19.043 Message concernant la loi fédérale sur la lutte contre l'usage abusif de la faillite (modification de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du code des obligations, du code pénal, du code pénal militaire et de la loi sur le casier judiciaire) du 26 juin 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur la lutte contre l'usage abusif de la faillite (modification de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du code des obligations, du code pénal, du code pénal militaire et de la loi sur le casier judiciaire) en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2011

M 11.3925

Prévenir l'usage abusif de la procédure de faillite (E 29.9.11, Hess; N 28.2.12)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 juin 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-1022

4977

Condensé Grâce à plusieurs mesures en droit des obligations, en droit de la poursuite pour dettes et la faillite et en droit pénal, le projet du Conseil fédéral vise à éviter que les débiteurs fassent un usage abusif de la procédure de faillite pour échapper à leurs obligations.

Actuellement, le droit de la faillite est souvent utilisé abusivement pour fausser la concurrence et au détriment des créanciers. Les débiteurs peuvent recourir à la faillite pour échapper à leurs obligations et les faire assumer par les assurances sociales, qui doivent payer une partie des pertes. Le droit actuel permet aux chefs d'entreprise qui ont fait faillite de fonder rapidement une nouvelle entreprise. Pour ce faire, ils réengagent leurs salariés et rachètent leurs outils de production dans le but, une fois encore, d'abuser de leurs créanciers et des assurances sociales en répétant leurs agissements.

Le droit de la faillite et le droit pénal offrent différents moyens de lutter contre ces abus. Toutefois, dans plusieurs domaines, les obstacles pratiques et juridiques auxquels les autorités et les créanciers sont confrontés sont trop importants, ce qui les pousse parfois à renoncer à poursuivre certains cas d'abus, même manifestes.

Dans différents projets élaborés au cours de ces dernières années, le Conseil fédéral a proposé de nombreuses autres mesures pour prévenir l'usage abusif de la faillite et les préjudices aux créanciers. Le présent projet de loi vise à les compléter par d'autres mesures spécifiques afin de poursuivre l'amélioration de la situation.

L'objet central du projet est d'améliorer l'application de l'interdiction pénale d'exercer une activité qui permet à un tribunal d'interdire à une personne d'exercer une fonction au sein d'une entreprise. À cet effet, il faut établir un lien entre le casier judiciaire et le registre du commerce pour que les offices du registre du commerce puissent mettre en oeuvre l'interdiction d'exercer une activité dans le registre du commerce.

En outre, des mesures préventives serviront à diminuer le risque des faillites abusives. Le public doit pouvoir rechercher des personnes physiques dans le registre du commerce. Il sera ainsi en mesure de connaître quelles foncions la personne exerce ou exerçait, et au sein de quelle entreprise. La jurisprudence du Tribunal fédéral
concernant l'interdiction de transfert de cadre d'actions doit être codifiée et la possibilité d'un opting-out rétroactif supprimée. Enfin, en droit de la poursuite pour dettes et la faillite, les créanciers de droit public doivent pouvoir choisir la continuation de la poursuite, par voie de saisie ou de faillite.

4978

FF 2019

Message 1

Contexte

1.1

Nécessité d'agir et objectifs visés

1.1.1

Motion Hess du 29 septembre 2011 «Prévenir l'usage abusif de la procédure de faillite»

Le Conseil des États, le 5 décembre 2011 et le Conseil national, le 28 février 2012, ont adopté la motion Hess du 29 septembre 2011 (11.3925) «Prévenir l'usage abusif de la procédure de faillite» sans opposition. Cette motion charge le Conseil fédéral de «créer les bases juridiques nécessaires pour qu'on ne puisse plus utiliser abusivement la procédure de faillite pour échapper à ses obligations».

L'auteur explique le bien-fondé de sa motion de la manière suivante: «Il y a sans cesse des cas où des personnes profitent de la faillite d'une société pour se débarrasser de dettes existantes et pour ne pas devoir payer des salaires dus. Peu de temps après la faillite, elles fondent une nouvelle société, elles réengagent les salariés et, suivant les circonstances, elles rachètent à bas prix les outils de production ou les stocks qui faisaient partie de la masse de la faillite. Elles lèsent ainsi leurs créanciers tout en se procurant un avantage concurrentiel. À cela s'ajoute le fait que la caisse de chômage doit verser aux employés des indemnités en cas d'insolvabilité correspondant aux salaires impayés avant la faillite; si les employés finissent par être réengagés dans une nouvelle société créée par le failli, la caisse ne récupérera plus cet argent. Ce cas de figure aussi débouche sur une distorsion de la concurrence tout en constituant une utilisation abusive des deniers publics.» La Commission des affaires juridiques du Conseil des États a proposé d'adopter la motion en donnant les explications suivantes: «Les conséquences sont effectivement une distorsion de la concurrence ainsi qu'une perte pour la caisse publique. C'est donc sans opposition que la commission propose l'acceptation de la motion, suivant en cela le Conseil fédéral et le Conseil des États. Comme le Conseil fédéral (BO 2011 E 1054), la commission reconnaît que la recherche d'une solution au problème de l'usage abusif de la procédure de faillite ne sera pas aisée. Les remèdes (sanctions pénales, interdiction de fonder de nouvelles sociétés, etc.) doivent être maniés avec prudence. La lutte contre les abus, objectif important, ne doit pas avoir la priorité absolue: certaines faillites ne sont ni abusives ni seulement fautives et les personnes concernées ont le droit à une deuxième chance. Lors de la mise en oeuvre de cette motion,
il y aura donc lieu d'accorder une attention particulière au maintien d'un équilibre raisonnable entre les divers intérêts en présence. Les solutions qui existent à l'étranger devront nourrir la réflexion; elles devront cependant sans doute être adaptées aux réalités de notre pays, notamment pour tenir compte des différences de 4979

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culture économique (définition de l'abus, perception sociale du fait de faire faillite, droit à une deuxième chance, etc.).»1

1.1.2

Le problème des faillites abusives

La motion a été déposée en réaction à des cas où le droit de la faillite a été utilisé abusivement à des fins de concurrence déloyale et au détriment de créanciers. La procédure de faillite peut être utilisée pour échapper à ses obligations qui doivent alors être assumées par les assurances sociales (notamment par le biais de l'indemnité en cas d'insolvabilité). En principe, le droit de la faillite permet à un chef d'entreprise qui a fait faillite de fonder rapidement une nouvelle entreprise en réengageant ses employés et en rachetant ses outils de production. En agissant de la même façon, il pourrait alors une fois encore abuser de ses nouveaux créanciers et des assurances sociales.

Le droit de la faillite et le droit pénal offrent déjà différents moyens pour lutter contre ces abus. Toutefois, dans plusieurs domaines, les obstacles pratiques et juridiques auxquels les créanciers et les autorités sont confrontés sont trop importants, de sorte qu'on renonce parfois à poursuivre certains cas d'abus, même manifestes.

De manière générale, le fait de ne pas poursuivre des cas d'abus n'est pas tant dû à des lacunes juridiques qu'au fait que les personnes lésées n'ont à raison pas envie de prendre de risques financiers supplémentaires sous forme de procédures civiles ou de s'engager dans de longues procédures pénales.

1.1.3

Faillites abusives: les chiffres

Plus de 15 000 procédures de faillite sont ouvertes en Suisse chaque année. Les statistiques ne permettent toutefois pas de savoir combien d'entre elles peuvent être qualifiées d'abusives. La suspension de la faillite faute d'actif est un signe que le juge a été sollicité trop tard. Or, d'après une étude d'Ernst & Young de 2009, 41,4 % des faillites sont suspendues pour cette raison. Selon le ministère public du canton de Zurich, moins d'une dizaine de cas de faillite par an donnent lieu à des poursuites pénales. Le nombre de condamnations pour des infractions en lien avec les faillites, quoi qu'en légère hausse, reste stable.

1.2

Solutions étudiées et solution retenue

Les faillites abusives sont un phénomène connu de longue date et la nécessité d'agir est incontestée. Il est toutefois compliqué de prévoir des mesures concrètes permettant de lutter efficacement contre cette pratique sans qu'elles n'entraînent des effets indésirables qui pourraient entraver, voire empêcher l'activité économique. Le seul fait que quelqu'un fasse faillite avec son entreprise ne devrait pas par la suite avoir 1

Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 2 février 2012.

4980

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de conséquences négatives sur le plan juridique; autrement dit, cette personne ne devrait pas se voir interdire de fonder ou diriger une nouvelle entreprise. Cela correspond au principe de base de l'économie de marché.

