18.082 Message sur la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales émises dans le rapport de phase 2 de la Suisse du 21 novembre 2018

Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer le projet d'une modification de la loi fédérale sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale que nous avions soumis avec le message du 10 juin 2016 sur la modification de la loi sur l'assistance administrative fiscale (FF 2016 4955 ss; numéro d'objet: 16.050).

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'expression de notre haute considération.

21 novembre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-2489

277

Condensé Le présent projet vise à mettre en oeuvre les recommandations que le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (Forum mondial) a émises dans son rapport d'examen de phase 2 de la Suisse (échange de renseignements sur demande).

Contexte Le 26 juillet 2016, le Forum mondial a publié son rapport d'examen de phase 2 de la Suisse. La Suisse a obtenu la note globale «conforme pour l'essentiel». Ce rapport contient plusieurs recommandations concernant la transparence des personnes morales et l'échange de renseignements.

Le présent projet vise à ce que soient prises les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial, afin que la note globale obtenue au cours de la phase 2 puisse être conservée lors du prochain examen par les pairs.

Les mesures proposées concernant la transparence des personnes morales sont indispensables à la mise en oeuvre des recommandations. Si elles ne sont pas prises, la note globale de la Suisse lors du prochain examen sera ramenée à «partiellement conforme», ce qui est insuffisant. Une note globale insuffisante exposerait la Suisse à un risque élevé que d'autres pays prennent des mesures défensives à son encontre.

Les mesures relatives à l'échange de renseignements sont elles aussi indispensables, tant pour des raisons de sécurité juridique que pour la pratique de l'Administration fédérale des contributions (AFC), d'autant qu'elles permettront de renforcer la position de la Suisse en vue du prochain examen par les pairs.

Le prochain examen de la Suisse par les pairs commence au cours du quatrième trimestre 2018. D'après le calendrier d'examen actuel, les modifications légales nécessaires doivent donc être mises en vigueur en octobre 2019 au plus tard pour pouvoir être prises en considération lors de ce prochain examen.

Contenu du projet En ce qui concerne la transparence des personnes morales, le projet de loi prévoit essentiellement que les actions au porteur ne sont autorisées que si la société a des titres de participation cotés en bourse ou si elles sont émises sous forme de titres intermédiés. En outre, un manquement à l'obligation d'annoncer les ayants droit économiques ou de tenir le registre des actions et la liste des ayants droit économiques des actions est passible de sanctions.
S'agissant de l'échange de renseignements, le projet de loi contient des dispositions sur la confidentialité des demandes d'assistance administrative et la capacité d'être partie et d'ester en justice des parties au sujet desquelles des renseignements sont demandés dans le cadre de la procédure d'assistance administrative. En outre, la disposition sur les demandes d'assistance administrative qui reposent sur des données volées est précisée.

278

FF 2019

Table des matières Condensé

278

1

Grandes lignes du projet 1.1 Contexte 1.1.1 Examen par les pairs du Forum mondial et recommandations émises dans le rapport de phase 2 de la Suisse 1.1.2 Possibles conséquences de la notation du Forum mondial 1.1.3 Lien avec les recommandations du GAFI 1.1.4 Travaux effectués 1.2 Consultation 1.2.1 Résultats 1.2.2 Nouveautés par rapport au projet mis en consultation 1.2.2.1 Principaux changements découlant des résultats de la consultation 1.2.2.2 Données volées 1.2.2.3 Autres modifications apportées à la LAAF 1.3 Perspective: prochain examen de la Suisse par les pairs 1.4 Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

281 281

Mise en oeuvre des recommandations 2.1 Remarques préliminaires 2.2 Recommandations concernant la transparence des personnes morales 2.2.1 Recommandation 1 2.2.1.1 Contexte 2.2.1.2 Mesures de mise en oeuvre 2.2.1.3 Publication d'un guide pratique 2.2.2 Recommandation 2 2.2.2.1 Contexte 2.2.2.2 Mesure de mise en oeuvre 2.2.3 Recommandation 3 2.2.3.1 Contexte 2.2.3.2 Mesure de mise en oeuvre 2.3 Recommandations concernant l'échange de renseignements 2.3.1 Recommandation concernant l'échange de renseignements concernant des personnes décédées 2.3.1.1 Contexte 2.3.1.2 Mesure de mise en oeuvre 2.3.2 Recommandation concernant la confidentialité de la demande 2.3.2.1 Contexte 2.3.2.2 Mesure de mise en oeuvre

291 291

2

281 283 286 286 287 287 288 288 289 289 289 290

291 292 292 293 296 296 297 297 299 299 299 300 300 300 301 302 302 304 279

FF 2019

2.3.3

2.4

Recommandation concernant les données volées 2.3.3.1 Contexte 2.3.3.2 Mesure de mise en oeuvre de la recommandation Autres modifications de la LAAF 2.4.1 Notification directe de documents par voie postale 2.4.2 Accès en ligne aux données

304 305 306 307 307 308

3

Droit comparé 3.1 Actions au porteur/sanctions 3.2 Données volées

308 308 310

4

Commentaire des dispositions 4.1 Code des obligations 4.2 Code pénal 4.3 Loi sur l'assistance administrative fiscale 4.4 Loi sur les titres intermédiés

311 311 326 326 332

5

Conséquences 5.1 Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes 5.2 Conséquences économiques 5.2.1 Conséquences sur l'économie suisse et la situation concurrentielle 5.2.2 Conséquences pour les entreprises concernées

332 332 333

Aspects juridiques 6.1 Constitutionnalité 6.2 Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

335 335 336

Loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (Projet)

337

6

280

333 333

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Message 1

Grandes lignes du projet

1.1

Contexte

1.1.1

Examen par les pairs du Forum mondial et recommandations émises dans le rapport de phase 2 de la Suisse

Le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales (Forum mondial) veille à ce que les normes internationales en matière d'échange de renseignements sur demande et d'échange automatique de renseignements soient appliquées de façon cohérente au niveau mondial1. Le Forum mondial vérifie la mise en oeuvre des normes au moyen d'examens par les pairs. Le premier cycle des examens par les pairs concernant l'échange de renseignements sur demande est intervenu en deux temps. Lors de la phase 1, les experts ont vérifié l'existence dans le droit national des bases légales nécessaires à un échange de renseignements sur demande conforme à la norme internationale. Lors de la phase 2, ils ont évalué la mise en oeuvre pratique du cadre réglementaire relatif à l'échange de renseignements sur demande.

Le Forum mondial applique dix critères d'évaluation2, les «éléments essentiels», qui constituent la norme internationale. L'échelle d'évaluation du Forum mondial comporte quatre degrés: «conforme», «conforme pour l'essentiel», «partiellement conforme» et «non conforme». Une note globale est attribuée au terme de la phase 2.

Seules les notes «conforme pour l'essentiel» et «conforme» sont suffisantes; d'après les normes du Groupe des vingt (G20) et du Forum mondial, les notes «partiellement conforme» et «non conforme» sont insuffisantes. Selon l'appréciation du G20/de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l'Union européenne (UE), la note globale «non conforme» conduit à l'identification d'un État comme non coopératif en matière de transparence fiscale, tandis que la note globale «partiellement conforme», en association avec des déficits dans d'autres domaines tels que l'échange automatique de renseignements, peut aboutir au même résultat. L'identification comme État non coopératif peut déclencher des mesures défensives3.

Le 26 juillet 2016, le Forum mondial a publié son rapport d'examen de phase 2 de la Suisse4. Celle-ci a obtenu la note globale «conforme pour l'essentiel». Deux des dix éléments essentiels examinés ont reçu la note insuffisante «partiellement conforme», accompagnée de diverses recommandations. Celles-ci portent d'une part sur la transparence des personnes morales (voir le ch. 2.2), d'autre part sur le régime des don1 2

3 4

Voir www.oecd.org/tax/transparency.

Voir Rapport d'examen de phase 2 de la Suisse (www.sif.admin.ch > Relations multilatérales > Forum mondial > Documentation), p. 153 ss: éléments A.1, A.2, A.3, B.1, B.2, C.1, C.2, C.3, C.4 et C.5.

Voir ch. 1.1.2.

Voir note de bas de page 2.

281

FF 2019

nées volées en tant que modalité de l'échange de renseignements (voir les ch. 1.1.4 et 2.3.3). Deux autres éléments essentiels ont reçu la note «conforme pour l'essentiel» et ont également été accompagnés de recommandations à prendre en compte.

Ces éléments essentiels portent sur l'échange de renseignements concernant les personnes décédées (ch. 2.3.1) ainsi que sur la confidentialité de la demande (ch. 2.3.2) en tant que modalités supplémentaires de l'échange de renseignements.

Ce projet vise à faire en sorte soient prises les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial, afin que la Suisse puisse conserver la note globale «conforme pour l'essentiel» lors du prochain examen par les pairs, également appelé deuxième cycle d'examens par les pairs. Le cadre légal et la mise en oeuvre pratique de la norme feront alors l'objet d'un nouvel examen, basé cette fois-ci sur les «Termes de référence du Forum mondial de 2016» (Termes de référence 2016), qui contiennent des critères d'évaluation révisés concernant la disponibilité des renseignements relatifs aux ayants droit économiques et les demandes groupées.5.

Le prochain examen de la Suisse par les pairs commence au quatrième trimestre 2018. D'après le calendrier d'examen actuel, les modifications légales nécessaires doivent donc être mises en vigueur en octobre 2019 au plus tard pour pouvoir être prises en considération lors du prochain examen par les pairs.

Le prochain examen par les pairs portera notamment sur la disponibilité des renseignements relatifs aux ayants droit économiques6, à laquelle le Forum mondial attache une grande importance. Il est cependant renoncé à anticiper une éventuelle recommandation sur ce point dans le cadre du présent projet (ch. 1.3).

5

6

282

www.oecd.org/tax/transparency/exchange-of-information-on-request/ handbook-french-eoi-2016­2020.pdf (à partir de la page 17).

Les Termes de référence 2016 se focalisent sur la disponibilité des renseignements relatifs aux ayants droit économiques de personnes morales, de constructions juridiques et de comptes bancaires aux fins de l'échange de renseignements en matière fiscale, indépendamment du profil de risque des personnes morales et des constructions juridiques.

Les normes du Groupe d'action financière (GAFI) sont quant à elles axées sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme; pour des raisons de proportionnalité, elles prescrivent une approche fondée sur les risques en matière d'obtention des renseignements requis. Le Forum mondial examine donc la disponibilité des renseignements concernés sous un autre angle que le GAFI. Les approches différenciées de ces deux organes sont valables de manière générale pour l'examen de la transparence des personnes morales.

Termes de référence 2016, p. 21, complément à l'élément A.1: «Les juridictions doivent faire en sorte que les informations relatives à la propriété et l'identité, notamment les informations sur les propriétaires légaux et les bénéficiaires effectifs, de toutes les entités et constructions juridiques pertinentes soient à la disposition de leurs autorités compétentes.»

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1.1.2

Possibles conséquences de la notation du Forum mondial

Les notes du Forum mondial sont utilisées par le G20, l'OCDE et l'UE pour déterminer si un État doit être identifié comme non coopératif en matière de transparence fiscale.

En juin 2018, l'OCDE a adopté pour identifier les États non coopératifs en matière de transparence fiscale les critères d'évaluation révisés7 ci-après, qui ont ensuite été entérinés par les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales du G20: a)

en matière d'échange de renseignements sur demande, il faut au moins obtenir la note globale «conforme pour l'essentiel»;

b)

en matière d'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (EAR), les dispositions légales requises doivent être introduites avant la fin 2018, date à laquelle l'échange de données devra démarrer; avant la fin 2019, l'accord doit être activé avec, en substance, tous les partenaires appropriés et intéressés;

c)

la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale8 (ci-après convention sur l'assistance administrative) ou un réseau d'accords bilatéraux suffisamment étendu permettant aussi bien l'échange de renseignements sur demande que l'EAR doit être en vigueur.

Un État est réputé coopératif quand il remplit au moins deux des trois critères.

Cependant, même s'il remplit deux des trois critères, il est identifié comme non coopératif si a) il obtient la note globale «non conforme» en matière d'échange de renseignements sur demande ou b) il ne remplit pas le critère relatif à l'EAR.

Lors du sommet du G20 des 30 novembre et 1er décembre 2018, l'OCDE communiquera le nombre d'États susceptibles d'être considérés comme non coopératifs au motif qu'ils n'ont pas mis en oeuvre de manière satisfaisante les normes internationales dans le domaine de la transparence fiscale. Lors du sommet du G20 des 28 et 29 juin 2019, des informations seront fournies sur les progrès accomplis par ces États, et l'identité des États qui ne coopèrent toujours pas sera révélée9.

S'agissant de l'échange de renseignements sur demande et de la convention sur l'assistance administrative, l'UE a défini les mêmes critères que l'OCDE, tandis qu'elle prévoit en matière d'EAR qu'un État devra procéder en 2018 à un premier échange de renseignements pour 2017 avec tous les États membres de l'UE et, à partir de 201810, obtenir au moins, en matière d'EAR, la note «conforme pour l'essentiel» de la part du Forum mondial. Jusqu'au 30 juin 2019, un État sera réputé coopératif s'il remplit au moins deux des trois critères. Il sera cependant jugé non 7 8 9

10

Les premiers critères ont été définis en 2016.

RS 0.652.1 OECD Secretary-General Report to the G20 Finance Ministers and Central Bank Governors, Buenos Aires, juillet 2018, p. 7, ch. 2, 66 ss; www.oecd.org/g20/ oecd-secretary-general-tax-report-g20-finance-ministers-july-2018.pdf.

Selon les informations actuelles, le Forum mondial ne procédera à des notations concernant l'EAR qu'à partir de 2020.

283

FF 2019

coopératif si, en matière d'échange de renseignements sur demande, il a obtenu la note «non conforme» de la part du Forum mondial ou n'a pas au moins obtenu la note «conforme pour l'essentiel» pour la période se terminant le 30 juin 201811.

Il est possible que l'UE introduise un quatrième critère concernant la disponibilité des renseignements sur les ayants droit économiques. Cependant, on ne sait encore rien de la manière dont il sera formulé. Il n'est pas non plus encore certain que l'UE, lors de l'évaluation du respect du critère, se basera sur la note du Forum mondial concernant la disponibilité des renseignements sur les ayants droit économiques12.

Les États non coopératifs sont inscrits sur des listes, c'est-à-dire sur une liste OCDE/ G2013 et sur une liste de l'UE des pays non coopératifs à des fins fiscales (liste commune de l'UE), étant précisé que l'inscription sur la liste commune de l'UE des États figurant sur la liste OCDE/G20 entre en considération indépendamment du fait que ceux-ci soient ou non soumis à un propre examen de l'UE14.

Dans l'UE, les pays qui figurent sur la liste commune de l'UE font tout d'abord l'objet de mesures défensives communes d'ordre administratif. Il s'agit notamment de l'augmentation du risque d'examen pour certains contribuables qui utilisent des structures ou arrangements dans lesquels sont impliqués des États non coopératifs ou de l'intensification de la surveillance de certaines transactions. Les États membres de l'UE doivent prendre au moins l'une de ces mesures. En outre, des mesures d'ordre juridique sont en discussion, telles que la non-déductibilité des coûts, le prélèvement d'impôts à la source ou des changements concernant la répartition de la charge de la preuve. De telles mesures juridiques doivent être arrêtées avant la fin 2018, même si leur mise en oeuvre par les États membres n'est prévue qu'à une date ultérieure. En outre, le Conseil de l'UE recommande aux États membres de cette dernière d'utiliser la liste commune de l'UE pour simplifier la mise en oeuvre des prescriptions européennes en matière de lutte contre les pratiques d'évasion fiscale15.

La liste commune de l'UE doit aussi être pertinente pour le nouvel examen de l'UE quant aux mesures prises par les pays tiers pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du
terrorisme. De cet examen doit découler avant la fin de 2018 une première liste européenne des États à haut risque. Les pays figurant sur la liste commune de l'UE devront être examinés en priorité. Doivent également figurer sur la liste des États à haut risque les pays qui ne sont pas considérés comme des pays à haut risque par le GAFI, mais qui sont identifiés comme une menace pour le système financier de l'UE sur le fondement d'autres sources de renseignements. À l'égard des entreprises qui sont implantées dans des pays tiers jugés à haut risque, des obligations de diligence plus strictes doivent être remplies conformément à la cinquième 11

12 13 14 15

284

Document FISC 345/ECOFIN 1088 «Liste de l'UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales» du 5 décembre 2017 sur les conclusions du Conseil de l'UE relatives à la liste commune de l'UE, Annexe V, p. 23 s.; http://data.consilium.europa.eu/doc/ document/ST-15429-2017-INIT/fr/pdf.

En ce qui concerne le contrôle de la disponibilité des renseignements relatifs aux ayants droit économiques par le Forum mondial, voir le ch. 1.3.

OECD Secretary-General Report to the G20 Finance Ministers and Central Bank Governors (note de bas de page 9), page 7, ch. 2.

Document FISC 345/ECOFIN 1088 (note de bas de page 11), p. 23 s.

Document FISC 345/ECOFIN 1088 (note de bas de page 11), p. 18 s.

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directive européenne sur le blanchiment d'argent, adoptée le 30 mai 201816. Ces entreprises peuvent également être exclues du marché européen.

D'autres organisations, telles que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ou la Banque mondiale, utiliseront également ces listes dans leurs processus. Il est probable que, en raison du risque que cela ferait courir à leur réputation, ces banques éviteront de travailler avec des États non coopératifs et que les entreprises implantées dans ces pays ne pourront pas participer à leurs projets.

Outre les mesures évoquées, certains pays prendront aussi des mesures défensives qu'ils justifieront par la liste commune de l'UE17. L'administration luxembourgeoise des contributions directes, par ex., a édicté le 7 mai 2018 une circulaire18 imposant aux contribuables luxembourgeois de fournir des renseignements sur les transactions avec des entreprises situées dans des pays figurant sur la liste commune de l'UE.

Selon cette circulaire, l'utilisation de structures ou d'arrangements avec de tels pays entraîne par ailleurs des contrôles renforcés.

Par le passé, la Suisse a été inscrite sur des listes noires à diverses reprises, notamment par le Brésil, l'Italie et le Portugal. S'agissant du Brésil, les entreprises brésiliennes qui entretenaient des relations d'affaires avec des entreprises suisses visées par la liste noire ont dû se soumettre au Brésil à des règles spécifiques concernant les prix de transfert (même si elles ne faisaient pas partie du même groupe) et la souscapitalisation.19 Une note insuffisante fait notamment baisser la crédibilité d'un pays dans les organismes internationaux tels que l'OCDE, ce qui porte atteinte à sa capacité à nouer des alliances et à défendre ses intérêts de manière efficace et crédible. En outre, la menace de mesures défensives nuit à l'attractivité d'un pays comme lieu d'implantation d'entreprises étrangères.

Il est évident que tout doit être mis en oeuvre, dans l'intérêt de la place économique suisse, pour obtenir une note globale suffisante (au moins «conforme pour l'essentiel») lors du prochain examen par les pairs, afin d'empêcher l'inscription de la Suisse sur l'une de ces listes.

Si la Suisse devait obtenir la note globale insuffisante «partiellement conforme», le Forum mondial continuerait
d'exercer une pression élevée pour que soient prises des mesures complémentaires visant à relever la note. Un tel relèvement ne serait possible qu'au moyen d'un rapport supplémentaire, qui lui-même ne pourrait intervenir 16

17

18

19

Directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive (UE) 2015/849 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme ainsi que les directives 2009/138/CE et 2013/36/UE. La directive devra avoir été transposée dans le droit national le 10 janvier 2020 au plus tard.

Dans le document FISC 345/ECOFIN 1088 (note de bas de page 11), page 17, ch. 4, l'attention des États membres de l'UE est attirée sur le fait qu'ils peuvent prendre des mesures conformément au droit national, en plus des mesures administratives communes.

