19.039 Message concernant un arrêté de planification relatif à l'acquisition d'avions de combat du 26 juin 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté de planification conformément à l'art. 28, al. 1bis, let. c, et 3, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer l'intervention parlementaire suivante: 2017

M

17.3604

Forces aériennes. Soumettre la décision de principe au peuple!

(N 5.6.18, Groupe BD; E 6.12.18)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

26 juin 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-1607

4861

Condensé Pour protéger et défendre l'espace aérien et pour appuyer les forces terrestres, l'armée a besoin d'avions de combat et de moyens de défense sol-air. Les avions dont elle dispose actuellement devront être retirés du service vers 2030. Le Conseil fédéral propose un projet d'arrêté de planification au Parlement relatif à l'acquisition d'avions de combat pour un volume financier plafonné à six milliards de francs.

L'armée protège et défend la Suisse, sa population et les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement de l'État, de l'économie et de la société.

En situation normale, les Forces aériennes engagent leurs avions dans le cadre du service de police aérienne et pour imposer des restrictions d'utilisation de l'espace aérien suisse. Lorsque la situation est tendue, elles s'en servent pour empêcher quiconque de faire un usage non autorisé de cet espace ou de le violer. En cas de conflit armé, ces appareils sont indispensables pour le défendre ­ et, dès lors, pour protéger la population, les infrastructures critiques, les troupes et les moyens militaires en Suisse ­, pour effectuer des vols de reconnaissance et pour combattre des cibles terrestres.

Actuellement, les Forces aériennes disposent de 30 appareils de type F/A-18 C/D Hornet (en service depuis une vingtaine d'années et pouvant le rester jusque vers 2030, après décision de prolonger leur durée d'utilisation) et de 26 F-5 E/F Tiger (en service depuis une quarantaine d'années et ne pouvant désormais être engagés que dans des tâches spéciales).

Les moyens de la défense sol-air doivent aussi être renouvelés. Les Forces aériennes n'ont actuellement que des systèmes de courte portée: canons de DCA de 35 mm et engins guidés Stinger (en service au moins jusqu'en 2025) et Rapier (devant être retirés du service ces prochaines années). Elles n'ont plus de systèmes de longue portée depuis 1999. Cette lacune devra être comblée avant de moderniser les moyens de courte portée. Le renouvellement de la défense sol-air ­ mené en parallèle avec l'acquisition d'avions de combat en fonction d'une coordination temporelle et technique précise ­ doit s'effectuer selon la procédure normale d'acquisition d'armement et ne concerne pas le présent arrêté de planification.

Le temps presse: le processus allant de l'acquisition des avions de combat
jusqu'à leur mise en service prend une douzaine d'années. Les bases conceptuelles correspondantes existent déjà.

L'acquisition de nouveaux avions de combat est cruciale. Sans ces appareils, l'armée ne peut pas remplir sa mission, à savoir protéger et défendre la Suisse, sa population et ses infrastructures critiques. Or les deux derniers projets d'acquisition d'avons de combat ont fait l'objet de votations populaires. En outre, jusqu'à sa concrétisation, un tel projet s'étend sur plus de dix ans, ce qui demande une planification particulièrement sûre. Le Conseil fédéral entend donc impliquer le plus tôt possible les Chambres fédérales dans ce processus. Il leur soumet ainsi le projet

4862

d'un arrêté de planification (conformément à l'art. 28, al. 1bis, let. c, et 3, de la loi sur le Parlement), dont le contenu est le suivant: ­

Le Conseil fédéral est chargé de renouveler les moyens de protection de l'espace aérien par l'acquisition d'avions de combat. Leur mise en service doit être achevée d'ici à fin 2030.

­

Le volume de financement ne dépasse pas six milliards de francs (selon l'indice des prix à la consommation de janvier 2018).

­

Les entreprises étrangères qui se voient confier des mandats dans le cadre de cette acquisition doivent compenser 60 % de la valeur contractuelle par l'octroi de mandats en Suisse (affaires compensatoires), dont 20 % directement et 40 % indirectement dans le domaine de la base technologique et industrielle liée à la sécurité.

­

L'acquisition doit être proposée aux Chambres fédérales dans le cadre d'un programme d'armement.

­

L'acquisition d'avions de combat est soumise à une coordination technique et temporelle avec celle d'un système de défense sol-air de longue portée menée en parallèle.

­

L'arrêté de planification est sujet au référendum.

L'acquisition d'avions de combat, parallèlement à celle d'un système de défense solair de longue portée, ne doit pas entraîner un arrêt des investissements dans les autres domaines de l'armée. Durant cette décennie où, en moyenne annuelle, 800 millions de francs au maximum devront être consacrés à l'acquisition de ces appareils et d'un système de défense sol-air de longue portée, 700 autres millions environ seront aussi nécessaires pour d'autres acquisitions militaires. Le Conseil fédéral souhaite, de ce fait, relever progressivement le plafond des dépenses de l'armée au cours des prochaines années et, globalement, accorder au financement de l'armée un taux de croissance réel de 1,4 % par an. L'armée, pour sa part, devra fixer des priorités et s'efforcer de stabiliser ses coûts d'exploitation.

Veiller à la sécurité de la population compte parmi les missions fondamentales de l'État. Il doit donc investir dans de nouveaux avions de combat s'il veut assurer la sécurité de la Suisse après 2030.

4863

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Table des matières Condensé

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1

Contexte 1.1 Missions de l'armée et des Forces aériennes 1.2 Nécessité de de renouveler les avions de combat et les moyens de défense sol-air 1.3 Situation en matière de politique de sécurité: nécessité de protéger et de défendre l'espace aérien 1.4 Bases conceptuelles 1.5 Priorités 1.6 Considérations sur un arrêté de planification de portée majeure 1.7 Relation avec le programme de la législature et les stratégies du Conseil fédéral 1.8 Classement d'interventions parlementaires

4866 4866

2

Procédure de consultation 2.1 Projet envoyé en consultation 2.2 Aperçu des résultats de la procédure de consultation 2.3 Appréciation des résultats de la procédure de consultation

4874 4874 4875 4876

3

Arrêté de planification 3.1 Contenu et contexte 3.2 Projet de portée majeure 3.3 Le projet: acquisition d'avions de combat 3.3.1 Besoin 3.3.2 Existe-t-il une alternative aux avions de combat?

3.3.3 Avions à évaluer 3.3.4 Exigences techniques 3.3.5 Nombre d'appareils et volume de financement maximal 3.3.6 Stationnement 3.3.7 Autonomie et dépendance 3.4 Planification des acquisitions pour les autres domaines de l'armée 3.5 Évaluation, choix du modèle et acquisition 3.5.1 Évaluation 3.5.2 Choix du modèle 3.5.3 Prix 3.5.4 Plan de paiement 3.5.5 Affaires compensatoires 3.5.6 Les contrats d'acquisition sont-ils conclus avec les gouvernements ou directement avec les constructeurs?

3.5.7 Calendrier pour l'évaluation et l'acquisition

4876 4876 4877 4877 4877 4878 4880 4880 4881 4882 4883 4883 4884 4885 4885 4886 4887 4887

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4889 4890

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4

Conséquences 4.1 Conséquences pour la Confédération 4.1.1 Aspects liés à la politique de sécurité 4.1.2 Aspects liés à la politique extérieure 4.1.3 Aspects financiers 4.2 Conséquences sur l'économie

4890 4890 4890 4891 4891 4892

5

Aspects juridiques

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Arrêté fédéral relatif à l'acquisition d'avions de combat (Projet)

4895

4865

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Message 1

Contexte

1.1

Missions de l'armée et des Forces aériennes

Les missions de l'armée sont définies aux art. 58 de la Constitution (Cst.)1 et 1 de la loi du 3 février 1995 sur l'armée (LAAM)2. Celles effectuées par les Forces aériennes ­ en tant que composante de l'armée ­ avec des avions de combat et des moyens de défense sol-air en découlent donc.

En situation normale, la sauvegarde de la souveraineté sur l'espace aérien, et notamment le service de police aérienne, figurent au premier plan: les Forces aériennes surveillent en permanence l'espace aérien suisse et interviennent en cas de violation grave des règles de la circulation aérienne. Depuis le 1er janvier 2019, elles sont en mesure d'intervenir chaque jour de 6 à 22 heures avec deux avions de combat armés pouvant décoller dans les quinze minutes qui suivent le déclenchement de l'alarme.

À partir du 1er janvier 2021, elles pourront intervenir 24 heures sur 24. En cas de restriction de l'utilisation de l'espace aérien, comme c'est par exemple le cas chaque année pendant le Forum économique mondial à Davos, les Forces aériennes veillent à ce que les restrictions soient respectées.

En situation de tension, les Forces aériennes doivent être en mesure de sauvegarder la souveraineté sur l'espace aérien suisse pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois pour empêcher quiconque de l'utiliser sans y être autorisé. Les obligations liées au droit de la neutralité sont ainsi respectées. La puissance des Forces aériennes est prise en compte par les parties en conflit ou par les agresseurs potentiels dans la pesée de leurs intérêts: si des conflits armés ont lieu aux abords de la Suisse, une protection crédible de l'espace aérien peut empêcher que notre pays y soit impliqué du fait de violations de son espace aérien.

En cas d'attaque, les Forces aériennes protègent et défendent la population et les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement du pays avec des avions de combat et des moyens de défense sol-air, et empêchent un adversaire de mettre durablement en danger les formations militaires suisses à partir des airs, rendant ainsi possible l'engagement au sol de ces dernières. Les Forces aériennes appuient en outre les forces terrestres par la reconnaissance aérienne et des engagements contre des cibles au sol.

Des Forces aériennes bien formées et dotées d'un équipement moderne sont un impératif pour
que l'armée puisse accomplir la mission que l'on attend d'elle, à savoir protéger la Suisse, sa population et ses infrastructures. Elles contribuent aussi à faire de ce pays un environnement apprécié des entreprises et des organisations internationales, dont un grand nombre y ont leur siège (notamment à Genève).