La difficulté qui se pose pour le législateur est celle de définir quand une faillite doit être considérée comme abusive et de trouver un moyen d'identifier ces faillites abusives. Le nombre de procédures de faillite étant très élevé, il est impossible de juger au cas par cas si, et pour quel motif, la faillite est abusive. Si l'on tentait de déterminer dans chaque cas si la faillite est abusive ou non, il pourrait y avoir une forte augmentation du nombre de procédures administratives et judiciaires ouvertes, parce que beaucoup de chefs d'entreprise seraient susceptibles de déposer un recours.

C'est pourquoi il faut mettre en place des critères objectifs et plus simples afin de distinguer les faillites admissibles des faillites abusives. Il serait à cet égard indiqué de recourir aux instruments existants, notamment en droit pénal. L'art. 67 du code pénal (CP)2 règle l'interdiction d'exercer une activité: le juge peut, dans le cadre d'une condamnation pénale et sous certaines conditions, interdire à une personne d'exercer certaines activités. Le fait qu'une condamnation pénale soit nécessaire fait office de filtre objectif pour fixer la limite entre les faillites abusives et celles qui ne le sont pas.

Deux mesures concrètes sont proposées en ce sens: d'une part, les offices des poursuites et des faillites seront tenus de dénoncer tous les cas dans lesquels des indices laissent supposer une éventuelle infraction. Cela peut être réglé par le biais d'une instruction du Service de haute surveillance en matière de poursuite et de faillite, qui est rattaché à l'Office fédéral de la justice. L'objectif est que les cas dans lesquels des actes punissables ont été commis soient effectivement poursuivis. Il n'est pas nécessaire de définir de nouvelles infractions pénales: les instruments existants semblent suffisants. Si une condamnation est prononcée, il faudra pour le moins veiller à étudier la possibilité d'ordonner une interdiction pénale d'exercer une activité.

D'autre part, l'amélioration de la mise en application des interdictions pénales d'exercer une activité sera favorisée par de
nouvelles dispositions. Ces mesures permettront d'identifier les cas d'usage effectivement abusif de la procédure de faillite et d'éviter que les personnes concernées causent davantage de préjudices.

De plus, le Conseil fédéral propose différentes mesures visant à prévenir les faillites abusives telles que la possibilité d'effectuer une recherche de personne physique dans le registre du commerce, la codification de la nullité du transfert du cadre d'actions et l'abolition de l'opting-out rétroactif. Enfin, la modification de l'art. 43 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) 3 offrira aux créanciers la possibilité de provoquer la faillite d'une entreprise surendettée, alors qu'ils ne peuvent pour le moment agir que par voie de saisie. Cela permettra d'éviter qu'une entreprise surendettée ne contracte d'autres engagements et que davantage de créanciers subissent, à leur tour, des dommages.

Au cours de ces dernières années, le Conseil fédéral a aussi proposé des mesures dans le cadre de différents projets. Ces mesures permettent de prévenir les faillites abusives et de limiter les dommages subis par les créanciers. Le présent projet con2 3

RS 311.0 RS 281.1

4981

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tient d'autres mesures visant à améliorer la situation et qui complètent les modifications législatives déjà mises sur les rails.

1.3

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

1.3.1

Liens avec le programme de la législature

Le projet n'a été annoncé ni dans le message du 27 janvier 20164, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20195. Il a été élaboré pour mettre en oeuvre la motion Hess du 29 septembre 2011 (11.3925) «Prévenir l'usage abusif de la procédure de faillite».

1.3.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

La stratégie suisse de cyberadministration6 a pour objectif de faire profiter la population et les acteurs économiques de meilleures prestations et d'une administration plus efficace grâce aux technologies de l'information et de la communication. La cyberadministration sert aux échanges entre l'administration et les utilisateurs externes par voie électronique.

Le fait de lier le casier judiciaire aux bases de données du registre du commerce, visant à assurer la mise en application des interdictions d'exercer une activité, s'inscrit dans le cadre de la stratégie de cyberadministration qui est poursuivie par la Confédération, les cantons et les communes. Il est conforme à l'objectif des autorités de moderniser leurs processus de travail et de communiquer entre elles par voie électronique.

L'instauration de la recherche de personnes physiques dans le registre du commerce poursuit elle aussi les objectifs de cette stratégie, car elle ouvre à la population un accès en ligne aux données collectées et lui permet de les interroger en effectuant une simple recherche sur Internet.

1.4

Classement d'interventions parlementaires

Les demandes de la motion Hess du 29 septembre 2011 (11.3925) «Prévenir l'usage abusif de la procédure de faillite» seront réalisées par le présent projet. Différents aspects de la motion ont déjà été pris en compte dans d'autres projets législatifs. La motion peut être classée.

4 5 6

FF 2016 981 FF 2016 4999 www.egovernment.ch > Mise en oeuvre > Stratégie suisse de cyberadministration

4982

FF 2019

1.5

Interventions en cours de traitement au Parlement

Depuis la consultation, d'autres interventions à ce sujet ont été déposées au Parlement: ­

motion Bourgeois du 14.12.2016 (16.4017) «Possibilité de refus de réinscription au registre du commerce»;

­

motion Pardini du 27. 9.2017 (17.3758) «Faillites en chaîne. Empêcher le commerce avec des entreprises surendettées»;

­

motion Schwaab du 27.9.2017 (17.3759) «Stopper les faillites en chaîne.

Empêcher les champions de l'insolvabilité organisée de nuire à nouveau»;

­

motion Feller du 27.9.2017 (17.3760) «Conférer aux créanciers ordinaires une action directe en responsabilité contre les dirigeants d'une société qui leur causent un dommage»;

­

motion Roduit du 27.9.2018 (18.3991) «Redonner des moyens aux registres du commerce»;

­

motion Roduit du 27.9.2018 (18.3993) «Mettre fin aux faillites à répétition».

Dans ses avis, le Conseil fédéral a chaque fois renvoyé aux travaux en cours dans le cadre du projet faisant l'objet du présent message. Ce projet met largement en oeuvre les mesures demandées dans ces interventions, ou il les rejette après examen.

2

Procédure préliminaire

2.1

Projet mis en consultation

Le 22 avril 2015, le Conseil fédéral a ouvert une procédure de consultation portant sur une modification de la LP. L'avant-projet contenait une série de propositions principalement axées sur la suppression ou la réduction des obstacles pratiques et juridiques auxquels les créanciers lésés sont confrontés au moment d'entamer une procédure contre un débiteur en faillite. L'avant-projet était constitué des deux éléments suivants: ­

Permettre aux créanciers de droit public, comme les contributions ou les assurances sociales, de déposer une requête de mise en faillite. En vertu du droit en vigueur (art. 43, al. 1, ch. 1 et 1bis, LP), cela leur est proscrit. Ce sont dès lors d'autres créanciers qui auraient dû déposer la requête de mise en faillite et supporter le risque financier.

­

Instituer une responsabilité de principe personnelle et solidaire des membres de l'organe supérieur d'administration d'une entreprise en faillite pour les coûts non couverts d'une procédure de faillite. Toutefois, le créancier requérant serait resté obligé de fournir une avance, mais il aurait eu un droit de recours en cas de défaut de biens.

La procédure de consultation s'est achevée le 14 août 2015 et les 26 cantons, 4 partis politiques ainsi que 36 organisations et autres participants ont pris position.

4983

FF 2019

2.2

Synthèse des résultats de la procédure de consultation

Le projet de révision de la LP a reçu un accueil contrasté dans le cadre de la procédure de consultation. De façon générale, son objectif (la prévention de l'usage abusif de la procédure de faillite) a été salué par les participants. Ces derniers ont toutefois estimé qu'un grand nombre des mesures proposées étaient insuffisantes, inefficaces et même préjudiciables en dehors des cas d'abus7. La proposition la plus critiquée était celle visant à permettre aux créanciers de droit public de requérir la faillite. La proposition d'après laquelle les membres de l'organe supérieur d'une entreprise en faillite devraient à l'avenir répondre personnellement et solidairement des frais de la procédure de faillite non couverts par la masse a aussi reçu son lot de critiques.

2.3

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

Au vu des critiques relativement nombreuses exprimées vis-à-vis de l'avant-projet et des différentes propositions formulées à l'occasion de la consultation, l'approche choisie a été réexaminée. Le Conseil fédéral a ensuite décidé de donner une nouvelle orientation au projet. Il renonce d'une part à plusieurs parties de l'avant-projet et intègre d'autre part une série de nouvelles mesures. La consultation a permis de souligner que l'obligation de supporter les frais solidairement à laquelle seraient soumis les membres de l'organe supérieur de direction ou d'administration serait difficile à mettre en oeuvre et coûteuse, sans toutefois permettre d'atteindre les objectifs visés. Cette proposition ne semble donc pas être viable politiquement.

