19.082 Message relatif à la prolongation de la participation suisse à la Kosovo Force multinationale (KFOR) du 27 novembre 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons un projet d'arrêté fédéral concernant la prolongation de la participation suisse à la Kosovo Force multinationale (KFOR), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

27 novembre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-2015

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Condensé Approuvé par l'Assemblée fédérale pour la période allant jusqu'au 31 décembre 2020, l'engagement de la Swisscoy au sein de la Kosovo Force multinationale (KFOR) doit être prolongé jusqu'au 31 décembre 2023. Conformément au mandat en cours et afin d'adapter les prestations de la Swisscoy aux besoins de la KFOR, le Conseil fédéral a réduit le contingent maximal à 190 militaires en avril 2018 et 165 militaires en octobre 2019. Cette diminution d'effectif a été effectuée dans le cadre du retrait des moyens lourds destinés aux tâches de transport et de génie dont la KFOR n'avait plus besoin. Or la situation politique et sécuritaire au Kosovo et dans les Balkans occidentaux s'est détériorée ces dernières années, contraignant l'OTAN à renoncer à son projet de réduire de moitié l'effectif de la KFOR. Afin de répondre aux besoins supplémentaires exprimés à plusieurs reprises par la KFOR, le Conseil fédéral propose d'augmenter l'effectif maximal de la Swisscoy à 195 militaires en avril 2021. Il doit également être en mesure de renforcer temporairement le contingent si des besoins supplémentaires ou une menace accrue le requièrent.

Contexte Deux décennies après le début de l'intervention de la KFOR et plus de dix ans après sa déclaration d'indépendance, le Kosovo demeure aujourd'hui un État fragile et inachevé. Les séquelles du conflit continuent de peser lourdement sur le pays au plan interne, comme dans ses relations avec la Serbie, qui rejette la déclaration d'indépendance du Kosovo et continue d'entraver la reconnaissance internationale de son ancienne province. Les relations entre Belgrade et Pristina, qui se sont à nouveau dégradées, ont engendré une recrudescence des tensions et des incidents provoqués par les deux parties. Les actes d'intimidations exercées à l'encontre des membres d'institutions kosovares issus des minorités se sont multipliés.

Bien que sur le plan constitutionnel, l'égalité entre les ethnies soit assurée et les droits des minorités garantis, l'application de ces principes est difficile en raison du manque de volonté politique et de la faiblesse des moyens mis à disposition par l'État kosovar. Les préjugés négatifs mutuels des communautés albanophones et serbophones augmentent avec le temps, alors que les membres du gouvernement concentrent leurs attaques sur leurs homologues
serbes, qui leur rendent la pareille.

Depuis la fin de la guerre, ce sont principalement des anciens membres de l'Armée de Libération du Kosovo (UÇK) qui dirigent le pays en s'appuyant sur des réseaux familiaux, claniques et clientélistes, parfois proches du crime organisé. Ce système, ainsi que les liens entre la politique, l'économie et le crime organisé favorisent la corruption et freinent le développement du pays vers un État de droit et une économie de marché prospère. Dans un contexte caractérisé par une paralysie politique et un parlement dysfonctionnel, très peu de lois ont pu être adoptées et aucune des réformes pourtant indispensables n'a pu être entreprise, notamment en vue d'améliorer les systèmes de santé, d'éducation et d'administration.

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La sécurité quotidienne au Kosovo peut être jugée bonne. Il s'agit d'une situation à laquelle le travail de la police kosovare contribue de manière significative. La petite délinquance au Kosovo est inférieure à celle que l'on trouve dans d'autres pays européens. Par contre, la grande délinquance et le crime organisé, étroitement liés à des structures familiales, sapent la sécurité juridique, préalable à tout investissement.

Au nord du Kosovo, à population majoritairement serbe, un potentiel d'escalade persiste. Des groupes mafieux couverts par Belgrade contrôlent le parti majoritaire «Lista Srpska» qui prend ostensiblement ses ordres en Serbie. La population se retrouve prise en otage par les différends entretenus par Belgrade et Pristina. Des incidents sécuritaires causés pour des motifs politiques, interethniques ou criminels se produisent régulièrement dans la région de Mitrovica.

