16.414 Initiative parlementaire Introduire un régime de flexibilité partielle dans la loi sur le travail et maintenir des modèles de temps de travail éprouvés Rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats du 14 février 2019

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur le travail que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

14 février 2019

Pour la commission: Le Président, Pirmin Bischof

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Condensé Le projet prévoit que les travailleurs exerçant une fonction de supérieur ou de spécialiste disposant d'un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité puissent bénéficier d'un horaire de travail annualisé, dans la mesure où ils jouissent d'une grande autonomie dans leur travail et peuvent fixer dans la majorité des cas eux-mêmes leurs horaires de travail: la limite légale de durée maximale de la semaine de travail serait supprimée pour ces travailleurs et les fluctuations de la durée de travail hebdomadaire seraient admises, pour autant que cette dernière ne dépasse pas 45 heures en moyenne annuelle; en outre le solde d'heures additionnelles ne devrait pas dépasser 170 à la fin de l'année et devrait être compensé par un supplément de salaire d'au moins 25 %, ou, si le contrat le prévoit, par un congé de même durée au cours de l'année suivante. Le projet prévoit par ailleurs un assouplissement des dispositions régissant le temps de repos et le travail dominical effectué selon la propre et libre appréciation du travailleur. Enfin, en matière de protection de la santé, le Conseil fédéral pourra prévoir au niveau de l'ordonnance des mesures de prévention des risques psycho-sociaux.

La majorité considère que l'actuelle loi sur le travail, axée sur les besoins du secteur industriel de la première moitié du 20e siècle, est largement dépassée. Elle fait valoir que la manière de travailler a fortement changé ­ tout particulièrement dans le secteur tertiaire, qui revêt désormais une importance capitale ­ et que les réalités sociales ne sont plus les mêmes. Elle souligne que les travailleurs eux-mêmes souhaitent pouvoir déterminer plus librement leur horaire de travail et leur temps de repos, afin de mieux concilier leur profession avec leur famille, leurs loisirs et leurs autres engagements.

Une minorité estime que le droit en vigueur offre déjà toute la souplesse voulue; par conséquent, elle ne voit pas la nécessité de la modification proposée. A ses yeux, le projet ne fait que saper le droit du travail et est en plus susceptible de nuire à la santé des travailleurs concernés.

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Rapport 1

Genèse du projet

Le 17 mars 2016, le conseiller aux Etats Konrad Graber a déposé l'initiative parlementaire 16.414 Introduire un régime de flexibilité partielle dans la loi sur le travail et maintenir des modèles de temps de travail éprouvés. Cette dernière vise à introduire dans la loi un régime d'annualisation du temps de travail et à rendre plus flexibles les dispositions de la loi sur le travail régissant le temps de travail et le temps de repos. L'objectif est de tenir compte des changements intervenus dans le monde du travail ainsi que des besoins des places scientifique et économique suisses.

A sa séance du 18 août 2016, la Commission de l'économie et des redevances du Conseil des Etats (CER-E) a donné suite à l'initiative parlementaire Graber Konrad par 10 voix contre 3. Le 20 février 2017, son homologue du Conseil national s'est ralliée à cette décision par 18 voix contre 6.

Le 31 août 2017, la CER-E a adopté, par 7 voix contre 1 et 1 abstention, une proposition portant sur la mise en oeuvre de l'initiative parlementaire. En parallèle, elle a chargé l'administration d'élaborer sur cette base, en collaboration avec le secrétariat et l'auteur de l'initiative, un avant-projet assorti d'explications.

Le 15 février 2018, la CER-E a décidé, par 10 voix contre 3, d'entrer en matière sur l'avant-projet, qu'elle a examiné une première fois. L'administration et le secrétariat de la commission ont ensuite procédé à un remaniement formel du texte. Le 18 juin 2018, la commission s'est penchée sur la version remaniée, qu'elle a approuvée au vote sur l'ensemble par 8 voix contre 3 et 1 abstention; enfin, elle a décidé d'envoyer l'avant-projet définitif en consultation. Cette dernière a été lancée le 4 septembre et s'est terminée le 4 décembre 2018.

La CER-E a pris connaissance du rapport sur les résultats de la consultation le 14 février 2019. Elle a ensuite adopté la version définitive du projet au vote sur l'ensemble, par 10 voix contre 3, sans y apporter de modification.

Une minorité propose de ne pas entrer en matière sur le projet, qu'elle rejette dans son ensemble (cf. chap. 2.2.2). Elle demande le renvoi dudit projet à la commission; elle souhaite en effet, avant toute nouvelle décision, que les risques liés à la mise en oeuvre du projet soient expertisés par des spécialistes de la médecine du travail et veut attendre que les nouvelles dispositions introduites dans l'ordonnance aient pu être évaluées.

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Grandes lignes du projet

Le présent projet doit permettre d'assouplir les dispositions relatives à la durée maximum de la semaine de travail, en introduisant un modèle d'horaire annualisé pour certaines catégories de travailleurs. Par ailleurs, les dispositions relatives au positionnement et à la longueur de l'intervalle individuel du travail de jour et du 3811

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soir, à la durée du repos et à l'interdiction de travailler le dimanche, doivent être adaptées. Les explications ci-après relatives à la législation en vigueur se réfèrent à ces aspects et détaillent en outre les possibilités d'horaire annualisé. Vu que le projet soulève la question de la conciliation avec la règlementation des heures supplémentaires dans le Code des obligations (CO)1, la disposition correspondante du CO est également expliquée.

2.1

Droit en vigueur

2.1.1

Durée hebdomadaire du travail

2.1.1.1

Durée maximum de la semaine de travail conformément à la loi sur le travail

L'art. 9 de la loi sur le travail (LTr)2 détermine la durée maximum de la semaine de travail. En principe, celle-ci est actuellement de 45 heures pour les travailleurs employés dans des entreprises industrielles, pour le personnel de bureau, le personnel technique et les autres employés, ainsi que pour le personnel de vente des grandes entreprises de commerce de détail; elle s'élève à 50 heures pour tous les autres travailleurs (qui exercent par ex. des professions artisanales et commerciales, mais aussi dans le secteur des soins). Ce maximum doit être respecté dans un délai d'une semaine civile.

À titre exceptionnel, la durée maximum de la semaine de travail peut être dépassée conformément à l'art. 12, al. 1, LTr: en cas d'urgence, de charge de travail extraordinaire, afin de dresser un inventaire, d'arrêter des comptes, de procéder à une liquidation ou pour prévenir des perturbations dans l'entreprise, si l'on ne peut attendre de l'employeur qu'il recoure à d'autres moyens.

Ce travail supplémentaire ne peut cependant dépasser deux heures par travailleur et par jour, sauf les jours ouvrables chômés ou en cas de nécessité (art. 12, al. 2, LTr).

Dans l'ensemble, pour les travailleurs dont la durée maximale de la semaine de travail est de 45 heures, la prestation d'au maximum 170 heures supplémentaires par an est autorisée, pour ceux dont la durée maximale de la semaine de travail est de 50 heures, la prestation est d'au maximum 140 heures supplémentaires. À cet égard, chaque heure supplémentaire est comptée, indépendamment du fait qu'elle ait été compensée ou non au cours de l'année (conformément au système dit brut).

Conformément à la loi sur le travail, la durée maximum de la semaine de travail reste inchangée même dans le cas d'un emploi à temps partiel, ce qui signifie que le travail supplémentaire ne commence qu'à partir de 45 ou de 50 heures hebdomadaires, indépendamment du taux d'occupation. Ce principe est critiqué dans la

1 2

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doctrine3, car les femmes, qui travaillent fréquemment à temps partiel, sont ainsi indirectement discriminées.

2.1.1.2

Indemnité pour travail supplémentaire selon la loi sur le travail

Conformément à l'art. 13, al. 1, LTr, une majoration de salaire d'au moins 25 % doit être versée pour le travail supplémentaire effectué, mais, pour le personnel de bureau, les techniciens et d'autres employés, y compris le personnel de vente des grands établissements du commerce de détail, ce supplément est dû uniquement pour un travail supplémentaire dépassant 60 heures par année civile.

