Rapport du Conseil fédéral sur les banques d'importance systémique Examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques du 3 juillet 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons, en vous proposant de l'approuver, le rapport sur l'examen prévu par l'art. 52 de la loi sur les banques.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

3 juillet 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-1860

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Rapport 1

Introduction

1.1

Contexte

La crise financière et économique mondiale de 2007­2008 a révélé que la situation d'urgence ou la défaillance d'une banque d'importance systémique (systemically important bank, SIB) pouvait, du fait de sa taille, de sa position sur le marché et des réseaux qu'elle entretient, ouvrir de graves failles dans le système financier et avoir des répercussions néfastes sur l'ensemble de l'économie. L'État concerné ne peut pas laisser disparaître une telle banque en cas de crise si le maintien de ses fonctions d'importance systémique n'est plus assuré. Cette garantie d'État implicite se solde par des distorsions injustifiées du marché. Aussi les mesures étatiques prises dans le cadre d'une politique de réglementation des banques d'importance systémique ontelles pour objectif premier de réduire cette garantie afin qu'en cas de situation d'urgence ou de défaillance d'une banque d'importance systémique, des fonds publics n'aient pas à être mobilisés pour la sauver.

La problématique concernant les banques d'importance systémique constitue un défi particulier pour la Suisse qui, en comparaison internationale et par rapport à sa taille, abrite de très grands établissements financiers. C'est pourquoi la Suisse ­ s'appuyant sur les recommandations que la commission d'experts chargée d'examiner la limitation des risques que les grandes entreprises font courir à l'économie nationale a formulées dans son rapport du 30 septembre 2010 ­ a mis en oeuvre assez rapidement un projet de loi (renforcement de la stabilité du secteur financier too big to fail). Les dispositions pertinentes de la loi du 8 novembre 1934 sur les banques (LB)1 sont en vigueur depuis le 1er mars 2012.

Cette approche réglementaire a fait l'objet d'une première révision, que le Conseil fédéral a mise en vigueur le 1er juillet 2016. Les banques d'importance systémique devront satisfaire aux nouvelles exigences d'ici à la fin de 2019. Les dispositions révisées ont entraîné en particulier pour les deux banques d'importance systémique opérant à l'échelle internationale, Credit Suisse (CS) et UBS, un net resserrement des exigences de fonds propres en termes de volume et de qualité. Par les mesures prudentielles mises en oeuvre, la Suisse répond aux normes internationales concernant les fonds destinés à absorber les pertes, à savoir les exigences du Comité
de Bâle sur le contrôle bancaire (Bâle III)2, l'exigence supplémentaire imposée par le Conseil de stabilité financière (CSF) aux banques d'importance systémique mondiale (global systemically important banks, G-SIB), ainsi que la norme minimale concernant la capacité totale d'absorption de pertes (total loss absorbing capacity, TLAC), dont la mise en oeuvre doit se faire par étapes à partir du 1 er janvier 2019 et être terminée 1er janvier 2022. Un cadre reconnu au niveau international a donc été

1 2

RS 952.0 La version finale de Bâle III, publiée le 7 décembre 2017, n'a pas encore été mise en oeuvre (cf. www.bis.org/bcbs/publ/d424.htm).

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créé pour intervenir en cas de crise portant atteinte aux banques suisses d'importance systémique mondiale (CS et UBS).

Le Conseil fédéral a également adapté, au 1er janvier 2019, les exigences prudentielles pour les banques d'importance systémique opérant au niveau national («banques d'importance systémique nationale»)3. Il s'agit en l'espèce de PostFinance, de Raiffeisen et de la Banque cantonale de Zurich. À l'instar des banques d'importance systémique mondiale, les banques d'importance systémique nationale doivent désormais également ­ bien que dans une moindre mesure ­ détenir des fonds supplémentaires pour améliorer leurs possibilités d'assainissement (capital gone concern).

