Analyses ADN dans les procédures pénales Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 14 février 2019

2019-2995

6767

Quelques points sélectionnés

181 478 personnes étaient saisies dans la banque nationale de données ADN début 2018.

5583 résultats positifs ont été obtenus en 2017 grâce à la comparaison entre des profils d'ADN.

7 laboratoires d'analyse ADN sont reconnus par la Confédération, qui est chargée de leur surveillance.

Instrument d'enquête

Les autorités de poursuite pénale font effectuer des analyses afin d'identifier des individus et de comparer les traces relevées sur différents lieux d'infraction.

Marge de manoeuvre

Les analyses ADN sont autorisées pour l'élucidation de crimes et de délits. Le recours à ces analyses, laissé à l'appréciation des autorités de poursuite pénale, doit toutefois être proportionné au but visé.

Compétence des cantons

La plupart des poursuites pénales sont menées dans les cantons. Ceux-ci décident donc de recourir ou non à des analyses ADN. La Confédération régit le cadre légal, gère la banque nationale de données ADN et exerce la surveillance sur les laboratoires d'analyse ADN.

______________________________________________

6768

L'essentiel en bref Au cours des dernières années, la pratique en matière de recours aux analyses ADN s'est largement stabilisée à l'échelle nationale; elle est jugée globalement opportune. En revanche, les différences constatées à l'échelle cantonale ne sont pas appropriées. Enfin, le système de surveillance présente quelques défaillances.

Pour élucider des infractions, les autorités de poursuite pénale peuvent recourir aux analyses ADN. Des personnes suspectes peuvent ainsi être identifiées à l'aide de traces d'ADN et les faits liés à une infraction être reconstitués. Les bases légales encadrant le recours aux analyses ADN sont formulées de manière générale.

L'analyse ADN peut donc être utilisée pour l'élucidation de tous les crimes et de tous les délits, mais pas en cas de contravention. Or, étant donné qu'elle constitue une atteinte aux droits fondamentaux, le recours à cette analyse doit être proportionné. Des voix critiques se sont élevées à plusieurs reprises pour dénoncer les dérives observées dans certains cantons lors du recours aux analyses ADN.

En janvier 2017, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont par conséquent chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) de procéder à une évaluation des analyses ADN dans les procédures pénales. A sa séance du 6 novembre 2017, la sous-commission compétente de la CdG du Conseil des Etats, à savoir la sous-commission DFJP/ChF, a décidé que l'évaluation devait porter sur l'opportunité de la pratique en matière de recours aux analyses ADN ainsi que sur l'adéquation des fonctions de surveillance de l'Office fédéral de la police (fedpol).

Le CPA a alors chargé les experts de Killias Research & Consulting d'analyser les profils d'ADN enregistrés dans la banque nationale de données ADN CODIS. De son côté, il a étudié les fonctions de surveillance de fedpol. Il a tenté de savoir si l'office assume de façon appropriée sa responsabilité générale concernant la banque nationale de données ADN et la surveillance sur les laboratoires d'analyse ADN. A cette fin, le CPA a analysé des documents et mené une vingtaine d'entretiens avec des représentants de l'administration fédérale, des cantons et des laboratoires.

Une pratique globalement opportune Les analyses de données effectuées dans le cadre de l'évaluation montrent que,
à l'échelle nationale, l'évolution de la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales est parallèle à celle de la criminalité depuis l'arrêt pris par le Tribunal fédéral en 2014. L'utilisation des analyses ADN à grande échelle, observable jusqu'à cette date, a été stoppée. Depuis, la pratique reste constante et est appropriée à la lumière de la jurisprudence du Tribunal fédéral. On constate par ailleurs que les analyses ADN sont plus souvent utilisées pour les infractions graves que pour les infractions moins graves, ce qui indique une pratique globalement adéquate en matière de recours aux analyses ADN.

6769

Des différences cantonales inappropriées Les cantons d'Argovie, de Berne, de Fribourg, des Grisons, du Tessin, de Vaud et de Zurich ont été examinés à la loupe dans le cadre de l'évaluation. Les différences partielles de pratique entre ces cantons en matière de recours aux analyses ADN ne s'expliquent pas par le nombre variable des procédures pénales ou par une évolution divergente de leur criminalité. Ces différences cantonales sont inappropriées du point de vue de la jurisprudence du Tribunal fédéral et d'une application uniforme des dispositions du droit fédéral.

Le Service de coordination externe est opportun, mais l'attribution du mandat à ce service ne l'est pas Fedpol est responsable de la banque nationale de données ADN CODIS, dont l'exploitation sur le plan opérationnel est assurée par un service de coordination externe. Ce fonctionnement a fait ses preuves. Depuis sa création, le Service de coordination est rattaché à l'Institut de médecine légale de l'Université de Zurich.

Bien que le paysage des laboratoires ait évolué, fedpol n'a encore jamais vérifié le bien-fondé de l'octroi du mandat de gestion au Service de coordination. Par ailleurs, le Service de coordination exerce pour le compte de fedpol différentes tâches supplémentaires qui vont au-delà de l'exploitation de la banque de données sur le plan opérationnel et ne reposent sur aucun mandat formel. En outre, le Service de coordination ne dispose pas de l'indépendance requise pour pouvoir défendre les intérêts de tous les laboratoires de manière appropriée auprès de la Confédération.

La surveillance sur les laboratoires d'analyse ADN n'est pas exercée en toute indépendance et n'est donc qu'en partie adéquate Fedpol doit contrôler les laboratoires d'analyse ADN reconnus par la Confédération. Il a délégué une grande partie de cette tâche au Service d'accréditation suisse (SAS), qui est chargé des accréditations de laboratoires. Or, l'accréditation et sa vérification par le SAS ne se font pas indépendamment des laboratoires. Ces derniers peuvent proposer les spécialistes qui participeront aux vérifications. Bien que la procédure de contrôle du SAS soit jugée très positive par toutes les personnes impliquées, elle présente quelques défaillances. De facto, selon la convention qu'il a signée avec le SAS, fedpol délègue en partie sa
fonction de contrôle aux laboratoires qu'il doit contrôler. Par conséquent, la surveillance exercée sur les laboratoires reconnus par la Confédération ne peut être considérée que comme étant partiellement adéquate.

6770

FF 2019

Table des matières L'essentiel en bref

6769

1

Introduction 1.1 Objet et questions de l'évaluation 1.2 Méthodologie 1.2.1 Collecte et analyse des données 1.2.2 Limites de l'évaluation 1.3 Structure du rapport

6773 6773 6774 6774 6775 6776

2

Analyses ADN dans les procédures pénales 2.1 Analyses ADN et profils d'ADN 2.2 Bases et objectifs légaux 2.3 Jurisprudence du Tribunal fédéral 2.4 Compétences de la Confédération 2.5 Analyses ADN dans les procédures pénales 2.6 Situation actuelle

6776 6777 6777 6778 6779 6781 6783

3

Opportunité et adéquation de la pratique en matière de recours aux analyses ADN 3.1 Grande latitude pour ordonner les analyses ADN 3.2 Evolution globalement adéquate de la pratique depuis l'arrêt du Tribunal fédéral 3.2.1 Evolution du nombre de profils d'ADN 3.2.2 Concordances d'ADN et élucidation d'infractions 3.3 Analyses ADN en fonction des types d'infractions globalement adéquates 3.3.1 Nombre de profils d'ADN en fonction du type d'infraction 3.3.2 Contribution des analyses ADN à l'élucidation de certaines infractions 3.4 Différences cantonales inappropriées 3.4.1 Evolution dans les cantons étudiés 3.4.2 Situation dans les cantons selon le type d'infraction

4

Adéquation des fonctions de surveillance 4.1 Service de coordination externe opportun, mais attribution du mandat inappropriée 4.1.1 Exploitation opérationnelle de la banque de données ADN par le Service de coordination 4.1.2 Accomplissement d'autres tâches par le Service de coordination, pour le compte de fedpol

6784 6784 6786 6787 6790 6792 6793 6795 6797 6798 6802 6803 6804 6804 6807

6771

FF 2019

4.2

5

Surveillance des laboratoires seulement partiellement appropriée 4.2.1 Surveillance dans le cadre de l'examen et de la surveillance de l'accréditation des laboratoires 4.2.2 Autres activités de surveillance de fedpol

Conclusions 5.1 Recours aux analyses ADN conforme à l'évolution de la criminalité et globalement opportun 5.2 Différences cantonales non appropriées en matière d'analyses ADN 5.3 Service de coordination externe opportun, mais attribution du mandat inappropriée 5.4 Surveillance sur les laboratoires partiellement appropriée en raison d'un manque d'indépendance

6809 6809 6812 6813 6813 6814 6815 6816

Abréviations

6818

Bibliographie et liste des documents

6820

Liste des personnes interrogées

6823

Annexe: Procédure d'évaluation

6824

Impressum

6825

6772

FF 2019

Rapport 1

Introduction

1.1

Objet et questions de l'évaluation

Pour élucider des infractions, les autorités de poursuite pénale peuvent recourir aux analyses ADN afin d'identifier une personne et de comparer son profil d'ADN avec les traces relevées sur le lieu de l'infraction. Les conditions légales qui encadrent le recours aux analyses ADN sont formulées de manière relativement générale. Une analyse ADN peut être effectuée pour élucider un crime ou un délit, quels qu'ils soient, mais pas en cas de simple contravention1. Néanmoins, elle constitue une atteinte aux droits fondamentaux2. D'aucuns ont critiqué les dérives observées dans certains cantons dans lesquels la police recourt systématiquement aux analyses ADN, même en cas de délits mineurs3. Dans certains cas, le Tribunal fédéral a d'ailleurs jugé que l'analyse ADN était disproportionnée et il a, dans un arrêt de principe, limité le recours aux analyses ADN4. De leur côté, les milieux policiers critiquent une interprétation trop restrictive des bases légales par le Tribunal fédéral, ce qui, selon eux, entrave les enquêtes. Ils craignent en outre qu'elle ne contribue à faire baisser le taux d'élucidation des infractions5.

Dans ce contexte, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé, le 27 janvier 2017, de charger le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer les analyses ADN dans les procédures pénales

1

2

3

4 5

Art. 255, al. 1, code de procédure pénale suisse du 5.10.2007 (code de procédure pénale, CPP; RS 312.0); art. 3, al. 1, loi fédérale du 20.6.2003 sur l'utilisation de profils d'ADN dans les procédures pénales et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues (loi sur les profils d'ADN; RS 363) Fricker, Christoph / Maeder, Stefan (2014): DNA-Analysen, chapitre 5, dans Niggli, Marcel Alexander / Heer, Marianne / Wiprächtiger, Hans (éd.): Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung. Basler Kommentar, 2e tirage. Bâle, Helbing Lichtenhahn, 1966­7 (disponible uniquement en allemand); Hansjakob, Thomas (2014): chap. 5: DNA-Analysen. In: Donatsch, Andreas / Hansjakob, Thomas / Lieber, Viktor (éd.): Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO). Zurich: Schulthess, pp. 1455­1472 (en allemand uniquement).

Mullis, Annina (2015): «Grenzen präventiver erkennungsdienstlicher Behandlung und DNA-Probenahme». In: forumpoenale, 05/2015, 308 (en allemand uniquement); Heilinger, Martina (2017): «´Fishing exhibition´ in der DNA-Datenbank CODIS?». In: forumpoenale, 02/2017, 93 (en allemand uniquement); «Miss-Schweiz-Demonstranten müssen zum DNA-Test!». In: Blick, 30.10.2014; «Ohrfeige für Polizei und Staatsanwaltschaft».

In: Wochenzeitung, 15.1. 2015; «Gericht rüffelt Berner Polizei». In: Tages-Anzeiger, 17.3.

2015 Arrêt du Tribunal fédéral (ATF) 141 IV 87 du 10.12.2014; ATF non publié 1B_111/2015 du 20.8.2015; ATF non publié 1B_381/2015 du 23.2.2016 «Der Polizei ist die DNA-Praxis zu restriktiv». In: Der Bund 29.3.2017, p. 27; «Faire parler davantage l'ADN des suspects?». In: Le Temps, 2.7.2016, p. 14; «Höhere Hürde für DNA-Analysen: Polizei warnt: Die Aufklärungsquote von Straftaten wird sinken». In: Sonntagszeitung, 18.2.2018, p. 5; «Die Einbruchswelle ebbt weiter ab». In: Luzerner Zeitung, 27.3.2018, p. 3; «Kommissar DNA hat ein Problem: Einbrecher fallen durch die Maschen». In: Schweiz am Wochenende, 1.4.2018

6773

FF 2019

Les profils d'ADN sont enregistrés et traités de manière centralisée dans la banque nationale sur les profils d'ADN CODIS (Combined DNA Index System), dont l'Office fédéral de la police (fedpol) est responsable. Celui-ci exerce également la surveillance sur les laboratoires qui effectuent les analyses ADN et ont été préalablement reconnus par le Département fédéral de justice et police (DFJP). Pour le reste, les compétences de la Confédération sont limitées, car la plupart des procédures pénales sont menées au niveau cantonal.

Se fondant sur une esquisse de projet du CPA, la sous-commission DFJP/ChF de la CdG du Conseil des Etats, compétente en la matière, a décidé, le 6 novembre 2017, de centrer l'évaluation sur les questions suivantes: 1.

L'évolution de la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales est-elle adéquate et appropriée?

2.

Le recours aux analyses ADN dans les procédures pénales est-il adéquat si l'on considère les différents types d'infractions?

3.

Les différences observées entre les cantons dans le recours aux analyses ADN sont-elles adéquates?

4.

fedpol assume-t-il de manière adéquate la responsabilité qui lui incombe s'agissant de la banque de données ADN?

5.

La surveillance exercée par fedpol sur les laboratoires d'analyse ADN reconnus par la Confédération est-elle adéquate?

1.2

Méthodologie

Pour que des réponses puissent être apportées aux questions posées, différentes collectes et analyses de données, dont une synthèse est proposée au chapitre 1.2.1 et en annexe, ont été effectuées. La pertinence des résultats de l'évaluation est relativisée par certaines restrictions, exposées au chapitre 1.2.2. Enfin, la structure du présent rapport est détaillée au chapitre 1.2.3.

1.2.1

Collecte et analyse des données

L'évaluation se divise en deux parties: la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales et la mission de surveillance de fedpol.

L'évaluation de la première partie repose pour l'essentiel sur une analyse statistique des profils d'ADN enregistrés dans la banque de données ADN CODIS (état au 19.2.2018), complétée par des informations obtenues dans le système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes de l'Office fédéral de la police (IPAS6). Le CPA a mandaté Killias Research & Consulting pour assurer l'analyse

6

Ordonnance du 15.10.2008 sur le système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes de l'Office fédéral de la police (ordonnance IPAS; RS 361.2)

6774

FF 2019

statistique7. Il a fallu tenir compte dans l'analyse des données de différentes restrictions, expliquées au chapitre 1.2.2 et dues aux données disponibles.

En se fondant sur CODIS et sur d'autres sources de données, fedpol établit sa propre statistique d'informations sur les profils d'ADN établis et supprimés chaque mois, sur les résultats positifs des recherches effectuées dans la banque de données ADN et sur le contenu actuel de celle-ci dans CODIS. Cette statistique contient les principaux chiffres pour tous les cantons, le Corps des gardes-frontière, la Principauté de Liechtenstein, la Police judiciaire fédérale et la coopération policière internationale.

Mais elle n'est pas structurée en fonction des différents types d'infractions. Lors des analyses de données effectuées par le CPA dans le cadre de la présente évaluation, fedpol a omis de mentionner au CPA l'existence de cette statistique, bien que celuici l'ait prié de lui communiquer les chiffres disponibles. Fedpol n'a évoqué cette statistique qu'à l'occasion d'un entretien consacré à sa mission de surveillance.

Le CPA a mené une vingtaine d'entretiens standardisés avec des représentants de fedpol et d'autres unités fédérales, avec les laboratoires d'analyse ADN ainsi qu'avec la police et les autorités de poursuite pénale dans des cantons précis. Il s'est également entretenu avec des juristes spécialisés et a analysé des documents et statistiques internes à l'administration.

Le CPA a défini des critères pour évaluer la pratique en matière de recours aux analyses ADN et la mission de surveillance de fedpol. Les données ont été collectées et analysées entre février et octobre 2018. Fedpol a reçu un projet du présent rapport et le rapport des experts pour consultation à la fin novembre 2018.

1.2.2

Limites de l'évaluation

Certaines restrictions doivent être prises en considération lors des analyses de données effectuées dans le cadre de l'évaluation. La loi fixe des délais pour l'effacement des profils d'ADN enregistrés dans la banque de données ADN8. Ainsi, les profils d'ADN doivent être effacés sitôt qu'il s'avère, au cours de la procédure, que la personne en cause ne peut être l'auteur du crime ou du délit ou lorsque la procédure est close par un acquittement ayant force de droit. Si un non-lieu est prononcé, l'effacement doit se faire au plus tard un an après. En règle générale, le profil d'ADN d'une personne condamnée pour un délit doit être effacé cinq ans après expiration de la peine appliquée. Pour les délits plus graves, le délai est de dix ans et, pour les crimes graves, de 20 ans après expiration de la peine appliquée.