Avec l'accord du travailleur, une compensation par du temps libre de même durée (dans un délai convenable) est également possible à titre subsidiaire, conformément à l'art. 13, al. 2. Conformément à l'art. 25, al. 2, de l'ordonnance 1 relative à la loi sur le travail4 (OLT 1), cette compensation doit s'opérer dans un délai de 14 semaines, l'employeur et le travailleur pouvant également convenir d'un délai plus long, qui ne peut toutefois excéder 12 mois.

2.1.1.3

Possibilités relatives à l'assouplissement de la durée du travail hebdomadaire

Dans certains cas particuliers, la loi sur le travail permet une prolongation de la durée maximum de la semaine de travail, qui va au-delà des possibilités offertes à l'art. 12 LTr. Dans le cas d'un tel relèvement, aucune heure supplémentaire n'est effectuée et, par conséquent, aucune compensation n'est due.

En cas d'activités soumises à des interruptions dues aux intempéries ou dans les entreprises dont l'activité est sujette à d'importantes fluctuations saisonnières En raison de mauvaises conditions météorologiques ou d'importantes fluctuations saisonnières, la durée maximum de la semaine de travail peut être relevée jusqu'à quatre heures, dans la mesure où la durée hebdomadaire du travail déterminée à l'art. 9 LTr est respectée en moyenne sur six mois (art. 22, al. 1, OLT 1). De telles fluctuations de l'activité s'appliquent lorsque les saisons, ou l'occurrence de jours fériés ou d'autres événements liés au calendrier, engendrent à la fois des augmentations marquées (supérieures à 50 % de la moyenne annuelle, pendant au moins quatre semaines) et des ralentissements considérables du volume de travail.

3

4

STREIFF/VON KÄNEL/RUDOLPH, Praxiskommentar zu Art. 319­362 OR, 7. Auflage, Art. 321c, N 5 ainsi que la littérature citée par cet ouvrage (entre autres K. Arioli in AJP 1993 S. 1333 s. et Olivier Steiner «Das Verbot der indirekten Diskriminierung aufgrund des Geschlechts im Erwerbsleben», dans: AJP 2001 996 ss., disponible seulement en allemand).

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Pour les entreprises dont la durée maximale hebdomadaire du travail est de 45 heures et la semaine de travail est de cinq jours Par ailleurs, pour les travailleurs dont la durée maximale hebdomadaire du travail est de 45 heures et la semaine de travail est de cinq jours en moyenne sur une année civile, la durée de travail maximale peut être prolongée de deux heures, ou de quatre heures, pour autant que les 45 heures ne soient pas dépassées en moyenne sur respectivement huit ou quatre semaines (art. 22, al. 2, OLT 1).

En cas de travail continu Le travail continu, au cours duquel les travailleurs exercent 24 heures sur 24 et sept jours par semaine en équipe, est soumis à autorisation. Ce système d'organisation de la durée du travail est appliqué principalement dans les entreprises industrielles. À cet égard, il est possible de travailler sept jours consécutifs à la place des six jours consécutifs au maximum habituellement en vigueur (hormis l'octroi d'une demijournée de congé par semaine). Dans ce cas, la durée maximale hebdomadaire du travail doit être respectée dans un délai de 16 semaines, celui-ci pouvant être exceptionnellement prolongé à 20 semaines (art. 24 LTr). Pour des périodes individuelles de sept jours consécutifs, la durée maximale hebdomadaire du travail peut être ensuite prolongée à 52 heures; lorsqu'une grande partie de la durée du travail consiste en un simple temps de présence et que les travailleurs ne sont pas soumis à des activités comportant un effort physique, psychique et mental, une prolongation à 60 heures est exceptionnellement possible (art. 38 OLT 1).

En cas de semaine de travail de plus de cinq jours La demi-journée de congé hebdomadaire de huit heures octroyée dans le cas de semaines de travail de plus de cinq jours peut être attribuée en accord avec le travailleur pour quatre semaines consécutives au maximum (art. 21 LTr). Cela signifie qu'il est possible de travailler deux fois six jours, puis deux fois cinq jours, ou trois fois six jours, puis quatre jours. Toutefois, la durée maximale hebdomadaire du travail doit être respectée en moyenne.

2.1.1.4

Heures supplémentaires conformément au CO

Des heures supplémentaires conformément au Code des obligations (CO) sont accomplies lorsque les heures convenues contractuellement ou par le biais d'un contrat-type de travail ou d'une convention collective de travail sont dépassées.

Conformément à l'art. 321c, al. 1, CO, le travailleur, lorsque les circonstances l'exigent, est tenu d'effectuer de telles heures de travail dans la mesure où il peut s'en charger et où les règles de la bonne foi permettent de le lui demander. En ce qui concerne la nécessité d'effectuer des heures supplémentaires, la question est de savoir s'il n'aurait pas été possible à l'employeur de prendre tout d'abord d'autres mesures organisationnelles. En ce qui concerne les conditions acceptables, la situation concrète et les capacités et possibilités du travailleur sont prises en compte.

Dans la mesure où le travail supplémentaire au sens de la loi sur le travail doit également être considéré comme des heures supplémentaires, les conditions prévues 3814

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par le CO sont également valables pour les heures de travail qui dépassent les limites définies par la loi sur le travail.

Conformément à l'art. 321c, al. 3, CO, une majoration de salaire d'au moins 25 % doit être versée pour les heures supplémentaires. Sous réserve du consentement du travailleur, les heures supplémentaires peuvent être compensées dans un délai raisonnable par du temps libre de même durée. Toutefois, vu que cette règlementation est de nature dispositive, il est possible de convenir contractuellement qu'aucune indemnité ou compensation n'est due. L'art. 13 LTr (voir chap. 2.1.1.2) fixe les limites de cette possibilité et il n'est pas possible d'y déroger contractuellement: par conséquent, les heures supplémentaires qui dépassent la durée maximale du travail hebdomadaire de 45 ou 50 heures sont toujours soumises à une majoration de salaire de 25 % ou (sous réserve du consentement du travailleur) à une compensation en temps.

Conformément à la jurisprudence, les heures supplémentaires effectuées de sa propre initiative nécessitent l'approbation de l'employeur, afin qu'une rémunération ou une compensation en temps soit due5.

2.1.2

Modèles d'horaire annualisé dans la législation en vigueur

Un modèle d'horaire annualisé prend l'année civile ou l'année d'exploitation comme valeur de référence pour convenir des heures de travail dues. Selon la législation actuellement en vigueur, un tel modèle est possible tant que les dispositions impératives du CO et de la loi sur le travail sont respectées. Etant donné la durée maximale hebdomadaire du travail fixée par la loi sur le travail, un modèle d'horaire annualisé ne peut être actuellement appliqué de facto qu'aux heures de travail inférieures à 45 ou 50 heures par semaine. En outre, toutes les autres dispositions de la loi sur le travail doivent également être respectées.

2.1.3

Positionnement et longueur de l'intervalle du travail quotidien

L'employeur peut employer ses travailleurs entre 6 heures et 23 heures sans autorisation (art. 10, al. 1, LTr). Le positionnement de cet intervalle de jour et du soir de l'entreprise peut être déplacé entre 5 heures et minuit selon ses besoins. À cet effet, l'art. 10, al. 2, LTr prévoit un véritable droit de participation des travailleurs ou de la représentation des travailleurs dans l'entreprise. Si ceux-ci n'acceptent pas le dépla5

Dans la jurisprudence, les heures supplémentaires effectuées dans le cadre d'un modèle d'horaire flexible sont par exemple reconnues comme heures supplémentaires à compenser uniquement lorsque, pour des raisons de nécessité ou d'ordre opérationnel, le travail a dû être effectué à un moment donné, ou que l'employé n'a pas pu compenser en temps les heures supplémentaires accumulées pour des raisons opérationnelles. Voir STREIFF/VON KÄNEL/RUDOLPH, Praxiskommentar zu Art. 319­362 OR, 7. Auflage, Art. 321c, N 4 (disponible seulement en allemand).

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cement de la période, ce dernier ne peut pas être ordonné unilatéralement par l'employeur.

En outre, pour chaque travailleur individuellement, il faut respecter un intervalle d'emploi individuel d'une durée maximale de 14 heures, au cours duquel sa durée du travail, y compris les pauses et les heures supplémentaires, doivent se situer. Sur cette base, la durée maximale du travail quotidien s'élève à 12,5 heures (voir à cet effet le chap. 3.3.7).

