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Feuille Fédérale

Berne, le 20 décembre 1968

120e année Volume II

N° 51 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 40 francs par an: 23 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement.

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10093 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les actes convenus par la Conférence de Stockholm de la propriété intellectuelle (Du 20 novembre 1968) Monsieur le Président et Messieurs,

Nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation la majeure partie des textes conventionnels adoptés ou revisés à Stockholm, le 14 juillet 1967, par la Conférence diplomatique de la propriété intellectuelle, à savoir 1. La Convention de Stockholm instituant l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, du 14 juillet 1967; 2. La Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, du 20 mars 1883; 3. Les articles 22 à 38 de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, du 9 septembre 1886; 4. L'Acte de Stockhohn du 14 juillet 1967 additionnel à l'Arrangement de Madrid concernant la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses sur les produits, du 14 avril 1891; 5. L'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, du 14 avril 1891; 6. L'Acte de Stockholm du 14 juillet 1967 complémentaire à l'Arrangement de La Haye concernant le dépôt international des dessins et modèles industriels, du 6 novembre 1925; 7. L'Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957.

Feeeume fédérale,. 120- a n V o l .

II.VoLn.

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A. INTRODUCTION GÉNÉRALE 1. L'origine des conventions internationales relatives à la propriété intellectuelle La propriété intellectuelle embrasse pour l'essentiel les inventions, les dessins et modèles industriels, les marques de fabrique et de commerce et les oeuvres littéraires et artistiques. Par sa nature même, elle a une vocation internationale. Portant sur des objets immatériels qui ont le don d'ubiquité, il est indispensable qu'elle leur assure, dans les différents pays du mende, une protection aussi aisée et aussi efficace que possible.

Dès 1883 fut conclue, à Paris, la Convention pour la protection de la propriété industrielle, qui a pour objet principal les inventions, les dessins et modèles industriels, ainsi que les marques de fabrique et de commerce.

Trois ans plus tard, la ville fédérale vit naître la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques. Selon les usages du temps, ces deux conventions réunissaient les Etats membres dans des unions qui étaient dépourvues d'organes représentatifs et dont la gestion était confiée à l'un des pays membres (unions de type dépendant). Elles instituaient sans doute des secrétariats internationaux, mais ceux-ci avaient pour tâches essentielles de recueillir des renseignements et de procéder à des études dans le domaine de la propriété intellectuelle, de mettre le résultat de ces travaux à la disposition des membres des unions et de préparer les conférences de revision avec le concours du pays invitant. Pour le reste, ces secrétariats n'avaient aucune compétence sur le plan international. Aussi la fonction de gérant des conventions fut-elle confiée au gouvernement de notre pays, qui assumait déjà cette tâche pour d'autres unions du même type. En outre, les secrétariats furent placés également sous l'autorité du Conseil fédéral, qui fut chargé d'en régler l'organisation et d'en surveiller le fonctionnement. Il les réunit en un seul organisme, qui fut appelé dès lors «Bureaux internationaux réunis pour la protection de la propriété industrielle, littéraire et artistique» (BIRPI).

Par la suite, la Convention de Paris fut assortie de divers arrangements qui créèrent des unions dites particulières, ouvertes uniquement aux Etats déjà membres de l'Union de Paris: Arrangement de Madrid, de 1891, concernant là répression
des indications de provenance fausses ou fallacieuses, Arrangement de Madrid, de la même année, concernant l'enregistrement international des marques de fabrique ou de commerce, Arrangement de La Haye, de 1925, concernant le dépôt international des dessins ou modèles industriels, Arrangement de Nice, de 1957, concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, Arrangement de Lisbonne, de 1958, concernant la protection, des appellations d'origine et leur enregistrement international. Pour toutes ces unions, les travaux administratifs sont assurés par les BIRPI, sous la surveillance du Conseil fédéral.

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La Suisse est partie à chacune de ces conventions, sauf à celle de Lisbonne, de 1958.