De nombreux participants ont proposé des alternatives. Ils saluent l'amélioration de l'information sur les «abonnés aux faillites» que pourrait apporter un autre projet en cours. Certains ont relevé qu'au vu du nombre limité de possibilités offertes par le droit de procédure, il y aurait lieu d'également envisager des modifications du droit pénal en dernier recours. En outre, divers participants ont demandé de mettre en place une interdiction d'exercer une activité pour les organes des entreprises en faillite. En renforçant les instruments de droit pénal existants, le Conseil fédéral satisfait cette demande sans toutefois empiéter exagérément sur la liberté économique. Pour terminer, il a aussi tenu compte de l'appel à mettre en place des mesures préventives: il autorisera la recherche de personnes physiques dans le registre du commerce et réglera dans la loi la nullité du transfert du cadre d'actions.

En vertu de l'art. 3a, al. 1, let. b, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation8, il est possible de renoncer à une procédure de consultation lorsqu'aucune information nouvelle n'est à attendre du fait que les positions des milieux intéressés sont connues, notamment parce que l'objet dont traite le projet a déjà été mis en consultation précédemment. Le présent projet correspond en partie à l'avant-projet et reprend 7 8

www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP RS 172.061

4984

FF 2019

plusieurs propositions faites par les participants à la procédure de consultation tout en tenant compte des demandes figurant dans plusieurs interventions parlementaires portant sur ce thème et déposées après la consultation. C'est pourquoi l'on renonce à procéder à une nouvelle consultation pour ce projet.

3

Présentation du projet

3.1

Dispositif proposé

3.1.1

Amélioration de l'application de l'interdiction d'exercer une activité

Le projet vise principalement à améliorer la mise en application de l'interdiction pénale d'exercer une activité.

Pour qu'il puisse y avoir une condamnation pénale, il faut que les offices des poursuites et des faillites soient tenus de dénoncer tous les cas dans lesquels des indices laissent supposer une infraction. Il n'est toutefois pas nécessaire de modifier la loi pour ce faire. Une instruction du Service de haute surveillance en matière de poursuite et de faillite, qui est rattaché à l'Office fédéral de la justice, permettra de remplir cet objectif.

Si une condamnation est prononcée, le juge peut interdire à l'auteur d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle pour une durée déterminée en vertu de l'art. 67 du code pénal (CP), ou 50 du code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM)9 ou 16a, al. 1, du droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)10 en vigueur. Une telle interdiction peut aussi être prononcée sur la base d'une infraction en matière de faillite ou de poursuite pour dettes.

Conformément à l'art. 67a, al. 2, CP, toutes les interdictions d'exercer une activité au sens des al. 1 à 4 de l'art. 67 CP sont pertinentes pour le registre du commerce car elles interdisent toujours à l'auteur d'exercer une «activité de manière indépendante, en tant qu'organe d'une personne morale ou d'une société commerciale ou au titre de mandataire ou de représentant d'un tiers ou de la faire exercer par une personne liée par ses instructions».

L'interdiction d'exercer en tant que médecin, enseignant ou conseiller financier enclot toujours également celle d'exercer dans ces domaines en tant qu'organe d'une personne morale ou d'une société commerciale. Si l'auteur n'occupe pas encore une fonction de ce type, il lui est interdit d'en prendre une pendant la durée de l'interdiction.

Selon l'art. 67a, al. 2, CP, l'interdiction d'exercer une activité est axée sur des situations dans lesquelles l'auteur exerce l'activité de manière indépendante, sans instructions ni contrôle d'un surveillant. Ce n'est que s'il y a lieu de craindre que l'auteur commette des infractions dans l'exercice de son activité alors même qu'il agit selon des instructions et sous contrôle que le juge lui interdit totalement l'exer9 10

RS 321.0 RS 311.1

4985

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cice de cette activité (art. 67a, al. 3, CP). Lorsque l'interdiction est prononcée en raison d'infractions d'ordre sexuel telles que celles décrites à l'art. 67, al. 3 et 4, CP, l'activité est toujours totalement interdite.

Dans ce contexte, l'interdiction d'être «organe d'une personne morale ou d'une société commerciale» est trop restrictive. Il existe dans une entreprise toutes sortes de fonctions qui peuvent être exercées de manière indépendante mais qui ne doivent pas nécessairement être remplies par un organe, par exemple celle de directeur, de gérant d'une succursale ou celles exercées par les personnes ayant un droit de signature ou une procuration. La notion d'indépendance doit être interprétée au sens large.

Toutes les fonctions qui peuvent être exercées de manière indépendante ne doivent pas être inscrites au registre du commerce, mais de par leur nature, elles tombent malgré tout sous le coup de l'interdiction d'exercer. On peut aussi partir du principe que toutes les fonctions inscrites au registre du commerce recouvrent les activités indépendantes au sens de l'art. 67a, al. 2, CP et sont concernées par l'interdiction.

L'effet de publicité du registre du commerce permet aux tiers de savoir si une personne agit pour une entité juridique et peut la représenter, et si elle possède ainsi un certain pouvoir de représentation indépendant.

C'est pourquoi l'on propose de préciser l'étendue de l'interdiction d'exercer une activité en vertu de l'art. 67a, al. 2, CP: l'interdiction doit valoir pour toutes les activités exercées dans le cadre d'une fonction qui doit être inscrite au registre du commerce. Une précision similaire est proposée pour l'interdiction d'exercer une activité en vertu de l'art. 50a, al. 2, CPM même si l'importance de cet article dans la prévention de l'usage abusif de la procédure de faillite est moindre.

On ne touchera toutefois pas à l'art. 16a, al. 1, DPMin. Dans cet article, l'interdiction d'exercer une activité est formulée de manière ouverte afin d'accorder une grande marge de manoeuvre aux autorités pénales des mineurs. Par exemple, cet article ne distingue pas l'activité dépendante de l'activité indépendante et ne mentionne pas l'activité en tant qu'organe d'une personne juridique. On renonce de ce fait à lui apporter la même précision qu'aux art. 67a, al. 2,
CP et 50a, al. 2, CPM.

L'interdiction en vertu de l'art. 16a, al. 1, DPMin a toutefois aussi son importance par rapport au registre du commerce. Les modifications apportées dans le droit du registre du commerce et du casier judiciaire en tiendront aussi compte.

Pour garantir qu'une personne ne reste pas inscrite au registre du commerce alors que sa fonction est incompatible avec l'interdiction d'exercer une activité, l'autorité fédérale de haute surveillance du registre du commerce, l'Office fédéral du registre du commerce (OFRC), recevra l'obligation d'effectuer des vérifications à ce sujet.

Une communication efficace permettra aussi de garantir que cette vérification puisse se faire sans que l'OFRC ne doive déployer des efforts disproportionnés.

S'il soupçonne une violation de l'interdiction, l'OFRC informera aussi les autorités de poursuite pénale conformément à l'art. 22a de la loi du 24 mars 2000 sur le personnel de la Confédération11. Ces dernières sanctionnent les infractions en application de l'art. 294 CP. Des dénonciations rigoureuses devraient avoir un effet préven11

RS 172.220.1

4986

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tif important. Grâce à elles, les infractions contre les interdictions pénales d'exercer une activité qui entrent dans le champ d'application du registre du commerce feront figure d'exception. Le fait que le contrôle ne s'effectuera qu'a posteriori ne devrait ainsi pas avoir de conséquences négatives.

3.1.2

Recherche de personnes physiques

Il sera possible de rechercher les personnes physiques inscrites au registre du commerce. La recherche s'effectuera sur le site Internet de l'index central des raisons de commerce (Zefix)12. Ce site permet aux utilisateurs de lancer une recherche par entité juridique ou par publication dans la Feuille officielle suisse du commerce.

La création d'une base de données centrale des personnes a été décidée dans le cadre de la modification du code des obligations (droit du registre du commerce) du 17 mars 201713. Cette base de données contient des informations sur les personnes physiques inscrites au registre du commerce, et plus particulièrement sur leur fonction au sein d'une entreprise. L'utilisation du numéro AVS permettra de saisir les données des personnes physiques de manière uniforme dans les registres du commerce cantonaux et permettra d'identifier ces personnes dans toute la Suisse14.

Le projet vise à rendre possible l'interrogation des informations publiques de la base de données centrale des personnes via le site Zefix. Le numéro AVS n'apparaîtra toutefois pas dans les résultats de la recherche et ne pourra pas non plus être utilisé comme critère de recherche. Il servira uniquement à identifier les personnes en arrière-plan et ne sera pas rendu public15.