2.1.4

Durée du repos quotidien

Conformément à l'art. 15a LTr, la durée du repos quotidien s'élève à onze heures consécutives. Pour les travailleurs adultes, elle peut être diminuée à huit heures une fois par semaine, pour autant que la durée de onze heures soit respectée sur une moyenne de deux semaines. L'art. 9 OLT 26 prévoit une disposition spéciale pour diverses catégories d'entreprises: selon cette disposition, la durée du repos quotidien peut être réduite plusieurs fois par semaine à neuf heures, pour autant qu'elle s'élève à douze heures en moyenne sur deux semaines.

Est réputé service de piquet le temps pendant lequel le travailleur se tient, en sus du travail habituel, prêt à intervenir, le cas échéant, pour remédier à des perturbations, porter secours en cas de situation d'urgence, effectuer des visites de contrôle ou faire face à d'autres situations particulières analogues (art. 14, al. 1, OLT 1). Lorsqu'un service de piquet est assuré, la durée du repos quotidien peut être interrompue par une intervention (art. 19, al. 3 OLT 1). À cet égard, les conditions-cadre suivantes doivent être respectées: la durée du repos quotidien est considérée comme garantie dans la mesure où la durée entre la fin du travail et le début du service de piquet et la durée après le service de piquet jusqu'à la reprise de travail ordinaire comprennent, de façon cumulée, au moins onze heures. En cas de services de piquet multiples pendant la durée du repos, une durée de repos partielle doit comprendre au minimum une fois quatre heures consécutives. Si toutes les durées de repos partielles sont inférieures à quatre heures, un repos quotidien complet de onze heures doit alors être accordé après le dernier service de piquet. Ce n'est que par la suite que la reprise du travail peut avoir lieu. Cette éventualité doit déjà être considérée lors de la planification du service de piquet.

2.1.5

Interdiction de travailler le dimanche

Une interdiction générale de travailler le dimanche s'applique en principe (art. 18 LTr). Afin que les travailleurs puissent malgré tout travailler le dimanche, les entreprises soumises à la loi sur le travail doivent soit posséder une autorisation pour un travail temporaire ou régulier le dimanche pour les travailleurs soumis aux dispositions concernant la durée du travail et du repos, soit être libérées de

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l'obligation de demander une autorisation en tant que catégorie d'entreprise règlementée par l'OLT 2.

Un travail temporaire le dimanche allant jusqu'à six dimanches par an est autorisé par les autorités cantonales au cas où un besoin urgent se présente conformément à l'art. 27 OLT 1. Il s'agit à cet égard de travaux à court terme ou qui doivent être effectués durant la nuit ou le dimanche pour des raisons de sécurité, ou d'événements de société ou de manifestations d'ordre culturel ou sportif. Le SECO est l'instance d'autorisation pour le travail dominical régulier allant au-delà; à cet égard, l'entreprise doit attester l'indispensabilité économique ou technique du travail du dimanche conformément à l'art. 28 OLT 1. Pour examiner ces critères, il convient d'appliquer un référentiel rigoureux conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral. En règle générale, le SECO attribue les autorisations pour trois ans.

Suite à cela, l'entreprise doit à nouveau soumettre une demande.

S'il faut travailler le dimanche, le travailleur peut être occupé au maximum six jours consécutifs (art. 21, al. 3, OLT 1) et au moins un dimanche entier doit lui être octroyé en l'espace de deux semaines comme jour de repos hebdomadaire immédiatement avant ou après la durée du repos quotidien (art. 20, al. 1, LTr). Il a ainsi droit à 26 dimanches de congé à 35 heures par an. Selon la pratique actuelle, il est possible de travailler deux dimanches d'affilée si deux dimanches de congé s'ensuivent.

Tout travail dominical dont la durée n'excède pas cinq heures doit être compensé par du temps libre d'une même durée dans un délai de quatre semaines (art. 20, al. 2, LTr et art. 21, al. 7, OLT 1). Si ce travail du dimanche dure plus de cinq heures, le travailleur a droit dans le courant de la semaine ou pendant la semaine qui suit à un jour de repos compensatoire de 35 heures (art. 20, al. 2, LTr).

L'OLT 2 prévoit d'autres exceptions pour différentes catégories d'entreprises exemptées d'autorisation, par exemple en réduisant le nombre de dimanches de congé et en dérogeant à la règle générale exigeant que les travailleurs qui exercent le dimanche doivent avoir congé un dimanche sur deux7.

Pour le travail dominical temporaire (jusqu'à six dimanches par an), les travailleurs ont droit à une majoration de salaire de 50
%. En cas de travail dominical régulier, aucune majoration n'est prescrite par la loi; celle-ci part du principe que le travail dominical régulier est prévu dans le cadre du contrat de travail et indemnisé en conséquence.

2.2

Considérations de la commission sur la nécessité de légiférer

2.2.1

Proposition de la majorité

La majorité de la commission propose d'entrer en matière sur le projet. Elle fait valoir que l'actuelle loi sur le travail, entrée en vigueur en 1964, est axée sur les 7

Une liste de l'attribution des dispositions spéciales aux catégories d'entreprises se trouve à l'annexe du commentaire de l'ordonnance 2 relative à la loi sur le travail: www.seco.admin.ch/seco/fr/home/Arbeit/Arbeitsbedingungen/Arbeitsgesetz-undVerordnungen/Wegleitungen/Wegleitung-zur-ArGV-2.html

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besoins du secteur industriel de la première moitié du 20 e siècle; or, depuis, le contexte a fortement changé, avec en particulier l'essor massif du secteur tertiaire. Elle ajoute que les nouveaux outils techniques et électroniques permettent de plus en plus souvent de travailler sans dépendre de quelque lieu ou horaire que ce soit, et que les personnes concernées souhaitent pouvoir planifier plus librement leur temps de travail et leur temps de repos. La majorité est en effet convaincue que de nombreux travailleurs aimeraient pouvoir organiser leur temps de travail autrement que ce que prescrit la loi, par exemple pour mieux coordonner leur travail avec l'accomplissement d'autres obligations ­ notamment familiales ­, pour être en mesure d'assumer une surcharge temporaire de travail ou pour pouvoir se rendre sur leur lieu de travail en dehors des heures de pointe.

La majorité souligne aussi que les dispositions rigides actuelles, qui imposent des temps de repos ainsi qu'un temps de travail maximal, sont incompatibles avec les pics d'activité que connaissent certains secteurs (notamment celles du conseil, des fiduciaires, de l'informatique ou des relations publiques). Dans ces conditions, tant les collaborateurs que les entreprises peuvent être amenés malgré eux à falsifier leur saisie du temps de travail: ainsi, certaines personnes qui souhaitent travailler tard dans la soirée ou le dimanche saisissent les heures concernées dans d'autres plages horaires afin de rendre celles-ci conformes à la loi; d'autres personnes susceptibles de dépasser le temps de travail maximal prescrit par la loi saisissent plutôt une moyenne horaire fictive. Ces procédés ne sont pas acceptables aux yeux de la majorité, pour qui il importe de restaurer la sécurité du droit en faisant en sorte que la législation soit en phase avec la réalité.

C'est pourquoi la majorité de la commission propose de permettre aux travailleurs exerçant une fonction de supérieur ou disposant d'un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité d'opter pour un régime d'annualisation du temps de travail et, parallèlement, d'assouplir les dispositions régissant en particulier le temps de repos et le travail dominical.

La majorité estime que, en plus de présenter des avantages en matière d'organisation du travail du travailleur,
davantage de liberté et d'autonomie dans l'aménagement de l'horaire de travail sont bénéfiques pour la santé: par rapport à un cadre de travail rigide, ce régime est plus motivant et moins stressant. La majorité rappelle en outre que l'employeur aura toujours un devoir de vigilance. Enfin, le projet prévoit que des mesures de prévention spécifiques ­ notamment pour réduire les risques psychosociaux ­ peuvent être prises pour les personnes bénéficiant de l'horaire de travail annualisé. Par conséquent, l'assouplissement de l'horaire de travail n'entraînera pas d'aggravation des risques pour la santé.

