ad 09.528 Initiative parlementaire Financement moniste des prestations de soins Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 5 avril 2019 Avis du Conseil fédéral du 14 août 2019

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 112, al. 3, de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons sur le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 5 avril 2019 relatif à l'initiative parlementaire «Financement moniste des prestations de soins»1.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

14 août 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

1

FF 2019 3411

2019-1614

5497

FF 2019

Avis 1

Contexte

Le 11 décembre 2009, la Conseillère nationale Ruth Humbel (PDC, AG) a déposé l'initiative parlementaire 09.528 «Financement moniste des prestations de soins».

Dans le développement de l'initiative, elle estime qu'il est incontestable que certains effets pervers du système de santé sont dus aux différences entre le financement du domaine ambulatoire et celui du domaine stationnaire. Ce n'est qu'en palliant ce défaut que les soins stationnaires pourraient eux aussi être intégrés au modèle dit «de soins intégrés» (managed care), un élément clé pour la réussite de ce modèle. Pour permettre aux cantons de préserver l'influence et le contrôle qu'ils exercent sur les moyens publics, un modèle moniste pourrait être développé de telle sorte que les cantons mettent leurs moyens en oeuvre de manière ciblée et contrôlée.

Le 16 févier 2011, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a donné suite à l'initiative parlementaire par 14 voix contre 10 et 1 abstention. Le 14 novembre 2011, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) s'est ralliée à cette décision par 7 voix contre 1. La CSSS-N a chargé sa sous-commission «LAMal» d'élaborer un projet d'acte. Celle-ci s'est mise à l'ouvrage, mais a été très occupée par d'autres objets. La sous-commission «LAMal» a été dissoute à l'issue de la 49e législature. Le 23 août 2016, la nouvelle sous-commission «Financement moniste» a entamé ses travaux et élaboré un projet qui a été approuvé par la CSSS-N le 19 avril 2018, par 15 voix contre 7. Ce texte a ensuite fait l'objet d'une procédure de consultation.

Le 24 janvier 2019, la commission a été informée des résultats de la consultation et a chargé la sous-commission de procéder à une analyse approfondie. En même temps, elle a décidé, par 20 voix contre 3 et 1 abstention, de déposer le postulat de la CSSS-N 19.3002 «Soins et financement uniforme de prestations stationnaires et ambulatoires», lequel charge le Conseil fédéral d'examiner, avec les cantons, les assureurs et les fournisseurs de prestations, si les soins visés à l'art. 25a de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur l'assurance-maladie (LAMal)2. Dans sa réponse du 27 février 2019, le Conseil fédéral propose d'accepter le postulat. Le Conseil national a adhéré à cette
proposition le 14 mars 2019 par 135 voix contre 36 et 6 abstentions. La CSSS-N s'est penchée sur son projet d'acte et sur le rapport explicatif le 5 avril 2019 et a approuvé le projet par 15 voix contre 7 et 2 abstentions lors du vote sur l'ensemble.

2

RS 832.10

5498

FF 2019

2

Avis du Conseil fédéral

2.1

Appréciation générale de l'initiative parlementaire

Le Conseil fédéral a déjà eu l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur le financement uniforme de prestations ambulatoires et stationnaires au sens de la LAMal, par exemple, dans son avis sur la motion du Groupe vert'libéral 18.3295 «Financement uniforme des prestations ambulatoires et des prestations avec hospitalisation», ses réponses à l'interpellation Heim 16.3800 «Coûts de la santé. Exploiter le grand potentiel d'économies d'un financement uniforme des prestations ambulatoires et hospitalières» et au postulat Cassis 15.3464 «Loi sur l'assurance-maladie.

Feuille de route pour désenchevêtrer les rôles que jouent les cantons» et dans son avis sur la motion du Groupe PDC 13.3213 «Même financement pour les prestations en milieu hospitalier et les prestations ambulatoires». À chaque fois, il s'est déclaré favorable au principe du financement uniforme, tout en précisant qu'une réforme du système devait s'effectuer en concertation avec les cantons et s'accompagner de mesures complémentaires pour déployer pleinement son potentiel.