Circulaire du directeur des contributions L.G. ­ no 64 du 7 mai 2018, «Mesures défensives en relation avec la liste de l'UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales»; https://impotsdirects.public.lu/fr/archive/newsletter/2018/nl_07052018.html.

Voir le message du Conseil fédéral du 23 mars 2016 concernant l'approbation de l'accord avec le Brésil sur l'échange de renseignements en matière fiscale, FF 2016 3330, ch. 1.1.

285

FF 2019

qu'une fois qu'il aura été démontré que les mesures requises ont effectivement été prises. Il convient d'éviter un tel scénario afin de ne pas mettre à mal la réputation20 en comparaison avec d'autres pays. Lors du deuxième cycle des examens, la grande majorité des pays contrôlés jusqu'à présent se sont vu attribuer la note globale «conforme» (14 pays) ou «conforme pour l'essentiel» (21 pays); seuls Curaçao, le Ghana et le Kazakhstan ont obtenu la note «partiellement conforme» (situation octobre 2018).

1.1.3

Lien avec les recommandations du GAFI

Certaines recommandations émises par le Forum mondial au sujet de la transparence des personnes morales se recoupent avec les recommandations figurant dans le quatrième rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse publié le 7 décembre 2016 par le GAFI21. La mise en oeuvre des recommandations du quatrième rapport d'évaluation mutuelle de la Suisse du GAFI s'effectue dans le cadre du présent projet (voir ch. 2.2.2.2).

1.1.4

Travaux effectués

Le Conseil fédéral a adopté le 10 juin 2016 le message sur la modification de la loi sur l'assistance administrative fiscale22, qui portait sur les données volées. L'adaptation de ce point particulier à la norme a été proposée au Parlement en particulier dans l'optique de la phase 2 de l'examen, qui avait débuté en octobre 2015 et devait se terminer en juillet 2016 avec le rapport de phase 2 de la Suisse, mais aussi en prévision du prochain examen par les pairs, qui commencera en 2018 (voir ch. 1.1.1).

Le 24 octobre 2016, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national (conseil prioritaire) a décidé que le projet de modification législative précité devait être intégré à un message du Conseil fédéral concernant la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial émises dans le rapport de phase 2 de la Suisse, c'est-à-dire au présent projet.

Ce dernier comprend donc les mesures de mise en oeuvre de toutes les recommandations du Forum mondial, y compris celle qui concerne les données volées23.

20 21 22 23

286

Une vue d'ensemble des notes est disponible à l'adresse www.oecd.org/tax/transparency/ exchange-of-information-on-request/ratings/.

Le rapport peut être consulté sous: www.sif.admin.ch > Thèmes > Intégrité de la place financière.

FF 2016 4955 Voir ch. 2.3.3.

FF 2019

1.2

Consultation

1.2.1

Résultats

Le projet concernant la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial a été mis en consultation du 17 janvier au 24 avril 2018. Ont pris position tous les cantons, six partis politiques (PDC, PLR, Vert'libéraux, Verts, PS, UDC), six organisations (economiesuisse, Union patronale suisse, Association suisse des banquiers, Union suisse des arts et métiers, Union syndicale suisse, Union des villes suisses) ainsi que 39 représentants de milieux intéressés24.

Le projet mis en consultation prévoyait huit mesures en vue de la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial: a)

conversion des actions au porteur en actions nominatives;

b)

dispositions transitoires concernant les actions au porteur qui se trouvent en circulation;

c)

système de sanctions en cas de violation des obligations;

d)

filiales de sociétés étrangères: accès à des renseignements sur le siège à l'étranger;

e)

obligation de disposer d'un compte auprès d'une banque suisse;

f)

consultation des listes devant être tenues en vertu du droit des sociétés;

g)

disposition relative à l'échange de renseignements concernant des personnes décédées;

h)

disposition relative à la confidentialité de la demande.

Les mesures ­ notamment les points a) à f) ­ ont été accueillies de manière critique.

Tandis que les cantons y sont généralement favorables, chacune des mesures a suscité le désaccord d'un grand nombre d'autres participants à la consultation, réunis dans divers groupements.

Le Conseil fédéral persiste à juger incontournables les mesures a) à d), g) et h).

D'une part, en effet, les mesures a) à d) sont indispensables à la mise en oeuvre des recommandations25. Si elles ne sont pas prises, la note globale de la Suisse lors du prochain examen par les pairs du Forum mondial sera ramenée de «conforme pour l'essentiel» à «partiellement conforme», soit à une note insuffisante qui exposerait la Suisse à un risque élevé de voir d'autres pays prendre des mesures défensives à son encontre et qui nuirait considérablement à sa réputation. D'autre part, les mesures g) et h) ne sont pas moins indispensables, tant pour des raisons de sécurité juridique que pour la pratique de l'AFC, d'autant qu'elles renforcent la position de la Suisse en vue du prochain examen par les pairs26.

24 25 26

Le rapport de résultats est disponible sous www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2018 > DFF.

Sur la mise en oeuvre des recommandations, voir ch. 2.

Voir ch. 1.1.1, 1.1.2 et 2 (appréciations portées sur les différentes mesures).

287

FF 2019

1.2.2

Nouveautés par rapport au projet mis en consultation

1.2.2.1

Principaux changements découlant des résultats de la consultation

Sur le fondement des résultats de la consultation, les principaux changements suivants seront apportés aux mesures a) à d): ­

Mesure a): la possibilité de les émettre sous forme de titres intermédiés est prévue comme option alternative à la conversion des actions au porteur.

­

Mesure b): la conversion des actions au porteur n'intervient pas automatiquement à la date de l'entrée en vigueur du nouveau droit, mais 18 mois après pour les sociétés qui n'ont pas de titres de participation cotés en bourse ou dont les actions au porteur ne sont pas émises sous forme de titres intermédiés (l'un ou l'autre fait doit être inscrit au registre du commerce, auquel cas aucune conversion n'est nécessaire).

En outre, le délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi que le projet mis en consultation impartissait aux actionnaires pour réparer l'omission de s'annoncer en tant que tels à la société est prolongé. Après la conversion de leurs actions au porteur en actions nominatives, les actionnaires peuvent ainsi demander à un tribunal, dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du nouveau droit, leur inscription au registre des actions de la société. Les actions des actionnaires qui ne se sont pas annoncés ne seront détruites qu'après l'écoulement du délai de cinq ans et après décision d'un tribunal rendue sur demande de la société.

­

Mesure c): dans l'optique de l'introduction d'une disposition pénale en cas d'omission de l'annonce de l'ayant droit économique des actions, l'art. 697j du code des obligations (CO)27 est complété par une précision concernant l'obligation d'annoncer les ayants droit économiques.

­

Mesure d): les entités juridiques dont le siège principal se trouve à l'étranger et qui ont leur administration effective en Suisse (plutôt que les succursales) doivent tenir une liste de leurs détenteurs au lieu de leur administration effective.

Il n'existe pas de marge de manoeuvre pour les mesures g) et h).

Il est renoncé aux mesures e) et f), même si la mesure e) aurait pu être utile dans la perspective du prochain examen par les pairs (voir les ch. 1.1.1 et 1.3). Ces mesures devaient garantir, sous la forme d'un contrôle indirect, la surveillance des sociétés exigée par le Forum mondial. La mesure e) visait à faire en sorte que l'intermédiaire financier vérifie que les renseignements collectés selon les règles relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent au sujet des cocontractants et des ayants droit économiques correspondent aux renseignements figurant dans les listes. La mesure f) était vue comme une contrepartie à cette vérification, puisqu'elle devait notamment conférer aux intermédiaires financiers un droit de consultation des listes. Une ana27

288

RS 220

FF 2019

lyse des autres examens par les pairs réalisés entre-temps révèle cependant que ces deux mesures, en tant qu'instruments de surveillance, ne répondent pas entièrement aux exigences du Forum mondial.

En lieu et place de ces deux mesures, l'AFC, lors de ses contrôles qu'elle effectue en matière d'impôt anticipé des sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions inscrites au registre suisse du commerce, vérifiera l'existence des listes d'actionnaires et d'ayants droit économiques qui doivent être tenues en vertu du droit des sociétés. Cette mesure incitera les sociétés à se conformer à leurs obligations à cet égard.

1.2.2.2

Données volées

Pour les raisons exposées au ch. 2.3.3, lart. 7, let. c, de la loi du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative fiscale (LAAF)28 fait l'objet d'une clarification concernant les données volées.

1.2.2.3

Autres modifications apportées à la LAAF

Deux nouvelles dispositions sont ajoutées dans la LAAF, concernant d'une part l'échange spontané de renseignements effectué depuis le 1er janvier 2018, et d'autre part l'assistance administrative fondée sur la convention sur l'assistance administrative, qui est applicable à partir de l'exercice fiscal 201829.

1.3

Perspective: prochain examen de la Suisse par les pairs

Le deuxième cycle de l'examen par les pairs est fondé sur les Termes de référence 201630, qui affirment que la disponibilité des renseignements relatifs aux ayants droit économiques constitue désormais l'un des objets de l'examen31. Les précédents rapports du deuxième cycle montrent que le Forum mondial accorde une grande importance à la bonne identification des ayants droit économiques des sociétés, fondations et trust32. À cet égard, si toutes les entités juridiques concernées en Suisse étaient tenues de disposer d'un compte auprès d'une banque suisse, les exigences du Forum mondial seraient respectées, car ce dernier voit dans une telle obligation la garantie que les ayants droit économiques seront effectivement identifiés, à savoir par la banque elle-même, dans le cadre de ses obligations ordinaires de diligence.

28 29 30 31 32

RS 651.1 Voir ch. 2.4.

Voir ch. 1.1.1.

Termes de référence 2016, page 21, élément A.1; voir note de bas de page 6.

Voir www.oecd-ilibrary.org/fr/taxation/forum-mondial-sur-la-transparence-et-l-echangede-renseignements-a-des-fins-fiscales-rapport-d-examen-par-les-pairs_22194711.

289

FF 2019

Le présent projet cependant renonce à anticiper une éventuelle recommandation sur ce point en instituant une telle obligation de disposer d'un compte, notamment parce que les participants à la consultation se sont clairement exprimés contre cette mesure. Aussi s'agira-t-il de démontrer au Forum mondial, lors du prochain examen par les pairs, que la plupart des entités juridiques concernées disposent d'ores et déjà d'un compte auprès d'une banque suisse et que l'identification des ayants droit économiques est garantie par le droit en vigueur (soit par les règles relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent, d'une part, et par l'obligation de tenir une liste correspondante et d'annoncer les ayants droit économiques des actions en vertu du droit des sociétés, d'autre part).33.

Il existe une chance que cette argumentation convainque du moins dans une certaine mesure parce que la Suisse, lors de la quatrième évaluation par le GAFI34, a obtenu un bon résultat d'ensemble en ce qui concerne l'identification des ayants droit économiques. Même si l'examen mené par le Forum mondial pourrait être plus détaillé que celui du GAFI, on peut compter que son analyse ne sera pas fondamentalement différente. Il faudra cependant s'attendre à ce que le Forum mondial émette ici une recommandation, notamment parce que le droit suisse n'oblige pas les fondations et sociétés de personnes à identifier leurs ayants droit économiques. Comme cela vient d'être dit, instituer une obligation de disposer d'un compte, comme cela avait été prévu dans le projet mis en consultation, permettrait de matérialiser cette recommandation. Il est difficile de savoir quel poids pèsera cette probable recommandation dans la note globale de la prochaine évaluation par les pairs. Mais d'autres rapports d'examen par les pairs semblent indiquer que la mise en oeuvre de toutes les mesures prévues dans le présent projet pourrait compenser la non-prise en compte de cette recommandation particulière.

1.4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201935 ni dans l'arrêté fédéral correspondant du 14 juin 201636. Cela tient au fait que ce n'est que très peu de temps avant la publication du rapport d'examen de phase 2 de la Suisse (26 juillet 2016)37 qu'est apparue la nécessité de procéder aux modifications législatives proposées ici.

33

34 35 36 37

290

La modification de la loi sur le blanchiment d'argent (LBA; RS 955.0) engagée en vue de la mise en oeuvre des recommandations du quatrième rapport d'évaluation mutuelle du 7 décembre 2016 du GAFI (la consultation a duré jusqu'au 21 septembre 2018; cf.

www.sif.admin.ch > Politique et stratégie en matière de marchés financiers > Intégrité de la place financière), qui imposerait notamment aux intermédiaires financiers de contrôler les renseignements sur les ayants droit économiques, entrera probablement en vigueur trop tardivement pour pouvoir peser favorablement dans la balance lors du prochain cycle d'examens du Forum mondial.

Voir quatrième rapport d'évaluation mutuelle du GAFI (note de bas de page 21), pages 238 ss, recommandations 24 et 25).

FF 2016 981 FF 2016 4999 Voir ch. 1.1.1.

FF 2019

2

Mise en oeuvre des recommandations

2.1

Remarques préliminaires

Les mesures proposées ci-après visent à la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial émises dans le rapport de phase 2. Chacune d'elles s'accompagne d'une appréciation de la mise en oeuvre de la recommandation concernée. Il faut noter que ces appréciations sont données du point de vue actuel et sur la base des examens par les pairs effectués jusqu'à présent dans le cadre du Forum mondial. Les mesures forment un tout qui doit permettre à la Suisse, lors du prochain examen par les pairs, qui débutera en 201838, de conserver la note globale «conforme pour l'essentiel» obtenue dans la phase 2. Pour ce faire, elles doivent cependant entrer en vigueur en temps opportun (d'après la planification actuelle, en octobre 2019). En outre, le résultat du prochain examen par les pairs dépendra aussi de la pratique appliquée pendant la période sur laquelle portera l'examen. Dans ce contexte, le déroulement concret de l'échange de renseignements avec les pays partenaires jouera un rôle essentiel. Les appréciations isolées qui sont effectuées dans les paragraphes suivants et qui sont les seules possibles à l'heure actuelle, n'ont donc qu'une pertinence limitée. Elles sont cependant nécessaires si l'on veut juger de la nécessité d'une mesure.

On voit donc qu'il n'est pas possible d'évaluer individuellement l'influence de chaque mesure sur la note globale. Il convient cependant de relever que la position de la Suisse sera de toute façon considérablement affaiblie si l'une des mesures pour la mise en oeuvre des recommandations relatives à la transparence des personnes morales est retirée du train de mesures39. Ce risque peut d'autant moins être pris que l'on ne sait pas encore quel résultat la Suisse va obtenir quant au critère de la disponibilité des renseignements relatifs aux ayants droit économiques, qui sera pris en compte pour la première fois lors du prochain examen par les pairs40.

2.2

Recommandations concernant la transparence des personnes morales

La Suisse a reçu de la part du Forum mondial trois recommandations pour l'élément A.141. Selon cet élément, les pays doivent s'assurer que les renseignements relatifs à la propriété et à l'identité de l'ensemble des entités et arrangements pertinents sont disponibles. Les trois recommandations concernent l'identification des détenteurs de parts au porteur, la surveillance des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions, ainsi que la disponibilité des renseignements relatifs à la propriété d'entités juridiques constituées hors de Suisse, mais dont l'administration effective est en Suisse.

38 39 40 41

Sur la nécessité de mettre en oeuvre les recommandations, voir aussi les ch. 1.1.1 et 1.1.2.

Sur la nécessité de mettre en oeuvre les recommandations, voir aussi les ch. 1.1.1 et 1.1.2.

Voir ch. 1.3.

Voir ch. 1.1.1.

291

FF 2019

2.2.1

Recommandation 1

La Suisse doit faire en sorte que des mécanismes appropriés soient en place pour assurer l'identification des détenteurs de parts au porteur en toutes circonstances42.

2.2.1.1

Contexte

Le 1er juillet 2015, avec la loi fédérale du 12 décembre 2014 sur la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière, révisées en 2012 («loi GAFI»)43, de nouvelles dispositions relatives à la transparence des personnes morales sont entrées en vigueur dans le code des obligations. Selon ces nouvelles dispositions, quiconque acquiert des actions au porteur d'une société non cotée en bourse44 a l'obligation d'annoncer cette acquisition à la société concernée dans un délai d'un mois (art. 697i CO); en outre, quiconque acquiert des actions d'une société non cotée en bourse a l'obligation d'annoncer l'ayant droit économique des actions à la société dans un délai d'un mois si sa participation atteint le seuil de 25 % du capital-actions à la suite de cette opération (art. 697j CO). L'actionnaire ne peut pas exercer les droits sociaux liés aux actions dont l'acquisition est soumise aux obligations d'annoncer tant qu'il ne s'est pas conformé à ces dernières. De même, il ne peut faire valoir les droits patrimoniaux liés à ses actions qu'une fois qu'il s'est conformé à ses obligations d'annoncer. S'il omet de se conformer à ses obligations d'annoncer dans un délai d'un mois à compter de l'acquisition de l'action, ses droits patrimoniaux s'éteignent. S'il répare cette omission à une date ultérieure, il peut faire valoir les droits patrimoniaux qui naissent à compter de cette date (art. 697m CO). De plus, les sociétés ont désormais l'obligation de tenir une liste des détenteurs d'actions au porteur et des ayants droit économiques qui leur ont été annoncés (art. 697l OR).

Au sujet de la première recommandation, le rapport de phase 2 de la Suisse note que les nouvelles dispositions n'assurent pas de façon efficace que les détenteurs d'actions au porteur puissent être identifiés dans les délais fixés par la loi45.

La question des actions au porteur pèse fortement dans le cadre de l'examen par les pairs du Forum mondial. Il est exigé que les actions soient immobilisées par consignation ou inscription auprès d'une personne soumise aux règles de la lutte contre le blanchiment d'argent ou qu'elles soient supprimées.

Si la première recommandation n'est pas suffisamment mise en oeuvre, la Suisse doit s'attendre à la note «non conforme» pour ce point, ce qui lui permettrait d'atteindre 42 43 44

45

292

Recommandation relative à l'élément A.1; rapport (note de bas de page 2), page 143.

RO 2015 1389 Ces dispositions n'ont été introduites que pour les sociétés non cotées en bourse, car la transparence des sociétés dont les actions sont cotées en bourse est déjà garantie par les obligations d'annoncer inscrites aux art. 120 ss de loi sur l'infrastructure des marchés financiers (LIMF; RS 958.1); voir le message concernant la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière (GAFI), révisées en 2012, FF 2014 596 (ci-après: message GAFI).

Note de bas de page 42, op. cit.; voir aussi le rapport (note de bas de page 2), ch. 150.

FF 2019

au mieux la note globale «partiellement conforme» ­ qui est insuffisante ­ lors du prochain examen par les pairs46.

2.2.1.2

Mesures de mise en oeuvre

1. Conversion des actions au porteur en actions nominatives ou émission sous forme de titres intermédiés L'art. 622, al. 1bis, P-CO prévoit que les actions au porteur ne sont autorisées que si une société a des titres de participation cotés en bourse47 ou que si les actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés conformément à la loi fédérale du 3 octobre 2008 sur les titres intermédiés (LTI)48 et déposées auprès d'un dépositaire désigné par la société en Suisse49. Conformément à l'art. 622, al. 2bis P-CO, les sociétés ayant des actions au porteur doivent faire inscrire au registre du commerce le fait qu'elles ont des titres de participation cotés en bourse ou que leurs actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés.

Une obligation de convertir les actions au porteur en actions nominatives était prévue dans l'avant-projet de 2005 de la révision du droit de la société anonyme50.