1.2

Mandat prévu par l'art. 52 LB

En vertu de l'art. 52 LB, le Conseil fédéral examine tous les deux ans les dispositions applicables aux banques d'importance systémique en comparant leur mise en oeuvre avec celle des normes internationales correspondantes à l'étranger. Il en fait rapport à l'Assemblée fédérale et détermine les dispositions de lois et d'ordonnances qui doivent être modifiées. Le 28 juin 2017, il a adopté le deuxième rapport d'évaluation à l'intention du Parlement.

1.3

Contenu du rapport

Le présent rapport s'articule comme suit: le ch. 2.1 compare l'approche suisse avec celles des autres juridictions pertinentes. Les ch. 2.2 à 2.5 mettent en avant les besoins d'adaptation et de clarification concernant divers aspects de l'approche suisse. Le ch. 3 résume les mesures requises et le ch. 4 décrit le calendrier des prochains travaux.

2

Examen de la réglementation applicable aux banques d'importance systémique

2.1

Évaluation de l'approche suisse en comparaison internationale

Critères d'évaluation Les travaux préliminaires au présent rapport comprenaient d'une part l'examen de la mise en oeuvre en Suisse des normes internationales en vigueur, et de l'autre la comparaison du régime suisse applicable aux banques d'importance systémique avec les mesures réglementaires prises dans certaines juridictions, et tout spécialement aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ces pays abritent en effet un certain nombre de banques d'importance systémique disposant de structures comparables à celles des banques suisses d'importance systémique et sont les plus avancés en matière d'ap3

Ordonnance du 1er juin 2012 sur les fonds propres (OFR); RS 952.03

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plication des normes dans ce domaine4. La comparaison se limite en outre aux exigences que doivent remplir les banques d'importance systémique opérant à l'échelle internationale, sachant que tant les niveaux de comparabilité et de compétitivité de ces banques au niveau international que leur potentiel de perte sont particulièrement élevés. Ces banques représentent également un risque très important pour la stabilité financière.

Trois catégories ont été délimitées pour les besoins de la comparaison internationale.

La comparaison porte en premier lieu sur les mesures prudentielles ­ qui visent à renforcer la résistance des banques aux crises ­, puis sur les mesures structurelles mises en oeuvre dans les différentes juridictions ­ lesquelles régissent la structure et l'organisation d'une banque en vue d'améliorer sa capacité d'assainissement et de liquidation ­, et enfin sur le cadre juridique d'un régime efficace d'assainissement et de liquidation, qui est primordial pour qu'en particulier des banques et groupes de banques d'importance systémique puissent être assainis ou liquidés selon une procédure ordonnée.

1) Mesures prudentielles La Suisse met particulièrement l'accent sur les mesures prudentielles. Ses exigences en matière de fonds propres et de liquidités sont plus élevées vis-à-vis des banques d'importance systémique que vis-à-vis des autres banques (cf. exigences particulières aux termes de l'art. 9 LB).

La comparaison porte sur les exigences aussi bien en matière d'actifs pondérés en fonction des risques (risk weighted assets, RWA) qu'en matière de ratio de levier (leverage ratio, LR). Il résulte de la comparaison internationale que si les exigences suisses en matière de capital auxquelles doivent satisfaire les deux banques d'importance systémique mondiale pour pouvoir continuer à fournir leurs services en cas de pertes substantielles (capital going concern) excèdent les normes internationales, elles n'en sont pas moins parfaitement comparables à celles des États-Unis et du Royaume-Uni (cf. graphique 1). L'objectif réitéré à plusieurs reprises par le Conseil fédéral, à savoir que la Suisse se doit de compter parmi les pays imposant aux banques d'importance systémique les exigences les plus rigoureuses en la matière, est ainsi atteint. Les exigences que doivent remplir les banques
suisses d'importance systémique se justifient notamment par la taille de ces établissements par rapport au produit intérieur brut (PIB); en comparaison avec d'autres pays, ce rapport est supérieur à la moyenne, d'où un risque considérable pour l'économie nationale. Ainsi, le total du bilan des deux grandes banques se situe entre 134 % et 139 % du PIB de la Suisse, alors que le total du bilan de la plus grande banque américaine (JPMorgan Chase) représente 17 % du PIB des États-Unis5.

