme commun pour le commerce de gros (appelé ci-après «organisme commun», actuellement «union suisse du commerce de fromage S.A./convention fromagère suisse) en se conformant aux dispositions des articles suivants. Les associations sont autorisées à imposer à leurs sections les obligations découlant de ces tâches.

Le but essentiel de la réglementation, du marché du fromage est donc d'assurer un prix du lait à la production couvrant autant que possible les frais, tout en limitant au minimum les dépenses de la Confédération et les entraves à la liberté du commerce et- de l'industrie.

1050 L'approvisionnement du pays en fromage revêt bien entendu, aujourd'hui encore, une importance primordiale. La vente dans le pays permet en effet d'obtenir à l'heure actuelle des prix qui causent en moyenne moins de pertes que l'exportation. Il s'agira donc de vouer des soins tout particuliers au marché intérieur et de le développer, d'autant plus que la consommation de fromage suisse par habitant a diminué ces dernières années. Cependant, 60 pour cent environ de la production de fromages de l'union sont actuellement exportés.

A l'avenir, il ne restera également pas d'autre possibilité que d'écouler à l'étranger la part de la production qui n'a pas pu être vendue sur le marché suisse. Le maintien de nos débouchés traditionnels est donc indispensable.

C'est dire que l'exportation de fromage revêt une importance aussi grande que la consommation suisse.

Parle canal de ce qu'il est convenu d'appeler le compte laitier, la Confédération supporte en principe, comme on le sait, la totalité des pertes résultant de la mise en valeur des fromages de l'union. Rappelons encore qu'aux fins de limiter au minimum le total des pertes de la mise en valeur du lait, la priorité doit être accordée à la production de fromage ainsi qu'à celle de conserves de lait dans le cadre du programme de fabrication; La Confédération prenant en charge les pertes de la mise en valeur du lait, c'est à elle qu'incombé le soin de soutenir les prix, fonction exercée jadis par l'union centrale des producteurs suisses de lait (union centrale). Les producteurs de lait commercial contribuent toutefois aux dépenses causées à la Confédération par la mise en valeur des produits laitiers. Chaque fois qu'il sera question ci-après de la couverture par la Confédération, des pertes résultant de la commercialisation des sortes de fromage obligatoirement livrables à l'union, on admettra qu'une part est à la charge des producteurs. A l'avenir, on ne pourra, selon toutes prévisions, pas éviter ce système de financement. Il faudra par conséquent tendre à limiter autant que possible les pertes résultant de la mise en valeur du fromage.

Pour toutes ces raisons, nous sommes d'avis que l'objectif actuel de l'arrêté sur le statut du lait demeure judicieux et que son maintien dans le nouveau régime s'impose (cf. art. 1er du projet de loi). La production
fromagère doit notamment être commercialisée de façon que les pertes s'inscrivant à la charge de la Confédération dans le cadre du compte laitier soient réduites au strict minimum, IV. RÉGIME ACTUEL A. Evolution historique de la réglementation du marché du fromage

Ci-après, nous nous bornerons à esquisser l'évolution de la réglementation du marché du fromage, car nous l'avons déjà exposée longuement dans notre message du 13 février 1953 (FF 1953,1, 429) à l'appui d'un projet d'arrêté sur le statut du lait, ainsi que dans notre message du 5 février 1957 (FF 1957, I,

1051 433) sur le chapitre «IV. Réglementation du marché du fromage» de ce même arrêté.

Dans ses grandes lignes, la réglementation du marché du fromage remonte à 1914, Cette année-là, les commerçants et fabricants de la branche et par là, indirectement, les producteurs de lait, furent menacés d'un effondrement général des prix en raison de l'arrêt subit des exportations, qui, jusqu'à cette époque, avaient été florissantes. Ces difficultés engagèrent alors les producteurs de lait et les marchands à s'unir sous les auspices du département fédéral de l'économie publique et du secrétariat des paysans suisses ; ils fondèrent la société coopérative des exportateurs suisses de fromage, qui groupa des maisons de commerce et l'emmental S.A., société commerciale des producteurs de lait. Au cours des années de guerre, cette société coopérative se vit conférer d'abord le monopole des exportations, puis celui des achats de fromage. Lorsqu'après la fin des hostilités, en 1920, la Confédération se retira de la société coopérative, que le monopole d'achat fut aboli et que de nouvelles difficultés apparurent sur le marché du fromage, les groupements intéressés se décidèrent à créer une coopérative, l'union suisse du commerce de fromage (appelée ci-après «l'union») sans la participation ni la collaboration de la Confédération. En 1925, un troisième partenaire, l'union suisse des acheteurs de lait, groupement professionnel des fromagers travaillant pour leur propre compte, vint s'adjoindre aux deux premiers qui composaient l'organisme commun( producteurs et marchands de fromage). Celui-ci groupa dès lors toutes les associations intéressées à la production et à la mise en valeur du fromage. Depuis lors, le cercle des participants est demeuré le même. Si, au cours des années, l'union a subi quelques réorganisations, ses fondements n'ont jamais été modifiés. Une première réorganisation eut lieu en 1936. En 1942, la coopérative devint un syndicat d'économie de guerre. Celui-ci ayant été dissout en 1948, on en profita pour réorganiser l'union une nouvelle fois ; pour tenir compte de la revision du droit des obligations, on a renoncé à la forme d'une société coopérative et l'on a choisi le statut d'une société double, c'est-à-dire une société anonyme combinée avec une société simple (union suisse du commerce de fromage
S.A./convention fromagère suisse). Ce statut fut conservé jusqu'à ce jour, malgré la nouvelle revision de 1957.

B. Principaux aspects de la revision de 1957 1. Considérations générales Comme on l'a vu, le chapitre «IV. Réglementation du marché du fromage» de l'arrêté sur le statut du lait (art. 12 à 146) a été revisé en 1957. A cette occasion, le législateur attribua encore à l'union certaines tâches relevant du droit public (art. 12). Nous avons reproduit in extenso cette disposition dans le chapitre qui traite du but visé par la réglementation du marché du fromage. A l'époque, les chambres fédérales ont renoncé à faire de l'union un organisme de droit public. Elle demeura ainsi une société double de droit privé, composée des milieux intéressés à la commercialisation du fromage.

1052 Le législateur ne se borna pas toutefois à définir de façon générale les tâches de droit public incombant à l'organisme commun; il a réglé en détail l'accomplissement de ces tâches dans l'arrêté sur le statut du lait. C'est ainsi que l'admission de nouvelles maisons fit l'objet de dispositions circonstanciées et que fut instituée la revision périodique des contingents, qui visait à adapter aux capacités des différentes maisons le système rigide des contingents en vigueur jusqu'alors. L'arrêté revisé contient en outre, en tant qu'éléments secondaires, des dispositions régissant les transferts volontaires ou obligatoires de marchandise, la limitation de l'achat de productions de fromagerie et la participation des intéressés aux pertes provoquées par la détérioration de la qualité des fromages. Enfin, on régla à nouveau le droit de recours contre les décisions de l'union se référant aux tâches de droit public qui lui sont confiées.

Le statut de droit privé de l'union n'a pas été touché par les tâches de droit public dont elle est chargée.

Par souci de précision, nous ajoutons que la question de la couverture de pertes éventuelles par la Confédération ne s'est pas posée lors de la revision de 1957, étant données les conditions d'écoulement qui existaient à l'époque.

Pour les détails de la réglementation revisée du marché du fromage et leur portée, nous vous renvoyons à notre message du 5 février 1957 sur le chapitre «IV. Réglementation du marché du fromage» de l'arrêté du 29 septembre 1953 sur le statut du lait, au premier rapport du 7 mai 1963 sur l'activité de l'organisme commun, ainsi qu'à notre message du 3 juin 1966 relatif à l'ajournement de la revision des contingents 1966. Nous nous contenterons par conséquent d'en donner un simple résumé ci-après.

2. Elargissement des conditions d'admission de nouveaux membres Autrefois les conditions attachées à l'admission de nouveaux membres étaient si restrictives qu'elles aboutissaient en réalité à l'institution d'un «numerus clausus». Lors de la revision de la réglementation du marché du fromage, il fut enjoint à l'organisme commun d'accepter les maisons qui sollicitent la qualité de membre lorsqu'elles satisfont à certaines conditions (art.

12a de l'arrêté sur le statut du lait). On répondait ainsi aux critiques formulées contre l'exclusivisme
de l'ancien système.

En vertu de l'article I2b de l'arrêté sur le statut du lait, les nouveaux membres ont droit à un contingent initial de fromage de 1500 quintaux. Le soin de répartir ce dernier en contingents de chaque sorte était, dans la mesure du possible, abandonné au nouvel associé et à l'union agissant d'un commun accord.

3. Revisions périodiques des contingents Les quotes-parts des maisons de commerce affiliées à l'union jouent un rôle essentiel en matière de commercialisation du fromage. La production annuelle des sortes de fromage dites de l'union (emmental, gruyère et sbrinz) est en effet attribuée aux maisons de commmerce selon le système des contingents

1053 individuels. Aujourd'hui, chaque membre de l'union a le droit, mais aussi le devoir, de prendre en charge la part de la production qui correspond à sa quote-part.

Jusqu'en 1957, les quotes-parts avaient été relativement stables; les capacités particulières d'une maison n'influaient pas sur son contingent. Pour permettre de mieux adapter ce système à l'activité commerciale des entreprises, le législateur, on l'a vu, opta pour le principe de la revison périodique des contingents. Les contingents furent tout d'abord réduits lors de la revision. Les fractions de contingents ainsi disponibles furent ensuite attribuées aux maisons qui s'étaient distinguées par leurs capacités particulières au cours de la période de référence (art. I2d et 12e de l'arrêté sur le statut du lait), La première de ces revisions, qui était prescrite pour le 1er août 1958, n'eut lieu que le 1er août 1960 par suite de difficultés rencontrées dans la mise au point des prescriptions d'exécution. La seconde se fit le 1er août 1962. Une troisième aurait dû avoir lieu le 1er août 1966. Le 21 décembre 1966, les chambres ont toutefois décidé qu'elle n'aurait pas lieu jusqu'à nouvel ordre.

4. Transferts volontaires ou obligatoires Les transferts de marchandise qui ne sont pas le fruit d'une contrainte exercée par l'union sont appelés transferts volontaires. Ils permettent d'acheminer le fromage vers l'associé qui peut en tirer parti au meilleur prix, ce qui sert l'intérêt général. C'est pour cette raison que le nouvel article 12/de l'arrêté sur le statut du lait a chargé l'union d'assurer des transferts volontaires.

Ces transferts ne suffisent toutefois pas à garantir la commercialisation du fromage en temps voulu et au prix le plus favorable, car ils présupposent que les maisons sont disposées à céder la marchandise dont elles n'ont pas l'emploi avant que la qualité des lots ne se soit altérée. C'est pourquoi le même article de l'arrêté sur le statut du lait a aussi chargé l'union d'instituer, en plus des transferts volontaires, des transferts obligatoires qui lui permettent d'ordonner une cession de marchandise dans certaines conditions.

J. Limitation de la reprise de productions de fromageries Lors de la revision de la réglementation du marché du fromage, on était d'avis que les maisons de commerce devaient être empêchées
d'acquérir sensiblement plus de productions annuelles de fromageries qu'elles n'en peuvent vendre elles-mêmes, afin que ces productions puissent être mieux réparties entre les associés. C'est pourquoi l'article 12g de l'arrêté sur le statut du lait prescrit qu'une maison ne peut acquérir de nouvelles productions de fromageries lorsque celles dont elle s'est déjà assurée la fourniture par contrat atteignent la quantité à laquelle son contingent lui donne droit, plus 20 pour cent (30 % si la quote-part est inférieure à 3000 q).

1054

6. Participation des intéressés aux risques du commerce Avant la revision, l'opinion publique reprochait encore à la réglementation en vigueur de mettre les maisons à l'abri d'une grande partie des risques inhérents au commerce du fromage. Voilà pourquoi l'article \2h de l'arrêté sur le statut du lait oblige l'union, en vue de favoriser la production de fromages de qualité, à veiller notamment à ce que les producteurs de lait, les fromagers et les marchands assument une part équitable des risques inhérents au commerce du fromage.

C. Examen critique de la réglementation actuelle du marché du fromage 1. Considérations générales Ci-après, nous examinerons diverses questions qui ont déjà été traitées dans notre premier rapport sur l'activité de l'organisme commun. Pour les détails, nous renvoyons aux explications qui y sont fournies.

2. Assouplissement des conditions d'admission de nouveaux membres Depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime, dix-sept nouvelles maisons ont été admises. Quatre maisons ayant cédé leur actif et passif à d'autres associés dans ce même intervalle et l'un des nouveaux associés ayant abandonné sa qualité de membre, c'est de douze maisons que s'est accru effectivement le nombre des membres de l'union depuis 1957.

L'application du principe de la porte ouverte sous certaines conditions, dès 1957, a permis de surmonter l'obstacle que constituait jadis le principe si critiqué du «numerus clausus». Il apparut toutefois que l'admission de nouveaux membres était à tel point facilitée qu'il a fallu accepter quelques nouvelles maisons qui ne disposaient guère des qualités commerciales et de l'indépendance souhaitées par le législateur. Etant donné qu'une concentration du commerce de fromage se manifeste dans les pays d'importation et qu'il est nécessaire de rationaliser la commercialisation, les conditions d'admission devraient être rendues plus sévères sous le nouveau régime, sans que le principe de la porte ouverte sous certaines conditions ne soit mis en cause.

3. Obligation de livrer la marchandise L'arrêté sur le statut du lait ne contient aucune disposition relative à l'obligation de livrer le fromage à l'organisme commun. Cette obligation est actuellement réglée dans la convention fromagère suisse (art. 8 et 9) régie par le droit privé. En vertu de cette convention, l'union
centrale et l'union suisse des acheteurs de lait sont tenues de livrer à l'union la totalité de la production de fromage de leurs membres en tant qu'il s'agit de sortes commercialisées par l'union. Les quantités nécessaires au ravitaillement dans le rayon des fromageries (réserve locale) et les 80 wagons de 10 tonnes représentant le contingent de fédération prélevé sur la production propre sont exceptés et échappent ainsi à cette obligation.

1055

En vertu de l'article 37 de la convention fromagère suisse, l'union centrale a droit, sous la dénomination de «contingent de fédération», à 313 wagons de fromages des sortes obligatoirement livrables, dont 80, on l'a vu, peuvent être prélevés sur la production propre, sans qu'ils soient comptabilisés par l'union.

Le solde du contingent (233 wg) est acheté chez des maisons associées de l'union, qui doit toutefois verser certaines prestations au fonds de soutien des prix de l'union centrale.

Les infractions à l'obligation de livrer de la marchandise que commettent des fromagers fédérés sont punies, conformément au droit privé, par des amendes conventionnelles. En revanche, les fromagers non fédérés ne sont pas tenus de livrer leur production quand bien même ils profitent largement des avantages offerts par la réglementation du marché du fromage (protection des prix et des marges, mesures de propagande, amélioration de la qualité, etc.).

Ces fromagers, il est vrai, sont peu nombreux et la marchandise qu'ils mettent dans le commerce ne représente qu'un faible volume. Toutefois, même de minimes quantités de fromage risquent, selon les circonstances, de causer des perturbations sur le marché, surtout s'il s'agit de fromages qui ne sont pas de qualité marchande. Il convient donc d'examiner si cet inconvénient peut être supprimé.

4. Répartition de la marchandise a. Revision périodique des contingents

Par la revision périodique des contingents, le législateur voulait, comme on l'a vu, donner plus de souplesse au système de contingentement. On voulait éviter que l'on ne continue à reprocher au régime que des maisons capables et actives étaient empêchées de se développer à cause de la rigidité des contingents alors que d'autres, grâce à leur contingent, pouvaient s'en tirer avec moins d'efforts.

Le régime actuel semble avoir atteint ce but jusqu'à un certain point. Mais il comporte de graves inconvénients qu'on ignorait ou auxquels on attachait trop peu d'importance à l'époque. Les reproches qu'on fait actuellement à ce régime sont les suivants : - Le système des contingents provoquerait une véritable psychose et conduirait toujours plus à des sous-enchères sur les marchés étrangers; - On attacherait trop d'importance au mouvement d'affaires dans l'appréciation de l'activité individuelle des membres ; - Les efforts accomplis dans le domaine de la qualité seraient trop peu récompensés; - Le système des cessions par voie de transferts obligatoires aurait mal fonctionné parce que, lors des revisions des contingents, ces cessions auraient entraîné une diminution du contingent des membres de l'union ayant cédé de la marchandise; - La répression, lors des revisions des contingents, des infractions aux prescriptions de l'union régissant les ventes toucherait les associés de façon inégale et trop sévère;

1056 - La réglementation serait dans l'ensemble trop compliquée et causerait un énorme surcroît de travail administratif.

C'est précisément en raison de ces inconvénients que les chambres ont décidé, le 21 décembre 1966, comme nous l'avons déjà relevé plusieurs fois, d'ajourner jusqu'à nouvel avis la revision des contingents qui aurait dû avoir lieu le 1er août de la même année. Il convient d'examiner maintenant de quelle manière ces inconvénients peuvent être supprimés.

b. Transferts volontaires ou obligatoires de marchandise Après l'entrée en vigueur de la réglementation revisée du marché du fromage, les transferts volontaires s'accrurent brusquement. On présume que le fait d'en tenir compte lors de la première revision des contingents a donné lieu non seulement à des transferts réels, mais aussi à des transactions fictives, dictées par la nécessité non pas de fournir à un client la marchandise qui lui convient, mais d'accroître le volume des ventes et d'obtenir ainsi un contingent plus élevé. Cette hypothèse est corroborée par la diminution générale des transferts volontaires après la seconde revision des contingents, qui leur donnait moins d'importance.

Depuis la révision de 1957, il n'y a pour ainsi dire pas eu de transferts obligatoires. Si la quantité de marchandise ainsi transférée est extrêmement modeste, cela est dû notamment au fait que les cessions impliquent des réductions de contingent. C'est pourquoi les maisons ont cherché à éluder les transferts obligatoires en intensifiant les transferts volontaires dans les limites des dispositions légales.

Il conviendra donc d'examiner si l'institution des transferts obligatoires ne pourrait pas être aménagée de façon qu'on puisse davantage y recourir en cas de besoin.

5. Commercialisation du fromage à l'intérieur du pays a. Considérations générales II y a plusieurs manières d'acheminer vers le consommateur les sortes de fromage traitées par l'union. La voie la plus courte est la vente directe du fabricant au consommateur. C'est le cas du fromage de la réserve locale qui n'est pas assujetti à la livraison obligatoire. Si le fromage est pris en charge par les associés de l'union, pour le compte de celle-ci, le mode de commercialisation le plus simple est la voie directe qui mène de ces associés au consommateur en passant par le commerce
de détail.

Ces modes de commercialisation ne sont toutefois pas les seuls ; la maison affiliée à l'union peut aussi vendre le fromage à des grossistes indigènes («ristourniers»). Ceux-ci constituent en général le chaînon intermédiaire entre la maison, qui prend la marchandise en charge à la fromagerie, et le détaillant qui la vend au consommateur. Us jouent un rôle important surtout lorsqu'il s'agit de ravitailler de petits débits ou d'approvisionner des régions ne comptant aucune maison affiliée à l'union.

1057 Au sujet de la commercialisation, nous devons encore mentionner le rôle joué par les fédérations laitières régionales. Quelques-unes se procurent le fromage dans les limites du contingent de fédération de 80 wagons prélevé sur les fabrications propres, c'est-à-dire en s'adressant aux sociétés de fromageries auxquelles ces fédérations achètent le lait à transformer. 233 wagons sont pris en charge auprès des maisons affiliées par les fédérations qui ont droit à ce contingent. Certaines disposent d'un contingent à la ristourne de quelque 170 wagons au total. Le reste de la marchandise leur est fourni par les maisons affiliées ou par les «ristourniers». Les fédérations livrent non seulement du fromage à leurs sociétés de laiterie et à leurs propres débits comme à d'autres magasins, mais aussi à de grandes entreprises du commerce de détail.