Cependant, compte tenu du résultat très net de la procédure de consultation, le Conseil fédéral avait décidé de maintenir le principe des actions au porteur alors même qu'il était fort probable «que la Suisse subira de plus en plus de pressions internationales à cause de la possibilité offerte à ses sociétés anonymes d'émettre des actions au porteur» (voir le message du 21 décembre 2007 concernant la révision du code des obligations [Droit de la société anonyme et droit comptable; adaptation des droits de la société en nom collectif, de la société en commandite, de la société à responsabilité limitée, de la société coopérative, du registre du commerce et des raisons de commerce])51. Dans le cadre de la mise en oeuvre des recommandations du GAFI de 2012, le Conseil fédéral s'était déjà exprimé, dans le projet mis en

46 47

48 49

50

51

Concernant l'appréciation, voir ch. 1.1.1.

La transparence des sociétés dont les droits de participation sont cotés en bourse est déjà garantie par les obligations d'annoncer inscrites à l'art. 120 LIMF (voir aussi note de bas de page 44).

RS 957.1 Conformément à l'art. 656a, al. 2, CO, les bons de participation sont également concernés par cette modification de la loi. Cela signifie que, dans les sociétés sans titres de participation cotés en bourse, les bons de participation au porteur ne sont autorisés que s'ils sont émis sous forme de titres intermédiés (voir Basler Kommentar Wertpapierrecht, Bärtschi, art. 6 LTI, note 92). Pour les bons de participation au porteur, les art. 4 ss des dispositions transitoires du P-CO s'appliquent donc de manière identique. Voir aussi Communication OFRC 1/15 du 24 juin 2015 «Les incidences en droit des sociétés de la loi fédérale sur la mise en oeuvre des recommandations du Groupe d'action financière révisées en 2012», disponible à l'adresse https://ehra-fenceit.ch > Communications.

Rapport explicatif du 2 décembre 2005 concernant l'avant-projet de révision du code des obligations: Droit de la société anonyme et droit comptable, ch. 2.3.5 (www.bj.admin.ch > Économie > Projets législatifs terminés > Révision du droit de la société anonyme et du droit comptable).

FF 2008 1436

293

FF 2019

consultation52, contre une conversion des actions au porteur en actions nominatives.

Cependant, les nouvelles dispositions introduites par la loi GAFI ont conduit à un fort rapprochement des actions au porteur et des actions nominatives, dans la mesure où elles ont atténué considérablement les caractéristiques essentielles des actions au porteur, à savoir le relatif anonymat et les facilités de transfert. Comme l'illustre le tableau récapitulatif ci-dessous, le régime des actions au porteur et celui des actions nominatives sont quasiment identiques. Ainsi, si une société concernée opte pour la conversion de ses actions au porteur en actions nominatives, les droits et obligations de ses actionnaires n'en sont pas fondamentalement modifiés.

Actions nominatives (684 ss CO)

Actions au porteur (683 CO)

Obligation d'annoncer

Les acquéreurs doivent s'annoncer à la société et requérir leur inscription au registre des actions pour être reconnus comme actionnaires (686 CO).

Les acquéreurs sont tenus de s'annoncer à la société (697i CO) ou à l'intermédiaire financier (697k CO).

Cette obligation ne s'applique pas si les actions au porteur sont cotées en bourse (note de bas de page 40) ou émises sous forme de titres intermédiés (art. 697i, al. 1 et 4, CO).

Renseignements enregistrés

Dans le registre des actions nominatives (686 CO) ­ Nom et adresse des actionnaires ­ Accessible en tout temps en Suisse

Dans la liste des détenteurs d'actions au porteur (697l CO) ­ Prénom et nom ou raison sociale et adresse des actionnaires ­ Accessible en tout temps en Suisse

Pièces justificatives ­ Pièce établissant l'acquisition du titre en propriété

­ Pièce établissant l'acquisition du titre (production des actions originales ou de copies) ­ Attestation officielle pour les personnes physiques/extrait du registre du commerce pour les personnes morales

Conséquences du non-enregistrement de l'actionnaire/ associé

L'acquéreur ne peut exercer aucun des droits sociaux et patrimoniaux liés aux parts sociales (697m CO).

L'acquéreur n'est pas considéré comme actionnaire par la société et ne peut exercer aucun des droits sociaux et patrimoniaux liés aux parts sociales.

Depuis l'introduction des nouvelles dispositions, le nombre des actions au porteur est à la baisse: la part des sociétés anonymes nouvellement fondées dont le capitalactions est exclusivement composé d'actions nominatives, qui était de 73 % en 2014, est maintenant passée à 89,8 %. Parallèlement, selon une estimation de l'Office fédéral de la justice, plus de mille sociétés ont librement converti leurs actions au porteur en actions nominatives.

52

294

Mise en oeuvre des recommandations révisées du Groupe d'action financière, rapport explicatif du 27 février 2013, ch. 1.2.1.2 (www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2013 > DFF).

FF 2019

Une obligation d'émettre les actions au porteur en tant que titres intermédiés a été discutée lors des travaux préparatoires de la mise en oeuvre des recommandations du GAFI de 2012 et a été rejetée parce que l'on ne voulait pas d'une suppression de fait des actions au porteur53.

Appréciation: La première recommandation ne peut être mise en oeuvre que par la conversion des actions au porteur en actions nominatives ou par leur émission sous forme de titres intermédiés. La mesure 1 a été conçue en conséquence. Elle rend obsolète la question de l'identification des détenteurs d'actions au porteur. Elle envoie un signal fort au Forum mondial. La Suisse se joint ainsi à d'autres places financières importantes qui ont également supprimé les actions au porteur (Royaume-Uni, États-Unis, Singapour, Hong Kong, Belgique, Autriche) ou qui les ont immobilisées (Allemagne, Liechtenstein, Luxembourg)54. Cette mesure constitue un changement radical par rapport aux obligations d'annoncer du droit des sociétés et aux obligations du droit des sociétés sur la tenue de listes, système qui n'avait été introduit qu'en 2015. Elle donne cependant l'assurance que l'identification des détenteurs d'actions au porteur ne sera plus un sujet de préoccupation pour la Suisse, même après le prochain examen par les pairs, qui débutera en 2018.

Si la première recommandation n'est pas mise en oeuvre, la Suisse doit s'attendre à la note «non conforme» pour ce point, ce qui lui permettrait d'atteindre au mieux la note globale «partiellement conforme» ­ qui est insuffisante ­ lors du prochain examen par les pairs55. La mesure est indispensable à la mise en oeuvre de la première recommandation, car il n'existe pas de solution de remplacement.

2. Dispositions transitoires concernant les actions au porteur qui se trouvent en circulation L'art. 697m CO prévoit que les droits patrimoniaux d'un actionnaire s'éteignent s'il omet de se conformer à ses obligations d'annoncer visées aux art. 697i, 697j et 697k CO56 dans un délai d'un mois à compter de l'acquisition de l'action. S'il répare cette omission à une date ultérieure, il peut faire valoir les droits patrimoniaux qui naissent à compter de cette date.

La réactivation des droits en cas de retards relatifs aux obligations en matière d'annonce ou de conversion des actions au porteur fait
l'objet de tout examen du Forum mondial. Le rapport de phase 2 de la Suisse déplore le fait qu'un détenteur de parts au porteur, par la possibilité de réactiver les droits des actionnaires à une date ultérieure, puisse demeurer anonyme jusqu'au moment où il veut exercer ses droits dans la société57. Une modification du droit en vigueur est indispensable à cet égard.

53 54 55 56

57

Voir rapport explicatif relatif au projet mis en consultation (note de bas de page 52), page 9, ch. 1.2.1.2.

Voir ch. 3.

Voir ch. 1.1.1.

Les art. 697i et 697k CO, qui se rapportent aux actions au porteur, devraient être abrogés par le présent projet, tandis que l'art. 697j CO, qui concerne les ayants droit économiques, sera maintenu.

Rapport (note de bas de page 2), ch. 150.

295

FF 2019

Les dispositions transitoires résolvent le problème par étapes. Dans les sociétés sans titres de participation cotés en bourse et dont les actions au porteur ne sont pas émises sous forme de titres intermédiés, le conseil d'administration somme les actionnaires qui ne se sont pas conformés à leur obligation d'annoncer fondée sur l'ancien droit de réparer cette omission. La sommation doit préciser que les actionnaires qui ne s'acquittent pas de leur obligation d'annoncer seront définitivement déchus de leurs droits et que leurs apports seront acquis à la société (art. 4 P-Disp.

trans.). Si, 18 mois après l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, P-CO, des sociétés sans titres de participation cotés en bourse ont encore des actions au porteur n'ayant pas fait l'objet de l'inscription visée à l'art. 622, al. 2bis, P-CO, ces dernières sont converties de plein droit en actions nominatives (art. 5, al. 1, P-Dis. trans.). Après la conversion des actions au porteur en actions nominatives, les actionnaires qui ne se sont pas acquittés de leurs obligations ne peuvent plus se faire directement inscrire au registre des actions par la société, mais doivent demander au tribunal leur inscription audit registre dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, CO (art. 8, al. 1, P-Disp. trans.). Après l'expiration de ce délai, les actions des actionnaires qui ne se sont pas annoncés et qui n'ont pas requis auprès du tribunal leur inscription dans le registre des actions sont détruites par décision judiciaire. Les actionnaires sont définitivement déchus de leurs droits et leurs apports sont acquis à la société (art. 9, al. 3, P-Disp. trans.).

Appréciation: Les obligations d'annoncer applicables aux détenteurs d'actions au porteur ont été introduites en 2015. Si l'on y ajoute le délai additionnel de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, CO, les détenteurs d'actions au porteur qui ne se sont pas acquittés de leurs obligations disposent d'une période confortable pour s'identifier comme actionnaires avant de perdre définitivement leurs prétentions légales. Pour mettre en oeuvre la première recommandation, il est indispensable de prendre une mesure supprimant la réactivation des droits patrimoniaux des actionnaires qui s'acquittent avec retard de leurs obligations d'annoncer.

2.2.1.3

Publication d'un guide pratique

Afin de simplifier la mise en oeuvre pratique, le Département fédéral des finances, en collaboration avec les offices fédéraux compétents, va publier en prévision de l'entrée en vigueur du nouveau droit un guide relatif à la conversion des actions au porteur en actions nominatives ou leur émission sous forme de titres intermédiés.

2.2.2

Recommandation 2

La Suisse doit veiller à ce que son système de surveillance soit efficace pour les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions58.

58

296

Recommandation relative à l'élément A.1; rapport (note de bas de page 2), page 144.

FF 2019

2.2.2.1

Contexte

Le rapport de phase 2 de la Suisse explique au sujet de la deuxième recommandation que la Suisse doit améliorer la supervision de l'obligation des sociétés anonymes et des sociétés en commandite par actions de tenir un registre des actions et l'efficacité des mesures d'exécution, car il n'existe pas de sanctions claires en cas d'infraction aux règles59.

L'examen d'autres États par les pairs montre que, par surveillance efficace des sociétés, le Forum mondial entend un système de sanctions dissuasif en cas de violation des obligations, ainsi que des contrôles in situ des listes devant être tenues en vertu du droit des sociétés ou des contrôles des actionnaires d'une société par leur notification à une autorité. Un système de sanctions est proposé ci-dessous. En outre, lors des contrôles concernant l'impôt anticipé des sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions inscrites au registre suisse du commerce qu'elle effectue sur la base de l'art. 40, al. 2, de la loi fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé60, l'AFC vérifiera si les listes devant être tenues en vertu du droit des sociétés existent.

Cela incitera les sociétés à honorer leurs obligations à cet égard. Grâce à ces mesures, la Suisse devrait, en association avec les autres mesures proposées, pouvoir renforcer sa position et conserver la bonne note obtenue lors du dernier examen par les pairs.

2.2.2.2

Mesure de mise en oeuvre

Introduction de sanctions (art. 327 et 327a P-CP, art. 731b, al. 1, ch. 3 et 4, P-CO) Comme il a été exposé au ch. 2.2.2.1, un système de sanctions en cas de violation des obligations est indissociable d'une surveillance efficace des sociétés. Une violation des obligations peut être commise au niveau de la société ou à celui de l'associé. Le système de sanctions doit englober ces deux niveaux.

Un réexamen du système de sanctions doit également être effectué dans la perspective de la mise en oeuvre des recommandations émises dans le quatrième rapport d'évaluation mutuelle du GAFI61. Se prononçant sur les mesures prises au sujet de la transparence des personnes morales et des ayants droit économiques, le rapport juge leur efficacité insuffisante et constate que diverses améliorations sont nécessaires.

Le rapport relève en particulier que les sanctions découlant du droit des sociétés en cas d'inobservation des obligations d'annoncer des actionnaires et des obligations en matière de tenue de listes ne sont pas assez dissuasives62.

Sur ce point, le quatrième rapport d'évaluation mutuelle du GAFI se recoupe avec le rapport de phase 2 de la Suisse établi par le Forum mondial. Lors de l'évaluation de 59 60 61 62

Note de bas de page 58, op. cit.; voir aussi le rapport (note de bas de page 2), ch. 150.

RS 642.21 Voir note de bas de page 21.

Voir quatrième rapport d'évaluation du GAFI (note de bas de page 21), p. 127 et 204, critère 24.13.

297

FF 2019

suivi qui sera effectuée en 2021 par le GAFI, la Suisse devra être en mesure de prouver l'efficacité des dispositions introduites dans le cadre de la loi GAFI. Étant donné que la Suisse ne connaît ni surveillance découlant du droit des sociétés ni obligation générale de révision pour les sociétés ­ puisque les modifications qui sont entrées en vigueur dans le droit de la révision le 1er janvier 2008 ont eu pour conséquence qu'à l'heure actuelle la majeure partie des sociétés suisses n'ont plus d'organe de révision (possibilité de procéder à un «opting-out» ­, cette preuve pourrait être difficile à apporter sans l'introduction de dispositions pénales. En février 2018, dans le cadre d'un rapport de suivi, la Suisse devait informer le GAFI des mesures envisagées. Le GAFI devra avoir été informé en février 2019 au plus tard des progrès accomplis depuis.

Le projet de loi reprend premièrement les dispositions pénales qui étaient prévues dans le projet de la loi GAFI63. C'est ainsi que les art. 327 et 327a du code pénal (CP)64 répriment la violation de l'obligation du droit des sociétés d'annoncer les ayants droit économiques (niveau de l'associé) et la violation de l'obligation du droit des sociétés sur la tenue de listes ou des obligations du droit des sociétés en découlant (niveau de la société). En lien avec l'introduction de ces dispositions pénales, conformément à une demande faite lors de la consultation, l'art. 697j CO est précisé concernant l'annonce des ayants droit économiques des actions.

Dans le message relatif au projet GAFI, le Conseil fédéral considérait que ces dispositions pénales étaient nécessaires pour se conformer aux normes internationales, qui exigent qu'un éventail de sanctions dissuasives existe aux fins d'assurer la fiabilité des renseignements et l'efficacité du régime dans son ensemble65. Lors des délibérations parlementaires, on a cependant estimé que la suspension et l'extinction des droits patrimoniaux de l'actionnaire prévues au nouvel art. 697m CO étaient suffisantes en cas d'inobservation des obligations d'annoncer. Les dispositions pénales ont été jugées disproportionnées et ont été biffées66.

L'art. 731b, al. 1, ch. 3 et 4, P-CO prévoit par ailleurs que la tenue non conforme aux prescriptions du registre des actions ou de la liste des ayants droit économiques annoncés
à la société, ou l'émission d'actions au porteur par une société sans que celle-ci aient des titres de participation cotés en bourse ou sans que les actions au porteur soient émises sous forme de titres intermédiés, constituent une carence dans l'organisation de la société, si bien qu'un actionnaire ou un créancier peut requérir du tribunal qu'il prenne les mesures nécessaires.

Appréciation: Cette mesure revient sur les nouvelles dispositions relatives à la transparence des personnes morales, qui viennent d'être introduites en 2015. La deuxième recommandation requiert une surveillance efficace des sociétés anonymes et des sociétés en 63 64 65 66

298

FF 2014 692 RS 311.0 FF 2014 580, 620 s.

En revanche, la loi GAFI a introduit, sous la forme de l'art. 149, al. 1, let. f, de la loi du 23 juin 2006 sur les placements collectifs (LPCC; RS 951.31), une disposition pénale concernant les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) et se rapportant aux cas dans lesquels le registre des actions n'est pas tenu correctement.

FF 2019

commandite par actions. Le Forum mondial entend par là un système de sanctions dissuasif en cas de violation des obligations. Des sanctions sont également nécessaires pour la mise en oeuvre des recommandations du quatrième rapport d'évaluation mutuelle du GAFI. Ces examens par les pairs réalisés récemment ont également montré que la mesure était indispensable des deux points de vue.

Cette mesure, en association avec les autres mesures proposées, doit servir à conserver la bonne note obtenue lors du dernier examen par les pairs. On ne peut cependant pas exclure que la vérification de l'existence des listes devant être tenues en vertu du droit des sociétés, que l'AFC effectue dans le cadre de ses contrôles en matière d'impôt anticipé, soit critiquée par le Forum mondial comme n'étant pas suffisamment systématique.

2.2.3

Recommandation 3

La Suisse doit faire en sorte que l'accès aux renseignements relatifs à la propriété et à l'identité des propriétaires des sociétés étrangères ayant leur siège de direction effectif en Suisse et y possédant un établissement stable soit garanti67.

2.2.3.1

Contexte

Les obligations d'annoncer du droit des sociétés ne s'appliquent qu'aux sociétés ayant leur siège en Suisse. Si des renseignements doivent être accessibles sur les sociétés ayant leur siège à l'étranger, il faut le prévoir spécifiquement.

2.2.3.2

Mesure de mise en oeuvre

Introduction de l'art. 22ibis P-LAAF relatif à la transparence des entités juridiques dont le siège principal se trouve à l'étranger et qui ont leur administration effective en Suisse En vue de la mise en oeuvre de la troisième recommandation, l'art. 22ibis LAAF prévoit que les entités juridiques dont le siège principal se trouve à l'étranger et qui ont leur administration effective en Suisse doivent tenir une liste de leurs détenteurs légaux au lieu de leur administration effective. La liste doit contenir les prénom et nom ou la raison sociale ainsi que l'adresse des détenteurs.

67

Recommandation relative à l'élément A.1; rapport (note de bas de page 2), page 143.

La note de bas de page 9 des Termes de référence 2016 (voir note de bas de page 5) précise à ce sujet: «... lorsqu'une société ou une personne morale a un lien suffisant avec une autre juridiction, notamment lorsqu'elle est résidente de cette juridiction à des fins fiscales (par ex. parce que c'est là que se situe son siège de direction ou d'administration effective) ou, à défaut d'application du concept de résidence à des fins fiscales dans cette autre juridiction, un autre lien possible est que la société y ait son siège social, cette autre juridiction devra aussi s'assurer que des renseignements sur la propriété sont disponibles.» Il s'agit donc des détenteurs légaux de telles entités juridiques et non de leurs ayants droit économiques.

299

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Appréciation: La troisième recommandation avait déjà été adressée à la Suisse au cours de la phase 1. La mesure complète le train de mesures destiné à mettre en oeuvre les recommandations de l'élément A.1, et accroît ainsi les chances de voir cet élément se voir décerner la note «conforme pour l'essentiel». Elle permet par ailleurs d'aligner les obligations des entités juridiques qui ont leur administration effective en Suisse sur celles des sociétés suisses. La mesure est indispensable à la mise en oeuvre de la recommandation.

2.3

Recommandations concernant l'échange de renseignements

L'examen par les pairs du Forum mondial a également porté sur des éléments essentiels relatifs à l'accès aux renseignements et à leur échange. La Suisse a reçu à ce sujet trois recommandations nécessitant une mise en oeuvre.

2.3.1

Recommandation concernant l'échange de renseignements concernant des personnes décédées

La Suisse doit faire en sorte que les renseignements sur les personnes décédées puissent être échangés en toutes circonstances68.