Il en va de même pour les exigences de capital gone concern auxquelles doivent satisfaire les banques suisses d'importance systémique mondiale. Ces exigences excèdent la norme TLAC, mais restent comparables à celles des États-Unis et du 4

5

Cf. Rapport final du groupe d'experts chargé du développement de la stratégie en matière de marchés financiers du 1er décembre 2014 et annexe sur l'examen du régime suisse «too big to fail» en comparaison internationale ­ Base de l'examen prévu par l'art. 52 LB.

Cf. Rapport sur la stabilité financière 2018, Banque nationale suisse (www.snb.ch/fr/mmr/reference/stabrep_2018/source/stabrep_2018.fr.pdf).

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Royaume-Uni. Les engagements à l'étranger des deux banques suisses d'importance systémique mondiale sont particulièrement importants et immobilisent beaucoup de capital local, ce qui crée des incertitudes et des risques en cas d'assainissement ou de liquidation. C'est pourquoi ces exigences gone concern plus élevées que la norme internationale minimale se justifient.

En termes de capital gone concern, les États-Unis ont introduit et mis en vigueur au 1er janvier 2019 des exigences en matière de TLAC (cf. graphique 1) ainsi que des exigences en matière de dette à long terme (longterm debt). Ces dernières s'appliquent à toutes les banques américaines d'importance systémique mondiale et peuvent être satisfaites notamment par l'émission de bail-in bonds. Les exigences s'élèvent à 6 % des RWA plus le volant spécifique à la banque d'importance systémique mondiale, tandis qu'en matière de ratio de levier, l'exigence gone concern est de 4,5 %. Les exigences américaines de capital gone concern sont donc plus élevées que leurs équivalents suisses (compte tenu de la remise actuellement accordée par l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers [FINMA] aux deux banques suisses d'importance systémique mondiale). Toutefois, il est moins probable que le capital gone concern soit engagé aux États-Unis qu'en Suisse, les banques américaines d'importance systémique mondiale ayant généralement une plus grande capacité d'absorber des pertes (going concern) que les banques suisses d'importance systémique mondiale. Aux États-Unis, les exigences sont plus élevées en raison des fonds propres supplémentaires spécifiques à chaque banque exigés sur la base des tests de résistance (comprehensive capital analysis and review, CCAR).

Le Royaume-Uni met en oeuvre les normes internationales du CSF ainsi que les directives et règlements de l'Union européenne en créant progressivement, jusqu'en 2022, des exigences minimales pour les fonds propres et les engagements éligibles (minimum requirement for own funds and eligible liabilities, MREL). Ces dernières s'appliquent non seulement aux banques d'importance systémique, mais aussi à neuf autres banques6. Ces exigences RWA (volant compris) que la Banque d'Angleterre prévoit d'appliquer aux banques britanniques d'importance systémique sont plus élevées que les exigences
suisses. L'autorité de surveillance peut toutefois alléger les exigences MREL lorsqu'un établissement prouve qu'il a amélioré sa capacité de liquidation.

En ce qui concerne l'Union européenne, le Conseil de l'Union européenne a approuvé le 15 février 2019 une série de modifications législatives visant à réduire les risques dans le secteur bancaire européen. Ce projet prévoit notamment l'intégration de la norme TLAC et des exigences MREL dans le règlement relatif aux exigences de fonds propres. Il a été adopté par le Parlement européen le 16 avril 2019.

En matière de liquidités, toutes les banques suisses doivent, depuis le 1er janvier 2019, maintenir un ratio de liquidités à court terme (liquidity coverage ratio, LCR) à 100 %, conformément au dispositif de Bâle III 7. Les banques d'importance systémique doivent en outre satisfaire aux exigences particulières du régime suisse des 6

7

Cf. Banque d'Angleterre, Exigences minimales indicatives pour les fonds propres et les engagements éligibles (indicative minimum requirements for own funds and eligible liabilities (MREL), 2018; (www.bankofengland.co.uk/financial-stability/resolution/ indicative-mrels).