Relevons que les coopératives d'achat et les organismes centraux des grandes entreprises du commerce de détail sont des membres de l'organisme commun dont le contingent varie d'un cas à l'autre. La quantité de fromage à laquelle leur quote-part donne droit est toutefois nettement inférieure au besoin global de leurs organisations locales de vente au détail. En conséquence, les membres de ces sociétés coopératives d'achat et des grandes entreprises du commerce de détail se procurent aussi de la marchandise auprès des maisons affiliées, des fédérations laitières ou des marchands à la ristourne.

b. Réglementation de la situation des grossistes indigènes Les grossistes indigènes ne sont pas des membres de l'union. Les rapports entre le grossiste et celle-ci sont réglés par un contrat de droit privé. Pour couvrir ses frais et à titre de bénéfice de l'entreprise, le grossiste indigène touche, par quintal imputable sur son contingent, le rabais réglementaire de quantité plus une marge fixe, à la charge de l'union, qui s'élève actuellement à 24 francs par quintal. Les contingents individuels des grossistes sont revisés périodiquement. Les membres de l'union reçoivent la marge entière fixée pour les ventes dans le pays, que le fromage parvienne directement au détaillant ou passe par un grossiste indigène. Il en résulte que la commercialisation en Suisse du fromage des sortes de l'union donne partiellement lieu au paiement de deux marges du commerce de gros.
La commercialisation du fromage ne peut être considérée comme rationnelle lorsque des quantités considérables de fromage ne sont pas livrées directement par les membres de l'union à des acheteurs en gros, ce qui serait le plus judicieux, mais le sont par l'intermédiaire d'un grossiste indigène, aux frais de la Confédération. Certes, l'union a tenté de remédier à cette situation en appliquant de nouvelles dispositions sur le marché indigène. Ces nouvelles dispositions, qui sont entrées en vigueur le 1er août 1965, fixent notamment que l'union accorde une indemnité de fonction aux grandes entreprises du commerce de détail et aux coopératives d'achats qui possèdent leurs propres entrepôts, lorsqu'elles s'approvisionnent directement auprès de maisons associées. La marge de ristourne est en revanche réduite lorsque les entreprises bénéficiant Feuille fédérale. 120« année. Vol. I.

70

1058

d'une indemnité de fonction s'approvisionnent auprès de grossistes indigènes, Les expériences faites jusqu'à présent montrent que ces dispositions peuvent améliorer la situation dans une certaine mesure, mais non la modifier radicalement.

Il n'existe pas, pour le moment, de disposition de droit public régissant la situation des grossistes indigènes. Depuis 1959, le Conseil fédéral s'est cependant prononcé chaque fois que l'occasion s'est présentée sur le volume total du contingent et sur l'importance de la marge car ces deux facteurs influent sur les comptes de l'union et donc sur les prestations de la Confédération, c. Front de défense des prix La vente du fromage à l'intérieur du pays repose sur l'existence d'un front de défense des prix existant entre les maisons affiliées et les grossistes indigènes, d'une part, et les détaillants, de l'autre. Tous les contrats et arrangements en matière de prix tendent au maintien de ce front. Si personne ne s'en plaint dans les milieux intéressés, il n'en reste pas moins qu'en fait les arrangements pris ne sont pas toujours respectés. Il est difficile d'établir que les prix ont été l'objet de concessions et, partant, il est luul aussi difficile de vérifier si le front n'a pas subi d'atteintes.

d. Conclusions Ce que nous venons d'exposer met en évidence le caractère extrêmement complexe de la réglementation actuelle du marché indigène. De plus, ce régime n'est pas absolument rationnel. Il importe donc d'examiner comment cette situation pourrait être assainie.

6. Commercialisation du fromage à l'étranger a. Régime du permis d'exportation Lors de la revision de la réglementation du marché du fromage, l'article 13 de l'arrêté sur le statut du lait avait été repris tel quel. L'arrêté du Conseil fédéral du 30 décembre 1953 concernant la surveillance de l'exportation du fromage (RO 1953, 1213; 1959, 1743) règle les modalités d'application. Selon cet arrêté, l'exportation du fromage est subordonnée à l'autorisation de la division de l'agriculture du département de l'économie publique. Ce régime ne donne plus entière satisfaction, ne serait-ce qu'en raison du volume des travaux administratifs qu'il implique. Il s'agira donc de déterminer quelles modifications s'imposent.

b. Respect des prix à l'exportation Sous le régime actuel, le conseil d'administration de
l'union fixe les prix auxquels le fromage sera vendu sur tel ou tel marché d'exportation. Le Conseil fédéral ne s'est encore jamais prononcé sur ce point. L'union adapte ces prix

1059 à l'état des marchés. Pour chaque sorte de fromage, elle les fixe selon la destination et la qualité de la marchandise (prix fixes); tout écart vers le bas ou vers le haut est interdit (cf. convention fromagère suisse, art. 47). D'après l'article 54 de cette convention, les contraventions aux prescriptions de vente établies par l'union sont réprimées par un avertissement ou par une amende conventionnelle de 20 000 francs au plus. Cette répression ressortit au domaine du droit privé, mais elle n'en est pas moins suivie, sous le régime actuel, de conséquences découlant du droit public. En effet, l'article 12, 2e alinéa, de l'arrêté sur le statut du lait prive les coupables de l'augmentation de contingent qui leur reviendrait lors des revisions périodiques si l'on appliquait d'autres critères.

La perspective de ces revisions périodiques des contingents a incité bon nombre de grossistes à pratiquer la sous-enchère pour accroître le volume de leurs ventes. Ils espéraient obtenir par ce moyen une augmentation de leur contingent ou en éviter pour le moins toute amputation. Ils se sentaient ainsi forcés d'agir au mépris des prix et conditions imposés par l'union, alors même que leurs règlements de comptes étaient formellement corrects. En juillet 1958, les sous-enchères ont été particulièrement fréquentes et marquées; elles se sont répétées ensuite dans des proportions non négligeables. La rareté de la marchandise en 1964 et durant une partie de 1965 a momentanément incité les intéressés à se montrer plus fidèles au tarif imposé. En 1966, la situation s'est à nouveau détériorée à ce point de vue. Les infractions se sont multipliées.

Relevons d'une manière générale que certaines offres à la sous-enchère peuvent aussi se produire dans le cadre de la compétition normale, conforme aux lois du marché, même en l'absence de psychose dans ce domaine et de pressions excessives exercées sur les prix par l'offre.

Du point de vue juridique notamment, la réglementation actuelle ne donne pas satisfaction en ce sens que, pour exécuter une tâche de droit public, on institue des prix fixes sans avoir les moyens de les faire respecter. Il est en effet très difficile de fournir la preuve qu'il y a eu offre à la sous-enchère. Ainsi, aucun cas de ce genre n'a été retenu contre des grossistes lors de la première revision
des contingents. Durant la période subséquente, des avertissements; ou des amendes ont frappé quatre associés en raison de sous-enchère et dix pour d'autres infractions aux prescriptions de vente fixées par l'union. Aucune augmentation de contingent n'a été attribuée à ces quatorze maisons lors de la seconde revision.

Dans le cercle des grossistes, on a laissé entendre que ces cas n'ont pas été les seuls; il n'est pas possible d'apporter la preuve du contraire. En revanche, on peut se référer à la réglementation en elle-même suffisamment claire de l'article 12e, 2e alinéa, de l'arrêté sur le statut du lait, qui n'accorde aucune augmentation de contingents aux maisons ayant enfreint les prescriptions en matière de vente. Mais cette disposition s'est révélée trop rigide et pas assez, nuancée; elle ne permet notamment pas d'adapter la peine à l'importance de l'infraction. La nouvelle réglementation du marché du fromage devra tenir compte de ces inconvénients.

1060 c. L'obligation d'exporter Comme on a vu, l'affiliation à l'union implique actuellement l'obligation de prendre en charge la marchandise qu'elle attribue à ses sociétaires. Les quantités de fromage produites dépassant considérablement celles qu'il est possible d'écouler dans le pays, il faut vendre à l'étranger une bonne part de la production. On a tenu compte jusqu'ici de cette nécessité en obligeant les maisons membres à exporter une partie de leur contingent d'emmental (art.

lia, 1er al., lettre g, et art. I2d, 1er al., lettre d, de l'arrêté sur le statut du lait).

Les maisons de commerce qui n'atteignaient pas tout à fait la limite imposée tentaient par tous les moyens d'écouler à l'étranger la quantité minimale requise pour échapper à une réduction de leur contingent. Elles n'y parvenaient en général qu'en pratiquant l'offre à la sous-enchère. Cette disposition devra aussi faire l'objet d'un examen.

7. Problèmes de structure La protection accordée des années durant contre la concurrence, le paiement de marges fixes et d'indemnités de stockage avantageant les petites maisons, ainsi que le contingentement ont permis à des entreprises commerciales moins rationnellement gérées de subsister. Certaines dispositions régissant la revision des contingents peuvent aussi avoir entravé l'amélioration des structures à l'échelon des grossistes.

8. Financement a. Considérations générales Le tableau suivant montre que, depuis Pexcercice 1953/54, les comptes de l'union se sont soldés par des pertes de plus en plus grandes. D'une part, cela tient au niveau atteint par le prix de base du lait et en conséquence par le prix de revient du fromage, qui a de moins en moins permis de réaliser un benèfice dans la commercialisation de ce produit. D'autre part, l'arrêté sur le statut du lait fixe le principe selon lequel la fabrication de fromage doit encore être considérée comme rentable tant que sa mise en valeur cause moins de pertes que la transformation en beurre d'une même quantité de lait. La quantité de fromage produite joue donc le rôle d'un second facteur influant sur l'ampleur du déficit de l'union. Les pertes de la commercialisation des fromages de l'union ne résultent pas en soi d'une défaillance imputable à cet organisme ou à ses membres. Elles sont dues avant tout au fait que le prix de base du lait atteint un niveau élevé par rapport aux prix à l'exportation et qu'on désire voir augmenter la production fromagère.

Tableau n° 6 Résultat de la clôture des comptes de l'union depuis l'exercice annuel 1952/1953

Clôture des comptes se soldant par des pertes

Clôture des comptes se soldant par un bénéfice

Couverture des pertes Exercice annuel

1952/53 1953/54 1954/55 1955/56 1956/57 1957/58 1958/59 1959/60 1960/61 1961/62 1962/63 1963/64 1964/65 1965/66 1966/67

Bénéfice net en milliers de francs

359

Suppléments en mjiliers de francs

1346

Dividende en %

Pertes en milliers de francs

Part des sociétaires en milliers de francs

Part de l'UCPL en milliers de francs

677 692 758 800 830 84 93

3869 2172 1483 3118 3593 3478 93

Part Imputée sur le compte laitier En milliers de francs

En y.

725 6953 24876 32057 30704 33088 43258 54900 57467 71807 84452 97437

50 75 90 90

3

4546

2864 2966 10871 29299 35619 30890 33088 43258 54900 57467 .71 807 84452 97437

99,4

100 100 100 100 100 100 100

1061

1062 Avec le temps, les pertes de la mise en valeur des fromages des sortes de l'union sont devenues telles que les intéressés, notamment l'union centrale, à laquelle la convention fromagère suisse impose la majeure partie du déficit, ne sont plus en mesure de les assumer. C'est pourquoi le 16 octobre 1959, nous avons décidé de mettre, dès l'exercice 1955/56, une partie de ces pertes à la charge des pouvoirs publics. Les subventions fédérales augmentèrent d'année en année. Depuis l'exercice 1960/61, la Confédération assume la totalité de ce déficit si la mise en valeur est dans l'intérêt public et si ce déficit n'est pas dû à des négligences dans la gestion de l'union (arrêté du Conseil fédéral du 31 octobre 1961).

Le prix du lait devant demeurer l'un des piliers du revenu agricole, il est indispensable qu'il soit fixé, comme jusqu'ici, de manière à couvrir en règle générale les frais. Il est peu probable, enfin, que les conditions de vente sur les marchés étrangers changent à l'avenir au point que nous puissons obtenir pour notre fromage des prix ne laissant plus de pertes. Pour cette raison, la situation financière de l'organisme commun ne sera sans doute pas très différente de ce qu'elle est aujourd'hui.

Avant l'exercice annuel 1960/61, la Confédération n'exerçait un contrôle que sur la comptabilité de l'union considérée dans son ensemble; ce'ia mis à part, l'union conservait son entière liberté de décision. Il en va autrement aujourd'hui. Les autorités fédérales peuvent, pour toutes les décisions de nature à influer sur les résultats financiers de l'exercice de l'union, examiner si et dans quelle mesure les dépenses donnent droit à la subvention.

b. Paiement d'intérêts sur le capital-actions Dans les conditions que nous venons d'évoquer, les actionnaires ne touchent, depuis des années, plus aucun dividende sur le capital versé. Le fait que le Confédération assume les pertes enlève pratiquement au capital-actions de l'union suisse du commerce de fromage S.A. son caractère de capital social, pour lui donner celui d'une mise de fonds sans intérêt consentie par les actionnaires à l'organisme commun. Cet état de choses ne saurait être taxé de normal.

Aussi faudra-t-il chercher une solution prévoyant le paiement d'un intérêt sur le capital-actions.

9. Forme juridique de l'union Nous avons déjà
vu que l'union constitue aujourd'hui une société double de droit privé, c'est-à-dire une société par actions liée à une société simple.

L'arrêté sur le statut du lait confère à cet organisme des tâches de droit public, dans l'exécution desquelles il est aujourd'hui déjà soumis à la surveillance de la Confédération (art. 14a et 35). Ainsi, le directeur de la division de l'agriculture et celui de l'administration des finances prennent part à titre consultatif aux séances de son conseil et de son comité d'administration. Ils veillent à ce que l'organisme commun s'acquitte comme il convient de la mission que lui

1063 assigne l'arrêté sur le statut du lait et en respecte les dispositions, ainsi que les instructions du Conseil fédéral ou autres prescriptions concernant cette société double. Les représentants de la Confédération sont tenus de porter à la connaissance du département de l'économie publique toute décision ou mesure qui serait en contradiction avec cette mission ou avec lesdites dispositions, instructions ou prescriptions.

Depuis l'adoption du régime actuel, la situation, on l'a vu, s'est modifiée sur un point important. Dès l'exercice annuel 1960/61, la Confédération prend à son compte la totalité des pertes de l'union.

L'accomplissement des tâches de droit public confiées à l'organisme commun est d'intérêt général, qui ne se confond toutefois pas nécessairement avec celui des participants audit organisme. Les maisons affiliées verront par exemple le leur dans l'existence de marges les plus hautes possibles et de prix bas par rapport à ceux de la concurrence étrangère. La Confédération, en revanche, devra veiller à n'affecter des fonds publics à la couverture de ces pertes que dans la mesure où c'est indispensable. On voit ainsi que les intérêts de l'Etat diffèrent de ceux des participants; ce n'est nullement là un fait d'importance mineure.

La Confédération, on l'a vu, est représentée à l'organisme commun. Ses délégués prennent part aux débats du conseil et du comité d'administration, mais à titre purement consultatif. L'article 762 du code des obligations, il est vrai, donne à toute société anonyme la faculté de faire figurer dans ses statuts une disposition qui confère à la Confédération le droit de déléguer des représentants dans les organes de l'administration, ces délégués ayant les mêmes droits et obligations que les autres membres nommés dans ces organes, mais sans être tenus d'être actionnaires. En réalité, il n'a encore jamais été fait usage de cette possibilité. Mais on ne doit guère s'attendre, même s'il en était autrement à l'avenir, que la Confédération obtienne une représentation qui assure la sauvegarde de ses intérêts. Les interventions de ses délégués dans ces différents organes peuvent, par exemple, fort bien inciter ceux-ci à tenir compte de l'intérêt de l'Etat dans leurs décisions. Mais si ces décisions devaient aller à fins contraires, les délégués n'auraient, sous le
régime juridique actuel, aucun moyen de s'y opposer. Tout ce qu'ils pourraient faire, c'est d'en informer le département de l'économie publique et lui proposer que le Conseil fédéral adresse à l'organisme commun les instructions voulues. Il nous faudrait pour cela prendre un arrêté, ce qui exigerait l'élaboration de propositions et, le cas échéant, la préparation d'une documentation supplémentaire. Ainsi, il se passerait un certain temps entre les mesures de l'union et notre décision.

En résumé, il faudra examiner comment l'intérêt public peut être suffisamment sauvegardé sans que l'activité de l'organisme commun soit trop gênée et que l'esprit d'initiative des membres et leur volonté de faire face à la concurrence soient paralysés.

1064 V. TRAVAUX PRÉPARATOIRES EN VUE DE LA REVISION DU RÉGIME ACTUEL A. Notre premier rapport du 7 mai 1963 La réglementation du marché du fromage revisée en 1957 innovait sur plus d'un point. Il était donc opportun que le Conseil fédéral fût chargé, par l'article 14è de l'arrêté sur le statut du lait de présenter périodiquement aux chambres un rapport sur l'activité de l'union et des propositions quant à l'opportunité de maintenir ou de modifier le régime. Le premier rapport devait être adressé au parlement pour sa session de décembre 1962; mais comme nous entendions le faire aussi porter sur la seconde revision des contingents, dont les résultats ne furent pas connus avant le printemps, c'est le 7 mai 1963 seulement que nous vous avons soumis notre premier rapport sur l'organisme commun, conformément à l'article 12 dudit arrêté (actuellement l'union suisse du commerce de fromage S.A./convention fromagère suisse).

Le rapport commente en détail les effets de ces nouvelles dispositions régissant le marché du fromage, ainsi que les expériences faites sous ce régime dont il expose avec minutie les insuffisances. Mais il n'y avait pas moyen à l'époque d'indiquer les remèdes aux défauts constatés, les problèmes posés n'étant pas encore suffisamment élucidés. Aussi le rapport ne contient-il aucune proposition tendant à modifier la réglementation en vigueur.

B. Le groupe de travail chargé d'étudier la réglementation du marché du fromage Pour déterminer s'il y avait lieu de présenter aux chambres non seulement un rapport, mais aussi des propositions de réforme du régime actuel, le département de l'économie publique institua, le 23 juin 1961, un groupe de travail auquel fut confiée la mission que voici: Etudier la manière dont sont produits et mis dans le commerce les fromages dits de l'union, sur la base du programme de transformation du lait, et ce qu'il en advient jusqu'au moment où ils sont vendus aux détaillants ou aux acheteurs de l'étranger.

Elaborer, sans tenir compte de données historiques, d'éventuelles propositions d'amélioration, concernant notamment une rationalisation de la production et de la commercialisation et une amélioration de la qualité. Les questions techniques de la production fromagère ne doivent pas retenir son attention.

Le groupe de travail chercha à s'acquitter de sa tâche
en examinant cette matière sous ses aspects particuliers et en retenant tout d'abord diverses solutions partielles. C'est seulement vers la fin de ses travaux qu'il a fait une synthèse de ces solutions et a établi un plan général.

Pour se documenter et parfaire ses connaissances, le groupe de travail a organisé bon nombre de visites, d'enquêtes et d'échanges de vues. Il a en outre sollicité l'avis écrit de personnes directement intéressées et d'autres spécialistes

1065 sur diverses questions particulières ainsi que sur un avant-projet du groupe de travail. Ces réponses et les autres documents fournis furent utilisés au fur et à mesure des travaux.

Ces travaux exigèrent un temps considérable, d'abord en raison du caractère complexe de ces questions, puis aussi parce que le groupe de travail voulait étudier à fond les diverses solutions entrant en considération et les possibilités d'application.

· Le groupe de travail remit son rapport sur la réforme de la réglementation du marché du fromage le 27 juillet 1965.

C. Les travaux préparatoires de la division de l'agriculture Se fondant sur le rapport final du groupe de travail, la division de l'agriculture en a établi un autre sur la refonte de la réglementation du marché du fromage, ainsi qu'un projet de loi sur la commercialisation de ce produit.

Ces projets sont datés des 14 et 15 mars 1966. Nous en esquissons ci-après les traits principaux.

Par rapport au régime actuel, la principale modification proposée concernait la transformation de l'union en une société coopérative de droit public.

On tenait ainsi compte du fait que la majeure partie de l'activité de l'organisme commun relève actuellement des tâches de droit public qui lui sont confiées, et que la Confédération couvre aujourd'hui la totalité des pertes résultant de la mise en valeur du fromage des sortes obligatoirement livrables. Selon toute vraisemblance, il en ira de même à l'avenir. Fait important, l'institution d'une société coopérative de droit public ne signifiait toutefois pas que le commerce du fromage dût être étatisé. Comme nous le montrerons encore, les projets établis accroissaient la liberté du commerce dans divers domaines.

En ce qui concerne la qualité de membre de la société coopérative, on prévoyait alors que les associés auraient à satisfaire à certaines conditions, qui devaient être justifiées eu égard aux tâches de la société, et permettre l'admission de maisons gérées de façon rationnelle. Ces conditions avaient trait aux connaissances techniques et commerciales requises, à la garantie du respect des obligations financières ou d'autre nature, ainsi qu'à l'obligation d'atteindre un certain mouvement d'affaires. L'institution d'une clause du besoin était déclarée inadmissible. Aux termes du projet de loi, le fait de remplir
les conditions donnait le droit de devenir membre de la société coopérative.