1 2

RS 101 RS 510.10

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1.2

Nécessité de de renouveler les avions de combat et les moyens de défense sol-air

Au cours des quelque dix prochaines années, les avions de combat et les moyens de défense sol-air actuellement en service atteindront le terme de leur durée d'utilisation.

Avions de combat La décision prise dans le cadre du programme d'armement 2017 de prolonger la durée d'utilisation de chaque avion pour qu'il puisse effectuer non plus 5000 heures de vol mais 6000 permet d'engager les 30 F/A-18 C/D jusque vers 2030. À cette échéance, une prolongation supplémentaire de leur durée d'utilisation s'avérerait à la fois coûteuse et risquée sur les plans technique et financier.

En Suisse, les F/A-18 C/D sont plus fortement sollicités que dans d'autres pays, tels les États-Unis: chez nous, ils sont exclusivement engagés dans le service de police aérienne et, le cas échéant, pour la défense aérienne, alors qu'aux États-Unis ils servent avant tout à combattre des cibles terrestres, une activité qui met moins à contribution les appareils. À cela s'ajoute le fait que les distances en Suisse entre les aérodromes et les secteurs d'entraînement sont courtes, réduisant d'autant la part des heures de vol dites calmes. Si les structures ne sont pas renforcées à titre préventif pendant leur production et sans mesures préventives récurrentes d'assainissement de la structure (inspections, modifications, remplacement d'éléments structurels endommagés) pendant leur utilisation, un F/A-18 C/D suisse devrait être retiré du service après environ 4000 heures de vol, soit dès le début de la prochaine décennie.

Le remplacement des F/A-18 C/D d'ici à 2030 s'avère aussi nécessaire du fait que les autres pays utilisant ces avions (types A/B et C/D) les retireront du service à cette échéance. Si la Suisse devait alors être le seul pays à encore utiliser ces appareils, elle devrait faire face à des dépenses élevées en termes d'entretien et de gestion des pièces détachées et au risque que cela induirait sur le plan technique.

Les F-5 Tiger n'ont d'ores et déjà plus le niveau requis pour effectuer des engagements. Ils n'auraient donc plus aucune chance, en combat aérien, face à un adversaire doté de moyens modernes. Sur l'ensemble de la flotte, 26 F-5 effectuent encore régulièrement des vols pour faire office de cibles, représenter les agresseurs lors d'entraînements au combat aérien, servir à l'entraînement dans les domaines
de la guerre électronique, de même que pour effectuer des missions de surveillance de la radioactivité, des vols d'essai, les meetings aériens de la Patrouille Suisse et, dans une moindre mesure, pour assurer le service de police aérienne de jour et par bonne visibilité.

Défense sol-air La protection sur une courte distance d'ouvrages spécifiques est assurée par des canons de défense contre avions (DCA) de 35 mm, mis en service en 1963, dont 24 sont encore utilisés. Des mesures de maintien de la valeur appliquées aux appareils de conduite du tir et aux pièces permettent d'en prolonger la durée d'utilisation au moins jusqu'en 2025.

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Pour assurer la protection de l'espace aérien inférieur, les Forces aériennes disposent aussi d'engins guidés mobiles Rapier, dont la distance d'engagement est de 7 kilomètres environ, et d'engins guidés légers de DCA Stinger d'une portée de près de 4 kilomètres. Les Rapier (mis en service en 1984) atteindront comme prévu la fin de leur durée d'utilisation dans la première moitié des années 2020 et les Stinger (mis en service en 1993) vers 2025.

Une prolongation de la durée d'utilisation des canons DCA de 35 mm et des Stinger au-delà de 2025 est techniquement possible, moyennant une certaine charge financière; mais ces armes perdront de toute façon de leur efficacité face à des menaces modernes.

Le renouvellement de la défense sol-air s'effectuera dans le cadre du processus normal d'acquisition d'armement, sans arrêté de planification, mais en parallèle à l'acquisition des avions de combat et en fonction d'une coordination temporelle et technique précise.

La première phase de ce processus, dont le calendrier est le même que pour les avions de combat, sera consacrée à l'acquisition d'un système de défense sol-air de longue portée afin de combler le vide laissé depuis 1999 dans ce domaine. Les systèmes de courte portée devraient être remplacés dans une seconde phase.

1.3

Situation en matière de politique de sécurité: nécessité de protéger et de défendre l'espace aérien

La situation en matière de politique de sécurité en Europe et au-delà de ses frontières est très tendue. Les relations prévalant entre les États occidentaux ainsi que leurs organisations (principalement l'OTAN et l'UE) et la Fédération de Russie notamment sont au plus bas.

La Russie considère l'OTAN comme une alliance militaire agressive et expansionniste qui ne cesse de se rapprocher de ses frontières, la provoquant et faisant fi de ses intérêts. Elle entend préserver, à son sens légitimement, ses zones d'influence actuelles et rétablir celles qu'elle a perdues. Pour ce faire, elle engage un nombre considérable de moyens dans une démarche concertée, notamment des forces armées, opérant dans l'ombre ou au grand jour. Les résultats de son engagement militaire en Syrie peuvent l'amener à considérer le recours à des moyens militaires comme une option intéressante dans d'autres régions également. Fin février 2018, alors que la Russie modernisait déjà ses forces armées depuis des années, le président russe a présenté un certain nombre d'avancées technologiques supposées dans le domaine de l'armement. La démonstration de sa puissance de frappe militaire est devenue un élément important de communication, avancé en permanence tant sur le plan intérieur qu'extérieur.

Dans le cas d'un conflit armé conventionnel, l'OTAN continuerait vraisemblablement à surpasser militairement la Russie. La conduite de la guerre hybride telle qu'elle est pratiquée par la Russie soulève toutefois la question de la pertinence des rapports de force purement conventionnels. Les rangs de l'OTAN ne sont plus aussi serrés que par le passé. Les États-Unis ont réussi à pousser les membres européens 4868

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de l'alliance à augmenter leurs dépenses consacrées à la défense. Reste cependant à voir si chacun d'eux appliquera, d'ici à 2024 au plus tard, la directive prescrivant l'utilisation de 2 % du produit intérieur brut à des fins de défense. Pour ces États, les engagements dans des régions éloignées revêtent moins d'importance que par le passé. La tendance est, par contre, inverse en ce qui concerne leur propre défense contre un adversaire usant de moyens hybrides et contre les cyberattaques.

Bon nombre de pays d'Europe occidentale renouvellent actuellement leurs moyens de protection de l'espace aérien, principalement par l'acquisition d'avions de combat, notamment des États comparables à la Suisse (superficie ou population), comme la Belgique, le Danemark, la Finlande, la Norvège, les Pays-Bas et la Suède.

L'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie sont également sur le point de mettre en service de nouveaux avions de combat ou d'étendre leurs flottes d'avions modernes.

Le nombre des exercices militaires réalisés par les États de l'OTAN et par la Russie, qui a considérablement augmenté ces dernières années, de même que l'agressivité manifestée parfois à ces occasions accroissent le risque d'erreurs d'appréciation et d'accidents aux conséquences imprévisibles. Des collisions entre avions ont été évitées de justesse et c'est par pur hasard que certaines manoeuvres de provocation sont restées sans suites.

Les conventions en vigueur sur le contrôle des armements et sur l'instauration de la transparence sont remises en question, certaines ayant même déjà été dénoncées.

Cela concerne aussi bien des traités multilatéraux en Europe que des accords bilatéraux entre les États-Unis et la Russie sur les armes nucléaires, notamment le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire qui interdit les missiles de croisière et les missiles balistiques lancés depuis le sol et ayant une portée se situant entre 500 et 5500 km, dont ces deux États sont sortis. Les États-Unis ont aussi dénoncé l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 avec l'Iran.

La modernisation des moyens de protection de l'espace aérien doit tenir compte des incertitudes qui prévalent en ce qui concerne l'évolution à long terme de la situation sur le plan de la politique de sécurité. Les nouveaux avions de combat ne devraient être entièrement
livrés et opérationnels qu'en 2030. Compte tenu d'une durée d'utilisation prévue de 30 à 40 ans, ils seront employés jusque dans les années 2060, voire au-delà. Or, il est impossible de prédire avec fiabilité la façon dont l'environnement de la Suisse va évoluer au niveau de la sécurité sur un si long terme.

Au vu de la situation, entamer le remplacement des F-5 et des F/A-18 des Forces aériennes suisses, qui comptent respectivement une quarantaine et une vingtaine d'années d'utilisation, est une nécessité absolue du point de vue de la politique de sécurité. Étant donné le volume maximal de financement, leur nombre ne représente pas un armement massif, mais plutôt une mise à niveau raisonnable compte tenu de l'évolution dans le voisinage. La coopération internationale, dans le cadre des limites fixées par la neutralité, n'est pas une solution alternative: en Europe, la protection de l'espace aérien est considérée comme une tâche centrale de l'État, et presque partout ­ même au sein de l'OTAN ­ cette tâche est accomplie dans l'exercice de la souveraineté étatique et en recourant à des moyens nationaux.

4869

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La forte augmentation d'autres menaces ­ principalement le terrorisme et les cyberattaques ­ ne plaide pas en défaveur du renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien. Les nouvelles menaces n'ont pas fait reculer les menaces plus traditionnelles, lesquelles continuent à peser. Les avions de combat contribuent par ailleurs à assurer une protection contre les attaques terroristes dans les airs et depuis les airs. Les mesures de protection de l'espace aérien et du cyberespace ne sont pas alternatives, mais se complètent.

1.4

Bases conceptuelles

Ces dernières années, des bases conceptuelles étendues ont été élaborées en ce qui concerne la protection et la défense de l'espace aérien. Ces bases sont notamment les suivantes: ­

le concept du 27 août 2014 pour la sécurité à long terme de l'espace aérien (rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat Galladé 12.4130 du 12 décembre 2012);

­

le rapport du groupe d'experts interne au Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) du 30 mai 2017 sur le nouvel avion de combat «Avenir de la défense aérienne ­ Sécurité de l'espace aérien pour la protection de la Suisse et de sa population»;

­

les recommandations du groupe d'accompagnement du 30 mai 2017 sur l'évaluation d'un nouvel avion de combat et sur son acquisition;

­

le second avis d'avril 2019 sur le rapport du groupe d'experts, l'examen de l'analyse des menaces et une évaluation indépendante des effets et de l'opportunité des affaires compensatoires.

