Analyses ADN dans les procédures pénales Rapport de la CdG-E du 27 août 2019 Avis du Conseil fédéral du 23 octobre 2019

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la CdG-E du 27 août 2019 concernant les analyses ADN dans les procédures pénales1.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 octobre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

1

FF 2019 6747

2019-3472

6827

FF 2019

Avis 1

Contexte

Par le passé, des voix se sont élevées pour dénoncer des débordements dans l'établissement d'analyses ADN dans certains cantons sur la base de l'art. 255 du code de procédure pénale (CPP)2. Selon ces critiques, la police aurait enfreint le principe de proportionnalité en recourant à l'analyse ADN non seulement trop systématiquement, mais aussi pour des délits mineurs. Dans un arrêt de principe de 2014, le Tribunal fédéral a restreint les conditions d'établissement d'un profil d'ADN.

Conscientes de ces différences de vues, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont, lors de leur séance du 27 janvier 2017, chargé le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer les analyses ADN dans les procédures pénales.

Dans son rapport, la CdG-E a formulé quatre recommandations et énoncé diverses constatations. Le 27 août 2019, le Conseil fédéral a été invité à se prononcer sur ces recommandations et constatations jusqu'au 25 octobre 2019 et à indiquer quelles mesures il entendait mettre en place et dans quels délais.

2

Avis du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral se prononce comme suit sur les constatations et recommandations contenues dans le rapport.

Recommandation 1 ­ Harmonisation de la pratique des cantons Le Conseil fédéral détermine dans quelle mesure il est utile de préciser les conditions légales auxquelles une analyse ADN peut être ordonnée, en particulier en cas d'infractions poursuivies sur plainte. En collaboration avec les cantons, il analyse une meilleure harmonisation de la pratique dans les cantons. Il explore aussi les possibilités d'un renforcement du pilotage par fedpol.

Les différentes compétences de la Confédération dans le domaine de l'analyse ADN sont énumérées au ch. 1.2.2 du rapport de la CdG-E. La première compétence citée est «l'aménagement du cadre légal». C'est dans ce domaine que la Confédération peut principalement contribuer à l'«harmonisation de la pratique des cantons» et c'est ce qu'elle fait déjà dans les faits.

­

2 3

La jurisprudence du Tribunal fédéral relative aux conditions de prélèvement d'un échantillon et d'établissement d'un profil d'ADN contribue à une certaine uniformisation de la pratique des cantons. Dans le message du Conseil fédéral du 28 août 2019 concernant la modification du code de procédure pénale3, les conditions légales permettant d'ordonner l'établissement et RS 312.0 FF 2019 6351

6828

FF 2019

l'analyse d'un profil d'ADN sont du reste précisées par rapport au droit en vigueur. Au lieu de la formulation succincte figurant à l'actuel art. 255, al. 1, CPP («pour élucider un crime ou un délit»), les art. 255 et 257 P-CPP font la distinction, pour l'établissement d'un profil d'ADN, entre l'infraction initiale (art. 255, al. 1), des infractions passées (art. 255, al. 1bis) et des infractions futures (art. 257).

­

La CdG-E note qu'une harmonisation de la pratique en matière de prélèvement d'un échantillon et d'établissement d'un profil d'ADN serait d'autant plus souhaitable que le phénotypage représente un nouveau cas d'application de l'analyse ADN. Or, il convient d'observer que le matériel ADN utilisé pour le phénotypage provient uniquement de traces relevées sur les lieux d'une infraction, et non d'un prélèvement effectué par les autorités sur une personne connue. En outre, le phénotypage n'est utilisé qu'à des fins de recherches et il n'est pas prévu de traiter les données recueillies dans le système d'information fondé sur les profils d'ADN. C'est pourquoi il n'y a pas de rapport direct entre la pratique du prélèvement d'un échantillon et de l'établissement d'un profil d'ADN, mentionnée plus haut, et la possibilité du phénotypage à partir de traces. Par ailleurs, le phénotypage n'étant actuellement pas possible sur le plan légal, l'harmonisation des différentes pratiques cantonales n'est pas une nécessité. Dans son avant-projet de modification du 28 août 2019 de la loi sur les profils d'ADN4, le Conseil fédéral soumet une proposition de réglementation légale du phénotypage. La jurisprudence du Tribunal fédéral sur cette disposition du droit fédéral permettra de garantir que les cantons et la Confédération appliquent cet instrument dans le respect du droit et du principe de proportionnalité.