2.3.1.1

Contexte

Selon le droit suisse, il ne peut être fourni d'assistance administrative pour des personnes décédées, qui n'ont pas la capacité d'être partie et d'ester en justice. Il en va de même pour la succession69. Afin qu'il soit tout de même possible de fournir une assistance administrative dans les procédures visant une personne décédée, la pratique actuelle de l'AFC consiste à déterminer qui sont les éventuels successeurs légaux pouvant servir de destinataires de la décision. Cette pratique n'est cependant possible que si les successeurs légaux disposent selon le droit suisse de la capacité d'être partie et d'ester en justice. Une autre difficulté réside dans le fait que, même par l'intermédiaire du détenteur des renseignements, l'AFC ne parvient pas toujours à identifier les successeurs légaux. On pense notamment aux situations dans lesquelles la demande d'assistance administrative vise une personne dont l'État requérant ignore l'identité, qui peut par ex. être identifiée par un type de comportement (demande groupée), et qui se révèle être décédée. De même, les successeurs légaux, dans une telle situation, ne peuvent pas être déterminés par l'intermédiaire de l'autorité requérante, car l'État requérant ignore l'identité de la personne concernée et celle-ci ne pourrait pas non plus lui être communiquée. Enfin, il est difficile de 68 69

300

Recommandation relative à l'élément B.2; rapport (note de bas de page 2), page 145.

Voir arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6829/2010 du 4 février 2011, consid. 3.1; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6630/2010 du 19 juillet 2011, consid. 3.1.

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fournir l'assistance administrative concernant les successeurs légaux lorsque la demande d'assistance administrative se fonde sur un comportement de la personne décédée relevant du droit pénal en matière fiscale, sachant que, dans le cadre de l'assistance administrative, des décisions ne peuvent en principe être rendues qu'à l'encontre de la personne ayant eu le comportement répréhensible70.

D'après l'art. 26, par. 1, du modèle de convention de l'OCDE (MC OCDE)71, les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne. La notion de «pertinence vraisemblable» a pour but d'assurer un échange de renseignements aussi complet que possible sans toutefois permettre aux États contractants d'aller à la «pêche aux renseignements» ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu'ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d'un contribuable déterminé72.

Par conséquent, les conventions contre les doubles impositions (CDI) de la Suisse qui sont conformes à la norme internationale en matière d'échange de renseignements sur demande disposent chacune que les règles de procédure administrative relatives aux droits du contribuable prévues dans l'État contractant requis demeurent applicables, mais que ces dispositions ne doivent pas servir à éviter ou retarder de manière excessive le processus d'échange de renseignements73. En d'autres termes, l'incapacité d'être partie et d'ester en justice prévue par le droit suisse ne doit pas à elle seule rendre impossible une prestation d'assistance administrative due en vertu d'une convention internationale, d'autant plus que la procédure d'assistance administrative vise à contribuer à l'application du droit étranger. La Suisse doit par conséquent faire en sorte que les renseignements sur les personnes décédées puissent être échangés en toutes circonstances.

2.3.1.2

Mesure de mise en oeuvre

Introduction de l'art. 18a P-LAAF sur la capacité d'être partie et d'ester en justice Pour résoudre le problème, l'art. 18a P-LAAF prévoit que les personnes (même décédées), les masses patrimoniales distinctes et les autres entités juridiques au sujet desquelles des renseignements sont réclamés dans la demande d'assistance administrative se voient conférer le statut de partie. Il s'agit ainsi de garantir qu'une assistance administrative pourra aussi être fournie concernant des personnes (même décédées), des masses patrimoniales distinctes et d'autres entités juridiques qui, selon le droit suisse, ne disposent pas de la capacité d'être partie et d'ester en justice (par ex.

personne décédée ou succession). Le droit d'agir pour une partie à laquelle les autres dispositions du droit suisse ne reconnaissent pas ce statut doit être déterminé par le droit de l'État requérant. Dans les procédures d'assistance administrative visant des

70 71 72 73

Voir arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6829/2010 du 4 février 2011, consid. 2.1.4.

www.ocde.org > Thèmes > Fiscalité > Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune Voir ATF 141 II 436, consid. 4.4.3.

Voir également ATF 143 II 510, consid. 4.

301

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personnes décédées, leurs successeurs légaux ont qualité de partie et qualité pour recourir.

Appréciation: En pratique, lorsque les successeurs légaux de personnes décédées sont connus, qu'ils disposent de la capacité d'être partie et d'ester en justice selon le droit suisse et que les faits invoqués ne relèvent pas du droit pénal fiscal, il est possible de trouver une solution pour les problèmes existant avec des États partenaires. Une réglementation allant dans le sens proposé est cependant indispensable pour que la sécurité juridique soit garantie et que l'AFC puisse fournir une assistance administrative conforme à la norme dans tous les cas où l'ordre juridique suisse et celui de l'État requérant divergent sur la définition de la capacité d'être partie et d'ester en justice.

La manière ouverte dont cette disposition est formulée vise à empêcher que la Suisse soit de nouveau confrontée à très court terme au reproche de ne pas respecter les normes si elle doit refuser la demande d'assistance administrative en raison de l'incapacité d'être partie et d'ester en justice dans d'autres situations possibles qui ne concernent pas des personnes décédées.

Dans le cadre de la phase 2 de l'examen par les pairs, seules les demandes d'assistance administrative concernant des personnes décédées ont été évaluées. Si l'évaluation avait également couvert d'autres situations possibles, celles-ci auraient elles aussi été évoquées dans la recommandation74. Le fait que le libellé de la recommandation soit limité aux personnes décédées ne peut donc être invoqué pour limiter le champ d'application de l'art. 18a LAAF aux seules personnes décédées. La mesure est indispensable pour des raisons de sécurité juridique et pour la pratique de l'AFC.

2.3.2

Recommandation concernant la confidentialité de la demande

La Suisse doit s'assurer qu'elle respecte les exigences de confidentialité prévues par la norme internationale75.

2.3.2.1

Contexte

Le commentaire de l'art. 26, par. 2, MC OCDE76 relève, au sujet du principe de confidentialité en vigueur dans l'assistance administrative, que la correspondance entre les autorités compétentes des États partenaires, y compris la lettre de demande de renseignements, doit elle aussi être traitée de façon confidentielle, et que, parmi les renseignements contenus dans la lettre, seuls peuvent être divulgués ceux qui sont nécessaires pour obtenir les renseignements demandés. Si «des procédures judiciaires ou des procédures assimilables» de l'État requis nécessitent que l'on 74 75 76

302

Voir note de bas de page 68.

Recommandation relative à l'élément C.3; rapport (note de bas de page 2), page 146.

www.oecd-ilibrary.org/fr/taxation/modele-de-convention-fiscale-concernant-le-revenu-etla-fortune-2014-version-complete_9789264239142-fr

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divulgue la lettre elle-même, l'État requis peut le faire à moins que l'État requérant ne s'y oppose.

D'après le Forum mondial, cette disposition signifie que, dans une procédure de première instance (procédure de décision de l'AFC), la lettre de demande doit toujours être traitée de façon confidentielle et ne doit pas être divulguée.

En revanche, selon la jurisprudence suisse, la demande doit, conformément aux art. 14 et 15 LAAF, être divulguée aux personnes probablement habilitées à recourir, cela à l'issue de l'obtention des renseignements mais avant la notification de la décision finale, pour autant qu'il n'existe pas de motif de dérogation au sens de l'art. 27, al. 1, de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)77/78. Cette façon de procéder est une conséquence du droit de consulter les pièces, lequel découle du droit d'être entendu visé à l'art. 29, al. 2, de la Constitution (Cst)79.

L'art. 27, al. 1, PA prévoit que l'autorité ne peut refuser la consultation des pièces que si des intérêts importants de la Confédération, des cantons ou de la partie adverse ou l'intérêt d'une enquête officielle non encore close exigent que le secret soit gardé. Si la consultation de pièces a été refusée à la partie, elles ne peuvent être utilisées contre elle que si l'autorité lui en a communiqué, oralement ou par écrit, le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves (art. 28 PA).

Si une personne concernée souhaite exercer son droit de consultation, l'AFC donne d'abord à l'État requérant, sur le fondement de l'art. 15, al. 2, LAAF, la possibilité de prendre position sur la divulgation de la demande et de la correspondance entre les autorités et de faire valoir des motifs essentiels de garder le secret sur certaines pièces du dossier. Sur ce point, le rapport de phase 2 de la Suisse80 relève que la pratique de l'AFC n'est pas conforme à la norme, bien que les motifs de garder le secret invoqués soient examinés avec bienveillance. La norme exige en effet que la demande soit traitée de manière confidentielle et n'accepte aucune exception, en dehors des audiences publiques ou décisions de justice.

Plusieurs États partenaires de la Suisse s'opposent par principe à la divulgation de la demande, que ce soit en
totalité ou en partie. Ils se fondent pour cela sur le commentaire de l'art. 26 MC OCDE. Concrètement, il est argué qu'une divulgation compromet le succès de l'enquête dans l'État requérant. Ces États partenaires ajoutent que les demandes contiennent souvent des renseignements jugés confidentiels selon le droit de l'État requérant. Ils estiment qu'une divulgation de ces renseignements dans le cadre d'une procédure suisse entraîne une violation des normes de confidentialité de l'État requérant. En conséquence, divers États partenaires ont suspendu ou retiré des demandes en guise de protestation et renoncé à bénéficier d'une assistance administrative. Par ailleurs, certains États partenaires attirent de plus en plus l'attention sur le fait que la procédure d'assistance administrative doit être comprise comme une procédure d'assistance visant à l'application de la législation étrangère interne, qui vise à permettre l'échange de renseignements entre les pays pour clari77 78 79 80

RS 172.021 Voir ATF 2C_112/2015, consid. 4.4.

RS 101 Rapport (note de bas de page 2), page 128, ch. 419.

303

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fier des questions en suspens dans le domaine fiscal. Ces États partenaires ajoutent que les droits de participation de leurs contribuables sont intégralement garantis dans le cadre de la procédure interne ultérieure dans laquelle sont exploités les renseignements obtenus au moyen de l'assistance administrative.

Une telle exigence générale de restriction du droit de consultation pourrait être considérée comme arbitraire du point de vue du droit suisse. Cependant, afin de respecter autant que possible les recommandations et la norme et de ne pas affecter davantage les relations avec les États partenaires, il appartient à la Suisse de proposer ici une solution.

2.3.2.2

Mesure de mise en oeuvre

Modification de l'art. 15, al. 2, LAAF concernant la consultation des pièces La mesure consiste à reformuler l'art. 15, al. 2, LAAF pour tenir compte de la norme autant que possible tout en limitant le plus possible les risques d'atteinte au droit d'être entendu prévu par l'art. 29, al. 2, Cst.. La consultation de la demande ellemême et de la correspondance avec l'autorité étrangère ne doit donc être accordée que si cette dernière y consent. Si tel n'est pas le cas, l'AFC informe la personne habilitée à recourir du contenu essentiel de la demande et de la correspondance.

Appréciation: Pour l'élément en question, la Suisse a obtenu à cet égard la note «conforme pour l'essentiel», mais seulement après de fastidieuses discussions et après avoir fait comprendre aux États partenaires que la consultation des pièces pourrait être restreinte en pratique sans difficultés excessives. Il n'est pas sûr que le Forum mondial se laisse convaincre une deuxième fois. Il est donc indispensable de créer une règle claire si l'on entend conserver la note obtenue. La mesure est indispensable pour des raisons de sécurité juridique et pour la pratique de l'AFC.

Il n'est cependant pas certain que la formulation proposée sera jugée conforme à la norme puisque, en application du droit constitutionnel d'être entendu, elle n'exclut pas a priori toute consultation de la demande et de la correspondance.

2.3.3

Recommandation concernant les données volées

La Suisse doit modifier sa législation ou sa pratique afin de faire en sorte de donner effet aux obligations en vertu de ses mécanismes d'échange de renseignements81.

81

304

Recommandation relative à l'élément C.4; rapport (note de bas de page 2), page 147.

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2.3.3.1

Contexte

Au sujet de cette recommandation, le rapport de phase 2 de la Suisse explique que la manière dont la Suisse a appliqué le principe de la bonne foi a eu un impact significatif sur sa pratique en matière d'échange de renseignements82.

En vertu de la version actuelle de l'art. 7, let. c, LAAF, il n'est pas entré en matière sur une demande d'assistance administrative qui viole le principe de la bonne foi, en particulier si elle est fondée sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse.

Selon la pratique actuelle de l'AFC, peu importe que l'État requérant ait obtenu ces renseignements de façon active ou passive. Cette pratique, qui assimile un État sollicitant l'assistance administrative en vertu d'une convention internationale à un État impliqué dans un acte illicite, a été jugée trop restrictive et non conforme à la norme.

Par son message du 10 juin 2016 relatif à la révision de la loi sur l'assistance administrative fiscale83, le Conseil fédéral a proposé un assouplissement de la pratique84.

Il devait ainsi être possible d'entrer en matière sur des demandes émanant d'un État étranger qui a reçu des données acquises illégalement dans le cadre de la procédure d'assistance administrative ordinaire ou qui les tient de sources accessibles au public.

La consultation effectuée en 2015 avait montré que les cantons étaient quasiment tous favorables au projet et que, parmi les partis politiques et les organisations, le nombre des partisans et des opposants s'équilibrait à peu près. Compte tenu de ce résultat, le Conseil fédéral a maintenu le projet de révision, car il le jugeait nécessaire à la défense des intérêts de la Suisse.

Dans son arrêt 2C_648/2017 du 17 juillet 2018, le Tribunal fédéral expose que la définition unilatérale de l'application du principe de la confiance (c'est-à-dire sa définition en droit national) ne peut être opposée à l'État requérant que a) s'il existe un renvoi correspondant dans la convention bilatérale ou les protocoles y relatifs, c'est-à-dire si l'État contractant a accepté cette réserve, ou b) s'il est avéré que l'État contractant a enfreint le principe de la bonne foi. Le TF indique que la question de savoir s'il existe une telle violation s'apprécie au regard de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (convention
de Vienne)85. Il ajoute qu'un État qui achète des données bancaires suisses afin de les utiliser ensuite pour formuler des demandes d'assistance administrative fait preuve d'un comportement qui n'est pas compatible avec le principe de la bonne foi (au sens de la convention de Vienne). Le TF relève que l'on pourrait cependant aussi entrer en matière sur des demandes fondées sur des données de source délictueuse dès lors que l'État requérant ne les a pas achetées en vue précisément de les utiliser aux fins d'une demande d'assistance administrative. Il note que la question de savoir si un État a enfreint le principe de la bonne foi dans les situations prévues à l'art. 7, let. c, LAAF doit être 82 83 84 85

Note de bas de page 81, op. cit.

FF 2016 4955 Voir ch. 1.1.4.

RS 0.111

305

FF 2019

appréciée cas par cas (consid. 2.3.1 et 3.3). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a par ex. violation du principe de la bonne foi lorsque l'État requérant passe outre à une assurance qu'il avait donnée (consid. 2.3.4). L'art. 7, let. c, LAAF n'a donc qu'une portée limitée; l'élément déterminant est principalement la CDI applicable en tant que traité de droit international public entre la Suisse et l'État requérant. Certes, depuis le début de 2010, lors des négociations sur les CDI, la Suisse attire l'attention sur le fait qu'elle refuse l'échange de renseignements lorsque la demande est fondée sur des données obtenues illégalement86, mais ce principe n'a été intégré ni dans les CDI ni dans les protocoles additionnels.

Le commentaire de l'art. 7, let. c, LAAF qui figure dans le message du 6 juillet 2011 concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale87 affirmait déjà que le principe de la bonne foi visé dans la disposition doit être compris tel qu'il est inscrit à l'art. 31 de la convention de Vienne. On voit donc que lorsqu'il a l'art. 7, let. c, LAAF, le législateur n'avait pas l'intention de s'écarter du droit international public. Ainsi, selon l'arrêt précité du Tribunal fédéral, un achat de données bancaires effectué par un État requérant en vue de fonder sur celles-ci une demande d'assistance administrative est contraire à la bonne foi au sens du droit international public, mais pas l'utilisation de ces mêmes données par un État tiers qui ne les a pas achetées lui-même.

Une interprétation conforme au droit international public de l'art. 7, let. c, LAAF, telle que celle qui a été effectuée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité, permet de respecter la recommandation du Forum mondial. Cependant, la disposition prête à confusion et doit donc être précisée, ce que fait précisément le présent projet.

Le présent projet propose par ailleurs de classer le projet d'une modification de la LAAF qui avait été présenté avec le message du 10 juin 2016 sur la modification de la loi sur l'assistance administrative fiscale88.

2.3.3.2

Mesure de mise en oeuvre de la recommandation

Modification de l'art. 7, let. c, LAAF concernant le principe de la bonne foi L'art. 7, let. c, LAAF, selon lequel une demande est de manière générale contraire à la bonne foi lorsqu'elle se fonde sur des renseignements obtenus par des actes punissables au regard du droit suisse, prête donc comme on l'a vu à confusion. Aussi estil simplement proposé de préciser qu'il n'est pas entré en matière sur une demande contraire au principe de la bonne foi.

Appréciation: Il est essentiel aux yeux de plusieurs États influents du Forum mondial que soit proposée une solution concernant les données volées. La non-mise en oeuvre de la recommandation du Forum mondial entraînerait la note «non conforme» pour ce 86 87 88

306

Voir réponse du Conseil fédéral à la question 3 de l'interpellation 12.3302 «Utilisation de données bancaires volées dans les procédures fiscales» du 16 mars 2012.

FF 2011 5771, 5786 FF 2016 4955

FF 2019

point; la note globale de la Suisse ne pourrait alors être supérieure à «partiellement conforme», qui est une note insuffisante89.

La recommandation du Forum mondial peut d'ores et déjà être matérialisée par une interprétation conforme au droit international public de l'art. 7, let. c, LAAF, comme l'a fait le Tribunal fédéral dans l'arrêt précité. Il est de fait possible de statuer sur des demandes fondées sur des données volées lorsque l'État requérant ne les a pas achetées lui-même et qu'il n'a pas agi de façon contraire à la bonne foi pour d'autres raisons. Cette interprétation permet de débloquer les demandes d'assistance administrative qui ont été à l'origine de cette recommandation. Le cas le plus connu est celui de l'Inde, qui avait présenté une demande d'assistance administrative sur le fondement de la liste des données des clients de HSBC volées à Genève, liste qu'elle avait sans doute obtenue par la voie de l'assistance administrative90.

Il est cependant judicieux de préciser l'art. 7, let. c, LAAF dans le sens des considérations exposées ci-dessus afin de clarifier la portée du principe de la bonne foi.

2.4

Autres modifications de la LAAF

2.4.1

Notification directe de documents par voie postale

Selon l'art. 17, al. 3, de la convention sur l'assistance administrative, une partie peut directement notifier des documents par voie postale à une personne sur le territoire d'une autre partie. L'art. 30, al. 1, let. e, de la convention prévoit qu'un État peut se réserver le droit de ne pas autoriser une telle notification directe de documents. La Suisse n'a pas formulé une telle réserve.

C'est à chaque partie qu'il incombe de déterminer quelle autorité nationale est habilitée à notifier des documents. Selon l'art. 2 LAAF, l'AFC est compétente pour exécuter l'assistance administrative. Le commentaire de l'art. 2 LAAF qui figure dans le message du 6 juillet 2011 concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale91 indique que la notion d'assistance administrative pour laquelle l'AFC est exclusivement compétente couvre notamment aussi l'octroi d'une aide pour la notification d'actes et de documents officiels concernant le recouvrement des impôts dus au titre de la convention, lorsque la convention le prévoit. La notification directe par voie postale est une modalité de cette aide à la notification.

Pour que, en plus de l'AFC, les tribunaux suisses et les autorités fiscales compétentes au sens du droit cantonal ou communal puissent également procéder à des notifications directes par voie postale à l'étranger sur le fondement de l'art. 17, al. 3, de la convention sur l'assistance administrative, il est prévu d'introduire l'art. 2, al. 2, P-LAAF, qui confère la compétence correspondante à ces autorités.