2. Les tendances réformistes

Après la seconde guerre mondiale, les Etats membres des unions éprouvèrent le désir d'exercer une influence plus marquée sur le développement de ces unions et le fonctionnement des BIRPI. Du reste, à cette époque, l'organisation des unions du même type que celles de la propriété intellectuelle tendait à disparaître. Certaines transformèrent complètement leurs structures et devinrent des institutions spécialisées de l'ONU. D'autres furent purement et simplement absorbées par les organisations nouvelles.

Les unions de la propriété intellectuelle ne pouvaient échapper à cette mutation. Plusieurs se dotèrent d'abord d'organes consultatifs, dont les compétences étaient fort limitées mais que les nécessités pratiques forcèrent à dépasser leurs attributions statutaires. Ce furent les organes consultatifs des Unions de Paris et de Berne qui, en 1962, recommandèrent d'étudier la réforme des unions et des BIRPI, de manière à les adapter au système des institutions intergouvernementales modernes, notamment en transférant les fonctions de surveillance du gouvernement suisse aux assemblées des Etats membres, 3. La Conférence de Stockholm

La Conférence de Stockholm était prévue à l'origine pour reviser les dispositions de fond de la Convention de Berne. Elle s'acquitta effectivement de cette tâche et elle adopta en outre un protocole relatif aux pays en voie de développement. Mais elle fut chargée aussi de reviser, sur un point particulier, les dispositions de fond de la Convention de Paris et, surtout, d'adopter les textes nécessaires pour faire des unions et des BIRPI des organisations internationales modernes. L'exécution de cette dernière tâche exigeait qu'on modifiât les dispositions administratives et les clauses finales de toutes les conventions en vigueur et qu'on adoptât en outre une convention supplémentaire destinée à créer et réglementer la nouvelle organisation (Convention OMPI).

B. NOUVELLE ORGANISATION ET RÉFORME ADMINISTRATIVE DES UNIONS 1. Introduction

Les textes de Stockholm s'inspirent des principes suivants : a. Les unions conservent leur vocation propre et leur pleine indépendance; chaque union est placée sous l'autorité de l'assemblée des délégués des Etats membres de cette union;

920 b. A côté des unions est créée une nouvelle organisation, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), dont peuvent faire partie tous les Etats membres d'une union, ainsi que les autres Etats qui remplissent certaines conditions ; c. Le secrétariat des unions et de l'Organisation est assumé par un organe commun, le Bureau international de la propriété intellectuelle. Le directeur général de ce bureau est investi de droits qui lui permettent de représenter l'Organisation et les unions sur le plan international.

d. Selon ses activités, le Bureau international est placé sous l'autorité des organes d'une union ou de ceux de l'Organisation. C'est cependant l'assemblée générale des Etats unionistes qui exerce la surveillance essentielle.

2. Les buts et les fonctions de la nouvelle Organisation Les tâches des unions sont restées les mêmes.

Quant à l'OMPI, le premier de ses buts est la promotion de la propriété intellectuelle à travers le monde, afin de stimuler l'activité créatrice dans tous les pays. L'expression «propriété intellectuelle» doit du reste être entendue dans son sens le plus large: elle embrasse tous les droits afférents à l'activité de l'esprit dans les domaines littéraire, artistique, scientifique, industriel et commercial. Le second but de l'Organisation est d'assurer la coopération administrative entre les unions sans porter atteinte à leur autonomie. (Préambule et art. 3 de la Convention OMPI.)

De façon générale, l'Organisation doit prendre toutes les mesures utiles pour atteindre ses buts. En particulier, elle s'efforcera d'améliorer la protection de la propriété intellectuelle, par exemple en encourageant la conclusion de conventions internationales et en contribuant à l'harmonisation des lois nationales. Elle doit également remplir diverses tâches administratives, en entretenant notamment des services d'enregistrement international. Enfin, outre ses activités scientifiques, elle offre son aide technique aux pays en voie de développement. (Art. 4 de la Convention OMPI.)

3. Les membres des unions et de l'Organisation Les conditions d'admission dans les unions ne sont pas réglées spécialement. Ont doit en conclure que tout Etat peut devenir membre des unions (pour les unions particulières, à la condition qu'il fasse déjà partie de l'Union de Paris).