En résumé, la solution proposée favorise, aux yeux de la majorité, la flexibilité et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Les entreprises y trouvent leur compte elles aussi, car elles peuvent adapter les horaires de travail en fonction notamment de la charge de travail, et leurs collaborateurs mieux réagir tant aux pics qu'aux creux d'activité. La solution proposée aura également un effet positif sur la place économique suisse, adaptant le droit du travail au nouvel environnement et correspondant aux réalités et aux besoins actuels. Enfin, elle accroît la responsabilité individuelle et, partant, la motivation des travailleurs.

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2.2.2

Proposition de la minorité

Une minorité de la commission (Zanetti Roberto, Fetz, Levrat) propose de ne pas entrer en matière sur le projet: elle considère qu'il n'est pas nécessaire de légiférer, car les dispositions actuelles offrent suffisamment de possibilités de trouver des solutions spécifiques au niveau du fonctionnement de l'entreprise, rendant superflu tout assouplissement supplémentaire. Le droit en vigueur permet en effet déjà d'introduire un régime d'annualisation du temps de travail et d'autres moyens existent pour gérer les variations saisonnières que connaissent plusieurs secteurs (cf.

chap. 2.1.1.3). L'ordre juridique suisse est ainsi parfaitement comparable à ceux que connaissent les pays de l'Union européenne.

La minorité part du principe que, si la proposition de la majorité était mise en oeuvre, il serait possible de raccourcir les temps de repos et de porter la semaine de travail à plus de 70 heures, et ce, pendant plusieurs semaines consécutives 8. Or, du point de vue de la médecine du travail, il est essentiel que les pics d'activité soient compensés dès que possible: en effet, l'extension prévue des horaires de travail autorisés accroît le risque que les personnes concernées travaillent trop, aux dépens de leur santé («burn-outs»), ce qui pourrait avoir des répercussions à moyen et à long terme sur les coûts de la santé. Elle fait aussi valoir que de nombreuses entreprises considèrent désormais avoir tout intérêt à ce que leurs collaborateurs soient en bonne santé, car ils sont nettement plus productifs que des personnes surmenées; c'est la raison pour laquelle on se détourne de plus en plus du modèle voulant que les collaborateurs soient joignables en tout temps: au contraire, certaines entreprises vont même jusqu'à exiger de leurs employés qu'ils restent déconnectés le soir et le weekend. Elle souligne que mélanger le travail et le temps libre nuit à la qualité de vie en général et à la santé en particulier.

La minorité argue aussi que la disparition des limites entre temps de travail et temps de repos peut porter atteinte au droit à une vie de famille normale. C'est la raison pour laquelle elle s'oppose aussi à tout assouplissement de l'interdiction du travail dominical (même sur une base volontaire), rappelant à ce titre que les citoyens ont déjà rejeté à de nombreuses reprises des objets qui
allaient dans ce sens.

Enfin, la minorité juge inopportun de vouloir déjà modifier le droit du travail alors que la solution trouvée par les partenaires sociaux concernant la libération de l'obligation de saisir le temps de travail et l'enregistrement simplifié de la durée du travail (art. 73a et 73b OLT 1) n'est entrée en vigueur qu'en 2016. Elle souhaite, avant toute nouvelle décision, que les risques éventuels liés à la mise en oeuvre de l'initiative soient expertisés par des spécialistes de la médecine du travail. Elle veut aussi attendre que les résultats de l'étude commandée par le SECO au sujet des nouvelles dispositions inscrites dans l'ordonnance soient disponibles; cette étude, qui devrait être close à la fin du premier semestre 2019, doit notamment montrer 8

Les modifications proposées permettraient par ex. de travailler du lundi au vendredi pendant 13,5 heures entre 6 heures et 21 heures et le samedi pendant 5,75 heures. La compensation des temps de repos, réduits à 9 heures, devrait alors se faire sur quatre semaines au lieu de deux actuellement (cf. chap. 3.3.7 s'agissant de la durée de la journée de travail).

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combien de travailleurs ont renoncé à l'enregistrement de la durée du travail selon l'art. 73a OLT 1 et quelles en ont été les conséquences éventuelles. C'est pourquoi la minorité propose, au cas où le conseil devrait tout de même décider d'entrer en matière sur le projet, de renvoyer ce dernier à la commission afin que les expertises médicales et l'évaluation en question soient prises en compte lors des travaux.

2.3

Procédure de consultation

La procédure de consultation qui a été lancée le 4 septembre 2018 portait à la fois sur le présent avant-projet et sur l'avant-projet relatif à l'initiative parlementaire Keller-Sutter (16.423; cf. ch. 2.7). Les participants devaient en effet se prononcer sur les deux avant-projets en même temps.9 La consultation s'est terminée le 4 décembre 2018 et a réuni les avis de 24 cantons (sans Obwald et Zoug), 6 partis (PDC, PLR, PVL, Les Verts, PS et UDC), 2 associations intercantonales, 30 organisations patronales et 17 organisations syndicales, 6 organisations du domaine de la sécurité au travail et de la protection de la santé, 8 organisations professionnelles et autres institutions ainsi que 5 entreprises.

Les réactions des différents participants ont été très diverses: alors que 12 cantons ont rejeté les deux avant-projets, 12 autres se sont prononcés pour l'adoption de l'un ou de l'autre. Certains appuient certes une libéralisation, sans toutefois approuver l'un ou l'autre des avant-projets. Quatre cantons se sont prononcés, avec des réserves, uniquement en faveur de l'avant-projet relatif à l'initiative parlementaire déposée par Konrad Graber. Globalement, tous les cantons craignent des complications au niveau de l'exécution.

Parmi les partis politiques, le PLR, le PVL et l'UDC se sont prononcés en faveur des deux avant-projets. Le PDC a fait de même en souhaitant toutefois que soient apportées quelques modifications. Le PS et Les Verts ont rejeté les deux avant-projets.

La plupart des organisations patronales ont soutenu les deux avant-projets dans les grandes lignes; quelques-unes seulement ont privilégié l'un ou l'autre avant-projet.

Toutes les organisations syndicales ont quant à elles rejeté les deux avant-projets.

Les partisans des avant-projets ont tous accueilli avec satisfaction l'adaptation du droit du travail aux besoins actuels du marché, soulignant qu'elle permettra de trouver un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et les autres domaines de la vie. Ils souhaitent en général une flexibilisation: or, le projet relatif à l'initiative parlementaire Graber permettrait justement aux entreprises d'être en mesure d'absorber les pics d'activité saisonniers. Certains parmi les partisans de cet avantprojet ont considéré qu'une révision complète de la loi sur le travail était
inévitable.

Les opposants au projet soulignent que le champ d'application n'est pas assez clairement défini, ce qui diminue la sécurité juridique. De plus, ils considèrent que la protection de la santé doit être mieux prise en considération. Pour eux, le droit du 9

Le rapport sur les résultats ainsi que les avis exprimés sont accessibles sous les liens suivants: www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/2981/ Modeles-de-temps-de-travail_Rapport-resultats_fr.pdf www.admin.ch/ch/f/gg/pc/documents/2981/Modeles-de-temps-de-travail_Avis.pdf

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travail suisse est déjà suffisamment souple et il ne serait pas judicieux de modifier la législation si peu de temps après l'entrée en vigueur des art. 73a et 73b OLT 1.

2.4

Modifications par rapport au projet soumis à la consultation

La commission n'a procédé à aucune modification du projet soumis à la consultation.

2.5

Bref aperçu du projet

Ce projet vise à créer la possibilité d'un horaire annualisé dans la loi sur le travail pour les travailleuses et travailleurs exerçant une fonction de supérieur et les spécialistes qui ont un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité, dans la mesure où ils disposent d'une grande autonomie de travail, peuvent définir euxmêmes dans la majorité des cas leur durée du travail et ne travaillent pas selon des plans de service prédéfinis.

