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Feuille Fédérale

Berne, le 13 décembre 1968

120e année Volume II

N°50 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 40 francs par an: 23 francs pour six mois, Plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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10092 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la limitation du droit de résiliation en matière de bail (Du 27 novembre 1968) Monsieur le Président et Messieurs,

Nous avons l'honneur de vous soumettre un projet de loi complétant le code des obligations par des dispositions sur la limitation du droit de résiliation en matière de bail.

I Au cours de la première guerre mondiale de 1914/1918, le départ de nombreux étrangers provoqua au début une surabondance de logements, de sorte que le Conseil fédéral, usant du pouvoir illimité qui lui fut accordé par l'arrêté fédéral du 3 août 1914 sur les mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien de sa neutralité (RO 1914, 347), put se borner au début à régler le droit d'expulsion des locataires. Par arrêté du 26 août 1914 sur les délais d'expulsion de locataires (RO 1914, 411), les autorités cantonales compétentes pour prononcer l'expulsion dans le bail à loyer furent déclarées tenues de prolonger à la demande du preneur et «moyennant que la situation précaire de ce dernier justifie la prolongation», le délai prévu dans l'article 265 du code des obligations, à l'expiration duquel le contrat est considéré comme résilié et l'expulsion du preneur peut être requise. L'étendue de la prolongation devait se régler d'après les circonstances (cf. H. Kühn, Kritische Würdigung des schweizerischen Mietnotrechts, Aarau 1923, p. 2 ss). Ces dispositions protégèrent avant tout les locataires qui étaient en retard dans le paiement du loyer.

La construction s'étant presque complètement arrêtée dès le début de la guerre, il se produisit avec le temps une pénurie de logements, ce qui fit monter les loyers (Kühn, op. cit, p. 3). Par arrêté du 18 juin 1917 relatif à la protection des locataires contre l'élévation de loyers et la résiliation de baux (RO 1917, 405), le Conseil fédéral autorisa les gouvernements cantonaux à édicter, sous la forme d'ordonnances, des dispositions contre l'élévation de loyers et la réFeuille fédérale. 120e année. Vol. IL

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siliation de baux à loyer. Les autorités furent autorisées à déclarer inadmissibles des élévations de loyers et des résiliations de baux, lorsqu'elles ne paraissaient pas justifiées «par les circonstances du cas».

Des dispositions sur la protection des locataires furent encore nécessaires après la fin de la guerre. C'est ainsi que le Conseil fédéral prit le 9 avril 1920 un arrêté concernant les baux à loyer et la pénurie des logements (RO1920,205), qui fut partiellement abrogé par l'arrêté du Conseil fédéral du 28 juillet 1922 (RO 1922, 475) Ce n'est que par arrêté du 20 mai 1925 portant abrogation des prescriptions relatives aux baux à loyers et à la pénurie des logements (RO 1925, 293) que le Conseil fédéral abrogea les arrêtés susmentionnés par étapes au 1er mai et au 1er novembre 1926.

Les circonstances furent analogues pendant et après le seconde guerre mondiale de 1939/1945. L'arrêté fédéral du 30 août 1939 sur les mesures propres à assurer la sécurité du pays et le maintien de sa neutralité (RO 1939, 781; RS 1, 79) accorda des pouvoirs extraordinaires au Conseil fédéral; cet arrêté servit de base au droit de nécessité en matière de baux à loyer. Mentionnons ici avant tout l'arrêté du Conseil fédéral du 15 octobre 1941 instituant des mesures contre la pénurie de logements (RS 10, 927, avec des modifications). Les motifs et les explications figurent dans le VIe rapport du Conseil fédéral sur les mesures prises par lui en vertu de ses pouvoirs extraordinaires, du 1er mai 1942 (FF 1942, 313, en particulier p. 322). En plus de dispositions sur la réquisition de locaux habitables vacants et sur la restriction de la liberté d'établissement ou de séjour, cet arrêté du Conseil fédéral contenait un chapitre sur la limitation du droit de résiliation dont les dispositions restent pour l'essentiel inchangées aujourd'hui dans la mesure où elles s'appliquent encore.

