49

# S T #

Feuille Fédérale Berne, le 12 juillet 1968

120e année

Volume II

N° 28 Paraît, en règle générale, chaque semaine. Prix: 36 francs par an: 20 francs pour six mois, plus la taxe postale d'abonnement ou de remboursement

# S T #

10007 Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la garantie de la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Haut (Du 24 juin 1968)

Monsieur le Président et Messieurs, Lors de la votation populaire du 19 mai 1968, les électeurs du canton d'Unterwald-le-Haut ont accepté une nouvelle constitution cantonale par 2388 voix contre 645. Par lettre du 29 mai 1968, le landammann et le Conseil d'Etat requièrent la garantie fédérale en faveur de la nouvelle constitution.

Après le canton d'Unterwald-le-Bas, qui a re visé totalement sa constitution en 1965, Unterwald-le-Haut est le second canton à s'être donné une nouvelle constitution depuis la première guerre mondiale. Dès 1947, le peuple d'Obwald avait décidé de reviser entièrement sa constitution, qui datait de 1902; néanmoins, l'année suivante, il repoussait à la majorité des voix le projet qui lui était soumis. C'est à la fin de 1965, à l'occasion d'une initiative populaire visant à transformer la démocratie de landsgemeinde en une démocratie à référendum,que le problème d'une revision toi aie fut soulevé à nouveau. Une motion tendant à une revision totale de la constitution ayant été déposée peu après, le Grand conseil décida de soumettre successivement à la votation populaire la question du maintien de la landsgemeinde, puis celle d'une revision totale. Toutes deux furent acceptées à la majorité des voix. Elu en mai 1967, le Conseil constitutionnel élabora alors un projet de nouvelle constitution qu'il décida en seconde lecture, le 16 mars 1968, par 34 voix et 2 abstentions, de soumettre à la votation populaire.

Comme le Conseil d'Etat l'expose à ses concitoyens dans son message du 25 mars 1968, la nouvelle constitution découle du besoin «de rapprocher derechef le peuple et sa constitution, d'adapter les institutions démocratiques aux circonstances de l'époque et de créer les conditions propres an développement de la paix politique et confessionnelle, ainsi qu'au progrès économique et social». Le canton d'Unterwald-le-Haut dispose incontestablement auFeuille fédérale, 120e année. Vol. II.

4

50

jourd'hui d'une constitution équilibrée et moderne, conçue selon des principes actuels et rédigée dans une langue claire et compréhensible à chacun.

Il n'est pas possible d'examiner dans ce message toutes les modifications intervenues. Nous nous bornerons à signaler les innovations les plus importantes et à commenter les dispositions qui - du point de vue du droit fédéral revêtent un intérêt particulier.

I La constitution révisée compte 122 aiticles, reparus en 7 chapitres: le premier a trait à la souveraineté et à la division du territoire, le deuxième règle les rapports entre l'Eglise et l'Etat, le troisième précise les droits et les devoirs des citoyens, le quatrième définit les tâches publiques, le cinquième énumère les autorités et précise les fonctions qui leur sont dévolues, le sixième traite des corporations et des coopératives alpestres et le septième contient les dispositions transitoires et celles concernant la revision de la constitution.

Alors que l'article premier souligne la souveraineté du canton envers la Confederati on à laquelle il est subordonné, l'article 3 réalise laparité en droit constitutionnel des deux seules confessions organisées dans le canton, à savoir les confessions catholique-romaine et évangélique-réformée, tout en garantissant aux articles 4 et 5 l'autonomie des communautés religieuses pour les questions d'ordre ecclésiastique interne.

La position du citoyen dans l'Etat et envers l'Etat a été renforcée. Parmi les droits fondamentaux énoncés aux articles 10 à 14, la garantie du droit d'être entendu (art. 11, 3e al.) mérite une attention particulière. Les droits populaires ont été étendus et leur exercice a été facilité: création de la base nécessaire à l'introduction du suffrage féminin (art. 18) ; introduction de la forme de la proposition conçue en termes généraux pour les initiatives législatives et constitutionnelles (art. 62, 1er al.); nouvelle réglementation en matière de référendum financier (art. 71); réduction du nombre de signatures de 400 à 100 pour le référendum contre les ordonnances du Grand conseil (art. 73) et d'un cinquième des électeurs à 50 électeurs pour le référendum contre les ordonnances ou les règlements de portée générale du Conseil communal (art. 87); introduction du droit de poser des questions à la landsgemeinde (art. 64). Une autre
innovation qui mérite d'être relevée découle de l'article 15, qui ramène de 20 à 19 ans le droit de vote et l'électorat. Enfin, il convient de mentionner l'introduction de la juridiction administrative (art. 81) qui doit améliorer la position du citoyen à l'égard de l'administration.