L'application d'un tel modèle d'horaire annualisé conduit en premier lieu à ce que la durée maximale hebdomadaire du travail de 45 ou 50 heures ne doit plus être respectée; à cet égard, les dispositions relatives au travail supplémentaire ne sont plus applicables aux travailleurs concernés. Le nombre d'heures accumulées à la fin de l'année civile ou de l'exercice comptable reste le seul critère déterminant. Ce nombre d'heures est limité en gardant à l'esprit la protection de la santé: seuls les modèles d'horaire annualisé basés sur un maximum de 45 heures par semaine de travail peuvent être convenus et un solde net d'au maximum 170 heures peut être obtenu à la fin de l'année. Si le compte-temps du travailleur présente, conformément à ce système net, des heures supplémentaires à la fin de l'année, alors il faut les indemniser par une majoration de salaire d'au moins 25 % ou, dans la mesure où cela a été convenu contractuellement, les compenser au cours de l'année qui suit (voir chap. 3.3.5).

Le projet comporte par ailleurs les assouplissements supplémentaires ci-après pour les travailleurs qui sont soumis à un horaire annualisé: d'une part, une prolongation de l'intervalle d'emploi admissible de 14 à 15 heures est prévue (voir chap. 3.3.7).

D'autre part, les dispositions concernant la durée du repos quotidien sont également assouplies pour les groupes de travailleurs concernés: une interruption de la durée du repos sera possible, pour autant que cela ait lieu à la seule discrétion du travailleur en dehors de l'entreprise; en outre, une réduction de la durée du repos quotidien sera permise plusieurs fois par semaine jusqu'à neuf heures (voir chap. 3.3.8). Finalement, le travail du dimanche sera possible sans limitation et sans autorisation pour le groupe correspondant de travailleurs, dans la mesure où ce travail est accompli selon la propre et libre
appréciation du travailleur (voir chap. 3.3.9).

L'assouplissement peut s'accompagner d'une protection accrue de la santé: par voie d'ordonnance, des mesures de prévention peuvent être prévues pour les travailleurs

3821

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disposant de modèles d'horaires de travail particuliers. Dans ce cas, il faut accorder une attention particulière aux risques psychosociaux (voir chap. 3.1).

Toutes les autres dispositions conservent leur validité, pour autant que des dispositions dérogatoires ne soient pas proposées: l'interdiction du travail de nuit est valable sans limitation, il est possible de travailler au maximum six jours d'affilée, la demi-journée hebdomadaire libre de huit heures doit être garantie (art. 21 LTr) et la règlementation des pauses (art. 15 LTr) reste inchangée.

2.6

Nombre de travailleurs potentiellement concernés

Le projet prévoit qu'un régime d'annualisation du temps de travail peut être introduit uniquement pour les travailleurs exerçant une fonction de supérieur ou de spécialiste disposant d'un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité, ce pour autant qu'ils jouissent d'une grande autonomie dans leur travail et puissent dans la majorité des cas fixer eux-mêmes leurs horaires de travail.

L'ensemble de ces critères doivent être remplis, ce qui limite le nombre de personnes potentiellement concernées. En outre, cette possibilité ne doit être proposée qu'aux travailleurs âgés d'au moins 18 ans: les jeunes et les apprentis en sont exclus.

Il est cependant difficile d'estimer le nombre de travailleurs susceptibles d'être concernés par la nouvelle disposition. D'une part, certaines notions du projet qui restreignent le champ d'application ­ «grande autonomie dans l'organisation du travail» ou «spécialistes qui disposent d'un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité», par ex. ­ ne correspondent à aucune catégorie statistique.

D'autre part, on ne peut prévoir combien d'entreprises vont effectivement introduire un régime d'annualisation du temps de travail.

En outre, il faudra décider au niveau de l'ordonnance si des exigences particulières de formation doivent être prévues en ce qui concerne les spécialistes qui disposent d'un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité. Un diplôme de niveau bachelor ou de classification CNC 6 (cadre national des certifications) 10 ou alors uniquement une formation professionnelle pourraient par exemple être prévus.

Le nombre de personnes concernées variera considérablement en fonction des critères retenus. La commission entend réexaminer cette question lorsque le Conseil fédéral aura élaboré le projet d'ordonnance correspondant.

Etant donné les incertitudes susmentionnées, les opinions au sein de la commission divergent s'agissant du nombre de travailleurs concernés. La majorité part du principe qu'une partie seulement des employeurs introduira le régime d'annualisation du temps de travail et que, par conséquent, probablement seule la moitié du nombre de travailleurs potentiellement concernés seront effectivement soumis à ce modèle. Elle estime qu'entre 13 et 19 % environ des travailleurs (apprentis exclus) seront
effectivement soumis au régime d'annualisation du temps de travail, selon le niveau de formation qui sera retenu comme critère de définition des spécialistes.

10

Ordonnance du Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI) sur le registre des diplômes de la formation professionnelle classés dans le cadre national des certifications pour les diplômes de la formation professionnelle (RS 412.105.12)

3822

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La minorité craint que la proportion de travailleurs effectivement soumis à ce modèle ne soit nettement supérieure aux estimations de la majorité. Elle estime notamment que la notion de «spécialiste qui dispose d'un pouvoir de décision important dans son domaine de spécialité» laisse une marge d'interprétation si grande que le nombre de travailleurs pourrait augmenter de manière considérable. De même, le nombre d'employeurs choisissant le régime d'annualisation du temps de travail pourrait être beaucoup plus grand que ce qu'estime la majorité. Aux yeux de la minorité, la proportion de travailleurs pourrait donc finalement atteindre plutôt 40 % des travailleurs.

2.7

Lien avec le projet visant à mettre en oeuvre l'initiative parlementaire 16.423

L'avant-projet visant à mettre en oeuvre l'initiative parlementaire 16.423 KellerSutter. Libérer le personnel dirigeant et les spécialistes de l'obligation de saisie du temps de travail concerne les mêmes catégories de travailleurs que le projet faisant l'objet du présent rapport, mais propose une autre solution. L'avant-projet relatif à l'initiative parlementaire Keller-Sutter ne prévoit aucune modification des dispositions matérielles concernant le temps de travail et le temps de repos pour les catégories concernées, mais il permet d'étendre la possibilité de renoncer à saisir le temps de travail à un plus grand groupe de travailleurs que ce qui est prévu actuellement par le droit en vigueur. Quant au projet de mise en oeuvre de l'initiative parlementaire Graber Konrad, il conserve l'obligation de saisir le temps de travail, mais modifie certaines dispositions matérielles relatives au temps de travail et au temps de repos.

Si les deux projets devaient être intégrés au droit en vigueur, les travailleurs ne pourraient se voir appliquer que l'un des deux modèles, comme il ressort de l'art. 13a, al. 2, du projet 16.414 (voir également le chap. 3.3.2).

La commission a suspendu le traitement de l'avant-projet relatif à l'initiative parlementaire Keller-Sutter: elle souhaite en effet prendre connaissance des résultats de l'étude commandée par le SECO sur les conséquences de l'application des art. 73a et 73b OLT 1 avant de reprendre ses travaux. Cette étude sera probablement disponible après la pause d'été.

3

Commentaire article par article

3.1

Protection de la santé

Art. 6, al. 4 La version en vigueur de l'art. 6, al. 4, LTr stipule déjà que des mesures de protection de la santé dans les entreprises peuvent être définies au niveau des ordonnances.

Cette base juridique est concrétisée par la modification prévue: des mesures de prévention pourront être prévues en particulier pour les travailleurs qui exercent dans certaines branches particulières et selon des modèles d'horaires de travail 3823

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particuliers, les risques psychosociaux devant être pris en compte de manière appropriée.

3.2

Intervalle du travail de jour et du soir

Art. 10, al. 2, deuxième et troisième phrase Cette modification est valable en général pour tous les travailleurs et ne se limite pas à ceux qui exercent une fonction de supérieur et aux spécialistes qui disposent d'un pouvoir de décision important. Il s'agit ici d'un complément, qui va au-delà de l'objectif initial visé par l'initiative parlementaire et qui a été pris en compte uniquement au cours des délibérations de la commission.