Quant à la livraison du fromage à la société coopérative, et à sa prise en charge par cette dernière, les projets proposaient de transformer l'obligation de droit privé en une obligation fondée sur le droit public. Les projets donnaient en outre au Conseil fédéral la compétence de déterminer les sortes de fromage tombant sous le coup de la livraison obligatoire, que la société coopérative serait tenue de prendre en charge. Une autre disposition revêtait de l'importance. Les fabricants de fromages qui ne sont affiliés ni à une section de l'union suisse des acheteurs de lait ni à l'union centrale bénéficiaient eux aussi du

1066 prix complet de prise en charge. Ils étaient cependant tenus, dans l'intérêt d'une compensation équitable des avantages et des charges, de verser à la Confédération une taxe calculée d'après la quantité de marchandise livrée. C'est le Conseil fédéral qui aurait fixé le taux de cette taxe, dont le produit devait, selon le projet, être mis à la disposition de la société coopérative, en tant que contribution des non-affiliés à ses frais d'administration.

Le projet ne limitait plus l'achat en fromagerie, contrairement à ce qui était le cas jusqu'alors. En revanche, il maintenait le régime de la protection de ces achats, qui relève du droit privé. On entend par là les dispositions contractuelles de l'union qui, sous certaines conditions, interdisent à une maison B d'acquérir la production pesée auparavant par une maison A, Le fait que le système des contingents devait être supprimé, à l'expiration d'un délai de cinq ans, revêt une importance toute particulière. Durant la période transitoire, la marchandise aurait été attribuée aux associés en partie sur la base de leur contingent, et en partie sur le compte d'une réserve. Le système de la réserve devait permettre d'assouplir progressivement le régime rigide des contingents, et devenir enfin l'unique mode de répartition de la marchandise.

En matière de commercialisation, il était prévu que la société coopérative fixerait, en accord avec les représentants de la Confédération, les prix de cession du fromage des sortes obligatoirement livrables. Les prix de revente dans le pays et à l'étranger auraient en principe été libres, sauf en ce qui concerne les livraisons à l'industrie des fromages fondus.

En cas de situation exceptionnelle, le Conseil fédéral était en outre habilité à charger la société coopérative de fixer les prix de revente sur certains marchés étrangers, donc les marges correspondantes des associés. Si la fixation des prix et des marges n'avait pas permis d'assainir les marchés, le Conseil fédéral aurait alors, selon le projet de loi, pu contingenter les ventes ou, le cas échéant, centraliser les exportations à destination du pays entrant en ligne de compte.

Une autre disposition du projet de loi revêtant une certaine importance était que l'union centrale, l'union suisse des acheteurs de lait et leurs sections, ainsi que les maisons
associées et les fabricants de fromages des sortes obligatoirement livrables se voyaient interdire de faire du commerce avec des fromages étrangers semblables à ceux des sortes de l'union.

Il faut enfin relever que le projet de loi soumettait l'exportation de fromage au régime du permis. L'octroi de ce dernier aurait notamment été Hé à la condition que le marché intérieur soit suffisamment approvisionné en fromages de bonne qualité, à des prix appropriés. De plus, le Conseil fédéral était habilité à arrêter des^ prescriptions relatives à l'âge et à la qualité du fromage destiné à l'exportation. Le permis ne devait en outre être délivré que si les éventuelles restrictions quantitatives imposées par le Conseil fédéral en vue d'assainir les marchés étaient observées.

1067

D. L'avis de la commission des cartels La commission des cartels s'est prononcée, par son rapport du 23 juin 1966, sur les projets de mars 1966 esquissés ci-dessus. Elle se félicitait des adoucissements apportés à la limitation de la concurrence, notamment de l'abandon progressif du système des contingents en vigueur et de la libération des prix de revente par les membres de la société coopérative, car on faisait ainsi un pas décisif en direction d'une plus grande liberté du commerce. La commission relevait que l'assouplissement du système des contingents, puis son abandon ultérieur, étaient de nature à éliminer les détours dans la répartition de la marchandise et à ouvrir la voie la plus rationnelle et la plus économique possible en matière de placement du fromage, ainsi qu'à mettre fin aux privilèges découlant du régime en vigueur. De l'avis de la commission des cartels, la suppression du système des contingents doit être facilitée par la politique des prix. La libération des prix de revente doit, grâce aux pressions exercées par les forces du marché, donner toute son efficacité à l'abandon du système des contingents et entraîner un assainissement des structures. Le commerce de gros étant trop développé selon les déclarations des milieux intéressés, ces mesures qui visent à réduire le nombre des maisons de commerce de fromage en gros et, partant, à provoquer une concentration du commerce de gros, peuvent être considérées comme opportunes.

Par ailleurs, la commission des cartels a relevé que les projets en cause créaient de nouveaux obstacles à la liberté du commerce, ou ne réduisaient pas ceux qui existaient déjà dans une mesure correspondant aux principes du nouveau système de répartition de la.marchandise et de la libération des prix de revente. Il s'agirait avant tout de la question d'instituer une obligation de droit public relative à la livraison du fromage, d'assurer un système de compensation des avantages et des charges et de maintenir la protection des achats en fromagerie, ainsi que du contrat avec l'industrie des fromages fondus et des prescriptions relatives au commerce des fromages étrangers. Pour juger de ces entraves à la liberté du commerce, il faudrait partir de l'idée que la nouvelle réglementation du marché du fromage viserait à limiter au minimum les charges financières de
la Confédération.

Au sujet de la transformation en disposition de droit public de l'obligation de droit privé relative à la livraison du fromage, la commission des cartels relevait que cette mesure empêcherait de mettre des fromages de l'union sur le marché en dehors de la réglementation officielle. De cette manière, les nonaffiliés perdraient toute possibilité de faire concurrence. Cette limitation de la liberté du commerce semblerait toutefois nécessaire pour éviter que des perturbations du marché ne mettent en péril tout l'édifice de la réglementation. Un tel danger pourrait notamment se faire jour si un gros acheteur se retirait de l'union pour s'approvisionner auprès de fromagers non affiliés. La commission des cartels demandait que le projet de rapport donne davantage de précisions sur ce point.

1068 La commission des cartels approuvait en principe le système de compensation prévu des avantages et des charges, qui ne devait pas contraindre indirectement les intéressés à devenir membres des associations de producteurs ou d'acheteurs de lait. A son avis, il aurait toutefois fallu prendre garde de ne pas fixer le taux de la taxe à un niveau correspondant à celui des cotisations que doivent verser les membres des associations. Un taux inférieur à ce montant s'imposerait parce que, du fait de leur affiliation, les membres des associations peuvent jouir d'avantages qui ne sont pas en relation directe avec la réglementation du marché du fromage.

La commission des cartels recommandait en outre de réexaminer le problème de la protection de l'achat en fromagerie. On avait conservé cette protection parce que les productions de qualité intéressent non seulement le commerçant qui les a précédemment prises en charge, mais d'autres encore.

Il se pourrait que ces derniers soient tentés de les acquérir en accordant des avantages financiers au fromager. De telles concessions pourraient influer défavorablement sur le revenu des commerces de fromage en gros et les inciter à demander un abaissement du prix de cession de la marchandise. En revanche, aux yeux de la commission des cartels, une surenchère n'entrerait en ligne de compte que si le commerçant accordait au fabricant des avantages allant audelà des prix officiels. Ladite commission ne concevait pas en conséquence que la Confédération puisse se voir amenée sans plus à réduire les prix de cession.

Considérant la faible importance de.la protection des achats en fromageries du point de vue de la liberté de concurrence, la commission des cartels a toutefois renoncé à proposer une modification du projet.

Le projet de loi prévoyait une dérogation au principe de la liberté des prix de revente. Les livraisons à l'industrie des fromages fondus devaient en effet continuer à avoir lieu à des prix fixes. Le contrat avec cette industrie stipulant une obligation de livraison et de prise en charge de marchandise devait être reconduit. La commission des cartels approuvait cette solution, car elle aurait permis de limiter au minimum les pertes résultant de la mise en valeur du fromage de second choix.

La commission des cartels estimait que l'interdiction de faire
du commerce avec des fromages étrangers était justifiée, car rien ne doit entraver la commercialisation du fromage des sortes de l'union. Elle partait toutefois de l'idée que cette interdiction ne devrait pas servir de prétexte à l'établissement de restrictions supplémentaires à l'importation.

E. Le message relatif à l'ajournement de la revision des contingents de 1966 Aux termes de l'article 12d de l'arrêté sur le statut du lait, une troisième revision des contingents aurait dû avoir lieu le. 1er août 1966. Toutefois, lors des délibérations relatives à notre premier rapport, du 7 mai 1963, sur l'activité de l'organisme commun prévu par l'article 12 de l'arrêté sur le statut du lait, les chambres furent d'avis que les travaux préliminaires relatifs à une refonte

1069 de la réglementation du marché du fromage devaient être menés à bonne fin assez vite pour que le parlement puisse se prononcer au sujet des modifications éventuelles avant la revision des contingents prévue pour 1966. A l'époque, on espérait encore qu'une nouvelle réglementation pourrait entrer en vigueur à ce moment. Pour ce faire, il aurait fallu soumettre aux chambres un message sur la nouvelle réglementation au cours de la session d'hiver 1965. Il ressort nettement des chapitres précédents qu'il n'a pas été possible d'y parvenir, malgré tous les efforts entrepris, notamment eh raison de la complexité des problèmes. Après avoir pesé les avantages et les inconvénients, nous avons en conséquence proposé aux chambres, le 3 juin 1966, d'ajourner jusqu'à nouvel ordre la revision des contingents prévue pour le 1er août 1966. Le parlement s'est rallié à cette proposition le 21 décembre de la même année.

F. Le rapport du 20 avril 1967 de la division de l'agriculture sur la réforme de la réglementation du marché du fromage Après que la commission des cartels nous eut fait part de son avis, en été 1966, les projets furent remis à l'union et à ses cocontractants, à leur demande, afin que les milieux intéressés à la réglementation du marché du fromage puissent se prononcer avant la procédure de consultation prescrite à l'article 32 de la constitution. Leurs avis contenaient de nouvelles propositions qui durent être étudiées. En automne 1966, lors des débats parlementaires sur le projet d'ajournement de la revision des contingents, la nouvelle réglementation fit aussi l'objet de remarques de principe. Les projets furent alors remis sur le métier et remaniés en conséquence. H s'ensuivit que le nouveau rapport de la division de l'agriculture sur la revision de réglementation du marché du fromage ne put être soumis à l'appréciation des cantons et des groupements économiques avant le 20 avril 1967.

De façon générale, le rapport partait de l'idée qu'il fallait, dans le cadre des conditions existantes, tendre à une réglementation aussi libérale que possible et n'impliquant que peu d'interventions dans l'activité économique des intéressés.

Comme le projet du 15 mars 1966, le rapport du 20 avril 1967 envisageait de transformer l'union en une société coopérative de droit public. La Confédération supportant
la totalité des pertes de cet organisme, on considéra qu'il était nécessaire d'étendre le droit de surveillance de la Confédération et de renforcer la sauvegarde de ses intérêts. L'intérêt public ne se confond pas forcément, dans une telle situation, avec celui des membres de l'union, et les organes dirigeants de l'organisme commun peuvent être entraînés dans un conflit d'intérêts. On estima par conséquent indispensable que le Conseil fédéral nommât le comité de direction de la société coopérative, y compris le président du conseil d'administration. Cela ne serait toutefois possible pratiquement que si l'union était transformée en une institution de droit public.

1070 Selon la formule retenue à l'époque, la Confédération se voyait concéder un large droit de surveillance et de réglementation à l'égard de la société coopérative. De plus, on envisageait de servir un intérêt équitable sur le capital social de ladite société, indépendamment du résultat d'exploitation.

Selon le rapport de la division de l'agriculture, comme aussi d'après le projet de mars 1966, des maisons de commerce ayant l'esprit d'initiative et étant capables de développer leurs affaires devaient pouvoir être reçues dans la coopérative. En conséquence, on ne pouvait faire dépendre l'admission de nouveaux membres d'une clause du besoin. Par rapport à la réglementation en vigueur, les conditions liées à la qualité de membre étaient renforcées et diverses mesures tendant à assainir la structure du commerce de .fromage en gros étaient envisagées. Le fait de remplir les conditions donnait le droit de devenir membre de la société coopérative.

En ce qui concerne la livraison et la prise en charge de la marchandise, on reprenait la proposition, faite dans les avants-projets, de transformer l'obligation de droit privé en une disposition de droit public qui nous chargeait de déterminer les sortes de fromage obligatoirement livrables. On voulait ainsi éviter que du fromage puisse être mis sur le marché en dehors de la réglementation, au risque de le perturber. Comme pendant à cette obligation, on instituait la prise en charge par la société coopérative. On proposait en outre de renoncer à l'actuelle limitation de l'achat en fromagerie par les associés.

Contrairement à ce qui était prévu dans les projets de mars 1966, le système de contingents en vigueur devait être abandonné d'emblée. La relation existant entre la demande et l'offre de fromages déterminait le volume de marchandise ' pouvant être attribué à une maison au cours d'une certaine période. En cas de demande excessive, la marchandise était attribuée à la condition que les maisons puissent apporter la preuve qu'elles disposent de caves en suffisance.

La fixation, par Ja société coopérative, des prix de cession au commerce de fromage en gros devait permettre d'influer sur la demande. La marchandise devait être répartie entre les maisons selon les sortes, savoir huit fois par année pour l'emmental, et quatre fois pour le gruyère et le sbrinz. Il
incombait aux organes de la société coopérative de procéder à la répartition. A l'effet de faire davantage participer les maisons associées aux risques inhérents au commerce du fromage, la propriété de la marchandise devait passer à la maison membre dès la répartition. Aujourd'hui, la marchandise demeure au contraire la propriété de l'union jusqu'à ce que l'associé l'ait revendue à un tiers. L'union, et partant la Confédération, supporte donc à l'heure actuelle la majeure partie du risque de dépréciation du fromage durant l'entreposage. II. importe enfin de savoir que les grandes organisations de vente au détail devaient être traitées de la même façon que les autres membres de la société coopérative quant à l'attribution de marchandise.

En ce qui concerne les problèmes de commercialisation, on proposait, selon les projets de mars 1966, d'abandonner le système des prix de revente fixes, sauf pour les livraisons à l'industrie des fromages fondus. En conséquence, on

1071 se serait borné à fixer des prix de vente au commerce de gros, différents selon la destination de la marchandise. Les principes de la commercialisation, notamment la fixation des prix de cession entraient dans les attributions du comité de direction de la société coopérative, nommé par le Conseil fédéral. Ce comité se voyait conférer la compétence de prendre passagèrement des mesures d'assainissement sur des marchés étrangers dans des cas exceptionnels. Si le projet esquissé avait été appliqué, les maisons du commerce de fromage en gros auraient joui d'une liberté commerciale sensiblement accrue. Les entreprises gérées de façon peu rationnelle auraient sans contredit eu de la peine à sauvegarder leur existence. On avait cependant conservé le régime du permis actuellement en vigueur pour l'exportation afin d'assurer l'approvisionnement du pays en période de pénurie ainsi que pour permettre le contrôle.

Quant à la protection juridique, on entendait permettre le recours contre les décisions de la société coopérative. Les prescriptions générales de la loi sur l'organisation de l'administration fédérale (RS 1, 243) et celles de la loi d'organisation judiciaire (RS 3,521) étaient applicables en ce qui concerne la procédure normale. Ce n'est que dans les questions d'attribution de marchandise, et en cas de contestations relatives au classement et à la taxation du fromage, qu'il fallait s'écarter de la procédure ordinaire. Il s'agit là de questions purement techniques, qui concernent des lots bien déterminés de marchandise. Le fromage ne se conservant, comme on le sait, que durant un temps limité et sa qualité se détériorant à la longue, une décision définitive doit être prise le plus rapidement possible.

En conséquence, deux autorités de recours spéciales étaient prévues pour ces deux cas exceptionnels. Leur décision devait être rendue à bref délai.

G. Les résultats de la consultation des cantons et des groupements économiques Vingt cantons et 33 des 40 groupements économiques consultés ont exprimé leur avis.

Dix gouvernements cantonaux et 15 associations ont approuvé en principe la définition des tâches de droit public de l'organisme commun ; les autres ne se sont pas prononcés formellement. Les groupements de consommateurs et plusieurs milieux syndicaux ont proposé de tenir également compte,
dans cette définition, des intérêts des consommateurs et de rationaliser la production et la commercialisation du fromage.

Personne ne conteste en principe que la Confédération continue à assumer la totalité des pertes résultant de la mise en valeur des fromages de l'union.

Deux cantons, ainsi que les groupements qui sont proches par leurs intérêts de l'organisme commun donneraient toutefois, à ce propos, la préférence à un système permettant à l'union de ne pas faire état d'un déficit dans ses comptes.

Nous reviendrons sur cette question en commentant le projet de revision. Un groupement de salariés et une grande entreprise du commerce de détail ont demandé qu'on étudie d'autres systèmes de couverture des pertes.

1072 A peu près trois quarts des cantons, tous les groupements professionnels et organisations de vente de l'agriculture, ainsi que le commerce de gros, l'artisanat et les associations de détaillants, soit une vingtaine d'associations économiques en tout, se sont opposés énergiquement à l'idée de transformer l'organisme commun en une société de droit public ainsi qu'à l'élection du président et du comité de direction par le Conseil fédéral. A leurs yeux, cette solution serait trop peu libérale et la responsabilité de la gestion passerait pour une bonne part à la Confédération. Ce serait là une source de tensions et de conflits de compétence entre les autorités et l'organisme de commercialisation. En outre, on ne pourrait escompter que cette transformation permette à cet organisme de mieux satisfaire aux besoins de la vente; il y aurait lieu d'accorder la préférence au régime actuel dans l'intérêt d'une pratique commerciale aussi souple que possible et adaptée aux conditions du marché. Une partie des groupements économiques ont proposé que l'organisme conserve son caractère de droit privé et que l'assemblée générale continue d'élire le comité de direction, cette élection devant être approuvée par le Conseil fédéral.

Dans leurs appréciations, presque tous les cantons et groupements économiques ont insisté sur la nécessité de concéder à la Confédération un droit de surveillance en raison de l'ampleur de ses prestations financières. Six cantons et neuf groupements - toutes lés associations de consommateurs et la moitié de celles de salariés - ont approuvé l'idée d'un vaste pouvoir de réglementation accordé au Conseil fédéral. En revanche, dix cantons et les milieux proches de l'agriculture, les organisations de grossistes et de détaillants, de l'artisanat, ainsi que d'employeurs et la moitié des groupements de salariés ont proposé que le droit de réglementation soit limité aux affaires de droit public. Il ne devrait pas appartenir, disent-ils, aux autorités de réglementer l'activité commerciale. Deux cantons et une association centrale ont néanmoins insisté sur la nécessité de tendre à une collaboration aussi étroite que possible entre les services officiels responsables et l'organisme commun de droit privé. Un seul canton et deux groupements défendant les intérêts des consommateurs ont fait des
réserves quant au versement d'un intérêt sur le capital social indépendamment du résultat d'exploitation; ils ont invoqué à ce propos la charge supplémentaire qui en résulterait pour la Confédération, Au sujet de la qualité de membre de l'organisme commun, les gouvernements cantonaux qui se sont exprimés et la majorité des groupements économiques se sont déclarés favorables à ce que l'on continue à accorder un droit à être admis dans l'organisme commun aux candidats remplissant les conditions.

Un canton en majeure partie agricole et trois associations économiques seulement ont exprimé l'avis qu'une demande d'admission doit pouvoir être écartée lorsqu'elle ne répond pas à un besoin. La clause du besoin, qui se conçoit dans les matières où l'Etat doit intervenir, est le seul moyen de parvenir à une concentration dans le commerce du fromage. Chacun a reconnu qu'il fallait fixer les conditions d'admission de telle manière que seules les maisons se distinguant par leur esprit d'initiative et leurs capacités puissent être admises dans l'organisme commun.

1073 La question du rôle des maisons non affiliées et, partant, la transformation éventuelle du régime de la livraison obligatoire institué par une convention de droit privé en un régime de droit public, ont donné lieu à des divergences de vues. Si les cantons ont été unanimes à approuver l'obligation de prise en charge imposée par l'organisme commun, les avis des groupements économiques étaient partagés. Certains d'entre eux, qui défendent les intérêts des consommateurs, se sont déclarés favorables à une prise en charge adaptée aux possibilités d'écoulement. En ce qui concerne l'abandon de la limitation de l'achat en fromagerie pour les membres de l'union, la majorité des milieux consultés à fait valoir qu'il s'agissait là d'un problème secondaire, qu'il appartenait à l'organisme commun de régler.