Pour l'OMPI,
on a dû se rallier à un compromis: tout Etat membre d'une union peut devenir partie à l'Organisation; il en est de même de tout autre Etat s'il y est invité par l'Assemblée générale de l'OMPI ou s'il est membre de l'ONU, d'une de ses institutions spécialisées ou de l'Agence internationale de l'énergie atomique ou encore s'il est partie au statut de la Cour internationale de justice (art. 5 de la Convention OMPI).

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4. Les organes a. Les organes propres aux unions

Comme les unions conservent leur autonomie et ont notamment un budget séparé, il a fallu les doter d'organes propres.

Dans chaque union, l'organe souverain est l'Assemblée des représentants des pays membres. Cette assemblée, qui se réunit en session ordinaire tous les trois ans, assume les tâches usuelles des assemblées plénières: elle arrête le programme et le budget triennaux, adopte les comptes, élabore les règlements nécessaires et, de façon générale, prend les mesures appropriées pour atteindre les buts de l'Union; elle est aussi compétente pour modifier les dispositions administratives de la convention (art. 13 de la Convention de Paris et 22 de la Convention de Berne).1) Les deux unions principales de Paris et de Berne qui comptent respectivement 79 et 59 membres, se sont dotées chacune d'un comité exécutif. Celui-ci est élu par l'assemblée, dont il représente le quart de l'effectif. Le comité exécutif, qui se réunit chaque année, prépare les travaux de l'assemblée et surveille l'exécution de ses décisions (art, 14 de la Convention de Paris et 23 de la Convention de Berne). En revanche, les unions particulières n'ont pas de comité exécutif. Ne comptant qu'une vingtaine de membres au maximum, leurs assemblées peuvent, en cas de nécessité, se réunir aisément en sessions extraordinaires. Aussi a-t-on pu s'en tenir pour elles à une structure bipartite, comprenant l'assemblée et le secrétariat.

b. Les organes propres à Î'OMPI

Ici, l'Organisation est sensiblement plus complexe, puisqu'on a adopté une structure quadripartite. En effet, on fait une différence, parmi les membres de FOMPI, entre ceux qui font partie d'une union au moins (pays unionistes) et les autres. Seuls les premiers sont représentés dans l'organe le plus important, l'Assemblée générale. C'est en revanche un autre organe, appelé «Conférence», qui réunit tous les Etats membres de I'OMPI. L'organe exécutif de l'Assemblée générale et de la Conférence est le Comité de coordination.

Sous réserve des attributions de la Conférence, l'Assemblée générale est l'organe suprême de I'OMPI. Elle nomme le directeur général sur présentation du Comité de coordination, elle approuve les rapports de ce comité et du directeur général et donne des directives tant au premier qu'au second, elle adopte le budget triennal des dépenses communes aux unions, elle autorise le Bureau international à assumer l'administration exigée par la mise en oeuvre de nouvelles conventions, elle peut accepter que I'OMPI soit reconnue en tant qu'institution spécialisée de l'ONU. Comme les assemblées des unions, l'Assemblée générale siège tous les trois ans. (Art. 6 de la Convention OMPI.)

!) Pour éviter de trop longues références, nous ne renvoyons qu'aux dispositions des Conventions de Paris et de Berne.

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La Conférence, de son côté, réunit tous les trois ans les délégués de l'ensemble des Etats qui font partie de POMPI. En premier lieu, elle constitue un forum, le théâtre d'échanges de vues entre les pays unionistes et les autres.

Elle est aussi l'organe suprême pour l'assistance aux pays en voie de développement. Enfin, elle est compétente pour modifier la Convention OMPI. (Art. 7 de la Convention OMPI.)