89 90 91

Voir ch. 1.1.1.

Le nombre des demandes adressées à la Suisse sur la base de données volées n'est pas publié (voir arrêt 1C_296/2015 du Tribunal fédéral du 18 mai 2016).

FF 2011 5771, 5782

307

FF 2019

2.4.2

Accès en ligne aux données

Pour l'échange spontané de renseignements qui se déroule depuis le 1er janvier 2018, il est prévu d'introduire l'art. 22g, al. 3bis, LAAF, qui habilite l'AFC à accorder aux autorités fiscales suisses auxquelles elle transmet des renseignements fournis spontanément de l'étranger un accès en ligne aux données enregistrées dans son système d'information. L'objectif est de faciliter la coopération entre ces autorités. Une norme correspondante existe aussi pour l'échange automatique de renseignements.

3

Droit comparé

3.1

Actions au porteur/sanctions

Lors de l'examen par les pairs, le Forum mondial se focalise fortement sur la question des actions au porteur. Les législations nationales qui autorisent l'émission ou le maintien d'actions au porteur font l'objet d'évaluations particulièrement critiques.

Les pays doivent absolument garantir que les détenteurs d'actions au porteur pourront être identifiés. Pour se conformer à cette exigence, ces pays ont pris les mesures suivantes: a)

conversion des actions au porteur en actions nominatives;

b)

immobilisation des actions au porteur.

Pour garantir l'efficacité de ces mesures, la plupart des pays ont assorti leur mise en oeuvre de sanctions pénales ou administratives.

Mesure a): Ces dernières années, de nombreuses places financières ont abandonné les actions au porteur. Ainsi, Hong Kong a supprimé ce type d'action en 2014 et le Royaume-Uni en mai 2015 pour la plupart des sociétés. En ce qui concerne les États-Unis, aucun État fédéré n'autorise l'émission d'actions au porteur. Les derniers États fédérés à avoir renoncé à cet instrument sont le Nevada et le Wyoming, en 2007. D'autres places financières ont supprimé les actions au porteur depuis plus longtemps, comme Singapour en 1967.

Pour ce qui est des actions au porteur encore en circulation au moment où elles ont été supprimées, plusieurs solutions ont été imaginées. Au Royaume-Uni, les 1300 sociétés qui avaient émis des actions au porteur ont bénéficié de neuf mois depuis l'entrée en vigueur de la loi pour les convertir en actions nominatives. Passé ce délai, les actions devaient être annulées par décision de justice. Les actifs résultant de l'annulation devaient être versés sur un compte au cas où le propriétaire se manifesterait. Toutefois, ce dernier ne pouvait se faire connaître que dans une période de trois ans suivant l'annulation et apporter au juge la preuve qu'il était bien le propriétaire de l'action. Le Forum mondial a adressé au Royaume-Uni une recommandation concernant les quelque 500 sociétés qui échappaient à cette nouvelle réglementation alors même qu'en pratique aucune d'entre elles ne pouvait plus émettre d'actions au porteur. Cela démontre l'importance que le Forum mondial accorde à la question des actions au porteur.

308

FF 2019

En Autriche, où les actions au porteur ont été supprimées en 2014, les sociétés ont modifié les dispositions statutaires correspondantes pendant la période transitoire et ont sommé les actionnaires d'échanger leurs certificats d'actions au porteur contre des certificats d'actions nominatives. Ensuite, les certificats d'actions au porteur encore existants ont été déclarés invalides sur décision judiciaire à la demande de la société. Les propriétaires d'actions au porteur peuvent être rétablis dans leurs droits et inscrits au registre des actionnaires soit sur décision de la société elle-même en produisant les éléments de preuve correspondants ou, en cas de doute, sur décision judiciaire. Compte tenu du nombre restreint (environ 1400) de sociétés qui avaient émis des actions au porteur en vertu de l'ancien droit, le Forum mondial a accepté que l'Autriche renonce à limiter dans le temps la possibilité pour les titulaires de ces actions de faire valoir leurs droits.

La Belgique a supprimé les actions au porteur en 2008 en donnant aux sociétés concernées un délai de cinq ans pour transformer leurs actions au porteur en actions nominatives. Les actions pour lesquelles aucun actionnaire ne s'était manifesté ont été converties en actions nominatives au nom de la société pour être vendues avant le 31 décembre 2015, les montants (ou les actions qui n'avaient pu être vendues) étant ensuite versés à la Caisse des dépôts et consignations, organe d'État. Les actionnaires retardataires peuvent récupérer le montant de la vente de leurs actions jusqu'en 2026, moins une pénalité de 10 % de la valeur de l'action par année écoulée depuis 2016.

Mesure b): En Allemagne, les sociétés non cotées en bourse ne sont autorisées à émettre des actions au porteur que dans la mesure où celles-ci sont immobilisées auprès d'un dépositaire agréé. La réglementation ne s'applique pas aux sociétés qui ont été fondées avant le 31 décembre 2015. Cependant, comme toutes les sociétés doivent fournir aux autorités fiscales la liste des actionnaires détenant au moins 1 % du capital, l'identification des détenteurs d'actions au porteur est a priori assurée.

Pour ce qui est du Liechtenstein, les actions au porteur de sociétés non cotées en bourse devaient être immobilisées auprès d'un dépositaire agréé jusqu'au 1er mars 2014. Depuis, la
consignation des actions au porteur est possible uniquement si l'actionnaire concerné fait constater par voie judiciaire qu'il en est le propriétaire légitime. Les actions qui n'auront pas été déposées au 1er mars 2024 devront être annulées par la société et aucun droit lié à ces actions ne pourra plus être exercé.

Au Luxembourg, il est obligatoire depuis 2014 d'immobiliser les actions au porteur et de tenir un registre des détenteurs de ces actions. Les sociétés qui émettent des actions au porteur doivent désigner un dépositaire auprès duquel toutes les actions au porteur doivent être déposées. Le dépositaire tient la liste des détenteurs d'actions au porteur. Le transfert d'actions au porteur et l'exercice des droits sociaux et patrimoniaux qui leur sont liés ne sont légalement possibles que si ces actions sont déposées chez le dépositaire. Les actions au porteur non immobilisées dans un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur de la loi ont obligatoirement été annulées, avec réduction en conséquence du capital social. Les montants dégagés ont été versés à la Caisse de consignation, organe d'État. Les actionnaires peuvent récupérer

309

FF 2019

le montant correspondant à ces actions s'ils démontrent qu'ils sont bien les propriétaires de ces dernières.

Tous les États qui avaient supprimé ou immobilisé les actions au porteur au moment de l'examen par les pairs ont au moins obtenu la note «conforme pour l'essentiel» pour l'élément A.192.

3.2

Données volées

Ces dernières années, plusieurs États ont clarifié la situation juridique quant à l'utilisation en matière fiscale de données obtenues illicitement. En avril 2015, la Corte Suprema di Cassazione, la Cour suprême de cassation italienne, a jugé que l'utilisation des données de la liste Falciani par l'administration fiscale italienne pour ses enquêtes était licite étant donné que cette dernière avait reçu les renseignements passivement par une procédure d'assistance administrative. En adoptant la loi numéro 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, la France a également clarifié la pratique en matière de données volées. L'art. 37 de ladite loi indique ainsi que l'administration fiscale ne peut écarter des pièces ou des renseignements qu'elle obtient dans le cadre de l'assistance administrative au seul motif que leur origine est illicite.

La Cour constitutionnelle française, dans sa décision du 4 décembre 2013, a validé le contenu de cet article, même si elle a annulé la disposition qui visait à permettre à l'administration fiscale à s'appuyer sur ce type de preuve pour procéder à des perquisitions. Relevons que le Tribunal constitutionnel fédéral allemand avait confirmé dès 2010 que des données obtenues de manière illicite (en l'occurrence à la suite d'un vol de données au Liechtenstein) pouvaient légitimement être utilisées dans une procédure pénale fiscale93. À ses yeux, utiliser des données volées pour étayer un soupçon initial et déclencher une enquête est envisageable pour autant qu'il n'y ait pas d'atteinte grave, volontaire ou arbitraire aux obligations de procédure par laquelle les protections offertes par les droits fondamentaux seraient ignorées de manière préméditée ou systématique et pour autant qu'une pesée des intérêts soit effectuée cas par cas. Il estime qu'on ne saurait écarter d'emblée des moyens de preuve pour la simple raison que la personne qui se les est procurés a commis un acte punissable, et que de tels moyens de preuve sont a priori utilisables. Il n'y a d'interdiction absolue ­ directement liée aux droits fondamentaux ­ d'utiliser de tels moyens de preuve que lorsqu'il en résulterait une atteinte au coeur de de la sphère privée. D'autres juridictions européennes suivent une approche comparable.

92 93

310

Voir ch. 2.2.1 et note de bas de page 42.

Tribunal constitutionnel fédéral, arrêt de la première chambre du deuxième sénat du 9 novembre 2010 ­ 2 BvR 2101/09 ­ points (1 à 62).

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4

Commentaire des dispositions

4.1

Code des obligations

Art. 622 Al. 1bis Cette disposition prévoit que les actions au porteur ne sont autorisées que si la société a au moins une partie de ses titres de participation cotés en bourse ou si les actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés au sens de la LTI et déposées auprès d'un dépositaire en Suisse désigné par la société en vertu de l'art. 697j, al. 5, P-CO. Les autres sociétés ne peuvent émettre que des actions nominatives.

La transparence des sociétés avec des titres de participation cotés en bourse est garantie grâce aux obligations d'annoncer inscrites aux art. 120 ss de la loi sur l'infrastructure des marchés financiers (LIMF)94. Il est vrai que les devoirs d'annonce de la réglementation boursière n'interviennent qu'à partir d'un seuil de participation de 3 %. Néanmoins, l'exemption des règles de transparence du code des obligations dont bénéficient les sociétés cotées (obligation d'annoncer l'acquisition d'actions au porteur ­ art. 697i ­ et les ayants droit économiques ­ art. 697j) n'a pas été remise en cause lors des récentes évaluations par le GAFI. La transparence des sociétés cotées peut donc être considérée comme satisfaisante, ce qui justifie qu'elles soient autorisées à émettre des actions au porteur.

Les notions de bourse, de cotation et de titres de participation s'interprètent au regard des définitions de la réglementation boursière95. L'autorisation d'émettre des actions au porteur n'est pas limitée aux sociétés dont les titres sont cotés auprès d'une bourse suisse, mais s'étend également à celles qui les ont cotés auprès d'une bourse étrangère, pour autant que celle-ci soit régie par des principes de transparence équivalents à ceux du droit suisse.

Sur la base de demandes faites dans le cadre de la consultation, le projet de loi prévoit qu'en plus de la conversion des actions au porteur en actions nominatives, leur émission sous forme de titre intermédiés soit également admise.

Si des actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés, la transparence requise est garantie par le fait que tant les renseignements relatifs à la responsabilité juridique à l'égard des titres intermédiés que ceux se rapportant à leurs ayants droit économiques peuvent être obtenus auprès du dépositaire désigné par la société conformément à l'art. 697j, al. 5, P-CO. Ainsi,
la responsabilité juridique à l'égard des titres intermédiés sous-jacents aux actions au porteur d'une société donnée96 découle des comptes de titres tenus par le dépositaire pour les actionnaires.

Le dépositaire identifie aussi l'ayant droit économique des actions. C'est la raison pour laquelle il n'existe pas d'obligation d'annoncer à la société l'ayant droit économique des actions au porteur émises sous forme de titres intermédiés (art. 697j, 94 95 96

RS 958.1. Voir également note de bas de page 47.

Art. 2, let. f et i, et 26, let. b, LIMF.

Voir commentaire de l'art. 8a P-LTI.

311

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al. 5, P-CO). Selon l'art. 23a LTI, le dépositaire désigné par la société doit également veiller à ce que les dépositaires situés en aval de la chaîne lui transmettent, sur demande, le nom et le prénom ou la raison sociale et l'adresse de l'actionnaire, ainsi que le nom, le prénom et l'adresse de l'ayant droit économique. En sa qualité de disposition spéciale, l'art. 23a LTI prend ainsi le pas sur les règles de confidentialité énoncées aux art. 47 de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques97 et 147 LIMF.

La règle prévue à l'art. 697j, al. 5, P-CO, qui dispose que le dépositaire doit se trouver en Suisse, favorise elle aussi la disponibilité des renseignements, en garantissant un accès plus rapide et plus sûr à ces derniers que s'il fallait prendre contact avec un établissement sis à l'étranger.

Al. 2bis Selon l'al. 2bis, les sociétés dotées d'actions au porteur sont tenues de faire inscrire au registre du commerce le fait qu'elles possèdent des titres de participation cotés en bourse ou que leurs actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés.

Le but de cette disposition est de permettre au registre du commerce et à des tiers de vérifier que les sociétés qui émettent des actions au porteur sont bien autorisées à le faire. Conformément au principe de la production des pièces justificatives («Belegprinzip»)98, l'inscription au registre du commerce doit être accompagnée des documents propres à établir les faits à inscrire.

En cas de cotation auprès d'une bourse suisse, l'office du registre du commerce peut procéder à l'inscription sur la base des renseignements communiqués par la société, sans devoir produire de pièce justificative particulière concernant l'existence de la bourse. S'il y a des doutes sur l'existence de la cotation, les autorités du registre du commerce peuvent exiger la production d'une confirmation écrite de la bourse. Pour les bourses étrangères, la preuve qu'elles existent et qu'elles sont régies par des principes de transparence équivalents à ceux du droit suisse peut être apportée par tout moyen idoine, telle qu'une confirmation écrite de la bourse étrangère, de la FINMA ou un avis de droit comparé délivré par un institut reconnu.

En ce qui concerne les sociétés dont les actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés, la réquisition doit
être accompagnée de la décision du conseil d'administration qui désigne le dépositaire et d'une attestation de ce dernier confirmant que les actions au porteur sont déposées ou inscrites au registre principal (art. 697j, al. 5, P-CO).

Al. 2ter Cette disposition règle le sort des actions au porteur existantes dans le cas d'une décotation des actions d'une société. La société dispose d'un délai de six mois à compter de la décotation pour convertir les actions au porteur existantes en actions nominatives ou pour leur conférer la forme de titres intermédiés. La conversion nécessite une décision de l'assemblée générale en la forme authentique, prise à la

97 98

312

RS 952.0 Voir les art. 15, al. 2, de l'ordonnance sur le registre du commerce (ORC; RS 221.411) et 929, al. 2, CO, introduits dans le cadre de la modernisation du registre du commerce, mais non encore entrés en vigueur (FF 2017 2259 s.).

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majorité des voix exprimées99. Si les actions au porteur sont converties en actions nominatives liées, la décision doit être prise à la majorité qualifiée100. Dans tous les cas, la fin de la cotation des titres doit être annoncée au registre du commerce pour radiation de la mention correspondante avec, selon les cas, l'inscription de la conversion des actions au porteur ou de leur émission sous forme de titres intermédiés.

Une société qui, passé le délai de six mois, ne s'est pas conformée aux exigences de cet alinéa, présente une carence dans son organisation au sens de l'art. 731b, al. 1, ch. 4 P-CO (voir commentaire ci-après).

L'al. 2ter vise uniquement l'hypothèse où une société ne possède plus de titres de participation cotés en bourse. Une règle similaire n'est pas nécessaire pour traiter du cas où les titres au porteur perdraient leur qualité de titre intermédié. En effet, les actions au porteur de sociétés sans titres de participation cotés en bourse ne peuvent perdre leur qualité de titres intermédiés que si elles sont converties en actions nominatives, comme le prévoit l'art. 8a, let. b, P-LTI (voir le commentaire de cet article).

Les conditions de la conversion des actions au porteur en actions nominatives et les formalités auprès du registre du commerce sont les mêmes qu'en cas de décotation.

Art. 697i et 697k Du fait de l'interdiction de l'émission d'actions au porteur par les sociétés dont les actions ne sont pas cotées en bourse ou dont les actions au porteur ne sont pas émises sous forme de titres intermédiés, ces dispositions qui avaient été introduites par la loi GAFI sont désormais sans objet. Tous les actionnaires de sociétés qui n'ont pas d'actions cotées en bourse et qui n'ont pas émis leurs actions au porteur sous forme de titres intermédiés devront désormais s'identifier auprès de la société en vue de leur inscription au registre des actions en suivant la procédure prévue pour les actions nominatives (art. 686 CO).

Art. 697j Al. 1 À l'art. 697j, al. 1, le terme «actions» est remplacé par le terme «droits de participation», ce qui correspond au libellé de l'art. 120, al. 1, LIMF. La cotation d'un type de titres de participation entraîne déjà l'application de l'obligation de publication au sens de l'art. 120 LIMF à tous les titres de participation de la société, de sorte
que l'art. 697j CO ne doit s'appliquer, par opposition, qu'aux sociétés qui n'ont aucun titre de participation coté en bourse. En outre, le terme «voix» est remplacé par «droits de vote» pour préciser que ce ne sont pas les voix effectivement exprimées lors d'une assemblée générale qui sont déterminantes, mais bien la possibilité d'exprimer sa voix. Cette formulation correspond également à celle de l'art. 120, al. 1, LIMF, qui fait lui aussi référence aux «droits de vote» s'agissant de l'obligation de publier les participations.

99 100

Art. 647 et 704a CO Art. 704, al. 1, ch. 3, CO

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Al. 2 Les al. 2 et 3 constituent une réponse à la demande faite lors de la consultation de préciser l'art. 697j CO avant l'introduction de dispositions pénales en cas de manquement à l'obligation d'annoncer l'ayant droit économique, la norme ayant entraîné des difficultés d'application considérables.

Si la structure de participation a plusieurs niveaux, c'est-à-dire chaque fois que l'actionnaire acquéreur est une personne morale ou une société de personnes, et en particulier s'il s'agit d'entreprises associées, l'obligation d'annoncer visée à l'art. 697j conduit à des ambigüités en pratique. Pour les cas de ce genre, l'al. 2 prévoit que doit être annoncée chaque personne physique qui contrôle l'actionnaire soumis à l'obligation d'annoncer en application par analogie de l'art. 963, al. 2, CO. D'après cette disposition, une personne morale contrôle une autre entreprise à l'une des conditions suivantes: a) elle dispose directement ou indirectement de la majorité des voix au sein de l'organe suprême; b) elle dispose directement ou indirectement du droit de désigner ou de révoquer la majorité des membres de l'organe supérieur de direction ou d'administration; c) elle peut exercer une influence dominante en vertu des statuts, de l'acte de fondation, d'un contrat ou d'instruments analogues. En application par analogie de l'art. 963, al. 2, CO, l'art. 697j, al. 2, P-CO prévoit que l'ayant droit économique au sens de l'al. 1 est la personne physique qui (a) détient directement ou indirectement la majorité des droits de vote de l'actionnaire soumis à l'obligation d'annoncer, (b) dispose directement ou indirectement du droit de nommer ou révoquer la majorité des membres de l'organe suprême de direction ou d'administration de l'actionnaire ou (c) peut, selon les statuts, l'acte de fondation, un

314

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contrat ou un acte comparable, exercer une influence dominante sur l'actionnaire101.

S'il n'y a pas d'ayant droit économique, l'actionnaire est tenu d'en informer la société.102 Celle-ci peut ainsi constater que l'actionnaire s'est conformé à son obligation d'annoncer.

Al. 3 Pour les sociétés cotées en bourse, la transparence quant à l'identité de l'ayant droit économique est garantie par l'obligation de déclarer prévue aux art. 120 ss LIMF.