Aujourd'hui déjà, le positionnement de cet intervalle de jour et du soir peut être déplacé pour toute l'entreprise entre 5 heures et minuit selon les besoins de l'entreprise. L'art. 10, al. 2, LTr complété doit dès lors permettre un déplacement de la période de jour et du soir également au niveau individuel de chaque travailleur. En particulier, l'intervalle de jour et du soir du travailleur pourra désormais être avancé à quatre heures du matin. Dans ce cas également, l'intervalle du travail de jour et du soir du travailleur concerné s'élève cependant à 17 heures au maximum. La prolongation de la période d'emploi individuelle de 14 à 15 heures est quant à elle décrite dans le chap. 3.3.7.

Reste applicable la règlementation conformément à l'art. 10, al. 1, troisième phrase, LTr, selon laquelle la représentation des travailleurs ou, à défaut, les travailleurs concernés dans l'entreprise, ont le droit d'être entendus lors de l'introduction du travail du soir à partir de 20 heures.

3.3

Horaire annualisé

3.3.1

Catégories de travailleurs

Art. 13a, al. 1 L'art. 13a LTr introduit l'horaire annualisé dans la loi sur le travail. Celui-ci doit être réservé aux travailleurs adultes exerçant une fonction de supérieur et aux spécialistes adultes qui disposent d'un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité (let. a). Par ailleurs, il est supposé, comme dans l'actuel art. 73a OLT 1, que les travailleurs concernés disposent d'une grande autonomie dans l'organisation de leur travail (let. b) et qu'ils peuvent déterminer leurs périodes de travail et de repos dans la majorité des cas par eux-mêmes (let. c). Les jeunes jouissent d'une protection particulière, notamment en ce qui concerne les périodes de travail et de repos. Il est donc exclu de leur appliquer un horaire annualisé, même si, en raison de leur situation de formation, ils ne sont de toute façon quasiment jamais en mesure de déterminer leurs heures de travail dans la majorité des cas par eux-mêmes.

3824

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Sont définis comme travailleurs exerçant une fonction de supérieur ceux qui détiennent un droit d'instruction durable envers des subordonnés. À cet égard, le nombre de collaborateurs subordonnés n'est pas déterminant. En revanche, aucune fonction de supérieur n'est assumée si le droit d'instruction est exercé uniquement envers des stagiaires ou des apprentis.

La disposition est également valable pour les spécialistes, dans la mesure où ceux-ci disposent d'un pouvoir de décision important dans leur domaine de spécialité. Contrairement aux travailleurs exerçant une fonction de supérieur, cette catégorie de travailleurs ne dispose pas d'un droit d'instruction (durable) envers des collaborateurs subordonnés. En raison de leurs compétences spécialisées particulières, ils endossent cependant la responsabilité dans leur domaine de spécialisation. Dans ce contexte, leur position comporte plus de responsabilité et d'autonomie que celle d'autres personnes spécialisées et est comparable à celle des travailleurs qui exercent une fonction de supérieur. Comme leur position responsable se base sur leurs connaissances spécifiques, les connaissances spécifiques acquises doivent être impérativement mises au profit de l'activité professionnelle. Au niveau de l'ordonnance, il faudra encore clarifier quels critères mesurables (par ex. la formation, voir chap. 2.4) doivent être applicables à cet égard.

En outre, il est exigé que les catégories de travailleurs mentionnées disposent d'une grande autonomie dans l'organisation de leur travail (voir let. b). Les travailleurs doivent donc pouvoir grandement déterminer par eux-mêmes de quelle manière les travaux sont organisés et réalisés. Les cadres supérieurs et les travailleurs ayant un cahier des charges particulier, tels que les gestionnaires de projet, jouissent en principe d'une telle autonomie d'organisation. L'évaluation de ce critère peut s'appuyer sur la pratique en rapport avec l'art. 73a OLT 1.

Par ailleurs,, ces travailleurs doivent disposer d'une grande autonomie dans l'organisation de leur temps de travail (voir let. c), c'est-à-dire qu'ils doivent pouvoir déterminer par eux-mêmes leur durée de travail et donc leur durée de repos dans la majorité des cas, et ne pas travailler selon des plans de service prédéfinis.

L'autonomie dans les temps de travail doit
exister pour au moins la moitié des heures de travail. Lors de l'évaluation de l'autonomie dans les temps de travail, il faut prendre en compte l'environnement de travail dans son ensemble. Il est également possible de faire appel aux expériences faites avec l'art. 73a OLT 1.

Le modèle de l'horaire annualisé n'est pas applicable aux travailleurs qui ont à accomplir leur travail selon une planification d'emploi ou selon d'autres dispositions temporelles strictes. Il s'agit, par exemple, des travailleurs en équipe, de ceux qui ont une planification d'emploi quotidienne prédéfinie ou dont les heures de travail sont largement déterminées d'une autre manière par l'employeur ou par les circonstances objectives. Le modèle de l'horaire annualisé peut par contre être prévu pour les travailleurs qui ont des périodes blocs qui couvrent moins de la moitié de leur durée du travail et qui ont la liberté nécessaire de déterminer leurs horaires en dehors des heures fixes.

Préalablement à l'introduction d'un horaire annualisé, la représentation des travailleurs dans l'entreprise ou, à défaut, les travailleurs concernés doivent être entendus au sens de l'art. 48, al. 1, let. b, LTr.

3825

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3.3.2

Enregistrement impératif de la durée du travail

Art. 13a, al. 2 L'introduction d'un horaire annualisé suppose que la durée du travail des travailleurs concernés soit enregistrée. À cet égard, il suffit également que la durée de travail soit documentée sous une forme simplifiée, conformément à l'art. 73b OLT 1. Une renonciation complète à l'enregistrement de la durée du travail n'est en revanche pas compatible avec l'horaire annualisé.

Si le présent projet ainsi que l'avant-projet relatif à l'initiative parlementaire KellerSutter 16.423 Libérer le personnel dirigeant et les spécialistes de l'obligation d'enregistrer la durée du travail devaient être intégrés dans la loi sur le travail, cette disposition clarifierait l'interface entre les deux modèles et détermine qu'un seul modèle ou l'autre est applicable pour le travailleur individuel (voir aussi ci-avant chap. 2.5).

3.3.3

Pas d'application de la durée maximale hebdomadaire du travail et des dispositions relatives au travail supplémentaire

Art. 13a, al. 3 L'introduction d'un horaire annualisé a pour conséquence que la durée maximale du travail ne se base plus que sur la période de référence d'une année civile ou d'un exercice comptable et non plus, contrairement au droit actuellement en vigueur, sur une durée maximale du travail de 45 ou 50 heures dans la période de référence d'une semaine (voir art. 9, al. 1, LTr). Or, la loi sur le travail et ses ordonnances contiennent de nombreuses dispositions relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail.11 Vu que, dans le cas d'un modèle d'horaire annualisé, les heures supplémentaires annuelles sont comptabilisées uniquement à la fin de l'année civile ou de l'exercice comptable, les dispositions relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail et au travail supplémentaire ne sont donc pas applicables. Il en va de même pour les dispositions relatives au travail supplémentaire qui ne sont pas étroitement liées à la période de référence d'une semaine. 12

11

12

Il s'agit, par exemple, de la durée quotidienne maximale du travail supplémentaire (art. 12, al. 2, LTr), de l'interdiction du travail supplémentaire après une durée réduite du repos quotidien (art. 19 OLT 1), de l'interdiction générale du travail supplémentaire durant les dimanches et la nuit (art. 12 et 26 LTr en relation avec l'art. 25 OLT 1) ainsi qu'en particulier de l'obligation de prévoir en principe une compensation rapide dans les 14 semaines lors de travail supplémentaire (art. 25 OLT 1).

Il s'agit, par exemple, des conditions pour la prestation de travail supplémentaire (art. 12, al. 1 LTr) et de la disposition selon laquelle les travailleurs ayant des obligations familiales ne peuvent être appelés à effectuer du travail supplémentaire qu'avec leur consentement (art. 36 LTr).

3826

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3.3.4

Durée maximale annuelle du travail

Art. 13a, al. 4 L'introduction d'un modèle d'horaire annualisé est laissée au gré des parties. Cependant, pour que ce modèle soit reconnu comme tel au sens de la loi sur le travail, le nombre convenu d'heures de travail annuel peut s'élever à 45 heures au maximum par semaine en moyenne au cours de l'année civile ou de l'exercice comptable. Lors de la détermination des semaines par année civile ou par exercice comptable, il faut déduire les semaines de vacances convenues entre les parties et les jours fériés équivalant à des dimanches tombant sur un jour ouvrable. En moyenne sur les années, les jours fériés à déduire correspondent à une semaine supplémentaire de congé.