La suppression du régime actuel des contingents a été approuvée par tous les cantons et groupements, trois Etats ayant toutefois conclu à la nécessité de trouver une solution satisfaisante en ce qui concerne les «grossistes indigènes» et le contingent des fédérations. Quant au mode de répartition de la marchandise, à peu près la moitié des cantons se sont prononcés en faveur de la solution proposée (d'après l'offre et la demande) ; pour justifier leur réponse négative les autres cantons ont, pour la plupart, fait valoir qu'un mode de répartition fondé uniquement sur la demande et la capacité d'entreposage tiendrait trop peu compte des possibilités de vente de chaque maison. La moitié environ des groupements économiques n'ayant aucun lien commun avec l'union ont vu dans le système proposé l'élément essentiel de tout le projet et attendent beaucoup plus d'efficacité du système d'attribution. Une partie des groupements ont insisté sur la nécessité de fonder le mode de répartition de la marchandise sur des critères aussi objectifs que possible, niais de prendre par exemple aussi en considération le volume des ventes de l'année précédente pour éviter le désordre. En revanche, les autres groupements, proches de l'union, n'ont pas approuvé le régime proposé.A leurs yeux, celui-ci ne tiendrait pas compte des possibilités de vente des maisons et constituerait un essai voilé de résoudre le problème de l'approvisionnement des grands commerces de distribution au détriment des autres maisons membres.

Les milieux
de l'industrie, comme ceux des salariés et des consommateurs ont approuvé l'idée de transférer plus tôt que ce n'est le cas sous le régime actuel, la propriété des fromages de l'organisme commun aux maisons faisant le commerce de gros. Toutefois, la plupart des cantons redoutent que la réglementation du marché ne s'en trouve compromise. Une participation accrue des grossistes aux risques du commerce entraînerait une taxation plus sévère du fromage; de ce fait le prix de base du lait subirait une pression. Les milieux proches de l'union s'opposent formellement à ce transfert anticipé de propriété, qui exposerait les maisons de commerce à des risques intolérables.

A peu près tous les cantons, de même que les groupements proches de l'agriculture et ceux du commerce et de l'artisanat ont rejeté tout aussi nettement la libération complète des prix de vente pratiqués par les sociétaires dans le pays et à l'étranger que la création d'une société coopérative de droit public.

Fiutile fédérait, 120e année. Vol. I.

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1074 Dans le pays, la libération des prix de vente aurait pour effet que les grandes maisons de distribution contraindraient les grossistes moins importants et les laiteries à écouler davantage de fromages étrangers en leur faisant une âpre concurrence dans ce domaine. Cette pression exercée sur les prix mettrait forcément en péril la garantie fournie à l'agriculture en matière de revenu. De nombreux avis insistent, à ce propos, sur les dangers auxquels seraient exposés les services de portage du lait de consommation à domicile. Dans le commerce d'exportation également, la libération des prix de vente ferait perdre aux acheteurs étrangers la marge qui leur est assurée et les obligerait par conséquent à assumer des risques encore plus grands que ceux que comporte le niveau élevé des prix du fromage suisse; cela provoquerait une régression des ventes et compromettrait l'avenir de débouchés péniblement conquis. L'idée d'une libération des prix a été défendue par les milieux de l'industrie et de salariés, ainsi que par les groupements de consommateurs. A leur avis, la revison des contingents aurait démontré que les maisons n'auraient pas observé les prix de vente imposés. Serait-il dès lors judicieux pour l'Etat d'établir, par le moyen de la cartellisation obligatoire, des prescriptions qui ne pourraient pas être appliquées? Des mesures d'ordre juridique ne permettraient guère d'arrêter une évolution qui mettrait fin au système des prix imposés au second échelon du commerce. D'après certains avis, il conviendrait néanmoins de conférer à l'organisme commun la compétence de prescrire des prix indicatifs. Les groupements de consommateurs également insistent avant tout sur les améliorations de structure qu'une libération des prix pourrait provoquer dans le commerce et peut-être même à l'échelon de la production.

Des avis divergents ont été exprimés au sujet de la proposition de conférer au comité de direction de l'organisme commun la compétence de fixer les principes de la commercialisation; il s'agirait en particulier des dispositions régissant les prix de cession échelonnés d'après la destination de la marchandise. Ce désaccord existe également en ce qui concerne les mesures d'assainissement à prendre sur les différents marchés d'exportation. Les partisans, ainsi que les adversaires qui voulaient
conserver ces attributions au conseil d'administration, se sont recrutés en nombre à peu près égal tant parmi les cantons que parmi les groupements économiques.

La proposition de libérer les maisons de commerce de leur obligation d'exporter de l'emmental a été approuvée par la plupart des milieux consultés.

Un seul canton a insisté sur l'extrême importance de la réglementation actuelle eu égard aux possibilités d'accroître les ventes à l'étranger et a proposé qu'elle soit étendue au gruyère. Les avis, à peu d'exceptions près, ont été favorables au maintien du régime du permis pour l'exportation du fromage.

La protection juridique telle qu'elle est définie dans le projet de la division de l'agriculture a soulevé une opposition plus ou moins forte suivant les intérêts en jeu. La loi ne ferait pas une distinction assez marquée entre les dispositions législatives, les dispositions d'exécution et celles qui concernent la juridiction. Il serait contestable que le projet ne prévoie qu'un contrôle de caractère

1075

purement administratif dans la plupart des domaines alors qu'il accorde aux autorités fédérales le droit illimité de donner des instructions et un droit étendu de prendre des ordonnances sur la matière. En revanche, on a accueilli favorablement la proposition de déroger à la procédure de recours ordinaire dans les litiges concernant la répartition de la marchandise, en corrélation avec le classement et la taxation, et de confier à une autorité spéciale le soin de trancher les recours. Seuls, les cantons, dans leur majorité, n'ont pu souscrire à cette réglementation; ils ont fait valoir, notamment en ce qui concerne les litiges relatifs à la répartition de la marchandise, qu'il s'agirait de questions dont l'étude relèverait objectivement d'un tribunal administratif.

VI. LE PROJET DE REVISION A. Considérations générales Nous avons déjà vu qu'un bon nombre de cantons et de groupements économiques consultés ont rejeté les points essentiels du projet de la division de l'agriculture du 20 avril 1967. C'est pourquoi nous avons examiné en détail, à la lumière des avis exprimés, les possibilités de porter malgré tout remède aux imperfections, décrites au début, de la réglementation du marché du fromage.

Notre projet tient compte autant que possible des divers avis donnés, Le projet soumis le 20 avril 1967 à l'appréciation des cantons et des groupements économiques permettrait en soi de mieux sauvegarder les intérêts de la Confédération en matière de commercialisation du fromage. Toutefois, eu égard aux résultats de la consultation, il n'y aurait, à notre avis, que peu de chance de voir les chambres accepter la réglementation fondée sur le droit public, que contient ce projet.

On proposait dans ce texte de transformer l'actuelle société double «union suisse du commerce de fromage S.A./convention fromagère suisse» en une société coopérative de droit public. Les avis exprimés obligent à y renoncer.

Aussi proposons-nous une solution qui se fonde sur le régime en vigueur.

L'organisme commun pourra ainsi subsister sous la forme d'une société double. Toutefois, il sera moins facile de sauvegarder les intérêts de la Confédération que si une société coopérative de droit public avait pu être créée.

Néanmoins, le présent projet offre des garanties suffisantes à cet égard dans les circonstances actuelles.

L'idée fondamentale du projet est de laisser autant que possible les intéressés organiser la commercialisation du fromage. Alors que, sous le régime actuel, les chambres et le Conseil fédéral doivent régler dans les moindres détails certaines questions, comme celles de la qualité de membre ou de la revision des contingents, la Confédération se bornera désormais à fixer quelques principes.

L'avantage est qu'on crée ainsi une réglementation pouvant être facilement adaptée à la situation du moment. Il est surtout indispensable que l'organisme

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,

commun puisse agir rapidement et selon les nécessités du commerce, et que les maisons de la branche jouissent de la plus grande liberté possible dans la mise en vente des fromages de l'union.

Il ne faut pas oublier, d'autre part, que la Confédération doit supporter la totalité des pertes résultant de la mise en valeur du fromage, car les prix de vente de la marchandise, notamment de celle qui est écoulée à l'étranger, ne couvriront pas non plus, à l'avenir, les frais de fabrication. Il y a lieu dès lors que la Confédération puisse, comme nous l'avons déjà dit, sauvegarder ses intérêts dans une mesure satisfaisante. Les autorités fédérales, on le sait, sont responsables d'une gestion parcimonieuse des deniers publics. De plus, on doit être assuré que les prescriptions de la Confédération sont correctement appliquées. Aussi importe-t-il que cette dernière puisse, à l'égard de l'organisme commun, exercer un droit de surveillance et de réglementation étendu pour tout ce qui concerne les tâches de droit public. Les statuts ou le contrat de société devront en outre être soumis à l'approbation du Conseil fédéral, de même que les prescriptions d'exécution relatives à l'acquisition et à la perte de la qualité de membre, et celles qui concernent l'attribution de marchandise. Le Conseil fédéral devra en · outre ratifier l'élection du président de l'organisme commun et de son comité de direction. Nous devons enfin pouvoir soumettre au régime de l'approbation d'autres questions d'une importance essentielle.

B. Buts de la réglementation L'article premier du projet de loi décrit les tâches dont doivent s'acquitter les intéressés, c'est-à-dire l'union centrale, l'union suisse des acheteurs de lait, l'union suisse des exportateurs de fromage et les grossistes en fromage. Ce sont pratiquement celles que leur a déjà confiées l'article 12 de l'arrêté sur le statut du lait. Les intéressés devront ainsi prendre toutes les dispositions appropriées pour assurer et régler l'approvisionnement du pays en fromage, maintenir et développer les ventes dans le pays et à l'étranger, à des prix correspondant autant que possible au prix de base du lait fixé par le Conseil fédéral, améliorer la qualité du fromage, ainsi que pour encourager la fabrication de spécialités de l'économie alpestre et en faciliter le placement. Pour
accomplir ces tâches, les associations et maisons de commerce doivent créer un organisme (art. 1er, 2e al.). Nous renvoyons, quant au reste, à nos considérations développées au chapitre III.

C, Statut juridique de l'organisme commun Nous avons déjà mentionné que la création d'une société coopérative de droit public n'entre pas en ligne de compte, vu le résultat de la procédure de consultation. Dans ces conditions, nous sommes d'avis que l'actuel statut de l'organisme commun peut être conservé. L'union demeurera donc une organisation fondée sur le droit privé. Actuellement, l'organisme commun est une société double groupant une société par actions et une société simple (union suisse du commerce de fromage S. A./convention fromagère suisse).

1077 II importe de relever que la constitution fédérale ne contient aucune disposition qui permette, compte tenu du statut de l'organisme, de contraindre les intéressés à accepter les tâches qui leur sont confiées. Rien ne permet toutefois de penser qu'ils ne seraient pas disposés à les remplir, d'autant que notre projet tient compte des principales objections qu'ils soulevèrent à l'époque contre le projet du 20 avril 1967 de la division de l'agriculture.

Nous avons déjà mentionné plusieurs fois que les intérêts de la Confédération doivent être sauvegardés lors même qu'on renonce à instituer une société coopérative de droit public. Cela est en particulier nécessaire parce qu'en vertu de l'article 3, 2e et 3e alinéas, du projet de loi, la Confédération doit supporter la part non couverte des dépenses qu'assumé l'organisme commun pour mettre en valeur le fromage des sortes obligatoirement livrables, y compris les frais d'administration et un intérêt équitable servi sur le capital social. La sauvegarde des intérêts de la Confédération revêt une importance d'autant plus grande que le projet de loi se borne à établir les principes de la nouvelle réglementation et laisse aux intéressés le soin de fixer les modalités de la réglementation du marché du fromage et la structure de l'organisme commun, en tant que la loi ne l'a pas déjà fait (art. 1er, 3e al.).

D'une façon générale, la sauvegarde des intérêts de la Confédération est assurée du fait que l'activité des intéressés et de l'organisme commun relative aux tâches de droit public qui leur sont confiées, est soumise à notre surveillance. Nous devons désigner des représentants qui sont chargés d'assister aux séances de l'organisme commun, d'y exercer un contrôle et de nous renseigner.

L'organisme commun doit, pour sa part, nous adresser chaque année un rapport d'activité et, sur demande, fournir à la délégation des finances et aux commissions des finances et de gestion des conseils législatifs tous les renseignements se rapportant à l'exécution de la présente loi (art. 35, 1er et 4e al., de l'arrêté sur le statut du lait en liaison avec les art. 8 et 17 du projet).

La surveillance de la Confédération est déjà réglée dans le sens préconisé par le projet. Le nouveau régime reconduira cette réglementation et améliorera même les modalités de cette
surveillance. Nos représentants auprès de l'organisme commun devront pouvoir faire opposition aux décisions que cet organisme prendra en application du régime, lorsque ces décisions sont contraires aux buts définis à l'article premier du projet de loi. Les décisions auxquelles il a été ainsi fait opposition ne lient ni la Confédération ni des tiers (art. 8). La procédure actuelle peut ainsi être sensiblement simplifiée; elle permettra notamment aux représentants des autorités fédérales de se prononcer sur les décisions de l'organisme commun au moment même où les décisions sont prises et non pas seulement après que nous aurons statué.

Au droit de surveillance étendu dont jouit la Confédération pour sauvegarder l'intérêt public doit nécessairement correspondre un droit tout aussi étendu de donner des instructions à l'organisme commun. Faute de ce pouvoir, le droit de surveillance de la Confédération serait illusoire. Aux termes de l'article 14a de l'arrêté sur le statut du lait, nous pouvons donner aux intéressés,

1078 dans les limites dudit arrêté, des instructions sur la manière d'appliquer les dispositions régissant le marché du fromage, tant pour en assurer l'exécution que pour les compléter. Ce qui est nouveau, c'est que les départements et divisions que nous aurons désignés doivent aussi être compétents en cette matière (art. 10). D'une part, il s'agit d'une simplification de la réglementation actuelle parce qu'il ne sera plus nécessaire de soumettre ces questions au Conseil fédéral; d'autre part, les instructions données à l'organisme commun pourront faire l'objet d'un recours si les conditions requises sont remplies (art. 12).

Si les représentants de la Confédération doivent s'opposer à une décision prise par l'organisme commun, ils motiveront leur avis. Les intéressés devront alors tenter de parvenir à une entente. Si cela n'est pas possible, l'office fédéral désigné en vertu de l'article 10 du projet de loi doit, dans le délai d'un mois à compter de l'opposition, édicter une prescription qui se substitue à la décision en cause, faute de quoi l'opposition est réputée retirée, et rien ne s'oppose plus à l'entrée en vigueur de ladite décision (art. 8, 3e al.). Cette réglementation permet d'éviter que des problèmes ne restent trop longtemps en suspens alors qu'ils devraient, selon les circonstances, être résolus dans un délai relativement bref. On doit notamment arriver ainsi à limiter an minimum les entraves que pourrait constituer le droit de réglementation de la Confédération pour l'activité commerciale de l'organisme commun.

Aux fins de sauvegarder l'intérêt public, nous estimons nécessaire, vu la conception retenue, que certaines décisions de l'organisme commun, qui revêtent une importance particulière, soient soumises à l'approbation de notre autorité, nonobstant le droit de surveillance et le droit de réglementation de la Confédération. Il s'agit avant tout de questions d'importance décisive pour le succès de la nouvelle réglementation du marché du fromage, mais aussi de problèmes qui, suivant la solution qui leur a été donnée, ont soulevé de fréquentes critiques dans le public. L'article 15 du projet de loi prévoit par conséquent, on l'a vu, que l'approbation de notre autorité est requise pour les statuts ou le contrat de société de l'organisme commun, pour les prescriptions d'exécution dudit
organisme qui concernent l'acquisition et la perte de la qualité de membre (art. 2), ainsi que l'attribution de marchandise (art. 5), comme pour l'élection du président et du comité de direction. Nous devons enfin pouvoir soumettre au régime de l'approbation d'autres questions d'une importance essentielle.

Pour terminer, nous relevons que la procédure décrite permet à notre avis de sauvegarder assez efficacement l'intérêt général en ce qui concerne l'exécution de la réglementation du marché du fromage, même si l'on renonce à créer une société coopérative de droit public. Nous rappelons cependant que nous nous réservons de proposer aux chambres de transformer l'organisme commun en une telle société si - contre toute attente - la solution proposée ne pouvait en fait donner satisfaction en raison du statut juridique de l'organisme.

1079

Au cours des travaux préliminaires, on a tenté de b'miter à un minimum les interventions de l'Etat. Aussi longtemps que la Confédération assumera les pertes de la mise en valeur du fromage, on ne pourra toutefois pas laisser l'organisme commun jouir d'une entière autonomie en matière de politique commerciale, qu'il s'agisse d'une institution de droit public ou de droit privé.

La Confédération doit en tout cas pouvoir influer, le cas échéant, sur l'activité commerciale de l'organisme commun. Notre projet tient compte de cette nécessité.

D. La qualité de membre

L'organisme commun sera composé comme jusqu'à maintenant des trois groupes déjà mentionnés : producteurs de lait, fromagers et marchands. Alors que les deux premiers représentent notamment les secteurs de la production fromagère, les maisons du commerce en gros s'occupent avant tout de la mise en valeur du fromage dans le pays et à l'étranger. L'importance juridique de la qualité de membre réside dans le fait qu'en règle générale seules les maisons associées peuvent obtenir du fromage des sortes de l'union. Toutefois, le groupe constitué par ces dernières n'est pas homogène. La plupart de ces maisons sont indépendantes des producteurs et des acheteurs de lait. Il en existe aussi d'autres appartenant à ces deux groupes économiques, qui les ont créées à l'époque pour prendre part au commerce dû fromage en gros.

Aujourd'hui, des coopératives d'achat, ainsi que des groupements de grandes maisons de distribution faisant le commerce du fromage en gros sont également membres de l'union. S'ils ont adhéré à l'union c'est non seulement en raison de l'intérêt direct procuré par la qualité de membre mais aussi, dans Une large mesure, pour pouvoir exercer un contrôle et se faire entendre au sein de l'organisme commun. Bien qu'ils s'occupent aussi d'exportation, ces groupements approvisionnent avant tout le marché intérieur; c'est pourquoi les commerces de gros proprement dits, notamment les maisons exportatrices, les considèrent comme des groupements étrangers à la branche. D'où la conclusion qu'ils ne devraient pas être membres de l'union.

Le nouveau régime ne doit pas, en soi, modifier les fonctions des maisons du commerce de fromage en gros. Toutes les maisons et associations qui remplissent les conditions requises auront accès à ce commerce. Les droits et les obligations seront à l'avenir les mêmes pour tous les associés.

Nous avons déjà vu que c'est lors de la revision de 1957 que le législateur a créé le principe de la porte ouverte sous certaines conditions pour la qualité de membre de l'union. Le droit qui en résulte d'être admis dans l'organisme commun est l'objet de critiques, notamment de la part de l'union. On objecte avant tout qu'elle devra accepter de nouveaux membres même si une commercialisation rationnelle ne l'exige nullement. Un nombre d'associés plus élevé obligerait à répartir un volume
égal de marchandise en unités plus petites, d'où frais supplémentaires de contrôle, de transport, etc. ; les livraisons globales, par exemple à l'industrie des fromages fondus, s'en trouveraient plus compii-

1080 quées et moins rationnelles. Enfin, comme l'union l'a maintes fois affirmé, le nombre des maisons membres serait manifestement trop grand même sans de nouvelles admissions, eu égard au mouvement de concentration amorcé par le commerce du fromage en gros sur les marchés étrangers.

Pour apprécier ces objections, il faut tenir compte du fait que les conditions régnant à l'époque interdisaient de maintenir en vigueur des règles d'admission restrictives, équivalant en pratique à l'institution d'un «numerus clausus».

Il fallait offrir aux nouvelles maisons l'occasion de prouver leurs capacités en matière de commerce du fromage en gros. Ces considérations sont toujours valables. En conséquence, seules les maisons actives et gérées de façon rationnelle doivent être admises dans l'union. De plus, l'admission de nouveaux membres ne doit pas être limitée par une clause du besoin, ce qui serait le cas si l'on se fondait sur les exigences du marché. Le marché étant conditionnellement fermé, les associés seraient en outre moins enclins à rationaliser le commerce du fromage.

A nos yeux, ces considérations plaident en faveur du maintien du principe de la porte ouverte sous certaines conditions dans la future réglementation.

Cependant, la qualité de membre ne doit, à notre avis, être accordée qu'aux candidats remplissant certaines conditions. Celles-ci devraient être en harmonie avec le but défini à l'article premier et permettre aux maisons gérées de façon rationnelle et appropriée de prétendre à la qualité d'associé. Le fait de les remplir donne le droit de devenir membre de l'organisme commun (art. 2).