L'arrêté fédéral restreignant les pouvoirs extraordinaires du Conseil fédéral date du 6 décembre 1945 (RO 1945,1027; RS 1, 80); il fut suivi par celui du 18 décembre 1950 supprimant les pouvoirs extraordinaires du Conseil fédéral (RO 1950, II, 1539).

Par la suite, les dispositions sur la protection des locataires furent fondées sur des additifs constitutionnels dont la validité était limitée. Il s'agit des additifs suivants: Arrêté fédéral

Voiation populaire

26 sept. 1952 22 déc. 1955 24 mars 1960 9 oct. 1964

23 nov. 1952 4 mars 1956 29 mai 1960 6 déc. 1964

Résultat RO

1952, 1956, 1960, 1964,

1081 822 1037 1441

Valable jusqu'au 31 décembre

1956 1960 1964 1969

L'arrêté fédéral du 30 septembre 1965 sur les loyers des biens immobiliers (RO 1965, 1221) se fonde sur le dernier de ces additifs, encore en vigueur aujourd'hui. Son article 14 autorise en particulier le Conseil fédéral à édicter des prescriptions assurant une protection contre les résiliations injustifiées. Le

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Conseil fédéral a usé de cette compétence en édictant son ordonnance concernant les loyers et la limitation du droit de résiliation, du 30 décembre 1965 (RO 1965, 1230). Les articles 49 et suivants traitent de la limitation du droit de résiliation. Elle est applicable à toutes les choses louées dont les loyers sont soumis à une réglementation, donc actuellement - puisque le contrôle des loyers a été complètement abrogé (art. 5,2e al., de l'arrêté fédéral et 49 de l'ordonnance) - à toutes les choses louées soumises à la surveillance des loyers. C'est le cas pour les logements et les locaux commerciaux dans toutes les communes où les loyers n'ont pas encore été libérés (art. 8 de l'arrêté fédéral). Conformément aux articles 4 et 14 de l'arrêté fédéral et 49 de l'ordonnance, les dispositions sur la limitation du droit de résiliation s'appliquent aux choses soumises à la surveillance des loyers et, en outre, aux appartements dans les immeubles pour la construction desquels des subventions ont été allouées dès 1942.

II

1. Conformément à l'arrêté législatif du Grand Conseil du canton de Genève du 4 février 1956 et à la décision du Grand Conseil du canton de Vaud du 28 novembre 1962, ces deux cantons adressèrent chacun à l'Assemblée fédérale une initiative cantonale visant à compléter le code des obligations par des dispositions spéciales réglant le bail commercial. Le 29 décembre 1964, nous vous avons présenté un rapport sur ces deux initiatives (FF 1964 II1704), dans lequel nous arrivions à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu de leur donner suite pour le moment. Lors de la discussion de ce rapport par les chambres, ces deux initiatives furent biffées de la liste des objets à traiter conformément à l'article 21 de la loi sur les rapport entre les conseils.

2. A la fin de notre rapport sur ces deux initiatives (FF 1964II1716), nous envisagions comme solution possible d'autoriser par une loi les cantons à déclarer applicables sur leur territoire les dispositions sur le bail commercial insérées dans le code des obligations. Nous exposions que pour savoir si une telle réglementation serait opportune, il faudrait consulter en tout cas les cantons et peut-être les milieux intéressés. Par une motion du 14 juin 1965 adoptée par les deux conseils, M. Alfred Borei, député au Conseil des Etats, de Genève, invita le Conseil fédéral à présenter un projet de loi conformément à la solution préconisée dans le rapport susmentionné. L'auteur de la motion fut d'accord avec nous qu'il fallait avant toute chose consulter les cantons.

En outre, le 28 juin 1966, le Conseil national adopta un postulat Schaffer du 24 mars 1966 qui invite le Conseil fédéral «à préparer la revision des dispositions sur le bail commercial de façon qu'elles contiennent non seulement des règles à appliquer librement par les cantons mais aussi des règles minimales obligatoires sur tout le territoire de la Confédération et tenant compte de la situation actuelle».