En raison de ces dispositions concernant les délais, il n'est pas possible rétrospectivement de savoir précisément, au moyen de la banque de données ADN CODIS, quels profils d'ADN ont été établis, à quel moment ils l'ont été et pour quelles infractions. Cette restriction a des effets sur les analyses qui ont été effectuées en 7

8

Killias, Martin / Gut, Moritz /Biberstein, Lorenz / Walser, Simone (2018): «DNAAnalysen in Strafverfahren: Entwicklungen, Umfang und Wirkungen. Schlussbericht zuhanden der Parlamentarischen Verwaltungskontrolle». Lenzburg, Killias Research & Consulting AG (en allemand uniquement) Art. 16 à 19 de la loi sur les profils d'ADN

6775

FF 2019

fonction des types d'infractions et sont présentées dans ce rapport et dans le rapport des experts. Il convient en particulier d'interpréter avec prudence les évolutions à la hausse, autrement dit, la progression dans le temps des profils d'ADN dans les différents types d'infractions. Celles-ci peuvent tenir au fait que d'anciens profils d'ADN, effacés entre-temps, n'apparaissent plus dans les données disponibles. En raison des effacements, les données disponibles entraînent obligatoirement une surestimation des évolutions à la hausse.

Différentes comparaisons ont été effectuées pour évaluer la pratique en matière de recours aux analyses ADN: la pratique dans le temps, par rapport à l'évolution de la criminalité, en fonction de la répartition des profils d'ADN établis dans les différentes catégories d'infractions et des cantons étudiés. Cette pratique est donc évaluée dans sa globalité. En revanche, l'adéquation du recours aux analyses ADN dans des cas d'espèce ne peut être vérifiée dans le cadre de l'évaluation. Cette vérification est effectuée par les tribunaux compétents, par la voie du recours9. Du reste, le Tribunal fédéral a eu l'occasion, à plusieurs reprises par le passé, de se pencher sur la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans des cas concrets (voir chap. 2.3).

1.3

Structure du rapport

Dans le chap. 2, les analyses ADN sont présentées comme un instrument de la poursuite pénale. Elles sont brièvement exposées, ainsi que les bases légales qui les encadrent. Le CPA répond ensuite, au chap. 3, aux questions 1 à 3 portant sur la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales avant de traiter, au chap. 4, les questions 4 et 5 sur le rôle de la Confédération. Enfin, il s'appuie au chap. 5 sur les principaux résultats de son évaluation pour en tirer des conclusions.

2

Analyses ADN dans les procédures pénales

Le présent chapitre est consacré aux analyses ADN dans les procédures pénales. La description de la façon dont les autorités de poursuite pénale utilisent les analyses ADN pour identifier des personnes suspectes est suivie de l'exposé des principales bases légales ainsi que des compétences et des procédures. Enfin, la situation actuelle en matière d'analyses ADN dans les procédures pénales est brièvement abordée.

9

Tschannen, Pierre (2016): «Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft». 4e éd.

Berne, Stämpfli (en allemand uniquement); Jaag, Tobias / Bucher, Laura / Häggi Furrer, Reto (2016): «Staatsrecht der Schweiz». 2e éd., Zurich, Dike (en allemand uniquement); Müller, Markus (2016): «Verhältnismässigkeit. Gedanken zu einem Zauberwürfel».

Berne, Stämpfli (en allemand uniquement); offre soumise par Killias Research & Consulting dans le cadre de l'évaluation des analyses ADN dans les procédures pénales du 9.1.2018, p. 1 (en allemand uniquement)

6776

FF 2019

2.1

Analyses ADN et profils d'ADN

L'ADN (acide désoxyribonucléique) est la substance chimique contenant l'information génétique héréditaire. Elle est présente dans le noyau de chaque cellule du corps humain. Toutefois, seule une petite partie de l'ADN, dite «codante», contient cette information génétique (gène). L'ADN est constitué en majorité de séquences «non codantes»10, à partir desquelles est établi le profil d'ADN qui peut être utilisé pour identifier une personne11.

Le profil d'ADN est une combinaison alphanumérique individuelle, propre à chaque personne, qui est établie à l'aide de techniques relevant du domaine de la biologie moléculaire, à partir des segments non codants de la molécule d'ADN. Seul le sexe de la personne peut être déterminé à partir du profil d'ADN, qui est unique, sauf pour les jumeaux univitellins. Le profil d'ADN peut être obtenu à l'aide d'échantillons prélevés sur des suspects (généralement par un frottis de la muqueuse jugale). Il peut aussi être établi à l'aide des traces laissées sur le lieu d'une infraction (la salive, le sang, le sperme ou les parties de tissus telles que les particules de peau ou les cheveux). On distingue donc entre profils de personnes et profils de traces.

Un profil d'ADN nouvellement établi, que ce soit à partir de la personne ou des traces retrouvées, peut être comparé avec les profils d'ADN enregistrés dans la banque de données ADN CODIS. On parle de «concordance» («hit») lorsque le nouveau profil concorde avec un profil d'ADN déjà enregistré. On distingue entre différents types de concordances. Si un profil de personne nouvellement établi concorde avec un profil existant établi à partir de traces ou s'il y a concordance entre un profil de traces nouvellement établi et un profil de personne déjà enregistré, la personne en cause peut être reliée aux traces d'ADN relevées sur le lieu de l'infraction, ou inversement. Les concordances entre deux profils de traces indiquent un lien entre différentes infractions. Les concordances entre deux profils de personnes ne sont possibles que pour les jumeaux univitellins et sont donc rares.

2.2

Bases et objectifs légaux

L'évaluation se penche sur le recours aux analyses ADN dans le cadre de poursuites pénales, lequel trouve son fondement dans la loi sur les profils d'ADN et dans le code de procédure pénale. Les analyses d'ADN effectuées pour identifier des personnes inconnues ou disparues12 et pour déterminer la filiation ou l'identité d'une

10

11

12

Dans le message du 5.7.2017 concernant la révision totale de la loi fédérale sur l'analyse génétique humaine (LAGH) (FF 2017 5253, ici 5269­5270, 5288), le Conseil fédéral a cependant proposé de renoncer à l'avenir à cette distinction, car l'état actuel de la recherche ne permet plus d'opérer aussi nettement cette distinction. Celle-ci doit également être abandonnée dans le projet de révision de la loi sur les profils d'ADN.

Définition conformément au message du 8.11.2000 relatif à la loi fédérale sur l'utilisation de profils d'ADN dans le cadre d'une procédure pénale et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues (loi sur les profils d'ADN; FF 2001 19, ici 25­26) Art. 1, al. 1, let. c, loi sur les profils d'ADN

6777

FF 2019

personne dans les procédures civiles ou administratives13 ne sont pas l'objet de la présente évaluation.

La loi sur les profils d'ADN vise à accroître l'efficacité des poursuites pénales en permettant: ­

d'identifier plus rapidement les suspects et de lever les soupçons qui pèsent sur d'autres personnes;

­

de déceler rapidement les éléments communs à diverses infractions et notamment de repérer les groupes de délinquants opérant de manière organisée, les criminels en série et les récidivistes;

­

de contribuer à l'administration des preuves;

­

de comparer des profils d'ADN dans le cadre de l'entraide judiciaire et de l'entraide administrative en matière de police14.

L'entrée en vigueur du CPP15 le 1er janvier 2011 a permis d'homogénéiser au niveau fédéral le droit de la procédure pénale. Certaines dispositions de la loi sur les profils d'ADN ont été transposées dans le CPP16. La loi sur les profils d'ADN régissait déjà de manière contraignante l'utilisation des profils d'ADN par les cantons, mais le CPP a apporté des précisions supplémentaires concernant les analyses ADN dans les procédures pénales, notamment en ce qui concerne les compétences en cas de recours à une analyse d'ADN17.

La loi sur les profils d'ADN continue d'être applicable dans les domaines dans lesquels le CPP n'apporte aucune précision, ainsi qu'en dehors des procédures pénales18. Elle reste également la base légale déterminante pour la banque de données ADN19 et pour l'effacement de profils20.

2.3

Jurisprudence du Tribunal fédéral

Les bases légales en vigueur permettent aux autorités d'établir le profil d'ADN de toutes les personnes suspectées de crime ou de délit afin de comparer ce profil avec les traces relevées sur le lieu d'infraction. Or, il s'agit d'une atteinte des droits fondamentaux qui, selon l'avis unanime du Tribunal fédéral, est permise si toutes les conditions requises sont remplies: cadre légal; intérêt public à élucider les crimes et

13 14 15 16 17

18 19 20

Loi fédérale du 8.10.2004 sur l'analyse génétique humaine (LAGH; RS 810.12) Art. 1, al. 2, loi sur les profils d'ADN RS 312.0 Message du 21.12.2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, ici 1223 Art. 255 CPP; cf. aussi Maeder, Stefan (2015): Keine DNA-Routine: Bemerkungen zu BGer, StrA, 10.12.2014, 6B_718/2014, X. gegen Generalstaatsanwaltschaft des Kantons Bern (zur Publikation vorgesehen). In: AJP, 3/2015, pp. 530­533 (en allemand uniquement); Schmid, Niklaus / Jositsch, Daniel (éd.) (2018): Schweizerische Strafprozessordnung: Praxiskommentar. 3e éd. Zurich: Dike, pp. 480­484 (en allemand uniquement) Art. 259 CPP; Message CPP, FF 2006 1057; ici 1223 Section 4, loi sur les profils d'ADN Art. 16 de la loi sur les profils d'ADN

6778

FF 2019

les délits; proportion de la mesure si les analyses ADN sont nécessaires et appropriées pour atteindre le but visé21.

Le Tribunal fédéral ne considère pas que le prélèvement d'un échantillon d'ADN par le procédé habituel (frottis de la muqueuse jugale) soit une atteinte grave au droit à l'intégrité physique en vertu de l'art. 10, al. 2, Cst. De même, il juge dans sa majorité que l'établissement et l'enregistrement d'un profil d'ADN ne constitue qu'une atteinte mineure à la protection contre l'emploi abusif des données personnelles au sens de l'art. 13, al. 2, Cst. Toujours selon le Tribunal fédéral, il est essentiel que les profils d'ADN soient enregistrés de façon anonyme et ne comprennent que les éléments des séquences d'ADN non codantes requis pour l'identification de personnes; en revanche, ils ne doivent pas contenir d'informations sur le patrimoine héréditaire22.

Dans plusieurs cas, le Tribunal fédéral a jugé néanmoins que le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement de profils d'ADN étaient disproportionnés.

Dans un arrêt de principe pris en décembre 2014, il a limité le recours aux analyses ADN23 en précisant notamment qu'une analyse ADN ne pouvait être ordonnée pour clarifier des délits autres que l'infraction dans le cadre de laquelle un échantillon d'ADN a été prélevé sur la personne (infraction en cause24) qu'en présence d'éléments sérieux et concrets laissant présumer que le suspect pourrait être mêlé à d'autres infractions, y compris futures, d'une certaine gravité (délits poursuivis d'office). Connue sous le nom de «fishing», la pratique consistant à conserver des profils d'ADN pour une utilisation ultérieure n'est pas autorisée. Le Tribunal fédéral a également arrêté que la police ne pouvait ordonner elle-même l'établissement du profil d'ADN d'une personne et que l'examen du cas d'espèce par le ministère public était nécessaire, indiquant que ce dernier ne pouvait déléguer à la police, par voie de décision générale, la compétence d'ordonner l'établissement d'un profil d'ADN, mais devait rendre une décision individuelle25.

2.4

Compétences de la Confédération

Sauf disposition contraire du CPP, la poursuite et le jugement des infractions pénales ainsi que les enquêtes correspondantes sont du ressort des cantons26. Les autorités cantonales (police, ministère public, tribunal pénal cantonal) jouent donc un rôle central dans le recours aux analyses ADN comme instrument d'enquête utilisé dans le cadre de procédures pénales. Les exceptions, qui sont soumises à la juridiction fédérale, portent principalement sur les infractions visant les intérêts de la Confédération (par ex. infractions commises contre des personnes jouissant d'une protection 21

22 23 24 25 26

Art. 36 Cst.; ATF 141 IV 87 du 10.12.2014; ATF non publié 1B_111/2015 du 20.8.2015; ATF non publiés 1B_111/2015 et 1B_123/2015 du 20.8.2015; ATF non publié 1B_381/2015 du 23.2.2016 ATF non publié 1P.648/2001 du 29.5.2002 ATF 141 IV 87 du 10.12.2014 En d'autres termes, l'infraction qui a donné lieu au prélèvement de l'échantillon, voir Fricker / Maeder (2014), 1976 (N 6).

ATF 141 IV 87 du 10.12.2014 Art. 123, al. 2, Cst.; art. 22 CPP

6779

FF 2019

spéciale en vertu du droit international ou contre les magistrats de la Confédération), ainsi que sur les délits qui relèvent de la criminalité organisée, du financement du terrorisme et de la criminalité économique27.

Les compétences de la Confédération en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales sont limitées. Elles portent sur les quatre domaines suivants:

27

28

29 30 31 32 33

1.

Cadre légal: le droit fédéral (Cst., CPP, loi sur les profils d'ADN et ordonnances qui y sont rattachées) fixe les conditions dans lesquelles les analyses ADN peuvent être ordonnées et utilisées dans une procédure pénale.

2.

Reconnaissance et surveillance des laboratoires d'analyse ADN et désignation du Service de coordination: les laboratoires d'analyse ADN doivent être reconnus par le DFJP28. Celui-ci désigne le Service de coordination parmi l'un des laboratoires reconnus. Le Service de coordination représente les laboratoires auprès de la Confédération et assure l'exploitation de la banque de données ADN sur le plan opérationnel29. Fedpol est responsable du contrôle et de la surveillance des laboratoires d'analyse ADN reconnus30.

3.

Exploitation technique de la banque de données ADN et comparaison avec des données signalétiques: fedpol est responsable de l'exploitation globale de la banque de données ADN31. Il garantit son exploitation technique (mise à disposition et maintenance du logiciel, du réseau et des plates-formes de communication destinés aux services concernés). En cas de concordance («hit»), il communique à la police et aux autorités de poursuite pénale compétentes les informations sur la personne et l'affaire enregistrées dans le système IPAS.

4.

Procédures pénales de la Confédération et coopération policière internationale: outre la justice militaire, la police fédérale et le Ministère public de la Confédération sont les autorités de poursuite pénale de la Confédération.

Dans les affaires relevant de procédures pénales civiles fédérales, le Tribunal pénal fédéral, le Tribunal fédéral et, lorsqu'ils agissent au nom de la Confédération, les tribunaux cantonaux ont des attributions judiciaires32. Dans les limites de leurs attributions, ils peuvent, à l'instar des autorités cantonales, avoir recours aux analyses ADN. Dans le cadre de la coopération policière internationale (via Interpol), fedpol coordonne les demandes étrangères de vérification de profils d'ADN et transmet les demandes suisses aux autorités étrangères33.

Art. 23 et 24 CPP; le Ministère public de la Confédération peut déléguer aux autorités cantonales l'instruction et le jugement des affaires de droit pénal qui relèvent de la juridiction fédérale (art. 25 CPP).

Art. 2, al. 2, ordonnance du 3.12.2004 sur l'utilisation de profils d'ADN dans les procédures pénales et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues (ordonnance sur les profils d'ADN; RS 363.1) Art. 9a de l'ordonnance sur les profils d'ADN Art. 3 de l'ordonnance sur les profils d'ADN Art. 8, al. 1, ordonnance sur les profils d'ADN Art. 2 de la loi fédérale du 19.3.2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (loi sur l'organisation des autorités pénales, LOAP; RS 173.71) Art. 13 de la loi sur les profils d'ADN

6780

FF 2019

2.5

Analyses ADN dans les procédures pénales

Les différentes étapes de l'analyse ADN dans les procédures pénales, les services concernés et les deux parties de l'évaluation (pratique en matière de recours aux analyses d'ADN et fonctions de surveillance) sont présentés dans l'illustration 1.

Illustration 1 Analyses d'ADN dans les procédures pénales

Légende: les rectangles sur fond coloré désignent les services compétents. Les rectangles au bord coloré et les flèches indiquent les différentes étapes de l'analyse ADN. Les crochets à droite délimitent les deux parties de l'évaluation: la pratique en matière de recours aux analyses ADN (voir chap. 3) et la surveillance (voir chap. 4).

La procédure se déroule de la façon suivante:

34 35

36

1.

Le prélèvement d'ADN peut être ordonné par la police, l'autorité d'instruction pénale (ministère public) ou le tribunal compétent34. Il se fait généralement sous la forme d'un frottis de la muqueuse jugale et peut être effectué directement par la police35.

2.

L'établissement du profil d'ADN d'une personne à partir d'un échantillon d'ADN doit être ordonné par le ministère public36. Dans plusieurs cantons, le ministère public a délégué cette compétence à la police par voie d'ordonnance générale. Toutefois, selon le Tribunal fédéral, une telle délégation de compétence générale n'est pas permise. Au lieu de cela, celui-ci prône un examen du cas d'espèce et le respect de la répartition des compétences dévolues à la police (réalisation du prélèvement) et au ministère pu-

Art. 7 de la loi sur les profils d'ADN; art. 255, al. 2, CPP Art. 255, al. 2, CPP; les prélèvements invasifs d'échantillons d'ADN (prélèvement de sang ou de tissus) doivent être ordonnés par le ministère public ou par un tribunal (art. 195 CPP).

Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, ici 1223 (ATF 141 IV 87, 91­92).

6781

FF 2019

blic (mandat d'établissement des profils d'ADN de personnes)37. Les autorités judiciaires statuent sur l'exécution d'enquêtes de grande envergure38.

3.

L'autorité qui a ordonné l'analyse ADN (autorité requérante) envoie le matériel ADN prélevé assorti du numéro de contrôle du processus (NCP) à l'un des laboratoires d'analyse reconnus par la Confédération. Parallèlement, elle communique à la Division Identification biométrique (anciennement division Services AFIS/ADN) le NCP et les données d'identité des personnes en cause ou les données relatives aux lieux de l'infraction saisies dans IPAS39.