L'al. 3 se conforme à cette approche. Si l'actionnaire acquéreur est une société de capitaux dont les droits de participation sont cotés en bourse ou s'il contrôle une telle société ou est contrôlé par elle au sens de l'art. 963, al. 2, CO, il doit annoncer uniquement ce fait ainsi que la raison sociale et le siège de la société de capitaux. À

101

Cette approche découle également de la Convention relative à l'obligation de diligence des banques de 2016 (CDB 16; voir commentaire de l'art. 20). En ce qui concerne l'identification de l'ayant droit économique, les Termes de référence 2016 renvoient au GAFI (note de bas de page 8). Les recommandations du GAFI (mise à jour de février 2018) ne comportent pas de règles fixes à mettre en oeuvre, mais des exemples montrant comment les ayants droit économiques peuvent être identifiés (voir Note interprétative de la recommandation 24, note de bas de page 39: «Les informations sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales sont celles mentionnées dans le paragraphe 5(b)(i) de la note interprétative de la recommandation 10. La notion d'actionnaire ayant une participation de contrôle mentionnée dans le paragraphe 5(b)(i) de la note interprétative de la recommandation 10 peut être fondée sur un seuil (par ex., toutes les personnes détenant plus d'un certain pourcentage de la société ­ par ex. 25 %).

Le FATF Guidance on Transparency and Beneficial Ownership de 2014 indique que, pour identifier l'ayant droit économique, on peut choisir comme approche, à côté du seuil de 25 % (pour les personnes physiques qui détiennent une participation directe ou indirecte dans la société), le critère du contrôle (lorsque la structure de participation a plusieurs niveaux): «The following are some examples of natural persons who could be considered as beneficial owners on the basis that they are the ultimate owners/controllers of the legal person, either through their ownership interests, through positions held within the legal person or through other means: a) The natural person(s) who directly or indirectly holds a minimum percentage of ownership interest in the legal person (the threshold approach) (...); b) Shareholders who exercise control alone or together with other shareholders, including through any contract, understanding, relationship, intermediary or tiered entity (a majority interest approach) (...).» L'art. 3(6)(a)(i) de la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 définit comme «bénéficiaire effectif» toutes les personnes physiques qui, en dernier ressort, possèdent ou contrôlent le client, catégorie qui comprend au moins, dans le cas des sociétés, les personnes définies comme suit: «Une participation dans
l'actionnariat à hauteur de 25 % des actions plus une ou une participation au capital de plus de 25 % dans le client, détenu par une personne physique, est un signe de propriété directe. Une participation dans l'actionnariat à hauteur de 25 % des actions plus une ou une participation au capital de plus de 25 % dans le client, détenu par une société, qui est contrôlée par une ou plusieurs personnes physiques, ou par plusieurs sociétés, qui sont contrôlées par la ou les mêmes personnes physiques, est un signe de propriété indirecte. Ceci s'applique sans préjudice du droit des États membres de décider qu'un pourcentage plus bas peut être un signe de propriété ou de contrôle.» (Mises en évidence ajoutées.)

102 Déjà ainsi dit dans le message GAFI, FF 2014 585, 639.

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cet égard, il peut également s'agir d'une bourse étrangère si elle est soumise à des règles de publication équivalentes à celles des art. 120 ss LIMF103.

Al. 4 L'al. 5 correspond à l'art. 697j, al. 2, du droit en vigueur, hormis le fait que, par analogie avec l'al. 1, un délai d'un mois est désormais prévu pour la communication de modifications du prénom ou du nom ou de l'adresse des ayants droit économiques. Il est ainsi tenu compte des recommandations 24 et 25 du GAFI, selon lesquelles les informations concernant les ayants droit économiques des personnes morales et autres constructions juridiques doivent être «satisfaisantes, exactes et à jour».

Al. 5 L'al. 6 correspond quant au contenu à l'art. 697j, al. 3, du droit en vigueur, mais sa formulation a été simplifiée.

Art. 697l Al. 1 à 4 La référence à la liste des détenteurs d'actions au porteur a été supprimée aux al. 1 à 4.

Selon l'al. 2, la liste des ayants droit économiques qui se sont annoncés à la société doit contenir le prénom, le nom et l'adresse de ceux-ci. Étant donné que les ayants droit économiques ne peuvent être que des personnes physiques (art. 2a, al. 3, LBA), il n'y a pas lieu de reprendre ici la référence de l'art. 697l, al. 2, CO à la raison sociale du détenteur d'actions au porteur (art. 697i, al. 3, CO).

Les sociétés qui, à la suite de leur décotation, n'ont plus d'actions cotées auprès d'une bourse (voir art. 622, al. 2ter, P-CO) doivent établir la liste des ayants droit économiques en vue de l'entrée en vigueur de la décotation.

Art. 731b Deux nouveaux cas de carence ont été ajoutés à l'art. 731b CO (voir commentaire de l'al. 1, ch. 3 et 4). La disposition a été revue sur le plan rédactionnel dans la foulée.

L'art. 731b CO en vigueur a déjà subi une modification dans le cadre de la modernisation du registre du commerce104, mais celle-ci n'est pas encore entrée en vigueur.

C'est ainsi que le droit du préposé au registre du commerce de requérir du juge qu'il prenne des mesures a été supprimé (en lieu et place, l'art. 939, al. 2, P-CO prévoit que l'office du registre du commerce transmet l'affaire au tribunal s'il n'est pas remédié aux carences dans le délai imparti) et qu'une nouvelle infraction a été 103

Cette approche est conforme à la LBA, à la CDB 16 et aux recommandations du GAFI (art. 4, al. 1, LBA; art. 63, al. 4, de l'ordonnance de la FINMA sur le blanchiment d'argent [RS 955.033.0]; art. 22 CDB 16; recommandations du GAFI [mise à jour de février 2018], Note interprétative de la recommandation 10, point 5).

104 FF 2017 2259

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prévue, à savoir l'absence de domicile au siège de la société. Il y aura vraisemblablement un besoin de coordination à cet égard.

Al. 1, ch. 3 et 4 L'inscription dans le registre des actions et dans la liste des ayants droit économiques permet à l'actionnaire d'apporter la preuve qu'il s'est correctement acquitté de ses obligations d'annoncer et qu'il est par conséquent autorisé à exercer ses droits sociaux et patrimoniaux (art. 689a, al. 1, CO). L'existence et la tenue conforme aux prescriptions du registre des actions et de la liste des ayants droit économiques sont donc indispensables à l'exercice des droits des actionnaires au sein de la société. Or, dans leur teneur actuelle, les dispositions du code des obligations ne prévoient pas de mécanismes permettant aux actionnaires d'agir lorsque le conseil d'administration ne se conforme pas à ses obligations légales en la matière. L'ajout apporté à l'art. 731b, al. 1, ch. 3, P-CO à la liste des carences en matière d'organisation prévu (tenue non conforme aux prescriptions du registre des actions ou de la liste des ayants droit économiques qui se sont annoncés à la société) vise à remédier à cette lacune. Saisi d'une requête en ce sens, le tribunal pourra ordonner toute mesure nécessaire pour assurer le respect des dispositions légales (art. 731b, al. 1bis, P-CO), par ex. en fixant un délai à la société pour rétablir une situation conforme à la loi, voire prononcer la dissolution.

Le ch. 4 introduit un nouveau cas de carence pour les sociétés qui sont dotées d'actions au porteur sans répondre aux exigences légales, parce qu'elles ne possèdent pas de titres cotés en bourse et que lesdites actions ne sont pas émises sous forme de titres intermédiés. Dans ce cas de figure, le juge pourra ordonner toute mesure nécessaire afin d'assurer le respect de la loi. Ainsi, le juge peut notamment ordonner la conversion des actions au porteur en actions nominatives.

Les mesures qui s'imposent en cas de carences dans l'organisation sont traitées dans le cadre d'une procédure sommaire conformément aux art. 248 ss du code de procédure civile (CPC)105. Certes, l'art. 250, let. c, ch. 6, CPC ne mentionne pas la nouvelle infraction constituée par la tenue non conforme aux prescriptions des listes (al. 1, ch. 3). La procédure sommaire n'en est pas moins indiquée ici
aussi, eu égard à la fois à la similarité des contextes et des intérêts en jeu et au caractère non exhaustif des énumérations figurant aux art. 249 à 251 CPC.

Dans le cadre des travaux en cours visant à la modification du CPC, il est prévu de réviser l'art. 250, let. c, ch. 6, CPC de façon à faire en sorte que la procédure sommaire s'applique de manière générale aux mesures à prendre en cas de défaillance dans l'organisation de la société au sens de l'art. 731b CO106. Aussi est-il admissible de s'abstenir dans le cadre du présent projet de proposer une mise à jour formelle du CPC.

105 106

RS 272 Voir l'avant-projet et le rapport explicatif relatif à la modification du code de procédure civile (Amélioration de la praticabilité et de l'applicabilité) du 2 mars 2018, consultables à l'adresse: www.bj.admin.ch/bj/fr/home/staat/gesetzgebung/aenderung-zpo.html.

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Art. 790a Les al. 1 à 4 de cet article ont été alignés sur l'art. 697j, al. 1 à 4, P-CO (voir le commentaire des dispositions concernées). L'al. 5 correspond à l'actuel art. 790a, al. 3 CO.

Dispositions transitoires Art. 1 Al. 1 Sous réserve des dispositions transitoires spéciales énoncées aux art. 2 à 9, les réglementations transitoires générales visées aux art. 1 à 4 du titre final du code civil (CC)107 s'appliquent dans le cadre de la présente révision législative.

Al. 2 Le droit révisé s'applique à toutes les sociétés existantes dès son entrée en vigueur.

L'interdiction faite aux sociétés non cotées prévue à l'art. 622, al. 1bis, P-CO d'émettre de nouvelles actions au porteur autrement que sous la forme de titres intermédiés entre donc en vigueur immédiatement. Les sociétés qui contreviennent à cette disposition disposent d'un délai transitoire de 18 mois pour se mettre en conformité (voir art. 2 P-Disp. trans.), délai pendant lequel elles pourront conserver les actions au porteur émises avant l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, P-CO. Les règles de transparence de l'ancien droit devront cependant être respectées.

Le projet prévoit au ch. II, al. 2, que les modifications relatives aux art. 697i, 697k, 697l, 697m et 731b, al. 1, ch. 4 CO entrent en vigueur 18 mois après l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, CO.

Al. 3 Les dispositions transitoires ne s'appliquent pas aux sociétés en liquidation. Ces dispositions prévoient des mécanismes destinés à régler le sort des actions au porteur qui n'ont pas été annoncées conformément à l'art. 697i CO en imposant un certain nombre d'obligations aux sociétés concernées. Le bon déroulement de la procédure ne peut être garanti que si les sociétés y participent activement, ce qui suppose qu'elles aient un intérêt concret à le faire. Comme cela ne sera généralement pas le cas des sociétés en liquidation, celles-ci n'ont pas été soumises aux dispositions transitoires. Les sociétés en liquidation au moment de l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, P-CO pourront donc valablement conserver leurs actions au porteur jusqu'à leur radiation du registre du commerce. Toutefois, en cas de révocation de la liquidation, les actions devront être converties en actions nominatives, par décision de l'assemblée générale. Cette règle ne s'applique pas
si elles sont émises sous forme de titres intermédiés ou si la société a des titres de participation cotés en bourse et qu'une inscription au sens de l'art. 622, al. 2bis, CO est effectuée.

107

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RS 210

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Art. 2 Les sociétés qui ont des titres de participation cotés en bourse ou qui possèdent des actions au porteur au moment de l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, P-CO doivent, dans un délai de 18 mois, faire inscrire ce fait au registre du commerce conformément à l'art. 622, al. 2bis, P-CO. Durant ce délai, celles qui n'ont pas de titres cotés en bourse et dont les actions au porteur ne sont pas émises sous forme de titres intermédiés peuvent toujours, si elles le souhaitent, les convertir en actions nominatives en suivant la procédure ordinaire (art. 704a CO). Si la conversion est inscrite au registre du commerce avant l'échéance du délai de 18 mois, elles ne seront pas soumises aux art. 4 ss P-Disp. trans. Jusqu'à l'échéance de ce délai, il est également possible de coter les droits de participation en bourse et d'émettre les actions au porteur sous forme de titres intermédiés.

Art. 3 L'art. 3 clarifie le champ d'application des dispositions qui suivent. Les art. 4 à 9 P-Disp. trans. s'appliquent uniquement aux sociétés qui n'ont pas de titres de participation cotés en bourse et dont les actions au porteur ne sont pas émises sous forme de titres intermédiés, ainsi qu'aux sociétés qui ont omis de requérir l'inscription au registre du commerce visée à l'art. 622, al. 2bis, CO.

Les art. 4 à 9 P-Disp. trans. s'appliquent également dans le cas où seule une partie des actions d'une société sont des actions au porteur n'ayant pas la qualité de titres intermédiés.

Art. 4 Al. 1 L'art. 4 régit la première étape de la procédure mise en place pour régler la situation des actions au porteur non annoncées. L'al. 1 impose aux sociétés de sommer les propriétaires d'actions au porteur qui ne l'ont pas encore fait de se conformer au devoir d'annonce consacré à l'art. 697i CO.

Al. 2 Le conseil d'administration doit sommer par avis spécial les actionnaires qui lui sont connus, et les autres, dans la forme prévue par les statuts et par une publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC). Le conseil d'administration n'est pas tenu de rechercher activement les actionnaires qui ne se sont pas annoncés. Il doit cependant informer directement les personnes dont il a des raisons de croire qu'elles pourraient être actionnaires. Il doit notamment contacter les personnes qui ont exercé en dernier
lieu les droits liés aux actions non annoncées, soit en participant à l'assemblée générale, soit en percevant des dividendes. Si les droits ont été exercés par l'intermédiaire d'un représentant connu du conseil d'administration, l'avis spécial doit lui être adressé, à charge pour lui de le transmettre à l'actionnaire.

En outre, si le conseil d'administration a connaissance d'un litige sur la propriété des actions, la notification doit être adressée aux prétendants à la qualité d'actionnaire.

Aux fins de preuve, l'avis spécial doit être effectué par lettre recommandée. La

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forme éventuellement prescrite par les statuts pour les communications doit elle aussi être respectée. Si l'actionnaire ne donne pas suite à l'avis spécial, soit parce que la notification ne lui est pas parvenue, soit parce qu'il ne réagit pas, la sommation doit être publiée dans la FOSC.

Al. 3 Le numéro des actions non annoncées doit être mentionné dans la sommation. Celleci doit également préciser que les actionnaires qui ne se conforment pas à leurs devoirs d'annonce pourront être déchus de leurs droits et que leurs apports seront acquis à la société. Cette mesure garantit ainsi que l'attention des actionnaires a bien été attirée sur leur devoir d'annonce et sur les conséquences auxquelles ils s'exposent en cas d'un possible non-respect.

Cette disposition ne fixe pas de délai pour l'annonce des actionnaires. Les actionnaires qui ne s'annoncent qu'après la conversion de leurs actions au porteur en actions nominatives, soit après l'échéance du délai de 18 mois prévu à l'art. 5, al. 1, P-Disp. trans., devront suivre la procédure prévue à l'art. 8 P-Disp. trans. et requérir du tribunal leur inscription au registre des actions. En outre, le délai d'annonce d'un mois prévu à l'art. 697i, al. 1, CO s'applique à l'acquisition d'actions au porteur jusqu'à l'échéance du délai de 18 mois.

Art. 5 Al. 1 L'art. 5 régit la deuxième étape de la procédure mise en place pour régler la situation des actions au porteur non annoncées. À l'échéance d'un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, P-CO, les actions au porteur des sociétés qui n'ont pas procédé à l'inscription prévue à l'art. 622, al. 2bis, P-CO seront automatiquement converties en actions nominatives. Aucune intervention de la part des sociétés ou des actionnaires n'est requise à cet égard. La conversion déploie ses effets envers toute personne, indépendamment d'éventuelles dispositions contraires des statuts ou d'inscriptions contraires au registre du commerce, et indépendamment du fait que des titres au porteur aient été émis ou non.

La conversion a également lieu lorsque la société possède des titres de participation cotés à la bourse ou que ses actions au porteur sont émises sous forme de titres intermédiés, mais qu'elle a omis de requérir l'inscription de ce fait au registre du commerce conformément à l'art. 622,
al. 2bis, P-CO. Dans ce cas, la société qui souhaite conserver ses actions au porteur ne pourra le faire que si les actions converties de plein droit en actions nominatives sont de nouveau transformées en actions au porteur conformément à la procédure prévue à l'art. 6, al. 3, P-Disp. trans.

La conversion automatique présente des avantages incontestables en termes notamment de simplification procédurale et de réduction des coûts, ce qui explique que cette solution ait été retenue. En outre, elle favorise la prévisibilité et la sécurité juridique. Compte tenu des avantages précités et de ce que la conversion en actions nominatives ne modifie pas les droits et obligations des actionnaires envers la société, le concours de ces derniers est inutile. En particulier, il n'est pas nécessaire de

320

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recueillir leur approbation préalable ni de leur offrir la possibilité de céder leur participation.

Al. 2 La conversion de plein droit des actions au porteur selon l'al. 1 a pour conséquence que les dispositions statutaires concernant le capital-actions ainsi que les inscriptions au registre du commerce y relatives ne correspondent plus à la réalité. L'al. 2 vise à mettre au plus vite un terme à cet écart entre le fait et le droit. L'office du registre du commerce pourra modifier d'office les indications relatives au capital-actions mentionnées dans l'inscription. Le fait que le contenu des pièces justificatives ne correspond pas aux renseignements inscrits au registre du commerce devra également être mentionné sur l'extrait. Cette mention subsistera tant que la société n'aura pas procédé dans ses statuts aux adaptations nécessaires conformément à l'art. 6, al. 1, P-Disp. trans.

Al. 3 Les actions converties conservent leur valeur nominale, leur taux de libération et leurs propriétés quant au droit de vote et aux droits patrimoniaux (art. 654 CO). Leur transmissibilité n'est pas limitée.

Art. 6 Al. 1 Les sociétés dont les actions ont été converties conformément à l'art. 5, al. 1, P-Disp.

trans. sont tenues d'adapter leurs statuts lors de la prochaine modification. Au vu du résultat de la consultation, il est renoncé à impartir un délai aux sociétés pour adapter leurs statuts. Un tel délai n'est du reste pas nécessaire dans la mesure où la conversion ressort clairement de l'inscription au registre du commerce effectuée d'office sur la base des modifications intervenues (art. 5, al. 2, P-Disp. trans.).

Dès lors que les sociétés pourront attendre la prochaine modification des statuts pour mettre à jour les indications relatives au capital-actions, elles n'auront pas à supporter de frais supplémentaires du fait de la conversion.

Al. 2 L'office du registre du commerce refuse toute autre modification des statuts dès lors qu'ils n'ont pas été adaptés au nouveau droit. Le refus ne concerne que la modification des statuts et non les autres types d'inscriptions au registre du commerce.

L'al. 2 garantit que les dispositions statutaires relatives au capital-actions sont effectivement mises à jour lors de la première modification des statuts suivant l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, P-CO.
Al. 3 La conversion des actions au porteur en actions nominatives visée à l'art. 5, al. 1, P-Disp. trans. est effectuée de plein droit. Si une société qui n'a pas fait l'annonce prévue à l'art. 622, al. 2bis, P-CO ou à l'art. 2, P-Disp. trans. souhaite conserver ses actions au porteur, elle doit donc les convertir une nouvelle fois. Par conséquent, 321

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l'al. 3 prévoit que les sociétés qui ont des titres de participation cotés en bourse ou dont les actions converties sont émises sous forme de titres intermédiés n'ont pas à adapter leurs statuts lorsque a) l'assemblée générale décide de convertir en actions au porteur les actions converties, sans modification du nombre, de la valeur nominale ou de la catégorie d'action et b) la société a requis l'inscription prévue à l'art. 622, al. 2bis.