La convention d'un modèle d'horaire annualisé avec des travailleurs pour qui, conformément à l'art. 9, al 1, let. c, LTr, une durée maximale hebdomadaire du travail de 50 heures était jusqu'à présent en vigueur, a pour conséquence que ces travailleurs ne peuvent travailler en moyenne plus que 45 heures par semaine au maximum selon le nouveau modèle.

En revanche, un modèle d'horaire annualisé est bien entendu également autorisé si l'horaire convenu est basé sur une durée hebdomadaire du travail inférieure à 45 heures. Dans ce cas, les heures additionnelles annuelles au sens de la présente disposition ne peuvent être obtenues que si la durée maximale annuelle du travail calculée sur la base de 45 heures par semaine est dépassée. L'obligation d'indemnisation et de compensation est laissée au gré des parties jusqu'à ce que des heures additionnelles annuelles aient été atteintes au sens de la loi (voir art. 321c, al. 3, CO et chap. 2.1.1.4).

3.3.5

Heures additionnelles annuelles

Art. 13a, al. 5 Les travailleurs soumis à un horaire annualisé peuvent avoir un maximum net de 170 heures additionnelles annuelles sur leur compte-temps par année civile ou par exercice comptable à la fin de l'année. Cela signifie que les heures additionnelles au cours de l'année civile ou de l'exercice comptable peuvent être sujettes à des fluctuations et que le nombre maximal de 170 heures peut être également dépassé entretemps, alors que soit le droit actuel, tout temps de travail supplémentaire accompli au cours de l'année (indépendamment de son indemnisation ou de sa compensation) est additionné jusqu'à ce que le nombre maximal de 170 heures soit atteint, conformément à l'art. 12, al. 2, LTr (voir chap. 2.1.1.1).

Si, à la fin de l'année civile ou de l'exercice comptable, le compte-temps du travailleur indique des heures additionnelles, celles-ci doivent en principe être indemnisées par une majoration de salaire de 25 %, de manière analogue à ce qui est prévu par la disposition relative aux heures supplémentaires de l'art. 321c CO. En accord avec le travailleur, elles peuvent également être compensées l'année qui suit par un congé 3827

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de même durée. Ces règles de compensation sont également valables pour les heures additionnelles qui dépassent la limite des 170 heures. Si l'on constate un tel dépassement, l'inspection du travail prend les mesures conformément à l'art. 51 ss. LTr et peut, en cas de circonstances appropriées, décréter qu'aucun horaire annualisé ne puisse plus être convenu à l'avenir dans l'entreprise concernée.

Dans ce contexte, il faut préciser que tout dépassement de la durée du travail (annuelle) convenue contractuellement entre les parties implique des heures supplémentaires au sens de l'art. 321c CO. Par conséquent, les conditions impératives de l'art. 321c, al. 1, CO concernant le caractère acceptable et la nécessité opérationnelle d'un tel travail supplémentaire s'appliquent a priori également aux heures additionnelles annuelles accumulées (voir ci-avant chap. 2.1.1.4).

En ce qui concerne les heures supplémentaires accomplies par le travailleur de sa propre initiative, il convient de prendre en compte les critères développés dans la jurisprudence, selon lesquels elles doivent être approuvées par l'employeur pour que le travailleur puisse bénéficier d'une rémunération ou d'une compensation en temps (voir chap. 2.1.1.4).

3.3.6

Réduction proportionnelle dans le cas d'un emploi à temps partiel

Art. 13a, al. 6 Dans le cas d'un emploi à temps partiel, le nombre maximal d'heures de travail annuelles est réduit proportionnellement. Cela signifie que les heures additionnelles annuelles des travailleurs à temps partiel doivent être dédommagées impérativement par une majoration de salaire de 25 % ou être compensées par du temps libre de même durée (voir chap. 3.3.5) si le seuil d'heures annuelles réduit proportionnellement est dépassé. Le nombre maximal d'heures additionnelles annuelles est également réduit proportionnellement. En outre, une réduction proportionnelle est logiquement également appliquée lorsque le travailleur exerce plusieurs emplois ainsi que lorsqu'il prend un emploi en cours d'année, auquel cas la réduction du nombre annuel maximum d'heures de travail supplémentaires s'applique déjà aujourd'hui.

Sous le droit actuel, il n'y a pas de réduction de la durée maximale hebdomadaire du travail en cas de temps partiel, c'est-à-dire que les maxima inchangés s'appliquent.

Dans le cadre du modèle d'horaire annualisé, cette catégorie de travailleurs est désormais mieux protégée: la protection s'applique plus tôt et les travailleurs doivent effectuer moins d'heures de travail non compensées que jusqu'à présent. Il s'agit également d'une réaction à la discrimination indirecte à l'égard des femmes dont il est question dans la doctrine (voir supra note de bas de page 3).

3828

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3.3.7

Intervalle quotidien maximal de travail

Art. 13a, al. 7 Par dérogation à l'art. 10, al. 3, LTr, l'intervalle d'emploi pour les travailleurs qui sont soumis à un modèle d'horaire annualisé est augmenté de 14 à 15 heures. Il est possible de calculer la durée quotidienne maximale du travail à partir de cet intervalle (en déduisant les pauses minimales conformément à l'art. 15 LTr): en raison des règles relatives à l'octroi des pauses, la durée quotidienne maximale du travail est prolongée de 12,5 à 13,5 heures. La règlementation susmentionnée des pauses reste inchangée.13 La règlementation de l'art. 10, al. 1, troisième phrase, LTr, reste également inchangée: elle accorde à la représentation des travailleurs ou, à défaut, aux travailleurs concernés dans l'entreprise, le droit d'être entendus lorsque le travail du soir est introduit à partir de 20 heures (voir également à ce sujet les commentaires relatifs à l'art. 10, al. 2, LTr, chap. 3.2).

3.3.8

Durée du repos quotidien

Art. 15a, al. 3 Chez les travailleurs qui sont soumis à un modèle d'horaire annualisé, la durée du repos quotidien peut être réduite plusieurs fois par semaine à neuf heures, la durée du repos quotidien de onze heures devant être observée en moyenne sur quatre semaines. En contrepartie, la possibilité d'une réduction unique à huit heures par semaine est supprimée.

Le mode de calcul actuel de la valeur moyenne ne change pas, c'est-à-dire que seules les durées du repos quotidien entre deux journées de travail sont prises en compte.

Art. 15a, al. 4 Avec l'adoption de l'art. 15a, al. 4, LTr, la règle actuelle du service de piquet prévue à l'art. 19, al. 3, OLT 1 est inscrite dans la loi. En vertu des mêmes règles, les travailleurs soumis à un modèle d'horaire annualisé doivent désormais également pouvoir interrompre la durée du repos quotidien. Toutefois, il est exigé que la presta13

Conformément à l'art. 15 LTr, le travail doit être interrompu par des pauses d'un quart d'heure lors d'une durée du travail quotidien de plus de 5,5 heures, d'une demi-heure lorsqu'elle s'élève à plus de 7 heures et d'une heure lorsqu'elle comporte plus de 9 heures. Conformément à l'art. 18, al. 2 OLT 1, les pauses doivent être fixées au milieu des heures de travail. Une pause supplémentaire doit être accordée s'il en résulte une fraction de journée de travail de plus de 5,5 heures. Sur cette base, le SECO calcule une durée maximale du travail quotidien de 12,5 heures. La règlementation de l'art. 18, al. 3, OLT 1, selon laquelle les pauses de plus d'une demi-heure peuvent être fractionnées, ne peut pas être utilisée pour réduire les droits des travailleurs à bénéficier de pauses en aménageant habilement celles-ci.

3829

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tion de travail soit effectuée à la seule discrétion du travailleur et en dehors de l'entreprise.

Si la durée du repos quotidien est interrompue par une prestation de travail, la durée du repos restant est accordée ultérieurement après la fin de l'interruption. Si la durée minimale du repos quotidien de quatre heures consécutives n'est plus atteinte en raison d'interventions effectuées dans le cadre du service de piquet, ou en raison d'une prestation de travail en dehors de l'entreprise à la seule discrétion du travailleur, il faut alors à nouveau accorder la durée du repos quotidien de onze heures à la suite de l'intervention.