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Le 19 septembre 1961 déjà, M. Wüthrich avait déposé un postulat que le Conseil national adopta le 22 juin 1962.11 invite le Conseil fédéral «à examiner s'il n'y aurait pas lieu de renforcer, par le droit ordinaire, la protection des locataires contre les congés injustifiés». Dans la mesure où il tend à une limitation dû droit de résiliation, ce postulat est donc conçu d'une façon plus générale que la motion Borei.

3. Par la suite, nous avons autorisé le département de justice et police à consulter les cantons au sujet des questions ainsi soulevées. Aussi, par circulaire du 23 novembre 1966, ce département soumit-il les questions suivantes aux cantons à propos de la motion Borei et du postulat Schaffer: 1. Etes-vous d'avis que, conformément à la motion Borei, il y a lieu d'insérer dans le code des obligations des dispositions spéciales sur le bail commercial, que les cantons auraient la faculté d'appliquer ou non sur leur territoire ou bien êtes-vous opposés à toute réglementation spéciale, même sous cette forme?

2. Si vous êtes partisan de la solution indiquée dans la motion Borei, estimezvous que certaines dispositions spéciales devraient avoir un caractère obligatoire pour l'ensemble du territoire suisse, conformément à ce que demande le postulat Schaffer?

3. Si oui, lesquelles?

Les réponses ont donné le résultat suivant : Aucun canton ne s'est prononcé en faveur de la solution préconisée par le postulat Schaffer.

Parmi les vingt-deux cantons qui répondirent, seize déclarèrent par principe qu'ils n'estimaient pas nécessaire une réglementation spéciale du bail commercial.

Une solution facultative (autorisation donnée aux cantons) fut rejetée par onze cantons. Seuls Argovie, Vaud et Genève se prononcèrent en faveur d'une telle réglementation. Un canton approuva l'idée d'une réglementation légale, mais qui devrait être applicable dans toute la Suisse. Trois cantons, sans toutefois admettre la nécessité d'une réglementation, ne s'opposeraient pas à une réglementation facultative. Trois autres cantons laissèrent la question indécise.

Un canton, enfin, proposa de consulter un expert.

Considérant que la majorité des réponses cantonales est négative, nous sommes d'avis qu'il n'y a pas lieu de donner une autre suite à la motion Borei ni au postulat Schaffer et qu'il faut les classer. Cela se
justifie d'autant plus que la solution que nous vous proposons doit s'appliquer à tous les baux à loyer, de sorte que la protection ne profitera pas qu'aux locataires d'appartements, mais également aux locataires de locaux commerciaux.

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4. Dans sa circulaire du 23 novembre 1966, le département de justice et police posa également .aux cantons les questions suivantes ayant trait au postulat Wüthrich: 1. L'incorporation dans le code des obligations de dispositions sur les loyers et la limitation du droit de résiliation, après l'expiration du régime en vigueur, répond-elle à un besoin dans votre canton?

2. Si oui, ce besoin existe-t-il uniquement pour les logements ou aussi pour les locaux commerciaux?

3. En particulier : Quelles expériences avez-vous faites en matière de propriété par étage? Cette institution rend-elle superflue une limitation du droit de résiliation en matière de baux commerciaux?

Les six cantons de Lucerne, Uri, Bàie-Ville, Vaud, Genève et, conditionnellement, des Grisons se prononcèrent en faveur de l'incorporation de dispositions protectrices des locataires dans le droit ordinaire, alors que quinze cantons (Zurich, Berne, Schwyz, Nidwald, Zoug, Soleure, Baie-Campagne, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, Appenzell Rhodes-Intérieures, Saint-Gall, Argovie, Thurgovie, Tessin et Valais) nièrent qu'un tel besoin existât.

Les cantons de Zoug et des Grisons désiraient que les dispositions, s'il en est édicté, ne soient applicables qu'aux appartements.