Par ces propositions de réglementations, la Confédération s'acquitte de sa contribution à la clarification de la pratique dans le domaine des profils d'ADN, à savoir des réglementations détaillées.

Du point de vue du Conseil fédéral, la recommandation a donc déjà été mise en oeuvre.

Recommandation 2 ­ Mandat du DFJP au Service de coordination Le Conseil fédéral est invité à garantir que le mandat attribué au Service de coordination par le DFJP soit réexaminé périodiquement et, le cas échéant, soumis à une nouvelle procédure d'évaluation et d'adjudication.

Le Conseil fédéral entend donner suite à cette recommandation en chargeant le DFJP de lui soumettre, d'ici à la fin de 2020, des propositions concrètes d'adaptation de l'ordonnance du 3 décembre 2004 sur les profils d'ADN5 portant sur la manière d'effectuer un tel examen périodique. Il s'agira notamment de redéfinir les règles applicables à la périodicité de cet examen, aux critères d'évaluation utilisés et aux conséquences possibles. Le Conseil fédéral estime que l'attribution du mandat entre deux autorités publiques n'est pas soumise au droit des marchés publics. Avec 4 5

Le document peut être consulté à l'adresse suivante: www.admin.ch > Droit fédéral > Consultations > Procédures de consultation en cours > DFJP.

RS 363.1

6829

FF 2019

l'actuel fournisseur de prestations qu'est l'IML de Zurich, ces conditions sont remplies.

Recommandation 3 ­ Indépendance du Service de coordination Le Conseil fédéral veille à ce que le Service de coordination puisse assumer ses fonctions de manière indépendante, dans un contexte libre de conflits d'intérêts.

Il s'interroge sur l'opportunité du choix du Service de coordination comme représentant indépendant des intérêts des laboratoires d'analyse ADN vis-à-vis de la Confédération et garantit l'indépendance de l'organisme chargé de défendre ces intérêts.

Le Conseil fédéral soutient cette recommandation et charge le DFJP de lui soumettre, d'ici à la fin de 2020, des propositions concrètes d'adaptation de l'ordonnance du 3 décembre 2004 sur les profils d'ADN. Celles-ci porteront sur la manière d'octroyer des tâches supplémentaires au Service de coordination et de gérer adéquatement les conflits d'intérêts décrits en garantissant l'indépendance du Service de coordination.

Recommandation 4 ­Indépendance de la surveillance exercée sur les laboratoires d'analyse ADN Le Conseil fédéral détermine les mesures qui doivent être prises pour garantir une plus grande indépendance du contrôle exercé sur les laboratoires d'analyse ADN.

Il examine plus particulièrement s'il est opportun que fedpol délègue ses tâches de surveillance au SAS et si celui-ci constitue un organe de surveillance adéquat.

Le Conseil fédéral partage l'avis de la CdG-E selon lequel la tâche de surveillance de fedpol de même que l'étendue et l'examen des tâches déléguées au Service d'accréditation suisse (SAS) devraient faire l'objet d'un contrôle et, si nécessaire, d'une adaptation, dans le but de renforcer la crédibilité et l'acceptation des analyses ADN. En revanche, le Conseil fédéral parvient à la conclusion que la critique de la CdG-E à l'encontre du SAS au sujet du manque d'indépendance dans ses expertises est infondée. En sa qualité d'autorité nationale d'accréditation, le SAS est en effet tenu d'observer les prescriptions internationales en vigueur. Le respect de ces prescriptions et des compétences techniques requises pour cette activité font l'objet d'un contrôle périodique au niveau international. Les expertises effectuées par le SAS peuvent donc être considérées comme impartiales et indépendantes des intérêts des laboratoires
contrôlés ou de leurs clients.

Le Conseil fédéral estime que cette recommandation et les constatations de la CdGE nécessitent des mesures. Il charge le DFJP de lui soumettre, d'ici à la fin de 2020, des propositions concrètes d'adaptation de l'ordonnance sur les profils d'ADN.

Celles-ci porteront sur la manière de renforcer adéquatement la fonction de surveillance de fedpol, d'assurer un meilleur contrôle de la délégation de tâches au SAS et de limiter la charge administrative des laboratoires d'analyse ADN.

6830