En finançant différemment les prestations ambulatoires et stationnaires, la réglementation actuelle induit des évolutions non désirées. Aujourd'hui, avec cette différence de financement, les assureurs ne sont incités à encourager le transfert de prestations de l'hospitalier vers l'ambulatoire que si les prestations ambulatoires sont au moins 55 % meilleur marché que les prestations stationnaires. Dans les autres cas, des économies substantielles sont en général réalisées pour la société, mais les coûts que les assureurs doivent prendre en charge augmentent. Le transfert des traitements stationnaires vers le domaine ambulatoire tend à alourdir la charge financière des payeurs de primes. L'allègement qui en résulte pour les cantons n'est compensé qu'en partie par la charge leur incombant au titre du financement résiduel des soins en EMS et à domicile. L'un des objectifs de la stratégie «Santé 2020» du Conseil fédéral est que la part des prestations LAMal financées au moyen des recettes fiscales ne diminue pas.

La différence de financement incite aussi les assureurs et les cantons à négocier les tarifs avec les fournisseurs de prestations de manière à ce que ceux-ci transfèrent des prestations dans les domaines de prestations privilégiés par les assureurs,
respectivement les cantons. Des tarifs adéquats sont toutefois essentiels si l'on veut que les fournisseurs de prestations choisissent entre un traitement ambulatoire et un traitement stationnaire sur la base de critères médicaux et dans une optique d'efficience pour l'ensemble de la société plutôt qu'en fonction de leurs propres intérêts financiers. La situation actuelle tend à ralentir le transfert, souhaité, de soins stationnaires vers l'ambulatoire et peut ainsi entraîner des coûts inutilement élevés.

Dans le système de financement actuel, le potentiel résultant de la coordination des soins ne se réalise qu'en partie (coûts, qualité et soins). Par exemple, lorsque des traitements ambulatoires intensifs permettent d'éviter des hospitalisations coûteuses, ce modèle d'assurance n'est pas aussi intéressant du point de vue des payeurs de primes qu'il l'est en termes de coûts totaux. Les économies réalisées dans le domaine hospitalier profitent principalement aux cantons et en partie seulement aux assurés, alors que les éventuels coûts supplémentaires dans le domaine ambulatoire

5499

FF 2019

sont entièrement à la charge de ceux-ci. Cet aspect peut limiter l'intérêt des assurés pour des modèles d'assurance avantageux.

Globalement, un certain nombre d'éléments importants parlent en faveur d'un financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires. Un tel changement du financement constituerait toutefois une grande réforme, et devrait être appréhendé avec la prudence requise du fait des nombreuses interactions en jeu. Le rapport de la CSSS-N ne permet pas de présenter une solution adaptée à toutes les questions ouvertes. Les intérêts des cantons, en particulier, n'ont pas été suffisamment pris en compte lors de l'élaboration du projet, bien que cela soit essentiel pour rallier une majorité à un projet d'une telle ampleur, point sur lequel le Conseil fédéral a toujours insisté.

La CSSS-N propose une modification de la loi qui vise à encourager le transfert de prestations du secteur stationnaire vers le secteur ambulatoire et à rendre la coordination des soins plus attrayante. Il s'agit également de stabiliser les parts financées respectivement par les impôts et par les primes pour les prestations couvertes par la LAMal, dans un premier temps à l'exclusion des soins dispensés en EMS et à domicile. Les agents de financement, à savoir les assureurs et les cantons, devraient ainsi être incités à faire davantage d'efforts en vue d'instaurer, avec les fournisseurs de prestations, une tarification adéquate dans tous les domaines de prestations. Les prestations étant financées de manière uniforme, les deux agents de financement n'ont plus d'intérêt à viser des tarifs trop élevés ou trop bas dans les domaines stationnaire ou ambulatoire et, par conséquent, à forcer ou freiner un transfert des prestations entre les deux secteurs.

La réglementation proposée peut contribuer à éliminer les incitations inopportunes en matière de tarification et à favoriser le transfert de prestations du secteur stationnaire vers le secteur ambulatoire lorsque cela se justifie sur le plan médical et économique. Elle devrait également participer à un renforcement des soins coordonnés, qui auront alors un impact positif plus marqué sur les primes et permettront d'effectuer des économies. En outre, le projet garantit que la part des prestations LAMal financées par les recettes fiscales ne va pas diminuer. Le
Conseil fédéral est donc favorable, sur le principe, à la réglementation proposée.