Ces bases axées spécifiquement sur les Forces aériennes s'inscrivent dans des documents abordant des thèmes plus vastes, lesquels concernent toute l'armée, voire la politique de sécurité dans sa globalité. C'est notamment le cas du message du 3 septembre 2014 relatif à la modification des bases légales concernant le développement de l'armée3 et du rapport du Conseil fédéral du 24 août 2016 sur la politique de sécurité de la Suisse4.

Tous ces documents indiquent que la protection et la défense de l'espace aérien demeurent nécessaires et que des avions de combat sont, de ce fait, indispensables.

La détermination des moyens nécessaires ne doit pas uniquement prendre en compte les besoins de la surveillance de l'espace aérien et de la police aérienne en temps normal: les Forces aériennes doivent aussi être en mesure de protéger la Suisse et sa population en cas de menace grave ou d'événement concret. Il ne s'agit pas non plus d'envisager des moyens permettant une défense aérienne totalement autonome pendant plusieurs mois contre une attaque d'un adversaire puissant qui concentre son action contre la Suisse. Cela ne serait pas réaliste compte tenu des ressources que cela impliquerait.

3 4

FF 2014 6693 FF 2016 7549

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Pour déterminer les moyens indispensables, il est donc nécessaire de prendre en considération les exigences découlant d'une situation de tension pouvant durer plusieurs semaines pendant lesquelles une attaque peut survenir à tout moment. En pareille situation, les Forces aériennes doivent être en mesure d'assurer une surveillance permanente de l'espace aérien et d'intervenir sans délai avec des avions de combat lorsque celui-ci est violé.

1.5

Priorités

Bien que tous les moyens disponibles de protection de l'espace aérien ­ avions de combat et système de défense sol-air ­ soient obsolètes ou le seront bientôt et que des lacunes existent dans la défense sol-air de longue portée, des priorités doivent être fixées pour le renouvellement de ces moyens. Il convient avant tout de remplacer les F-5 E/F et F/A-18 C/D par de nouveaux avions de combat et de combler la lacune qui existe de longue date dans le système de défense sol-air de longue portée.

Quant au renouvellement des moyens de la défense sol-air de courte portée, il ne pourra pas se faire en parallèle pour des questions de ressources. Cet ordre de priorité est le résultat des considérations ci-après: ­

Les systèmes de courte portée seront bientôt obsolètes; aucune lacune essentielle n'est toutefois à déplorer dans ce domaine (comme c'est par contre le cas en ce qui concerne les systèmes de longue portée). Il serait techniquement possible de prolonger de quelques années la durée d'utilisation des canons de DCA de 35 mm et des engins guidés Stinger, qui est limitée aux alentours de 2025, même si cela se traduit, en ce qui les concerne, par une perte d'efficacité au niveau militaire.

­

Un système de longue portée permet de couvrir efficacement de vastes espaces. Quelques positions suffisent à protéger la majeure partie des régions les plus densément peuplées de Suisse. Le système doit couvrir au moins 15 000 km2.

­

Un système de défense sol-air de longue portée permet de décharger les avions de combat d'un poids qu'ils seraient seuls à supporter sans lui. Il assure aussi une protection permanente; les avions de combat peuvent être mis en phase de disponibilité élevée au sol pour n'être engagés qu'en cas de nécessité.

­

Un système de longue portée est sensiblement plus dissuasif qu'un système de courte portée. Les possibilités d'action d'un adversaire s'en trouvent nettement plus réduites; le coût et les risques liés à une attaque, ou ne serait-ce qu'à une violation de l'espace aérien, tendent à augmenter.

­

La défense sol-air de courte portée connaît une évolution technologique fulgurante. Il faut s'attendre à ce que, dans dix à quinze ans, cet essor technologique permette de combattre les cibles encore plus efficacement. Il convient donc d'attendre ce bond technologique.

4871

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1.6

Considérations sur un arrêté de planification de portée majeure

Les projets d'acquisition d'armements, préparés par le DDPS, sont proposés aux Chambres fédérales par le Conseil fédéral dans le cadre des programmes d'armement que renferment les messages sur l'armée. Le Parlement, par le truchement des Commissions de la politique de sécurité, étudient ces messages et décident des acquisitions proposées. Aucun référendum n'est possible.

Concernant l'acquisition envisagée d'avions de combat, plusieurs raisons parlent en faveur de l'utilité de compléter ce processus de telle sorte que le Parlement et les citoyens (en cas de référendum) puissent se prononcer à un stade précoce sur le principe de l'acquisition: ­

L'acquisition d'avions de combat est un projet de portée majeure. À sa base se trouve la question fondamentale de savoir comment protéger la Suisse et sa population contre des attaques aériennes après 2030 également. Sans nouveaux avions de combat, l'armée ne serait plus capable de remplir les missions qui lui incombent en vertu de la Cst. et de la LAAM.

­

Les deux derniers projets d'acquisition d'avions de combat ont fait l'objet d'un scrutin: en 1993, suite à l'initiative populaire «pour une Suisse sans nouveaux avions de combat», et en 2014, suite à un référendum contre la loi sur le fonds Gripen. Ces précédents ne sont pas constitutifs d'une quelconque obligation légale de soumettre au peuple tous les projets d'acquisition d'avions de combat ultérieurs, mais génèrent tout de même certaines attentes démocratiques.

­

Le processus d'acquisition des avions de combat prend globalement une douzaine d'années. Cette longue période et l'engagement financier considérable que cela implique exigent une planification sûre. Cette sûreté peut être accrue par une décision de principe du Parlement (et du peuple, le cas échéant).

La motion 17.3604 «Forces aériennes. Soumettre la décision de principe au peuple!», transmise en 2018 par le Parlement, charge le Conseil fédéral d'organiser dès que possible une votation populaire sur la question de principe de l'acquisition d'avions de combat. Celle-ci doit être tranchée indépendamment du type d'avion.

Par la transmission de cette motion, il est décidé que cette acquisition soit sujette au référendum.

Le Conseil fédéral entend concrétiser cette motion par un arrêté de planification du Parlement. L'art. 28 de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)5 donne au Parlement la possibilité de prendre une décision de principe des années avant que le Conseil fédéral soumette une proposition concrète dans un message sur l'armée: l'Assemblée fédérale peut participer aux décisions de principe ou de planification dans la mesure où elle établit les arrêtés de principe et de planification. Si ces arrêtés sont de portée majeure, ils peuvent être pris sous la forme d'un arrêté fédéral sujet au référendum. Vu l'art. 28, al. 1bis, let. c, et 3, LParl, un arrêté de planification 5

RS 171.10

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portant sur l'acquisition d'avions de combat autorise la prise d'une décision de principe sujette au référendum. Les droits du Parlement sont ainsi garantis: il conserve sa compétence de pouvoir prendre ultérieurement une décision définitive sur une acquisition proposée dans un message sur l'armée.

Solutions alternatives Théoriquement, la procédure normale d'acquisition d'armement sans possibilité de référendum aurait pu être appliquée dans le cas de l'acquisition des avions de combat, ce qui aurait clairement indiqué qu'aucun référendum sur l'armement ou le financement d'un tel projet n'était prévu au niveau fédéral ni même qu'aucune intention n'allait en ce sens, décevant par là même les espoirs de rendre les acquisitions d'avions de combat sujettes au référendum. Cependant, du fait de la transmission de la motion, qui demande une décision de principe du peuple, cette variante n'entre plus en ligne de compte.

Une autre solution serait de regrouper en un seul arrêté de planification l'acquisition d'avions de combat et d'un système de défense sol-air de longue portée. Cette solution, le Conseil fédéral l'a mise en consultation en 2018 (cf. ch. 2). Après examen des résultats ­ principalement les avis des partis politiques ­, le Conseil fédéral en est arrivé à la conclusion qu'il n'est pas impératif d'assujettir aussi l'acquisition d'un système de défense sol-air au référendum, d'autant que sa question n'est pas aussi disputée que celle des avions de combat. Ces deux projets devraient être menés en parallèle en les coordonnant afin de pouvoir les harmoniser au mieux.

Une révision de la LAAM pour l'adoption d'une disposition sur les Forces aériennes et sur leur équipement permettrait un référendum. Toutefois, en ce qui concerne l'acquisition d'avions de combat, il s'agit d'une décision ponctuelle et non d'une règle générale abstraite à caractère législatif. De plus, une disposition légale sur l'équipement des Forces aériennes devrait être suivie d'une disposition semblable pour les autres domaines de l'armée.

1.7

Relation avec le programme de la législature et les stratégies du Conseil fédéral

L'arrêté de planification proposé ne se réfère pas à la législature en cours, mais à des législatures ultérieures pour lesquelles aucune planification n'est encore établie. Le choix du modèle, la présentation du message sur l'armée avec le programme d'armement, le déclenchement de la commande et les premières échéances interviendront lors de la législature 2019 à 2023.

L'acquisition d'avions de combat s'inscrit dans le concept du 27 août 2014 pour la sécurité à long terme de l'espace aérien (rapport du Conseil fédéral en réponse au postulat Galladé 12.4130 du 12 décembre 2012) et dans le rapport du Conseil fédéral du 24 août 2016 sur la politique de sécurité de la Suisse6.

6

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1.8

Classement d'interventions parlementaires

La motion 17.3604 du Groupe BD «Forces aériennes. Soumettre la décision de principe au peuple!» charge le Conseil fédéral de soumettre au peuple dès que possible la question de principe de l'acquisition d'avions de combat.

«Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au peuple dès que possible la question de principe de l'acquisition de nouveaux avions de combat. Celle-ci doit être tranchée indépendamment du type d'avion et s'effectuer dans le cadre du budget de l'armée.» La motion a été transmise. Elle ne peut toutefois être concrétisée dans le cadre légal en vigueur que dans la mesure où la possibilité d'un référendum est donnée (avec l'arrêté de planification proposé). Le passage du texte selon lequel la question de l'acquisition doit «être tranchée indépendamment du type d'avion» signifie qu'un référendum doit éventuellement avoir lieu avant le choix du modèle.