Cette possibilité est également offerte aux sociétés qui décideraient ultérieurement d'une cotation en bourse ou de l'émission de leurs actions sous forme de titres intermédiés. L'al. 3 s'applique par analogie à ces sociétés.

Al. 4 Lorsque la société a adapté ses statuts à la conversion conformément à l'art. 6, al. 1, P-Disp. trans. ou lorsqu'une modification n'est pas nécessaire en vertu de l'al. 3, l'office du registre du commerce radie la remarque inscrite en vertu de l'art. 5, al. 2, P-Disp. trans. selon laquelle les pièces justificatives contiennent des indications contraires à l'inscription.

Art. 7 Al. 1 La société est tenue d'inscrire au registre des actionnaires tous les détenteurs d'actions au porteur qui se sont conformés à l'obligation d'annoncer introduite par la loi GAFI (art. 697i CO). Les actionnaires qui ont acquis des actions au porteur peu de temps avant la conversion visée à l'art. 5 P-Disp. trans. disposent du délai d'un mois prévu à l'art. 697i CO pour s'annoncer. Les renseignements qui doivent figurer au registre des actions à propos des détenteurs d'actions nominatives sont les mêmes que celles qui sont requises pour le registre des détenteurs d'actions au porteur.

Aussi les inscriptions figurant dans la liste des détenteurs d'actions au porteur peuvent-elles simplement être reprises dans le registre des actions sans que les actionnaires n'aient à fournir de renseignements complémentaires.

Al. 2 Les droits sociaux des actionnaires qui ne se sont pas identifiés auprès de la société selon l'art. 697i, al. 2, CO de l'ancien droit sont suspendus et les droits patrimoniaux s'éteignent. Le conseil d'administration veille à ce qu'aucun actionnaire ayant enfreint cette disposition ne puisse exercer ses droits. Cette disposition correspond à la règle prévue à l'art. 697m CO, qui réprime le non-respect de l'obligation d'annoncer.

Al. 3 La société
est tenue d'indiquer, dans le registre des actions, le numéro des actions qui n'ont pas été annoncées conformément à l'art. 697i CO, en mentionnant le fait que l'actionnaire n'a pas respecté son devoir d'annonce et que les droits liés aux actions ne peuvent pas être exercés. Les dates de l'avis spécial et de la publication FOSC visés à l'art. 4, al. 2, P-Disp. trans. doivent également être mentionnées dans le registre des actions. Ces indications doivent permettre aux personnes qui deman322

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deraient à pouvoir consulter le registre des actions de vérifier que les sommations requises pour les actionnaires qui ne se sont pas conformés à l'obligation d'annoncer ont bien été effectuées.

Art. 8 Al. 1 Les actionnaires dont les actions au porteur ont été converties en actions nominatives conformément à l'art. 5 Disp. trans. ne peuvent plus s'adresser directement à la société, mais doivent demander au tribunal leur inscription au registre des actions.

Ils pourront le faire dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de l'art. 622, al. 1bis, P-CO. Le requérant doit établir la propriété des actions, par la présentation du titre (action ou certificat d'action) ou par tout autre moyen. Le tribunal ne fera droit à la requête que si la société ne s'oppose pas à l'inscription dans le registre des actions. Sinon l'actionnaire devra préalablement agir contre la société pour obtenir la reconnaissance de ses droits.

L'obligation de recourir au tribunal pour pouvoir exercer les droits sociaux et patrimoniaux liés aux actions non annoncées a pour but d'inciter les actionnaires à se conformer à leur devoir d'annonce sans attendre la fin des délais transitoires. Elle garantit l'efficacité du mécanisme mis en place et permet ainsi de répondre aux exigences du Forum mondial. En effet, dans le rapport de phase 2, le Forum mondial a dénoncé le fait qu'un détenteur de parts au porteur, par la possibilité de réactiver les droits des actionnaires à une date ultérieure, peut demeurer anonyme jusqu'au moment où il veut exercer ses droits dans la société.108 La procédure judiciaire prévue dans le projet répond également à la recommandation demandant l'adoption d'incitations et de sanctions suffisantes garantissant l'identification des actionnaires109. C'est également dans ce contexte que le délai accordé aux actionnaires pour demander au juge la reconnaissance de leur qualité d'actionnaire a été limité à cinq ans: en effet, lorsque ce délai arrivera à échéance, cela fera près de dix ans que la loi GAFI, en vigueur depuis le 1er juillet 2015, aura introduit l'obligation d'annoncer les actions au porteur en vertu de l'art. 697i, CO. Or, il est impossible de permettre aux actionnaires de demeurer anonymes plus longtemps sans contrevenir aux exigences du Forum mondial. Par ailleurs, on peut s'attendre
à ce que les actions qui n'ont pas été annoncées à la fin de la période de dix ans aient probablement été définitivement détruites ou égarées, ou soient détenues par des personnes qui préfèrent renoncer aux droits liés à leurs actions plutôt que de s'identifier auprès de la société.

Al. 2 et 3 La procédure décrite à l'al. 1 relève de la juridiction gracieuse et la requête est instruite en procédure sommaire (art. 252 ss CPC). Les frais sont à la charge du requérant. Après avoir vérifié que le requérant est bien le propriétaire des actions et que la société ne s'oppose pas à sa requête, le tribunal ordonne l'inscription au registre des actions. La décision doit être notifiée à la société et, à compter de cette

108 109

Note de bas de page 58, op. cit.

Note de bas de page 42, op. cit.

323

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date, la période de suspension des droits sociaux et de déchéance des droits patrimoniaux prend fin. L'actionnaire peut de nouveau les exercer.

Art. 9 Al. 1 L'art. 9 régit la troisième étape de la procédure mise en place pour régler la situation des actions au porteur non annoncées. À l'échéance du délai de cinq ans prévu à l'art. 8, al. 1, P-Disp. trans., la société doit requérir auprès du tribunal la destruction des actions qui n'ont pas été annoncées. Le tribunal prononce la destruction dès lors qu'il ressort du registre des actions et des pièces justificatives produites par la société que les sommations prévues à l'art. 4 P-Disp. trans. ont bien été effectuées. Dans le cas contraire, le tribunal pourra prendre les mesures nécessaires pour réparer cette omission. Il peut notamment ordonner la publication de la sommation dans la FOSC et fixer un nouveau délai aux actionnaires afin qu'ils puissent requérir leur inscription au registre des actions auprès du tribunal. Il s'agit par-là d'éviter que des actions soient détruites par omission de la société de sommer les actionnaires de s'annoncer.

À noter que l'échéance du délai de cinq ans n'entraîne pas l'annulation des droits liés aux actions non annoncées. Toutefois, passé ce délai, une requête en inscription au sens de l'art. 8 P-Disp. trans. n'est plus possible, et le détenteur des actions ne dispose donc plus d'aucun moyen pour obtenir la réactivation de ses droits. Formellement, la déchéance complète des droits de l'actionnaire ne prendra cependant effet qu'avec l'entrée en force de la décision du tribunal de détruire les actions (al. 3).

En ce qui concerne la requête de la société en destruction des actions qui n'ont pas été annoncées, il n'est prévu ni délai ni sanctions spécifiques en cas de non-respect de cette obligation par la société. Toutefois, si la société devait conserver des actions au lieu de les détruire comme elle est tenue de le faire, cela peut être assimilable à une violation de l'obligation de tenir le registre des actions au sens de l'art. 731b, al. 1, ch. 3, P-CO. Par conséquent, tout actionnaire ou créancier qui constate cette carence, de même que le préposé au registre du commerce, peut requérir du juge qu'il prenne les mesures nécessaires, par ex. en fixant un délai à la société pour déposer la requête en destruction
des actions. Par ailleurs, l'administrateur qui ne demanderait pas l'annulation des actions non annoncées à l'échéance du délai risque de se voir reprocher une violation des obligations qui lui incombent en vertu de l'art. 754 CO, susceptible d'engager sa responsabilité personnelle.

Al. 2 Comme la procédure prévue à l'art. 8. P-Disp. trans., la procédure visant à requérir la destruction des actions non annoncées relève de la juridiction gracieuse et la requête est instruite en procédure sommaire (art. 252 ss CPC).

Al. 3 La destruction d'actions non annoncées entraîne la perte définitive pour les actionnaires de tous les droits sociaux et patrimoniaux qi se rapportent à ces actions. Les apports effectués par les actionnaires au moment de la libération sont acquis à la société. Le conseil d'administration émet de nouvelles actions en lieu et place des 324

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actions détruites résultant des apports acquis à la société. La décision du conseil d'administration ne requiert pas d'acte authentique. Dans la mesure où le montant du capital-actions demeure inchangé, une modification des statuts et une approbation de l'assemblée générale ne sont pas nécessaires. La société peut disposer librement des actions de remplacement. En fonction de sa situation financière et de son bilan, elle peut par ex. décider de les conserver, de les distribuer à ses actionnaires, de les vendre, ou encore de les détruire aux fins d'une réduction de son capital-actions (art. 732 ss CO). Si la valeur nominale des propres actions dépasse la limite de 10 % fixée à l'art. 659, al. 1, CO à la suite de l'émission des actions de replacement, la part des actions détenues qui dépasse la limite légale doit être aliénée ou détruite dans le cadre d'une procédure de réduction du capital-actions. La perte définitive de la qualité d'actionnaire prévue par cet article est destinée à constituer une sanction efficace du non-respect de l'obligation d'annoncer et, ainsi, à garantir la mise en oeuvre des dispositions introduites par la loi GAFI. Elle est également censée apporter une solution aux sociétés qui souhaitent se débarrasser d'éventuels «actionnaires fantômes». En effet, il arrive que des sociétés ne parviennent pas à établir l'identité de l'ensemble de leurs actionnaires, ce qui peut aboutir à des situations de blocage, par ex. lorsque des quorums statutaires ne peuvent pas être atteints au sein de l'assemblée générale ou lorsque le consentement à une opération de fusion ou de transformation ne peut pas être recueilli. Par ailleurs, lorsque la part des actions non annoncées atteint ou dépasse 25 % du capital-actions, la société se trouve dans l'impossibilité d'identifier ses ayants droit économiques, ce qui constitue une grave entrave à la réalisation de transactions financières. Le problème des «actionnaires fantômes» crée de graves incertitudes juridiques pour les sociétés concernées et peut même aboutir à une paralysie complète. Le droit actuel n'offrant aucune solution à ces sociétés, celles-ci sont alors poussées à agir en marge de la loi, en ne tenant pas compte des actions non annoncées dans le calcul des voix à l'assemblée générale, voire en les annulant de façon non autorisée.

Lors de
la consultation, des voix se sont fait entendre pour demander que l'annulation des titres qui matérialisent les actions au porteur fasse l'objet d'une procédure judiciaire et de plusieurs publications dans la FOSC. Une telle procédure, qui viendrait s'ajouter à celle qui est prévue à l'art. 9 P-Disp. trans. pour la destruction des actions, impliquerait des coûts supplémentaires importants pour les sociétés concernées, sans apporter de réels avantages pour les prétendants à la qualité d'actionnaire.

Elle s'insérerait par ailleurs mal dans le droit de la société anonyme. En effet, il n'est pas exceptionnel que les droits liés à des actions subissent ultérieurement des modifications, voire soient totalement supprimés. C'est notamment le cas lors de la procédure de déchéance pour non-libération des apports prévue à l'art. 681 CO, mais également en cas de réduction constitutive du capital au sens de l'art. 732a CO. La réduction ordinaire du capital ou son augmentation, la conversion des actions, leur réunion ou division, l'adoption ou la suppression de privilèges, ainsi en fin de compte que la dissolution de la société, sont autant de cas de figure où les droits liés aux actions sont sensiblement modifiés. Or à aucun moment le droit de la société anonyme ne traite de la conséquence de ces modifications sur les titres déjà en circulation ni ne prévoit l'intervention d'un juge. Il n'existe pas de raison pour laquelle il devrait en aller différemment dans le cadre de la procédure proposée dans le présent projet. On notera également que les art. 981 ss CO sur l'annulation des 325

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papiers-valeurs traitent exclusivement de l'annulation du titre en cas de perte, et non de la perte du droit qui s'attache audit titre. Une application de ces dispositions, directe ou par analogie, ne saurait donc entrer en ligne de compte.

4.2

Code pénal

Art. 327 La violation intentionnelle des obligations visées à l'art. 697j, al. 1 à 4 ou à l'art. 790a, al. 1 à 4, P-CO d'annoncer l'ayant droit économique des actions ou des parts sociales est punie d'une amende. Cela vaut aussi bien pour une omission de l'annonce que pour l'annonce de fausses indications.

Conformément à l'art. 106, al. 1, en rel. avec l'art. 333, al. 1, CP, le montant maximum de l'amende est de 10 000 francs.

Art. 327a Est puni d'une amende quiconque, intentionnellement, ne tient pas l'un des registres suivants conformément aux prescriptions ou viole (même par omission) les obligations du droit des sociétés sur la tenue de listes et de registres: ­

let. a: pour une société anonyme, le registre des actions au sens de l'art. 686, al. 1 à 3 et 5, CO (l'al. 4 ne concerne pas l'obligation de tenir un registre) ou la liste des ayants droit économiques des actions au sens de l'art. 697l CO;

­

let. b: pour une Sàrl, le registre des parts sociales au sens de l'art. 790, al. 1 à 3 et 5, CO (l'al. 4 ne concerne pas l'obligation de tenir un registre) ou la liste des ayants droit économiques des parts sociales au sens de l'art. 790a, al. 5, P-CO en rel. avec l'art. 697l CO;

­

let. c: pour une société coopérative, la liste des associés au sens de l'art. 837, al. 1 et 2, CO;

­

let. d: pour une SICAV, le registre des actionnaires entrepreneurs ou la liste des ayants droit économiques des actions d'actionnaires entrepreneurs au sens de l'art. 46, al. 3, LPCC.

En ce qui concerne le montant maximum de l'amende, voir le commentaire de l'art. 327 P-CP.

4.3

Loi sur l'assistance administrative fiscale

Art. 2, al. 2 L'art. 17, par. 3, de la convention sur l'assistance administrative prévoit qu'une partie peut procéder à la notification directe de documents par voie postale à une personne sur le territoire d'une autre partie. À cet égard, la Suisse n'a formulé aucune réserve au sens de l'art. 30, par. 1, let. e, de la convention sur l'assistance adminis326

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trative. La notification par voie postale peut également être réglée de manière spécifique dans les CDI110.

Selon l'art. 2 LAAF, l'AFC est compétente pour l'exécution de l'assistance administrative. Au sujet de l'art. 2 LAAF, le message111 indique que la notion d'«assistance administrative» couvre notamment l'octroi d'une aide lors de la notification d'actes et de documents officiels concernant le recouvrement des impôts dus au titre de la convention, lorsque la convention le prévoit. La notification directe par voie postale d'actes à l'étranger est une modalité de cette aide à la notification. Ainsi, selon le droit actuel, seule l'AFC peut procéder à des notifications directes par voie postale selon l'art. 17, par. 3, de la convention sur l'assistance administrative (ou selon la CDI applicable). En vertu de l'art. 2, al. 2, P-LAAF, les tribunaux suisses et les autorités fiscales compétentes au sens du droit cantonal ou communal pourront désormais eux aussi procéder à une notification directe d'actes par voie postale à des personnes dans un État étranger, si elle est autorisée par l'accord applicable. Cette disposition autorisera par ex. des administrations fiscales cantonales ou communales à envoyer directement leurs décisions de taxation à une personne dans un État contractant. Des tribunaux pourront aussi envoyer directement des actes à des personnes dans un État contractant dans le cadre d'une procédure de recours.

Les dispositions relatives à l'assistance administrative qui figurent dans la convention sur l'assistance administrative, notamment celles qui concernent les périodes d'imposition (art. 28, par. 6 s.) et les réserves (art. 30), sont elles aussi applicables à la notification directe par voie postale112.

Art. 7, let. c La disposition se borne désormais à affirmer que les autorités n'entrent pas en matière sur une demande lorsque celle-ci viole le principe de la bonne foi, sans autres précisions.

Selon l'arrêt 2C_648/2017 du Tribunal fédéral du 17 juillet 2018, le principe de la bonne foi doit être interprété au sens où l'entend le droit international public (consid. 3.3)113. Ce précepte figurait du reste déjà dans le commentaire relatif à l'art. 7, let. c, LAAF du message114.

Le principe de la bonne foi est généralement reconnu en droit international public. Il constitue un principe général de droit selon l'art. 38, par. 1, let. c, du Statut de la Cour internationale de Justice du 26 juin 1945115 et est traité aussi comme un prin-

110 111 112

113 114 115

Par ex. à l'art. 28bis de la CDI entre la Suisse et la France (RS 0.672.934.91).

Message du 6 juillet 2011 concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale, FF 2011 5771, 5782.

Voir le message du 5 juin 2015 relatif à l'approbation de la Convention du Conseil de l'Europe et de l'OCDE concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et à sa mise en oeuvre (modification de la loi sur l'assistance administrative fiscale), FF 2015 5121, 5154, 5155.

Voir également l'arrêt 2C_1044/2016 du Tribunal fédéral du 6 août 2018, consid. 5.3.1.

Message du 6 juillet 2011 concernant l'adoption d'une loi sur l'assistance administrative fiscale, FF 2011 5771, 5786.

RS 0.193.501

327

FF 2019

cipe de droit coutumier. Il regroupe de manière abstraite des éléments moraux, tels que la confiance, l'honnêteté, l'équité, la loyauté ou la proportionnalité.

Des exemples de concrétisation du principe de la bonne foi sur le plan juridique se trouvent dans différents principes reconnus du droit international public, tels que: ­

le principe de protection de la confiance légitime (legitimate expectations), selon lequel un État contractant peut se prévaloir d'une confiance légitime dans l'application de bonne foi par l'autre État contractant des droits et des obligations définis dans un traité;

­

le principe de l'estoppel, qui découle du principe de protection de la confiance légitime et qui veut qu'un État ne puisse se prévaloir d'une position contraire à celle qu'il a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un État tiers;

­

le principe d'abus de droit (abuse of rights), qui définit les limites au-delà desquelles un mépris du principe de la bonne foi entraîne une violation du droit international public et qui veut que les États exercent leurs droits dans le cadre des limites de la confiance légitime des autres États.

Par ailleurs, le principe de la bonne foi découle directement du principe «pacta sunt servanda», affirmé à l'art. 26 de la convention de Vienne, selon lequel tout traité doit être respecté. Il est également mentionné à l'art. 31 de la convention de Vienne, qui dispose qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Il ressort de ce principe que les parties à un traité sont tenues de remplir de bonne foi les engagements relevant du droit international public qu'elles ont pris dans le cadre du traité et d'interpréter également de bonne foi ledit traité. En ce qui concerne l'assistance administrative en matière fiscale, on peut conclure de ces considérations générales sur le principe de la bonne foi du droit international public que le comportement d'un État requérant est contraire à la bonne foi lorsque cet État fonde sa demande d'assistance administrative sur des données volées qu'il s'est activement procurées dans le but de les utiliser pour faire une demande d'assistance administrative. On parle notamment de comportement actif lorsque l'État requérant a accordé un avantage à un tiers ou a pris des dispositions, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, pour obtenir les renseignements de manière illicite. Si l'État requérant a obtenu des renseignements par un comportement actif et accordé l'assistance administrative pour «légaliser» ces renseignements en les recevant en retour par la voie de l'assistance administrative afin de pouvoir, par la suite, fonder une demande sur ces renseignements, son comportement doit également être considéré comme contraire à la bonne foi, la violation du principe de la bonne foi résidant dans le fait qu'en agissant ainsi, l'État a contourné l'accord d'échange de renseignements qui lie l'État requérant et l'État requis. Par contre, si l'État requérant ne fait que recevoir des renseignements sans avoir eu recours à des incitations ni offert un avantage pour cela, il a un comportement passif, non actif. Il en va de même lorsqu'il obtient les renseignements par des sources accessibles au public, comme

328

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les médias. Un tel comportement ne saurait constituer à lui seul une violation du principe de la bonne foi qui s'opposerait à une entrée en matière sur la demande116.