Le rapport de la CSSS-N ne prend pas assez en considération des thèmes importants du projet de loi et les interdépendances potentielles, en particulier, les possibilités de pilotage pour les cantons et les interactions avec le domaine des assurances complémentaires. À cet égard, certains points méritent d'être améliorés dans la perspective du débat parlementaire et pour rallier une majorité. Les différents points ouverts doivent être examinés soigneusement, en tenant compte également des demandes des cantons. Ceux-ci souhaitent notamment participer au pilotage de l'offre ambulatoire dès lors qu'ils seront tenus de participer à son financement. À ce propos, le rapport se borne à mentionner le projet de pilotage de l'admission des fournisseurs de prestations 18.047 «LAMal. Admission des fournisseurs de prestations» et le lien avec ce projet (cf. ch. 2.6). Il n'étudie pas la question de savoir si, dans la foulée d'un financement uniforme, d'autres possibilités de pilotage devraient être instaurées pour les cantons dans le secteur ambulatoire, par exemple sur le modèle de la planification hospitalière ou au sens d'un plafond contraignant.

5500

FF 2019

On attend du projet de loi qu'il corrige les incitations inopportunes à la jonction des prestations du secteur ambulatoire et du secteur stationnaire. Le transfert de prestations du secteur stationnaire vers le secteur ambulatoire est aussi entravé par des incitations perverses à l'interface entre l'assurance obligatoire des soins (AOS) et les assurances complémentaires. Si l'on veut qu'un financement uniforme produise les effets escomptés dans le degré espéré, des mesures complémentaires doivent être étudiées à l'interface avec les assurances complémentaires, faute de quoi il risque de rester nettement sous-exploité. Or, le rapport de la CSSS-N n'examine guère cette question.

Par ailleurs, un élément du projet risque de renforcer les incitations inopportunes à l'interface avec le domaine des financements complémentaires: l'augmentation de la part de financement de l'AOS aux hôpitaux conventionnés qui ne figurent pas dans la planification cantonale (cf. ch. 2.7) a pour effet d'alléger la charge des assurances complémentaires et, par conséquent, de les rendre plus attrayantes. Du fait de rémunérations élevées de la part des assurances complémentaires, les fournisseurs de prestations sont généralement incités à effectuer certaines interventions en milieu hospitalier, ce qui entraîne des coûts pour l'AOS, les cantons et la Confédération.

L'établissement, dans l'ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations de l'assurance des soins (OPAS)3, de listes d'interventions à effectuer en ambulatoire, mentionnées également dans le rapport de la CSSS-N, ne peut remédier à cette évolution que dans une certaine mesure.

2.2

Intégration des soins de longue durée

Le financement uniforme doit s'appliquer à toutes les prestations stationnaires et ambulatoires visées par la LAMal, à l'exception des soins en cas de maladie visés à l'art. 25a, al. 1, LAMal. Dans un premier temps, ceux-ci restent régis par les dispositions actuelles entrées en vigueur en 2011. Un mandat confié au Conseil fédéral prévoit toutefois, au ch. II du projet du 5 avril 2019 de modification de la LAMal (P-LAMal) de la CSSS-N4 que le Conseil fédéral est chargé de proposer une modification de la loi en vertu de laquelle les soins de longue durée visés à l'art. 25a, al. 1, LAMal seront inclus dans le financement uniforme dès que les bases nécessaires à cet effet seront établies.

Le Conseil fédéral entend cette requête et considère que l'intégration des soins visés à l'art. 25a LAMal dans un système de financement uniforme peut contribuer à réduire davantage les incitations inopportunes aux interfaces entre des domaines dont les systèmes de financement sont différents. Il estime par ailleurs que l'intégration de ces prestations peut aussi participer à renforcer les soins coordonnés, en réduisant aussi les incitations inopportunes aux interfaces avec des systèmes de financement différents. Pour ces raisons, le Conseil fédéral est en principe ouvert à une intégration des soins de longue durée le moment venu.

3 4

RS 832.112.31 FF 2019 3449

5501

FF 2019

La transparence en matière de coûts est la condition sine qua non du changement du système actuel de contribution fixe de l'AOS au profit d'un cofinancement proportionnel de l'ensemble des coûts par l'AOS. Les prestations de soins qui seront partiellement à la charge de l'AOS après l'extension ultérieure du financement uniforme doivent pouvoir être clairement délimitées d'autres prestations, par exemple des prestations d'assistance. En outre, des structures tarifaires garantissant une rémunération des prestations de soins transparente et uniforme à l'échelle nationale et correspondant aux coûts des prestataires de soins efficients doivent exister. La manière dont sera gérée la participation des personnes dépendantes au coût des soins doit également être précisée.

Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral a invité les Chambres fédérales dès le 27 février 2019 à adopter le postulat 19.3002 de la CSSS-N «Soins et financement uniforme des prestations stationnaires et ambulatoires». Le Conseil national l'a adopté le 14 mars 2019 et a chargé le Conseil fédéral d'élaborer les bases nécessaires en concertation avec la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), les associations des fournisseurs de prestations et les assureurs. Le Conseil fédéral s'est mis à l'ouvrage après l'adoption du postulat par le Conseil national. L'agenda de l'intégration des soins visés à l'art. 25a LAMal est fonction de l'avancement de ces travaux; il n'est pas encore possible de dire quand ces derniers seront achevés. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral rejette la fixation d'un cadre temporel à cette intégration.

Les travaux préalables à l'intégration des soins visés à l'art. 25a LAMal requièrent du temps. Les avantages du financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires ne doivent pas rester inexploités pendant ce temps. Ce financement peut déjà être introduit et il pourra être complété avec les soins visés à l'art. 25a, al. 1, LAMal quand les travaux nécessaires à cet effet seront achevés. Un mandat légalement contraignant pour le Conseil fédéral, comme le prévoit la majorité des membres de la commission dans le ch. II P-LAMal, n'est toutefois pas nécessaire.

Le Conseil fédéral prendra de sa propre initiative les mesures nécessaires quand les bases nécessaires à cet
effet seront disponibles. Le Parlement dispose aussi de cette possibilité à une date ultérieure. Le Conseil fédéral ne rejette pas pour des considérations de contenu, mais pour des raisons de principe le mandat légalement contraignant prévu par la majorité de la CSSS-N: inscrire un tel mandat dans les dispositions finales d'une modification de loi est discutable sous l'angle de la technique législative et ne tient pas compte de l'interaction appropriée entre les pouvoirs législatif et exécutif. Pour cette raison, le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité Gysi en faveur de la suppression de cette disposition. Toutefois, il se déclare fondamentalement favorable à l'intégration, dans un deuxième temps, des soins visés à l'art. 25a LAMal dans un système de financement uniforme, pour autant que les conditions requises soient remplies.

5502

FF 2019

2.3

Agent payeur

Il est prévu que, désormais, seuls les assureurs rémunéreront les prestations ambulatoires et stationnaires. Le système de financement dual fixe des prestations hospitalières en vigueur, avec une double facturation à la fois aux assureurs et aux cantons, doit être abandonné au profit d'une participation fixe des cantons aux coûts des prestations incombant aux assureurs. Les cantons versent leur part à l'institution commune visée à l'art. 18 LAMal, qui la transfère aux assureurs. Concernant les art.

18, al. 2sexies, et 60, al. 5, P-LAMal, une minorité souhaite que les cantons versent leur participation directement aux assureurs, ceux-ci ne dépendant pas de l'institution commune. Seule la Confédération devrait verser à l'institution commune sa nouvelle contribution au titre des assurés sans point d'attache dans un canton. Le Conseil fédéral est d'avis que, compte tenu de sa responsabilité en matière de compensation des risques, l'institution commune dispose déjà de toutes les données nécessaires à sa nouvelle tâche et que, d'un point de vue administratif, il est plus facile pour les cantons de verser leur part directement à cette institution que de devoir traiter avec un grand nombre d'assureurs. Pour cette raison, il se rallie à l'avis de la majorité de la commission et rejette la proposition de minorité.

2.4

Répartition de la contribution cantonale entre les assureurs

La répartition de la contribution cantonale entre les assureurs s'effectue sur la base des coûts leur incombant par personne assurée. Les assureurs perçoivent ainsi la contribution cantonale pour une partie des coûts qu'ils supportent au titre des prestations visées par la LAMal. Comme c'est le cas aujourd'hui pour la participation cantonale aux prestations ambulatoires, l'assureur n'assume aucun risque entrepreneurial pour une partie des coûts. Sur cette partie, aucune incitation supplémentaire n'est donc créée pour les assureurs en ce qui concerne l'efficience des soins. Il n'y a pas lieu de s'attendre à ce qu'une compensation des risques fonctionnant, le cas échéant, de manière insatisfaisante ait des répercussions moins favorables que dans le système actuel, car le volume pris en compte dans le cadre de la compensation des risques reste identique.