2

Procédure de consultation

2.1

Projet envoyé en consultation

Le projet d'arrêté de planification envoyé en consultation se rapportait à une acquisition groupée ­ de nouveaux avions de combat et un système de défense sol-air de longue portée ­, dont le contenu était le suivant: Art. 1 L'espace aérien de la Suisse est protégé par des avions de combat et des moyens de défense sol-air.

Art. 2 Le Conseil fédéral est chargé de planifier le renouvellement des moyens de défense de l'espace aérien par l'acquisition de nouveaux avions de combat et moyens de défense sol-air de longue portée de manière à ce que le renouvellement soit achevé d'ici fin 2030.

Art. 3 Ce faisant, les paramètres suivants doivent être respectés: a.

un volume maximal de financement de huit milliards de francs est prévu (selon l'indice des prix à la consommation du mois de janvier 2018);

b.

les entreprises étrangères qui se voient confier des mandats pour le renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien doivent compenser intégralement la valeur contractuelle par l'octroi de mandats en Suisse (affaires compensatoires);

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c.

Les acquisitions doivent faire l'objet d'une demande adressée aux Chambres fédérales dans le cadre d'un ou de plusieurs programmes d'armement.

Art. 4 Le présent arrêté est sujet au référendum.

2.2

Aperçu des résultats de la procédure de consultation

Vingt-cinq Gouvernements cantonaux, la Conférence gouvernementale des affaires militaires, le protection civile et les sapeurs-pompiers, sept partis politiques (PBD, PDC, PLR, PES, PVL, UDC, PS), 28 fédérations ou associations et trois personnes ont fait part de leurs avis7.

La très grande majorité des consultés, soit les 25 gouvernements cantonaux, la Conférence gouvernementale des affaires militaires, la protection civile et les sapeurs-pompiers, cinq des sept partis et 24 des 28 fédérations ou associations, s'est prononcée en faveur de l'acquisition telle qu'elle est prévue d'avions de combat et d'un système de défense sol-air de longue portée. Deux partis (PES, PS), de même que le Groupe pour une Suisse sans armée et l'Union suisse des arts et métiers, l'ont rejetée.

Les gouvernements cantonaux qui se sont prononcés à ce sujet (24), la Conférence gouvernementale des affaires militaires, la protection civile et les sapeurs-pompiers ainsi que quatre partis (PBD, PLR, UDC, PS) ont soutenu la procédure fondée sur un arrêté de planification du Parlement sujet au référendum proposée par le Conseil fédéral dans le projet. Le PLR s'est prononcé en faveur de la procédure normale d'acquisition sans possibilité de référendum, le PDC a préconisé d'envisager une révision de la LAAM comme alternative à un arrêté de planification et le PES a demandé une loi sur un fonds dédié au nouvel avion de combat qui soit sujette au référendum, comme c'était le cas pour le Gripen. Concernant les fédérations et associations, onze étaient pour l'arrêté de planification proposé, quatre pour un arrêté de planification qui ne soit pas sujet au référendum et cinq pour la procédure normale d'acquisition.

Le projet d'arrêté de planification prévoyait de renouveler, sous forme de paquet, les moyens de protection de l'espace aérien par l'acquisition d'avions de combat et d'un système de défense sol-air de longue portée: 24 gouvernements cantonaux, la Conférence gouvernementale des affaires militaires, la protection civile et les sapeurspompiers ainsi que quatre partis (PBD, PLR, UDC, PS) et quinze fédérations ou associations ont appuyé cette solution. Trois partis (PLR, PDC, PES) et deux fédérations ou associations (le Groupe pour une Suisse sans armée et l'Union suisse des arts et métiers) se sont prononcés pour une séparation
en deux objets distincts.

Le projet prévoyait aussi un volume de financement plafonnant à huit milliards de francs sans détermination de sa répartition entre les deux objets. Vingt-quatre gou7

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vernements cantonaux, la Conférence gouvernementale des affaires militaires, la protection civile et les sapeurs-pompiers ainsi que trois partis (PBD, PLR, PVL) et treize fédérations ou associations ont approuvé ce volume de financement. L'UDC et sept fédérations ou associations ont demandé d'augmenter ce plafond (la plupart à neuf milliards, d'autres allant jusqu'à 18 milliards). Deux partis (PES, PS) et le Groupe pour une Suisse sans armée ont demandé d'abaisser ce plafond.

Le projet prévoyait encore que les entreprises étrangères qui se voyaient confier des mandats pour le renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien devaient compenser intégralement la valeur contractuelle par l'octroi de mandats en Suisse (affaires compensatoires). Le principe de ces affaires compensatoires est soutenu par 24 gouvernements cantonaux, la Conférence gouvernementale des affaires militaires, la protection civile et les sapeurs-pompiers, ainsi que par trois partis (PBD, PDC, UDC) et 18 fédérations ou associations. Deux partis (PES, SP) et le Groupe pour une Suisse sans armée sont contre.

2.3

Appréciation des résultats de la procédure de consultation

Après examen des avis et au vu de la transmission de la motion 17.3604 «Forces aériennes. Soumettre la décision de principe au peuple!», le Conseil fédéral opte pour la procédure induisant un arrêté de planification, qu'il limite toutefois à l'acquisition d'avions de combat. Le renouvellement de la défense sol-air, qui est peu disputé politiquement, peut se poursuivre sur la voie normale, à savoir sans décision de principe du Parlement (ni référendum).

3

Arrêté de planification

3.1

Contenu et contexte

Le Conseil fédéral soumet aux Chambres fédérales un projet d'arrêté de planification (fondé sur l'art. 28, al. 1bis, let. c, et 3, LParl) dont le contenu est le suivant: Art. 1 Le Conseil fédéral est chargé de renouveler les moyens de protection de l'espace aérien par l'acquisition de nouveaux avions de combat.

1

La mise en service des nouveaux avions de combat doit être achevée d'ici à fin 2030.

2

Art. 2 Les paramètres ci-après doivent être respectés lors de l'acquisition: a.

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le volume de financement ne dépasse pas six milliards de francs (selon l'indice national des prix à la consommation de janvier 2018);

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b.

les entreprises étrangères qui se voient confier des mandats dans le cadre de l'acquisition doivent compenser 60 % de la valeur contractuelle par l'octroi de mandats en Suisse (affaires compensatoires), dont 20 % directement et 40 % indirectement dans le domaine de la base technologique et industrielle en lien avec la sécurité;

c.

l'acquisition est proposée à l'Assemblée fédérale dans le cadre d'un programme d'armement.

Art. 3 L'acquisition de nouveaux avions de combat est coordonnée sur les plans technique et temporel à celle menée en parallèle d'un système de défense sol-air de longue portée.

Art. 4 Le présent arrêté est sujet au référendum.

3.2

Projet de portée majeure

L'acquisition d'avions de combat est un projet de portée majeure au sens de l'art. 28, al. 3, LParl: les appareils actuels approchent du terme de leur durée d'utilisation. S'ils ne sont pas remplacés à temps, la Suisse ne sera plus en mesure de protéger et encore moins de défendre son espace aérien après 2030, et l'armée ne pourra plus remplir les missions qi lui incombent en vertu de la Cst. et de la LAAM.

La protection contre les attaques aériennes ­ qu'elles soient menées par des forces armées ou par des groupes terroristes ­ est une question cruciale pour notre État, dont l'une des tâches essentielles est de veiller à la sécurité de la Suisse et de sa population.

L'importance politique de l'acquisition est soulignée par le fait que les deux derniers projets d'acquisition d'avions de combat ont débouché sur des votations populaires: en 1993, sur la base d'une initiative, et en 2014, sur la base d'un référendum. S'il n'en résulte pas un droit au référendum, cela suscite néanmoins une attente qui doit être prise en compte sur le plan politique.

3.3

Le projet: acquisition d'avions de combat

3.3.1

Besoin

Les Forces aériennes ont besoin d'avions de combat pour assumer les tâches suivantes: ­

en situation normale, assurer le service de police aérienne; depuis le 1er janvier 2019, deux avions peuvent chaque jour, de 6h00 à 22h00, décoller en 4877

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l'espace de quinze minutes pour accomplir ce service; à compter du 1er janvier 2021, ce service sera assuré 24 heures sur 24; ­

en situation de tension, sauvegarder la souveraineté sur l'espace aérien lors d'une intervention renforcée (si nécessaire avec des patrouilles aériennes permanentes), empêcher quiconque de violer ou de faire un usage non autorisé de l'espace aérien suisse et contribuer ainsi à tenir la Suisse à l'écart des conflits armés;

­

en cas de conflit armé, défendre l'espace aérien et, partant, la population de la Suisse, protéger les infrastructures nécessaires au bon fonctionnement du pays et les forces terrestres contre toute attaque afin que ces forces puissent être engagées avec des perspectives de succès;

­

avant ou pendant un conflit armé, réaliser des vols de reconnaissance;

­

en cas de conflit armé, combattre des cibles terrestres (p. ex. pièces d'artillerie, positions d'engins guidés, hélicoptères de combat stationnés au sol) et ainsi appuyer nos troupes au sol.

3.3.2

Existe-t-il une alternative aux avions de combat?

Les avions de combat sont nécessaires pour couvrir la gamme des tâches susmentionnées.

La défense sol-air fournit une contribution importante à la défense aérienne. Elle permet d'assurer une protection permanente, tandis que les avions de combat constituent l'élément dynamique permettant de fixer des priorités avec souplesse et rapidité. La défense sol-air ne peut cependant être engagée que pour abattre des objets volants, et non pour les identifier, les avertir, les refouler ou les obliger à se poser.

Dans le cadre du service quotidien de police aérienne, elle ne constitue pas une alternative, et même en situation de tension, il peut être judicieux de refouler tout appareil pénétrant dans l'espace aérien suisse avec des avions de combat plutôt que de les abattre avec la défense sol-air.

Les drones sont très utiles pour la reconnaissance parce qu'ils peuvent rester en vol très longtemps. Ils ne sont par contre ni adaptés au service de police aérienne ni à la défense contre des avions de combat. Dans le domaine de la police aérienne en particulier, il est important qu'un pilote soit sur place pour prendre les décisions qu'impose la situation. S'ajoute à cela le fait que les drones volent généralement plus lentement et à une altitude plus basse que les avions de ligne, sans parler des avions de combat.