Dans un tel contexte, les autorités kosovares ne sont pour l'heure pas aptes à assumer seules la tâche de la KFOR, qui consiste à garantir un environnement sûr. La KFOR, qui est reconnue au Kosovo et appréciée de toutes les parties, jouit d'une grande crédibilité. Elle bénéficie aussi de l'intérêt conjoint que les différentes parties vouent à sa présence, et ce même s'il n'existe plus de véritable menace militaire dans le pays. Réputée apolitique, la KFOR reste en mesure de s'imposer en cas de détérioration de la situation. Cette présence militaire internationale exerce également un effet dissuasif sur les acteurs enclins à user de la violence et rassure les minorités ethniques, qui se sentent menacées dans l'ensemble du pays. L'OTAN avait prévu de réduire de moitié l'effectif de la KFOR d'ici à 2020, mais la détérioration de la situation politique et sécuritaire l'a amenée à renoncer à ce projet.

Depuis 1999, la Swisscoy a successivement adapté son organisation et ses tâches aux besoins de la KFOR, eux-mêmes liés à l'évolution de la situation au Kosovo.

Durant le mandat en cours, l'effectif maximal a été réduit pour se monter aujourd'hui à 165 militaires. Cette réduction est due au retrait du personnel mettant en oeuvre les véhicules spéciaux utilisés dans le transport et la construction, dont la KFOR n'avait plus besoin. En revanche, les capacités fournies dans les domaines de la veille situationnelle, de la
surveillance, de la reconnaissance et du transport aérien, dont la KFOR a toujours besoin, ont été maintenues.

Contenu du projet Depuis le début de l'engagement de la Swisscoy, la Suisse a toujours adapté sa contribution aux besoins de la KFOR, en fonction des capacités de l'Armée suisse.

Le Conseil fédéral est de l'avis qu'il convient de poursuivre cette approche en augmentant à nouveau la contribution de la Suisse de manière à ce que la KFOR puisse combler ses lacunes capacitaires. Afin de permettre à l'armée de fournir ces prestations supplémentaires, le Conseil fédéral propose de relever l'effectif maximal de la Swisscoy de 165 à 195 militaires en avril 2021.

La détérioration du contexte sécuritaire et politique a vu surgir de nouvelles lacunes capacitaires. Signalés notamment dans le cadre d'une rencontre bilatérale entre le Chef de l'armée et le Commandant de la KFOR (COM KFOR) en août 2019, les besoins supplémentaires de la KFOR concernent les domaines de la liberté de

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mouvement (freedom of movement), de la collecte de renseignements et des fonctions d'officiers d'état-major au quartier général de la KFOR.

Il s'agit de domaines dans lesquels l'Armée suisse dispose des compétences et des capacités requises. En matière de liberté de mouvement, la KFOR nécessite des véhicules spéciaux pour dégager les routes d'éventuels barrages improvisés et pour permettre l'intervention des forces de sécurité. La KFOR a besoin d'officiers d'étatmajor supplémentaires dans son quartier général et des spécialistes du renseignement pour son bataillon de reconnaissance (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance, ISR). Dans le passé, la Swisscoy a déjà fourni de telles prestations.

Même si l'effectif de la Swisscoy représente moins de 5 % de l'effectif de la KFOR, la Suisse démontre par sa participation qu'elle contribue dans la limite de ses possibilités à cet effort conjoint et fait ainsi acte de solidarité. De plus, l'engagement consenti jusqu'à présent au profit de la KFOR a démontré que la Suisse est un partenaire compétent et apprécié. L'attribution de la fonction de Commandant suppléant de la KFOR (DCOM KFOR) à la Suisse peut être considérée comme un reflet de cette considération. Ainsi, en poursuivant son engagement, la Suisse signale qu'elle est prête à assumer une part de cet effort international en jouant un rôle dans le maintien de la stabilité et du développement d'une région avec laquelle elle a des liens étroits. En effet, près de 500 000 personnes ayant des racines en Europe du Sud-Est, dont plus de 200 000 ayant des origines kosovares, vivent aujourd'hui en Suisse.

Les charges prévues pour le contingent de la Swisscoy, fort de 195 militaires, s'élèveront à quelque 40,9 millions de francs par an. Les charges supplémentaires liées à l'augmentation de l'effectif maximal du contingent sont couvertes par le budget Défense du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), de même que d'éventuelles augmentations temporaires de l'effectif, qui se monteraient à environ 10,3 millions de francs.