Une proposition de minorité concernant les art. 16, al. 3bis, et 60a P-LAMal souhaite que la contribution cantonale soit répartie entre les assureurs non pas sur la base des coûts engendrés mais sur celle des coûts attendus, selon les risques de l'effectif des assurés concerné, comme ils sont représentés dans l'art. 16 LAMal. L'objectif consiste à inciter au maximum les assureurs à privilégier les soins efficients, par exemple en développant et en administrant des modèles d'assurance prévoyant une coordination des soins.

Le Conseil fédéral estime que la proposition de la majorité combine de manière équilibrée les avantages et les inconvénients des incitations entrepreneuriales pour les assureurs et la dépendance à une compensation efficace des risques. Dans le cadre d'un financement uniforme, trois quarts des coûts des prestations au sens de la LAMal sont soumis à la compensation des risques; les assureurs sont ainsi incités à être efficients dans tous les domaines de soins. La contribution cantonale sous forme 5503

FF 2019

de remboursement des coûts à hauteur de pratiquement un quart du volume des coûts joue comme un contrepoids afin de limiter les risques d'un système de compensation qui ne fonctionnerait pas de manière optimale. Différents modèles sont envisageables pour la mise en oeuvre concrète d'une répartition entre les assureurs basée sur les coûts. Pour ces raisons, le Conseil fédéral s'oppose à la proposition de minorité.

2.5

Répartition des coûts et perception de la contribution cantonale

Le passage à un système de financement uniforme ne doit pas avoir d'incidence sur le budget des assureurs et des cantons. Le projet prévoit que la contribution cantonale minimale s'élève à 22,6 % des prestations brutes des assureurs, y compris la participation des assurés aux coûts. Puisque la contribution cantonale est basée sur les prestations brutes, le montant de la franchise, et donc la participation aux coûts, n'interviennent pas dans le montant de la contribution cantonale. Tous les assurés obtiennent donc la même contribution cantonale pour un volume de prestations donné, indépendamment de la franchise qu'ils ont choisie.

D'une certaine manière, le projet de loi suit la logique du système de financement des hôpitaux en vigueur depuis le 1er janvier 2009, lequel prévoit que les cantons prennent en charge au moins 55 % des rémunérations des prestations stationnaires.

Toutefois, la participation aux coûts n'est plus uniquement perçue sur la part des coûts financée par les primes, mais sur l'ensemble du coût des prestations. De ce fait, la participation aux coûts des assurés augmentera légèrement dans le cas d'un traitement stationnaire suivi de peu ou de pas de traitements ambulatoires. La contribution cantonale est perçue sur les prestations brutes, donc indépendamment de la question de savoir si ces coûts seront finalement supportés par l'assureur (prestations nettes) ou par l'assuré sous forme de participation aux coûts. Il en résulte que les assureurs facturent également aux assurés au titre de participation aux coûts des frais déjà couverts par la contribution cantonale.

En outre, il y a lieu de s'attendre à un surcroît de la charge administrative pour les assureurs. On peut supposer qu'ils conviendront d'un décompte au moyen du système du tiers payant avec les fournisseurs de prestations ou qu'ils s'efforceront d'obtenir d'une autre manière que le plus grand nombre de factures leur soit adressées afin de percevoir la contribution cantonale également sur la part soumise à la participation aux coûts. Les assureurs reçoivent ainsi une contribution cantonale alors que la prestation ne leur coûte rien. Cette pratique leur permet de réduire les primes d'assurance. De ce fait, le volume des factures traitées par les assureurs ainsi que les coûts administratifs engendrés devraient
augmenter. Toutefois, si les cantons maintenaient leur part de 22,6 % à ce volume des coûts plus élevé, on s'écarterait du principe de la neutralité des coûts.

Une proposition de minorité relative à l'art. 60, al. 2bis, 3 et 4, P-LAMal, concernant par conséquent aussi le ch. III, al. 2 et 3, P-LAMal, demande que la contribution cantonale soit fixée à 25,5 % des prestations nettes des assureurs, c'est-à-dire sans la participation des assurés aux coûts. Dans cette solution, la part de financement 5504

FF 2019

devrait aussi pouvoir être introduite sans incidence sur les coûts; elle est toutefois supérieure aux 22,6 % de la proposition de la majorité, car une contribution cantonale constante est compensée par un volume plus faible du dénominateur (prestations nettes au lieu de prestations brutes). La minorité souhaite ainsi éviter l'augmentation de la charge administrative prévue; elle considère par ailleurs que la solution choisie par la majorité est très problématique d'un point de vue constitutionnel.