Dix-sept cantons déclarèrent disposer de trop peu d'expériences pour pouvoir dire si la possibilité d'acquérir la propriété d'étage rend superflue l'adoption d'une limitation du droit de résiliation dans le bail commercial, alors que quatre cantons furent d'avis que la propriété par étage ne rend pas de telles dispositions superflues.

Une série d'associations se sont prononcées en faveur du postulat Wüthrich. Il faut citer l'union syndicale suisse, le parti socialiste suisse, l'union suisse pour l'amélioration du logement et l'association suisse des locataires qui adressèrent un mémoire commun au Conseil fédéral le 27 février 1967 et demandèrent qu'une protection durable contre les résiliations injustifiées soit introduite en complément des dispositions du code des obligations sur le bail à loyer. Il faut mentionner en outre la requête de la fédération des sociétés suisses d'employés du 30 juin 1967 et la résolution de la conférence présidentielle de l'association suisse des locataires, du 9 décembre 1967.

L'inadmissibilité de la résiliation «pendant les six
premiers mois d'une incapacité de travail du locataire provoquée par une maladie ou un accident», ainsi que «dans les trois mois qui précèdent ou qui suivent l'accouchement de l'épouse du locataire» est réclamée pour la première fois dans la requête de la fédération des sociétés suisses d'employés.

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5. Le postulat Ernst Schmid, du 12 juin 1967, adopté le 21 décembre 1967 par le Conseil national, a un certain lien avec ces interventions. Il invite le Conseil fédéral à examiner quel instrument juridique il importerait de créer afin de pouvoir prendre, en faveur des familles, des mesures permettant de combattre la pénurie de logements en cas de graves perturbations du marché.

L'auteur du postulat estimait que les mesures suivantes seraient particulièrement indiquées : 1. Etablissement par la Confédération en période de pénurie de logements, notamment en faveur des familles, de prescriptions de durée limitée concernant les loyers et fermages non agricoles ainsi que pour la protection des locataires et des fermiers de biens non agricoles; 2. Autorisation aux cantons d'édicter de telles prescriptions pour l'ensemble de leur territoire ou pour certaines communes.

Le 22 avril 1968, le département de justice et police a invité les gouvernements cantonaux à lui faire connaître leur avis au sujet de ce postulat.

Après que des prolongations du délai de réponse eurent été accordées, le département reçut vingt réponses jusqu'au 18 juillet 1968.

Zurich tient une certaine protection contre les résiliations pour souhaitable dans le droit ordinaire, mais cette protection ne devrait pas aller trop loin en raison de son application aux logements dits nouveaux et de la situation politique. En tout cas, la protection contre les résiliations ne devrait s'appliquer ni aux locaux commerciaux, ni aux chambres isolées.

Berne signale qu'une disposition spéciale autorisant la Confédération à prendre des mesures appropriées en cas de perturbations graves sur le marché du logement n'est pas nécessaire aujourd'hui; l'article 89bis de la constitution lui permet au besoin d'agir immédiatement.

Les réponses des cantons suivants rejettent le postulat Schmid: Lucerne, Uri, Schwyz, Nidwald, Glaris, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, Thurgovie et Valais.

Pour Fribourg, l'affaire est «digne d'intérêt». Argovie et Baie-Campagne se pronocent en faveur de mesures en temps de pénurie de logements uniquement.

Soleure est sceptique à l'égard de l'introduction de la protection des locataires dans le code des obligations. Les Grisons pensent qu'il ne sera guère possible de renoncer à une certaine poursuite de la protection
des locataires.

De l'avis de Baie-Ville, la poursuite de la protection des locataires est le pendant indispensable des mesures en faveur de la construction de logements, alors qu'Argovie déclare que cette protection va à rencontre de ces mêmes mesures.

Lucerne se prononcé en faveur de dispositions protégeant les locataires de locaux commerciaux et d'appartements et leurs familles contre des congés arbitraires ou entraînant de graves conséquences.

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Genève est favorable à l'extension de la protection des locataires dans le code des obligations tant en ce qui concerne les locaux commerciaux que les logements.