Le chapitre consacré aux tâches publiques de l'Etat impose au canton et aux communes l'obligation de réaliser un programme fondamental minimum.

Ils sont notamment astreints à renforcer la famille (art. 25, 1er al.), à assurer une protection adéquate à la jeunesse, à la vieillesse et aux invalides (art. 25, 2e al.), à encourager l'enseignement et l'éducation (art. 26 à 29), le bien-être et la sécurité sociale du peuple (art. 32 à 34), ainsi que l'activité scientifique et artistique (art, 30); en outre, à renforcer la puissance économique du pays, à veiller à une utilisation raisonnable du sol sur le plan de l'économie publique

51

et à encourager les efforts en vue de l'aménagement national, régional et local (art. 35). Enfin, des mesures de péréquation financière entre les communes peuvent être arrêtées par voie législative (art. 43).

Le chapitre consacré aux autorités et à leurs fonctions débute par la mention du principe de la séparation des pouvoirs (art. 45, 1er al.). D'une part, la landsgemeinde reçoit de nouvelles compétences, en ce sens notamment que toutes les initiatives sous forme de propositions conçues en termes généraux doivent lui être soumises pour décision (art. 61, ch, 2, et art. 111, l or al.).

D'autre part, on ne lui soumettra dorénavant plus que les arrêtés impliquant des dépenses importantes (art. 61, ch. 3 et 4), et elle ne délibérera plus sur des projets de loi. Les articles 72 et 75 délimitent plus clairement que ce n'était le cas dans la constitution antérieure les pouvoirs respectifs du Grand conseil et du Conseil d'Etat d'édicter des ordonnances. Le quorum électoral pour le Grand conseil a été ramené de 600 à 500 habitants de la commune (art. 66, 1er al.), ce qui entraînera une augmentation du nombre des membres du Grand conseil. Dorénavant, c'est-à-dire dès que la loi nécessaire aura été édictée, l'élection n'aura plus lieu à la majorité, mais selon le système proportionnel (art. 66, 3e al.). L'article 82, 2e alinéa, garantit aux communes leur existence et leur indépendance ; l'article 85,1er alinéa, introduit un nouvel organe communal, ·à savoir la commission de contrôle des comptes; l'article 93, chiffre 1, limite le nombre des membres du Conseil de la commune politique et l'article 98, 1er alinéa, chiffre 1, celui du Conseil des bourgeois de la commune; l'article 95 jette les bases de la création de communes locales, cependant que les articles 101 à 106 réglementent le statut des paroisses (Kirchgemeinden), en tenant particulièrement compte des différences existant entre la paroisse catholiqueromaine, d'une part, et la paroisse évangélique-réformée, de l'autre.

II

Examinées du point de vue du droit fédéral, les dispositions suivantes de la nouvelle constitution cantonale présentent un intérêt particulier : A rencontre de l'ancienne constitution, l'article 3, 1er alinéa, ne reconnaît pas seulement la confession catholique-romaine, mais également la confession évangélique-réformée, en tant qu'églises indépendantes en droit public et disposant d'une personnalité juridique propre, alors que toutes les autres communautés religieuses sont soumises aux «principes du droit privé», en tant qu'elles ne sont pas reconnues par la loi comme institutions de droit public (2e al.). Les articles 4 et 5 garantissent l'autonomie interne des églises, tout en réservant le contrôle de l'Etat en matière d'«intérêts mixtes». A cet égard, il convient de relever que si l'organisation ecclésiastique évangélique-réformée doit obtenir l'approbation du Grand conseil, il n'en va pas de même pour l'organisation ecclésiastique catholique-romaine. Il ne faut cependant pas y voir un traitement discriminatoire. La disposition en cause (art. 4, 3e al.) répond en effet à la conception évangélique-réformée, qui ne connaît pas de constitution ecclésiastique indépendante de l'Etat, et selon laquelle l'organisation ecclé-