Quant au Comité de coordination, qui siège chaque année, il est à la fois un organe consultatif pour les questions d'intérêt général et l'organe exécutif de l'Assemblée générale et de la Conférence, II comprend, en principe, les Etats parties à la Convention OMPI qui sont membres d'un comité exécutif ou des deux. Cependant, pour que l'indépendance des unions soit pleinement sauvegardée, les membres présents du comité exécutif de l'Union de Paris, comme ceux de l'Union de Berne, jouissent d'une sorte de droit de veto qui leur permet de faire obstacle à une décision qui ne réunirait pas la majorité dans chacun de ces groupes. (Art. 8 de la Convention OMPI.)

c. Le Bureau international de la propriété intellectuelle Ce bureau est à la fois le secrétariat de POMPI et celui des unions.

Il est dirigé par un directeur général, assisté de deux ou plusieurs vicedirecteurs généraux et du personnel nécessaire. Le directeur général et tout le personnel sont soumis à des règles analogues à celles qui sont applicables au personnel du Secrétariat des Nations Unies. En particulier, si la considération dominante dans le recrutement doit être d'assurer au Bureau les services de personnes possédant les pins hautes qualités de travail, de compétence et d'intégrité, il faut tendre aussi vers une répartition géographique équitable, au moins pour les cadres. (Art. 9 de la Convention OMPI.)

Le directeur général assure notamment la gérance des conventions (art, 14, al. 3, 17 ai: 1er et 3, 18, 19 et 20 de la Convention OMPI; art. 20, 21, 24, 26, 28 al. 3 et 29 de la Convention de Paris; art. 28, 29, 30 al. 2, lettre c, 31, 33 al. 3, 35 et 37 de la Convention de Berne). La Suisse sera donc déchargée de cette tâche.

5. Les finances Voulant garantir l'autonomie de chaque union, on devait naturellement lui assurer des finances propres. En outre, il fallait régler les dépenses communes et procurer également certains fonds
à la Conférence pour les tâches dont elle est chargée.

D'abord, chaque union a son budget particulier, qui couvre les dépenses propres à l'union elle-même, ainsi que sa contribution au budget des dépenses communes et à celui de la Conférence. Selon les unions, l'essentiel des recettes est fourni par les contributions des Etats membres ou par des émoluments perçus. Jusqu'ici, les unions connaissaient le système du plafond des dépenses, qui ne pouvait être modifié que par une conférence des plénipotentiaires statuant à l'unanimité. Ce système très lourd ne permet pas de faire face rapide-

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ment à l'accroissement des charges et a provoqué d'importantes difficultés : en sa qualité d'autorité de surveillance, le Conseil fédéral a dû à plusieurs reprises demander aux Etats membres de faire des contributions volontaires. Aussi a-t-on abandonné ce système pour adopter .celui du budget triennal arrêté librement par l'Assemblée. (Art. 13, al. 1er à 3 de la Convention de Paris et art. 22, al. 1er à 3 de la Convention de Berne.)

De son côté, l'Organisation a deux budgets. Le premier, celui des dépenses communes, est du ressort de l'Assemblée générale et contient les prévisions de dépenses intéressant plusieurs unions. Il est alimenté essentiellement par les contributions des unions. Le second budget est celui de la Conférence. Couvrant uniquement les prévisions de dépenses causées par l'assistance technique et les sessions de la Conférence, il est financé surtout par les contributions des membres non unionistes et les versements volontaires des unions. (Art. 11, al. 1er à 3 de la Convention OMPI.)

Pour fixer les contributions des Etats, on n'a pas adopté un système fondé sur la comparaison des revenus nationaux, comme on l'a fait notamment pour l'ONU. On a conservé le système traditionnel des classes, entre lesquelles les Etats membres choisissent librement. Pour les Unions de Paris et de Berne, on a prévu sept classes, le nombre d'unités par lequel la contribution de base doit être multipliée allant de un à 25 (art. 16, at. 4 de la Convention de Paris et art. 25, al. 4 de la Convention de Berne). Pour le budget de la Conférence, qui ne portera jamais sur des montants élevés, il a paru suffisant d'instituer trois classes (art, 11, al. 4 de la Convention OMPI).