Zoug rappelle que les circonstances sont différentes de canton à canton et d'une région à l'autre et qu'en dehors des temps de pénurie le contrat de bail à loyer est un instrument qui fonctionne de façon satisfaisante; il n'existe actuellement aucun besoin de dispositions semblables dans le canton. Mais en raison des expériences faites pendant la guerre et l'après-guerre, le Conseil d'Etat peut en principe faire preuve de compréhension à l'égard du postulat Schmid, mais seulement dans le sens d'une autorisation accordée aux cantons d'édicter de telles prescriptions pour tout le territoire cantonal ou pour certaines communes.

Le Conseil d'Etat du canton du Tessin est d'avis qu'il n'y a rien à objecter contre ce postulat. Il signale en outre qu'il y a surtout pénurie de logements dont les locataires soient en mesure de payer les loyers. D'après le gouvernement cantonal, le régime actuel du contrôle des loyers ou celui de la surveillance des loyers devrait être poursuivi d'une façon ou d'une autre et les conditions de l'élévation des loyers précisées.

Le gouvernement bernois doit malheureusement constater sur la base de la longue expérience faite avec le droit de nécessité en matière de baux à loyer que les dispositions protectrices des locataires sont souvent invoquées par des individus qui n'en sont pas dignes et qu'elles déploient leurs effets en leur faveur.

Quant au gouvernement de Baie-Ville, il déclare que, s'il ne faut pas généraliser, il faut quand même relever qu'à tout moment les locataires non protégés des immeubles neufs sont exploités de façon honteuse. Simultanément, il signale que le nombre des logements dits anciens diminue rapidement en raison des démolitions.

III.

La nécessité de protéger les locataires dépend dans une mesure toute particulière du marché du logement. Les mesures visant à favoriser la construction de logements, telles celles qui sont prévues actuellement par la loi du 19 mars 1965 concernant l'encouragement à la construction de logements (RO 1966, 449) ont de plus grands effets que la limitation du droit de résiliation. Nous avons pu constater dans notre rapport du 15 mai 1968 sur les grandes lignes
de la politique gouvernementale pendant la législature 1968-1971 que «nous nous rapprochons du moment où l'équilibre du marché des logements, considéré dans son ensemble, sera rétabli» (FF 1968 I 1242).

Il faut toutefois remarquer que l'analyse du nombre des logements vides et de son évolution au cours des vingt dernières années fait apparaître de grandes différences dans les villes et les centres industriels, dans les communes suburbaines et dans les autres communes et que les appartements à louer appartiennent dans leur majorité à des catégories de prix que la plupart des locataires ne peuvent pas payer.

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En raison de la force d'attraction des villes et de l'aspiration naturelle à vouloir habiter au lieu de travail, il n'y aura vraisemblablement jamais dans les villes une offre de logements vides de un et demi pour cent, correspondant à ce qui doit être considéré comme normal.

Si la situation sur le marché du logement s'est visiblement normalisée dans les régions rurales et dans maintes communes suburbaines, il continue à exister dans nombre de centres de consommation un besoin de logements qui constitue une véritable pénurie. Pour les motifs indiqués, cette pénurie persistera manifestement encore pour un temps indéterminé et devra être considérée, dans le sens indiqué, comme un état durable. A titre d'exemple, nous vous renvoyons aux pourcentages de logements vides des cinq villes de plus de 100 000 habitants.

Pourcentage de logements vides au 31 décembre dans les villes de plus de 100 000 habitants Année

Baie

Berne

1939 1945 1950 1955 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967

2,9 0,1 0,7 0,2 0,1 0,1 0,01 0,01 0,02 0,08 0,07 0,05

2,7 0,1 1,1 0,3 0,2 0,1 0,03 0,04 0,02 0,06 0,04 0,19

Genève

-- 2,0 1,5 0,0 0,0 0,0 0,07 0,03 0,05 0,36 0,34 0,28

Lausanne

7,7 0,4 0,2 0,7 0,0 -- 0,01 0,05 0,06 0,12 0,25 0,53

Zurich

2,4 0,1 0,1 0,1 0,0 0,0 0,02 0,01 0,02 0,04 0,10 0,03

Les indications ci-dessous renseignent sur le nombre de logements construits et leur augmentation nette dans les communes de plus de 2000 habitants et dans celles de plus de 1000 habitants (tirées de l'Annuaire statistique de la Suisse 1967, p. 154 et 1968, p. 117; de «La Vie économique» 1968, fase. 3, p. 165 et 186; fase. 7, p. 383).