L'art. 117 de la Constitution (Cst.)5 donne à la Confédération la compétence de légiférer sur l'assurance-maladie. Forte de cette compétence, la Confédération peut contraindre les cantons à contribuer aux prestations de la LAMal à la charge des assureurs de l'AOS. La participation aux coûts au sens de l'art. 64 LAMal ne constitue en principe pas une prestation de l'AOS, étant donné que les prestations visées représentent une dette des assurés à l'égard des fournisseurs de prestations. Il est donc douteux que l'art. 117 Cst. permette à la Confédération de contraindre les cantons à contribuer à des prestations qui ne sont pas payées par les assureurs de l'AOS mais par les assurés.

Le Conseil fédéral est donc favorable à la proposition de minorité relative à l'art. 60, al. 2bis, 3 et 4, P-LAMal, concernant par conséquent aussi le ch. III, al. 2 et 3, P-LAMal, qui permet d'éviter une augmentation de la charge administrative et offre une solution qui ne pose pas de problème sur le plan constitutionnel. Théoriquement, cette proposition signifie toutefois que la contribution cantonale peut dépendre de la franchise de l'assuré. Par ailleurs, en cas d'augmentation des franchises, les cantons verraient eux aussi leur contribution baisser, et non exclusivement les assurés. En pratique, il n'y a pas lieu de s'attendre à ce que la dépendance entre la contribution cantonale et la franchise ait un effet de distorsion sur le montant des primes des différents niveaux de franchise. Aujourd'hui déjà, le rabais de primes accordé pour les franchises à option n'est pas exclusivement calculé sur la base des coûts à la charge des assureurs pour les différents niveaux de franchise; il est aussi limité par des principes visant à garantir la solidarité entre les assurés en bonne santé et les assurés malades. Des considérations
de marketing de la part des assureurs peuvent aussi jouer un rôle. Même si les coûts à la charge des assureurs après déduction de la contribution cantonale devaient varier quelque peu en fonction de la franchise, la limitation du rabais de primes resterait la restriction la plus importante, de sorte qu'il n'y aurait vraisemblablement aucune incidence sur les primes. Selon le Conseil fédéral, le seul avantage de la proposition de la majorité serait donc la plus grande transparence des coûts des prestations selon la LAMal puisque pratiquement toutes les factures seraient envoyées aux assureurs.

Si, malgré les obstacles juridiques et autres problèmes évoqués, la proposition de la majorité devait l'emporter, le Conseil fédéral demande qu'elle soit au moins modifiée de manière à ce que la participation aux coûts soit uniquement perçue sur la partie financée par les primes d'assurance, comme c'est actuellement le cas pour le financement des prestations stationnaires. En outre, le produit des actions récursoires fondées sur l'art. 72, al. 1, de la loi fédérale du 6 octobre 2003 sur la partie générale

5

RS 101

5505

FF 2019

du droit des assurances (LPGA)6, devrait être déduit pour le calcul de la contribution cantonale. Il s'agit de coûts que les assureurs, et l'AOS, ne supportent pas et qui, de ce fait, ne doivent pas être pris en compte dans la contribution cantonale. Cette solution risque elle aussi d'entraîner une augmentation des coûts administratifs, assortie d'une plus grande transparence en ce qui concerne les coûts des prestations au titre de la LAMal. Avec cette solution, les assurés (au lieu des assureurs) peuvent tirer un profit s'ils envoient toutes leurs factures à l'assureur. Ils profitent ainsi dans tous les cas de la contribution cantonale même si la partie restante, financée par les primes, relève entièrement de la participation aux coûts. En conséquence, les cantons ne sont pas obligés de verser des contributions pour des frais effectivement supportés par les assurés. Cette solution permet ainsi d'éviter le problème de constitutionnalité précédemment évoqué.