Les hélicoptères de combat permettraient d'appuyer les troupes terrestres. Cependant, ils ne peuvent pas être utilisés pour le service de police aérienne ou pour la défense aérienne. Ils sont en effet trop lents, ne volent pas suffisamment haut et ne possèdent pas de radar air-air pour la reconnaissance d'aéronefs. De plus, ils sont très vulnérables en cas de tirs provenant du sol.

Le recours à des avions d'entraînement armés est également exclu du fait de leur vitesse et de leur plafond opérationnel insuffisants, de même que le recours à des 4878

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avions de combat légers qui ne sont, pour la plupart, que des avions d'entraînement perfectionnés.

Les avions d'occasion (de seconde main) ne sont pas non plus une alternative judicieuse parce qu'aucun F/A-18 C/D n'est proposé et que, dans l'hypothèse où des offres de ce type existeraient, les avions devraient vraisemblablement subir des travaux très coûteux de rénovation, ce qui rendrait leur exploitation inefficiente au vu du nombre d'heures de vol qu'il leur reste à effectuer, d'autant que les F/A-18 C/D seront techniquement obsolètes vers 2030.

Le ravitaillement en vol, en tant que moyen permettant d'assurer une présence en vol avec un nombre réduit d'avions, n'est pas une option efficiente en Suisse, car les distances séparant les appareils des bases aériennes sont courtes. De plus, les avions de ravitaillement devraient être bien protégés et plusieurs avions supplémentaires seraient dès lors nécessaires.

La coopération internationale est parfois présentée comme une alternative (partielle) à l'acquisition d'avions de combat, l'argument avancé étant qu'une telle coopération permettrait de disposer d'une flotte réduite. En réalité, la coopération existe d'ores et déjà en pratique. Les accords de coopération dans le domaine de la sûreté aérienne contre les menaces non militaires, conclus avec quatre États voisins, facilitent le service de police aérienne et permettent généralement, à l'exception de l'Allemagne, de traverser le frontière sans autorisation préalable, mais pas le recours à la force dans l'espace aérien étranger. L'accord conclu avec l'Allemagne et l'OTAN sur la participation de la Suisse à l'échange de données sur la situation aérienne8 permettra d'établir une image adaptée de la situation aérienne une fois que les États voisins auront cessé d'exploiter des systèmes nationaux. Pour la formation des pilotes, des places d'exercice à l'étranger sont nécessaires afin de les entraîner aux vols de nuit, à basse altitude ou supersoniques. Le fait que des avions de combat suisses traversent les espaces aériens d'autres pays et que des avions de combat de forces armées étrangères volent dans l'espace aérien suisse bute toutefois contre les impératifs de la souveraineté en situation normale et, en cas de tensions ou de conflits armés, va à l'encontre des obligations liées à la neutralité. La
mise en commun de la logistique et de la maintenance, les formations communes, l'échange de pilotes et la coopération dans le cadre de la police aérienne sont compatibles avec le droit de la neutralité uniquement tant que l'État partenaire n'est pas impliqué dans un conflit armé. Pour les activités et les domaines dans lesquels une coopération est certes utile, mais qui ne souffriraient pas de conséquences pénibles en cas d'interruption (p. ex. l'entraînement), cette restriction est acceptable. En revanche, les activités essentielles à la bonne marche des Forces aériennes (logistique, maintenance) doivent pouvoir être réalisées avec des ressources nationales, au moins sur une certaine période. Enfin, il convient de relever que la coopération internationale ne signifie pas que le pays est dispensé de déployer des efforts: elle repose sur le principe selon lequel tous les partenaires fournissent des prestations.

8

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3.3.3

Avions à évaluer

Les avions de combat soumis à la procédure d'évaluation sont les suivants:9 ­ ­ ­ ­

Eurofighter F/A-18 Super Hornet F-35A Rafale

Airbus, Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni Boeing, États-Unis Lockheed-Martin, États-Unis Dassault, France

Leur évaluation doit montrer lesquels se combinent le mieux, pour la Suisse, avec la défense sol-air en termes de coûts et d'efficacité.

L'appel d'offres s'effectue sous la forme d'une procédure invitant à soumissionner: armasuisse a invité les gouvernements des États constructeurs à soumettre des offres selon des critères prédéfinis (incluant par exemple des engins guidés). Dans certains cas, un des gouvernements sollicités a décidé que le fabricant devait soumettre directement une offre à la Suisse. Les offres de ce genre seront traitées de la même façon que les offres soumises par les gouvernements.

Aucun avion russe ou chinois n'est évalué. La Suisse n'a encore jamais acheté de systèmes d'armement provenant de ces pays. L'intégration d'avions de combat ou de systèmes de défense sol-air russes ou chinois dans un environnement technique dominé par des systèmes occidentaux serait à la fois coûteuse et risquée. Par ailleurs, vu le contexte international actuellement tendu, toute remise en cause de la pratique usuelle susciterait bien des interrogations, auxquelles il faudrait répondre.

En raison du nombre de nouveaux avions de combat qu'il est prévu d'acquérir, la logique veut de constituer une flotte ne comprenant qu'un seul modèle. Cela accroît certes le risque que tous les avions doivent temporairement être maintenus au sol si un défaut est constaté. En contrepartie, les coûts d'entretien, de maintenance, de remise en état et de formation sont moins élevés. À notre connaissance, aucun État disposant d'une flotte d'une importance comparable à celle dont la Suisse sera dotée n'acquiert deux modèles d'avions différents.

3.3.4

Exigences techniques

Pour protéger et défendre l'espace aérien en toute circonstance (du service de police aérienne à la défense contre une attaque armée), les Forces aériennes ont besoin d'avions de combat disposant d'une forte vitesse ascensionnelle, pouvant atteindre une vitesse supersonique et demeurer au moins une heure dans un secteur d'engagement, et dotés de capteurs et d'armes utilisables quelles que soient les conditions météorologiques. Ils doivent aussi être équipés d'un radar performant et de capteurs passifs, de missiles air-air de longue portée, de systèmes d'autoprotection à l'épreuve des menaces modernes et d'un système d'identification ami-ennemi fiable.

9

L'avion de combat Gripen E du constructeur suédois Saab a aussi été évalué mais le constructeur s'est retiré de la procédure avant les essais en vol et au sol organisés au mois de juin 2019.

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Pour la reconnaissance aérienne, une partie de la flotte doit être équipée de nacelles de reconnaissance pouvant embarquer des capteurs électro-optiques. Les avions en lice doivent tous pouvoir être engagés pour la reconnaissance sans que cela exige forcément un grand investissement sur le plan technique.

Les prérequis techniques pour combattre avec précision des cibles terrestres sont déjà intégrés dans les avions de combat polyvalents modernes. Ceux-ci sont conçus de façon à pouvoir non seulement engager des missiles air-air, mais aussi des armes air-sol. Comme il s'agit uniquement, dans un premier temps, de rétablir le savoirfaire pour les engagements air-sol, il conviendra d'acheter essentiellement des munitions d'exercice, en plus d'un stock minimal de munitions de guerre.

Dans la reconnaissance aérienne aussi bien que dans le combat contre des cibles terrestres, il s'agit de rétablir des aptitudes qui existaient auparavant, mais auxquelles on a renoncé temporairement: jusqu'au retrait du service des avions de combat Hunter (fin 1994) et Mirage III RS (fin 2003), les Forces aériennes pouvaient respectivement combattre des cibles terrestres et effectuer des reconnaissances. Dans un cas comme dans l'autre, la volonté exprimée alors était de voir ces aptitudes rétablies un jour.

3.3.5

Nombre d'appareils et volume de financement maximal

À l'heure actuelle, le nombre exact d'avions à acquérir n'est pas encore arrêté. Les coûts et les performances varient entre les avions évalués, ce qui influe directement sur le nombre d'avions devant nécessairement être achetés d'un point de vue militaire tout en respectant la limite fixée pour le volume de financement.

Les prestations à fournir en cas de tension durable constituent un critère important pour déterminer la taille de la flotte.

Le service quotidien de police aérienne ne peut pas servir de critère parce que, si l'on part de cette seule base, la Suisse ne bénéficierait pas d'une protection suffisante en cas de tension ou de conflit armé. La mission première des Forces aériennes n'est pas d'assurer le service de police aérienne, mais de garantir la protection et la défense contre les attaques menées dans et à partir des airs.

À l'inverse, une capacité de défense qui soit autonome plusieurs mois durant contre une attaque aérienne massive d'un adversaire puissant ne peut pas non plus servir de critère. Cela dépasse en effet les possibilités qu'offre un État neutre et relativement petit comme la Suisse.

Il est impossible de définir à l'avance et en détail comment la Suisse utiliserait les Forces aériennes en cas de tensions dangereuses et persistantes pour empêcher quiconque d'utiliser son espace aérien sans y être autorisé et pour se maintenir hors d'un conflit armé. En tant que modèle pour le calcul de la taille requise de la flotte, il est établi que l'ensemble de la flotte devrait permettre d'assurer une présence permanente dans l'espace aérien avec au moins quatre avions pendant au moins quatre semaines. Ce scénario permet, lors de la phase d'évaluation, de comparer les avions dont les performances (p. ex. le temps plus ou moins long passé dans le secteur 4881

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d'engagement) et les exigences sur le plan de la maintenance diffèrent. Il faut toutefois bien garder à l'esprit qu'il s'agit d'un modèle de calcul pur: les Forces aériennes n'assureront leur présence dans les airs, n'y resteront et n'engageront le nombre d'avions nécessaires qu'en fonction de la situation afin de limiter le plus possible les heures de vol, ce qui permettra de prolonger la durée de vie des appareils.

Si quatre avions de combat volent dans un secteur d'engagement, quatre autres sont disponibles pour assurer un remplacement ininterrompu; les quatre avions rentrés de leur engagement sont à nouveau préparés en vue de l'engagement suivant. Douze avions de combat doivent donc être directement disponibles pour assurer la permanence des doubles patrouilles. En outre, quatre autres avions devraient être tenus en réserve sur les aérodromes. Ainsi, seize avions sont nécessaires pour un engagement durable de ce type.