Année ,,

,

Nouveaux logements 1965..

1966 1967 Augmentation nette du nombre de logements 1965..

1966 1967

Dans les communes de plus de de plus de

2000 habitants 46121 43796 41232

1000 habiiams 53529 51313 48779

44 632 52 389 42158 49924 39 017 (non encore publié)

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II est notoire que lé nombre des logements vides est faible, mais la statistique démontre qu'un nombre important de logements sont construits chaque année, qui influencent le marché du logement en faveur des locataires.

Il faut toutefois retenir que la situation du marché diffère de canton à canton et parfois de commune à commune. Cela ne ressort pas seulement des observations des cantons, mais encore des conférences que le département de justice et police tint le 5 novembre 1968 avec les représentants des gouvernements cantonaux et le 7 novembre avec ceux des associations intéressées.

IV.

Nous fondant sur ces constatations et considérant les requêtes et observations reçues, nous vous proposons d'insérer dans le code des obligations des dispositions concernant une certaine limitation du droit de résiliation. En raison du fait que la situation diffère d'un canton à l'autre, il appartiendra aux cantons de décider si ces dispositions seront applicables sur leur territoire et à quels objets.

En revanche, nous renonçons à vous proposer de créer une disposition constitutionnelle qui servirait, dans le sens du postulat Ernst Schmid, de base juridique à des mesures (notamment des prescriptions sur les loyers et les fermages) à prendre en cas de graves perturbations du marché. Il n'est pas nécessaire d'examiner davantage si le législateur pourrait édicter de telles mesures sur la base de l'article 64 de la constitution (dans ce sens : le projet de loi complétant le code civil et le code des obligations par l'insertion de dispositions d'urgence contre la pénurie de logements, message du 17 décembre 1928; FF 1928 II 1167 ss et 1186) ou si - et cela devrait être aujourd'hui l'opinion dominante - il faudrait créer une nouvelle disposition constitutionnelle à l'expiration de la validité - limitée àfin!969-de l'additif constitutionnel du 9 octobre 1964 sur le maintien de mesures temporaires en matière de contrôle des prix (dans ce sens: le message du 2 mai 1952 sur le maintien temporaire du contrôlé des prix, FF 1952 II 104/105). Il serait en tout cas contradictoire de vouloir insérer à nouveau des dispositions sur les loyers dans la constitution à l'expiration de la validité de l'additif constitutionnel du 9 octobre 1964, puisqu'il prévoit un assouplissement progressif des dispositions sur les loyers et leur abrogation complète à fin 1969 et qu'il avait été adopté en son temps non seulement par la majorité des votants, mais aussi par tous les cantons.

V.

L'article 267 a innove. Le locataire qui entend ne pas accepter le congé ne devra plus seulement faire opposition comme jusqu'à présent, le bailleur devant alors démontrer que c'est à bon droit qu'il entend résilier le bail. Conformément au principe général de procédure qui veut que celui qui affirme quelque chose et entend en déduire un droit doit le prouver, le locataire devra démon-

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trer, en tant que demandeur, que le congé le touche de façon particulièrement pénible sans que cela se justifie. Le bailleur défendra ses intérêts. L'article 267 c énumère différents cas qui doivent conduire au rejet de la demande du locataire et cela même lorsque la résiliation est particulièrement pénible pour le locataire.