52

siastique se fonde sur le droit de l'Etat (cf. Isele, «Die neuere Entwicklung und der gegenwärtige Stand der Kirchengesetzgebung in der Schweiz», RSJ 1962, p. 177 ss et 193 ss). Il s'agit d'ailleurs en l'espèce exclusivement des rapports entre l'Etat et l'Eglise, qui sont par principe du ressort des cantons. En revanche, la coopération de la Confédération est indispensable s'il s'agit d'ériger un nouvel évêché ou de modifier les limites territoriales d'un évêché existant (art. 50, 4e al., Cst,; Burckhardt, «Kommentar», p. 477; Fleiner/Giacometti, «Bundesstaatsrecht», p. 354/355; ATF 73 I 107). La conclusion de ce type d'accords (concordats) avec le Saint-Siège ressortit à la compétence du Conseil fédéral (art. 8 et 10; ainsi que 102, ch. 7 et 8, Cst.). L'article 7 ne porte pas atteinte à cet ordre constitutionnel ; au contraire, il se contente de désigner les autorités qui représenteront le canton en cas de réglementation au sujet de l'appartenance à Févêché.

L'article 6, 3e alinéa, garantit d'une part le maintien des couvents. A propos de cette garantie, que l'ancienne constitution stipulait déjà, le Conseil fédéral avait relevé dans son message du 11 juillet 1902 que la garantie donnée à la disposition constitutionnelle en cause n'incluait naturellement pas la garantie par la Confédération du maintien des couvents (FF 1902 IV 198).

Nous pensons pouvoir nous borner à renvoyer à cette remarque faite à l'époque, tout en relevant que d'autres cantons garantissent également un tel maintien (Fleiner/Giacometti, op. cit., p. 357, N 21).

D'autre part, l'article 6, 3e alinéa, garantit aux autorités ecclésiastiques le droit de contrôler les fondations religieuses. Cette garantie est conforme au droit fédéral (art, 87, 1er al., CCS), selon lequel - sous réserve des règles du droit public - les fondations ecclésiastiques ne sont pas soumises au contrôle de l'autorité de surveillance, au sens de l'article 84 CCS.

L'article 18 crée la base constitutionnelle permettant d'instituer le suffrage féminin en matière cantonale et communale. Nous avons déjà constaté à plusieurs reprises que l'égalité politique des sexes n'est pas contraire au droit fédéral (FF 1957 II 1111; 1959 I 368; 1959 II 896; 1960 I 1611; 1966 II 195; 1967 II 237).

L'article 27, 2e alinéa, de la constitution fédérale prescrit que l'enseignement
primaire doit être placé exclusivement sous la direction de l'autorité civile. Autorité «civile» ne signifie pas autorité «cantonale», mais s'oppose à autorité «ecclésiastique» et à organe «privé». En d'autres termes, autorité «civile» a le sens d'«autorité laïque» (Burckhardt, op. cit., p. 202). L'article 26 répond à cette exigence, car il prévoit - au 3e alinéa - que l'enseignement primaire incombe aux communes politiques dans les limites de la législation et : - au 1er alinéa - que l'instruction et la formation publiques sont placées sous la surveillance du canton. Par contre, on peut se demander si l'article 28, selon lequel l'enseignement privé est placé sous la surveillance de l'Etat, est compatible avec l'article 27, 2e alinéa, de la constitution fédérale, dans la mesure où il a trait à l'enseignement primaire. Lors de la revision totale de la constitution cantonale de 1902, le Conseil fédéral avait proposé d'accorder la garantie

53

fédérale à une disposition analogue (art. 8, 4e al.), mais en précisant que cette garantie ne saurait avoir pour effet de restreindre en aucune façon le sens de l'article 27, 2e alinéa, de la constitution fédérale (FF 1902 IV 196/197; RO 19, 242). Dans son commentaire (op. cit.), Burckhardt relève que, pour les écoles privées, les autorités fédérales feraient à tort une distinction entre la surveillance et la direction; il suffirait, du point de vue du droit fédéral, qu'une constitution cantonale accorde un pouvoir de surveillance au canton. Nous croyons donc devoir renoncer à proposer une réserve quelconque, d'autant plus que la nouvelle constitution d'Unterwald-le-Bas, qui contient une disposition analogue, a également obtenu en 1966 la garantie fédérale sans aucune réserve (FF 1966 I 565).

L'extension des droits populaires et les allégements apportés à leur exercice, dont il a déjà été question au chapitre premier de ce message, n'enfreignent bien entendu nullement le droit fédéral (art. 62, 64, 71, 73 et 87).