Les données publiques sur les personnes physiques seront mises en lien avec les données relatives aux entités juridiques. Cela permettra au public de savoir dans quelle entité juridique et à quelle fonction la personne recherchée a été inscrite au registre du commerce. Cela permettra aussi de savoir si cette personne est ou était inscrite au registre du commerce pour une entité juridique sur laquelle une procédure de faillite a été ouverte. La recherche de personnes physiques sert à obtenir des informations sur le parcours économique d'éventuels partenaires contractuels ainsi que sur leur implication dans des procédures de faillite. Sur la base des résultats obtenus, la personne ou l'entreprise intéressée par une relation d'affaires peut ensuite évaluer si elle est prête à établir une telle relation avec cette personne. Cette possibilité de recherche devrait aussi avoir un effet dissuasif pour ceux qui provoquent des faillites volontairement, et à répétition. Ce type de comportement pourra être détecté au moyen d'une simple recherche.
Les autorités pourront elles aussi rechercher des personnes physiques et utiliser ces recherches pour exécuter leurs tâches efficacement. Ces recherches permettent par exemple à un tribunal pénal de vérifier dans quelles sociétés l'auteur exerce ou exer12 13 14 15

www.zefix.admin.ch FF 2017 2259 Message du 15 avril 2015 concernant la modification du code des obligations (droit du registre du commerce), FF 2015 3255 3262.

Message du 15 avril 2015 concernant la modification du code des obligations (droit du registre du commerce), FF 2015 3255 3274.

4987

FF 2019

çait et quelle y est ou était sa fonction. Le juge peut ainsi avoir une image d'ensemble des activités économiques de l'auteur et prononcer une interdiction d'exercer une activité spécifique en vertu de l'art. 67 CP.

3.1.3

Nullité du transfert du cadre d'actions

Il faut codifier la jurisprudence de longue date du Tribunal Fédéral quant au transfert des cadres d'actions (ou manteaux d'actions) afin de pouvoir lutter contre le «fossoyage» organisé de sociétés.

Les sociétés réduites à un cadre d'actions sont des sociétés liquidées dans les faits, sans aucune activité économique et dont il ne subsiste plus que le cadre ou manteau d'actions. Depuis des décennies, le Tribunal fédéral considère que l'achat d'un cadre d'actions est un acte juridique nul16. Dans la pratique, tous ne connaissent pas ce fait et certains l'ignorent sciemment. Des annonces pour la vente d'entreprises réduites à un cadre d'actions apparaissent souvent dans les journaux ou sur Internet. Les acheteurs et les vendeurs de ces manteaux d'actions veulent s'épargner les coûts de la liquidation, de la radiation et de la création d'une nouvelle société et faire des économies d'impôts et de temps. Le transfert du cadre d'actions permet en outre à l'acheteur de profiter du nom, déjà connu, de la société17.

Le transfert de cadres d'actions sert aussi au «fossoyage» organisé de sociétés. Il s'agit typiquement de chefs d'entreprise qui ne peuvent plus payer leurs factures ou dont l'entreprise est déjà surendettée. Dans cette période difficile, ils recourent à l'aide de sortes d'«entremetteurs». Avant que la faillite soit déclarée, cet «entremetteur» sert d'intermédiaire entre le chef d'entreprise et un «fossoyeur d'entreprises» en échange de quelques milliers de francs. Ce dernier s'engage à reprendre la société au bord de la faillite moyennant le versement d'une indemnité. L'«entremetteur» conseille aussi le chef d'entreprise et le «fossoyeur» sur la manière dont ils pourront tirer un maximum de profit grâce à ce procédé. Le chef d'entreprise essaiera éventuellement de diminuer les actifs de sa société désormais réduite à son cadre d'actions avant son transfert en la vidant et déplaçant tout le matériel et les appareils encore utilisables vers une société à cet effet. Il augmentera peut-être aussi les dettes de sa société ou commandera des marchandises pour son usage personnel au nom de la société surendettée.

16

17

Arrêt du Tribunal fédéral 4C.19/2001 du 25 mai 2001; ATF 123 III 473, consid. 5c); 80 I 60 consid. 2a); 80 I 30 consid. 1; 67 I 36 s.; 65 I 139 consid. 3; 64 II 361, consid. 1; 55 I 134 ss.

Carl Baudenbacher, art. 620 no 8, in: Honsell, Heinrich/Vogt, Nedim Peter/Watter, Rolf (éd.), Basler Kommentar Obligationenrecht II. 4e édition, Bâle 2012. Gaspard Couchepin, Le transfert d'actions d'une société dormante (Manteau d'actions): Situation actuelle et perspectives, in SJ 2014 II p. 202; Florian S. Jörg, Gründerhaftung: Vorratsgründung und Mantelhandel, Mantelhandel in Entwicklungen im Gesellschaftsrecht IX, Kunz Peter V./ Florian, S. Jörg/Arter, Oliver (éd.), Berne 2014, p. 61 ss; Peter Jung, Art. 620 no 78, in: Zürcher Kommentar Die Aktiengesellschaft, Allgemeine Bestimmungen, art. 620 à 659b CO, 2e édition, Zurich 2016; Duri F. Prader, die Vorrats- oder Mantelgesellschaft im schweizerischen Aktienrecht, thèse, Fribourg 1995, p. 15 ss.

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De plus, les documents commerciaux de l'entreprise seront effacés au moment du transfert afin de détruire les preuves, pour que l'on ne puisse par la suite plus être en mesure de connaître la situation financière réelle de l'entreprise et surtout que l'on ne puisse plus savoir depuis quand elle était surendettée. Dès que le «fossoyeur d'entreprises» est inscrit au registre du commerce comme organe de la société, il déplace généralement le siège dans un autre canton et modifie le but de la société et sa raison sociale. Au lieu de liquider cette carcasse de société, il retarde le moment de sa faillite et effectue des achats au nom de cette dernière sans payer les factures.

De plus, les employés ou les caisses de compensation sont aussi souvent lésés lorsque le chef d'entreprise n'a pas transféré les retenues sur les salaires18.

Tout ce processus sert à l'enrichissement personnel des chefs d'entreprise, des «fossoyeurs d'entreprises» et des «entremetteurs». Il a aussi pour conséquence le fait que les créanciers ne peuvent plus, ou plus que très difficilement, saisir les valeurs patrimoniales de la société. Si l'entreprise est finalement mise en faillite, cette faillite est en règle générale suspendue immédiatement faute d'actif.

Le projet créé dans le code des obligations une base légale établissant explicitement la nullité de ces manoeuvres visant à contourner la loi. Cela permet d'une part de sensibiliser davantage à ce sujet et cela montre d'autre part aux sociétés concernées, et en particulier à leurs organes, que la conclusion de telles manoeuvres peut constituer une violation des devoirs de vigilance et de fidélité. Dans l'ensemble, les dispositions légales proposées ne vont toutefois pas plus loin que la jurisprudence du Tribunal fédéral.

3.1.4

Abolition de l'opting-out rétroactif

Les sociétés anonymes soumises à l'obligation d'effectuer un contrôle restreint mais dont l'effectif compte au maximum dix emplois à plein temps en moyenne annuelle peuvent renoncer à ce contrôle moyennant le consentement de l'ensemble de leurs actionnaires. Ce procédé est appelé l'opting-out. Selon le droit en vigueur, une déclaration d'opting-out déploie ses effets immédiatement. Si la déclaration est faite avant l'expiration du délai de six mois suivant la clôture de l'exercice et avant l'approbation des comptes annuels du dernier exercice, la société n'est plus soumise à l'obligation de faire réviser les comptes de l'exercice clôturé par un organe de révision. La réquisition d'inscription de l'opting-out au registre du commerce cantonal ne peut être déposée qu'après un délai de six mois et après l'approbation des comptes annuels par l'assemblée générale19.

18

19

Daniel Nussbaumer, Mit neuen Methoden gegen Konkursverschleppungen ­ wie sich Strafverfolger, Handelsregister-, Betreibungs- sowie Notariats- und Konkursbeamte im Kampf gegen Misswirtschaft gegenseitig unterstützen können, in: Blätter für Schuldbetreibung und Konkurs, 4/2016, p. 125 ss.

Communication OFRC 2/09 du 2 juillet 2009, ch. 2.1; communication OFRC 2/08 du 28 novembre 2008, ch. 1; Peter Böckli, Schweizer Aktienrecht, 4 e édition, Zurich 2009, § 15 no 528; Florian Zihler, 62 no 14, in Siffert, Rino/Turin Nicholas (éd.), Stämpflis Handkommentar, Handelsregisterverordnung (HRegV), Berne, 2012.