Jusqu'à présent, la Suisse devait faire chaque année d'importantes avances de trésorerie aux BIRPI. Désormais, les unions et l'Organisation seront dotées de fonds de roulement. Comme, d'autre part, les contributions devront être versées au début de l'exercice, on peut penser que, dans des conditions normales, les liquidités seront suffisantes. Mais elles pourraient manquer en cas de circonstances extraordinaires. C'est pourquoi on a prévu qu'en vertu de l'accord de siège, la Suisse assumerait l'obligation de faire des avances à l'Organisation et aux unions si les fonds de roulement sont insuffisants. En échange de cette obligation,
la Suisse a d'office un siège dans les comités exécutifs et aussi, . par conséquent, dans le Comité de coordination. Cet accord spécial pourra, du reste, être dénoncé par chacune des parties. (Art, 16, al. 6 et 7 de la Convention de Paris, art. 25, al. 6 et 7 de la Convention de Berne et art. 11, al. 8 et 9 de la Convention OMPI.)

6. Le règlement des différends

Depuis 1948, la Convention de Berne prévoyait la compétence obligatoire de la Cour internationale de justice. L'idéal eût été d'aligner la Convention de Paris sur celle de Berne. Malheureusement ce n'était pas possible, plusieurs Etats, notamment ceux de l'Europe de l'Est, étant opposés à la juridiction arbitrale obligatoire. Aussi a-t-on dû recourir à un compromis tant pour la Convention de Paris que pour celle de Berne : la juridiction de la Cour inter-

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nationale de justice est obligatoire en principe, mais, au moment de la signature, de la ratification ou de l'adhésion, tout Etat membre peut déclarer qu'il n'entend pas être lié par cette clause compromissoire (art. 28 de la Convention de Paris et 33 de la Convention de Berne).

La Convention OMPI n'est assortie d'aucune clause de ce genre. On a estimé que, ne contenant que des dispositions administratives, il était peu probable qu'elle pût donner lieu à des litiges qui justifient l'intervention de la Cour internationale de justice. Il en est de même des Conventions de Madrid, La Haye et Nice.

7. L'accession aux conventions

La Conférence de Stockholm n'a pas seulement modifié profondément les dispositions administratives des Conventions de Paris et de Berne. Elle a également amendé leur dispositions de fond, ce qui exige généralement des revisions des droits nationaux. Pour éviter que ces procédures ne retardent l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions administratives et, par conséquent, la naissance de la nouvelle organisation, on a prévu que les Etats pourraient accéder aux nouveaux textes administratifs des Conventions de Paris et de Berne sans se lier encore par les nouvelles dispositions de fond (art. 20, al. 1er de la Convention de Paris et art. 28, al. 1er de la Convention de Berne).

8. Les mesures transitoires

Le passage du statut d'organisation de type dépendant au régime d'une organisation intergouvernementale moderne posait des problèmes difficiles, qui n'ont pu être résolus de façon nette.

L'entrée en vigueur des nouveaux textes administratifs inaugurera une période transitoire, qui durera jusqu'à ce que tous les Etats unionistes les aient ratifiés ou y aient adhéré. Durant cette période, le même bureau, avec le même personnel, sera, pour les Etats qui auront accédé aux nouveaux textes, le Bureau international de la propriété intellectuelle et, pour les autres, il demeurera les BIRPI. Pour les premiers Etats, il sera soumis à la surveillance des assemblées; pour les seconds, l'autorité de surveillance restera le Gouvernement de la Confédération. Ainsi, toutes les décisions importantes, telles que l'adoption des programmes, des budgets et des règlements, ainsi que l'élection du directeur général, devront être prises conjointement par l'assemblée compétente et le Conseil fédéral. Un désaccord entre eux pourrait paralyser l'union en cause ou l'Organisation. (Art. 30 de la Convention de Paris, art. 38 de la Convention de Berne, art. 21 de la Convention OMPI.)

9. Autres questions

Les nouvelles dispositions administratives règlent encore un grand nombre d'autres questions, notamment le siège, qui reste à Genève, la capacité juridique de l'Organisation et des unions, les privilèges et immunités, l'entrée en vigueur

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des conventions, la modification et la langue des conventions, la dénonciation (art, 17 à 27 et 29 de la Convention de Paris, art. 26 à 32 et 34 à 37 de la Convention de Berne, art. 10 et 12 à 20 de la Convention OMPI), Ces dispositions n'appellent pas de remarques particulières.