Tandis qu'il appartient au Grand conseil d'édicter les ordonnances d'exécution relatives à des dispositions fédérales (art. 72, ch. 2), les ordonnances d'application sont du ressort du Conseil d'Etat dans la mesure où elles se bornent à réglementer la procédure et la compétence (art. 75, ch. 1). Les droits dont le canton jouit à l'égard de la Confédération en vertu de la constitution fédérale - il s'agit notamment du droit de convoquer l'Assemblée fédérale (art: 86, 2e al., Cst.), du droit de référendum (art. 89, 2e et 3^ al., et art. 89bis, 2e al., Cst.) et du droit d'initiative (art. 93, 2e al., Cst) - sont exercés par le Grand conseil (art. 70, ch. 12), tandis qu'il appartient au Conseil d'Etat de donner les avis que la Confédération sollicite des cantons (art. 76, ch. 10).

Sur le plan des affaires purement bourgeoisiales, seuls les bourgeois résidant dans leur commune d'origine peuvent y exercer le droit de vote. Cependant, si l'assemblée des bourgeois de la commune est appelée à délibérer de questions n'intéressant pas exclusivement les bourgeois (par exemple, fixation de l'impôt en faveur des pauvres, obligatoire pour tous les habitants de la commune), les autres citoyens actifs de la commune jouissent également du droit de vote, contrairement auA dispositions en vigueur jusqu'ici
(art. 97). Cette réglementation est désormais conforme à l'article 43, 3e alinéa, de la constitution fédérale.

Le curé fait d'office partie du Conseil de paroisse et y a droit de vote, de même que les chapelains de curatie, pour autant que la discussion porte sur des objets intéressant leurs chapeUenies (art. 102, 3e al.). L'article 105, 2e alinéa, contient une disposition analogue au sujet de la surveillance et de l'administration des chapelles par le Conseil des bourgeois de la commune. On pourrait se demander si cette disposition heurte le principe de l'égalité devant la loi, car elle crée deux catégories de membres du Conseil de paroisse, à savoir ceux qui sont élus et ceux qui en font partie d'office. Le Conseil fédéral a examiné cette question en dernier lieu lorsqu'il a proposé d'accorder la garantie à la nouvelle constitution d'Unterwald-le-Bas. A cette occasion - se référant à la pratique suivie par l'Assemblée fédérale et à la décision rendue par k Tribunal fédéral dans un cas semblable - il a répondu par la négative (FF

54

1965 III 635/636). Sa manière de voir n'a pas été contestée lors des délibérations au sein de l'Assemblée fédérale (Bui. off. CE 1966, p. 40 à 42; CN 1966, p. 276 à 278). Il n'y a pas lieu de s'en départir.

III Les conditions posées par l'article 6 de la constitution fédérale sont ici réalisées : la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Haut ne contient rien de contraire aux dispositions de la constitution fédérale, elle assure l'exercice des droits politiques d'après des formes démocratiques, elle a été acceptée par le peuple et peut être revisée lorsque la majorité absolue des citoyens le demande. C'est pourquoi nous vous proposons de lui accorder la garantie fédérale, en adoptant le projet d'arrêté ci-annexé.

Veuillez agréer, Monsieur le Président et Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

Berne, le 24 juin 1968.

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Spuhler

>

Le chancelier de la Confédération, Huber

55

(Projet)

Arrêté fédéral accordant la garantie fédérale à la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Haut

L'Assemblée fédérale de la Confédération suisse, vu l'article 6 de la constitution fédérale; vu le message du Conseil fédéral du 24 juin 1968; considérant que les conditions posées par l'article 6 de la constitution fédérale sont remplies, arrête: Article premier -La garantie fédérale est accordée à la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Haut, acceptée en votation populaire du 19 mai 1968.

Art. 2 Le Conseil fédéral est chargé d'exécuter le présent arrêté.

18125

Schweizerisches Bundesarchiv, Digitale Amtsdruckschriften Archives fédérales suisses, Publications officielles numérisées Archivio federale svizzero, Pubblicazioni ufficiali digitali

Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la garantie de la nouvelle constitution du canton d'Unterwald-le-Haut (Du 24 juin 1968)

In

Bundesblatt

Dans

Feuille fédérale

In

Foglio federale

Jahr

1968

Année Anno Band

2

Volume Volume Heft

28

Cahier Numero Geschäftsnummer

10007

Numéro d'affaire Numero dell'oggetto Datum

12.07.1968

Date Data Seite

49-55

Page Pagina Ref. No

10 098 865

Das Dokument wurde durch das Schweizerische Bundesarchiv digitalisiert.

Le document a été digitalisé par les. Archives Fédérales Suisses.

Il documento è stato digitalizzato dell'Archivio federale svizzero.