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En pratique, on a constaté que certaines sociétés qui disposent d'un organe de révision d'après le registre du commerce recouraient à l'opting-out rétroactif en procédant par exemple de la façon suivante: ­

l'organe de révision vérifie les comptes annuels mais émet toutefois certaines réserves dans son rapport;

­

l'organe de révision signale dans son rapport que l'entreprise est surendettée au sens de l'art. 725, al. 2, du code des obligations (CO)20 et que le conseil d'administration doit déposer le bilan de l'entreprise auprès du juge, faute de quoi l'organe de révision le ferait à sa place, ou il signale la présence de signes montrant que l'entreprise pourrait être surendettée, mais elle refuse de présenter ses comptes à l'organe de révision; ou

­

l'organe de révision s'est retiré pendant l'exercice.

Dans ce contexte, les actionnaires décident de l'opting-out avant la fin du délai de six mois prévu pour la tenue de l'assemblée ordinaire. Toutefois, la société ne signale pas immédiatement la radiation de l'organe de révision à l'office du registre du commerce. L'organe de révision reste donc inscrit au registre du commerce.

L'assemblée générale approuve ensuite les comptes annuels. Au moment de l'approbation des comptes, la société n'a plus d'organe de révision. L'assemblée générale en élit par la suite un nouveau et ne communique qu'à ce moment-là la radiation de l'ancien organe et l'élection du nouvel organe à l'office du registre du commerce.

L'extrait du registre du commerce montre que les actionnaires ont élu un nouvel organe de révision. Rien ne permettra de penser qu'au moment d'approuver les comptes, la société n'avait pas d'organe de révision et qu'elle a peut-être approuvé des comptes non révisés.

Le projet prévoit que l'opting-out ne puisse déployer ses effets que pour l'exercice suivant. Il ne sera plus possible de procéder à un opting-out rétroactif, même pour l'exercice en cours.

3.1.5

Droit des créanciers de choisir la continuation de la poursuite

Certains cas d'abus montrent que, selon le droit en vigueur, les entreprises qui renoncent systématiquement à payer leurs dettes de droit public telles que les impôts ou les primes de l'assurance-accidents obligatoire, peuvent malgré tout poursuivre leurs activités. Or, les administrations des contributions, en vertu de l'art. 43, ch. 1, et la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), en vertu de l'art. 43, ch. 1bis, LP, ne peuvent pas requérir l'ouverture d'une faillite. Cela peut malheureusement encourager les entreprises surendettées à ne pas payer leurs dettes de droit public afin de pouvoir désintéresser leurs autres créanciers. En poursuivant leurs activités, ces entreprises abusent du droit de la faillite et créent une distorsion de la concurrence. Le fait que, dans ce genre de cas, la faillite est ouverte trop tard, ou qu'aucune faillite n'est ouverte, a également des conséquences négatives en ma20

RS 220

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tière d'indemnisation des employés en cas d'insolvabilité. Le Conseil fédéral avait donc proposé dans l'avant-projet d'abroger purement et simplement les ch. 1 et 1bis de l'art. 43 LP et de soumettre les créances en question à la poursuite par voie de faillite.

Les résultats de la procédure de consultation ont toutefois montré que les corporations de droit public concernées refusaient cette mesure. La saisie est en effet souvent plus avantageuse que la faillite pour les créanciers. Ces corporations ont aussi exprimé la crainte que la modification proposée n'induise une augmentation des coûts pour les offices des faillites et les créanciers et qu'elle ne rallonge la durée de la procédure. Enfin, la faillite sans poursuite préalable requise contre un débiteur qui a suspendu ses paiements (art. 190, al. 1, ch. 2, LP) constitue déjà un moyen approprié de requérir la faillite contre les débiteurs récalcitrants. Les acteurs privés ont pour leur part accueilli cette proposition favorablement.

Dans un esprit de compromis et pour tenir compte des intérêts de tous, le Conseil fédéral propose aux créanciers de droit public de choisir si la poursuite doit se continuer par voie de saisie ou par voie de faillite. La mise en place d'une telle possibilité a aussi été proposée lors de la consultation.

Si la saisie est infructueuse, il devrait en outre être possible de requérir la faillite sans poursuite préalable auprès du tribunal compétent au moyen de l'acte de défaut de biens: l'art. 190 LP est complété en ce sens.

3.2

Mesures dans différents projets législatifs en cours

Depuis le dépôt de la motion Hess (11.3925) le 29 septembre 2011, le Conseil fédéral a déjà prévu des mesures visant à prévenir les faillites abusives dans plusieurs projets législatifs en cours ou achevés. Ces mesures sont décrites brièvement aux points suivants.

3.2.1

Révision du droit de la société anonyme

Le Conseil fédéral a adopté le message concernant la révision du code des obligations (droit de la société anonyme)21 le 23 novembre 2016. Le projet est en cours de traitement au Parlement. Dans le cadre de cette révision, le Conseil fédéral a proposé différentes mesures portant aussi sur la prévention de l'usage abusif de la faillite visant à renforcer les droits des créanciers des sociétés concernées.

Révision du droit de l'assainissement Le Conseil fédéral a notamment proposé de réviser le droit de l'assainissement. Les modifications touchent principalement les art. 725 à 725c P-CO. Cette révision a pour but de préciser et compléter les obligations des entreprises et de leurs conseils d'administration pour que des mesures d'assainissement puissent être prises le plus 21

Message du 23 novembre 2016 concernant la modification du code des obligations (droit de la société anonyme, FF 2017 353.

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tôt possible. Le Conseil fédéral propose la création de «systèmes d'alerte précoce» dans le but de rendre le conseil d'administration plus attentif aux liquidités et à la couverture du capital, en élargissant d'une part sa marge de manoeuvre et en précisant d'autre part ses obligations.

Modification de la disposition sur l'opting-out Le Conseil fédéral a proposé de modifier la disposition portant sur l'opting-out. Il ne sera plus possible de recourir à ce procédé si les statuts prévoient la possibilité de verser des dividendes intermédiaires. Avec la marge de fluctuation du capital, les statuts peuvent uniquement prévoir une éventuelle augmentation de capital, autrement, l'opting-out est exclu22.

Précision et adaptation de l'action en restitution Le projet prévoit aussi des améliorations ponctuelles de l'action en restitution afin de la rendre plus efficace. L'action en restitution permet d'annuler les transferts d'actifs sociaux injustifiés à des actionnaires, des membres du conseil d'administration et à des personnes qui leur sont proches. Elle protège, de manière préventive et répressive, les droits de propriété des actionnaires et les intérêts des créanciers. En effet, l'action en restitution protège les fonds de la société servant de garantie aux créanciers. Le projet prévoit en particulier un renforcement de la position de ces derniers en leur accordant la qualité pour agir pour autant que les prestations en question aient été accordées au sein d'un groupe23.

État des délibérations au Parlement Les modifications évoquées ci-dessus n'ont pour l'heure rencontré qu'un écho limité au Parlement. Le 15 juin 2018, le Conseil national a en partie édulcoré les propositions de révision du droit de l'assainissement. Il a aussi rejeté la modification de la disposition portant sur l'opting-out et la disposition donnant aux créanciers la qualité pour agir en restitution. La décision du Conseil des États est à l'ordre du jour de la session d'été 2019.

3.2.2

Modernisation du droit du registre du commerce

Le 15 avril 2015, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la modification du code des obligations (droit du registre du commerce) 24 visant à moderniser en certains points le registre du commerce. Les deux Chambres du Parlement ont adopté le projet le 17 mars 201725. La date de l'entrée en vigueur de la modification n'a toutefois pas été fixée. Plusieurs mesures visant à lutter contre l'usage abusif de la faillite ont été incluses dans le projet.

22 23 24 25

Message du 23 novembre 2016 concernant la modification du code des obligations (droit de la société anonyme), FF 2017 353 527.

Message du 23 novembre 2016 concernant la modification du code des obligations (droit de la société anonyme), FF 2017 353 477.

Message du 15 avril 2015 concernant la modification du code des obligations (droit du registre du commerce), FF 2015 3255.

FF 2017 2259

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Ouverture de la faillite dans le cadre de la procédure consécutive aux carences dans l'organisation de la société Lorsqu'une société ne possède pas tous les organes prescrits, une procédure consécutive à des carences dans l'organisation s'ouvre en vertu de l'art. 731b CO. Même si la société est surendettée, cette procédure n'entraîne pas de mise en faillite. En conséquence, on refuse aux créanciers la possibilité d'ouvrir une action en responsabilité contre les membres du conseil d'administration, contre la gérance ou contre les personnes chargées de la liquidation de la société (art. 757 CO). En plus, si aucune faillite n'est ouverte, les condamnations pénales pour crimes ou délits dans la faillite (art. 165 ss CP) échouent en raison de la non-réalisation de la condition objective de punissabilité que représente l'ouverture de la faillite.