Le laboratoire d'analyse établit le profil d'ADN et le transmet, joint au NCP, au Service de coordination40. Seuls le laboratoire d'analyse qui l'a établi et le Service de coordination ont connaissance du profil d'ADN41.

4.

Le Service de coordination saisit le profil dans la banque de données ADN CODIS et vérifie si une concordance s'établit avec les profils déjà présents (comparaison des profils)42. En cas de concordance («hit»), il charge le laboratoire d'analyse ADN concerné de vérifier le résultat et transmet le NCP correspondant à la Division Identification biométrique de fedpol43.

5.

En cas de concordance, la Division Identification biométrique se charge de communiquer le résultat: à l'aide du NCP contenu dans IPAS, elle identifie les informations sur la personne ou sur l'affaire qui sont en lien avec la concordance et les transmet aux autorités chargées de l'enquête et de la procédure pénale44.

Conformément à la loi, les profils d'ADN doivent être effacés au bout d'un certain délai (voir chap. 1.2.2). Ce sont les cantons qui demandent leur effacement, dès lors qu'il s'agit d'une procédure pénale cantonale, ce qui est le cas la plupart du temps.

Lorsque les conditions légales sont remplies pour l'effacement d'un profil d'ADN, les cantons doivent en avertir la Division Identification biométrique45. Si un profil est effacé dans la banque de données ADN, les informations correspondantes sont effacées simultanément dans IPAS. Dès lors qu'une demande en ce sens lui est faite, la Division Identification biométrique initie les effacements46.

37 38 39 40 41 42 43 44 45 46

ATF 141 IV 87, 91­92 Art. 7, al. 3, let. a, loi sur les profils d'ADN; art. 256 CPP Art. 10 de l'ordonnance sur les profils d'ADN Art. 10, al. 3, ordonnance sur les profils d'ADN www.fedpol.admin.ch > Sécurité > Identification des personnes > Profils d'ADN > La banque de donnée ADN CODIS (consulté le 7.9.2017) Art. 10, al. 4, ordonnance sur les profils d'ADN Fedpol (2014): «3. interner Bericht über die Bearbeitung von DNA-Profilen gemäss DNA-Profil-Verordnung: Berichtsperiode 2011­2013». P. 3 (en allemand uniquement) Art. 10, al. 5, ordonnance sur les profils d'ADN Art. 12 de l'ordonnance sur les profils d'ADN Art. 13 de l'ordonnance sur les profils d'ADN

6782

FF 2019

2.6

Situation actuelle

Selon le droit en vigueur, seules les séquences non codantes du matériel génétique ADN peuvent être utilisées pour une analyse ADN47. Il est interdit de chercher à déterminer l'état de santé ou d'autres caractéristiques propres à la personne en cause, à l'exception de son sexe48. L'analyse de séquences d'ADN codantes, lesquelles permettent notamment de déterminer la couleur des yeux, des cheveux ou de la peau, n'est pas permise.

Selon une motion transmise par le Parlement que le Conseil fédéral a proposé d'accepter, cette restriction doit être levée49. Il est prévu de réviser la loi sur les profils d'ADN, de sorte que les séquences codantes de l'ADN puissent également être analysées à l'avenir en cas d'actes de violence graves et utilisées pour l'établissement de profils de suspects (phénotypage).

Par ailleurs, plusieurs cantons et d'autres organes ont critiqué, dans le cadre de la consultation sur la révision en cours du CPP, la réglementation légale applicable au recours aux analyses ADN50. Pour ces cantons, en exigeant dans son arrêt de principe de 2014 (voir chap. 2.3) qu'une analyse ADN ne puisse être ordonnée pour élucider des délits (éventuels) autres que l'infraction en cause qu'en présence d'«éléments sérieux et concrets», le Tribunal fédéral a établi une réglementation trop restrictive en matière de recours aux analyses ADN. C'est pourquoi ils souhaitent que le CPP révisé prévoie qu'une analyse ADN puisse être ordonnée même s'il n'existe qu'une «certaine probabilité» que le suspect soit mêlé à d'autres infractions.

Au contraire, d'autres milieux critiquent, sur le fond, l'utilisation des analyses ADN lorsque celle-ci va au-delà de l'élucidation de délits concrets et souhaitent inscrire au niveau de la loi une restriction précisant que le recours aux analyses ADN est uniquement possible en cas de soupçon concret51. Le message ad hoc du Conseil fédéral n'était pas encore disponible à la clôture de rédaction du présent rapport.

Le Conseil national et le Conseil des Etats se sont penchés à plusieurs reprises sur la question de l'effacement des profils d'ADN saisis dans la banque de données ADN.

Le premier a accepté un postulat de sa Commission des affaires juridiques chargeant le Conseil fédéral de présenter au Parlement un rapport sur le sujet52. L'Université de Lausanne a réalisé, en collaboration avec fedpol et la police du canton de Vaud, une étude dans laquelle elle a évalué les délais d'effacement des profils d'ADN53.

47 48 49

50

51 52 53

Art. 2, al. 1, loi sur les profils d'ADN Art. 2, al. 2, loi sur les profils d'ADN Motion Vitali «Pas de protection pour les criminels et les violeurs» (15.4150) du 16.12.2015; BO 2016 N 550; BO 2016 E 1204; «Neues Gesetz soll Phenotyping erlauben». In: Sonntagszeitung, 13.8.2017 Rapport explicatif concernant la modification du code de procédure pénale (mise en oeuvre de la motion 14.3383, Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, Adaptation du code de procédure pénale, déc. 2017 www.ofj.admin.ch > Sécurité > Projets législatifs en cours > Modification CPP > Prises de positions suite à la procédure de consultation (état au 5.2.2019) Postulat Commission des affaires juridiques CN «Analyse des délais de conservation des profils ADN» (16.3003) Cinaglia, Giulia (2016): Effacement des profils ADN des personnes prévenues: garantie au droit à l'oubli ou entrave à l'identification des récidivistes?. Mémoire de criminologie, Ecole des sciences criminelles, Université de Lausanne, p. 23

6783

FF 2019

Conformément au calendrier actuel, le postulat et la motion cités plus haut seront mis en oeuvre dans un projet commun de révision de la loi sur les profils d'ADN et du CPP. Annoncée pour 2018, la consultation relative à ce projet de loi a toutefois pris du retard et n'avait pas encore été ouverte à la clôture de rédaction du présent rapport.

Enfin, la Suisse a négocié avec l'UE une participation à la coopération policière instaurée par les décisions Prüm. Celles-ci visent à améliorer la coopération policière en vue de faciliter l'échange de profils d'ADN entre les pays de l'UE. L'accord en la matière a été paraphé le 28 mai 201854.

3

Opportunité et adéquation de la pratique en matière de recours aux analyses ADN

Les questions 1 à 3, qui portent sur l'opportunité et l'adéquation de la pratique en matière de recours aux analyses d'ADN dans les procédures pénales, ont été principalement traitées dans le cadre du mandat confié aux experts externes. Ceux-ci expliquent dans leur rapport la procédure détaillée de l'analyse statistique qu'ils ont effectuée55. La pratique en matière de recours aux analyses ADN est considérée comme étant opportune dès lors qu'elle est conforme aux objectifs et aux directives légales. Elle est en outre réputée adéquate lorsque l'utilisation de l'analyse ADN est conforme à l'évolution de la criminalité et à la fréquence des différents types d'infractions et que les cantons adoptent une pratique uniforme.

Après l'étude globale du cadre légal du recours aux analyses ADN (chap. 3.1), la mise en oeuvre concrète de ces directives est examinée au moyen d'une description et d'une analyse des évolutions pertinentes (chap. 3.2), des types d'infractions (chap. 3.3) et des différences cantonales observées (chap. 3.4).

3.1

Grande latitude pour ordonner les analyses ADN

Résumé: lorsqu'elles se posent la question de recourir à une analyse ADN dans une procédure pénale, les autorités d'enquête et les autorités de procédure pénale disposent d'une grande latitude. La loi ne prévoit pas de catalogue des infractions qui restreindrait le recours aux analyses ADN dans l'élucidation des crimes et des délits. En revanche, elle régit dans le détail le traitement et la conservation des données ADN.

54

55

www.dfae.admin.ch > Politique européenne de la Suisse > Le DFAE > Organisation du DFAE > Direction des affaires européennes (DAE) > Direction des affaires européennes (DAE) > Négociations et thèmes ouverts > Négociations > Coopération policière (état au 5.2.2019) Killias et al. (2018), chap. 1 et 2

6784

FF 2019

C'est sciemment que le législateur a défini de manière générale le champ d'application des analyses ADN dans les procédures pénales56. Selon la loi, les autorités de poursuite pénale peuvent, pour élucider les crimes et les délits (mais pas en cas de contravention), faire prélever un échantillon d'ADN sur les suspects et établir un profil d'ADN57. La peine maximale encourue est déterminante pour donner à une infraction l'attribution de crime, de délit ou de contravention. Selon le code pénal suisse (CP)58, un crime est une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (par ex.: assassinat, meurtre passionnel, lésions corporelles graves, brigandage). Les délits sont des infractions passibles d'une peine privative de liberté n'excédant pas trois ans ou d'une peine pécuniaire (par ex.: certains vols, lésions corporelles simples, dommage à la propriété)59. Les contraventions sont uniquement passibles d'une amende60. Les autorités de poursuite pénale peuvent établir un profil d'ADN à partir du matériel biologique qui a un rapport avec une infraction (traces) ou à partir d'échantillons provenant de personnes décédées si des éléments concrets laissent supposer que cette mesure est utile à l'élucidation du crime ou du délit61.

Lors de la genèse de la loi, la police et les autorités de poursuite pénale avaient exprimé le souhait de pouvoir utiliser l'analyse ADN en tant que nouvelle méthode de traitement signalétique applicable à grande échelle, comme les empreintes digitales62. Dans son message, le Conseil fédéral justifiait sa volonté de recourir largement à l'analyse ADN en avançant que celle-ci permettrait d'atteindre un taux élevé d'élucidation des infractions et qu'elle aurait de plus un effet dissuasif. Il ajoutait que le sentiment d'insécurité ressenti par la population n'était pas seulement dû aux crimes capitaux contre la vie ou l'intégrité corporelle, voire contre l'intégrité sexuelle, mais qu'il tirait aussi son origine, et ce dans une large mesure, des délits commis, en série, contre le patrimoine, notamment les vols par effraction ou les vols à l'arraché63. Le Conseil fédéral pensait en outre que l'importance des frais encourus limiterait le recours aux analyses ADN64.

Des articles de criminologie viennent renforcer cette exigence d'utilisation à grande échelle des analyses ADN. Des études anglaises ont montré que, souvent, les auteurs

56

57 58 59 60 61 62 63 64

Message relatif à l'utilisation de profils ADN dans le cadre d'une procédure pénale et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues (FF 2001 19, ici 29, 34­35); BO 2003 N 1243; BO 2003 E 715 (ci-après Message relatif à la loi sur les profils d'ADN) Art. 255, al. 1, CPP; art. 3, al. 1, loi sur les profils d'ADN Code pénal suisse du 21.12.1937 (CP; RS 311.0) Art. 10 CP Art. 103 CP Art. 4 de la loi sur les profils d'ADN Message relatif à la loi sur les profils d'ADN (FF 2001 19, ici 24) Message relatif à la loi sur les profils d'ADN (FF 2001 19, ici 29) Message loi sur les profils d'ADN (FF 2001 19, ici 35)

6785

FF 2019

d'infractions graves avaient déjà été condamnés pour des actes moins graves65. En Suisse, une enquête réalisée auprès de recrues parvient aux mêmes conclusions66.

L'argument avancé est que le taux d'élucidation de crimes graves augmente si les auteurs «ordinaires» d'infractions sont également saisis dans une banque de données ADN67. A ce jour toutefois, la recherche n'a pas réussi à prouver précisément l'effet des analyses réalisées à grande échelle sur le taux d'élucidation des crimes. Il ressort cependant de différentes études que l'utilisation plus large des banques de données ADN correspond à un taux plus élevé d'élucidation des infractions pénales68.

3.2

Evolution globalement adéquate de la pratique depuis l'arrêt du Tribunal fédéral

Résumé: dans certains cantons, les milieux policiers et les autorités de poursuite pénale déplorent que la possibilité de recourir à des analyses ADN en tant qu'instrument de poursuite pénale ait été restreinte par le Tribunal fédéral. Au demeurant, on constate depuis l'arrêt du Tribunal fédéral de décembre 2014 une diminution du nombre de profils d'ADN de personnes établis chaque année au niveau national. Mais, par rapport à une criminalité elle aussi en recul, on peut considérer que, depuis 2014, la pratique en matière de recours aux analyses ADN reste globalement stable. Sa forte progression, qui avait été observée avant 2014, a été stoppée. On peut donc considérer que l'évolution de la pratique est adéquate à la lumière de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Depuis l'arrêt de principe pris par le Tribunal fédéral en décembre 2014 (voir chap. 2.3), les milieux policiers critiquent le recul significatif du nombre de profils d'ADN de personnes établis, qui a pour effet, selon eux, la diminution du nombre des suspects identifiés («hits») à l'aide d'analyses ADN. Cette diminution se répercuterait à son tour négativement sur le taux d'élucidation des infractions en cause69.

Le CPA a étudié cette thèse en effectuant une analyse complète des données, laquelle est fondée sur une évaluation statistique qui repose sur la banque de données ADN CODIS et sur d'autres données70.

65

66 67 68 69

70

Killias, Martin / Haas, Henriette / Taroni, Franco / Pierre, Margot (2003): «Welche Verurteilten müssen in einer DNA-Profil-Datenbank erfasst werden? Zur Bedeutung einer DNA-Profil-Datenbank für die Aufklärung schwerer Verbrechen und den notwendigen Grenzen». In: Cassani, Ursula / Dittmann, Volker / Maag, Renie / Steiner, Silvia (éd.): «Mehr Sicherheit ­ weniger Freiheit? Ermittlungs- und Beweistechniken hinterfragt».

Coire, Rüegger, pp. 311­326; Davies, Anne / Wittebrood, Karin /Jackson, Janet L.

(1998): «Predicting the Criminal Record of a Stranger Rapist». Londres, Home Office 1998 (Special Interest Series Paper 12) Haas, Henriette (2001), Agressions et victimisation: une enquête sur les délinquants violents et sexuels non détectés. Aarau, éditions Sauerländer Killias et al. (2003): pp. 320­321 Killias et al. (2018), pp. 99­104 Par ex.: «Polizei ist die DNA-Praxis zu restriktiv». In: Der Bund, 29.3.2017; «Kommissar DNA hat ein Problem: Einbrecher fallen durch die Maschen». In: Schweiz am Wochenende, 1.4.2018; «Höhere Hürden für DNA-Analysen». In: Sonntagszeitung, 17.1.2018 Killias et al. (2018); voir aussi chap. 1.2.

6786

FF 2019

Pour répondre à la question 1 de l'évaluation, les résultats de la comparaison dans le temps sont présentés ci-après, tout d'abord par rapport au nombre de profils d'ADN, puis en fonction des concordances et des possibles effets sur le taux d'élucidation des infractions.

3.2.1

Evolution du nombre de profils d'ADN

Fedpol dresse chaque trimestre une statistique des profils d'ADN établis et effacés, du nombre de concordances obtenues et du contenu actuel de la banque de données.

Sa statistique se fonde principalement sur les informations concernant la banque de données ADN CODIS mises à disposition par le Service de coordination et sur des données supplémentaires provenant d'IPAS. Fedpol indique que ces données répondent à un «besoin des clients» et sont mises à la disposition des services cantonaux de police concernés et du Corps des gardes-frontière chaque trimestre.

La statistique de fedpol atteste le recul, en valeur absolue, des profils d'ADN établis au cours des dernières années (ill. 2)71. Alors que près de 22 450 profils de personnes étaient encore établis en 2013, année affichant le plus grand nombre de saisies nouvelles, ils n'étaient plus que 17 650 en 2017. Ce recul a été effectif dès 2014, c'est-à-dire avant l'important arrêt du Tribunal fédéral de décembre 2014.

Dans leur rapport, les experts voient cependant clairement dans le recul des profils de personnes un effet de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Le nombre de profils de traces établis et saisis chaque année a tout d'abord enregistré une forte augmentation, suivie elle aussi d'une légère diminution depuis 2014.

71

Les profils d'ADN établis chaque année contiennent les profils nouvellement saisis dans CODIS pour les profils de personnes, ainsi que les profils de personnes déjà existants qui ont été réutilisés. En principe, seul un profil de personne est saisi dans CODIS. Avant qu'il soit établi, il faut donc vérifier qu'aucun profil n'est déjà enregistré dans la banque de données. Si tel est le cas, le profil est saisi pour la première fois et se voit attribuer le statut «done». S'il existe déjà, un profil est alors réutilisé (statut «booked» ou «successor»).

6787

FF 2019

Illustration 2 Evolution du nombre de profils d'ADN établis et du contenu de la banque de données

Remarque: l'illustration indique le nombre de profils d'ADN établis annuellement (échelle de gauche) ainsi que le nombre total de données de la banque de données chaque année (échelle de droite), en distinguant entre profils de personnes et profils de traces.

Source des données: fedpol (mai 2018); illustration: CPA

Il ressort de l'illustration 2 que la banque de données CODIS a enregistré au fil des ans une progression constante de ces données, c'est-à-dire le total des profils d'ADN qui y sont saisis, pour les profils de personnes comme pour les profils de traces.

Alors que près de 114 000 profils de personnes étaient stockés dans la banque de données en 2009, ils étaient déjà environ 181 000 à la fin 2017. Le nombre des profils de traces est quant à lui passé de quelque 25 000 en 2009 à près de 80 000 en 2017.