Dans le cas d'une interruption de la durée du repos, la durée du repos quotidien ne peut être réduite simultanément au sens de l'art. 15a, al. 3, LTr.

3.3.9

Travail dominical

Art. 18, al. 1, deuxième phrase L'interdiction de travailler le dimanche est définie à l'art. 18 LTr. Elle est valable sous réserve de l'art. 19 LTr, qui cite les conditions d'obtention d'une autorisation pour le travail du dimanche. L'art. 19a LTr introduit désormais la possibilité du travail dominical à bien plaire et exempté d'autorisation pour les travailleurs soumis à un modèle d'horaire annualisé. La réserve relative à l'interdiction de travailler le dimanche inscrite dans l'art. 18, al. 1 LTr est donc complétée par l'art. 19a LTr.

Art. 19a Les travailleurs soumis à un modèle d'horaire annualisé peuvent effectuer un travail dominical, pour autant que celui-ci soit accompli selon sa propre et libre appréciation. Il doit donc être réellement accompli volontairement. À cet égard, il faut garder à l'esprit que la libre appréciation est restreinte par des facteurs externes, tels qu'une charge de travail excessive. En revanche, le travail du dimanche peut certainement être considéré accompli selon la propre et libre appréciation du travailleur si ce dernier prend en contrepartie congé de sa propre initiative pendant un jour de travail ordinaire.

Par dérogation à l'art. 19, al. 3, LTr, aucune majoration de salaire n'est due pour le travail du dimanche accompli à la seule initiative du travailleur, même s'il s'agit d'un travail du dimanche temporaire. En revanche, les autres dispositions relatives au travail du dimanche continuent de s'appliquer.14

14

Il s'agit notamment du principe selon lequel, dans un délai de deux semaines, au moins un dimanche entier doit être accordé comme jour de repos hebdomadaire immédiatement avant ou après la durée du repos quotidien (art. 20, al. 1, LTr), et de celui selon lequel un travailleur qui exerce le dimanche ne peut pas être employé plus de six jours consécutifs (art. 21, al. 3, OLT 1). La règlementation concernant l'octroi d'un repos compensatoire dans le cas de travail du dimanche continue également de s'appliquer (art. 20, al. 2, LTr).

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4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et répercussions sur les effectifs

L'exécution de la loi sur le travail incombe aux cantons (art. 41 LTr). La mise en oeuvre de la nouvelle disposition s'effectue dans le cadre de l'exécution ordinaire; aucune subvention ni aucun personnel supplémentaire ne sont prévus.

4.2

Mise en oeuvre

Une situation claire concernant les dispositions applicables et non applicables est importante pour l'exécution de la loi sur le travail par les inspections cantonales du travail.

En ce qui concerne les critères de l'autonomie et de la libre détermination des heures de travail, les inspecteurs du travail pourront se fonder sur la pratique qui a été développée en relation avec l'art. 73a OLT 1.

En ce qui concerne les notions de «travailleurs exerçant une fonction de supérieur» et de «spécialistes disposant d'un pouvoir de décision important», les organes d'exécution dépendent toutefois d'une définition claire dans l'ordonnance, spécifiée selon des critères objectifs (voir également chap. 2.6). Par ailleurs, les employeurs ont besoin d'une sécurité juridique et dépendent également d'une clarification des notions, non seulement pour être en mesure de fournir les preuves nécessaires aux autorités de contrôle, mais aussi au sein de l'entreprise, lorsqu'ils sont confrontés à des revendications de la part des travailleurs.

Avec la suppression de la durée maximale hebdomadaire du travail comme limite relativement simple à contrôler, les contrôles détaillés de la durée de travail seront plus laborieux pour les inspections du travail. Vu que les compensations peuvent s'effectuer sur une période bien plus longue qu'aujourd'hui, les inspections du travail doivent tenir compte d'une période plus longue qu'auparavant dans leur analyse et, si nécessaire, la réitérer plusieurs fois jusqu'à ce qu'un contrôle complet ait été effectué avec toutes les données pertinentes. Étant donné que les heures additionnelles annuelles peuvent être compensées l'année qui suit, les documents correspondants doivent être soumis pour deux ans aux inspections du travail afin de contrôler les heures de travail. Aujourd'hui déjà, les employeurs sont cependant tenus, conformément à l'art 73, al. 2, OLT 1, de conserver la documentation et les registres pendant cinq ans au minimum après l'expiration de leur validité; par conséquent, ils ne sont pas soumis à une charge de travail supplémentaire.

3831

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5

Relation avec la législation européenne

La directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 200315 n'est pas applicable en Suisse, mais peut être prise comme élément de référence. Elle fixe un cadre général sur lequel se basent nos pays voisins afin d'aménager leur modèle de temps de travail. Elle prévoit une durée maximum hebdomadaire de 48 heures à respecter sur une moyenne de 4 mois. Cette période de référence peut être prolongée à douze mois par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux pour des raisons objectives ou techniques ou pour des raisons ayant trait à l'organisation du travail.

Il est intéressant de noter que la directive dans son article 17 prévoit que ­ tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ­ les Etats membres peuvent déroger aux dispositions sur la durée du travail et du repos pour des groupes de travailleurs déterminés, «lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l'activité exercée, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes, et notamment lorsqu'il s'agit: a) de cadres dirigeants ou d'autres personnes ayant un pouvoir de décision autonome;»16. C'est la voie que le législateur suisse a également choisie en excluant les travailleurs qui exercent une fonction dirigeante élevée du champ d'application des dispositions sur la durée du travail et du repos (art. 3, let. d, LTr). Cela étant, les conditions fixées en Suisse pour une telle exclusion sont très précises et la jurisprudence du TF en la matière a confirmé une interprétation restrictive, ce qui limite le groupe concerné aux membres des directions. Vu la complexité des modalités d'application, il n'est pas facile d'avoir une vue d'ensemble de la pratique des autres pays dans ce domaine. Il apparaît cependant que certains pays de l'UE sont moins restrictifs et étendent cette exclusion à d'autres fonctions dirigeantes, voire à des fonctions qui comportent un degré d'autonomie élevé. A des degrés divers, c'est notamment le cas de la France, de l'Allemagne et de l'Italie.

Sur la base de la directive mentionnée, les pays européens déterminent leurs modèles pour l'aménagement du temps de travail. Cependant, aucun modèle connu ne correspond à la révision proposée
en ce qui concerne l'annualisation du temps de travail. En Allemagne, en France et en Italie, le repos quotidien est de 11 heures consécutives, le repos hebdomadaire de 35 heures consécutives et la durée maximum hebdomadaire de travail de 48 heures. En Allemagne et en France, il est possible sous certaines conditions de travailler jusqu'à 60 heures par semaine pour autant que les 48 heures soient respectées en moyenne sur une période limitée. En Italie, le régime prévoit que les 48 heures doivent être respectées sur une moyenne de 4 mois, voire sur 6 mois ou une année si cela est prévu par contrat collectif.

15 16

Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, JO no 299 du 18.11.2003.

Kaufmann Otto, Die Arbeitszeiten in Frankreich, in: Geiser Thomas/Müller Roland (Hrsg.), Arbeitszeiten in Europa, Zürich/ St. Gallen 2015, p. 61 ss. (disponible seulement en allemand).

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Bases légales

6.1

Constitutionnalité

Le projet se base sur l'art. 110 de la Constitution du 18 avril 199917, qui donne à la Confédération la compétence d'adopter des dispositions relatives à la protection des travailleurs.

6.2

Délégation de compétences législatives

Conformément à l'art. 6, al. 4, LTr, les mesures à prendre pour la protection de la santé dans les entreprises sont déterminées par voie d'ordonnance. L'apport d'un complément à cette disposition prévu dans le projet et portant sur des exemples de domaines dans lesquels de telles mesures peuvent être envisagées est déjà couvert par la délégation actuelle qui se trouve dans le cadre de la compétence d'exécution ordinaire, et ne crée pas une nouvelle délégation de compétence législative.

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RS 101

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