Les avions de combat requièrent des travaux de maintenance à intervalles précis, dont le coût et la durée varient. En cas d'engagement intensif, la fréquence de ces travaux augmente. Sur une flotte entière, à un moment quelconque, entre 25 et 50 % des appareils sont immobilisés pour des travaux de maintenance et de réparation au sein des Forces aériennes ou dans l'industrie. Cela correspond à la norme au niveau international. Si l'on considère l'engagement préalablement décrit, le nombre d'avions concernés se fixerait entre cinq et seize.

Le fait qu'il faille aussi des avions pour la formation et l'entraînement des pilotes en plus de ceux engagés ou immobilisés par les travaux de maintenance est aussi à prendre en considération.

Ces considérations permettent de fixer à une trentaine au moins le nombre d'appareils qui équiperont la flotte des avions de combat. Une estimation réaliste plafonnant le prix par avion à 200 millions de francs donne un volume de financement maximal de six milliards. Ainsi, compte tenu du financement prévu du renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien pour la période s'étendant approximativement de 2023 à 2032, deux milliards seront disponibles pour acquérir un système de défense sol-air de longue portée. Cela correspond au besoin financier envisagé pour ces composantes.

3.3.6

Stationnement

La livraison des nouveaux avions de combat doit commencer en 2025, pour s'achever en 2030. Il serait prématuré de présenter un concept de stationnement détaillé. On peut toutefois affirmer dès à présent que les nouveaux avions de combat devront être stationnés sur les bases dont les Forces aériennes disposent actuellement. La flotte de l'après 2030 sera réduite par rapport à la flotte actuelle (30 F/A-18 et 26 F-5). Pour que les Forces aériennes ne doivent pas exploiter temporairement trois modèles d'avions, les F-5 doivent être retirés du service avant le début de la livraison des nouveaux avions de combat.

Pendant la phase d'évaluation, des mesures du bruit seront réalisées et il en sera tenu compte lors du choix de l'appareil.

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3.3.7

Autonomie et dépendance

L'utilisation de systèmes technologiquement avancés acquis à l'étranger engendre une dépendance, par exemple pour l'approvisionnement en pièces détachées et pour les mises à jour électroniques. Sans l'appui des constructeurs, les divers systèmes équipant les avions finiront par ne plus fonctionner ou uniquement de façon restreinte. Les craintes que des avions de combat acquis à l'étranger puissent être empêchés de décoller, être soumis à des perturbations en vol, voire soient télécommandés, sont en revanche infondées. Rien n'indique non plus que la capacité de fonctionnement des engins guidés puisse être perturbée à distance.

La gestion d'un stock important de pièces détachées et la capacité de l'industrie nationale à assurer la maintenance et la remise en état des appareils peuvent permettre d'atténuer cette dépendance, mais le coût en est plus élevé. Un objectif visé pour le calcul du paquet logistique pour les nouveaux avions de combat est qu'en cas de fermeture des frontières, et si l'approvisionnement en pièces détachées n'est pas assuré depuis ou vers l'étranger, la souveraineté de l'espace aérien doit pouvoir être sauvegardée et l'utilisation des avions pour la formation et l'entraînement garantie pendant six mois environ. Le service de vol doit pouvoir être assuré avec le personnel des Forces aériennes après l'introduction des nouveaux appareils.

Une dépendance vis-à-vis des États constructeurs et des avionneurs est inévitable. Il est possible de choisir entre plusieurs constructeurs, mais ceux-ci utilisent en partie les mêmes sous-systèmes. La Suisse, pour des raisons techniques et financières, ne peut pas développer ses propres systèmes dans certains domaines critiques (p. ex. les systèmes de communication).

3.4

Planification des acquisitions pour les autres domaines de l'armée

Dans les années 2020 ­ outre de nouveaux avions de combat et un système de défense sol-air de longue portée ­, d'autres acquisitions importantes d'armement seront à l'ordre du jour. Toute une série de systèmes principaux de l'armée approcheront de la fin de leur durée prévue d'utilisation: ceux de l'artillerie, les chars de combat Leopard, tous les véhicules spéciaux du domaine du génie et de l'artillerie reposant sur le char de grenadiers de type M-113, les véhicules d'exploration 93 et l'ensemble de la flotte des chars de grenadiers à roues Piranha. Les capacités actuellement couvertes par ces systèmes seront vraisemblablement aussi nécessaires à l'avenir. De nouvelles technologies et des systèmes modernes seront en partie disponibles et offriront un effet similaire, voire supérieur, avec un nombre d'unités réduit, mais à un coût unitaire plus élevé.

En outre, dans les années 2020, comme déjà par le passé, des camions, des voitures et des véhicules spéciaux devront être remplacés, et d'autres investissements dans les systèmes de commandement et de communication seront nécessaires, notamment pour le Réseau de conduite suisse et les centres de calcul du DDPS et de la Confédération.

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Le renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien est certes une priorité, mais il ne doit pas conduire à un arrêt des acquisitions et des investissements dans les autres domaines de l'armée. Selon la planification actuelle, quelque 700 millions seront, en moyenne, nécessaires chaque année pour des acquisitions dans d'autres domaines (selon l'indice national des prix à la consommation de janvier 2018) pendant la décennie où les moyens de protection de l'espace aérien seront renouvelés pour un montant annuel maximal de 800 millions de francs (2023 à 2032). Au total, il est donc question d'un montant moyen de 1,5 milliard par an. Le remplacement complet de tous les systèmes actuellement utilisés coûterait davantage, mais il n'est pas absolument impératif. L'armée définira des priorités et devra déployer des efforts considérables pour stabiliser les coûts d'utilisation afin de permettre la réalisation des renouvellements à venir dans le domaine terrestre.

Le fait que ces investissements à venir tombent tous sur une même période d'environ dix ans est dû essentiellement à deux facteurs: ­

Depuis 1990, les moyens dont dispose l'armée ont été fortement réduits pendant deux décennies. De nombreux programmes d'allègement budgétaire ou d'austérité prévus sur le court terme ont, en outre, réduit la sécurité de la planification. Les possibilités d'économies dans les coûts d'exploitation étaient limitées parce que la formation et les engagements devaient être menés à bien. C'est pourquoi les économies ont principalement visé les acquisitions, les stocks, les pièces détachées et l'immobilier. C'est ainsi qu'est apparu un retard dans les investissements, lequel doit à présent être comblé.

­

Un projet majeur a été rejeté en 2014, à savoir l'acquisition de 22 avions de combat Gripen E pour remplacer partiellement la flotte des F-5 Tiger. À présent, c'est le renouvellement de tous les avions de combat qui s'avère nécessaire.

3.5

Évaluation, choix du modèle et acquisition

L'acquisition et la maintenance suivent les principes de concurrence et d'économicité énoncés par le Conseil fédéral en matière de politique d'armement. Pour l'acquisition du nouvel avion de combat (comme pour l'acquisition menée en parallèle du système de défense sol-air de longue portée), une procédure invitant à soumissionner sera appliquée.

Lors de l'évaluation, toutes les données importantes pour établir un jugement sont saisies et, dans la mesure où elles sont indiquées sous forme de valeurs empiriques, contrôlées par des tests réalisés à l'interne. C'est le cas non seulement des données touchant les performances, mais aussi des coûts ­ non seulement les coûts d'acquisition, mais l'ensemble des coûts prévisibles pendant toute la durée d'utilisation, y compris pour l'entretien, la maintenance et la remise en état (sans les programmes de maintien de la valeur, car les estimations de coûts sont peu fiables dans ce cas, et sans les coûts liés au retrait du service).

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3.5.1

Évaluation

Depuis novembre 2017, des entretiens ont eu lieu avec les avionneurs, dans un premier temps avec les ministères de la défense, puis dans le cadre de groupes mixtes des ministères de la défense et des constructeurs. En juillet 2018, un premier appel d'offres appelé request for proposals a été adressé aux constructeurs. Le 25 janvier 2019, ceux-ci ont soumis des offres pour 30 et 40 avions de combat (y c.

les engins guidés et un paquet logistique défini) et calculé combien d'avions seraient nécessaires pour pouvoir assurer une permanence de quatre avions dans les airs pendant quatre semaines.

Entre avril et juin 2019, les avions ont été testés en Suisse. Par rapport à l'évaluation de 2008 et sur la base des expériences faites à l'époque (qui donnent des indices sur les données qui devraient être contrôlées), le programme de test a été optimisé, ce qui a permis de l'accélérer et donc de réduire les charges. Les avions étaient basés à Payerne, mais ont également décollé et atterri à Meiringen pour que des mesures du bruit puissent être faites aux deux endroits.

Fin 2019, un deuxième appel d'offres sera lancé. Il faudra y répondre d'ici à la fin de l'été 2020. Après analyse de ces deuxièmes offres, le rapport d'évaluation sera rédigé ­ tout en établissant un lien avec le système de défense sol-air de longue portée. Il servira de base au Conseil fédéral dans sa décision sur le modèle d'avion à acquérir.

3.5.2

Choix du modèle

Une analyse coût-utilité permet de comparer les appareils en lice.

Coûts Concernant les coûts, on tient compte non seulement des coûts d'acquisition des systèmes, mais aussi des coûts d'exploitation pendant une durée d'utilisation de 30 ans. Par contre, les coûts des éventuels programmes d'amélioration de la valeur combative et de maintien de la valeur ainsi que les coûts liés au retrait du service ne sont pas pris en compte, car les prévisions dans ces domaines sont empreintes de fortes incertitudes.

Utilité Les critères pris en compte pour l'évaluation sont les suivants: ­

efficacité (efficacité opérationnelle, autonomie lors de l'engagement), pondération de 55 %;

­

support de produit (facilité de maintenance, autonomie du support), pondération de 25 %;

­

coopération (collaboration militaire pour l'instruction, p. ex. utilisation de l'espace aérien, des aérodromes et des places de tir, infrastructure de simulation et coopération avec le fournisseur ou le gouvernement de l'État constructeur pendant l'utilisation, notamment dans les domaines de la mainte4885

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nance, de la gestion des pièces détachées et du développement), pondération de 10 %; ­

participation directe de l'industrie (étendue et qualité des affaires compensatoires directes), pondération de 10 %.