C. MODIFICATION D'UNE DISPOSITION DE FOND DE LA CONVENTION DE PARIS Une des institutions essentielles de la Convention de Paris est le droit de priorité, prévu par son article 4. En vertu de cette disposition, celui qui a déposé une demande de brevet d'invention, de modèle d'utilité, de dessin ou modèle industriel ou de marque dans l'un des pays de l'Union jouit, pour effectuer le même dépôt dans les autres pays, d'un droit de priorité d'une durée de six mois ou d'une année.

Cependant, dans certains pays à économie socialiste, notamment en Union soviétique, le brevet, qui dònne à l'inventeur ou à son ayant cause le droit exclusif d'exploiter l'invention, ne peut jouer qu'un rôle peu important, les moyens de production étant entre les mains de l'Etat. C'est pourquoi ces pays ont institué un «certificat d'auteur d'invention». Il s'agit là d'un certificat délivré aux inventeurs qui, en échange de certaines prestations, cèdent leur invention à l'Etat. Ce certificat se présente extérieurement comme un brevet et contient en particulier une description complète de l'invention avec les dessins nécessaires.

La Conférence de Stockholm a complété l'article 4 de la Convention de Paris en ce sens que les demandes de certificats d'auteur d'invention donneront .également naissance au droit de priorité, à condition que, dans le pays où elles sont déposées, les inventeurs puissent demander à leur choix soit un brevet soit un certificat d'auteur d'invention.

D. MODIFICATION DES DISPOSITIONS DE FOND DE LA CONVENTION DE BERNE ET DU PROTOCOLE EN FAVEUR DES PAYS EN VOIE DE DÉVELOPPEMENT Les dispositions de fond de la Convention de Berne comprennent les articles 1er à 20. La Conférence de Stockholm a amendé la plupart de ces textes.

D'autre part, elle a assorti la Convention de Berne d'un Protocole relatif aux pays en voie de développement. La plupart des pays en voie de développement font valoir que, s'ils veulent pouvoir instruire et éduquer leurs populations et les faire bénéficier des bienfaits de la culture, il leur est impossible d'accorder aux auteurs la protection très large garantie par la Convention de Berne. Aussi la Conférence de Stockholm a-t-elle adopté un proto-

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Peuvent faire usage des réserves autorisées par ce protocole tous les pays considérés comme pays en voie de développement selon la pratique de l'Assemblée générale des Nations Unies et qui, eu égard à leur situation économique et à leurs besoins sociaux ou culturels, ne s'estiment pas en mesure dans l'immédiat d'accorder aux auteurs d'oeuvres littéraires ou artistiques la protection garantie par la Convention de Berne (art. 1er, al. 1er). Virtuellement, le protocole pourra être invoqué par plus de 80 pays. Les réserves sont d'abord autorisées pour une durée de dix ans ; mais, à l'expiration de cette période, les pays qui remplissent encore les conditions exigées pourront maintenir ces réserves jusqu'au moment où ils ratifieront l'Acte qui sera adopté par la prochaine conférence de revision de la Convention de Berne (art, 3).

Le protocole fait partie intégrante de la Convention de Berne en ce sens que les Etats ne peuvent accéder aux dispositions de fond de l'Acte de Stockholm de cette convention qu'en accédant simultanément au protocole (art. 21 et 28 de la Convention de Berne). Cependant, tout pays de l'Union de Berne peut, avant même d'être lié par le texte de Stockholm de la Convention, déclarer soit qu'il entend appliquer les réserves autorisées par le protocole soit qu'il admet l'application des dispositions de ce protocole aux oeuvres dont il est le pays d'origine (art. 5 du Protocole). Pour ce dernier cas, le protocole ne prévoit aucune possibilité de dénonciation.