L'article 2 du projet, en contraste avec l'article 12a de l'arrêté sur le statut du lait, se borne à definii- de façon générale les conditions que les maisons faisant le commerce du fromage en gros (maisons associées) doivent remplir pour être admises dans l'organisme commun. Celui-ci en fixe les détails dans des prescriptions qui sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral (art.

18, 2e al., lettre b). Pour empêcher que les prescriptions d'exécution ne permettent d'établir des distinctions entre les groupes d'associés, l'article 2 stipule que toutes les maisons membres doivent être traitées sur un pied d'égalité. H appartiendra à l'organisme commun d'examiner dans quelle mesure les conditions
d'admission codifiées dans l'article I2a de l'arrêté sur le statut du lait doivent être modifiées. Le régime des contingents étant supprimé, il n'y aura plus de risque de voir se créer des maisons satellites aux fins de disposer de plus de marchandise. Les conditions destinées à prévenir ce danger ne seront donc plus nécessaires.

Notre projet offre à chacun, donc aussi aux groupements centraux des grandes maisons de distribution et aux coopératives d'achat (appelés ci-après «grandes entreprises de distribution»), la possibilité de devenir membres de l'organisme commun, s'ils remplissent les conditions requises.

Les membres de l'organisme commun font des réserves contre ce principe.

Ils invoquent notamment la nécessité de sélectionner la marchandise destinée à l'exportation et celle de ne mettre à la disposition de ces groupements que des fromages du type vendu dans le pays. La prise en charge, par ces organisations,

1081 de lots entiers dans les fromageries, ou par le moyen de l'égalisation de la marchandise serait irrationnelle et présenterait, pour ledit organisme, des désavantages qui se traduiraient en définitive par un accroissement de ses pertes.

Nous comprenons la nécessité d'une pareille sélection, mais n'estimons pas moins que des raisons sérieuses commandent de traiter sur un pied d'égalité les grandes entreprises de distribution et les autres maisons membres. Comme dans de nombreux autres secteurs de l'économie suisse, plusieurs systèmes de vente s'affrontent aussi sur le marché intérieur du fromage. Etant donné que le système le plus rationnel s'imposera de lui-même sur le marché, il n'y a aucune raison de conserver à l'un ou à l'autre système de vente sa part actuelle du marché. Cette façon d'envisager les choses correspondra aussi le mieux, à longue échéance, aux buts de la réglementation du marché du fromage. Eu égard à la politique de libre concurrence, on ne saurait au demeurant défendre l'idée d'instituer, par des dispositions de droit public, une exclusion des grandes entreprises de distribution.

Cet état de choses nous amène à nous demander s'il ne serait pas possible, ainsi qu'on le souhaite, de sélectionner la marchandise destinée à l'exportation autrement qu'en dissociant les groupements des grandes maisons de distribution.

En étudiant cette question, nous avons tout d'abord constaté qu'aujourd'hui déjà, il n'est pas possible de procéder à cette sélection avec le maximum de garantie; c'est surtout le cas pour les petites maisons faisant le commerce de gros, comme aussi, en général, en période de pénurie de marchandise.

Nous ne savons pas, au demeurant, dans quelle mesure les groupements des grandes entreprises de distribution achèteront dorénavant la marchandise directement en fromagerie. Il se peut qu'ils continuent d'en choisir tout au moins une part auprès du commerce traditionnel de gros. En ce oas, le problème de la sélection de la marchandise se résoudrait de lui-même. Dans le cas contraire, c'est notamment en recourant davantage aux transferts volontaires qu'on pourrait, à notre avis, prévenir un mauvais acheminement de la marchandise.

L'organisme commun peut toutefois aussi tenir compte partiellement des exigences de la sélection lors de l'égalisation de la marchandise. A
noter enfin qu'il existe aujourd'hui déjà une grande entreprise de distribution dont le volume d'exportations dépasse sensiblement le minimum fixé dans la réglementation actuelle.

En bref, notre projet permettra à quiconque remplit les conditions requises, de devenir membre de l'organisme commun. Les maisons privées faisant le commerce du fromage en gros, les «grossistes indigènes», les fédérations laitières et les groupements des grandes entreprises de distribution seront traités à cet égard sur le même pied.

Le régime des contingents étant supprimé - nous reviendrons sur cette question au chapitre H. 3 -, il n'existe plus aucun danger de voir les associés créer de nouvelles maisons pour accroître leur attribution de marchandise.

L'interdiction de fusionner faite actuellement aux nouveaux membres peut donc

1082 être levée. Les associés pourront donc fusionner en tant que les dispositions régissant l'exclusion de membres ne leur sont pas applicables.

L'organisme commun doit exclure les associés qui ne remplissent plus les conditions. Jl lui incombera d'arrêter les modalités, les prescriptions d'exécution étant soumises à l'approbation des autorités fédérales (art. 1er, 3e al., en liaison avec l'art. 8, 2e al., lettre 6).

Les conditions liées à la qualité d'associé s'appliquent en principe aussi bien aux nouvelles qu'aux anciennes maisons membres de l'organisme commun.

Si ce principe entraînait des conséquences rigoureuses lors de l'entrée en vigueur du nouveau régime, l'organisme commun devrait en tenir compte dans ses prescriptions d'exécution.

E. .Financement

Nous avons déjà mentionné que la Confédération devra, à l'avenir aussi, supporter en principe la totalité des pertes de la mise en valeur du fromage, car les prix de Cession, notamment de la marchandise exportée, ne couvrent pas le coût de revient. Cela provient, d'une part, du fait que le niveau élevé du prix de base du lait et le prix de revient du fromage qui en résulte ne permettent pas de réaliser un bénéfice lors de la commercialisation de ce produit. D'autre part, l'arrêté sur le statut du lait donne la priorité à la fabrication du fromage (plan beurre/fromage) ; selon le principe établi, la fabrication du fromage doit encore passer pour rentable tant que les pertes qui en résultent sont plus faibles que celles qu'entraînerait la transformation de la même quantité de lait en beurre.

Les pertes causées par la mise en valeur des fromages de l'union sont couvertes par l'intermédiaire du compte laitier. L'union présente ainsi un compte d'exploitation équilibré. Elle ne le fait cependant qu'en compensant le déficit réel à l'aide de recettes désignées par les termes «reprise par le compte laitier».

L'union estime que ces déficits lui sont une charge, qui constitue aussi un désavantage du point de vue psychologique. Pour ces raisons, le comité de direction de l'union a proposé, en 1961, la solution qui suit: Du moment que nous préconisons la transformation de l'actuelle USF en une véritable entreprise commerciale, il faut se demander à quel prix cette entreprise achètera le fromage au producteur. Car un organisme préposé à l'écoulement d'une marchandise ne peut prétendre devenir une véritable entreprise commerciale oeuvrant comme telle, tant que la possibilité lui est refusée de réaliser une marge bénéficiaire ou tout au moins de vendre à des prix couvrant les dépenses. Autrement, l'organisme, obligé de recourir aux deniers publics, devient le point de mire et la cible de l'opinion publique, ce qui ne manque pas d'entraver son activité. Donc, l'entreprise devrait pouvoir acheter chaque sorte à un prix correspondant approximativement au résultat moyen des ventes. Les prix d'achat devraient être fixés d'avance pour chaque période budgétaire (un an ou six mois).

Mais avec ce système, il y aura forcément un écart entre le coût de la production, tel qu'il découle du prix du lait garanti par le Conseil
fédéral, et le prix payé par l'entreprise au producteur (prix de revient commercial). C'est pourquoi le tableau ..

prévoit un office central de compensation, qui pourrait relever soit de la Confédération soit de l'UCPL. Cet office ne doit pas être conçu comme une section de l'organisme commercial; mais son administration pourrait être confiée à cet organisme, pour plus

1083 de commodités. Si l'office de compensation devait recevoir encore d'autres attributions dans le domaine de l'économie laitière, alors il serait indiqué que sa section «fromage» soit gérée par l'organisme de vente, de façon séparée. En pareil cas, c'est à l'office de compensation, non plus à l'USF, qu'il incomberait de payer leur fromage aux fabricants, à un taux calculé en fonction du prix de revient tel qu'il découle du prix du lait.

L'organisme commercial, lui, n'aurait à payer que le montant fixé pour la prise en charge. La différence entre les deux prix serait provisoirement couverte par l'office de compensation, jusqu'à ce que la Confédération ou l'UCPL la prennent à leur charge, compte tenu du paiement ultérieur des centimes retenus sur le prix du lait.

Un exposé de l'union, daté du 6 juin 1965, a repris cette idée de créer un office central de compensation et de mettre à la charge du futur organisme commun le produit des ventes réalisable dans l'ensemble.

Après un examen approfondi de la question, nous avons conclu que ce système n'est pas applicable pour les raisons qui suivent.

La situation sur les marchés internationaux du fromage peut varier fortement, même dans un bref laps de temps. Cela se reflète dans les résultats financiers de l'organisme commun. 11 serait ainsi extrêmement difficile de donner, même pour une courte période, une estimation tant soit peu sûre de ce prix «moyen» de prise en charge qui est proposé. Aujourd'hui déjà, l'union établit chaque année un budget marchandise et un budget financier. Pour des raisons bien compréhensibles, les résultats des comptes s'écartent toujours sensiblement de ces budgets; dans des cas extrêmes, ces écarts sont même de l'ordre d'une dizaine de millions de francs.

Selon le degré de précision de ses prévisions budgétaires et en raison des fluctuations auxquelles les ventes sont soumises à brève échéance, l'organisme commun serait donc amené à faire des bénéfices ou des pertes plus ou moins grands. Ce système obligerait la Confédération à fournir à l'organisme commun d'importants moyens financiers, même si celui-ci faisait de grands bénéfices. Il faudrait en pareil cas s'attendre à de véhémentes critiques dans le public. Lorsque les pertes prendraient une certaine ampleur, les maisons associées et les parties à la convention ne seraient sans doute guère disposées à combler le déficit. Dans l'un et l'autre cas il n'y aurait pas moyen de se passer de l'intervention des pouvoirs publics.

Même si les gains ou les pertes devaient demeurer dans des proportions modestes, il serait néanmoins inadmissible que la Confédération verse des fonds à cet office central sans contrôler l'activité de l'organisme commun, comme elle l'a fait jusqu'ici. Nous n'aurions donc rien gagné sous ce rapport.

Nous sommes en conséquence d'avis qu'on ne peut en principe rien changer au système actuel de financement. L'organisme commun continuera d'enregistrer des déficits dus à la commercialisation des fromages des sortes obligatoirement livrables, non pas en raison d'insuffisances de ses organes, mais parce que ces déficits
sont une conséquence inéluctable de la fixation du prix du lait par les autorités. Le nouveau régime ne modifiera en rien le fait que la Confédération couvre la majeure partie de ces pertes par l'intermédiaire du compte laitier (art. 3,2e al.). Est réservée (art. 17) la participation des producteurs de lait aux

1084 pertes résultant de la mise en valeur des produits laitiers, fondée sur l'arrêté fédéral qui détermine les mesures d'ordre économique et financier applicables à l'économie laitière (actuellement l'arrêté fédéral d.u 16 juin 1966; RO 1966, 1387), Comme le fromage que l'union a l'obligation d'acheter doit être entreposé un certain temps jusqu'à sa revente, l'organisme commun supporte une charge d'intérêts bancaires relativement élevée. Le fait que, selon l'article 5, 2e alinéa, du projet de loi, la propriété de la marchandise passe plus tôt qu'autrefois de l'organisme commun à la maison associée n'y change en principe rien. Certains allégements sont déjà accordés à l'union, afin de limiter la charge d'intérêts dans toute la mesure possible. Ces allégements se limitent toutefois au versement d'avances, dans les limites des pertes à couvrir, et .excluent le paiement anticipé des dépenses occasionnées par le stockage. Bien qu'il en résulte une notable économie d'intérêts, le montant de ceux-ci a encore dépassé 1,8 million de francs au cours de l'exercice 1966/67. Pour réduire ces frais, le projet de loi prévoit à l'article 3, 2e alinéa, que la Confédération peut non seulement verser à l'organisme commun des avances, dans les limites des pertes présumées, mais aussi lui ouvrir un crédit d'exploitation approprié. De ce fait, cet organisme ne supportera dorénavant qu'une charge plus faible d'intérêts, notamment en ce qui concerne le financement du stockage, car le taux d'intérêt bancaire à payer pourra être quelque peu réduit, eu égard au taux plus faible que réclame la Confédération.

Les dépenses non couvertes, qui sont à la charge de la Confédération, comprennent les frais d'administration de l'organisme commun et un intérêt équitable, servi sur le capital social (art. 3, 3e al,). Malgré les pertes de l'organisme commun, le capital social portera donc à l'avenir un intérêt dont le taux devrait, à notre avis, se régler sur le coût moyen de l'argent qu'emprunté la Confédération.

Il serait contraire au bon sens que l'organisme commun doive acquitter à l'avenir des impôts, qui seraient à la charge de la Confédération. C'est pourquoi l'article 3, 4e alinéa, du projet de loi exonère l'organisme de tout impôt sur sa fortune et ses bénéfices éventuels, et soustrait les actions qu'il émet au droit de timbre
frappant l'émission de titres.

F. Obligation de livrer Les fromages des sortes dites de l'union doivent, comme on l'a vu, être livrés à celle-ci en vertu d'une obligation de droit privé, définie dans la convention fromagère suisse. Il s'agit des sortes suivantes : emmental, gruyère, spalen pour le couteau et autres fromages en meules et de montagne similaires, sbrinz (fromages à râper) et fromages en meules trois-quarts gras. Nous envisageons de fixer cette obligation dans des dispositions de droit public. Seuls les fabricants qui sont affiliés à une section de l'union centrale ou de l'union suisse des acheteurs de lait ayant été soumis jusqu'ici au régime de Ja livraison obli-

1.085 gatoire, il se peut que des sortes de fromage de l'union soient mises dans le commerce hors réglementation par des fromagers non affiliés. Ceux-ci profitent indirectement de ce régime, d'une part, en tirant parti des avantages qu'il offre et, d'autre part, en ne versant aucune prestation à la fédération intéressée.

Ce qui est important, c'est que les produits ainsi offerts risquent de perturber le marché, en particulier lorsqu'ils ne sont pas de qualité marchande. Il faut en outre éviter que des acheteurs occupant une forte position sur le marché ne se retirent de l'organisme commun et s'approvisionnent auprès de fromagers non affiliés. Il convient donc d'obliger à l'avenir par des dispositions de droit public, tous les fabricants - qu'ils soient fédérés ou non - à fournir à l'organisme commun tous les fromages des sortes obligatoirement livrables (art. 3, 1er al.).

En vertu de cette disposition il nous incombe de déterminer les sortes de fromage qui doivent être livrées à cet organisme et que celui-ci doit prendre en charge pour les mettre sur le marché. Il s'agit en premier lieu des sortes qui sont actuellement soumises au régime de la livraison obligatoire en vertu du droit privé. L'article 3, 1er alinéa, du projet est formulé de façon que d'autres sortes puissent être encore englobées dans l'assortiment de l'organisme commun, si cela se révèle opportun.

Nous avons déjà relevé ailleurs que la réserve locale et le contingent des fédérations (80 wagons prélevés sur leur propre fabrication) ne sont pas soumis à la livraison obligatoire. Il faut dès lors se demander si l'article 3, 1er alinéa, du projet maintient ces exceptions. A notre avis, cette question appelle une réponse affirmative parce que cette disposition ne dit rien quant au volume de fromage obligatoirement livrable. Il appartient du reste à l'organisme commun d'examiner si le système de la réserve locale doit subsister et, le cas échéant, s'il y a lieu de l'adapter aux circonstances. La réservé locale n'a en soi un sens que dans la mesure où le fromage est également écoulé dans le rayon d'approvisionnement des fromageries. Si cette marchandise est mise dans le commerce hors de ce rayon, le marché peut s'en trouver perturbé. Du point de vue de la qualité, on ne devra pas oublier qu'il incombe aujourd'hui au fromager de déterminer
les qualités qu'il voudra affecter à la réserve locale. Cela peut avoir pour conséquence que le fromage dont la qualité n'est pas conforme aux lois du marché sera vendu sur place au prix de détail normal, au heu d'être livré à l'industrie des fromages fondus. L'union devra donc trouver la solution garantissant que la qualité des produits destinés à la vente locale en stimulera le placement et ne produira pas l'effet contraire.

En ce qui concerne le contingent des fédérations, l'organisme commun aura aussi pour tâche d'examiner de manière approfondie si, eu égard à la suppression des contingents, des arguments objectifs plaident pour le maintien d'une réglementation spéciale favorisant les fédérations laitières.

Si la réglementation qu'établira l'organisme commun en matière de réserve locale et de contingents des fédérations allait à l'encontre des intérêts publics, les autorités fédérales auraient alors la possibilité d'intervenir en donnant des instructions (art. 10, 1er al.).

1086 G. Prise en charge du fromage L'organisme commun est tenu de prendre en charge les sortes de fromage qui doivent lui être livrées conformément aux dispositions de droit public (art.

3,1 eT al.). Cette prise en charge obligatoire, régie par le droit public, correspond nécessairement à l'obligation de livrer qui est, elle aussi, fondée sur le droit public.

Le soin de régler les modalités de la prise en charge est laissé à l'organisme commun sauf dans deux cas sur lesquels nous reviendrons. Cet organisme est donc libre de maintenir le système actuel ou de procéder, le cas échéant, aux modifications qui s'imposent. Jusqu'ici, le fromage était pris en charge ou «pesé» à la fromagerie. Cette activité comprend le pesage proprement dit et le classement des lots (fromage de premier, de deuxième - Ila/IIb - et de troisième choix). Les fromages sont ensuite transportés dans les caves des membres, où la commission de contrôle et de taxation vérifie le classement de la marchandise et taxe en même temps les fromages de premier choix. La maison qui a procédé au pesage supporte la différence de prix pour toute marchandise que la commission doit déclasser. Le résultat de la taxation détermine le montant de la prime de qualité.

Nous venons de parler de l'activité de la commission de contrôle et de taxation. Le classement de la marchandise et la taxation des fromages de premier choix revêtent une grande importance car ces opérations déterminent en partie les dépenses de la Confédération pour la mise en valeur du fromage. Au cours de ces dernières années, les primes de qualité payées aux producteurs de lait et aux fabricants de fromage d'après le résultat de la taxation ont dépassé 8 millions de francs par an. C'est pourquoi l'article 11, 4e alinéa, du projet prévoit, comme première exception, que les décisions de l'organisme commun concernant le contrôle du classement des fromages des sortes obligatoirement livrables ou leur taxation, peuvent être déférées à une commission de recours, que nous nommons après avoir entendu l'organisme commun, et qui décide en dernier ressort.

Deuxième exception : après avoir entendu l'organisme commun, nous fixons le prix de prise en charge du fromage des sortes obligatoirement livrables ou en déléguons la compétence audit organisme (art. 4). Actuellement, les prix de prise
en charge du fromage sont fixés par l'union centrale et approuvés par la division de l'agriculture. Mais, en fait, la décision appartient aujourd'hui déjà aux autorités fédérales; les modifications apportées à ces prix influant sur le montant des pertes de la mise en valeur du fromage, qui sont couvertes par la Confédération, celle-ci doit intervenir. Nous devons aussi avoir désormais en droit la compétence de fixer ces prix. Ils se calculeront d'après le prix de base du lait, le rendement technique en fromagerie et les prix des sous-produits, compte tenu d'une marge de fabrication équitable. Cette compétence nous donnera les moyens d'influer dans une notable mesure sur la production pour en orienter le cours.

1087 Nous avons vu que l'article 4 du projet doit nous donner la possibilité, pour nous décharger, de déléguer ladite compétence à l'organisme commun.

Cela n'entrera bien entendu en ligne de compte que si l'intérêt public est suffisamment sauvegardé. S'il était lésé par la fixation du prix de prise en charge, le service compétent de l'administration fédérale devrait faire usage de son droit de donner des instructions (art. 10).

. Nous avons déjà relevé à maintes reprises que les sociétés, producteurs et acheteurs de lait non fédérés seront désormais tenus, eux aussi, de remettre à l'organisme commun le fromage des sortes obligatoirement livrables qu'ils fabriquent. Doivent-ils en obtenir le prix de prise en charge entier ? Nous estimoins que ces prix peuvent varier selon que le fournisseur est fédéré ou non; en fin de compte, toutefois, la différence doit être inférieure au montant de la cotisation que les sociétés, producteurs oa acheteurs de lait organisés versent à leur fédération. De cette façon, les avantages et les charges s'équilibreront d'une part entre fédérés et non fédérés; d'autre part, le fait que les membres de l'union centrale et de l'union suisse des acheteurs de lait tirent de leur affiliation des avantages qui ne sont pas en relation immédiate avec la réglementation du marché du fromage est aussi pris en considération. L'adhésion à une fédération de producteurs ou d'acheteurs de lait n'est toutefois pas requise.