Le recul des profils de personnes établis annuellement est relatif pour ces dernières années si l'on considère la diminution de la criminalité enregistrée depuis 2012 (par rapport au nombre d'infractions relevées chaque année par la police72). Depuis 2013, les profils de personnes affichent une évolution relative constante par rapport à l'évolution de la criminalité. Cette évolution est freinée, elle aussi, à partir de 2014 pour les profils de traces nouvellement établis, bien que cette tendance soit moins nette que pour les profils de personnes (ill. 3).

72

Office fédéral de la statistique (2010­2018): Statistique policière de la criminalité (SPC), 2009­2017

6788

FF 2019

Illustration 3 Evolution relative des profils de personnes et de traces

Remarque: l'illustration montre le nombre de profils de personnes et de profils de traces nouvellement établis par rapport aux infractions relevées annuellement par la police.

Sources des données: fedpol (mai 2018), OFS (2010­2018); calculs et illustration: CPA

On constate, après une phase de progression sensible, que la pratique en matière de recours aux analyses ADN s'est stabilisée à l'échelle nationale depuis les années 2013/2014. Comment interpréter cette évolution? Si l'on suppose que la jurisprudence du Tribunal fédéral a restreint la pratique en matière d'établissement de profils de personnes, on devrait également observer un recul des profils de personnes établis par rapport à l'évolution de la criminalité. Or ce n'est pas le cas, au contraire: constatée jusqu'en 2014, la pratique largement répandue en matière de recours aux analyses ADN a été stoppée et le nombre de profils de personnes établis s'est maintenu jusqu'à la fin 2017 à un niveau constant par rapport à l'évolution de la criminalité.

On peut donc considérer que cette évolution est appropriée à la lumière de l'arrêt du Tribunal fédéral de 2014. Dans son arrêt de principe, ce dernier exigeait que l'établissement d'un profil de personne soit avant tout justifié par l'élucidation de l'infraction en cause, ce qui se reflète dans l'évolution parallèle, constatée à l'échelle nationale, des profils de personnes établis chaque année et des infractions enregistrées chaque année depuis 2014.

6789

FF 2019

3.2.2

Concordances d'ADN et élucidation d'infractions

Outre les évolutions dans le temps, le «succès» des analyses ADN dans les procédures pénales est lui aussi déterminant pour évaluer l'opportunité de la pratique en matière de recours aux analyses ADN. Pour cela, les concordances («hits») révélées par les analyses ADN sont évaluées. Par concordance, on entend le résultat positif obtenu par la comparaison d'un profil d'ADN avec les profils d'ADN déjà enregistrés dans la banque de données ADN CODIS. Une telle concordance permet soit d'identifier un suspect (concordance entre une personne et des traces ou entre des traces et une personne), soit d'établir des liens avec d'autres infractions (récidives ou infractions en série sur la base de concordances traces-traces).

L'évolution des concordances d'ADN est par ailleurs comparée au taux d'élucidation des infractions selon la statistique policière de la criminalité. Si l'une et l'autre évoluent parallèlement, cela peut indiquer qu'il y a un lien entre le recours aux analyses ADN et l'élucidation d'infractions. Le taux d'élucidation est le rapport entre les infractions élucidées et les infractions enregistrées par la police. Outre la pertinence limitée de cette statistique, il faut tenir compte du fait que le taux d'élucidation des infractions dépend d'un grand nombre de facteurs et que, pour cette raison, aucun lien de causalité ne peut être établi entre les concordances d'ADN et le taux d'élucidation des infractions73.

73

Killias et al. (2018), pp. 7 et 104

6790

FF 2019

Illustration 4 Comparaison entre les concordances d'ADN et le taux d'élucidation des infractions

Remarque: l'illustration indique le nombre de concordances obtenues à l'aide de la banque de données ADN CODIS et le taux d'élucidation des infractions selon la statistique policière de criminalité.

Sources des données: fedpol (mai 2018), OFS (2010­2018); illustration: CPA

Comme le montre l'illustration 4, le nombre de concordances d'ADN a considérablement augmenté durant la phase d'utilisation de la banque de données CODIS à grande échelle, jusqu'en 2014. L'année suivante, il était en recul, puis il s'est maintenu à un niveau relativement stable jusqu'à la fin 2017. Dans le même temps, le taux d'élucidation des infractions enregistrées en Suisse n'a cessé d'augmenter depuis 2011. Toutefois, par rapport à l'évolution négative des profils de personnes établis observée depuis 2014 (voir ill. 2), les concordances d'ADN ont augmenté en valeur relative. Dans leur rapport, les experts indiquent que l'on établit aujourd'hui des profils de personnes probablement plus tôt qu'avant en cas de suspicion concrète, ce qui expliquerait l'augmentation du taux de concordances par rapport au nombre de profils de personnes établis74. Cela pourrait constituer un autre indice de l'opportunité de la pratique en matière de recours aux analyses ADN, puisque, conformément à l'objectif fixé par la loi, celles-ci contribuent à l'efficacité des enquêtes policières.

Cependant, les données disponibles ne permettent pas d'examiner s'il y a précisément un lien entre les concordances d'ADN et le taux d'élucidation des infractions.

Ces deux statistiques correspondent à des indicateurs annuels agrégés, qui ne permettent pas de tirer des conclusions sur un éventuel lien entre une concordance 74

Killias et al. (2018), pp. 18­19

6791

FF 2019

d'ADN dans une affaire concrète et l'élucidation de cette affaire. De plus, les taux d'élucidation peuvent fortement varier en fonction du type de délit (infraction)75.

C'est la raison pour laquelle différents types d'infractions sont analysés ci-après de façon distincte.

3.3

Analyses ADN en fonction des types d'infractions globalement adéquates

Résumé: si l'on considère les différents types d'infractions, la pratique en matière de recours aux analyses ADN est appropriée pour l'essentiel. Dans l'ensemble, des profils d'ADN sont plus souvent établis pour des infractions graves que pour des infractions moins graves. En revanche, un plus grand nombre de profils d'ADN n'entraîne pas automatiquement un plus grand nombre de concordances. En effet, le nombre de suspects identifiés à l'aide des analyses ADN évolue différemment selon le type d'infraction. Ces constatations ne sont toutefois pas entièrement fiables du fait de l'effacement des profils de personnes.

L'arrêt de principe du Tribunal fédéral, qui a apporté des précisions au recours aux analyses ADN dans les procédures pénales, concerne principalement les infractions moins graves (voir chap. 2.3). On peut donc supposer que l'effet de cet arrêt pris en décembre 2014 varie selon les types d'infractions et que, par conséquent, l'évaluation de la pratique en matière de recours aux analyses ADN doit être différenciée selon le type d'infraction.

Le CPA considère que cette pratique est appropriée lorsque, selon le type d'infraction, le nombre de profils d'ADN établis correspond à la fréquence relative des infractions en cause (chap. 3.3.1): plus il y a d'infractions d'un certain type, plus il y a probablement de profils d'ADN établis dans cette catégorie d'infractions.

L'effet de frein de la jurisprudence du Tribunal fédéral sur le nombre de profils de personnes établis à partir de 2014 devrait en outre être plus fort pour les infractions moins graves que pour les infractions graves.

Une réponse est ensuite apportée, au chap. 3.3.2, à la question de savoir si le «succès» des analyses ADN varie selon les différents types d'infractions. Pour cela, les concordances obtenues avec l'analyse ADN sont examinées et comparées avec les taux d'élucidation d'infractions.

Il faut tenir compte dans les analyses suivantes, qui considèrent les différents types d'infractions, du manque d'exhaustivité des données, dû aux dispositions en vigueur concernant l'effacement des profils de personnes, et, partant, les interpréter avec prudence (voir chap. 1.2.2).

75

Office fédéral de la statistique (2018): «Statistique policière de la criminalité (SPC)».

Rapport annuel 2017 des infractions enregistrées par la police. Neuchâtel, p. 7.

6792

FF 2019

3.3.1

Nombre de profils d'ADN en fonction du type d'infraction

L'analyse statistique permet de constater depuis 2014 un recul des profils d'ADN pour toutes les infractions ou presque76. Néanmoins, si l'on tient compte de la baisse de fréquence des différentes infractions, l'importance des analyses ADN croît pour quasiment tous les types d'infractions. Cette évolution est particulièrement marquée pour les infractions (crimes ou délits) portant atteinte à l'intégrité corporelle. Tandis que le recours aux analyses ADN se maintient à un niveau élevé pour les crimes violents, notamment pour les homicides, les délits sexuels graves et les lésions corporelles graves, les analyses ADN sont de plus en plus utilisées pour les lésions corporelles simples77. La tendance est en revanche à la baisse pour les vols dans des locaux (cambriolages et vols par introduction clandestine) ainsi que pour les vols de véhicules, qui, sur la base des données disponibles, enregistrent une diminution du nombre de profils de personnes établis, y compris par rapport à l'évolution de la criminalité78.

Cette évolution est présentée dans l'illustration 5 pour les lésions corporelles simples79. Il s'agit d'atteintes à l'intégrité corporelle qui ne constituent pas des voies de fait ni n'ont entraîné de lésions corporelles graves et sont qualifiées de délits80. Il s'avère que le nombre de profils de personnes établis a diminué en 2014 et en 2015 dans la catégorie des lésions corporelles simples, pour augmenter de nouveau dans les années suivantes. Mais, par rapport aux lésions corporelles simples enregistrées par la police, il a progressé de façon continue.

76 77 78 79 80

Killias et al. (2018), p. 58 Killias et al. (2018), pp. 23­24, 26­27 Killias et al. (2018), 58 Les autres types d'infractions étudiées sont décrits et analysés dans le rapport des experts; voir Killias et al. (2018), pp. 23­59.

Art. 123, al. 1, CP

6793

FF 2019

Illustration 5 Evolution des profils d'ADN dans le domaine des lésions corporelles simples

Remarque: l'illustration montre le nombre de profils de personnes enregistrés dans CODIS (état au 19.2.2018) pour cause de lésions corporelles simples, en chiffres absolus (échelle de gauche), ainsi que par rapport au nombre de ces infractions selon la statistique policière de la criminalité (échelle de droite).

Sources des données: fedpol (février 2018), OFS (2010­2018); calculs: Killias et al. 2018: p. 29; illustration: CPA

On constate, par-delà les types d'infractions étudiés dans le rapport des experts, que les analyses ADN sont de plus en plus utilisées à grande échelle, comme le montre la croissance des profils de personnes établis par rapport à la fréquence des différentes infractions81. De plus, la fréquence de l'établissement de profils de personnes par rapport à la fréquence des infractions est plus élevée pour les infractions graves (homicides, lésions corporelles graves, brigandage, délits sexuels graves) que pour les infractions moins graves (lésions corporelles simples, vol, dommage à la propriété). Ces observations sont relativement fiables, y compris si l'on considère les effacements de profils de personnes dans la banque de données ADN.

Evaluée en fonction de la gravité de l'infraction, la pratique en matière de recours aux analyses ADN semble globalement appropriée à la lumière de l'arrêt du Tribunal fédéral de 2014, bien que les données disponibles ne permettent pas de l'affirmer avec précision. Il ressort cependant des données que l'augmentation relative de l'établissement de profils de personnes est plus marquée pour les infractions graves que pour les infractions moins graves. Ajoutons toutefois que les constatations faites dans leur rapport par les experts au sujet des infractions graves sont plus fiables, du 81

Homicides, lésions corporelles graves et simples, brigandage, différentes formes de vol, dommage à la propriété, incendie, délits sexuels graves; voir Killias et al. (2018), pp. 23­ 59.

6794

FF 2019

fait des données disponibles, que les résultats concernant les infractions moins graves. Pour ces dernières, les délais d'effacement des profils d'ADN sont plus courts et la fiabilité des données est donc moindre pour ce qui est des années passées.

3.3.2

Contribution des analyses ADN à l'élucidation de certaines infractions

Les analyses effectuées montrent clairement que le nombre de profils d'ADN établis, mais aussi les concordances obtenues avec les analyses ADN varient fortement selon le type d'infraction. On peut donc penser que la contribution des analyses ADN à l'élucidation d'infractions, s'il y en a une, diffère considérablement d'un type d'infraction à l'autre.

Il ressort du rapport des experts que les concordances dans les cas d'homicides, de cambriolages et de vols par introduction clandestine évoluent quasi parallèlement au nombre de profils d'ADN établis82. En revanche, la progression du nombre de profils d'ADN établis n'entraîne pas automatiquement l'augmentation des concordances pour les autres infractions, notamment pour les lésions corporelles graves ou simples83. De plus, il se peut, comme c'est le cas pour les dommages à la propriété, que des profils d'ADN ne soient établis que très rarement par rapport à la fréquence des infractions en cause84. Or, lorsque le profil d'ADN d'un suspect est établi, la probabilité d'obtenir une concordance est relativement élevée. Pour trouver une explication à la fréquence des concordances d'ADN, il faut donc considérer, en plus du nombre de profils d'ADN disponibles, le type de l'infraction et les circonstances entourant celle-ci.

Le tableau 1 présente pour quatre types d'infractions définis le nombre de concordances d'ADN par rapport à la fréquence des infractions en cause (taux de concordances d'ADN) et le compare au taux d'élucidation de chacune des infractions. Dans le cas des homicides, le taux de concordances d'ADN est relativement élevé, pour un taux d'élucidation très élevé. Le taux d'élucidation est également élevé pour les lésions corporelles simples, alors que le taux de concordances d'ADN est quant à lui très faible (moins de 1 %). En revanche, les cambriolages et vols par introduction clandestine ainsi que les dommages à la propriété affichent un taux d'élucidation faible. Les deux premiers enregistrent une progression du taux de concordances d'ADN, qui est passé de près de 5 % en 2013 à quelque 8 % en 2017; les troisièmes voient ce taux se maintenir constamment sous la barre des 1 %.

82 83 84

Killias et al. (2018), pp. 23­25 Killias et al. (2018), pp. 26­31 Killias et al. (2018), pp. 44­46

6795

FF 2019

Tableau 1 Comparaison entre le taux de concordances d'ADN et le taux d'élucidation (pour une sélection d'infractions) Type d'infraction

Homicides

Taux de concordances d'ADN 2013 2015 2017

2013

Taux d'élucidation 2015

2017

32 %

31 %

30 %

93 %

92 %

(66)

(61)

(70)

(209)

(198)

95 % (236)

Lésions corporelles simples

0,7 %

0,6 %

0,7 %

84 %

84 %

86 %

(59)

(44)

(53)

(8 527)

(7 381)

(7 437)

Cambriolages et vols par introduction clandestine

5,3 %

6,4 %

8,0 %

12 %

14 %

17 %

(3 622)

(3 361)

(3 301)

(68 730)

(52 569)

(41 351)

Dommages à la propriété

0,4 %

0,5 %

0,6 %

17 %

18 %

22 %

(216)

(212)

(265)

(48 130)

(44 890)

(42 925)

Remarque: le tableau présente pour chaque type d'infraction le rapport entre les concordances d'ADN obtenues chaque année et le nombre d'infractions enregistrées par la police (taux de concordances d'ADN) ainsi que le taux d'élucidation par type d'infraction et par an selon la statistique policière de la criminalité (OFS). Les chiffres entre parenthèses correspondent au nombre de concordances d'ADN obtenues chaque année (colonnes du taux de concordances d'ADN) et au total des infractions enregistrées chaque année (colonnes du taux d'élucidation).

Sources des données: fedpol (février 2018), OFS (2010­2018); calculs: CPA

Cette analyse qui consiste à considérer les différents types d'infractions ne peut toutefois pas cerner toute l'importance des analyses ADN dans les poursuites pénales liées à différents types d'infractions, car les exigences que les autorités d'enquête et les autorités de poursuite pénale doivent remplir varient selon l'infraction. En vertu de la loi, les analyses ADN sont un instrument utilisé pour identifier des coupables. Or, la part des coupables non identifiés varie selon les types d'infractions et, souvent, selon les circonstances entourant chaque infraction au sein d'une même catégorie. Ainsi, le taux élevé d'élucidation des homicides et des lésions corporelles tient au fait que le cercle des coupables envisageables est généralement très restreint pour ces infractions. Or, il est souvent beaucoup plus étendu pour les cambriolages et les dommages à la propriété, ce qui inscrit l'élucidation des infractions en cause dans un tout autre contexte.

Enfin, l'importance de l'évolution technique de l'analyse ADN varie d'une infraction à l'autre. Les possibilités des analyses ADN ont considérablement progressé pour les traces biologiques. Etant donné que chaque type d'infraction présente différentes traces typiques retrouvées sur le lieu d'infraction (fluides corporels, particules de peau, traces de contact, etc.), les autorités d'enquête et les autorités de poursuite pénale tirent différemment profit, pour les différentes infractions, des progrès technologiques de l'analyse ADN.

6796

FF 2019

3.4

Différences cantonales inappropriées

Résumé: il ressort de l'analyse que les différences cantonales observées ne s'expliquent pas uniquement par les infractions commises dans les cantons, mais sont également liées aux différentes pratiques cantonales en matière d'analyses ADN. Ces différences sont inappropriées tant du point de vue de la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'en raison du manque d'homogénéité de la pratique dans les cantons.

Le recours aux analyses ADN se fait dans une très large mesure dans les cantons; la poursuite et le jugement des infractions pénales ainsi que les enquêtes correspondantes sont principalement du ressort de ceux-ci (voir chap. 2.4). Le tableau 2 fait apparaître l'importance des cantons dans l'établissement de profils d'ADN par rapport à la Confédération et à la coopération policière internationale de la Suisse.