E. APPRÉCIATION DES TEXTES CONVENTIONNELS ADOPTÉS À STOCKHOLM 1. La Convention OMPÏ et les dispositions
administratives des autres conventions En vertu des textes de Stockholm, l'Organisation intergouvernementale de la propriété intellectuelle subira une mutation conforme aux tendances actuelles. Les BIRPI étaient du reste la dernière organisation internationale qui ait conservé son statut primitif. Sans doute cette transformation enlève-t-elle à notre pays une notable partie de l'influence spéciale qu'il exerçait sur l'organisation. Mais ce changement était inévitable et nous ne nous y sommes opposés à aucun moment. Il est d'ailleurs probable que les nouvelles structures de l'organisation lui permettront d'agir avec plus

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de dynamisme et affermiront sa position vis-à-vis des Etats et des autres organisations intergouvernementales. Notre pays, fort intéressé à ce que la propriété intellectuelle soit protégée efficacement sur le plan international, ne peut qu'approuver un tel développement.

Certes, les nouvelles structures sont compliquées. Elles pourraient même se révéler paralysantes, puisqu'il est prévu que certaines décisions ne peuvent être prises que par les votes concordants d'organes différents. Mais cette lourdeur dans l'organisation était inévitable si l'on voulait, comme c'était nécessaire, sauvegarder l'autonomie des différentes unions.

Quant aux risques de paralysie, les expériences faites jusqu'ici avec des organes qui, il est vrai, n'étaient que consultatifs, montrent qu'on a toujours pu s'entendre lorsqu'il le fallait.

D'autre part, les finances sont réglées de façon plus souple, ce qui permettra aux unions et à l'Organisation de s'adapter plus aisément à de nouveaux besoins. Dans des conditions normales, les embarras de trésorerie seront éliminés grâce à l'exigibilité immédiate des contributions et à l'institution de fonds de roulement.

Notre pays, même s'il perd son rôle de surveillance, conserve une position spéciale dans l'organisation. Tout d'abord, il reste le pays du siège, ce qui ne pose pas de problèmes spéciaux. En outre, il devra, en cas de circonstances extraordinaires, faire aux unions et à l'Organisation les avances de trésorerie nécessaires; les conditions de ces prêts seront du reste négociées dans chaque cas. En échange de cette obligation, la Suisse aura d'office un siège dans les comités exécutifs des unions et au Comité de coordination. Elle pourra donc conserver dans une certaine mesure l'influence spéciale qu'elle exerçait jusqu'ici sur l'Organisation.

Ainsi, dans l'ensemble, la nouvelle organisation nous paraît pouvoir être approuvée. Une telle approbation n'exige aucune modification de la législation suisse.

Il n'y a pas lieu de faire usage dé la réserve qui, dans les Conventions de Paris et de Berne, permet d'exclure la juridiction obligatoire de la Cour internationale de justice. Au contraire, de telles clauses compromissoires sont conformes à notre politique, qui tend à ce que les différends entre Etats soient réglés par la voie de l'arbitrage.

2. L'art. 4 de la Convention de Paris

Cette nouvelle disposition est nécessaire si l'on veut conserver dans l'Union de Paris les pays à économie socialiste, dont l'Union soviétique, qui y a adhéré en 1963. Elle est du reste objectivement fondée. Dès le moment où toutes les demandes tendantes à la protection de la propriété industrielle, quelle que soit leur forme, donnent lieu à une priorité dans les autres pays de l'Union, on ne voit pas de motifs de faire une discrimination aux dépens des demandes de certificat d'auteur d'invention.

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Pour introduire cette nouvelle règle dans le droit suisse, il serait désirable de compléter l'art. 17 de la loi sur les brevets d'invention, du 25 juin 1954, qui, dans le domaine des inventions, n'attache le droit de priorité qu'aux demandes de brevet et de modèles d'utilité. Cependant, on peut s'abstenir de reviser pour ce seul motif la loi sur les brevets. Les ressortissants des autres Etats de l'Union de Paris pourront invoquer le texte conventionnel ratifié par la Suisse, même à défaut d'une adaption de la loi nationale. Quant aux ressortissants suisses, ils pourront eux aussi, en vertu de l'article 16 de la loi, se prévaloir du texte conventionnel ratifié en dernier lieu s'il leur est plus favorable que la loi nationale.