Si nous renonçons à énumérer les cas de résiliation particulièrement pénibles pour le locataire, il faut toutefois signaler qu'un congé imprévu peut frapper de façon très pénible avant tout les familles nombreuses, ainsi que les personnes âgées, infirmes ou malades. Conformément à l'article 34quinquies de la constitution, la Confédération doit tenir compté des besoins de la famille dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés. Ce mandat s'adresse aussi au juge qui applique le droit fédéral.

Dans un cas d'espèce, le 3e alinéa du nouvel article 276a peut être particulièrement important. A défaut d'entente entre parties, le juge peut fixer dans le jugement les conditions nouvelles ou modifiées sous lesquelles le bail sera poursuivi. Ces conditions peuvent avoir trait à n'importe quelle partie du contrat lorsque le bailleur prend des conclusions à cet effet et que le juge les admet en tout ou partie.

L'article 267 b entend protéger le locataire contre le danger que le bailleur ne cherche à rendre la protection légale illusoire en concluant des contrats qui prennent fin après un certain temps sans résiliation. Lorsque le locataire désire le renouvellement du bail et que le bailleur s'y refuse, il peut également s'adresser au juge.

L'article 267 d, 2e alinéa, correspond à l'article 50, combiné avec l'article 2, lettre h, de l'ordonnance sur le contrôle des loyers.

La nullité, prévue à l'article 267 e, de la renonciation anticipée à la protection contre les résiliations correspond à l'article 61 de ladite ordonnance.

Certains bailleurs insèrent dans leurs contrats des clauses en vertu desquelles le locataire s'engage par exemple à accepter d'avance toute modification ultérieure du contrat. De telles clauses sont également indignes de la protection juridique.

La validité des dispositions actuelles expirera à fin 1969. Aussi l'entrée en vigueur de la nouvelle loi est-elle prévue pour le 1er janvier 1970.

Les autres dispositions ne requièrent pas de commentaire.

VI.

Le projet que nous vous soumettons se fonde sur l'article 64 de la constitution qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit civil.

Les nouvelles dispositions entraînent, par rapport au droit ordinaire actuel, une certaine restriction du droit de propriété. Selon Burckhardt (Commentaire, p. 783) la garantie de la propriété ne consiste, à l'endroit du législateur, que dans l'interdiction de l'arbitraire. La propriété n'est garantie qu'avec

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le contenu que la loi lui donne; aussi ce contenu peut-il être modifié, à condition que cela se fasse par une loi. Le Tribunal fédéral a également déclaré à réitérées reprises que la propriété n'est garantie que dans la mesure prévue par l'ordre juridique du moment (Fritz Gygi : Eigentumsfreiheit und Landesplanung, dans le Bulletin de la Fédération suisse des avocats, fase. 11 d'avril 1965, p. 5 et les références qui y sont citées). Le commentaire Meier-Hayoz (commentaire bernois IV) dit à la page 144, N. 21 ad article 641 : « Le contenu de la propriété ne se définit qu'au moyen des dispositions du droit privé limitant le droit de propriété.» Enfin, nous renvoyons à l'article 641, 1er alinéa, du code civil: «Le propriétaire d'une chose a le droit d'en disposer librement, dans les limites de la loi.» Ainsi, le projet de loi se fonde sur une base constitutionnelle et son contenu n'est contraire à aucune autre règle constitutionnelle. Car dans la mesure où la liberté du propriétaire est limitée, cette limitation est l'oeuvre du législateur ordinaire.

VIL

Nous avons l'honneur de vous recommander d'adopter le projet de loi complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations) ci-joint.

Outre le classement de la motion Borei (n° 9265 du 14 juin 1965) et du postulat Schaffer (n° 9452 du 24 mars 1966) que nous vous avons proposé au chapitre II ci-dessus, il se justifie de classer aussi, après l'adoption de notre projet, les autres postulats encore en suspens qui ont trait à la protection des locataires.