Ordonnance du 30 novembre 2012 sur les liquidités (OLiq); RS 952.06

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liquidités applicable aux banques d'importance systémique. Des analyses de la FINMA et de la Banque nationale suisse (BNS) montrent toutefois que ces exigences particulières n'entraînent pas systématiquement des exigences plus élevées que le LCR pour les banques d'importance systémique. Aussi, ces banques ne seraient actuellement pas toutes soumises à des exigences de liquidités plus élevées que les banques qui n'ont pas d'importance systémique, contrairement à ce qu'exige la loi sur les banques (art. 9, al. 2, let. b, LB).

La Suisse n'a pas encore mis en oeuvre le ratio structurel de liquidités (net stable funding ratio, NSFR), qui constitue le deuxième élément important des prescriptions de Bâle III sur les liquidités. En raison du retard pris par l'Union européenne et les États-Unis dans l'introduction du NSFR dans leur législation, le Conseil fédéral a en effet décidé d'en reporter l'adoption8.

Aux États-Unis, la réglementation en matière de liquidités pour les banques d'importance systémique prévoit, conformément aux prescriptions de Bâle, un LCR de 100 %. Les banques d'importance systémique mondiale sont toutefois soumises dans ce pays à des exigences plus élevées, qui dépendent de la capacité de l'établissement à prouver qu'il dispose de suffisamment de liquidités en cas de crise. Le RoyaumeUni impose également un LCR de 100 %. Les banques peuvent, au cas par cas, se voir imposer des exigences plus élevées sous la forme d'un supplément de fonds propres au titre du pilier 2, notamment pour répondre à leurs besoins en liquidités en cas d'assainissement ou de liquidation. De plus et contrairement à la Suisse, les États-Unis et les Royaume-Uni prévoient, outre les apports extraordinaires des banques centrales qui assument le rôle de prêteur en dernier ressort, d'autres mécanismes de soutien étatique (par ex. les filets de sécurité étatiques), qui garantissent les liquidités nécessaires en cas d'assainissement ou de liquidation d'une banque d'importance systémique.

8

Dernier report en 2018, cf. communiqué de presse du Conseil fédéral du 30 novembre 2018 (www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-73189.html

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Graphique 1

Graphique 1: Exigences de capital en comparaison internationale (plus hautes exigences imposées aux banques d'importance systémique mondiale dans chacune des juridictions examinées). Il s'agit ici principalement d'exigences consolidées. Les entités juridiques dans les pays hôtes, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni, doivent satisfaire à d'autres exigences.

2) Mesures structurelles Les diverses juridictions affichent des caractéristiques différentes dans les efforts qu'elles déploient sur le plan des mesures structurelles. L'accent porte sur la définition soit des activités à risque, soit des services bancaires d'importance systémique (par ex. les opérations de dépôt) et sur leur délimitation par rapport aux autres activités de la banque.

Aux États-Unis, les activités à risque (les opérations de négoce pour compte propre, par ex.) ne peuvent pas être exercées au sein d'une banque qui, parallèlement, effec5171

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tue des opérations de dépôt. La définition (pourtant fort détaillée) de cette interdiction présente un flou du fait de l'admission d'activités de market making qui, en pratique, sont difficilement distinguables des opérations de négoce pour compte propre.

Les banques étrangères qui détiennent plus de 50 milliards de dollars d'actifs sur le sol américain doivent créer une holding intermédiaire (intermediate holding company, IHC) pour leurs filiales. Cette mesure concerne notamment les filiales américaines de CS et d'UBS, qui sont dès lors soumises à des directives en matière de capital, de planification, de liquidités et de tests de résistance au même titre que des banques américaines du même type.