De toute façon, on devra soumettre la loi sur les brevets à une revision générale, notamment pour en adapter le texte à des conventions internationales déjà ratifiées par la Suisse ou dont nous vous proposerons encore la ratification.

Les premiers travaux sont en cours au Département de justice et police. II n'est donc pas indiqué d'amender aujourd'hui déjà l'article 17 de cette loi pour y mentionner les demandes de certificat d'auteur d'invention.

3. Les dispositions de fond de la Convention de Berne et du Protocole relatif aux pays en voie de développement

La ratification des nouvelles dispositions de fond de la Convention de Berne exigerait l'adaptation de plusieurs dispositions de la loi fédérale concernant le droit d'auteur sur les oeuvres littéraires et artistiques. Or cette législation est actuellement l'objet d'une refonte complète, qui demandera encore un certain temps. Dans ces travaux de revision, on tiendra naturellement compte des nouvelles règles adoptées à Stockholm. C'est lorsqu'ils seront achevés que nous pourrons vous proposer l'approbation des dispositions de fond de l'Acte de Stockholm de la Convention de Berne.

Notre pays pourrait, il est vrai, admettre, par une ratification séparée, l'application anticipée du Protocole relatif aux pays en voie de développement.

Nous estimons cependant qu'il n'est pas indiqué de prendre une décision précipitée à ce sujet. Le protocole est fort discuté dans les milieux des auteurs et des éditeurs qui, tout en comprenant les besoins sociaux et culturels des pays en voie de développement, appréhendent un démantèlement de la protection garantie par la Convention de Berne. Jusqu'ici, du reste, aucun des pays dont les auteurs et les éditeurs seraient les plus sérieusement touchés par cet instrument ne l'a ratifié ou n'a déclaré en admettre l'application. Nous considérons qu'une déclaration d'acceptation anticipée est d'autant moins indiquée qu'elle serait irréversible ; le protocole, en effet, ne prévoit pour ce cas aucune possibilité de dénonciation. Les problèmes que pose l'éventuelle acceptation de ce protocole par notre pays sont d'ores et déjà l'objet d'une consultation des milieux intéressés. Nous reviendrons donc sur cette question plus tard et en tout cas lorsque nous envisagerons la ratification des nouvelles dispositions de fond de la Convention de Berne.

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F. CONCLUSIONS Nous vous proposons en conséquence d'approuver la Convention instituant l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, les textes, revisés à Stockholm, de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, des articles 22 à 38 de la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques, de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques, de l'Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, ainsi que les Actes de Stockholm additionnels à l'Arrangement de Madrid concernant la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses sur les produits et à l'Arrangement de La Haye concernant le dépôt international des dessins et modèles industriels.

Nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral rédigé en ce sens.

La constitutionnalité découle de l'art. 8 de la constitution, selon lequel la Confédération a le droit de conclure des traités avec les Etats étrangers. La compétence de l'Assemblée fédérale repose sur l'art. 85, chiffre 5, de la constitution.

Tous les actes conventionnels dont nous vous proposons l'approbation peuvent être dénoncés en tout temps, avec effet à l'expiration de six mois ou d'une année à compter de la dénonciation (art. 18 de la Convention OMPI, art. 26, al. 2 et 3 de la Convention de Paris, art. 35, al. 2 et 3 de la Convention de Berne).

L'approbation de ces accords internationaux n'est donc pas soumise au referendum prévu par l'art. 89, al. 4 de la constitution.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, les assurances de notre haute considération.

Berne, le 20 novembre 1968.

Au nom du Conseil fédéral suisse :

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Le vice-président L. Von Moos Le chancelier de la Confédération, Huber

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Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant les actes convenus par la Conférence de Stockholm de la propriété intellectuelle (Du 20 novembre 1968)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1968

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

51

Cahier Numero Geschäftsnummer

10093

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

20.12.1968

Date Data Seite

917-929

Page Pagina Ref. No

10 098 983

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