Selon le nouvel al. 4 de l'art. 731b nCO, les liquidateurs nommés en vertu des dispositions sur la faillite devront informer le tribunal dès lors qu'ils constateront un surendettement de la société. Le tribunal déclarera ensuite la faillite de la société.

Carences dans l'organisation: perte du domicile L'absence du domicile ou du domiciliataire pour les personnes morales et les sociétés de personnes sera dorénavant considérée comme une carence dans l'organisation impérativement prescrite par la loi.

Si l'invitation de l'office du registre du commerce de pallier la carence est infructueuse, celui-ci transmettra l'affaire au tribunal. Le tribunal prendra alors les mesures nécessaires, pouvant aller jusqu'à la liquidation de la société. Une faillite pourra aussi être ouverte lorsque les liquidateurs constateront un surendettement et en informeront le tribunal de la faillite.

3.2.3

Révision de l'ordonnance sur le registre du commerce

L'ordonnance du 17 octobre 2007 sur le registre du commerce (ORC)26 est aussi modifiée dans le cadre de la modernisation du droit du registre du commerce. Le Conseil fédéral a mis le projet en consultation le 20 février 2019.

Dans le cadre de cette modification, il propose de faciliter l'application du droit en cas de cession d'un droit conformément à l'art. 260 LP. Selon le droit en vigueur, une société dont la faillite a été suspendue faute d'actif est radiée du registre du commerce trois mois après la publication de la suspension de la procédure. Cela peut conduire à ce qu'un créancier soit «dépouillé» de la société contre laquelle il agissait ou entendait agir. En comparaison, une réinscription de la société radiée est relativement complexe.

C'est pourquoi le Conseil fédéral propose que le délai pour la radiation de la société faillie soit porté de trois mois à deux ans afin qu'il corresponde à celui prévu à l'art. 230, al. 3, LP. Les poursuites seront ainsi plus efficaces, elles qui peuvent

26

RS 221.411

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FF 2019

aujourd'hui être contrecarrées par la rapidité de la radiation. En outre, le fait de rallonger le délai avant la radiation joue un rôle important dans l'information des tiers.

3.3

Options étudiées

À l'issue de la consultation, les mesures proposées par les participants ont été évaluées et plusieurs options, dont certaines sont exposées ci-dessous, ont été étudiées en profondeur.

3.3.1

Révision du droit de l'assainissement

Les art. 725 et 725a CO visent à garantir que les organes d'une société anonyme demandent au tribunal un sursis ou requièrent l'ouverture de la faillite suffisamment tôt, lorsque la société a encore assez d'avoirs pour couvrir autant de dettes que possible.

La proposition de modification du droit de l'assainissement déposée par le Conseil fédéral dans le cadre de la révision du droit de la société anonyme est encore en cours de délibération parlementaire. Une nouvelle proposition de modification du droit de l'assainissement n'entre de ce fait pas en ligne de compte.

3.3.2

Abolition du système d'opting-out et introduction de l'obligation de publication des comptes annuels

L'opting-out est très apprécié. En 2018, environ 86 % des nouvelles sociétés anonymes (SA) et 98 % des nouvelles sociétés à responsabilité limitée (Sàrl) ont choisi de ne pas avoir d'organe de révision27. Dans les faits, les PME ne sont désormais plus soumises à une obligation légale de révision.

Sans obligation de révision, rien ne garantit que la société tient des comptes. Sans comptabilité, la société n'est pas en mesure d'apprécier sa situation économique et ne peut pas non plus remplir les obligations du droit de l'assainissement. Si le surendettement n'est pas signalé au tribunal suffisamment tôt, il ne reste plus de fonds de la société pour effectuer un assainissement. La masse de la faillite pourrait ne plus suffire pour couvrir les coûts d'une procédure de faillite sommaire, ce qui entraînerait une suspension de la faillite faute d'actif. Ce sont les créanciers qui supportent le préjudice.

Comme alternative à la suppression de l'opting-out, on a étudié la possibilité d'introduire une obligation, pour toutes les sociétés, de publier leurs comptes annuels. Par exemple, les comptes annuels devraient être transmis à l'office du registre du commerce compétent et celui-ci publierait les documents sur Internet. On pourrait aussi limiter l'obligation de publication aux sociétés ayant profité de l'opting-out. Une 27

Les chiffres proviennent d'une évaluation interne effectuée par l'OFRC.

4994

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telle obligation permettrait d'identifier suffisamment tôt si la société déroge à l'obligation de tenir une comptabilité et, le cas échéant, d'entamer une procédure pénale.

Les sociétés de capitaux établies dans un État membre de l'UE sont aussi soumises à l'obligation de publier leurs états financiers et les rapports afférents28.

Compte tenu de la forte popularité de l'opting-out, supprimer totalement cette possibilité et instaurer une obligation de publication des comptes annuels semble, pour l'heure, peu envisageable du point de vue politique, même si cette mesure serait nécessaire sur le fond. C'est pourquoi il a été renoncé à ces deux options et proposé, à la place, d'abroger l'opting-out rétroactif.

3.3.3

Interdiction d'inscription au registre du commerce

La création d'une autre interdiction a aussi été étudiée. Il s'agirait d'interdire à une personne d'être inscrite au registre du commerce dans une fonction exécutive lorsque, à plusieurs reprises, des faillites ont été déclarées à l'encontre de sociétés au moment où cette personne exerçait son «mandat» au sein de l'organe de direction ou d'administration. Il devrait en être de même lorsque les créanciers ont subi un important préjudice au moment de la faillite d'une entreprise dans laquelle la personne exerçait une fonction au sein de la direction ou de l'administration. Pour ces cas de figure, on a à la fois étudié la possibilité d'une dissolution automatique de la société et la possibilité que le tribunal ordonne une telle interdiction.

En considération de la liberté économique, il serait particulièrement difficile de définir les éléments de faits qui motivent l'interdiction. Les personnes concernées doivent continuer de pouvoir déclarer faillite sans que leur vie professionnelle n'en pâtisse trop. L'objectif de la faillite est justement de permettre de tirer un trait.

En outre, le droit civil ne connaît pas d'interdictions d'exercer une profession liée à une personne. En revanche, les interdictions d'exercer une activité existent en droit pénal et en droit des marchés financiers. Il s'impose de partir de l'interdiction de droit pénal. Pour l'exécution des interdictions, des mesures de droit civil et administratif pourront être prises.

3.3.4

Mesures de droit pénal

Pour prévenir l'usage abusif de la procédure de faillite, le Conseil fédéral a aussi envisagé des mesures de droit pénal, en particulier liées à l'interdiction d'exercer une activité de l'art. 67 CP. Il a été examiné si cette interdiction était appropriée pour prévenir les faillites abusives et dans quelle mesure elle pourrait être complétée.

28

Directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, JO L 182 du 29.6.2013, p. 19; art. 30.

4995

FF 2019

En vertu de l'art. 67, al. 1, CP, le juge peut prononcer une interdiction d'exercer une activité pour une durée maximale de cinq ans contre les personnes ayant commis un crime ou un délit. Le failli n'est pas puni pour les faillites abusives dans le cadre desquelles aucune infraction pénale n'a été commise. L'interdiction d'exercer une activité ne porte que sur les cas où un crime ou un délit lié à la faillite abusive a été commis, par exemple une fraude, une infraction dans la faillite ou une infraction fiscale.

L'interdiction d'exercer une activité pourrait avoir davantage d'impact si la faillite abusive devenait une infraction pénale en soi. Or, la faillite abusive revêt plusieurs facettes qu'il est difficile de décrire dans une définition générale. C'est la pierre d'achoppement dans la recherche de mesures efficaces pour lutter contre les faillites abusives. L'autre problème qui se pose dans le cadre de l'interdiction d'exercer une activité est que cette interdiction est rarement contrôlée et mise en oeuvre par les autorités d'exécution pénale. Dans une large mesure, l'exécution est laissée à des organismes privés qui peuvent, par exemple, demander à un employé un extrait de son casier judiciaire sur lequel peut éventuellement figurer une condamnation ou une interdiction d'exercer une activité.

Un autre problème provient du fait que, la plupart du temps, les interdictions d'exercer ne peuvent pas être mises en oeuvre dans le registre du commerce. Actuellement, on peut uniquement les reporter dans le registre du commerce lorsqu'elles concernent une fonction au sein d'une société inscrite et que le jugement a été annoncé à l'office du registre du commerce compétent. En revanche, il est impossible d'appliquer une interdiction générale d'exercer une fonction au sein d'une entreprise. En outre, on ne peut pas effectuer de recherche de personne dans le registre du commerce en vue de radier celles qui sont frappées d'une interdiction d'exercer une activité.