Au Royaume-Uni, les banques doivent séparer leurs opérations de dépôt et de crédit de leurs activités de banques d'investissement et des affaires internationales, et les isoler dans une unité distincte au sein du groupe financier.

En comparaison internationale, les banques jouissent en Suisse d'une plus grande marge de manoeuvre pour ce qui est de l'organisation de leurs activités commerciales. La réglementation suisse ne prévoit ni d'interdire certaines activités ni de cloisonner des activités commerciales particulières. Les mesures structurelles exigées par le législateur sont axées sur la planification d'urgence et, par là même, sur la poursuite des fonctions d'importance systémique en Suisse en cas de crise. En outre, l'ensemble du groupe financier doit être incité à améliorer sa capacité d'assainissement et de liquidation, et ce au moyen des remises accordées conformément à l'art. 65 de l'ordonnance du 30 avril 2014 sur les banques (OB)9 et à l'art. 133 OFR.

Les établissements concernés sont libres de prendre les mesures organisationnelles les mieux adaptées à leurs modèles d'affaires. C'est ainsi que les deux banques suisses d'importance systémique mondiale ont aujourd'hui chacune une holding à leur tête et ont également chacune créé une nouvelle banque suisse en tant que filiale à 100 % de leur maison mère, dans laquelle elles ont transféré entre autres les fonctions d'importance systémique pour la Suisse. En transférant dans des entités juridiques distinctes des services essentiels pour que les fonctions d'importance systémique puissent être maintenues en cas de crise, les deux grandes banques
ont achevé, en 2017, la restructuration qu'elles avaient jugée nécessaire. La garantie des services nécessaires à la poursuite des fonctions d'importance systémique en période de crise est essentielle pour une liquidation ordonnée.

3) Cadre juridique d'un régime d'assainissement et de liquidation efficace Le cadre juridique international d'un régime d'assainissement et de liquidation efficace est défini dans les key attributes of effective resolution regimes for financial institutions du CSF et dans des dispositions d'exécution (notamment dans les directives du CSF concernant les liquidités dans le cadre d'un assainissement ou d'une liquidation10). La Suisse a mis en oeuvre ces prescriptions11 en révisant la LB, l'OB et l'OFR, et en créant une ordonnance sur l'insolvabilité bancaire (ordonnance de la 9 10 11

RS 952.02 Funding Strategy Elements of an Implementable Resolution Plan, CSF, 21 juin 2018 Cf. Second Thematic Review on Resolution Regimes, 18 mars 2016 (www.fsb.org/2016/03/second-thematic-review-on-resolution-regimes/).

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FINMA du 30 août 2012 sur l'insolvabilité bancaire [OIB-FINMA]12). Elle a ainsi posé les fondements juridiques d'une planification de la stabilisation, de l'assainissement et de la liquidation spécifique à chaque établissement. Les dispositions de la LB relatives à la liquidation et à l'insolvabilité des banques sont en cours de révision. Afin d'améliorer la sécurité du droit, les dispositions de l'OIB-FINMA qui constituent une ingérence dans les droits garantis par la Constitution13 doivent être transférées dans la LB. Ce transfert concerne principalement le traitement des prétentions des propriétaires et des créanciers lors de l'assainissement d'une banque, et notamment la possibilité de convertir des fonds de tiers en fonds propres et la réduction de créances (bail-in). Une compensation doit pouvoir être allouée aux propriétaires concernés si le bail-in a pour effet d'avantager exagérément les créanciers au détriment des propriétaires. En outre, les effets juridiques de l'approbation du plan d'assainissement et la position des personnes devenues actionnaires suite à la conversion doivent être clarifiés. Enfin, pour assurer l'efficacité d'un bail-in, il convient de veiller à ce que les fonds externes TLAC et les fonds transférés à l'intérieur d'un groupe pour l'absorption des pertes (iTLAC) soient subordonnés dans les sociétés concernées du groupe.