Les informations collectées au cours de l'évaluation concernant les performances et les coûts des appareils en lice ne peuvent pas être rendues publiques; leur confidentialité répond à une nécessité légitime tant sur le plan militaire que commercial.

Dans le cadre des essais en vol, le Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche mesure les niveaux sonores sur les sites de Payerne et de Meiringen. En s'appuyant sur ces mesures, et à l'aide de modèles, il peut aussi calculer les émissions sonores pour d'autres sites, comme par exemple celui d'Emmen. Toutes ces mesures vont être publiées et seront prises en compte dans l'évaluation des candidats.

Les Forces aériennes utilisent 2 % environ des réserves de kérosène en Suisse. Elles sont responsables de près de 0,3 % des émissions de CO2 provoquées à l'échelle nationale par la consommation de combustibles et de carburant. L'évaluation des candidats tiendra également compte des émissions de CO2. La capacité technique d'utiliser des biocarburants ayant été avérée ces dernières années dans le cadre du trafic aérien militaire, les développements dans ce domaine sont suivis de près.

Concernant la production de ces biocarburants, la Suisse se tient au principe que les plantes doivent d'abord servir de nourriture et de fourrage avant d'être transformées en carburant.

3.5.3

Prix

Les prix d'acquisition des avions de combat doivent être examinés de façon nuancée, et ce, pour plusieurs raisons: ­

Il existe une différence notable entre le prix d'un avion simple, sans aucun matériel supplémentaire (prix fly away), et le prix d'un système. Ce dernier inclut l'ensemble des armements et de la logistique, l'équipement spécifique pour l'engagement (p. ex. les capteurs, systèmes d'autoprotection, réservoirs supplémentaires), les systèmes destinés à évaluer les engagements, les systèmes d'instruction (p. ex. les simulateurs) et l'intégration dans les systèmes de conduite existants. Le prix du système peut représenter plus du double du prix fly away.

­

Pour des raisons commerciales, les prix sont confidentiels, tout comme les données relatives à la performance le sont pour des raisons militaires. Les constructeurs disposent par conséquent d'une marge de manoeuvre lors des négociations sur les contrats et les prix.

­

La concurrence, l'amortissement des coûts de développement et l'évolution des coûts de production peuvent influer sur le prix, de sorte que les prix peuvent différer d'un client à l'autre et en fonction du moment.

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Les comparaisons à l'échelon international, établies de temps à autre sur la base des données publiées, ne sont donc pas fiables.

Pour dresser un tableau complet, il faut prendre en compte les coûts pour l'ensemble de la durée d'utilisation et pas uniquement ceux liés à l'acquisition. Les dépenses d'exploitation sont un facteur important qui doit être établi avec soin pendant l'évaluation et dûment pris en compte dans le choix de l'appareil.

Ainsi, l'utilisation sur une trentaine d'années des avions de combat exige notamment plusieurs programmes de maintien de la valeur (updates) ou d'amélioration de la valeur combative (upgrades) dont les coûts ne peuvent être estimés avec précision.

Dans son rapport sur l'avenir de la défense aérienne, le groupe d'experts interne du DDPS table sur un prix de système moyen de 200 millions de francs par avion. Il s'agit là d'une estimation et non d'une indication concrète de prix fournie par différents avionneurs. Le volume maximal de financement de six milliards de francs (selon l'indice des prix à la consommation de janvier 2018) pour l'acquisition des avions de combat forme le cadre financier, indépendamment du prix du système de chaque avion.

3.5.4

Plan de paiement

Quant à savoir quels montants seront dus et en quelle année, la question est ouverte et devra être abordée lors des négociations avec les fournisseurs choisis. Une acquisition en plusieurs tranches ­ à savoir que seul un petit nombre d'appareils ferait l'objet d'une commande ferme dans un premier temps, le reste s'inscrivant dans une seconde étape ­ ne présenterait aucun avantage sur une période d'une dizaine d'années. S'il faut adapter le rythme des livraisons ou la fréquence des paiements en fonction des ressources disponibles, cela peut être réglé dans le cadre de négociations avec les fournisseurs. Une acquisition en plusieurs tranches créerait une incertitude de part et d'autre, sans pour autant offrir un avantage, d'autant que cela se traduirait par une augmentation des coûts.

3.5.5

Affaires compensatoires

Lors d'acquisitions d'armements à l'étranger, il est loisible d'exiger des constructeurs qu'ils confient des mandats à des entreprises du pays commanditaire pour la totalité ou une partie de la valeur contractuelle. Il s'agit là d'affaires compensatoires, lesquelles sont depuis longtemps monnaie courante sur la scène internationale.

Les affaires compensatoires directes sont des affaires en lien direct avec l'acquisition d'un armement spécifique: les prestations fournies par des entreprises suisses sont intégrées dans l'armement acheté, sous la forme de productions sous licence complète ou partielle, de rapports de sous-traitance, de co-entreprises ou d'autres formes de coopération. Les affaires compensatoires indirectes ne portent pas directement sur l'armement acquis, mais découlent de l'acquisition de cet armement. Ce

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type d'affaires porte principalement sur des mandats industriels, des transferts de technologies, des investissements, un soutien marketing ou un soutien à la vente.

Les affaires compensatoires tirent principalement leur justification de la politique de sécurité. Elles permettent de renforcer la base technologique et industrielle liée à la sécurité et favorisent de ce fait la liberté de manoeuvre de la Suisse dans ce domaine.

Des entreprises suisses peuvent, à travers des affaires compensatoires directes, avoir accès à des technologies de pointe et développer de nouvelles compétences. Cellesci favorisent l'autonomie dans l'entretien et la maintenance des systèmes ainsi que le développement de compétences clés de l'industrie dans les secteurs de la sécurité et de l'armement. Ces affaires peuvent servir à établir une présence durable sur de nouveaux marchés, même après leur échéance. Les affaires compensatoires indirectes contribuent aussi à renforcer la base technologique et industrielle liée à la sécurité. Les entreprises concernées par les affaires compensatoires tirent profit des mandats supplémentaires, ce qui peut augmenter les recettes fiscales. Les effets sur l'économie du pays dans son ensemble restent cependant flous car ils peuvent être partiellement négatifs (prix d'acquisition plus élevés et protectionnisme). Les motifs relevant de la politique de sécurité ont un impact décisif sur ces affaires.

Les affaires compensatoires entraînent cependant aussi des coûts qui se répercutent sur les prix. L'ampleur de cet impact est sujet à discussion. Il dépend notamment du degré de compétitivité des entreprises qui bénéficient de ces affaires.

De façon générale, le fabricant étranger est libre de choisir ses partenaires commerciaux en Suisse. Cette dernière ne peut pas dicter ses choix pour ce qui est des entreprises. Si le fabricant étranger possède une succursale en Suisse, il peut également lui confier ses ordres, sans que la politique de sécurité ou l'économie de la Suisse en soient affectées. Le Bureau des affaires compensatoires, à Berne, s'assure, en collaboration avec armasuisse, que les affaires remplissent les conditions pour compter comme des affaires compensatoires. Le Bureau des affaires compensatoires, à Berne, est subordonné à l'Association for Swiss Industry Participation in
Security and Defence Procurement Programs (ASIPRO). Cette dernière est placée sous l'égide de Swissmem et du Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité, et d'autres associations industrielles peuvent y adhérer en qualité de membre.

Elle constitue une personne juridique à part entière, indépendante d'armasuisse.

Lorsque la valeur générée par ces affaires dépasse les charges purement financières (p. ex. dans le cas de mandats impliquant un important transfert de technologie), des facteurs de multiplication peuvent être appliqués pour prendre en compte la valeur effective des affaires compensatoires. Le montant d'une telle affaire est ainsi multiplié par un facteur et adapté en fonction de la valeur réelle (affaires avec des instituts de recherche: facteur 1­2; affaires ayant une forte incidence sur la politique de sécurité et la politique d'armement de la Suisse: facteur 1­3).

Pour favoriser une collaboration durable, il est possible de comptabiliser des affaires conclues avant la période définie dans le contrat portant sur les affaires compensatoires, mais qui coïncident néanmoins avec celles-ci (banking). La décision à ce sujet est prise au cas par cas par armasuisse. La comptabilisation sous forme de banking est limitée à 20 % au maximum des nouvelles obligations liées à ces affaires.

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L'important est que le traitement des affaires compensatoires se déroule dans la plus grande transparence. Pour l'acquisition des nouveaux avions de combat et moyens de défense sol-air, une liste où figurent les entreprises qui ont reçu des mandats compensatoires est publiée.

Le constructeur envisagé pour l'acquisition des nouveaux avions de combat doit compenser 60 % de la valeur contractuelle par l'octroi de mandats à des entreprises en Suisse: 20 % directement et 40 % indirectement dans le domaine de la base technologique et industrielle liée à la sécurité de la Suisse. Une compensation intégrale n'est donc pas une exigence car elle tendrait à renchérir l'acquisition et demanderait un très gros volume contractuel avec lequel il serait difficile de réaliser les 40 % restants sans perturber le processus commercial normal. Or les affaires compensatoires doivent se dérouler parallèlement au cadre commercial normal et ne pas se substituer à celui-ci.

La répartition régionale des affaires compensatoires doit aussi tenir compte de certains quotas: 65 % en Suisse alémanique, 30 % en Suisse romande et 5 % au Tessin.

3.5.6

Les contrats d'acquisition sont-ils conclus avec les gouvernements ou directement avec les constructeurs?

Les armements peuvent être achetés directement auprès des constructeurs ou, en guise de solution alternative, par le truchement du gouvernement de l'État constructeur (concrètement par le ministère de la défense ou les forces armées). Les acquisitions en provenance des États-Unis s'inscrivent généralement dans le programme Foreign Military Sales du département américain de la défense; les F-5 et les F/A18, de même que les missiles embarqués sur ces avions, ont été acquis de cette manière. En Europe, les acquisitions directes auprès du fabricant sont plus courantes.