En 2017, près de 99 % des profils de personnes saisis dans la banque de données ADN CODIS ont été établis sur mandat des cantons. Ce résultat était de 94 % environ pour les profils de traces. Bien que le domaine international ait gagné en importance au cours des dernières années, la part des profils d'ADN établis à des fins d'identifications internationales reste faible.

Tableau 2

Comparaison du nombre de profils d'ADN Mandant 2009

Cantons

Profils de personnes 2013 2017

2009

Profils de traces 2013

2017

18 947

22 214

17 444

7 257

12 647

11 552

Confédération (PJF)

29

4

22

6

4

5

International (CPI)

156

220

178

443

617

706

Remarque: le tableau présente le total des profils d'ADN établis dans CODIS par l'intermédiaire des cantons ou de la police judiciaire fédérale (PJF) ou dans le cadre de la coopération policière internationale (CPI), en distinguant entre profils de personnes et profils de traces.

Source des données: fedpol (mai 2018)

Des cantons sélectionnés ont été étudiés plus précisément. Lors de cette sélection, toutes les régions linguistiques, les cantons grands et moyens ainsi que les cantons avec ou sans laboratoire d'analyse ADN ont été pris en considération. Le choix s'est porté sur les cantons suivants: Argovie, Berne, Fribourg, Grisons, Tessin, Vaud et Zurich85.

La pratique dans les cantons est considérée comme étant appropriée lorsque le nombre de profils d'ADN établis correspond à la fréquence des infractions commises dans les cantons. Plus les infractions sont fréquentes dans un canton (globale85

L'analyse selon les types d'infractions présentée dans le rapport des experts a dû être restreinte à des cantons et des infractions respectivement d'une certaine taille et d'une certaine fréquence afin de pouvoir reposer sur des chiffres suffisamment importants (nombre d'infractions par canton). Les cantons de Fribourg, des Grisons et du Tessin n'ont pas été pris en considération; voir Killias et al. (2018), p. 64.

6797

FF 2019

ment et, dès lors que des données suffisantes sont disponibles, pour les types d'infractions sélectionnés), plus les analyses ADN sont vraisemblablement utilisées fréquemment.

Le chapitre suivant est consacré à la comparaison dans le temps de la pratique générale dans les cantons; il s'agit aussi de savoir si un éventuel effet de la jurisprudence du Tribunal fédéral est constaté (chap. 3.4.1). L'étude porte ensuite sur les caractéristiques propres aux différentes infractions, dans les cantons, en abordant notamment les bases légales et procédures parfois différentes qui sont appliquées en dépit de la loi sur les profils d'ADN et de ses ordonnances ainsi que du code de procédure pénale, applicable à l'échelle fédérale (chap. 3.4.2).

3.4.1

Evolution dans les cantons étudiés

La statistique de fedpol fait apparaître des évolutions parfois très divergentes dans les cantons étudiés, en particulier pour les profils de personnes établis (ill. 6). Dans le canton de Berne, qui était directement concerné par l'arrêt de principe du Tribunal fédéral de décembre 2014 (voir chap. 2.3), le nombre de profils de personnes établis annuellement a considérablement diminué après 2014. Conséquence de cet arrêt, le canton a adapté sa pratique en matière de recours aux analyses ADN: le parquet général du ministère public bernois a en effet disposé que l'établissement de profils d'ADN n'était plus autorisé s'il n'était pas nécessaire pour l'élucidation d'un cas concret et si l'on «[pouvait] exclure la probabilité» que la personne prévenue puisse être impliquée dans un autre crime ou délit ­ passé ou futur ­ à l'élucidation duquel l'établissement d'un profil d'ADN pourrait contribuer. Comme exigé par le Tribunal fédéral, l'ordonnance générale concernant l'établissement de profils d'ADN a été supprimée et une décision individuelle introduite86.

Le recul des profils de personnes est également sensible dans le canton d'Argovie.

Dans les autres cantons, le nombre de profils de personnes établis annuellement se maintient à un niveau quasiment stable entre 2012 et la fin 2017.

86

Parquet général du ministère public du canton de Berne, Directive du 20.4.2015 concernant l'établissement de profils d'ADN, remplace l'ordonnance générale du Parquet général du 1.1.2011 concernant l'analyse d'un échantillon d'ADN.

6798

FF 2019

Illustration 6 Nombre de profils de personnes établis dans les cantons étudiés

Remarque: l'illustration présente les profils de personnes établis trimestriellement dans les cantons étudiés. Il s'agit des profils nouvellement établis [done] ainsi que des profils existants, que les cantons ont réutilisés [booked ou successor].

Source des données: fedpol (mai 2018); calculs et illustration: CPA

Le canton de Zurich affiche, aux côtés du canton de Berne, l'évolution la plus frappante: c'est lui qui a, et de loin, établi le plus grand nombre de profils de personnes durant toute la période étudiée. Ce résultat tient à des facteurs structurels, notamment le nombre d'habitants, l'agglomération zurichoise, la proximité avec la frontière et l'aéroport international situé sur le canton. On observe toutefois au premier trimestre 2018 un net recul du nombre de profils de personnes établis. Selon les personnes interrogées par le CPA, ce recul est dû au fait qu'un arrêt du Tribunal cantonal de Zurich a contraint le procureur général du canton à changer sa pratique en matière de recours aux analyses ADN.

L'arrêt du Tribunal cantonal de Zurich du 3 novembre 2017 interdit la pratique suivie jusque-là par le ministère public du canton qui consistait à déléguer à la police, par la voie d'une ordonnance générale, l'établissement d'un profil de personne. Se fondant sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'arrêt exige des examens au cas par cas, par le ministère public, au moyen de décisions individuelles87. Cela a

87

Arrêt du Tribunal du canton de Zurich du 3.11.2017 (UH170138)

6799

FF 2019

pour conséquence que les violations de la loi sur les étrangers (LEI88), considérées jusque-là comme des délits, sont de plus en plus qualifiées de contraventions (principalement séjour illégal en raison d'autorisation de séjour manquante ou arrivée à échéance). L'établissement d'un profil n'est pas autorisé si l'infraction en cause est une contravention. La question de savoir s'il existe une probabilité accrue que la personne suspectée puisse être responsable d'une infraction passée ou future est sans importance89. Les personnes interrogées ont indiqué au CPA que près de la moitié du recul de 80 % de l'établissement de profils de personnes dans le canton de Zurich s'explique par le fait que les infractions contre la loi sur les étrangers ne motivent plus l'établissement de profils de personnes.

Selon la liste des codes RIPOL de fedpol, la suspicion de «séjour illégal» (code RIPOL 300 01150 12) justifie une analyse ADN. Le code RIPOL sert à enregistrer cette suspicion pour les infractions saisies par la police dans IPAS. La qualification de la suspicion en crime ou délit possible est décisive pour la classification «analyse ADN justifiée», la peine maximale prévue par le code pénal étant déterminante (voir chap. 3.1). Dans le cas d'un séjour illégal, il s'agit selon la liste des codes RIPOL d'un délit autorisant une analyse ADN. L'infraction concrète doit être qualifiée par le ministère public ou par un tribunal90. A titre d'exemple, la qualification de contravention est souvent retenue pour les permis de séjour arrivés à échéance.

Le tableau 3 montre que, outre Zurich, tous les autres cantons ont, durant la période étudiée, ordonné l'établissement de profils de personnes pour séjour illégal (suspicion). La part de ces profils par rapport au nombre total de profils de personnes établis annuellement est la plus élevée, et de loin, dans les cantons de Zurich et de Fribourg avec près de 50 % en 2017. Dans le canton de Berne, le nombre de ces profils de personnes a considérablement diminué pour ne plus représenter qu'une infime part en 2017. Les cantons d'Argovie et de Vaud se situent entre les deux.

88 89

90

Loi fédérale du 16.12.2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; anciennement loi sur les étrangers, LEtr; RS 142.20) Arrêt du Tribunal cantonal de Zurich du 6.6.2012 (UH120024) et arrêt du 1.4.2012 (UH120012), dans lesquels le tribunal a jugé que l'enregistrement d'un étranger sans permis de séjour dans la banque de données ADN était disproportionné; Parquet général du canton de Zurich, Directives du parquet général concernant la procédure préliminaire du 1.4.2018, p. 163.

Albertini, Gianfranco / Fehr, Bruno / Voser, Beat (éd.) (2008): «Polizeiliche Ermittlung: Ein Handbuch der Vereinigung der Schweizerischen Kriminalpolizeichefs zum polizeilichen Ermittlungsverfahren gemäss der Schweizerischen Strafprozessordnung». Zurich, Schulthess (en allemand uniquement); Ruckstuhl, Niklas / Dittmann, Volker / Arnold, Jörg (2011): «Strafprozessrecht. Unter Einschluss der psychiatrischen Forensik und Rechtsmedizin sowie des kriminaltechnischen und naturwissenschaftlichen Gutachtens».

Zurich, Schulthess (en allemand uniquement).

6800

FF 2019

Tableau 3 Profils de personnes justifiés par un séjour illégal (cantons étudiés) Canton

Argovie Berne Fribourg Grisons Tessin Vaud Zurich

Profils de personnes établis pour séjour illégal (suspicion) 2009 2013 2017

28

132

104

(4,4 %)

(9,9 %)

(17,8 %)

59

521

9

(3,4 %)

(19,9 %)

(1,3 %)

42

302

280

(5,5 %)

(34,3 %)

(49,0 %)

2

0

5

(0,9 %)

(0,0 %)

(1,7 %)

0

4

34

(0,0 %)

(0,9 %)

(9,4 %)

10

237

219

(0,9 %)

(13,1 %)

(15,7 %)

309

2318

2527

(6,3 %)

(50,5 %)

(48,1 %)

Remarque: le tableau présente, pour les cantons étudiés, les profils de personnes enregistrés dans CODIS (état au 19.2.2018) pour cause de suspicion de «séjour illégal», par année d'établissement des profils. Les chiffres entre parenthèses correspondent au rapport entre ces profils de personnes et tous les profils de personnes établis par canton durant les années concernées.

Source des données: fedpol (février 2018, mai 2018); calculs: CPA

Le nombre total de tous les relevés signalétiques dans les cantons est pris ci-après comme grandeur de comparaison (ill. 7). Contrairement à la comparaison avec l'évolution de la criminalité, pour laquelle seules des données annuelles sont disponibles91, une analyse trimestrielle est possible pour les relevés signalétiques, ce qui permet de montrer avec plus de précision tout changement dans la pratique (comme décrit plus haut pour les cantons de Berne et de Zurich). De plus, et contrairement aux chiffres absolus, les données relatives permettent de comparer directement l'importance des analyses ADN dans les différents cantons.

L'illustration 7 corrobore la diminution décrite plus haut des profils d'ADN dans les cantons de Berne, d'Argovie et de Zurich. Par rapport à tous les relevés signalétiques réalisés, le canton de Fribourg enregistre un recul général du nombre de profils de personnes établis. On constate en outre que, dans le canton de Vaud, le nombre de profils de personnes établis demeure depuis 2011 à un niveau élevé par rapport à l'ensemble des relevés signalétiques. Selon les entretiens réalisés par le CPA, la pratique en matière de recours aux analyses ADN n'a pas évolué dans ce canton depuis l'introduction du CPP en 2001.

91

Killias et al. (2018), pp. 60­92

6801

FF 2019

Illustration 7 Part des relevés signalétiques comprenant des profils de personnes

Remarque: l'illustration présente le nombre de profils de personnes établis dans les cantons étudiés chaque trimestre par rapport au nombre de relevés signalétiques réalisés durant le même trimestre.

Sources des données: fedpol (mai 2018); OFS (2010­2018); calculs et illustration: CPA

Manifestement, le canton de Vaud, à l'instar d'autres cantons, a trouvé un arrangement lors de l'introduction du CPP pour qu'un prélèvement de la muqueuse jugale soit également effectué lors des relevés signalétiques. Les personnes concernées doivent toutefois avoir été préalablement entendues par la police. Comme dans d'autres cantons, le ministère public vaudois a édicté une ordonnance générale pour l'établissement de profils d'ADN. Selon les personnes interrogées par le CPA, la proportionnalité de l'établissement des profils a cependant pu être préservée au cas par cas grâce aux interrogatoires menés préalablement par la police. Il n'en demeure pas moins que le canton de Vaud envisage d'introduire en 2019 un nouveau système électronique qui doit remplacer l'ordonnance générale par des décisions individuelles du ministère public dans le but de faciliter les processus liés aux décisions individuelles.

3.4.2

Situation dans les cantons selon le type d'infraction

Si l'on considère les différentes infractions, l'analyse effectuée par les experts ne fait apparaître aucun changement dans l'évolution de l'établissement de profils de per6802

FF 2019

sonnes pour les lésions corporelles simples dans les cantons de St-Gall et de Vaud.

On peut en conclure que la jurisprudence du Tribunal fédéral n'a eu aucun effet sur la pratique en matière de recours aux analyses ADN. Dans les cantons de Zurich et de Genève, le nombre de profils de personnes semble même avoir considérablement augmenté pour ce type d'infraction92. Etant donné qu'il s'agit d'infractions moins graves, sur lesquelles l'arrêt du Tribunal fédéral devait avoir un impact plus fort que sur les infractions graves, cette constatation n'est pas à prendre à la légère. Dans les cantons d'Argovie et de Berne, en revanche, on observe un recul du nombre de profils de personnes établis qui pourrait être en lien avec la jurisprudence du Tribunal fédéral93. Ces deux cantons enregistrent également, depuis l'arrêt du Tribunal fédéral de 2014, une diminution sensible du nombre de profils de personnes établis dans la catégorie des vols94. Dans la catégorie des dommages à la propriété, on constate une augmentation du nombre de profils de traces établis dans les cantons d'Argovie, de Berne, de Genève, de St-Gall, de Vaud et de Zurich, mais les chiffres restent relativement stables pour les profils de personnes95.

Dans leur rapport, les experts concluent que, globalement, l'établissement de profils de personnes a diminué dans les cantons à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, en dépit de certaines tendances contraires dans quelques cantons et pour quelques types d'infractions96. Eu égard à la jurisprudence du Tribunal fédéral, la pratique inchangée voire la progression du nombre de profils de personnes établis dans différents cantons, notamment pour des infractions moins graves, sont toutefois inappropriées.

De plus, on aurait été en droit d'attendre de cette jurisprudence qu'elle se traduise par une plus grande homogénéité de la pratique dans les cantons. Or, l'analyse des données a mis au jour d'importants écarts persistant entre les différents cantons dans la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales.

4

Adéquation des fonctions de surveillance

Outre l'exploitation de la banque de données ADN, la Confédération a pour mission principale l'exercice de différentes fonctions de surveillance dans le cadre du recours aux analyses ADN dans des procédures pénales (voir chap. 2.4). Ces fonctions portent sur la responsabilité de l'exploitation globale de la banque de données ADN, la reconnaissance des laboratoires d'analyse ADN et la surveillance exercée sur ceux-ci.

Les différentes fonctions de surveillance et les services concernés sont reproduits dans l'illustration 8.

92 93 94 95 96

Killias et al. (2018), pp. 61 et 66 Killias et al. (2018), p. 91 Killias et al. (2018), p. 92 Killias et al. (2018), p. 92 Killias et al. (2018), p. 92

6803

FF 2019

Illustration 8 Fonctions de surveillance liées au recours aux analyses ADN

Remarque: les flèches symbolisent les fonctions de surveillance.

Illustration: CPA

Les fonctions de surveillance de fedpol en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales sont décrites et analysées ci-après dans le but d'apporter des réponses aux questions 4 et 5 de l'évaluation. L'exercice de ses fonctions de surveillance par fedpol est considéré comme adéquat dès lors qu'il respecte les prescriptions légales et qu'il répond aux objectifs fixés, c'est-à-dire qu'il garantit l'exploitation correcte de la banque de données ADN CODIS et que la surveillance exercée sur les laboratoires d'analyse ADN et le Service de coordination est conforme aux compétences et aux procédures.

4.1

Service de coordination externe opportun, mais attribution du mandat inappropriée

Résumé: l'exploitation opérationnelle de la banque de données ADN CODIS par un service de coordination externe a fait ses preuves et est globalement appropriée.

Cependant, fedpol ne vérifie pas si l'Institut de médecine légale de l'Université de Zurich est toujours approprié pour assumer la fonction de coordination. De plus, le Service de coordination exerce pour le compte de fedpol différentes tâches qui vont au-delà de l'exploitation opérationnelle de la banque de données. Il n'est pas suffisamment indépendant pour accomplir ces tâches.

Le chapitre ci-après explique et évalue la délégation de l'exploitation opérationnelle de la banque de données ADN CODIS à un service externe chargé de la coordination (chap. 4.1.1). Les autres tâches assumées par le Service de coordination pour le compte de fedpol sont ensuite décrites et analysées (chap. 4.1.2).

4.1.1

Exploitation opérationnelle de la banque de données ADN par le Service de coordination

L'exploitation de la banque de données ADN est régie par la loi sur les profils d'ADN et l'ordonnance s'y référant. En vertu de la loi, la banque de données est 6804

FF 2019

gérée exclusivement par la Confédération97. Or, étant donné la complexité des comparaisons de profils d'ADN, fedpol a d'emblée confié l'exploitation opérationnelle de la banque de données au Service de coordination, une instance externe98.

Fedpol a par ailleurs édicté un règlement sur le traitement des données99.

L'infrastructure technique (matériel, logiciel, réseau) est mise à disposition et gérée par le Centre de service informatique du DFJP (CSI-DFJP).