Ajoutons que dans le système actuel, régi par le droit privé, les prix de prise en charge sont déjà différenciés dans une certaine mesure selon que le fournisseur est fédéré ou non.

La question de la prise en charge du fromage en soulève une autre : la limitation de l'achat en fromagerie au sens de l'article \2g de l'arrêté sur le statut du lait doit-elle être maintenue? Aux termes de cette disposition, un associé ne peut acquérir de nouvelles productions de fromageries lorsque celles dont il s'est déjà assuré la fourniture par contrat atteignent la quantité à laquelle son contingent lui donne droit, augmentée de 20 pour cent. Pour les maisons dont le contingent ne dépasse pas 3000 quintaux, le supplément prévu s'élève à 30 pour cent. A notre avis, il faut laisser à l'organisme commun le soin de décider si de justes motifs justifient le maintien de cette limitation. De
toute façon, on devrait tenir compte du faite que - comme nous le verrons plus loin - le système de la répartition du fromage entre les associés d'après leurs contingents sera abandonné. L'organisme commun devra en outre examiner si le maintien du système actuel de la protection à l'achat en fromagerie s'impose. On entend par là des dispositions contractuelles de l'organisme commun interdisant, sous certaines conditions, à une maison d'acquérir la production d'une fromagerie pesée jusqu'ici par une autre maison de commerce.

H, Répartition de la marchandise 1, Inlruductlun

Aujourd'hui, la production fromagère prise en charge par l'union est répartie entre les associés sur la base de leurs contingents individuels. Alors que ces

1088 contingents sont restés pratiquement inchangés durant des années, ils sont par principe soumis à des revisions périodiques depuis que la réglementation du marché du fromage a été modifiée en 1957. Les inconvénients de ce système ont déjà été exposés dans leurs grandes lignes au chapitre IV. C. 4. a. 11 convient d'examiner comment ils peuvent être supprimés, 2. Solutions envisagées II s'est agi en premier lieu de déterminer s'il importe de conserver le système actuel de répartition de la marchandise ou s'il est nécessaire de recourir à de nouvelles méthodes. Comme autres systèmes de répartition de la marchandise on pourrait concevoir les solutions suivantes: a. Libération complète du commerce du fromage L'idée d'une telle libération est concevable, mais elle impliquerait un contrôle général de la qualité. Sous un tel régime, les producteurs de lait de fromagerie prétendraient aussi obtenir le prix de base fixé par nous. La différence entre ce prix et le produit des ventes de fromage devrait alors être comblée par des subventions fédérales. Un tel système présenterait de grands risques et exigerait, selon toute probabilité, le versement de prestations plus élevées encore que sous la réglementation actuelle. Il ne peut donc pas être question de l'appliquer.

b. Système du « Veiling» . Selon ce système, la production fromagère devrait être acquise par un organisme commun, offerte à des bourses du fromage, puis vendue aux enchères.

La qualité du fromage pouvant varier assez sensiblement selon les meules, il serait très difficile de préparer les lots homogènes qu'exigé ce genre de vente.

C'est pour le sbrinz que ce système conviendrait le mieux. Pour les autres sortes de fromage, le sondage fréquent des meules entraînerait une dépréciation de la marchandise. Les frais de transport seraient aussi plus élevés que sous le régime actuel. Ce système n'est pas judicieux et, à notre connaissance, n'est appliqué à la commercialisation du fromage dans aucun pays étranger.

c. Système de l'achat centralisé et de la vente individuelle Acheté par un organisme central ou, sur son ordre, par des maisons spécialisées, le fromage serait revendu au commerce de gros. Certains inconvénients mis à part, ce système présenterait des avantages marquants (rationalisation de l'achat, prise en charge plus uniforme, et peut-être aussi meilleure vue d'ensemble de la marchandise). A notre avis, on peut aussi obtenir ces avantages d'une autre façon.

1089

d. Système de l'achat et de la vente centralisés Ce système, centralisateur à l'extrême, présente en ce qui concerne l'achat les avantages de celui qui est décrit sous lettre c. Quant à la vente centralisée, son principal avantage est que l'offre de fromage suisse ne passerait que par un seul organisme dont la position serait sensiblement plus forte sur le marché.

En revanche, la relative lenteur avec laquelle travaillerait un tel organisme central serait préjudiciable. Il est très difficile de prévoir si les pertes résultant de la mise en valeur pourraient être réduites de la sorte. Il est vrai que le système de l'achat et de la vente centralisés pourrait, à la rigueur, entrer en ligne de compte. Mais nous sommes d'avis qu'en raison des désavantages mentionnés, il n'est pas indiqué de s'engager sur cette voie, tout au moins pour le moment. D'autres solutions permettraient, selon nous, d'obtenir les avantages de ce système centralisateur sans qu'il faille en supporter les inconvénients.

e. Répartition de la marchandise à l'aide d'une réserve Aucun des systèmes décrits ci-dessus ne pouvant, selon nous, remplacer avantageusement le régime actuel de répartition de la marchandise, il convenait de rechercher des solutions permettant d'en éliminer les insuffisances. Cette remarque nous amène à préciser l'idée d'une réserve de marchandise, déjà discutée autrefois, et à examiner si elle est réalisable.

La répartition de marchandise à l'aide d'une réserve se caractérise comme il suit: Une partie de la marchandise disponible est répartie en fonction des contingents en vigueur (attribution de base); cette part peut rester constante ou diminuer au cours du temps. Le solde de la marchandise, appelé réserve, est réparti entre les associés, indépendamment des contingents; les critères qui déterminent cette répartition revêtent une grande importance. On peut par exemple se fonder sur les demandes des associés ou prendre comme critère l'importance des caves dont dispose la maison membre. La demande peut aussi être déterminée par le prix de la marchandise de la réserve.

Nous avons mentionné que, dans un tel système, l'attribution de base peut être réglée de façon à perdre progressivement de son importance. Si elle était entièrement supprimée, les contingents disparaîtraient et la marchandise ne serait plus
répartie que selon le système de l'offre et de la demande.

Nous ajoutons encore qu'au cours de leurs sessions d'automne et d'hiver 1966, les chambres ont aussi examiné, lors des débats relatifs à l'ajournement de la revision des contingents de 1966, le problème de la répartition de la marchandise. Le 16 septembre 1966, l'union avait proposé d'abandonner complètement le système des contingents en vigueur, avec effet immédiat (cf. lettre/ci-après).

Cette proposition fut reprise par la minorité de la commission du Conseil national chargée d'examiner le projet d'ajournement de la revision des contingents. En revanche, notre représentant, suivi par la majorité de ladite commission, avait proposé d'instituer, dans l'attente de la nouvelle réglementation du marché du fromage, une réserve de marchandise dans le sens indiqué ci-dessus.

Feuille fédérale, lîû< aimÊc. Vol. I.

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1090 Aucune dés deux propositions ne parvint toutefois à s'imposer. Le Conseil national préféra tout d'abord, par 82 voix contre 45, la proposition de notre représentant à celle de la minorité de sa commission, pour suivre ensuite, par 60 voix contre 58, le Conseil des Etats, qui avait pris la décision d'ajourner la revision des contingents, mais de renoncer à instituer la réserve de marchandise proposée.

Puisque l'union estime possible de renoncer au système des contingents, nous avons abandonné la proposition mentionnée plus haut, pour lui substituer un projet de répartition sans quotes-parts (cf. chiffre 3 ci-après).

/. Proposition du 16 septembre 1966 de l'union Le 16 septembre 1966, on l'a vu, l'union a proposé de répartir la marchandise selon un mode qui aurait supprimé d'emblée le régime actuel des contingents. La marchandise serait répartie quatre fois par an sur la base du résultat des ventes du trimestre correspondant de l'année précédente, et non plus en fonction des contingents comme jusqu'à présent. Chaque maison membre aurait en principe la possibilité, sous certaines conditions, de recevoir un volume de marchandise dépassant de 20 pour cent au plus celui qui a été vendu lors du trimestre de référence.

Selon les explications de l'union, chaque maison de commerce aurait droit à de la marchandise, si elle remplit les conditions suivantes : 1. Avoir satisfait à ses obligations financières; 2. Donner la garantie que la marchandise sera encavée et soignée selon les règles; 3. N'avoir pas des stocks si élevés que des doutes sont permis quant aux possibilités d'écoulement; 4. Ne pas avoir un comportement qui mette en danger l'écoulement général, certains marchés ou les intérêts généraux; 5. Avoir une clientèle.

De l'avis de l'union, il sera possible ainsi de déterminer d'une manière précise le volume de marchandise que l'associé peut vendre au cours de la période correspondant à la répartition et par conséquent l'attribution de marchandise.

Constatons tout d'abord qu'il faut renoncer aux contingents et passer à un mode de répartition plus souple. Un examen approfondi de la question montre cependant qu'outre cet aspect positif il en est d'autres, qui sont fort problématiques. Ainsi, on manque de critères permettant de procéder de manière objective et neutre à la répartition de la
marchandise. Quand, par exemple, doit-on avoir des doutes quant aux possibilités d'une maison de commercialiser la marchandise en stock? Quand existe-t-il des faits donnant à penser qu'une maison met en péril l'écoulement du fromage dans son ensemble, certains marchés, ou l'intérêt général? Quand peut-on dire qu'une maison a une clientèle? Les conditions sont définies d'une manière qui laisse une grande liberté

1091 d'appréciation à l'union. Mais il est aussi possible que l'application de ces conditions conduise à répartir la marchandise comme s'il subsistait des contingents rigides, ce qui ne peut être accepté du point de vue de l'intérêt général.

Il ne faut au reste pas perdre de vue que des intérêts divergents s'affrontent au sein de l'union. Enfin, si, dans un domaine aussi important que la répartition de la marchandise, on laisse un champ assez large à l'appréciation, faute de critères objectifs, le contrôle des décisions de l'union par une autorité de recours devient très difficile. En ce cas, la protection juridique des associés n'est plus assurée, ce qui n'est pas non plus dans l'intérêt de l'union.

Dans ces conditions, nous ne pensons pas pouvoir prendre la responsabilité de donner suite au projet de l'union et d'en recommander la réalisation. Nous inspirant de nos projets antérieurs, nous avons toutefois mis au point un nouveau système de répartition, qui tient largement compte des désirs de l'union. Ce système est décrit dans la suite du présent rapport.

Par souci de précision, nous rappelons encore que le Conseil national, lors des débats relatifs au projet d'ajournement de la revision des contingents de 1966, qui eurent lieu lors de la session de décembre 1966, a repoussé une proposition tendant à la réalisation immédiate du projet de l'union.

3. Répartition, sans contingents, de la marchandise (proposition) a. Considérations générales Comme on l'a dit, on renoncera à appliquer le système actuel des contingents dès l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation. Le fromage sera réparti séparément selon les diverses sortes obligatoirement livrables, d'une part selon les demandes d'attribution des associés, et, d'autre part, selon le volume de marchandise disponible (art. 5,1er al.). La répartition aura donc en principe lieu selon l'offre et la demande. Si la demande est supérieure au volume de marchandise disponible, la répartition se fera évidemment dans une mesure réduite; dans le cas inverse, le comité de direction de l'organisme commun peut attribuer les excédents aux maisons associées, ou les commercialiser lui-même (art. 5, 4e al.). Le régime de la répartition sans contingents innove donc en ce sens que le comité de direction de l'organisme commun est libre d'attribuer la marchandise
excédentaire aux maisons associées, en sus des quantités demandées, ou de la commercialiser lui-même s'il estime cette voie plus judicieuse.

Lé soin de fixer les modalités de la répartition est laissé à l'organisme commun, contrairement à ce qui est le cas aujourd'hui. Cet organisme peut, dans les limites d'une exécution judicieuse du mandat qui lui est confié par l'article premier, subordonner l'attribution de marchandise à des conditions qui doivent se justifier sur le plan technique et ne pas entraver le développement des maisons associées (art. 5, 1" al.). Ces conditions complémentaires doivent donc être conçues de façon telle que le système de répartition conserve sa souplesse, et que les besoins des maisons associées soient respectés, dans la mesure du possible.

Eu égard à la protection juridique dont jouissent ces dernières, les conditions ne

1092 doivent pas laisser trop de champ à l'appréciation. Il serait par exemple concevable que l'organisme commun subordonne l'attribution de marchandise à la condition que la maison associée dispose d'un volume suffisant de caves appropriées. Le système d'attribution de marchandise doit être conçu de manière à stimuler l'esprit d'initiative et à développer la capacité de concurrence des maisons membres. Les conditions complémentaires d'attribution établies par l'organisme commun ne devraient donc pas avoir pour effet de créer une situation semblable à celle qui résulte d'un régime rigide de contingents. Si tel était le cas, nous devrions refuser d'approuver les prescriptions d'exécution. Aux termes de l'article 18, 2e alinéa, lettre b, du projet de loi, ces dispositions sont en effet soumises à l'approbation dé notre autorité.

Il appartiendra à l'organisme commun d'examiner si la répartition aux membres doit comprendre toute la production pesée de fromages des sortes obligatoirement livrables (y compris la marchandise pour la fonte, et la marchandise de second et de troisième choix) ou, au contraire, si le second choix, qui est livré à l'industrie des fromages fondus, doit par exemple en être exclu.

b. Egalisation de la répartition de marchandise La quantité de marchandise pesée en fromagerie par un membre ne correspond en général pas à celle qui lui est attribuée. Voilà pourquoi on applique le système de l'égalisation obligatoire de la marchandise selon lequel toute maison qui a trop pris de fromage en charge, par rapport à son attribution, est tenue de céder le surplus à celles qui n'ont pu s'en procurer suffisamment. Il appartiendra à l'organisme commun de décider si cette réglementation doit éventuellement être modifiée. Ce qui importe, c'est que l'égalisation de la marchandise n'occasionne pas des frais de transport inutiles.

c. Transmission de la propriété de la marchandise, de l'organisme commun à la maison membre Actuellement, la propriété de la marchandise ne passe à la maison membre qu'au moment où l'union accepte le bulletin vert, c'est-à-dire lorsque le fromage quitte les caves de l'associé pour être livré au client suisse ou étranger.

Les changements de qualité survenus entre le moment de la pesée en fromagerie et celui de la vente sont en conséquence pour une bonne part à la charge
de l'union. Cette solution ne donne pas satisfaction. Il s'agit donc d'en rechercher une autre, qui fasse supporter davantage aux commerces les risques de détérioration de la qualité. Cette solution doit permettre d'éviter que la qualité d'un lot déterminé de marchandise ne se détériore par suite d'un effort commercial insuffisant d'une maison associée, et que la commercialisation ne soit mise en péril.

Mais il ne faut pas perdre de vue que la qualité du fromage entreposé peut se dégrader, sans que la maison associée en soit responsable.

Le projet du 20 avril 1967 de la division de l'agriculture envisageait, on le sait, de faire passer la propriété de la marchandise à la maison associée dès

1093 l'instant où celle-ci la prend en charge. En outre, ces maisons devaient être tenues d'accepter une attribution de la marchandise excédant la totalité des besoins annoncés. Lors de la procédure de consultation, ces propositions furent repoussees, car on les considéra comme inacceptables pour les maisons associées. Le présent projet tient compte de cette objection, en ce sens que la maison associée ne devient propriétaire du fromage qu'à l'expiration d'un certain délai après la prise en charge, délai dont la durée est fixée par l'organisme commun (art. 5, 2e al.). Par rapport au régime actuel, les maisons associées devront donc assumer une plus grande partie des risques, mais n'auront pas à supporter celui qui peut résulter d'une détérioration de la qualité du fromage stocké,dont elles ne porteraient pas la responsabilité. De l'avis des spécialistes, ces détériorations de qualité peuvent être décelées relativement tôt après la prise en charge, tout au moins en ce qui concerne l'emmental et le gruyère. L'union a laissé entendre qu'il serait possible de fixer la durée du délai à 4 à 5 semaines pour l'emmental, 7 à 8 pour le gruyère, mais entre 10 et 12 mois en revanche dans le cas du sbrinz. Nous n'avons pas à nous prononcer ici à ce sujet. Il appartiendra à l'organisme commun de fixer des délais convenables en matière de transfert de la propriété de la marchandise. Selon l'article 15, 2e alinéa, du projet de loi, les prescriptions y relatives devront nous être soumises pour approbation. Nous serons ainsi assurés que le transfert de la propriété aura lieu à temps, dans l'intérêt des finances fédérales.

La maison associée est assujettie à l'obligation de payer à l'organisme commun des dommages-intérêts pour toute moins-value qui lui est imputable entre le moment où elle a pris la marchandise en charge et celui où elle en devient propriétaire.

Dès l'instant où la maison associée est devenue propriétaire de la marchandise, il n'est plus nécessaire, contrairement au régime actuel, d'avoir des prescriptions spéciales sur les transferts obligatoires. Nous reviendrons encore sur ce point. Les possibilités de commercialisation devraient cependant être utilisées au maximum avant l'expiration du délai mentionné ci-dessus. Lorsqu'une maison associée a en cave certains lots de froniage qu'une autre maison
pourrait placer immédiatement et de façon judicieuse, il serait par exemple souhaitable que cette dernière puisse disposer de la marchandise. L'article 5, 3° alinéa, du projet de loi tient compte de cette exigence. Si l'organisme commun a besoin de marchandise avant l'expiration du délai fixé selon l'article 5, 2e alinéa, et qu'une maison associée refuse de la lui céder, cette dernière en devient propriétaire dès l'instant du refus. L'organisme commun ne commercialiserait toutefois pas lui-même la marchandise, mais se bornerait à la remettre à une autre maison en mesure d'en faire un usage judicieux. On peut concevoir que l'organisme commun charge un inspecteur de procéder exclusivement au contrôle des stocks, afin d'assurer une commercialisation aussi rationnelle que possible.

L'avancement de la date du transfert de la propriété soulève aussi le problème du prix auquel l'organisme commun doit céder la marchandise. Comme on

1094

sait, les prix de cession seront différenciés selon le pays auquel la marchandise est destinée. La destination du fromage n'est toutefois pas encore connue au moment où la maison associée devient propriétaire de la marchandise. Le prix de cession définitif ne pourra en conséquence être payé que lorsque la revente aura eu lieu. Afin que l'organisme commun puisse exercer un contrôle des ventes, il devrait pouvoir exiger que celles-ci lui soient annoncées, et faire contrôler les stocks par ses organes. Il faut cependant rappeler qu'il n'aura plus le droit de disposer de la marchandise lorsque la maison associée en sera devenue propriétaire. En ce qui concerne le moment du paiement de la marchandise par les maisons à l'organisme commun, on pourrait exiger qu'un acompte soit versé lorsque le fromage change de propriétaire et que le règlement définitif ait lieu au moment de la revente. Il appartiendra à l'organisme commun de régler les détails. Pour ce qui a trait aux prix de cession, il tiendra notamment compte de la qualité de la marchandise au moment du transfert de la propriété.

J. Transferts volontaires et transferts obligatoires de marchandise Contrairement à ce qui se passe sous le régime actuel, aucune disposition relative aux transferts volontaires n'est plus nécessaire. Certes, la suppression de l'obligation d'exporter, la meilleure répartition du travail qui en résulte, ainsi que l'accroissement de la proportion de marchandise faisant l'objet de l'égalisation obligatoire qui découle du système proposé exigent une plus forte compensation sur le plan de la qualité. C'est pourquoi les transferts volontaires gagneront plutôt en importance. Les effets négatifs constatés antérieurement devraient toutefois être supprimés par le nouveau mode de répartition de la marchandise. Dans ces conditions, les transferts volontaires se ramèneront d'eux-mêmes aux proportions requises, et assureront la compensation nécessaire sur le plan de la qualité. L'organisme commun peut notamment jouer la fonction d'intermédiaire pour les transferts de marchandise.

Du fait du passage plus rapide de la propriété de la marchandise de l'organisme commun aux maisons associées, celles-ci participeront plus directement aux pertes subies par la qualité. L'organisme commun n'a plus aucun intérêt à pouvoir disposer de la marchandise
lorsqu'il n'en est plus propriétaire, car les pertes dues à la détérioration de la qualité sont à la charge des maisons associées.

Des transferts obligatoires de marchandise ne seront donc désormais possibles qu'avant le passage de la propriété à la maison associée; l'organisme commun devra établir les modalités d'application.