Il n'est donc pas nécessaire d'instituer une nouvelle interdiction pénale de requérir l'inscription au registre du commerce. Des mesures doivent toutefois être prises pour que l'interdiction d'exercer une activité ordonnée par le juge, portant sur l'exercice d'une fonction précise au sein d'une société, puisse être appliquée dans le registre du commerce. Il faut établir un lien entre le droit pénal et le droit du registre du commerce.

4

Commentaire des dispositions

4.1

Mesures dans le code des obligations

4.1.1

Droit des sociétés

Art. 684a

Nullité du transfert du cadre d'actions

L'art. 684a P-CO proposé prévoit explicitement la nullité du transfert du cadre d'actions: d'après cette disposition, le transfert d'actions est nul si la société a été liquidée et abandonnée sans dissolution préalable.

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Le Tribunal fédéral décrit le cadre d'actions comme étant une société entièrement liquidée sur le plan économique et abandonnée par les intéressés mais pas encore dissoute sur le plan juridique29. Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, il n'est plus possible de révoquer la décision de dissolution à ce stade 30. Il est en revanche obligatoire de radier la société du registre du commerce 31. L'omission de radier la société dénote une intention d'éluder les dispositions légales sur la fondation des sociétés anonymes32 ainsi qu'une violation de l'objectif de l'obligation de radiation et une entrave à cette obligation33. Le Tribunal fédéral qualifie de ce fait le transfert d'un cadre d'actions comme abusif. L'art. 684a P-CO vise à codifier la jurisprudence du Tribunal fédéral au niveau législatif.

La nullité frappe l'acte juridique, le contrat de vente ou le contrat de cession qui sert de base obligationnelle pour l'acquisition des actions. L'acquisition des actions ne peut pas servir de base à une inscription au registre du commerce 34. C'est pourquoi il faudra ajouter une nouvelle disposition à l'ORC: en cas de soupçon concret de transfert de cadre d'actions, l'office du registre du commerce pourra demander à la société concernée de remettre un bilan actuel. Si, suite à l'examen de ce bilan, l'office du registre du commerce conclut que la société est réduite à son cadre, il refusera l'inscription. Une modification du but social, un transfert du siège, un changement de raison sociale ou un changement de tous les organes d'une société sont tout autant d'indices de l'existence d'un transfert de cadre d'actions35.

Art. 727a, al. 2

Contrôle restreint

La disposition proposée vise à abolir le opting-out rétroactif à l'avenir.

L'exemple suivant sert à illustrer la modification apportée à l'article: si, au cours de l'exercice 2019, la société décide d'un opting-out et qu'elle l'annonce au registre du commerce, alors cette décision ne prendra effet qu'à partir de l'exercice 2020. Les comptes de l'exercice 2019 et ceux de l'exercice précédent doivent faire l'objet d'un contrôle restreint. Si la réquisition n'est transmise au registre du commerce que pendant l'exercice 2020, alors l'opting-out prendra seulement effet à partir de l'exercice 2021.

29

30 31 32 33 34 35

«Wirtschaftlich vollständig liquidierte und von den Beteiligten aufgegebene, juristisch aber noch nicht aufgelöste Gesellschaft»: cf. ATF 55 I 134; 64 II 361 consid. 1; arrêté du Tribunal fédéral du 4 septembre 1989, consid. 1b publ. in: SJ 1990 p. 108.

ATF 123 III 473 consid. 5c.

ATF 64 II 361 consid. 1; arrêt du Tribunal fédéral 4C.19/2001 du 25 mai 2001, consid. 2a.

ATF 55 I 134 ATF 64 II 361 consid. 1; ATF 80 I 60, consid. 3.

ATF 67 I 36 Florian S. Jörg, Gründerhaftung: Vorratsgründung und Mantelhandel, Mantelhandel in Entwicklungen im Gesellschaftsrecht IX, Kunz Peter V./Florian, S. Jörg/Arter, Oliver (éd.), Berne 2014, p. 27; Daniel Nussbaumer, Mit neuen Methoden gegen Konkursverschleppungen ­ wie sich Strafverfolger, Handelsregister-, Betreibungs- sowie Notariats- und Konkursbeamte im Kampf gegen Misswirtschaft gegenseitig unterstützen können, in: Blätter für Schuldbetreibung und Konkurs, 4/2016, p. 127.

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Il est aussi prévu d'apporter une précision à l'ORC dans l'optique de la mise en oeuvre de cette mesure. On inscrira à la rubrique «Remarques» du registre du commerce la date à partir de laquelle l'opting-out prendra effet. Si la société renonce ultérieurement à l'opting-out, cette rubrique montrera aussi à partir de quand la société sera à nouveau obligée de réviser ses comptes. Il sera possible de requérir la renonciation à l'opting-out à tout moment et il restera possible de décider de l'opting-out au moment de la création de la société, comme tel est déjà le cas.

Art. 787a

Nullité du transfert du cadre d'actions

L'art. 787a P-CO proposé prévoit explicitement la nullité du transfert du cadre d'actions dans le contexte de parts sociales d'une Sàrl: Les explications relatives à l'art. 684a P-CO sont valables par analogie.

4.1.2 Art. 928a

Droit du registre du commerce Collaboration entre les autorités

Actuellement, chaque jugement contenant une interdiction pénale d'exercer une activité est saisi dans le casier judiciaire informatisé «VOSTRA». Une fois qu'elles disposent des droits d'accès, les autorités administratives peuvent aussi être au fait de l'existence de ces interdictions.

Une interface électronique entre la base de données centrale des personnes du registre du commerce et VOSTRA permettra une comparaison efficace des données.

Cela nécessite toutefois une identification correcte des personnes dans les deux systèmes, ce qui suppose que les personnes soient identifiées au moyen de leur numéro AVS dans les deux systèmes. Ce processus devrait être achevé en 2023 pour le registre du commerce. Pour VOSTRA, l'identification des personnes sera terminée au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi du 17 juin 2016 sur le casier (LCJ)36, qui devrait aussi avoir lieu en 2023. On procédera de ce fait encore à une modification de la LCJ avant son entrée en vigueur.

L'OFRC vérifiera périodiquement, pour chaque cas, si l'interdiction d'exercer une activité est incompatible avec les inscriptions au registre du commerce. Si l'interdiction d'exercer une activité doit être reportée dans le registre du commerce, l'OFRC en informera les offices cantonaux du registre du commerce. La vérification préalable par une seule autorité garantit que seul un nombre restreint de personnes aura accès aux données du casier judiciaire dans les cas qui ne sont pas problématiques.

Afin de mettre en oeuvre que l'interdiction d'exercer une activité dans le registre du commerce, les offices cantonaux du registre du commerce demanderont à la société de prendre les mesures nécessaires. Elle pourra par exemple annoncer ou prouver que la personne concernée est radiée du registre du commerce, ou, au contraire, que la fonction de la personne est compatible avec l'interdiction d'exercer une pro-

36

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fession. Si la société refuse d'annoncer qu'une radiation est nécessaire, l'office du registre du commerce y procédera d'office.

Art. 928b

Bases de données centrales

Les recherches peuvent être effectuées gratuitement par le biais d'interrogations spécifiques, sans avoir à démontrer un quelconque intérêt. La mise en oeuvre de cette mesure nécessite aussi de modifier l'ORC afin que l'OFRC puisse mettre à disposition du public les données issues de la base de données centrale des personnes, et gratuitement.

Art. 942

Voies de droit

Le terme «autorité de haute surveillance de la Confédération» est remplacé par «autorité fédérale de haute surveillance du registre du commerce».

4.2 Art. 43

Mesures dans la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite Exceptions à la poursuite par voie de faillite

Il existe déjà des créanciers de droits publics qui souhaitent pouvoir requérir l'ouverture de la faillite sur la base de l'art. 190, al. 1, ch. 2, LP. Cela entraîne toutefois une charge de travail supplémentaire par rapport à la solution présentée dans ce projet: l'art. 43 P-LP offre aux créanciers de droit public la possibilité de déterminer s'ils souhaitent que la poursuite se continue par voie de faillite pour les prestations de droit public. Ils peuvent ainsi choisir si la poursuite doit se continuer, comme jusqu'à présent, par voie de saisie, ou par voie de faillite. Cette solution tient compte des demandes exprimées par toutes les parties concernées lors de la consultation publique.

S'ils souhaitent que la poursuite se continue par voie de faillite, les créanciers doivent le déclarer explicitement à l'office des poursuites dans leur réquisition de continuer la poursuite. En l'absence de déclaration, la poursuite se continuera par voie de saisie, comme sous le droit actuel. Les créanciers ne pourront revenir sur leur déclaration qu'en retirant la réquisition de continuer la poursuite et en en déposant une nouvelle.