Évaluation L'analyse comparative internationale a confirmé que l'approche réglementaire de la Suisse était conforme aux évolutions observées au niveau international. Il n'est actuellement pas nécessaire de modifier fondamentalement le modèle suisse de réglementation. Néanmoins, des adaptations s'imposent pour certains points (cf. chiffres suivants).

2.2

Exigences de capital gone concern à remplir par les banques d'importance systémique mondiale

Les banques d'importance systémique sont soumises à des exigences particulières (art. 9 LB), notamment à des exigences en matière de fonds propres. Celles-ci doivent être satisfaites tant par le groupe financier que par les établissements qui le composent, lorsque ces établissements exercent des fonctions d'importance systémique du groupe financier (art. 124 OFR). Constituent notamment des fonctions économiques d'importance systémique les opérations de dépôt, de crédit et de paiement (art. 8 LB). Les deux grandes banques ont transféré ces fonctions aux filiales suisses qu'elles ont créées (Credit Suisse [Suisse] SA et UBS Switzerland AG). Les banques mères Credit Suisse SA et UBS AG restent par ailleurs les entités opérationnelles les plus importantes du groupe financier auxquelles elles appartiennent et elles y jouent ainsi un rôle essentiel, notamment en matière de répartition du capital et des liquidités.

12 13

RS 952.05 RS 101

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Évaluation Le 21 novembre 2018, le Conseil fédéral a annoncé qu'il déciderait durant le premier semestre 2019 quels établissements d'un groupe financier devraient respecter les exigences particulières applicables aux banques d'importance systémique et à quelles exigences gone concern seraient soumises les entités suisses des grandes banques. Le 5 avril 2019, le Département fédéral des finances (DFF) a ouvert la consultation sur une révision de l'OFR («projet OFR du DFF»).

2.3

Système de remises

En vertu de l'art. 65 OB, la FINMA accorde des remises sur le capital gone concern si la banque d'importance systémique concernée améliore très vraisemblablement sa capacité d'assainissement et de liquidation en Suisse et à l'étranger grâce à des mesures. Pour ce faire, elle tient compte du degré d'application de ces mesures en Suisse et à l'étranger. Elle détermine les remises spécifiques à chaque établissement.

Or les banques déplorent que le système actuel ne leur permette pas de planifier leurs activités avec sécurité, étant donné que les remises accordées par la FINMA peuvent, du moins en théorie, être adaptées chaque année. Les banques demandent donc à ce que les critères à remplir pour pouvoir prétendre à une remise soient plus précis.

Évaluation Le Conseil fédéral prévoit d'abroger à moyen terme le système de remises. Le projet OFR du DFF contient une proposition en ce sens.

2.4

Échelonnement des bail-in bonds dans le temps et dans l'ensemble du portefeuille

Les bail-in bonds doivent notamment avoir une durée minimale d'un an pour pouvoir être pris en compte dans le capital dont une banque doit disposer pour satisfaire aux exigences gone concern. Contrairement à la norme internationale en matière de TLAC, la Suisse prévoit, comme les États-Unis, une prise en compte réduite de moitié si la durée résiduelle de ces instruments est inférieure à deux ans. Cette disposition doit inciter les banques à échelonner les échéances des bail-in bonds dans le temps de manière appropriée dans l'ensemble du portefeuille. Il en résulte, pour les banques concernées, des exigences gone concern plus élevées, étant donné que les bail-in bonds d'une durée inférieure à deux ans ne sont plus pris en compte que pour moitié.

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Évaluation Le Conseil fédéral envisage une nouvelle réglementation qui n'entraîne pas d'augmentation substantielle des fonds propres pour les banques suisses en comparaison avec les banques étrangères d'importance systémique mondiale et qui garantit un échelonnement approprié des échéances des bail-in bonds dans l'ensemble du portefeuille. Le projet OFR du DFF contient une proposition en ce sens.