Lors de la genèse de la loi sur les profils d'ADN, l'idée de libérer des capacités pour l'exploitation de la banque de données ADN au sein de l'administration fédérale avait été étudiée sans toutefois être jugée souhaitable100. Etant donné que l'exploitation de la banque de données (saisie et comparaison des profils) requiert une expertise particulière sur le plan opérationnel, fedpol ne pourrait acquérir cette expertise qu'en engageant du personnel et en réalisant des investissements financiers. De plus, l'évolution du champ de recherche des analyses ADN étant dynamique, il est pertinent de rattacher le Service de coordination à un institut universitaire, ce que, du reste, aucun des services interrogés par le CPA ne conteste.

La fonction de Service de coordination est assurée depuis le début, c'est-à-dire depuis le lancement de l'exploitation pilote d'une banque de données ADN en 2000, par l'Institut de médecine légale de l'Université de Zurich (IML de Zurich). Lors de la création de la banque de données ADN CODIS, le choix de l'IML de Zurich tombait sous le sens, car son responsable de l'époque était le fer de lance de l'analyse ADN comme champ de recherche et d'application forensique en Suisse.

Encore valable aujourd'hui, le contrat relatif au Service de coordination passé entre fedpol et l'IML de Zurich date de 2006. Il est entré en vigueur avec effet rétroactif à début 2005 et est automatiquement prolongé d'un an depuis l'échéance de la durée contractuelle, qui était fixée à la fin 2008101.

A ce jour, fedpol n'a jamais étudié la question de savoir si l'IML de Zurich était toujours approprié pour exercer la fonction de service de coordination. Il n'est pas non plus prévu de remettre au concours ce mandat périodiquement. Fedpol, d'avis que la collaboration avec l'IML de Zurich est fructueuse, ne voit aucune raison de changer quoi que ce soit dans ce partenariat bien rodé. Et de préciser qu'il occupe une place particulière parmi les laboratoires suisses d'analyse en raison de son

97 98

Art. 10, al. 2, loi sur les profils d'ADN A l'heure actuelle, cette externalisation est toujours régie au niveau de l'ordonnance (art. 9a de l'ordonnance sur les profils d'ADN). Lorsque la loi fédérale sur l'analyse génétique humaine (LAGH) entièrement révisée sera entrée en vigueur, le Service de coordination disposera d'une base légale formelle (loi fédérale du 15.6.2018 sur l'analyse génétique humaine [LAGH], annexe: abrogation et modification d'autres actes, chap. 1: modification de l'art. 10, al. 2 et 3, loi sur les profils d'ADN, FF 2018 3651 [projet soumis au référendum]).

99 Art. 8, al. 2, ordonnance sur les profils d'ADN 100 Création d'une banque nationale de données de profils ADN, rapport final de la commission d'experts du 18.12.1998, Berne 101 Contrat entre fedpol et l'IML de l'Université de Zurich du 29.5.2006 (en vigueur avec effet rétroactif au 1.1.2005); fedpol (2014): révision partielle de l'ordonnance du Conseil fédéral sur l'utilisation de profils d'ADN dans les procédures pénales et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues (ordonnance sur les profils d'ADN): explications, septembre 2014 (en allemand uniquement).

6805

FF 2019

importance dans le développement des analyses ADN en Suisse et de son rôle de service de coordination.

Du côté des laboratoires d'analyse ADN interrogés par le CPA, personne ne remet non plus en cause cette fonction de service de coordination confiée à l'IML de Zurich. Le paysage des laboratoires a cependant évolué depuis la phase initiale. Le directeur de l'IML de Zurich durant de longues années et responsable du Service de coordination, qui a marqué de son empreinte le développement des analyses d'ADN médico-légales en Suisse, est parti à la retraite en 2011. Dans l'intervalle, de nouveaux laboratoires d'analyse ADN ont ouvert (le Laboratorio di Diagnostica Molecolare à Gentilino en 2011 et l'Institut de médecine légale de l'hôpital cantonal d'Aarau en 2013; voir tableau 4). De plus, les laboratoires de Genève et de Lausanne ont fusionné en 2010, donnant naissance à un deuxième laboratoire d'analyse ADN important: le Centre universitaire romand de médecine légale, à Lausanne, qui effectue les analyses d'ADN pour toute la Suisse romande102.

Si l'on prend en considération le fait que les laboratoires se livrent une certaine concurrence au sujet des procédures d'analyse utilisées et des mandats de réalisation d'analyses ADN, il y a lieu de s'interroger sur l'exercice de la fonction de Service de coordination assumée par l'IML de Zurich, que fedpol considère comme allant de soi, alors que l'IML est également un laboratoire d'analyse ADN.

Tableau 4 Laboratoires d'analyse ADN reconnus Laboratoire

Reconnaissance formelle par la Confédération selon le droit en vigueur1

Institut de médecine légale, hôpital cantonal de St-Gall

14.02.2006

Centre universitaire romand de médecine légale, Lausanne

06.03.2006

Institut de médecine légale, Université de Bâle

23.06.2006

Institut de médecine légale, Université de Zurich (et Service de coordination)

23.06.2006

Institut de médecine légale, Université de Berne

30.10.2006

Laboratorio di Diagnostica Molecolare, Gentilino (TI)

29.12.2011

Institut de médecine légale, hôpital cantonal d'Aarau

11.04.2013

Remarque:1 la réglementation de la reconnaissance des laboratoires a été formellement redéfinie à la suite de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de l'ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN.

Source: www.fedpol.admin.ch/fr > Sécurité > Identification des personnes > Profils d'ADN > Laboratoires d'analyse d'ADN (consulté le 1.3.2018)

102

Office fédéral de police (fedpol): «3. interner Bericht über die Bearbeitung von DNAProfilen gemäss DNA-Profil-Verordnung: Berichtsperiode 2011­2013» (en allemand uniquement).

6806

FF 2019

Il convient en outre d'ajouter que la direction du Service de coordination représente un mandat dont le volume financier n'est pas à négliger. Les émoluments que les laboratoires d'analyse ADN doivent verser au Service de coordination s'élèvent à 20 francs pour le traitement d'un profil de personnes et à 40 francs pour celui d'un profil de traces. En 2017, les premiers ont ainsi versé au second près de 750 000 francs103. Si les émoluments du Service de coordination n'ont pas changé depuis 2005, le nombre des profils d'ADN traités a lui considérablement évolué sur la même période (voir chap. 3.2.1). Depuis 2015, les émoluments sont régis par l'ordonnance sur les profils d'ADN104. Le CPA ne dispose d'aucune donnée indiquant comment fedpol vérifie et évalue le rapport entre les charges (coûts) et les produits (recettes provenant des émoluments) du Service de coordination pour l'exploitation de la banque de données. De plus, les informations disponibles ne lui permettent pas de procéder lui-même à cette évaluation.

4.1.2

Accomplissement d'autres tâches par le Service de coordination, pour le compte de fedpol

En lien avec l'exploitation opérationnelle de la banque de données ADN CODIS, le Service de coordination fournit différentes prestations aux laboratoires d'analyse ADN, sur mandat de fedpol. Il doit en parallèle défendre les intérêts des laboratoires d'analyse ADN auprès de la Confédération105. Etant à la fois prestataire de fedpol auprès des laboratoires et représentant de ceux-ci auprès de la Confédération, le Service de coordination a une double casquette, puisqu'il représente tantôt fedpol, tantôt les laboratoires. Cette double casquette peut provoquer des conflits d'intérêts, lorsqu'il est par exemple question, dans le cadre de l'exploitation de la banque de données ADN, de développer les processus et d'apporter des améliorations techniques ou encore de libérer et d'utiliser des ressources financières: autant de mesures sur lesquelles les laboratoires et fedpol peuvent avoir des avis divergents.

Du fait de son intégration institutionnelle à l'IML de Zurich, le Service de coordination est confronté à un autre conflit d'intérêts lorsque les différents laboratoires d'analyse n'ont pas les mêmes intérêts. S'il s'avère que ce service est indépendant de l'IML de l'Université de Zurich en termes d'infrastructure technique, il a en revanche des liens étroits avec celui-ci en ce qui concerne le personnel et les locaux, puisqu'il en fait partie. La directrice du Service de coordination est également la directrice adjointe du laboratoire d'analyse ADN de l'IML de Zurich. Inversement, la responsable de division compétente pour le laboratoire est la directrice adjointe du Service de coordination.

Le Service de coordination ne peut donc pas être indépendant de l'IML de Zurich. Il est ressorti des entretiens du CPA avec les responsables des laboratoires d'analyse 103

En référence au nombre de profils de personnes et de profils de traces transmis au Service de coordination conformément à la statistique de fedpol sur les mandats des laboratoires, sur la base des rapports trimestriels établis par les laboratoires à l'intention de fedpol 104 Contrat du 29.5.2006 entre fedpol et l'IML de Zurich (avec effet rétroactif au 1.1.2005); art. 9a, al. 5, ordonnance sur les profils d'ADN 105 Art. 9a, al. 2, let. d, ordonnance sur les profils d'ADN

6807

FF 2019

ADN que ces derniers ont parfois des avis divergents, par exemple sur la définition des processus ou sur l'interprétation et l'utilisation des résultats des comparaisons de profils dans la banque de données. De plus, les laboratoires sont en concurrence les uns avec les autres en ce qui concerne les mandats d'analyse ADN et les méthodes utilisées.

Fedpol indique que la question de confier les tâches du Service de coordination à une autorité tierce, indépendante des laboratoires d'analyse ADN, a été étudiée lors du partage des tâches qui vaut actuellement, mais que cette possibilité a été rejetée, car l'expertise requise et le savoir pratique correspondaient dans une large mesure à ceux d'un IML. Dans le souci de contrebalancer ce manque d'indépendance du Service de coordination, fedpol a pris différentes mesures pour que les laboratoires puissent faire valoir leurs requêtes directement auprès de lui (participation de fedpol à la réunion des laboratoires que le Service de coordination organise deux fois par an; visites effectuées régulièrement par fedpol aux différents laboratoires; tenue de la journée annuelle nationale de l'ADN, sous la houlette de fedpol, conçue comme une plate-forme d'échange entre fedpol, les laboratoires et les services cantonaux de criminalistique). Néanmoins, cela ne change rien au fait que, dans le cadre donné, le Service de coordination ne peut pas assurer entièrement sa mission formelle de représentation des intérêts des laboratoires auprès de fedpol.

Outre les tâches qui lui sont dévolues en vertu de l'ordonnance sur les profils d'ADN, le Service de coordination accomplit pour le compte de fedpol des tâches qui, elles, ne sont pas précisées dans un mandat. A titre d'exemple, il conseille fedpol lors de révisions de lois et d'ordonnances, fedpol précisant qu'il ne pourrait pas exercer ces tâches de manière adéquate sans l'appui spécialisé du Service de coordination. Ce dernier a donc une importance capitale, qui va bien au-delà de l'exploitation opérationnelle de la banque de données ADN CODIS et de la défense des intérêts des laboratoires. Certains laboratoires critiquent le fait que le Service de coordination exerce ces tâches, car celles-ci confèrent à l'IML de Zurich une place stratégiquement importante. Il est par ailleurs difficile de déterminer comment les
différentes prestations du Service de coordination sont rémunérées par la Confédération ou si les coûts occasionnés sont tout simplement couverts par les émoluments versés par les laboratoires au Service de coordination. Si cette deuxième supposition était avérée, cela signifierait que les laboratoires financent indirectement les prestations fournies à fedpol par le Service de coordination (et, partant, l'IML de Zurich), ce qu'il conviendrait d'examiner.

Néanmoins, les différents services interrogés considèrent que, globalement, la collaboration est positive. Le Service de coordination organise au moins deux fois par an la réunion des laboratoires, dans le cadre de son mandat de représentant des intérêts des laboratoires reconnus auprès de la Confédération, défini dans l'ordonnance sur les profils d'ADN. Selon fedpol, ces réunions visent à proposer aux autorités requérantes des prestations uniformes et performantes et à enregistrer dans la banque de données des profils d'ADN de qualité définie et constante. Cette réunion est également l'occasion pour tous d'évoquer d'éventuels problèmes, de débattre d'idées nouvelles et de chercher des solutions communes. Mais des problèmes de compréhension linguistique surviennent parfois, manifestement, et certains des documents de travail soumis à discussion ne sont disponibles qu'en allemand.

6808

FF 2019

4.2

Surveillance des laboratoires seulement partiellement appropriée

Résumé: tous les acteurs considèrent que la surveillance sur les laboratoires d'analyse ADN est opportune et que la collaboration est très positive. Néanmoins, cette surveillance n'est pas indépendante des laboratoires sur lesquels elle s'exerce.

De plus, les fonctions de surveillance de fedpol ne sont pas clairement délimitées par rapport à la vérification de l'accréditation des laboratoires par le Service d'accréditation suisse. L'information des laboratoires à fedpol et de fedpol au DFJP, sous forme de rapports, soulève en outre des questions.

Les exigences de prestation et de qualité formulées à l'égard des laboratoires d'analyse ADN sont arrêtées dans l'ordonnance sur les profils d'ADN106 et dans l'ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN107. En font partie les prestations de base à fournir par les laboratoires (notamment analyse et conservation du matériel à examiner, transmission des données au Service de coordination, vérification des données en cas de concordance)108 ainsi que les délais à respecter109. De plus, l'ordonnance du DFJP régit les exigences de l'analyse des échantillons de personnes110 et de traces111 ainsi que le fonctionnement des laboratoires112. Chez fedpol, la personne responsable du Domaine Surveillance laboratoires ADN et Gestion de la qualité au sein de la Division Identification biométrique est en charge des différentes fonctions de surveillance.

4.2.1

Surveillance dans le cadre de l'examen et de la surveillance de l'accréditation des laboratoires

Fedpol a confié la quasi-intégralité du contrôle des laboratoires au Service d'accréditation suisse (SAS)113, subordonné au Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche. Celui-ci vérifie si les laboratoires respectent la norme ISO 17025, chacun d'entre eux devant être accrédité par la Confédération conformément à cette norme114. Cette dernière exige des laboratoires qu'ils disposent notamment d'un système de gestion de la qualité et soient en mesure d'assurer leur propre développement et celui de leur personnel. Le SAS et fedpol ont signé une convention qui régit l'exercice des fonctions de contrôle de fedpol par le SAS.

Concrètement, le SAS doit vérifier le respect des prescriptions légales de 106 107

108 109 110 111 112 113 114

Art. 2, al. 3, ordonnance sur les profils d'ADN Ordonnance du DFJP du 8.10.2014 sur les exigences de prestations et de qualité requises pour les laboratoires forensiques d'analyse d'ADN (ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN; RS 363.11) Art. 2, al. 2, ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN Art. 2, al. 3, ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN Art. 3 de l'ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN Art. 4 de l'ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN Section 2 de l'ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN Cette mesure trouve son fondement légal dans l'art. 3a de l'ordonnance sur les profils d'ADN.

Art. 1, al. 1, ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN

6809

FF 2019

l'ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN et des directives de la Société suisse de médecine légale (SSML); il doit également s'assurer de la réalisation d'analyses claires et correctes et de la fourniture des prestations dans le cadre des analyses de prélèvements de la muqueuse jugale et de traces biologiques115.

Le SAS procède tous les cinq ans au contrôle complet de l'accréditation des laboratoires d'analyse ADN. Désormais, il effectue tous les 15 à 18 mois un examen partiel (vérification) portant sur des sujets précis. Ces sujets sont préalablement discutés et sélectionnés en concertation avec fedpol. Les contrôles rassemblent toujours, outre le contrôleur du SAS, un expert et, parfois, le responsable du Domaine Surveillance laboratoires ADN et Gestion de la qualité de fedpol, en qualité d'observateur. En règle générale, l'expert associé est issu d'un autre laboratoire d'analyse ADN. Les acteurs sont unanimes: le contrôle des laboratoires d'analyse ADN tel qu'il est effectué par le SAS est satisfaisant.

Toutefois, étant donné que l'examen spécialisé des activités du laboratoire est effectué par des spécialistes qui sont souvent des collaborateurs d'autres laboratoires d'analyse ADN reconnus par la Confédération, cet examen n'est pas effectué indépendamment des laboratoires à contrôler (voir tableau 5). Du reste, le SAS conçoit sa procédure de contrôle comme un examen par les pairs, le spécialiste procédant à son expertise en étant sur un pied d'égalité avec le laboratoire sur le plan spécialisé.

Les laboratoires peuvent proposer leurs spécialistes pour ce contrôle. La décision finale revient toujours au SAS, qui veille à ce qu'il n'y ait pas expertise réciproque entre deux laboratoires. Toutefois, lorsque le CPA s'est entretenu avec lui, le SAS n'avait encore jamais rejeté une proposition. La personne qui effectue le contrôle vient de l'étranger pour seulement deux (des sept) laboratoires contrôlés. Le SAS et fedpol expliquent le nombre limité de spécialistes auxquels il est recouru par la petite taille de la Suisse et par le nombre limité de spécialistes dans le domaine en question. Ils ajoutent qu'il est important que les spécialistes soient familiarisés avec le cadre légal suisse.

Tableau 5

115

Convention du 1.4.2007 entre l'Office fédéral de police (fedpol) et le Service d'accréditation suisse (SAS) relative au contrôle des laboratoires de génétique forensique et d'analyse d'ADN reconnus et des laboratoires établissant des profils d'ADN en matière civile et administrative (laboratoires)

6810

FF 2019

Laboratoires d'analyse ADN contrôlés et spécialistes (2017-2018) Laboratoire

Spécialiste

IML St-Gall

CURM Lausanne

IML Zurich

IML St-Gall

IML Aarau

CURM Lausanne

06.09.2017

IML Bâle

Université de Francfort (Allemagne)

17.11.2017

IML Berne

IML St-Gall

CURM Lausanne

MSP Montréal (Canada)

LDM Gentilino

IML St-Gall

Dernier contrôle

04.05.2017 28/29.03.2018

09/10.05.2018 25.01.2018 19.06/14.07.2017

Remarque: pour la désignation précise des laboratoires, voir tableau 4.