La solution de la majorité, adaptée à la proposition subsidiaire du Conseil fédéral, pose moins de problèmes sur le plan constitutionnel que celle du projet de la CSSS-N. Cela étant, elle reste constitutionnellement discutable, mais pour une autre raison. Une partie de la doctrine estime que l'assurance-maladie, au sens de l'art. 117 Cst., devrait prioritairement être financée par les primes d'assurance. La question est de savoir si cela s'applique uniquement au financement de l'assurancemaladie dans son ensemble ou aussi au cas d'un seul assuré. Si les cantons devaient étendre le cofinancement au secteur ambulatoire, il ne serait pas rare, vu la popularité des franchises élevées, qu'ils soient tenus de verser une participation alors que l'AOS n'a rien à débourser, les coûts restants étant entièrement à la charge des assurés. Dans le secteur stationnaire, cela ne porte pas à conséquence puisque les cantons sont responsables pour l'approvisionnement en soins; dans le secteur ambulatoire, la question de la constitutionnalité se pose.

Pour ces raisons, le Conseil fédéral privilégie la proposition de minorité, qui a l'avantage de ne pas poser de problème sur le plan constitutionnel, de ne pas alourdir les coûts administratifs des assureurs et, probablement, de ne pas avoir d'incidence sur les primes des différents niveaux de franchise.

2.6

Possibilités de pilotage pour les cantons

Les cantons souhaitent pouvoir piloter l'offre de soins ambulatoires de manière ciblée s'ils doivent participer au financement des prestations ambulatoires. Aux termes du ch. IV, al. 2, P-LAMal, la présente révision de la loi n'entrera en vigueur qu'avec le projet 18.047 «LAMal. Admission des fournisseurs de prestations». Une minorité demande que cette association soit supprimée. Le Conseil fédéral soutient la proposition des cantons et, partant, l'association des deux objets comme le prévoit la majorité de la commission afin que les cantons puissent piloter les fournisseurs de prestations dans le secteur ambulatoire s'ils sont tenus de participer à leur financement. Il rejette donc la proposition de minorité relative au ch. IV P-LAMal. L'association des deux objets ne doit toutefois pas retarder l'entrée en vigueur, nécessaire à fin 2021, du projet concernant l'admission des fournisseurs de prestations. Pour le 6

RS 830.1

5506

FF 2019

Conseil fédéral, l'association des deux objets prévue au ch. IV, al. 2, P-LAMal signifie que l'entrée en vigueur du projet sur l'admission des fournisseurs de prestations est la condition préalable à l'entrée en vigueur du projet de financement uniforme. Celui-ci peut toutefois entrer en vigueur ultérieurement.

2.7

Hôpitaux conventionnés

L'art. 49a P-LAMal prévoit que la part de financement de l'AOS passe de 45 à 77,4 % pour les hôpitaux conventionnés également. Cette augmentation fait suite à la hausse générale de la participation de l'AOS aux prestations stationnaires; elle présente toutefois le risque de relativiser l'importance de la planification hospitalière cantonale et pourrait ainsi compromettre les efforts visant à endiguer la hausse des coûts dans l'AOS. La proposition de la minorité I portant sur l'art. 49a P-LAMal vise à maintenir la part de financement de l'AOS pour les hôpitaux conventionnés au niveau actuel de 45 % tandis que la minorité II propose de biffer l'art.

49a P-LAMal et, ainsi, de supprimer l'option des hôpitaux conventionnés.

La part de financement de l'AOS augmentant considérablement par rapport à la situation actuelle, il devient moins important pour les hôpitaux de se qualifier pour figurer sur la liste cantonale des hôpitaux. Par rapport à la pratique actuelle, les assurés ou une éventuelle assurance complémentaire sont uniquement tenus d'assumer une petite partie des coûts lorsqu'un établissement ne figure pas sur une liste des hôpitaux. Du fait de l'augmentation de la part de financement, il est à prévoir qu'un plus grand nombre d'hôpitaux seront gérés en qualité d'hôpitaux conventionnés ou qu'ils exerceront en dehors des mandats de prestations leur étant attribués. Les coûts découlant de la possibilité de contourner la planification hospitalière au moyen d'assurances complémentaires baissent. Il est très probable qu'il en résulte chez les assurés un plus grand intérêt pour ce type d'assurances.

Pour ces cas, éventuellement plus nombreux, l'AOS devrait prendre en charge la part plus élevée lui incombant. Une diffusion inchangée par rapport à aujourd'hui des hôpitaux conventionnés et des assurances complémentaires aurait déjà pour effet une charge supplémentaire pour l'AOS et un allègement en conséquence des assurances complémentaires. En cas de diffusion croissante, la charge supplémentaire incombant à l'AOS augmentera encore davantage.