K. Commercialisation /. Dans le pays Les explications du chapitre IV. C. 5, mettent en évidence le caractère extrêmement complexe de la réglementation actuelle du marché indigène. Dans

1095 le pays, le fromage peut parvenir aux consommateurs par différentes voies. Sous le régime actuel, le front de défense des prix court entre le commerce de détail et celui de gros (maisons affiliées à l'union et grossistes indigènes), le paiement d'une seconde marge du commerce de gros étant prévu pour le fromage mis sur le marché par l'intermédiaire des «ristourniez». Cette réglementation a eu pour effet de maintenir des voies d'écoulement et des structures commerciales irrationnelles. C'est pourquoi le projet de la division de l'agriculture du 20 avril 1967 proposait de s'écarter des prix de vente actuellement obligatoires pratiqués par les maisons membres ou les grossistes indigènes. Il était envisagé de ramener en arrière le front de défense des prix, pour le faire passer entre l'organisme commun et ses membres, l'idée étant de préparer ainsi la voie à une réforme de structure, demandée depuis longtemps aussi bien à l'échelon des associés qu'à celui des grossistes indigènes. Les associés ont toutefois rejeté cette solution, alléguant que l'absence d'un front de défense des prix entre le commerce de gros et les détaillants aurait pour effet de comprimer les marges tout en faisant croître rapidement l'intérêt du commerce pour les fromages étrangers meilleur marché, qui laissent aujourd'hui déjà des marges très favorables.

Ainsi que nous l'avons déjà relevé, les résultats de la consultation nous permettent de conclure à la nécessité de n'insérer dans la loi que les éléments de la réglementation du marché du fromage. Cela s'applique également à la commercialisation dans le pays. Selon l'article 6 du projet, le président et le comité de direction de l'organisme commun établissent, après avoir entendu les intéressés, les bases de la commercialisation conformément au but de ladite réglementation; ils fixent notamment les prix de cession aux maisons associées. Il leur incombera de suivre l'évolution des prix et celle de l'offre et de la demande; ils détermineront si le maintien du système des prix fixes se justifie ou s'il faut lui en substituer un autre. Il se pourrait que l'évolution de la situation ne permette plus d'appliquer le système dit des prix imposés au second échelon du commerce. A cet égard, la loi sur les cartels demeure bien entendu réservée. Le projet de loi ne précise pas si les
dispositions sur les cartels autorisent l'application du système des prix fixes. Le président et le comité de direction de l'organisme commun devront, en vertu de ces dispositions, examiner s'il y a lieu d'apporter des modifications fondamentales au régime actuel pour tenir compte d'un besoin de rationalisation. Nous pensons en particulier à l'aménagement des relations avec les grossistes indigènes.

2. Commercialisation du fromage à l'étranger a. Principes de la commercialisation Les prix fixés par l'union selon les sortes, les pays de destination et la qualité sont valables pour ses membres. Des battements vers le haut ou vers le bas sont interdits (cf. art. 47 de la convention fromagère suisse). Pour les mêmes raisons qui ont déjà été exposées au sujet de la commercialisation du fromage à l'intérieur du pays, le projet de la division de l'agriculture du 20 avril 1967 envisageait de faire passer le front de défense des prix à l'exportation entre l'organisme

1096 commun et ses membres et non plus, comme jusqu'ici, entre ces derniers et les acheteurs étrangers. Le résultat négatif de la consultation nous a incités à ne plus faire figurer cette disposition dans le projet de loi. Le président et le comité de direction de l'organisme commun doivent, pour l'exportation comme pour les ventes à l'intérieur du pays, avoir la compétence d'établir, en accord avec les intéressés, les principes de la commercialisation en tenant compte des objectifs de la réglementation du marché du fromage; ils pourront, en particulier, fixer les prix de cession de la marchandise aux maisons associées (art. 6).

L'évolution de la situation montrera si le système des prix fixes peut être maintenu ou s'il est nécessaire d'adopter celui de prix de revente libres. Dans le domaine de l'exportation également, l'article 10 confère au service fédéral compétent le droit d'arrêter les instructions nécessaires si - contre toute attente l'organisme commun adopte une solution contraire à l'intérêt général.

b. Permis d'exportation L'article 13 de l'arrêté sur le statut du lait soumet l'exportation du fromage à un permis délivré par la division de l'agriculture. Les expériences faites dans ce domaine et en particulier les complications d'ordre administratif qui en résultent ont montré qu'il serait plus opportun de n'instituer un tel régime que dans les cas de nécessité, notamment si le marché intérieur ne pouvait plus être approvisionné en fromages suisses de bonne qualité. On conçoit en outre qu'eu égard au bon renom de nos produits à l'étranger, la qualité du fromage destiné à l'exportation exige un contrôle au moment de l'expédition. C'est pourquoi nous pensons qu'au heu d'instituer d'emblée une obligation de solliciter un permis d'exportation, il nous suffirait d'avoir la possibilité de soumettre l'exportation de fromage à une telle autorisation. Nous aurions en même temps à fixer les conditions auxquelles le permis serait délivré (art. 7). On pourrait ainsi éviter le régime de l'autorisation aux époques où il n'est pas absolument nécessaire.

c. Obligation d'exporter du fromage L'obligation d'exporter du fromage d'Emmental imposée aux membres de l'union s'expliquait par le fait qu'une partie importante de notre production de fromages obligatoirement livrables doit être vendue à l'étranger. Nous
n'estimons plus indispensable de maintenir en vigueur cette prescription, qui est une cause de trouble sur le marché et risque d'entraver la répartition des tâches entre les grossistes. Il s'agit de laisser intégralement aux maisons de commerce le soin de décider si elles veulent écouler leur marchandise dans le pays ou à l'étranger. Cela permettra d'assurer la mise en valeur des diverses sortes et qualités de fromage aux conditions les plus favorables.

L. Considérations relatives au projet de loi Le préambule énumère les dispositions de la constitution sur lesquelles se fonde le projet. Nous y reviendrons dans le chapitre M qui traite de la constitutionnalité.

1097 Le projet revêt la forme d'une loi soumise au referendum, alors que le régime actuel fait partie intégrante de l'arrêté sur le statut du lait, qui est un texte législatif de l'Assemblée fédérale, non soumis au referendum selon l'article 7 de la loi sur les rapports entre les conseils. En raison des dispositions assurant une protection juridique, concernant le service de l'intérêt du capital social de l'organisme commun, ainsi que celles relatives au transfert de la propriété, le projet doit nécessairement revêtir la forme d'une loi.

L'article premier, comme l'article 12 de l'arrêté sur Je statut du lait en vigueur, définit les tâches qui doivent être confiées aux organisations et maisons intéressées. On a renoncé à reprendre la disposition de l'article 12, 2e alinéa, de ce même arrêté, qui autorise les associations à imposer à leurs sections les obligations découlant des tâches qui leur sont confiées. Elle est déjà contenue dans l'article 35, 2e alinéa, de ce texte législatif, et demeure applicable au marché du fromage en vertu de l'article 17 du projet de loi. Le 3e alinéa de l'article premier du projet revêt une grande importance; il laisse aux intéressés le soin d'établir les modalités de la réglementation du marché du fromage et de déterminer la structure de l'organisme commun, dans la mesure où la loi n'en dispose pas autrement. La Confédération ne peut donc plus régler les détails que si la loi l'en charge; le droit de réglementation institue à l'article 10 du projet est réservé.

Les intéressés auront ainsi à établir les modalités d'application du nouveau régime, dans les limites de la loi. De ce fait, il faut veiller à ce que l'intérêt public soit sauvegardé, notamment parce que la Confédération assumera, comme aujourd'hui déjà, la part non couverte des dépenses d'écoulement et les frais d'administration de l'organisme commun (art. 3, 2e et 3e al.). C'est pourquoi l'activité de cet organisme est soumise à la surveillance de la Confédération (art. 35 de l'arrêté sur le statut du lait en corrélation avec les art. 8 et 17 du projet). De plus, aux termes de l'article 10,1cr alinéa, du projet, les départements et divisions qu'il nous incombe de désigner peuvent, comme on l'a vu, donner des instructions à l'organisme commun quant à l'exécution des tâches qui lui sont confiées en vertu de
l'article premier. En outre, le Conseil fédéral doit approuver les statuts ou le contrat de société, comme l'élection du président et du comité de direction de l'organisme commun (art. 18, 2e al., lettres a et c).

Nous pouvons enfin soumettre au régime de l'approbation d'autres questions essentielles (art. 18, 3e al.).

\Jarticle 2 décrit, de façon générale, les conditions auxquelles doivent satisfaire les maisons de commerce pour pouvoir être admises dans l'organisme commun. Nous avons consciemment renoncé à les énumérer comme nous l'avions fait à l'article 12o de l'arrêté sur le statut du lait. Etablies par l'organisme commun, ces conditions sont soumises à l'approbation du Conseil fédéral (art. 18, 2e al., lettre 6). Ce même article dispose expressément que toutes les maisons associées doivent être traitées sur un pied d'égalité. On tend ainsi à éviter que les prescriptions d'exécution n'établissent une discrimination entre les groupes d'associés. Comme auparavant, le fait de satisfaire aux conditions donne le droit de devenir membre de l'organisme commun.

1098 L'article 3 nous charge de déterminer les sortes de fromage obligatoirement livrables à l'organisme commun, qui est tenu de les prendre en charge.

L'obligation de livrer relèvera ainsi de dispositions de droit public, et non plus du droit privé comme c'est le cas sous le régime en vigueur. On évitera ainsi que des fromagers non organisés entravent, le cas échéant, le bon fonctionnement de la réglementation tout en bénéficiant indirectement d'un avantage; on évitera aussi que des acheteurs occupant une forte position sur le marché se retirent de l'organisme commun pour s'approvisionner auprès de fromagers non affiliés.

Cette disposition ne porte en soi pas atteinte au régime du contingent de fédération et de la réserve locale. L'obligation de prise en charge par l'organisme commun, instituée elle aussi par l'article 3, 1er alinéa, est le pendant nécessaire à la livraison obligatoire.

La Confédération assume la part non couverte des dépenses résultant de la mise en valeur des fromages obligatoirement livrables. A l'effet de réduire la charge d'intérêts de l'organisme commun, elle ne se bornera plus à lui verser des avances dans les limites des pertes présumées, mais pourra lui ouvrir un crédit d'exploitation approprié. Les dépenses non couvertes comprennent les frais d'administration ainsi qu'un intérêt équitable servi sur le capital social.

Le régime décrit ci-dessus s'appliquera en premier lieu aux sortes de fromages que l'organisme commun commercialise déjà. Le premier alinéa de l'article 3 est toutefois formulé de façon que, si cela se révèle indiqué, d'autres sortes puissent figurer un jour au nombre de celles que commercialise actuellement l'organisme commun et pour lesquelles la Confédération assume les pertes de la mise en valeur.

L'article 3 ne prescrit rien quant aux moyens financiers auxquels la Confédération devra faire appel pour assurer le paiement des prestations qu'elle doit accorder en vertu de ce même article. Il appartiendra dans chaque cas aux autorités fédérales de décider si ces contributions doivent être couvertes à l'aide des ressources générales de la Confédération (art. 4 de l'arrêté sur l'économie laitière 1966) ou si les producteurs de lait ont à y participer (art. 2 et 3 de l'arrêté sur l'économie laitière 1966). ·_ Les comptes de l'organisme commun ayant accusé
des pertes importantes ces dernières années, aucun dividende ne put plus être versé. Ces pertes, on le sait, découlent en premier lieu du prix de base du lait relativement élevé que nous fixons - qui entraîne des prix de revient du fromage ne permettant plus une commercialisation à des prix couvrant en moyenne les frais. Depuis que la Confédération assume la part non couverte des dépenses de mise en valeur, le capital-actions de l'organisme commun a pratiquement perdu son caractère de capital social, pour devenir une avance consentie par les intéressés.

La situation ne devrait guère se modifier à cet égard a« cours des années à venir.

En conséquence, l'article 3, 3e alinéa, du projet prévoit que la part non couverte des dépenses comprend un intérêt équitable versé sur le capital social de l'organisme.

1099 L'organisme commun sera en outre exonéré de tout impôt sur sa fortune et ses bénéfices éventuels, et les actions qu'il émet ne seront pas soumises au droit de timbre frappant l'émission de titres.

Uarticle 4 nous donne la compétence de fixer les prix de prise en charge du fromage des sortes obligatoirement livrables, après avoir entendu l'organisme commun. Actuellement, ces prix sont fixés par une décision de l'union centrale, et approuvés par la division de l'agriculture. Or, en fait, il nous appartient déjà de statuer sur les modifications de ces prix car elles se répercutent sur le montant des pertes causées par la mise en valeur du fromage. Ce qui est nouveau, c'est que la loi nous autorise à déléguer, lorsque cela nous paraît indiqué, à l'organisme commun la compétence de fixer les prix de prise en charge.

Si la fixation de ces prix par l'organisme commun lésait l'intérêt public, l'office fédéral compétent devrait faire usage de son droit de réglementation (art. 10).

En vertu de l'article 4, les prix de prise en charge du fromage peuvent être différenciés, en ce sens qu'ils peuvent être fixés à un niveau plus bas pour les sociétés de fromagerie, producteurs et acheteurs de lait non fédérés que pour les autres. La différence doit cependant être inférieure au montant des cotisations versées aux associations. De cette façon, les avantages et les charges s'équilibreront en quelque sorte entre fédérés et non fédérés, comme c'est aujourd'hui le cas en vertu de la convention de droit privé conclue entre l'organisme commun et les intéressés.

Uartide 5 établit les principes de l'attribution de marchandise. A l'avenir, le fromage des sortes de l'union ne sera plus réparti sur la base de contingents, mais en principe en fonction des demandes d'attribution des associés, d'une part, et du volume de marchandise disponible, de l'autre. Dans les limites de l'exécution rationnelle du mandat que lui confie l'article premier, l'organisme commun peut subordonner l'attribution de marchandise à des conditions, comme l'existence de caves suffisantes par exemple. Les conditions doivent se justifier sur le plan technique et ne pas entraver le développement des maisons associées. Il faut de plus veiller à ce qu'il n'y ait pas discrimination de certains groupes d'associés (p. ex. les grandes organisations de
vente au détail). Ajoutons encore que les prescriptions d'exécution relatives à l'attribution de la marchandise sont soumises à notre approbation en vertu de l'article 18,2e alinéa, lettre b.

La maison associée devient propriétaire de la marchandise prise en charge à l'expiration d'un délai fixé par l'organisme commun (art. 5, 2e al.). En avançant le transfert de propriété par rapport au régime actuel, on vise à ce que les maisons associées supportent dans une plus large mesure les risques de dépréciation de la marchandise qui leur est cédée. La solution envisagée permet cependant de les décharger des risques que comporte une dépréciation du fromage au début de son encavement, pour des raisons qui ne leur sont pas imputables. Les maisons associées demeurent toutefois assujetties à l'obligation de payer à l'organisme commun des dommages-intérêts pour toute moins-value

1100 dont elles sont responsables, jusqu'au moment où elles deviennent propriétaires de la marchandise (art. 5, 2e al.).

L'article 5, '3e alinéa, tient compte de la nécessité d'assurer dans tous les cas une commercialisation rationnelle, même avant le transfert de propriété.

Si l'organisme commun a besoin de marchandise avant l'expiration du délai selon l'article 5, 2e alinéa, et qu'une maison membre refuse de la lui céder, cette dernière en devient propriétaire dès l'instant du refus.

Si la demande est inférieure au volume de marchandise disponible, le comité directeur de l'organisme commun peut attribuer les excédents aux maisons associées, en sus de la quantité demandée, ou les commercialiser luimême, en choisissant le mode de commercialisation le plus rationnel (art. 5, 4" al).

L'article 6 traite de la commercialisation. Le président et le comité de direction de l'organisme commun établissent les principes de la commercialisation, conformément aux buts de la réglementation du marché du fromage.

Il leur appartient donc de décider si les prix de revente, dans le pays et à l'étranger, doivent être fixes, ou laissés à l'appréciation de l'associé. Pour ce faire, ils tiendront compte des buts définis à l'article premier du projet. La disposition régissant la commercialisation diffère donc notablement du projet que la division de l'agriculture avait établi à l'époque. Ce dernier instituait le principe de la liberté des prix de revente dans le pays et à l'étranger, exception faite des livraisons à l'industrie des fromages fondus. On a renoncé à ce principe dans l'idée que les décisions de nature économique devaient, autant que possible, ressortir à la compétence de l'organisme commun. Le projet de loi se borne donc à régler ce qui doit nécessairement l'être.

Si les prix devaient être fixés en vertu de la disposition en cause, la pratique montrera si une telle solution peut être appliquée durablement. Le projet de loi se borne en outre à donner au président et au comité de direction de l'organisme commun la compétence de fixer les prix, sans déclarer pour autant qu'une telle fixation est compatible avec la loi sur les cartels.

En se fondant sur cette disposition, on devra par exemple décider également si le contingent de fédération dont bénéficient actuellement les fédérations laitières doit être
conservé. Il faudra aussi examiner si la convention qui lie les grossistes indigènes devra être dénoncée ou modifiée, le cas échéant. Si l'on se prononce pour la reconduction du régime des prix fixes à l'intérieur de nos frontières, il conviendra notamment d'examiner s'il faut prévoir pour le commerce de gros une marge uniforme, au moyen de laquelle les associés devraient indemniser les grossistes indigènes auxquels ils feraient appel pour placer le fromage chez des détaillants ou des consommateurs.

L'article 6 donne au président et au comité de direction de l'organisme commun la compétence de fixer les principes de la commercialisation. Ils doivent toutefois entendre les intéressés avant de prendre une décision. Nous sommes conscients que le président et le comité de direction jouiront ainsi

noi d'une indépendance plus grande que celle qui leur est accordée par le code des obligations. Les chambres fédérales ont toutefois le pouvoir de prendre une telle disposition dans une loi fédérale. Le renforcement de la position de ces organes est indispensable dans le régime choisi, si l'on veut que l'intérêt public soit suffisamment sauvegardé. C'est pourquoi l'article 18, 2e alinéa, lettre c, envisage de soumettre l'élection du président et du comité de direction de l'organisme commun à notre approbation. Si le conseil d'administration de l'organisme commun, par exemple, était chargé d'établir les principes de la commercialisation, il pourrait arriver qu'en cas de conflit d'intérêts, les intérêts privés aient le pas sur l'intérêt public. II faut l'éviter à tout prix. Nous relevons à ce sujet que le rapport du 20 avril 1967 de la division de l'agriculture préconisait précisément pour cette raison la création d'une société coopérative de droit public. Le président et le comité de direction auraient ainsi pu jouir d'une complète indépendance à l'égard des membres. La création d'un tel organisme, on le sait, a été rejetée lors de la procédure de consultation. La solution choisie doit dès lors tenir compte des objections soulevées, d'une part, et permettre de sauvegarder l'intérêt public de façon appropriée, d'autre part.

Si le président et le comité de direction de l'organisme commun devaient établir des principes de commercialisation.qui iraient à rencontre de l'intérêt public, l'office fédéral compétent devrait faire usage de son droit de réglementation (art. 10).

L'article 7 du projet règle l'exportation du fromage. Contrairement à l'article 13 de l'arrêté sur le statut du lait en vigueur, qui soumet l'exportation au régime du permis, la nouvelle réglementation se borne à prévoir la possibilité de l'instituer. On évitera d'instituer cette obligation aussi longtemps qu'elle ne sera pas nécessaire.

L'article 8 traite du rôle des représentants de la Confédération dans l'organisme commun. Selon l'article 35, 1er et 4e alinéas, de l'arrêté sur le statut du lait, en corrélation avec l'article 17 du projet, les maisons et groupements sont soumis à la surveillance du Conseil fédéral dans l'accomplissement des tâches qui leur sont confiées. Le Conseil fédéral désigne les représentants de la Confédération
qui prennent part aux séances de l'organisme commun pour y exercer un contrôle constant et lui faire rapport. Lorsque l'union prenait des décisions contraires à l'intérêt commun, le Conseil fédéral n'avait jusqu'ici pas d'autre moyen d'intervention que de donner des instructions en vertu de l'article 14fl, 2e alinéa, de l'arrêté sur le statut du lait. Le projet innove en ce sens qu'il confère aux représentants de la Confédération le droit de s'opposer aux décisions prises par l'organisme commun dans l'exécution de ses tâches, lorsque ces décisions sont contraires aux buts définis à l'article premier (art. 8, 1er al.).

La procédure actuelle en sera simplifiée. L'autorité fédérale pourra ainsi déjà faire part de son avis lors des délibérations des organes compétents de l'union.