Sources: rapports de contrôle du SAS (le dernier rapport pour chaque laboratoire; état au 28.9.2018)

Bien que tous les acteurs, ainsi que les services interrogés par le CPA, portent un jugement très positif sur la délégation au SAS de la surveillance sur les laboratoires et qu'aucun problème concret n'apparaisse, le système de surveillance présente des défaillances. Celles-ci sont en lien avec les différences de fond existant entre, d'une part, l'accréditation et son contrôle et, d'autre part, l'exercice d'une fonction de surveillance et de contrôle et les différentes exigences liées à l'indépendance de l'organe chargé d'exercer cette fonction. L'accréditation permet d'attester formellement qu'un organisme dispose effectivement des compétences techniques et organisationnelles pour fournir une prestation dans le domaine d'application de l'accréditation116. Le SAS se conçoit comme un prestataire auprès des laboratoires en ce sens qu'il contrôle et reconnaît formellement les prestations qu'ils fournissent et contribue ainsi à instaurer la confiance en ceux-ci117.

Fedpol en revanche n'a pas à jouer le rôle de partenaire des laboratoires dans le cadre de ses fonctions de surveillance. En vertu de l'ordonnance sur les profils d'ADN, il a plutôt une fonction de contrôle et doit vérifier si les laboratoires d'analyse ADN respectent les prescriptions relatives aux analyses forensiques d'ADN ainsi que les dispositions concernant la protection des données et la sécurité des données118. Il délègue dans une large mesure au SAS cette tâche supérieure. Il dispose certes d'une base légale claire pour cette délégation de tâche119. Toutefois, compte tenu des relations partenariales entre le SAS et les laboratoires et de la participation de ces derniers (examen par les pairs) au contrôle et à la surveillance, fedpol délègue de fait une partie de sa fonction de contrôle aux laboratoires qu'il doit contrôler, ce qui ne permet pas de garantir l'indépendance du contrôle des laboratoires. Selon l'office, le respect des bases légales est principalement vérifié par 116 117

www.sas.admin.ch > Que signifie accréditation? (consulté le 1.11.2018) Voir aussi Straub, Rolf / Herren, Simon (2011): «Die SAS fragt die Kunden ihrer Kunden: Die Rolle der Akkreditierung bei der Arbeit forensisch-genetischer Laboratorien».

In: Kriminalistik-Schweiz, pp. 718­724 (en allemand uniquement).

118 Art. 3, al. 1, ordonnance sur les profils d'ADN 119 Art. 3a de l'ordonnance sur les profils d'ADN; convention fedpol ­ SAS du 1.4.2007

6811

FF 2019

le SAS. Il ressort cependant des rapports de contrôle du SAS consultés par le CPA que ces vérifications sont effectuées au mieux très ponctuellement, mais pas systématiquement.

4.2.2

Autres activités de surveillance de fedpol

Outre une réunion annuelle avec le SAS et une participation occasionnelle aux contrôles du SAS en qualité d'observateur, les activités de surveillance de fedpol se limitent à la demande trimestrielle de différents indicateurs relatifs à l'activité des laboratoires (notamment les échantillons traités, les profils d'ADN transmis au Service de coordination, les délais de traitement, les changements de personnel, la participation à des analyses d'échantillons envoyés à plusieurs laboratoires). Fedpol se sert de ces rapports trimestriels des laboratoires pour établir une statistique détaillée, sur laquelle sont fondés les rapports, adressés tous les trois ans au DFJP, sur le respect des exigences de prestation et de qualité des laboratoires120. Selon ses déclarations, fedpol utilise en outre ces données pour ses réunions annuelles avec le SAS en guise de préparation des contrôles de laboratoires et dans l'optique des réunions des laboratoires d'analyse d'ADN.

Les laboratoires d'analyse ADN interrogés ont indiqué au CPA ne pas recevoir de retour de fedpol sur leurs rapports trimestriels, sauf en cas de non-respect ponctuel des prescriptions (concernant les délais de traitement, par ex.). Dès lors, la question se pose de savoir si un rapport à ce point détaillé ­ il est prévu par l'ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN121 ­ est approprié au vu de l'utilisation limitée que fait fedpol des données. Les rapports trimestriels représentent pour les laboratoires une charge administrative qui leur échoit plusieurs fois par an. Or, fedpol utilise les données principalement tous les trois ans pour l'établissement de son rapport à l'intention du département. De plus, ces rapports adressés tous les trois ans au DFJP semblent correspondre avant tout à une exigence purement formelle. On est en droit de penser que les problèmes qui surgissent ne sont pas évoqués seulement lors du rapport triennal suivant.

Concernant les activités de surveillance de fedpol, il convient enfin de soulever la question du rôle de l'office à l'égard des cantons. L'analyse de la pratique des cantons en matière de recours aux analyses ADN a fait apparaître des différences considérables (chap. 3.4). Des services cantonaux de police interrogés déplorent que fedpol consacre beaucoup de temps à la gestion et peu au pilotage. Inversement,
fedpol ne se voit pas dans le rôle d'un pilote compte tenu de ses compétences, mais se dit principalement responsable du bon fonctionnement de la banque de données ADN CODIS. En instituant en 2016 la journée ADN, à la demande des cantons, fedpol a mis en place une plate-forme de communication et d'échange entre les services policiers compétents des cantons, de la Confédération et du Liechtenstein, le Corps des gardes-frontières, les laboratoires d'analyse ADN et le Service de coordination.

120 121

Art. 3, al. 4, ordonnance sur les profils d'ADN Art. 20 de l'ordonnance sur les laboratoires d'analyse d'ADN

6812

FF 2019

5

Conclusions

Dans l'ensemble, le CPA est parvenu à la conclusion que la pratique en matière de recours aux analyses ADN qui s'est imposée partout en Suisse au cours des dernières années est constante dans une large mesure et appropriée. En revanche, les différences cantonales observées dans le recours aux analyses ADN ne sont pas adéquates. La délégation de l'exploitation de la banque nationale de données ADN CODIS à un service de coordination externe a fait ses preuves, mais elle n'a jamais été contrôlée par fedpol. Enfin, le système de surveillance sur les laboratoires d'analyse ADN présente certaines lacunes, bien qu'aucun problème concret ne soit signalé dans la pratique.

Les principales conclusions de l'évaluation sont présentées ci-après.

5.1

Recours aux analyses ADN conforme à l'évolution de la criminalité et globalement opportun

Les autorités d'enquête et les autorités de poursuite pénale disposent d'une grande latitude lorsqu'elles ordonnent une analyse ADN dans une procédure pénale. La loi sur les profils d'ADN et le CPP arrêtent qu'une analyse ADN peut être ordonnée pour tous les crimes et les délits ­ mais pas en cas de contravention ­ dans le but de déterminer et d'identifier des suspects. Il n'existe pas de catalogue des infractions qui restreindrait le recours aux analyses ADN lors de l'élucidation de crimes et de délits.

Le Tribunal fédéral a précisé la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans un arrêt de principe datant de décembre 2014: l'établissement d'un profil d'ADN doit être justifié avant tout par l'infraction qui l'a suscité. Les profils d'ADN qui ne sont pas établis en premier lieu dans le but d'élucider l'infraction en cause ne sont autorisés qu'en présence d'éléments sérieux et concrets laissant présumer que le suspect pourrait être mêlé à d'autres infractions, y compris futures, d'une certaine gravité. Le Tribunal fédéral a par ailleurs arrêté que les profils de personnes ne pouvaient pas être établis par le ministère public sur la base d'une ordonnance générale, mais uniquement au moyen d'une décision individuelle122.

Les analyses de données montrent qu'à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral, le nombre de profils d'ADN de personnes établis chaque année a considérablement diminué à l'échelle nationale. Ajoutons toutefois qu'au cours de cette période, la criminalité a elle aussi reculé, si bien que l'on peut dire que le niveau du recours aux analyses ADN est constant depuis 2014. La forte extension de la pratique en la matière, observée jusqu'à cette date, a ainsi été stoppée. Si l'on considère les différents types d'infractions, l'analyse indique là aussi une pratique globalement appropriée en matière de recours aux analyses ADN. Compte tenu des lacunes que présentent les données plus anciennes, il faut certes interpréter avec prudence les résultats de l'analyse selon les différentes infractions. Il apparaît cependant que le nombre de 122

ATF 141 IV 87 du 10.12.2014

6813

FF 2019

profils d'ADN établis est plus important en cas d'infractions graves qu'en cas d'infractions moins graves si l'on prend en considération la fréquence des différents types d'infractions. Par conséquent, la pratique peut être qualifiée d'appropriée à la lumière de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Le «succès» des analyses ADN est difficile à évaluer. Le CPA a constaté qu'une augmentation du nombre de profils d'ADN ne s'accompagnait pas automatiquement d'une augmentation du nombre de concordances d'ADN. De plus, le nombre des suspects identifiés à l'aide d'une analyse ADN varie selon le type d'infraction.

L'opportunité de la pratique en matière de recours aux analyses ADN ne doit cependant pas être jugée à la lumière des seules comparaisons de chiffres. Il faut également prendre en considération les exigences posées aux autorités d'enquête et aux autorités de poursuite pénale, lesquelles diffèrent selon le type d'infraction et les circonstances entourant l'infraction123. Ajoutons enfin que nul ne conteste l'utilité des analyses ADN pour l'identification de suspects124.

Globalement, le CPA considère que l'actuelle pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales est opportune. A eux seuls, les profils d'ADN enregistrés dans la banque de données ADN CODIS n'indiquent rien sur les personnes en cause, à l'exception de leur sexe. Il faut une concordance avec un autre profil d'ADN pour, à l'aide du NCP (numéro de contrôle du processus), déterminer les données des personnes en cause, une tâche exécutée uniquement fedpol. Les profils d'ADN eux-mêmes sont rendus anonymes et scrupuleusement séparés des données relatives à l'affaire et aux personnes, avant d'être enregistrés. De plus, la loi exige que seuls soient établis et enregistrés les profils d'ADN de personnes qui sont soupçonnées d'être les auteurs d'un crime ou d'un délit ou ont déjà été condamnées à ce titre, et les dispositions relatives à l'effacement des profils sont définies par la loi125. Par conséquent, la protection de la personnalité est respectée.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il est primordial que les profils d'ADN soient enregistrés sous forme anonyme et contiennent exclusivement les informations issues des séquences non codantes de l'ADN et aucune donnée sur le patrimoine génétique126. Il
est prévu de lever cette restriction en étendant les analyses ADN à l'établissement du profil des suspects (phénotypage), une mesure qui est actuellement débattue. Il conviendrait alors de réévaluer la question de l'adéquation de la pratique en matière de recours aux analyses ADN.

5.2

Différences cantonales non appropriées en matière d'analyses ADN

Tandis qu'une pratique appropriée s'est établie à l'échelle nationale, tous cantons confondus donc, on constate à l'échelle cantonale des différences que le nombre des procédures pénales menées dans les cantons et l'évolution de la criminalité ne peuvent à eux seuls expliquer. Il s'avère que la pratique en matière de recours aux 123 124 125 126

Killias et al. (2018), p. 58 Pour un aperçu international, voir Killias et al. (2018), pp. 99­106.

Art. 11, loi sur les profils d'ADN ATF non publié 1P.648/2001 du 29.5.2002

6814

FF 2019

analyses ADN varie d'un canton à l'autre, ce qui n'est pas approprié du point de vue de la jurisprudence du Tribunal fédéral et d'une application uniforme des dispositions du droit fédéral.

Les cantons d'Argovie, de Berne, de Fribourg, des Grisons, du Tessin, de Vaud et de Zurich ont été étudiés dans le cadre de l'évaluation. Il ressort de l'analyse de la statistique de fedpol relative aux profils d'ADN établis dans les cantons des évolutions qui varient parfois très fortement dans les cantons étudiés, en particulier pour l'établissement des profils d'ADN de personnes. Tandis que le nombre d'établissements annuels de profils de personnes a considérablement reculé après 2014 dans le canton de Berne et, dans une moindre mesure, dans celui d'Argovie, on ne constate pas, jusqu'à la fin 2017, un recul à ce point sensible dans les autres cantons étudiés. Zurich n'a modifié sa pratique qu'à l'issue d'un arrêt du tribunal cantonal, début 2018.

Si l'on compare le nombre de profils d'ADN établis avec le nombre des relevés signalétiques effectués par les polices cantonales, le recul des profils de personnes se confirme dans les cantons de Berne (à partir de 2014) et d'Argovie (à partir de 2015) ainsi que de Zurich (à partir de 2018). Le canton de Fribourg affiche en outre une diminution du nombre de profils de personnes établis à partir de 2014. Le canton de Vaud n'a pas changé sa pratique depuis l'introduction du CPP, en 2011; ajoutons toutefois que le CPA n'a pas eu connaissance d'arrêts du tribunal constatant que la pratique du canton de Vaud n'est pas conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

5.3

Service de coordination externe opportun, mais attribution du mandat inappropriée

L'exploitation de la banque de données ADN CODIS est confiée par voie d'ordonnance à un service de coordination externe; ce fonctionnement a fait ses preuves. Compte tenu des exigences techniques liées à l'exploitation de la banque de données et du dynamisme du domaine des analyses d'ADN, il paraît pertinent de confier le rôle de Service de coordination à un institut universitaire.

Cependant, fedpol ne vérifie pas si l'IML de Zurich est encore à ce jour le service approprié pour exercer cette fonction. Aucune des personnes interrogées par le CPA ne remet en question le fait que l'IML de Zurich exerce la fonction de Service de coordination. Or, le paysage des laboratoires d'analyse ADN a changé depuis les débuts des analyses ADN et la mise en place d'une banque nationale de données ADN (exploitation pilote à partir de mi-2000, exploitation fixe depuis début 2005).

Deux nouveaux laboratoires d'analyse ADN sont venus s'ajouter aux autres et un deuxième laboratoire d'envergure, qui effectue les analyses ADN pour toute la Suisse romande, a vu le jour à Lausanne. Pourtant, fedpol n'a encore jamais vérifié le mandat de direction du Service de coordination confié à l'IML de Zurich.

Globalement, les différents services interrogés portent un jugement positif sur la collaboration avec le Service de coordination. Or, du fait de son imbrication étroite, en termes d'institution et de personnel, avec l'IML de Zurich, qui est aussi un laboratoire d'analyse ADN, le Service de coordination ne peut assurer la représentation 6815

FF 2019

formelle des intérêts des laboratoires d'analyse ADN en toute indépendance et, partant, de façon adéquate.

Outre la représentation des intérêts des laboratoires auprès de fedpol et l'exploitation de la banque de données ADN CODIS, le Service de coordination effectue pour le compte de fedpol différentes autres tâches qui vont au-delà des compétences prévues par l'ordonnance sur les profils d'ADN. Il conseille fedpol pour les questions spécialisées, par exemple lors de révisions de lois ou d'ordonnances. Selon ses propres déclarations, fedpol ne pourrait pas assumer ces tâches de façon appropriée sans le soutien spécialisé du Service de coordination. Or, aucun mandat formel n'encadre ces prestations supplémentaires fournies par le Service de coordination. La place particulière occupée par ce dernier a du reste été critiquée à ce sujet. De plus, on ne sait pas comment la Confédération indemnise les différentes prestations du Service de coordination ni si les coûts occasionnés sont tout simplement couverts par les émoluments versés à celui-ci par les laboratoires d'analyse d'ADN. Si cette dernière supputation était avérée, cela signifierait que les laboratoires financent indirectement des prestations fournies à fedpol par le Service de coordination (et, donc, par l'IML de Zurich), ce qu'il conviendrait d'examiner.

5.4

Surveillance sur les laboratoires partiellement appropriée en raison d'un manque d'indépendance

Aux termes de l'ordonnance sur les profils d'ADN, fedpol contrôle les laboratoires d'analyse ADN reconnus par la Confédération127. Les exigences de prestation et de qualité envers les laboratoires sont détaillées dans l'ordonnance du DFJP sur les laboratoires d'analyse d'ADN. Fedpol a confié au SAS, qui accrédite les laboratoires, la plupart de ces tâches de contrôle128. Par cette accréditation, nécessaire pour que les laboratoires d'analyse ADN soient reconnus par la Confédération, les compétences spécialisées et organisationnelles du laboratoire sont reconnues formellement.

Bien que la délégation au SAS de la surveillance sur les laboratoires soit jugée très positive par tous les acteurs et qu'aucun problème concret ne soit constaté, le système de surveillance présente certaines défaillances, qui tiennent aux différences de fond qui existent entre, d'une part, l'accréditation et sa vérification et, d'autre part, l'exercice d'une fonction de contrôle et de surveillance.

Le SAS conçoit la vérification de l'accréditation comme un examen par les pairs.

Les laboratoires contrôlés peuvent proposer les spécialistes qui participeront au contrôle, même si la décision finale revient au SAS (et non à fedpol). Dans la pratique, ces spécialistes conviés au contrôle et à la surveillance des laboratoires sont généralement des collaborateurs d'autres laboratoires d'analyse ADN reconnus par la Confédération. Les laboratoires se contrôlent donc mutuellement, dans l'esprit des examens par les pairs.

127 128

Art. 2, al. 3, ordonnance sur les profils d'ADN Convention fedpol-SAS du 1.4.2007

6816

FF 2019

Mais fedpol n'a pas, dans le cadre de ses fonctions de surveillance, seulement un rôle de partenaire des laboratoires; en vertu de l'ordonnance sur les profils d'ADN, il doit plutôt exercer une fonction de contrôle et vérifier si les laboratoires respectent les prescriptions relatives aux analyses forensiques d'ADN et les dispositions concernant la protection et la sécurité des données129. Or, il confie une grande partie de ces tâches au SAS, qui se considère comme le partenaire des laboratoires. Etant donné que les laboratoires participent à l'évaluation de leurs pairs, fedpol délègue de fait partiellement sa fonction de contrôle aux laboratoires qu'il doit contrôler. Par conséquent, la surveillance sur les laboratoires reconnus par la Confédération n'est pas exercée en toute indépendance.