Il s'agit des postulats suivants : postulat Wüthrich, n° 8323, du 19 septembre 1961, postulat Alfred Borei, n° 8590, du 3 octobre 1962, postulat Muller-Bâle-Campagne, n° 8607, du 3 octobre 1963, postulat Wyss, n° 9140, du 10 décembre 1964, postulat Schmid Ernst, n° 9723, du 12 juin 1967.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 27 novembre 1968.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Spiihler .Le chancelier de la Confédération, Huber

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(Projet)

Loi fédérale complétant le Code civil suisse (Livre cinquième: Droit des obligations)

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 64 de la constitution; vu le message du Conseil fédéral du 27 novembre 1968, arrête :

I Le code des obligations est complété par les dispositions suivantes: Art. 267 HI. Congé 1. En général

Le titre marginal-a la teneur suivante: (texte inchangé) Art. 267«

2. Limitation

1

Lorsque la résiliation du contrat de bail portant sur une chose immobilière aurait des conséquences particulièrement pénibles pour le preneur ou sa famille, sans que cela soit justifié par les intérêts du bailleur, le juge pourra, selon les circonstances, annuler la résiliation ou prolonger le bail pour une durée déterminée ne dépassant toutefois pas une année.

2 Le délai pour introduire action est de trente jours dès la réception de la résiliation.

3 Le juge tiendra équitablement compte des demandes justifiées du bailleur visant à modifier les clauses du contrat.

Art. 2676

3. Connais de durée déterminée

1

De même, le juge pourra prolonger le contrat qui expire après une durée déterminée ou à une date déterminée lorsque le bailleur aura rejeté une demande écrite du preneur de prolonger le bail ou n'y aura pas répondu.

885 2

Le preneur pourra s'adresser au juge au plus tard trente jours avant l'expiration du contrat.

Art. 267 c La résiliation ne peut être annulée ni le bail prolongé: a. Lorsque le preneur ou une personne vivant en ménage commun avec lui donne lieu à des plaintes fondées, notamment lorsqu'il contrevient, même après un avertissement, à des clauses contractuelles non équivoques; b. Lorsque le preneur est à réitérées reprises en demeure dans le paiement du loyer; c. Lorsque le propriétaire a besoin des locaux pour lui ou pour de proches parents; d. Lorsque l'immeuble doit être démoli ; e. Lorsque l'immeuble est transformé et que les locaux loués sont touchés de façon essentielle par la transformation; /. Lorsque le preneur refuse un loyer adapté aux circonstances ; g. Lorsque le bailleur peut apporter la preuve d'un autre intérêt digne de protection en faveur de la résiliation du bail.

Art. 261 d La limitation du droit de résiliation ne s'applique pas aux chambres isolées meublées.

2 Au surplus, elle s'applique aussi en matière de sous-location ; toutefois, le congé visant une sous-location ne peut être déclaré nul lorsque le bailleur le donne pour la date de résilitation du bail principal.

Art. 267 e 1 Le preneur ne peut renoncer d'avance au droit d'attaquer le congé conformément aux articles 261 a et 2676.

2 Sont de même nulles les clauses contractuelles en vertu desquelles le bailleur s'engage à accepter inconditionnellement à la demande unilatérale du bailleur de nouvelles charges résultant de modifications du contrat.

3 La nullité sera constatée d'office.

1

4. Résiliation licite

5. Chambres isolées et sous-location

6. Stipulations nulles

Art. 267/ Lorsque la résiliation est annulée, le contrat est réputé renouvelé pour une durée indéterminée, sauf convention contraire des parties.

7. Effets de l'anixiHation delà résiliation

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8. Application, compétence « procédure

Art. 261g Les cantons désignent les communes et les catégories d'objets auxquelles s'appliquent les dispositions sur la limitation du droit de résiliation.

2 Les cantons désignent le juge compétent et fixent la procédure, qui doit permettre de vider les causes rapidement.

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Art. 290 Le titre marginal a la teneur suivante : (texte inchangé)

G. Extinction du bail I. Congé 1. En général

2. Limitation du droit de résiliation

Art. 290 a Les dispositions des articles 267 a à 267 g sont applicables par analogie aux baux à ferme non agricoles.

II La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1970.

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la limitation du droit de résiliation en matière de bail (Du 27 novembre 1968)

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