Ces conclusions rejoignent l'arrêt 2C_648/2017 du Tribunal fédéral du 17 juillet 2018. Au reste, le Tribunal fédéral a précisé que la question de savoir si un État a enfreint le principe de la bonne foi au sens de l'art. 7, let. c, LAAF doit être appréciée cas par cas (consid. 3.3).

Art. 15, al. 2 Une réglementation plus restrictive que précédemment est appliquée à la consultation de la demande d'assistance administrative elle-même et de la correspondance avec l'autorité étrangère avant la notification de la décision finale. Désormais, en effet, l'AFC n'autorisera la consultation des pièces que si l'autorité étrangère y consent, étant entendu qu'il incombe à l'AFC elle-même d'établir si cette autorité donne ou non son consentement.

Si l'autorité étrangère ne donne pas son consentement, l'AFC informe la personne habilitée à recourir du contenu essentiel de la demande et de la correspondance. Une consultation de la demande elle-même (comme du reste de la correspondance) est exclue. Les informations obtenues permettent à la personne habilitée à recourir de s'exprimer sur l'affaire et de contester la décision en bonne et due forme.

Art. 18a Al. 1 Les personnes (y compris les personnes décédées), masses patrimoniales distinctes ou autres entités juridiques (parties) au sujet desquelles des renseignements sont réclamés dans la procédure d'assistance administrative se voient conférer le statut de partie. Dans le présent contexte international, le terme «entité juridique» doit être pris au sens large et non par ex. dans le sens particulier qui lui est donné dans la législation sur le registre du commerce (art. 2, let. a, ORC). Il s'agit de créer d'une manière générale la possibilité de fournir une assistance administrative concernant des personnes (même décédées), des masses patrimoniales distinctes et d'autres entités juridiques qui en droit suisse n'ont pas de réalité juridique et n'ont donc pas la capacité d'être partie et d'ester en justice. La présente disposition permet d'éviter qu'une assistance administrative ne puisse être refusée au seul motif que le droit suisse et le droit de l'État requérant divergent sur la définition de la
capacité d'être partie et d'ester en justice. Cela est légitime dans la mesure où la procédure d'assistance administrative est une procédure d'entraide qui vise à favoriser l'application du droit étranger et qui ne doit donc pas dépendre de la capacité d'être partie et d'ester en justice telle qu'elle est définie en droit suisse. Le seul élément déterminant ici est de savoir si les renseignements demandés sont vraisemblablement pertinents pour l'appréciation, par l'État étranger, de la situation fiscale de la personne, de la masse patrimoniale distincte ou de l'entité juridique au sujet de laquelle une assistance administrative est demandée. C'est pourquoi l'art 18a P-LAAF vise uni116

Comme l'affirmait déjà le message du 10 juin 2016 sur la modification de la loi sur l'assistance administrative fiscale en disposait déjà ainsi; FF 2016 4955, 4967.

329

FF 2019

quement les personnes, les masses patrimoniales distinctes ou les entités juridiques qui font l'objet d'un examen ou d'une enquête dans l'État requérant, les autres étant exclues du champ d'application de la disposition, même si des renseignements sont requis à leur sujet dans la demande d'assistance administrative. Ainsi, la présente disposition n'a pas par ex. pour objet de conférer la capacité d'être partie et d'ester en justice à une société anonyme suisse qui aurait été radiée du registre du commerce et au sujet de laquelle des renseignements seraient demandés à des fins d'imposition de la partie à l'étranger.

L'al. 1 garantit également qu'une assistance administrative pourra être fournie au sujet de personnes décédées, y compris lorsque leur identité est inconnue. On pense ici notamment aux cas où l'identification se fait d'une manière autre que par le nom.

Il peut par ex. y avoir une demande groupée dans laquelle les personnes dont l'identité est inconnue sont identifiées par un type de comportement. Il sera également possible de fournir une assistance administrative si les successeurs légaux de la personne dont l'identité est inconnue sont eux-mêmes inconnus. Les successeurs légaux inconnus sont informés par la Feuille fédérale de la procédure d'assistance administrative en cours ou de la décision finale prise. En outre, la norme fournit à l'AFC un destinataire légal de la décision lorsque les éventuels successeurs légaux n'ont pas la capacité d'être partie ou d'ester en justice selon le droit suisse (alors qu'en vertu du droit en vigueur, ils ne pourraient être destinataires de la décision, comme la personne décédée elle-même). On peut par ex. songer ici au cas où la masse successorale d'un défunt est transmise à une succession (estate) de common law ayant sa propre personnalité juridique et constituant de ce fait une masse patrimoniale juridiquement et économiquement autonome et indépendante. Enfin, l'al. 1 permetra également de fournir une assistance administrative lorsque la demande porte sur un comportement fiscalement répréhensible de la personne décédée.

Al. 2 Le droit suisse ne saurait déterminer qui est habilité à agir pour une partie à laquelle il n'accorde pas le statut de partie ou qu'il ne connaît pas. Aussi l'al. 2 dispose-t-il que le droit d'agir pour une partie au sens
de l'al. 1 à laquelle les autres dispositions du droit suisse ne reconnaissent pas ce statut est déterminé par le droit de l'État requérant.

Al. 3 Dans les cas où une assistance administrative est demandée au sujet d'une personne décédée, les successeurs légaux de cette personne ont le statut de partie et qualité pour recourir, qu'ils aient ou non la capacité d'être partie et d'ester en justice selon le droit suisse.

Un exemple des conséquences juridiques possibles de l'art. 18a: Si une succession des États-Unis fait l'objet d'une demande, la règle proposée signifie que l'AFC informera la succession de la procédure d'assistance administrative en cours la concernant conformément à l'art. 14 ou 14a LAAF. Le droit des États-Unis détermine qui peut représenter les droits de la succession dans la procédure d'assistance administrative (par ex. l'administrateur de la succession). L'octroi de l'assistance administrative et la décision finale sont notifiés à la succession, conformément à 330

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l'art. 17 LAAF. La succession peut, par l'intermédiaire de la personne autorisée selon le droit américain à agir en son nom (par ex. l'administrateur de la succession), recourir devant le Tribunal administratif fédéral ou devant le Tribunal fédéral.

Art. 22g, al. 3bis Cette disposition habilite l'AFC à accorder aux autorités fiscales suisses auxquelles, en vertu de l'art. 22e, al. 1, LAAF, elle livre des renseignements transmis spontanément depuis l'étranger, un accès en ligne aux données enregistrées dans son système d'information. Cela signifie non pas que l'AFC transmet les données aux autorités fiscales suisses, mais que ces dernières sont autorisées à y accéder. L'art. 22g, al. 3bis, P-LAAF est nécessaire pour mettre en oeuvre l'échange spontané de renseignements, effectif depuis le 1er janvier 2018.

De la même façon, l'AFC fournit également aux autorités suisses un accès en ligne aux données transmises automatiquement depuis l'étranger dans le cadre de l'échange automatique de renseignements (art. 24, al. 4, de la loi fédérale du 18 décembre 2015 sur l'échange international automatique de renseignements en matière fiscale [LEAR])117.

Art. 22ibis Cette disposition doit garantir que soient disponibles les renseignements relatifs aux entités juridiques dont le siège principal est à l'étranger et qui ont leur administration effective en Suisse. Ainsi, l'entité juridique doit tenir une liste de ses propriétaires légaux (legal owners et non beneficial owners) au lieu de l'administration effective.

La liste doit contenir les prénom et nom ou la raison sociale ainsi que l'adresse de ces personnes. Les entités juridiques qui n'ont pas de propriétaires ne sont pas concernées par cette disposition.

La notion d'administration effective se fonde sur l'art. 50 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)118, selon lequel les personnes morales sont assujetties à l'impôt en raison de leur rattachement personnel lorsqu'elles ont leur siège ou leur administration effective en Suisse.

L'art. 22ibis P-LAAF est une prescription d'ordre, pour l'inobservation de laquelle aucune sanction n'est prévue. Cependant, si l'entité juridique ne peut pas présenter la liste requise au lieu de son administration effective, cela devrait inciter un intermédiaire financier à s'abstenir d'établir une relation commerciale avec cette entité au lieu de son administration effective.

117 118

RS 653.1 RS 642.11

331

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4.4

Loi sur les titres intermédiés

Art. 8a Selon l'art. 6 LTI, les titres intermédiés sont créés par la consignation de papiersvaleurs ou de certificats globaux auprès d'un dépositaire ou par l'inscription de droits-valeurs au registre principal d'un dépositaire, avec inscription au crédit d'un ou de plusieurs comptes de titres. Conçue comme un système ouvert, la LTI met en place l'infrastructure juridique qui permet aux papiers-valeurs ou droits-valeurs d'entrer dans le système de détention intermédiée (art. 6 LTI) et d'en sortir (art. 8 LTI)119.

Cette architecture ouverte ne peut s'appliquer aux sociétés sans titres de participation cotés en bourse dont les actions sont émises sous forme de titres intermédiés, car la transparence visée par le nouveau droit à l'égard des actions au porteur s'en trouverait compromise. C'est pourquoi l'art. 8a P-LTI énumère de manière exhaustive les cas dans lesquels les papiers-valeurs (les titres physiques sous-jacents aux titres intermédiés) peuvent être remis conformément à l'art. 8 LTI. Il appartient au dépositaire désigné par la société conformément à l'art. 697j, al. 5, P-CO de veiller au respect de cette disposition. Ainsi, les papiers-valeurs peuvent uniquement être remis par le dépositaire: a.

en cas de cessation de sa fonction: au dépositaire en Suisse que la société a désigné pour le remplacer;

b.

en cas de conversion des actions au porteur en actions nominatives: à la société;

c.

en cas de destruction des actions au porteur: à la société.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

Pour la Confédération et surtout pour les cantons, la conversion des actions au porteur en actions nominatives entraîne un surcroît de travail provisoire si les sociétés ne mettent pas à profit une modification des statuts effectuée à d'autres fins pour adapter ceux-ci au nouveau droit. La charge de travail supplémentaire pourra cependant être maîtrisée avec les ressources existantes, si bien qu'il ne sera pas nécessaire de créer de nouveaux postes. Les autorités cantonales disposent en matière d'aménagement et d'organisation d'une marge de manoeuvre suffisamment importante pour ne pas être mises sous pression.

Le traitement des demandes d'assistance administrative fondées sur des données volées, mais acquises passivement par l'État requérant, peut entraîner une charge de 119

332

Voir le message du 15 novembre 2006 relatif à la loi fédérale sur les titres intermédiés et à la Convention de La Haye sur les titres intermédiés du 15 novembre 2006, FF 2006 8817, 8849.

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travail supplémentaire considérable pour la Confédération. Mais comme le traitement de telles demandes d'assistance administrative est d'ores et déjà possible sur le fondement de l'art. 7, let. c, LAAF, la modification proposée ne devrait avoir de conséquences ni sur le plan financier ni sur le plan du personnel. La même remarque vaut pour les autres modifications qu'il est prévu d'apporter à la LAAF.

5.2

Conséquences économiques

5.2.1

Conséquences sur l'économie suisse et la situation concurrentielle

Les mesures proposées renforceront la sécurité juridique et amélioreront la réputation de la Suisse, ce qui aura des répercussions positives sur l'économie du pays.

Elles doivent permettre à la Suisse d'obtenir une note globale suffisante lors du prochain examen par les pairs et ainsi de ne pas risquer de faire l'objet de mesures défensives, y compris de la part de pays avec lesquels elle entretient habituellement des relations économiques étroites. De telles contre-mesures pourraient en effet pénaliser lourdement, même s'il est difficile de chiffrer le préjudice, les entreprises, les travailleurs et même les contribuables. Il est donc vital de faire en sorte qu'elles ne frappent pas l'économie suisse.

Le degré de concurrence ne sera guère affecté par le présent projet. Qu'une société émette des actions au porteur, des actions nominatives ou des actions sous forme de titres intermédiés est sans effet sur son comportement sur le marché. Il est également peu probable que le nombre des sociétés diminue en Suisse.

5.2.2

Conséquences pour les entreprises concernées

Les sociétés qui ont émis des actions au porteur autrement que sous forme de titres intermédiés et qui n'ont pas de titres de participation cotés en bourse devront prendre des mesures. Tant la conversion des actions au porteur en actions nominatives que leur émission sous forme de titres intermédiés s'accompagnent de coûts pour les sociétés concernées, la première solution étant plus avantageuse à moyen et à long terme.

­

120

Dans le cas d'une conversion des actions au porteur en actions nominatives, il est possible de mettre à profit pendant les délais prévus l'occasion fournie par une modification des statuts dans un autre domaine pour adapter ceux-ci au nouveau droit. L'adaptation des statuts engendrera pour les sociétés concernées des coûts liés à sa certification en la forme authentique de l'ordre de 700 à 900 francs et des coûts liés à son inscription au registre du commerce de l'ordre de 200 à 300 francs, soit un total compris entre 900 et 1200 francs120 Eu égard à la simplicité de l'affaire, elle ne devrait pas entraîner de frais de conseil juridique. Comme on ne connaît pas la fréquence Les honoraires de notaires peuvent différer d'un canton à l'autre. Les honoraires indiqués sont ceux valables dans le canton de Berne.

333

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des modifications statutaires engagées par les sociétés, on ne peut qu'estimer grossièrement le total des coûts concernés. Si toutes les sociétés concernées optent pour une conversion, ces coûts devraient être compris entre 42 et 60 millions de francs. Le montant de 60 millions de francs121 repose sur l'hypothèse ­ peu probable ­ qu'aucune société ne profitera d'une autre modification statutaire pour se conformer au nouveau droit, tandis que le montant de 42 millions de francs122 repose sur l'hypothèse que 30 % des sociétés profiteront d'une telle occasion pour faire les adaptations nécessaires. Les frais qui ne découlent pas directement du projet ne sont pas pris en compte ici.

­

Dans le cas d'une émission des actions au porteur sous forme de titres intermédiés, contrairement à une conversion, les coûts induits sont principalement des coûts récurrents périodiques, par ex. sous forme de droits de garde du dépositaire. Les sociétés qui optent pour une émission des actions au porteur sous forme de titres intermédiés ne peuvent pas se soustraire à ces droits de garde, ce qui peut accroître le pouvoir des dépositaires en matière de fixation des prix. Les droits de garde dus annuellement pour une consignation de 100 000 francs123 peuvent s'élever à 350 francs124. Si toutes les sociétés concernées optent pour une émission de leurs actions au porteur sous forme de titres intermédiés, les coûts annuels en résultant pourraient s'élever à un total de 20 millions. À ces frais pourraient s'ajouter certains coûts ponctuels en lien avec l'émission des actions au porteur sous forme de titres intermédiés.

L'obligation des sociétés sans titres de participation cotés en bourse de convertir leurs actions au porteur en actions nominatives ou de les émettre sous forme de titres intermédiés prive les sociétés d'un choix quant à l'émission de leurs actions. Près de 57 000 ou 26 % de toutes les sociétés anonymes actuellement en exercice en Suisse ont émis des actions au porteur (dont 5200 ou 9 % sont en liquidation). Les actions au porteur restent donc des titres demandés en Suisse. Cependant, depuis l'entrée en vigueur de la loi GAFI et l'introduction des obligations d'annoncer pour les actions au porteur, le recours à ce type d'actions est en recul. Le nombre de nouvelles sociétés dotées d'actions au porteur diminue (471 ou 10 % des nouvelles sociétés inscrites entre le 1er janvier et le 30 juin 2018, contre près de 57 000 ou 26 % de l'ensemble des sociétés anonymes existantes). En outre, les sociétés existantes sont toujours plus nombreuses à renoncer volontairement à leurs actions au porteur en les convertissant en actions nominatives. Cela a été le cas de plus de 1400 sociétés entre juillet 2016 et juin 2018. On peut en conclure que de nombreuses sociétés considèrent que la charge administrative et les coûts liés à la tenue de la liste des détenteurs d'actions au porteur sont supérieurs à ceux liés à la tenue des registres des actions nominatives.

121 122 123

1050 francs × 57 000 = 60 millions de francs.

1050 francs × 57 000 × (1 ­ 0,3) = 42 millions de francs.

La valeur de référence de 100 000 francs est prise ici parce que le capital-actions d'une société doit au moins être égal à 100 000 francs et qu'une part considérable des sociétés à actions au porteur (notamment les PME) devraient disposer uniquement du capital minimal.

124 Source: portail comparatif Moneyland.ch.

334

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Pour autant que les détenteurs d'actions au porteur se soient conformés à leurs obligations d'annoncer, les sociétés disposent déjà des renseignements qui doivent être inscrits au registre des actions en cas de conversion des actions. Celui-ci devrait donc pouvoir être établi à moindre coût.

Le système des sanctions prévues en cas de violation des obligations par la société ou les détenteurs de parts renforce l'efficacité des règles existantes.

Les actionnaires qui ne se sont pas conformés à leurs obligations d'annoncer sont définitivement déchus de leurs droits après un délai de cinq ans à compter de l'entrée en force du nouveau droit sur décision judiciaire et les apports reviennent à la société. La destruction par décision judiciaire prévue pour les actions non annoncées résout le problème des sociétés qui ne sont pas parvenues à constater l'identité de leurs actionnaires et qui sont donc par ex. dans l'impossibilité de respecter les quorums fixés par la loi ou les statuts.

Dans la mesure où les obligations d'annoncer ont déjà été introduites en 2015 et où le nouveau droit impartit aux actionnaires, pour leur identification auprès de la société, 18 mois supplémentaires, ainsi que cinq années pour requérir leur inscription au registre des actions, les actionnaires disposent de suffisamment de temps avant que n'intervienne une décision judiciaire obligeant à détruire les actions concernées en cas de non-respect de ces délais. Il est peu probable que les détenteurs d'actions au porteur n'aient pas connaissance du nouveau droit.. Ceux qui en auront été informés ne renonceront pas volontairement à leurs droits. Quant à ceux qui ne se seront pas annoncés à la société dans le délai prescrit, c'est probablement qu'ils n'auront pas eu connaissance de leur qualité d'actionnaire, soit qu'ils aient oublié qu'ils avaient des actions, soit que les actions aient été égarées ou détruites dans le contexte d'un héritage, à moins tout simplement qu'ils ne veuillent pas s'identifier envers la société.

Les modifications de la LAAF n'ont d'incidences ni pour les entreprises ni pour leurs actionnaires.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet prévoit la révision de quatre lois: le code des obligations, le code pénal, la LAAF et la LTI. La compétence de la Confédération de régler les matières couvertes par ces lois découle des bases constitutionnelles sur lesquelles ces lois se fondent, qui sont mentionnées dans leurs préambules et commentées dans les messages qui leur ont été consacrés. On peut notamment citer l'art. 122, al. 1, Cst. pour ce qui est de la modification du code des obligations et de la LTI, et l'art. 123, al. 1, Cst. pour ce qui est de la modification du code pénal. La LAAF repose sur une compétence implicite de la Confédération. A la place, il convient de mentionner l'art. 173, al. 2, Cst., qui dispose que l'Assemblée fédérale traite tous les objets qui relèvent de la compétence de la Confédération et qui ne ressortissent pas à une autre autorité fédérale.

335

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L'art. 15, al. 2, P-LAAF porte atteinte à l'art. 29, al. 2, Cst. (droit d'être entendu) en ce sens que l'État requérant peut refuser la consultation de la demande d'assistance administrative et de la correspondance des autorités sans fournir de motif. La disposition a néanmoins été aménagée de façon à limiter autant que possible cette atteinte.

6.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

Le projet doit permettre la mise en oeuvre des recommandations du Forum mondial qui figurent dans le rapport d'examen de phase 2 de la Suisse.

336