Les décisions de l'organisme commun auxquelles les représentants de la Confédération font opposition n'engagent ni cette dernière ni des tiers. Si aucune entente ne peut être réalisée, le service fédéral désigné en vertu de l'article 10

1102 pourra, dans le délai d'un mois à compter du dépôt de l'opposition, donner les instructions qui remplaceront la décision prise par l'organisme commun. L'opposition est réputée retirée si les instructions ne sont pas données dans le délai indiqué. Cela permettra de résoudre réellement et en temps opportun les problèmes qui appellent une intervention rapide, répondant aux exigences du commerce.

Aux termes de Vorfiele 9, la Confédération ne doit pas être contrainte de supporter les dépenses de l'organisme commun qui résultent d'une gestion déficiente. Les avantages pécuniaires illicites et les contributions perçues indûment seront remboursés nonobstant l'application des dispositions pénales.

'L'article 10 statue sur les questions relatives au pouvoir de réglementation, A l'avenir également, la Confédération devra bénéficier d'un large droit de donner des instructions à l'organisme commun pour tout ce qui a trait à l'exécution de la réglementation du marché du fromage, ainsi qu'en dispose déjà l'article 14«, 2e alinéa, de l'arrêté sur le statut du lait. Ce qui est nouveau, c'est que la compétence de donner des instructions appartiendra non plus au Conseil fédéral, mais aux départements et divisions qu'il aura désignés. La réglementation en vigueur s'en trouvera simplifiée, en ce sens que la procédure devant le Conseil fédéral est supprimée; d'autre part, l'organisme commun pourra recourir contre ces instructions, dans la mesure où les conditions requises sont remplies (art. 12).

Le 2e alinéa confère à l'organisme commun la compétence d'imposer à ses membres les obligations découlant des instructions qui lui sont données.

Cette disposition est reprise de l'actuel article I4a, 3e alinéa, de l'arrêté sur le statut du lait. Le but visé est de permettre audit organisme d'imposer aussi à ses membres, en corrélation avec les instructions qu'il reçoit, des obligations qui ne découleraient pas de conventions de droit privé.

Les article 11 à 13 traitent de la protection juridique. La juridiction administrative est en principe soumise aux dispositions concernant l'organisation judiciaire et la procédure administrative fédérales (art. 13).

Vu la nature de certaines décisions de l'organisme commun, il ne serait pas opportun de les laisser porter devant l'administration fédérale ou le Tribunal
fédéral. L'impossibilité de les déférer aux autorités de recours traditionnelles résulte pour une part de leur caractère d'urgence et, d'autre part, du fait qu'elles sont d'ordre purement technique. Nous envisageons par conséquent, à l'article 11, 1er alinéa, de confier à une commission spéciale, qui statuera sans appel, l'examen des recours ayant trait à la répartition de la marchandise. Ces recours concernent certains lots de fromages, dont l'utilisation appelle une décision rapide parce qu'il s'agit d'une denrée de conservation limitée; en outre, il se peut que l'acheteur en exige la livraison immédiate. Ajoutons que ce sont là principalement des questions techniques qui sont en jeu (par exemple la qualité de la marchandise), que des experts sont mieux à même de juger. L'institution d'une autorité de recours spéciale est donc justifiée. Enfin, le délai de recours est limité à dix jours et l'autorité de recours doit rendre une décision définitive.

1103 Afin d'assurer la meilleure protection juridique possible des recourants, malgré le caractère d'urgence et la nature d'ordre technique des décisions faisant l'objet du recours, l'article 11, 2e alinéa, du projet dispose que les trois membres de la commission de recours doivent être indépendants de l'organisme commun. A l'origine il était prévu que l'organisme commun instituerait cette commission, dont la nomination aurait été soumise à notre approbation. On objecta à cette solution qu'il ne pouvait être question que les intéressés euxmêmes nomment la commission de recours, d'autant que cette dernière doit statuer sans appel. Compte tenu de cette objection, nous prévoyons dès lors que c'est nous qui nommons la commission de recours, après avoir entendu l'organisme commun. Au surplus, la procédure devant la commission de recours est régie par les principes codifiés dans la loi sur la procédure administrative.

L'article 11, 4e alinéa, prévoit une seconde voie de recours spéciale en ce qui concerne le classement et la taxation du fromage. On entend par là l'attribution des fromages à l'une des trois classes de qualité (classement) et l'appréciation, au moyen de points, de la marchandise de premier choix (taxation).

Ces décisions, qui revêtent aussi un caractère d'urgence, ont un aspect technique très marqué, sont des plus délicates et requièrent une longue pratique. Les décisions de l'organisme commun doivent donc pouvoir être déférées à une commission de recours, que nous nommons également après avoir entendu ledit organisme, et qui statue sans appel.

L'organisme commun ne cesse de défendre l'idée qu'il ne jouirait pas d'une protection juridique suffisante à l'égard des décisions des services fédéraux. II est possible de tenir compte de cette objection en se fondant sur les dispositions relatives à la qualité pour recourir, qui sont insérées dans les lois revisées concernant la procédure administrative et l'organisation judiciaire. De plus, il est prévu que le Tribunal fédéral connaîtra en instance unique, sur recours de droit administratif, des contestations entre la Confédération et l'organisme commun quant à la couverture des pertes résultant de la mise en valeur du fromage (art. 12). C'est donc au Tribunal fédéral que seront soumises les questions sur lesquelles les intérêts de l'organisme
commun et ceux de la Confédération peuvent s'opposer.

Les articles 14 à 16 du projet concernent les dispositions pénales.

Aux termes de Y article 17, les dispositions en la matière de la loi sur la procédure administrative, de l'arrêté sur le statut du lait et de l'arrêté sur l'économie laitière en vigueur sont applicables, par analogie, pour l'exécution de la loi.

L'article 18 charge le Conseil fédéral de l'exécution de la loi. Le 2e alinéa précise les décisions que cette autorité doit approuver en vue d'assurer la sauvegarde de l'intérêt général. Nous avons déjà dit qu'il s'agit de questions dont la solution déterminera de façon décisive le succès de la réglementation du marché du fromage. Nous pouvons en outre soumettre au régime de l'approbation d'autres questions essentielles. Si l'organisme commun devait ne pas nous

1104 soumettre, dans un délai utile, de prescriptions d'exécution que nous pùissons approuver parce que compatibles avec l'intérêt public, nous serions autorisés à établir la réglementation nécessaire à l'exécution de la loi, par le moyen d'instructions générales provisoires, ou en édictant des prescriptions qui compléteraient celles de l'organisme ou y dérogeraient.

Le Conseil fédéral, en vertu de Y article 19, fixe la date de l'entrée en vigueur de la loi.

M. Constitutionnalité Le projet de loi se fonde sur les articles 31 bis, 3e alinéa, lettre b, 32, 64 bis et H4bis de la constitution. L'article 31 bis, 3e alinéa, lettre b, confère à la Confédération, lorsque l'intérêt général le justifie, le droit d'édicter des prescriptions pour conserver une population paysanne forte et une agriculture productive, au besoin en dérogeant au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. L'article 32 permet d'appeler les groupements économiques à collaborer à l'exécution de la loi. L'article (Abis donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit pénal. Enfin, l'article 114è/s constitue la base légale de l'article 13 du projet selon lequel le Tribunal fédéral connaît en instance unique des litiges qui opposent l'organisme commun et la Confédération en matière de couverture des pertes résultant de la mise en valeur du fromage.

N. Recommandations de la commission consultative La commission consultative pour l'exécution de la loi sur l'agriculture n'a siégé que peu avant l'achèvement des travaux de mise au point du présent message. Elle s'est donc prononcée sur un projet de loi différant fort peu de celui que nous vous présentons, contrairement aux cantons et aux organisations économiques.

Les remarques de la commission ont surtout eu trait à l'attribution de la marchandise (art, 5) et à la commercialisation (art. 6) Elles peuvent se résumer ainsi : Les milieux de la production ont recommandé dans leur majorité d'abandonner la disposition de l'article 5, 1er alinéa, en vertu de laquelle les conditions que l'organisme commun peut fixer en matière d'attribution de marchandise ne doivent pas entraver le développement 'des maisons de commerce. A leur avis, le fromage doit surtout être commercialisé à des prix couvrant autant que possible les frais, et ce n'est que subsidiairement
qu'il est possible de prendre garde au développement des maisons associées. Les prescriptions d'exécution, et non la loi, doivent tenir compte de cette seconde exigence.

La majorité de la commission, y compris les représentants des producteurs, considère que l'article 6 donne une responsabilité trop large au président et au comité de direction de l'organisme commun lorsqu'il les charge d'établir les principes de la commercialisation, après avoir entendu les intéressés et confor-

1105

mément aux buts de la réglementation du marché du fromage. A son avis, ces questions décisives ressortissent au domaine de compétence du conseil d'administration. En revanche, la compétence de fixer les prix de cession notamment, que ce même article confère aussi au président et au comité de direction, ne soulève aucune objection.

Plusieurs membres de la commission ont enfin recommandé de fixer dans la loi déjà que les prix de revente dans le pays ne peuvent être prescrits que sous la forme de prix maximums, afin que le système actuel des prix fixes soit pratiquement abrogé.

Nous fondant sur les considérations qui précèdent, nous avons l'honneur de vous proposer d'adopter le projet ci-joint de loi fédérale sur la commercialisation du fromage (réglementation du marché du fromage).

Nous vous proposons en outre de classer le postulat du Conseil national n° 8714, du 17 décembre 1963 (postulat Vontobel).

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 1er mai 1968.

Au nom du Conseil fédéral suisse : Le président de la Confédération, Spuhler 18009

Feuille fédérait, 120- année. Vol. I.

Le chancelier de la Confédération, Huber

73

1106 (Projet)

Loi fédérale sur la commercialisation du fromage (Réglementation du marché du fromage)

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu les articles 3\bis, 32, (Abis et lUbis de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 1er mai 1968, arrête: I. Dispositions générales Article premier 1

L'union centrale des producteurs suisses de lait, l'union suisse des acheteurs de lait, l'union suisse des exportateurs de fromage et les grossistes en fromage sont tenus de prendre les dispositions appropriées : a. Pour assurer et régler l'approvisionnement du pays en fromage; b. Pour maintenir et développer les ventes, dans le pays et à l'étranger, à des prix autant que possible en rapport avec le prix de base du lait fixé par le Conseil fédéral (art. 4 de l'arrêté de l'Assemblée fédérale du 29 septembre 1953 !) concernant le lait, les produits laitiers et les graisses comestibles) (arrêté sur le statut du lait) ; c. Pour améliorer la qualité du fromage; d. Pour encourager la fabrication de spécialités de l'économie alpestre et en faciliter l'écoulement.

2

Pour accomplir les tâches qui leur sont confiées au 1er alinéa, les associations et les maisons de commerce visées régleront le marché du fromage et créeront à cet effet un organisme commun pour le commerce de gros (appelé ciaprès «organisme commun», actuellement «union suisse du commerce de fromage S. A./convention fromagère suisse») en se conformant aux dispositions des articles suivants.

^RO 1953, 1132.

1107 3

Sauf dispositions contraires de la présente loi, les intéressés fixent les modalités de la réglementation du marché du fromage et la structure de l'organisme commun.

H. Dispositions particulières

Art. 2 L Qualité de membre 1

Pour devenir membre de l'organisme commun, les maisons faisant le commerce du fromage en gros (maisons associées) doivent satisfaire à certaines conditions. Celles-ci sont fixées en détail par l'organisme commun ; elles doivent être conformes aux tâches décrites à l'article premier et permettre l'admission de maisons gérées de façon rationnelle. Toutes les maisons associées doivent être traitées sur un pied d'égalité.

2 Le fait de remplir les conditions donne le droit de devenir membre de l'organisme commun.

Art. 3 2. Obligation de livrer, financement et exonération de l'impôt 1

Le Conseil fédéral détermine les sortes de fromage obligatoirement livrables à l'organisme commun, qui est tenu de les prendre en charge en vue de leur mise en valeur.

2

La Confédération supporte la part non couverte des dépenses occasionnées à l'organisme commun par la mise en valeur de ces fromages. Elle peut lui accorder des avances dans les limites des pertes prévisibles et lui ouvrir un crédit d'exploitation approprié, 3 La part non couverte des dépenses comprend les frais d'administration de l'organisme commun et un intérêt équitable servi sur le capital social.

4

L'organisme commun est exonéré de tout impôt sur sa fortune et sur ses bénéfices éventuels. Les actions qu'il émet ne sont pas soumises au droit de timbre frappant l'émission de titres.

Art. 4 3. Prix de prise en charge Le Conseil fédéral, après avoir entendu l'organisme commun, fixe le prix de prise en charge du fromage des sortes visées à l'article 3, 1er alinéa, ou en délègue la compétence audit organisme.

1108 Art. 5

4. Attribution de la marchandise 1

L'organisme commun attribue la marchandise aux maisons associées en fonction de leurs demandes, d'une part, et de la quantité de marchandise disponible, d'autre part. Dans les limites d'une exécution judicieuse du mandat qui lui est confié par l'article premier, il peut subordonner l'attribution de marchandise à des conditions déterminées, qui doivent se justifier sur le plan technique et ne pas entraver le développement des maisons associées.

2 La marchandise attribuée ayant été prise en charge par la maison associée, celle-ci en devient propriétaire à l'expiration d'un délai fixé par l'organisme commun. La maison associée est tenue de payer à l'organisme commun des dommages-intérêts pour toute moins-value survenue par sa faute durant ce délai.

3 Si l'organisme commun a besoin de marchandise avant l'expiration du délai selon le 2e alinéa, et que la maison membre refuse de la lui céder, celle-ci en devient propriétaire dès l'instant du refus..

4 Si l'offre de marchandise dépasse la demande, le comité de direction de l'organisme commun peut attribuer les excédents aux maisons associées, ou les commercialiser lui-même.

Art. 6 5. Commercialisation Le président et le comité de direction de l'organisme commun établissent, après avoir entendu les intéressés, les principes de la commercialisation, conformément aux buts de la réglementation du marché du fromage; ils fixent notamment les prix de cession aux maisons associées.

Art. 7

6. Exportation Le Conseil fédéral peut soumettre l'exportation de fromage au régime du permis. Il fixe les conditions dont dépend l'octroi du permis.

III. Rôle des représentants de la Confédération dans l'organisme commun

Art. 8 1

Les représentants du Conseil fédéral qui, selon l'article 35, 4e alinéa, de l'arrêté sur le statut du lait, exercent un contrôle constant et renseignent cette autorité sur leurs constatations, sont autorisés à s'opposer aux décisions que prend l'organisme commun dans l'exécution de ses tâches, lorsque ces décisions sont contraires aux buts définis à l'article premier.

1109 2

Les décisions auxquelles il a ainsi été fait opposition ne lient ni la Confédération ni des tiers.

3 Lorsque aucune entente ne peut intervenir, l'office fédéral désigné en vertu de l'article 10 doit, dans le délai d'un mois à compter de l'opposition, donner des instructions qui se substituent aux décisions prises par l'organisme commun. Si aucune instruction n'est donnée dans ce délai, l'opposition est réputée retirée, IV. Réduction ou refus de contributions fédérales Art. 9 1

Si l'organisme commun ne s'acquitte pas correctement des tâches qui lui sont confiées, les contributions de la Confédération destinées à couvrir les pertes de la mise en valeur du fromage peuvent être réduites ou refusées, à moins qu'aucune faute ne soit imputable audit organisme.

3 Les avantages pécuniaires illicites et les contributions perçues indûment seront remboursés nonobstant l'application des dispositions pénales.

V. Droit de réglementation Art. 10 1

Les départements et divisions de l'administration désignés par le Conseil fédéral peuvent donner des instructions appropriées à l'organisme commun quant à l'exécution des tâches qui lui sont confiées en vertu de l'article premier.

2 L'organisme commun est autorisé à imposer à ses membres les obligations découlant des instructions qui lui sont données.

VI. Protection juridique

Art. H 1, Commissions de recours 1

Les décisions de l'organisme commun relatives à l'attribution de marchandise (art. 5) peuvent être déférées dans les dix jours à une commission de recours qui statue en dernier ressort.

2 Le Conseil fédéral nomme la commission de recours, après avoir entendu l'organisme commun. Cette commission se compose de trois membres, qui doivent être indépendants dudit organisme.

3 Au surplus, la procédure devant la commission de recours est régie par les principes codifiés dans la loi sur la procédure administrative.

ino 4

Les décisions de l'organisme commun concernant le contrôle du classement des fromages des sortes obligatoirement livrables ou leur taxation peuvent être déférées à une commission de recours, que nomme également le Conseil fédéral après avoir entendu l'organisme commun, et qui statue en dernier ressort.

Art. 12 2. Compétence du Tribunal fédéral en matière de contestations relatives . à la couverture des pertes

Le Tribunal fédéral connaît en instance unique, sur recours de droit administratif, des contestations entre l'organisme commun et la Confédération relatives à la couverture des pertes résultant de la mise en valeur du fromage.

Art. 13 3. Autres moyens de protection juridique

Au demeurant, la juridiction administrative est soumise aux dispositions concernant l'organisation judiciaire et la procédure administrative fédérales.

VII. Dispositions pénales

Art. 14 1. En général 1

Sera puni d'une amende de mille frans au plus, à moins qu'il ne s'agisse d'une infraction plus grave, celui qui, intentionnellement, contrevient à la présente loi ou à ses prescriptions d'exécution, dans la mesure où le Conseil fédéral les a édictées ou approuvées selon l'article 18, 2e alinéa; celui qui, intentionnellement, contrevient à une instruction que l'administration fédérale lui a donnée en vertu de l'article 10, 1er alinéa; celui qui, intentionnellement, ne remplit pas une obligation que l'organisme commun lui a imposée en vertu de l'article 10, 2e alinéa, de la présente loi, ou de l'article 35, 2e alinéa, de l'arrêté sur le statut du lait; celui qui, au mépris des prescriptions édictées par la Confédération ou approuvées par le Conseil fédéral en vertu de l'article 18, 2e alinéa, refuse de livrer ou met intentionnellement dans le commerce du fromage des sortes désignées en vertu de l'article 3.

3 Si le contrevenant a agi par négligence, il est passible d'une amende de trois cents francs au plus.

lili 3 Celui qui, au sujet de contributions, donne intentionnellement des indications fausses ou fallacieuses sera puni des arrêts ou d'une amende de mille francs au plus, à moins qu'il ne s'agisse d'une infraction plus grave. Si l'auteur de l'infraction a agi par négligence, il est passible d'une amende de trois cents francs au plus.

4 Les articles 113 et 114 de la loi sur l'agriculture sont applicables.

Art. 15 2. Infractions commises par des personnes morales, des sociétés et des entreprises à raison individuelle 1 Lorsqu'une infraction a été commise dans Ja gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite, ou d'une entreprise à raison individuelle, les dispositions pénales sont applicables aux personnes qui ont agi ou qui auraient dû agir en leur nom; la personne morale, la société ou le propriétaire de l'entreprise à raison individuelle répondent toutefois solidairement du paiement de l'amende et des frais, à moins que la direction responsable ne prouve qu'elle n'a rien négligé pour que les personnes visées observent les prescriptions.

2 Les personnes solidairement responsables ont les mêmes droits que les inculpés.

3 Une peine accessoire s'applique, conformément à l'article 114 de la loi sur l'agriculture, à la personne morale, à la société, à l'entreprise à raison individuelle ou à la collectivité de droit public.

Art. 16 3. Poursuite pénale La poursuite pénale incombe aux cantons.

Vin. Dispositions d'exécution et dispositions finales

Art. 17 1. Application d'autres prescriptions Sont applicables par analogie pour l'exécution de la présente loi, les dispositions en la matière des textes législatifs suivants : a. Loi sur la procédure administrative;

b. Arrêté sur le statut du lait (art. 32, 2e, 3e et 4e al., art. 33, 35 et 44); c. Arrêté sur l'économie laitière en vigueur.

1112 Art. 18

2. Exécution 1

Le Conseil fédéral est chargé dé l'exécution de la présente loi.

2

L'approbation du Conseil fédéral est requise pour:

a. Les statuts ou le contrat de société de l'organisme commun ; b. Les prescriptions d'exécution de l'organisme commun qui concernent l'acquisition et la perte de la qualité de membre (art. 2), ainsi que l'attribution de marchandise (art. 5) ; c. L'élection du président et du comité de direction de l'organisme commun; 3

Le Conseil fédéral peut soumettre au régime de l'approbation d'autre questions essentielles.

4

En cas de besoin, le Conseil fédéral est autorisé à établir lui-même la réglementation nécessaire à l'exécution de la présente loi, en édictant des prescriptions générales provisoires complémentaires ou dérogatoires.

Art. 19 3. Entrée en vigueur 1 2

Le Conseil fédéral fixe la date de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Les dispositions antérieures restent applicables aux faits qui se sont produits durant leur validité.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision de la réglementation du marché du fromage (Du 1er mai 1968)

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