L'acquisition de nouveaux avions de combat peut, en principe, se faire des deux manières, sans que l'une soit préférée à l'autre.

En cas d'acquisition directement auprès de l'entreprise, on s'efforce de conclure en parallèle un ou plusieurs accords de coopération en matière de formation et, dans la mesure du possible, d'utilisation et d'entretien avec le ministère de la défense ou les forces armées de l'État constructeur.

La responsabilité quant au respect des obligations en matière d'affaires compensatoires relève des seuls constructeurs.

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3.5.7

Calendrier pour l'évaluation et l'acquisition

Étape

Avions de combat

Défense sol-air

Premier appel d'offres

Juillet 2018

Septembre 2018

Réception des premières offres Janvier 2019

Mars 2019

Tests en Suisse

Avril ­ juin 2019

Août ­ septembre 2019

Second appel d'offres

Fin 2019

Réception des secondes offres

Été 2020

Établissement du rapport d'évaluation

Second semestre 2020

Choix du modèle

Fin 2020, début 2021

Programme d'armement

2022

Signature du contrat

Fin 2022, début 2023

Début des livraisons

2025

Achèvement de la mise en service

Fin 2030

4

Conséquences

4.1

Conséquences pour la Confédération

4.1.1

Aspects liés à la politique de sécurité

L'arrêté de planification signifie que ­ sous réserve des résultats de cette planification et de l'approbation par le Parlement des acquisitions qui devront finalement être proposées ­ l'armée sera capable, ces prochaines décennies, de poursuivre les missions qui nécessitent l'engagement d'avions de combat et qui consistent à protéger et à défendre les personnes qui se trouvent en Suisse ainsi que les infrastructures critiques nécessaires au bon fonctionnement de l'État, de l'économie et de la société contre toute menace provenant des airs et à appuyer les troupes au sol lors de leur engagement.

D'autres secteurs de l'armée dont l'équipement devra aussi subir bientôt un processus de renouvellement; dans le cadre de la protection de l'espace aérien également, la défense sol-air doit être modernisée, certains projets devant être menés en parallèle (systèmes de longue portée), d'autres devant se faire ultérieurement (systèmes de courte portée). L'acquisition d'avions de combat est toutefois prioritaire, et c'est de cette acquisition que dépendra le bon fonctionnement de l'armée en tant que système global.

Cette acquisition est un signal pour la politique de sécurité: la Suisse montre ainsi que, dans des situations tendues ou lors de conflits, elle a et la volonté et la capacité d'interdire l'utilisation de son espace aérien à l'une ou l'autre des parties en conflit.

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Elle renforce la crédibilité de sa neutralité et réduit le risque de voir une partie en conflit tenter de tirer certains avantages militaires en violant son espace aérien. Dans un monde où les tensions ne cessent de s'accroître, la Suisse, par cet arrêté de planification, montre aussi l'importance qu'elle attache à la sécurité et sa disposition à investir dans les moyens nécessaires à sa sauvegarde.

4.1.2

Aspects liés à la politique extérieure

L'acquisition d'avions de combat est une affaire qui implique un volume de financement considérable. Il faut partir du principe que les gouvernements de tous les États constructeurs seront intéressés à ce que des constructeurs de leur pays remportent l'appel d'offres.

De façon générale, les exigences (performances, adéquation pour la Suisse, coûts, offres de coopération sur le plan militaire et industriel) doivent être remplies et les critères factuels sont prépondérants. Les décisions quant aux acquisitions ne doivent pas être dominées par des considérations d'une autre nature, dont pourrait pâtir la valeur utile pour l'armée. Reste que le Conseil fédéral a toute liberté dans le choix des systèmes. Des aspects de politique extérieure peuvent jouer un rôle dans la prise de décision.

Jusqu'ici, la Suisse a toujours acquis ses systèmes d'armes auprès de pays occidentaux. Pour les nouveaux avions de combat également, elle n'a invité que des constructeurs occidentaux à soumettre leurs offres. Ni le droit de la neutralité ni la politique de neutralité n'entre spécialement en ligne de compte dans le choix de l'avionneur; la Suisse est libre de choisir son fournisseur, tant que l'acquisition ne favorise pas un État impliqué dans une guerre. Elle n'est pas non plus tenue, en tant qu'État neutre, de prendre en compte les diverses alliances ou la situation politique lors de ses acquisitions.

4.1.3

Aspects financiers

Pour l'acquisition d'avions de combat et de moyens de défense sol-air de longue portée, un volume de financement ne dépassant pas six milliards de francs est prévu (selon l'indice national des prix à la consommation de janvier 2018). Ce montant est calculé sur la base d'une taille minimale de la flotte et d'un prix unitaire réaliste.

Pendant la période où les moyens de protection de l'espace aérien seront renouvelés pour un montant allant jusqu'à huit milliards de francs (y c. l'acquisition d'un système de défense sol-air de longue portée), sept milliards doivent être prévus pour des acquisitions (via des programmes d'armement) dans les autres domaines de l'armée10. Il s'agit là d'un besoin minimum; en réalité, des investissements d'un ordre de grandeur d'une dizaine de milliards de francs seraient nécessaires pour renouveler entièrement les systèmes terrestres et de conduite qui arriveront au terme de leur durée d'utilisation au cours de cette période.

10

Cf. ch. 3.4

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Avec un budget de cinq milliards de francs consacré à l'armée, un milliard environ par an est disponible pour des acquisitions réalisées dans le cadre des programmes d'armement; près de trois milliards sont nécessaires pour le fonctionnement de l'armée et le dernier milliard pour l'immobilier et l'acquisition de munitions, pour compléter l'équipement, notamment l'habillement personnel des militaires, ou la première acquisition de matériel militaire d'importance financière secondaire, ainsi que pour des prévisions, des tests et la préparation des acquisitions.

Sur une période de dix ans (de 2023 à 2032), dix milliards de francs de moyens financiers seraient donc disponibles pour couvrir des besoins s'élevant à quinze milliards de francs (huit milliards pour le renouvellement des moyens de protection de l'espace aérien, sept milliards pour les autres domaines de l'armée). En novembre 2017, le Conseil fédéral a donc décidé d'autoriser, au cours des prochaines années, un taux de croissance réel de l'ordre de 1,4 % par an au plafond des dépenses de l'armée. Dans le même temps, l'armée doit stabiliser ses frais de fonctionnement afin que la majeure partie des moyens liés à cette croissance puissent être affectés à l'armement. Cette tendance permettra de disposer des quelque quinze milliards de francs nécessaires au financement des programmes d'armement pendant la période de 2023 à 2032.

4.2

Conséquences sur l'économie

Du point de vue économique, il est important que les moyens financiers consacrés à l'acquisition d'avions de combat profitent, ne serait-ce qu'en partie, à l'économie suisse. C'est le cas avec les affaires compensatoires. L'avionneur concerné doit compenser 60 % de la valeur contractuelle par l'octroi de mandats en Suisse. La raison tient en priorité à la politique de sécurité, notamment le renforcement de la base technologique et industrielle suisse liée à la sécurité. Les entreprises qui tirent profit des affaires compensatoires reçoivent des mandats supplémentaires, ce qui, selon les circonstances, garantit un certain nombre de places de travail. Cela permet aussi d'accroître les recettes fiscales. Il est toutefois impossible d'estimer les effets sur l'économie du pays dans son ensemble car ce type d'affaires affaiblit certains mécanismes du marché, ce qui induit des effets négatifs (prix d'acquisition plus élevés et protectionnisme).

5

Aspects juridiques

Selon l'art. 28 LParl, l'Assemblée fédérale participe aux planifications importantes des activités de l'État, notamment par des arrêtés de planification. Ces arrêtés sont des décisions préliminaires qui fixent des objectifs à atteindre, des principes ou critères à respecter ou des mesures à prévoir. Ils sont pris sous la forme d'un arrêté fédéral simple. S'ils sont de portée majeure, ils peuvent être pris sous la forme d'un arrêté fédéral.

Le présent arrêté de planification, s'il est adopté, constitue en principe une décision préliminaire contraignante portant sur le fait de savoir si, ces prochaines années, il 4892

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faudra acquérir de nouveaux avions de combat. Les Chambres fédérales restent cependant libres de leur décision sur la proposition d'acquisition qui leur est soumise dans le cadre d'un programme d'armement. Si le Conseil fédéral entendait ultérieurement s'écarter pour de justes motifs de l'arrêté de planification, il devrait justifier son intention, conformément à l'art. 28, al. 4, LParl. Si l'arrêté était accepté en votation populaire, le Conseil fédéral ne pourrait envisager de s'en écarter qu'en cas de changement indiscutable des circonstances objectives.

Dans le cas présent, il s'agit d'une décision de principe sur une question de portée majeure. Il n'est pas ici question de permettre indirectement un référendum financier. Trois arguments justifient le caractère essentiel de cette décision (comme présenté aux ch. 1.6 et 3.2): ­

La problématique de la protection de la Suisse et de sa population contre des attaques aériennes aussi après 2030 est posée. Sans nouveaux avions de combat, l'armée ne serait plus capable de remplir ses missions.

­

Les deux derniers projets d'acquisition d'avions de combat ont fait l'objet d'un scrutin: en 1993, suite à l'initiative populaire «pour une Suisse sans nouveaux avions de combat», et en 2014, suite à un référendum contre la loi sur le fonds Gripen.

­

La longue durée du processus d'acquisition et l'engagement financier considérable que cela implique exigent une planification sûre. Cette sûreté peut être accrue par une décision de principe du Parlement (et du peuple, le cas échéant).

Il est donc logique que l'arrêté de planification soit présenté aux Chambres fédérales ­ et au peuple en cas de référendum ­ avant d'établir concrètement une demande d'acquisition sur la base d'évaluations, du modèle choisi et des négociations avec les avionneurs. En cas de rejet de l'arrêté de planification, il faudrait voir si c'est l'acquisition dans son ensemble qui est rejetée ou simplement les paramètres contenus dans l'arrêté fédéral. Du résultat obtenu dépendra la suite à donner à la procédure.

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