2.5

Exigences de liquidités going concern à remplir par les banques d'importance systémique

La LB (art. 9, al. 2, let. b) et l'OLiq (art. 19, al. 2) disposent que les banques d'importance systémique doivent garantir une meilleure capacité de résistance et d'absorption des chocs de liquidités que les banques qui n'ont pas d'importance systémique. Le LCR, que toutes les banques suisses doivent maintenir à 100 % depuis le 1er janvier 2019, permet d'évaluer cette exigence. Si l'on compare les exigences de liquidités applicables aux banques d'importance systémique avec le LCR applicable à toutes les banques, il apparaît que les exigences particulières auxquelles sont soumises les banques d'importance systémique ne garantissent pas qu'elles disposent toutes d'une meilleure capacité de résistance. Les exigences particulières en vigueur ne sont pas précisées de manière détaillée dans l'OLiq. Selon celle-ci, par exemple, la FINMA arrête la classification des créances et des engagements et fixe les taux d'entrée maximaux et les taux de sortie minimaux (art. 24, al. 3, OLiq)14.

Évaluation En collaboration avec la FINMA et la BNS, le DFF examine, d'ici à la fin de 2019, dans quelle mesure les exigences particulières auxquelles les banques d'importance systémique sont soumises en matière de liquidités permettent à ces banques de disposer d'une meilleure capacité de résistance.

2.6

Besoins en liquidités gone-concern des banques d'importance systémique

Conformément aux prescriptions du CSF15, la FINMA élabore actuellement des plans concernant les liquidités dont les banques d'importance systémique mondiale ont besoin pour leur assainissement et leur liquidation. Ces plans définissent la stratégie et les mesures devant être mises en oeuvre en cas de pénurie de liquidités en période de crise. L'élaboration d'un plan de liquidation ou d'un plan d'urgence 14 15

RS 952.06 Cf. CSF, Guiding principles on the temporary funding needed to support the orderly resolution of a global systemically important bank, 18 août 2016 et CSF, Funding strategy elements of an implementable resolution plan, 21 juin 2018.

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fiables exige que les besoins en liquidités d'une banque d'importance systémique pendant son assainissement ou sa liquidation soient préalablement évalués ­ une exigence qui s'applique aussi bien à l'ensemble du groupe financier qu'à chacune de ses unités opérationnelles fondamentales. Cette évaluation permettra ensuite de déterminer si les exigences actuelles en matière de liquidités applicables aux banques concernées permettent de répondre à ces besoins, ou si des adaptations réglementaires doivent être opérées.

Évaluation En collaboration avec la FINMA et la BNS, le DFF examine, d'ici à la fin de 2019, les exigences en matière de liquidités auxquelles doivent satisfaire les banques d'importance systémique pour leur assainissement et leur liquidation.

3

Résumé des mesures requises

Le Conseil fédéral est convaincu que les très grandes banques d'importance systémique en comparaison internationale et par rapport à la taille du pays jouent un rôle essentiel dans la stabilité financière de la Suisse. Cette stabilité peut être particulièrement menacée par une banque d'importance systémique confrontée à une situation d'urgence.

Toutefois, l'approche suisse suivie dans le désamorçage du problème des banques d'importance systémique, qui combine différentes mesures et s'est développée au fil des ans, est jugée positive et adéquate en comparaison internationale. Une réorientation fondamentale de cette politique ne s'impose donc pas.

Le Conseil fédéral n'en conclut pas moins que des adaptations spécifiques doivent être opérées en matière d'exigences de capital gone concern pour les unités suisses des banques d'importance systémique mondiale. Il estime en outre que certains points doivent être clarifiés, à savoir le système de remises, l'échelonnement dans le temps des bail-in bonds et les exigences particulières que doivent remplir les banques d'importance systémique en matière de liquidités.

4

Travaux et calendrier

Concernant les mesures requises aux ch. 2.2 à 2.4 du présent rapport, le DFF a ouvert, le 5 avril 2019, la consultation relative à une révision de l'OFR. En collaboration avec la FINMA et la BNS, le DFF examine en outre, d'ici à la fin de 2019, les exigences que doivent remplir les banques d'importance systémique en matière de liquidités (ch. 2.5 et 2.6).

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