L'opportunité des rapports adressés par les laboratoires à fedpol et par fedpol au DFJP soulève également des questions. On est en droit de se demander si les rapports détaillés des laboratoires à destination de fedpol sont justifiés au vu de l'utilisation restreinte que fedpol fait des données. Par ailleurs, les rapports établis tous les trois ans par fedpol à l'intention du département semblent correspondre avant tout à une exigence formelle. On peut penser que les problèmes qui surgissent sont discutés et traités plus rapidement et non à l'occasion de l'établissement du rapport triennal suivant.

129

Art. 3, al. 1, ordonnance sur les profils d'ADN

6817

FF 2019

Abréviations ADN AFIS

Acide désoxyribonucléique Système automatique d'identification des empreintes digitales (banque de données sur les empreintes digitales) AG Canton d'Argovie al.

Alinéa art.

Article BE Canton de Berne BO Bulletin officiel CdG Commissions de gestion des Chambres fédérales CdG-E Commission de gestion du Conseil des Etats chap.

chapitre CODIS Combined DNA Index System (banque de données ADN) CP Code pénal CPA Contrôle parlementaire de l'administration CPI Coopération policière internationale CPP Code de procédure pénale CSI-DFJP Centre de service informatique du DFJP Cst.

Constitution fédérale (RS 101) CURM Centre universitaire romand de médecine légale, Lausanne DFJP Département fédéral de justice et police fedpol Office fédéral de la police FF Feuille fédérale FR Canton de Fribourg GR Canton des Grisons IML Institut de médecine légale INTERPOL Organisation internationale de police criminelle IPAS Système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes ISO Organisation internationale de normalisation LAGH Loi fédérale sur l'analyse génétique humaine (RS 810.12) LDM Laboratoire de diagnostic moléculaire, Gentilino (TI) LEtr Loi fédérale sur les étrangers, aujourd'hui loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (RS 142.20) LPD Loi sur la protection des données NCP Numéro de contrôle du processus OFS Office fédéral de la statistique PJF Police judiciaire fédérale RIPOL Système de recherches informatisées de personnes et d'objets

6818

FF 2019

RS SAS SG-DFJP SSML TI UE VD ZH

Recueil systématique du droit fédéral Service d'accréditation suisse Secrétariat général du DFJP Société suisse de médecine légale Canton du Tessin Union européenne Canton de Vaud Canton de Zurich

6819

FF 2019

Bibliographie et liste des documents Albertini, Gianfranco / Fehr, Bruno / Voser, Beat (Hrsg.) (2008): Polizeiliche Ermittlung: Ein Handbuch der Vereinigung der Schweizerischen Kriminalpolizeichefs zum polizeilichen Ermittlungsverfahren gemäss der Schweizerischen Strafprozessordnung. Zürich: Schulthess.

Bundesamt für Polizei fedpol: 2. interner Bericht über die Bearbeitung von DNAProfilen gemäss DNA-Profil-Verordnung. Berichtsperiode: 2008­2010.

Bundesamt für Polizei fedpol: 3. interner Bericht über die Bearbeitung von DNAProfilen gemäss DNA-Profil-Verordnung. Berichtsperiode: 2011­2013.

Bundesamt für Polizei fedpol: 4. interner Bericht über die Bearbeitung von DNAProfilen gemäss DNA-Profil-Verordnung. Berichtsperiode: 2014­2016.

Bundesamt für Polizei fedpol: Bearbeitungsreglement Combined DNA Index System CODIS, September 2017.

Bundesamt für Polizei fedpol: Erster interner Bericht über die Bearbeitung von DNA-Profilen gemäss DNA-Profil-Verordnung. Periode: 2005­2007.

Cinaglia, Giulia (2016) Effacement des profils ADN des personnes prévenues: Garantie au droit à l'oubli ou entrave à l'identification des récidivistes? Mémoire de criminologie, Maîtrise universitaire en Droit en sciences criminelles, mention criminologie et sécurité, Université de Lausanne, 4 août 2016.

Davies, Anne / Wittebrood, Karin / Jackson, Janet L. (1998): Predicting the Criminal Record of a Stranger Rapist. London: Home Office 1998 (Special Interest Series Paper 12).

EDNA-Koordinationsstelle: Management-Handbuch, Zürich, 1. Jan 2017.

Eidgenössischer Datenschutz- und Öffentlichkeitsbeauftragter: Datenschutzkontrolle DNA-Profil-Datenbank, Schlussbericht vom 28. Mai 2008 der Sachverhaltsabklärung des Eidgenössischen Datenschutz- und Öffentlichkeitsbeauftragten (EDÖB) gemäss Art. 27 des Bundesgesetzes über den Datenschutz (DSG).

Expertenkommission: Errichtung einer gesamtschweizerischen DNA-ProfilDatenbank, Schlussbericht, Bern, 18. Dez. 1998.

Fricker, Christoph / Maeder, Stefan (2014): 5. Kapitel: DNA-Analysen. In: Niggli, Marcel Alexander / Heer, Marianne / Wiprächtiger, Hans (Hrsg.): Schweizerische Strafprozessordnung, Jugendstrafprozessordnung. Basler Kommentar. 2. Auflage.

Basel: Helbing Lichtenhahn.

Haas, Henriette (2001): Agressions et victimisation: une enquête sur les délinquants violents et sexuels non
détectés. Aarau: Editions Sauerländer.

Hansjakob, Thomas (2014): 5. Kapitel: DNA-Analysen. In: Donatsch, Andreas / Hansjakob, Thomas / Lieber, Viktor (Hrsg.): Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO). Zürich: Schulthess, 1455­1472.

Heilinger, Martina (2017): «Fishing exhibition» in der DNA-Datenbank CODIS?.

In: forumpoenale, 02/2017, 93.

Jaag, Tobias / Bucher, Laura / Häggi Furrer, Reto (2016): Staatsrecht der Schweiz.

2. Aufl. Zürich: Dike.

6820

FF 2019

Killias, Martin / Gut, Moritz / Biberstein, Lorenz / Walser, Simone (2018): DNAAnalysen in Strafverfahren: Entwicklungen, Umfang und Wirkungen. Schlussbericht zuhanden der Parlamentarischen Verwaltungskontrolle. Lenzburg: Killias Research & Consulting AG.

Killias, Martin / Haas, Henriette / Taroni, Franco / Pierre, Margot (2003): Welche Verurteilten müssen in einer DNA-Profil-Datenbank erfasst werden? Zur Bedeutung einer DNA-Profil-Datenbank für die Aufklärung schwerer Verbrechen und den notwendigen Grenzen. In: Cassani, Ursula / Dittmann, Volker / Maag, Renie / Steiner, Silvia (Hrsg.): Mehr Sicherheit ­ weniger Freiheit? Ermittlungs- und Beweistechniken hinterfragt. Chur: Rüegger, 311­326.

Maeder, Stefan (2015): Keine DNA-Routine: Bemerkungen zu BGer, StrA, 10.12.2014, 6B_718/2014, X. gegen Generalstaatsanwaltschaft des Kantons Bern (zur Publikation vorgesehen). In: AJP, 3/2015, 530­533.

Müller, Markus (2016): Verhältnismässigkeit. Gedanken zu einem Zauberwürfel.

Bern: Stämpfli.

Mullis, Annina (2015): Grenzen präventiver erkennungsdienstlicher Behandlung und DNA-Probenahme. In: forumpoenale, 05/2015, 308.

Office fédéral de la statistique (2010­2018): Statistique policière de la criminalité (SPC). 2009­ 2017. Neuchâtel OFS.

Ruckstuhl, Niklas / Dittmann, Volker / Arnold, Jörg (2011): Strafprozessrecht.

Unter Einschluss der psychiatrischen Forensik und Rechtsmedizin sowie des kriminaltechnischen und naturwissenschaftlichen Gutachtens. Zürich: Schulthess.

Schmid, Niklaus / Jositsch, Daniel (Hrsg.) (2018): Schweizerische Strafprozessordnung: Praxiskommentar. 3. Auflage. Zürich: Dike.

Schweizerische Akkreditierungsstelle: Bericht zur Begutachtung vom 28./29.3. nach SN EN ISO/IEC 17025:2005 betreffend Akkreditierung des Prüflaboratoriums STS 0407 Institut für Rechtsmedizin, Universität Zürich, 30. Juli 2018.

Schweizerische Akkreditierungsstelle: Bericht vom 04.05.2017 nach SN EN ISO 17025 betreffend die Überwachung der Akkreditierung des Prüflaboratoriums STS 0406 Institut für Rechtsmedizin, 14. Aug. 2017.

Schweizerische Akkreditierungsstelle: Bericht zur Begutachtung Ü3.2 vom 17.11.2017 nach SN EN ISO/IEC 17025:2005 betreffend die Überwachung des Prüflaboratoriums STS 0414 Abteilung Forensische Chemie und Toxikologie (FCT) / Abteilung Forensische Genetik (FG), IRM Basel, 22. Febr. 2018.
Schweizerische Akkreditierungsstelle: Bericht zur Begutachtung vom 06.09.2017 nach SN EN ISO 17025:2005 betreffend die Überwachung der Akkreditierung mit Änderung des Geltungsbereichs des Prüflaboratoriums STS 06013 Institut für Rechtsmedizin, 18. Dez. 2017.

Schweizerische Akkreditierungsstelle: Bericht zur Begutachtung vom 09. und 10. Mai 2017 nach SN EN ISO/IEC 17025:2005 betreffend die Überwachung der Akkreditierung des Prüflaboratoriums STS 0416 Universität Bern, Institut für Rechtsmedizin (IRM), Abteilung forensische Molekularbiologie und forensische Toxikologie, 5. Juni 2017.

6821

FF 2019

Service d'accréditation Suisse: Rapport de l'évaluation du 25.01.2018 selon SN EN ISO/CEI 17025:2005 relative à la surveillance de l'accréditation du Laboratoire d'essais STS 0420 Unité de Génétique Forensique (UGF), 7 février 2018.

Servizio di accreditamento svizzero: Rapporto di valutazione del 19.06. et 14.07.2017 secondo la norma SN EN ISO/IEC 17025:2005 concernente l'accreditamento del Laboratorio di prova STS 0360 Laboratorio di Diagnostica Molecolare, 27 ottobre 2017.

Straub, Rolf / Herren, Simon (2011): Die SAS fragt die Kunden ihrer Kunden: Die Rolle der Akkreditierung bei der Arbeit forensisch-genetischer Laboratorien. In: Kriminalistik-Schweiz, 718­724.

Tschannen, Pierre (2016): Staatsrecht der Schweizerischen Eidgenossenschaft.

4. Aufl. Bern: Stämpfli.

Vereinbarung zwischen dem Bundesamt für Polizei, Nussbaumstrasse 29, CH-3003 Bern (fedpol) und der Schweizerischen Akkreditierungsstelle des seco, Lindenweg 50, 3003 Bern-Wabern (SAS) betreffend Überprüfung anerkannter Prüflaboratorien für forensische Genetik bzw. forensische DNA-Analyselabors und Laboratorien für die Erstellung von DNA-Profilen im Zivil- und Verwaltungsbereich (Labors), Bern / Wabern, 20. Juli 2007 / 22. Aug. 2007.

Vertrag zwischen der Schweizerischen Eidgenossenschaft vertreten durch das Bundesamt für Polizei, Nussbaumstrasse 29, CH-3003 Bern (fedpol) und der Universität Zürich vertreten durch das Institut für Rechtsmedizin, Winterthurerstrasse 190, 8057 Zürich (Koordinationsstelle) betreffend Führen der Koordinationsstelle und Operating des DNA-Profil- Informationssystems des Bundes, Bern / Zürich, 29. Mai 2006 / 28. April 2006.

6822

FF 2019

Liste des personnes interrogées Albertini, Nicola Arnold, Jörg Bolliger, Markus Bottinelli, Michel Brönnimann, Philippe Castella, Vincent Glaeser, Axel Kratzer, Adelgunde Linsi, Christian Malik, Naseem Mermoud, Eric Ramsauer, Matthias Sollberger, Thomas Stammbach, Matthias Straub, Rolf Utz, Silvia Voegeli, Pamela Zieger, Martin Zingg, Christian

Chef Section forensique, Police cantonale, Police de sûreté, Etat de Vaud Chef Science et chef suppl. de l'Institut forensique de Zurich Chef Domaine Gestion de la qualité / Chef Domaine Surveillance laboratoires ADN, fedpol Responsable Unité génétique forensique, Laboratoire de diagnostic moléculaire, Gentilino (TI) Chef suppl. Domaine de direction systèmes de police et identification, fedpol Responsable Unité génétique forensique, Centre universitaire romand de médecine légale, Lausanne Chef Division Identification biométrique, fedpol Responsable du laboratoire d'analyse ADN, directrice Division Génétique forensique, Institut de médecine légale, Université de Zurich Juriste, Domaine Jurisprudence, fedpol Responsable du laboratoire d'analyse ADN, directeur Division Génétique forensique, Institut de médecine légale, Hôpital cantonal d'Aarau Procureur, chef suppléant Division affaires spéciales, contrôle et mineurs, Ministère public, Etat de Vaud Secrétaire général, DFJP Chef de la police judiciaire, Police cantonale bernoise Procureur, chef Division A, Ministère public IV du canton de Zurich Chef du secteur ASCB, suppl. du responsable du SAS Responsable du laboratoire d'analyse ADN, directrice Division Biologie moléculaire forensique, Institut de médecine légale, Université de Berne Directrice Service de coordination EDNA, directrice suppl. de division, Institut de médecine légale, Université de Zurich Directeur suppl. Division Biologie moléculaire forensique, Institut de médecine légale, Université de Berne Chef du service d'identité judiciaire, Police cantonale bernoise

6823

FF 2019

Annexe

Procédure d'évaluation Objectifs de la politique:

Le recours aux analyses ADN dans les procédures pénales a principalement pour objectif d'accroître l'efficacité des poursuites pénales en permettant d'identifier plus rapidement les suspects et de lever les soupçons qui pèsent sur d'autres personnes. Or, étant donné qu'elle constitue une atteinte aux droits fondamentaux, le recours à cette analyse doit être proportionné.


Façon dont les objectifs sont atteints :

Les profils d'ADN sont enregistrés dans la banque de données ADN CODIS et comparés entre eux. Seul le ministère public ordonne l'établissement du profil d'une personne. S'il y a concordance entre des profils d'ADN (entre profils de traces et/ou de personnes), fedpol transmet le résultat aux autorités de poursuite pénale. Il exerce aussi la surveillance sur les laboratoires reconnus par la Confédération.


Objet de l'évaluation:

L'évaluation analyse la pratique en matière de recours aux analyses ADN dans les poursuites pénales et apprécie leur opportunité. Elle examine par ailleurs l'adéquation des fonctions de surveillance de fedpol. La plupart des poursuites pénales étant menées au niveau cantonal, les compétences de la Confédération sont limitées en matière de recours aux analyses ADN dans les procédures pénales.


Problématique de l'évaluation:

Analyses effectuées:

6824

L'évolution de la pratique et le recours aux analyses ADN selon les différents types d'infractions sont-ils appropriés?


Les différences cantonales concernant la pratique en matière de recours aux analyses ADN sont-elles appropriées?





Fedpol assume-t-il sa responsabilité de la banque de données ADN de façon adéquate?

Fedpol exerce-t-il la surveillance sur les laboratoires reconnus par la Confédération de manière appropriée?









L'évaluation de la pratique repose sur l'analyse statistique des profils d'ADN enregistrés dans la banque de données ADN CODIS et sur d'autres données; analyse effectuée par Killias Research & Consulting sur mandat du CPA.

En complément à l'analyse statistique de Killias Research & Consulting, le CPA a analysé d'autres statistiques de fedpol et mené des entretiens avec des représentants des cantons étudiés.

Le CPA a analysé des documents et mené des entretiens avec des représentants de fedpol, du Service de coordination et de certains laboratoires d'analyse ADN.

Le CPA a analysé des documents et mené des entretiens avec des représentants du DFJP, de fedpol, du SAS et de certains laboratoires d'analyse ADN.

FF 2019

Impressum Réalisation de l'évaluation Dr. Christian Hirschi (direction de projet) Dr. Simone Ledermann (collaboration scientifique) Sereina Dick (collaboration scientifique) Amélie Pestoni (collaboration scientifique)

Rapport des experts externes Prof. Dr. Martin Killias, Killias Research & Consulting (direction de projet) Moritz Gut, Killias Research & Consulting (collaboration scientifique) Lorenz Biberstein, Killias Research & Consulting (collaboration scientifique) Dr. Simone Walser, Killias Research & Consulting (collaboration scientifique)

Remerciements Le CPA remercie fedpol pour la mise à disposition des données qui ont servi à l'analyse statistique et des documents internes à l'administration ainsi que pour les renseignements et les explications fournis. Ses sincères remerciements vont également à tous les interlocuteurs qui lui ont fourni des renseignements et ont mis à sa disposition des informations supplémentaires. Enfin, il remercie les collaborateurs de Killias Research & Consulting pour leur collaboration agréable et fructueuse dans le cadre du mandat qui leur a été confié.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél. +41 58 322 97 99 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes > Commissions > Contrôle parlementaire de l'administration Langue originale du rapport: allemand

6825

FF 2019

6826