Art. 190, al. 1, ch. 4

À la demande du créancier

Si un acte de défaut de biens est établi lors d'une poursuite par voie de saisie, les créanciers de droit public ont encore la possibilité de requérir la faillite auprès du tribunal a posteriori. Cela doit permettre d'éviter que les débiteurs insolvables poursuivent leurs activités, contractent de nouvelles dettes et, ainsi, que de nouveaux créanciers soient lésés. Bien entendu, les créanciers ne pourront recourir à cette possibilité que si une poursuite par voie de faillite peut être ouverte contre le débiteur en vertu de l'art. 39 LP.

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4.3

Mesures en droit pénal

4.3.1

Code pénal

Art. 67a, al. 2

Interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique / Contenu et étendue

L'al. 2 précise l'étendue de l'interdiction d'exercer une activité dans la mesure où elle ne doit pas uniquement être valable pour toutes les activités exercées par l'auteur en tant qu'«organe d'une personne morale ou d'une société commerciale», mais aussi dans une fonction devant être inscrite au registre du commerce. Étant donné que l'interdiction d'exercer une activité porte sur toutes les activités indépendantes, elle vaut aussi pour tous les organes de fait qui ne sont pas inscrits au registre du commerce.

4.3.2 Art. 50a, al. 2

Code pénal militaire Interdiction d'exercer une activité, interdiction de contact et interdiction géographique / Contenu et étendue

L'étendue de l'interdiction d'exercer une activité est précisée de la même manière qu'à l'art. 67a, al. 2, CP.

4.3.3 Art. 47, let. e

Loi sur le casier judiciaire Autorités ayant un droit de consultation en ligne de l'extrait 3 destiné aux autorités

Afin que l'OFRC puisse écarter les doutes quant à l'exactitude des données pénales communiquées dans le cadre des vérifications préalables en vertu de l'art. 928a P-CO, il doit pouvoir accéder en ligne à l'extrait 3 du casier judiciaire destiné aux autorités. Cet extrait inclut tous les jugements contenant une interdiction d'exercer une activité mais n'inclut pas de données relatives aux procédures pénales en cours.

De cette manière, l'OFRC pourra se procurer des informations supplémentaires pour gérer efficacement les cas.

Art. 64a

Communication à l'autorité fédérale de haute surveillance du registre du commerce

Périodiquement, une comparaison devra être faite entre les données enregistrées dans VOSTRA et dans la base de données centrale des personnes du registre du commerce. Les deux systèmes vérifieront de manière autonome si une personne inscrite dans VOSTRA et frappée d'une interdiction d'exercer une activité en vigueur est aussi enregistrée dans l'autre base de données. Si c'est le cas, les informations

5000

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relatives à l'interdiction d'exercer une activité seront communiquées automatiquement à l'OFRC par le «Service du casier judiciaire» de VOSTRA.

La première fois (et uniquement cette fois-là), une comparaison sera faite entre toutes les personnes inscrites dans VOSTRA pour lesquelles une interdiction d'exercer une activité est en vigueur et les personnes enregistrées dans la base de données centrale des personnes du registre du commerce. Lors des comparaisons périodiques suivantes, les systèmes seront toutefois en mesure de savoir si une communication à ce sujet a déjà été transmise sans qu'un changement ait été apporté dans un système ou l'autre dans l'intervalle. Ces doublets seront identifiés comme étant non pertinents et automatiquement écartés.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération en termes de finances et de personnel

Pour permettre la recherche de personnes dans le registre du commerce, l'application web doit être adaptée, la base de données complétée, et une interface doit être mise en place entre la base de données centrale des personnes et la base de données en ligne de Zefix. Les coûts d'investissement pour le développement du logiciel s'élèvent à environ 100 000 francs. Le Centre de services informatiques du Département fédéral de justice et police (DFJP), qui officie aussi comme fournisseur de prestations pour la base de données centrale des personnes, sera chargé du développement de l'infrastructure qui coûtera approximativement 130 000 francs. Le total des coûts d'investissements se situe ainsi aux alentours de 230 000 francs. Le supplément de travail qui en résulte ne nécessite toutefois pas que l'on augmente le personnel de la Confédération et il pourra être couvert par l'enveloppe budgétaire de l'Office fédéral de la justice.

Pour la comparaison du registre du commerce avec le casier judiciaire, les coûts de développement du logiciel d'interface et de l'infrastructure par le Centre de services informatiques du DFJP sont estimés à 120 000 francs. Le supplément de travail qui en résulte ne nécessite toutefois pas que l'on augmente le personnel de la Confédération et il pourra être couvert par l'enveloppe budgétaire de l'Office fédéral de la justice.

5.2

Conséquences pour les cantons

Le report des interdictions d'exercer une activité dans le registre du commerce et la mise en application de l'interdiction du transfert du cadre d'actions feront légèrement augmenter la charge de travail des offices cantonaux du registre du commerce, mais ils bénéficieront pour ce faire du soutien de l'OFRC.

La pression exercée sur les personnes concernées par une interdiction d'exercer une activité augmentera grâce à la comparaison des données effectuée en vue d'appliquer ces interdictions. On peut supposer que ces personnes annonceront dès lors 5001

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spontanément les changements ou radiations et les procédures de contraintes devraient rester l'exception. La charge supplémentaire des cantons devrait de ce fait rester limitée.

5.3

Conséquences économiques

Davantage de faillites seront requises contre les sociétés surendettées du fait que l'on accorde aux créanciers le droit de choisir la continuation de la poursuite à l'art. 43 LP. En effet, cela empêche les sociétés d'augmenter les préjudices portés aux créanciers de droit public. On ne peut toutefois pas estimer à quelle fréquence les créanciers feront usage de ce droit.

La recherche de personnes dans le registre du commerce apporte davantage de transparence et simplifie la collecte d'informations pour les entreprises, les créanciers, les autorités et toutes les personnes intéressées.

L'abolition de l'opting-out rétroactif apporte elle aussi davantage de transparence et renforce la protection des créanciers en permettant de savoir si les comptes d'une société font effectivement l'objet d'un contrôle.

La codification de la jurisprudence du Tribunal fédéral au sujet du transfert du cadre d'actions facilite la tâche des autorités compétentes pour lutter contre le phénomène du «fossoyage d'entreprises» organisé et aide à prévenir l'usage abusif de la faillite.

L'amélioration de l'exécution des interdictions d'exercer une activité en vertu de l'art. 67 CP offre plus de sécurité juridique pour les sociétés et toutes les autres parties concernées car les personnes frappées d'une telle interdiction seront radiées du registre du commerce.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur la compétence législative de la Confédération en vertu des art. 122 et 123 de la Constitution (Cst.)37 dans les domaines du droit civil, de la procédure civile et du droit pénal. Bien que la tenue des registres soit essentiellement de nature de droit public, le projet se fonde malgré tout sur l'art. 122 Cst. Les dispositions portant sur le registre du commerce sont étroitement liées au droit civil car elles servent à une exécution efficace et à une application uniforme du droit des associations, des fondations, des sociétés et des raisons de commerce. Le Tribunal fédéral qualifie de ce fait ces dispositions comme étant de droit public complémentaire ou de droit civil fédéral formel et considère qu'elles font partie de la législation en matière civile38.

37 38

RS 101 ATF 137 III 217, consid. 2.

5002

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6.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Le projet est sans effet sur les obligations internationales de la Suisse.

6.3

Frein aux dépenses

Le projet ne prévoit ni de nouvelles subventions occasionnant des dépenses qui dépassent l'une des valeurs limites, ni des crédits d'engagement ou plafonds de dépenses occasionnant une nouvelle dépense qui dépasse l'une des valeurs limites.

6.4

Protection des données

La base nécessaire pour instituer la possibilité pour tous d'effectuer une recherche de personnes physiques a déjà été posée lors de la création de la base de données centrale des personnes. Le numéro AVS d'une personne ne pourra toutefois pas servir pour effectuer une recherche dans la base de données Zefix.

À l'avenir, des données seront échangées au sein de l'administration en raison du lien qui sera fait entre le casier judiciaire informatisé et la base de données centrale des personnes. Les personnes seront identifiées par leur numéro AVS. La base légale nécessaire existe. Aucune interface électronique n'est prévue pour la transmission des données relatives aux personnes aux offices cantonaux du registre du commerce.

La base de données centrale des personnes et les registres cantonaux du commerce ne doivent pas devenir une copie fantôme de VOSTRA. Les extraits du registre du commerce ne doivent pas non plus indiquer si une personne est frappée d'une interdiction d'exercer une activité.

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