La planification hospitalière doit veiller à ce que l'offre de soins à la charge de l'AOS ne soit ni supérieure ni inférieure aux besoins. Cet instrument permet notamment de limiter une hausse indésirable du volume des prestations ainsi qu'un accroissement de la
demande induite par l'offre. L'évaluation de la révision de la LAMal dans le domaine du financement hospitalier montre que la planification hospitalière peut avoir eu un impact direct sur la maîtrise des coûts dans le domaine des prestations stationnaires, du fait notamment de la prise en compte de l'économicité des établissements. Une poursuite de la concentration de l'offre, perceptible dans ses grandes lignes, devrait aussi avoir un impact positif sur la maîtrise des coûts.

Dans le cas des hôpitaux conventionnés, non soumis à la planification hospitalière, les problèmes d'incitation à l'interface entre l'AOS, dont les revenus ne peuvent que 5507

FF 2019

couvrir les coûts, et les assurances complémentaires, où les bénéfices sont autorisés, s'accentuent. Pour réaliser des bénéfices dans le cadre de l'assurance complémentaire, les assureurs peuvent être incités à accepter une augmentation des volumes à la charge de l'AOS. Leurs primes AOS augmenteraient alors plus fortement que celles de leurs concurrents renonçant à ce genre de pratique. On sait toutefois que la propension des assurés AOS à changer d'assurance est assez faible; en raison de l'interdiction de réaliser des bénéfices sous le régime de l'AOS, c'est surtout le nombre d'assurés de l'assurance complémentaire, où les bénéfices sont autorisés, qui présente un intérêt financier pour les assureurs.

Par ailleurs, comme déjà mentionné au ch 2.2, la hausse de la part de financement en faveur des hôpitaux conventionnés pourrait accroître les problèmes d'interface non résolus entre l'AOS et les assurances complémentaires également pour les hôpitaux répertoriés. L'incitation des fournisseurs de prestations à opérer de préférence en milieu stationnaire en raison de rémunérations bien supérieures de la part des assurances complémentaires ­ une incitation non corrigée dans le cadre de du présent projet ­ peut, en corrélation avec une plus grande diffusion des assurances complémentaires, entraîner une hausse des coûts également en dehors des hôpitaux conventionnés. L'allègement financier des assurances complémentaires dû à l'augmentation de la part de financement des hôpitaux conventionnés pourrait conduire à une plus grande diffusion des assurances complémentaires.

La concurrence, souhaitée, entre les fournisseurs de prestations reste inefficace si la possibilité d'augmenter les volumes n'est pas limitée. L'objectif de maîtrise des coûts dans l'AOS se trouve compromis. Un financement uniforme ne devrait pas présenter de risque d'augmentation des primes dans la phase de transition et, à sa suite, une augmentation plus marquée des coûts dans l'AOS. Les hausses des primes de l'AOS n'affectent pas que les assurés; elles touchent également la Confédération et les cantons, qui seraient obligés d'accroître les sommes allouées à la réduction des primes en cas d'augmentation de ces dernières. Ces agents de financement ont donc eux aussi un intérêt légitime à participer au pilotage des coûts pour la partie
financée par les primes. La planification hospitalière cantonale et l'option des hôpitaux conventionnés sont aujourd'hui dans un équilibre fragile qui ne doit pas être modifié.

Pour ces raisons, le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité I concernant l'art. 49a P-LAMal visant à maintenir la part de financement de l'AOS aux hôpitaux conventionnés au niveau actuel de 45 %.

3

Proposition du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral propose d'approuver la proposition de la CSSS-N, avec les exceptions suivantes: Art. 49a Le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité I.

Art. 60, al. 2bis, 3 et 4 Le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité.

5508

FF 2019

Ch. II Le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité.

Ch. III, al. 2 et 3 Le Conseil fédéral soutient la proposition de minorité.

Si la proposition de la minorité concernant l'art. 60, al. 2bis, 3 et 4, et le ch. III est rejetée, le Conseil fédéral émet les propositions subsidiaires suivantes: Art. 60, al. 2bis Le produit des actions récursoires fondées sur l'art. 72, al. 1, LPGA7 est déduit des coûts visés à l'al. 2 pour le calcul de la contribution cantonale.

2bis

Art. 64, al. 2bis La participation cantonale visée à l'art. 60 est déduite avant la perception de la participation aux coûts.

2bis

7

RS 830.1

5509

FF 2019

5510