Le 31 décembre de chaque année, le DDPS remet aux Commissions de politique extérieure et aux Commissions de la politique de sécurité des deux Conseils un rapport intermédiaire sur l'engagement de la Swisscoy.

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FF 2019

Message 1

Contexte

Depuis octobre 1999, l'Armée suisse participe à la Kosovo Force multinationale (KFOR) en fournissant un contingent (Swiss Company, Swisscoy). La KFOR a été instaurée sur la base de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 10 juin 19991. La décision quant à la participation militaire de la Suisse a été prise par le Conseil fédéral le 23 juin 1999. Par l'arrêté fédéral du 12 décembre 20012, l'Assemblée fédérale a approuvé la participation de la Suisse à la KFOR, puis sa prolongation jusqu'à fin 20203.

Étant donné l'amélioration et la stabilisation de la situation en matière de sécurité au cours des vingt dernières années, le concept d'engagement de la KFOR, dont l'effectif était initialement d'environ 50 000 militaires, a été adapté et ses troupes ont pu être réduites. Actuellement, 28 États, mettent environ 3500 militaires à la disposition de la mission. La KFOR se concentre aujourd'hui sur le suivi de la situation avec moins de moyens d'intervention. La Swisscoy fournit ainsi ses contributions dans ces mêmes domaines. Dans le cadre de la dernière prolongation, l'effectif maximal a été réduit en deux étapes pour se monter aujourd'hui à 165 militaires. Selon l'arrêté fédéral du 8 juin 20174, le Conseil fédéral a la possibilité d'augmenter temporairement l'effectif de 70 militaires pour une durée maximale de quatre mois. Par le présent message, le Conseil fédéral demande la prolongation de l'engagement de la Swisscoy pour une durée de trois ans. Afin de pouvoir adapter l'effectif à l'évolution de la situation sur place, ainsi qu'aux nouveaux besoins exprimés par la KFOR, le Conseil fédéral souhaite également augmenter l'effectif maximal de la Swisscoy à 195 militaires.

L'OTAN avait prévu de réduire encore de moitié l'effectif de la KFOR d'ici à 2020, mais une nouvelle détérioration de la situation sécuritaire l'a amenée à renoncer à ce projet. Dans ce contexte, certains États ont néanmoins réduit leurs effectifs, voire même retiré l'ensemble de leurs troupes afin de les redéployer sur d'autres théâtres d'opération prioritaires (la France pour le Sahel, l'Allemagne pour constituer un corps d'intervention rapide). D'autres pays qui avaient quitté la mission ont décidé d'y participer à nouveau, à l'image du Royaume-Uni, qui s'engage à nouveau au sein de la KFOR et met notamment plus de 600 militaires à disposition de l'une des réserves d'intervention de la KFOR stationnée hors du Kosovo.

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4

La résolution 1244 peut être consultée à l'adresse Internet suivante: www.un.org > Documents > Résolutions du Conseil de sécurité > 1999.

FF 2001 6203 Jusqu'en 2001, l'engagement de la Swisscoy se déroulait sans armes, et la compétence quant à la décision définitive pour un engagement de ce type relevait du Conseil fédéral.

Suite à une révision de la loi sur l'armée (LAAM, RS 510.10) en 2001 (FF 2000 433), le contingent peut être armé, mais la compétence de décision pour un tel engagement incombe depuis lors au Parlement. Voir les arrêtés fédéraux adoptés depuis 2001: FF 2001 6203, FF 2003 6305, FF 2005 4045, FF 2008 5267, FF 2011 5143, FF 2014 5261, FF 2017 4139.

FF 2017 4139

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FF 2019

Conformément à la résolution 1244, la mission de la KFOR consiste à garantir un environnement sûr. Pour l'heure, aucun autre acteur n'est encore à même de reprendre intégralement cette mission, dont la responsabilité revient en premier lieu à l'État kosovar, lequel n'est cependant pas encore en mesure d'assumer pleinement cette tâche. Le Kosovo ne dispose pas encore de sa propre armée, mais d'une troupe de protection civile faiblement armée, la Kosovo Security Force (KSF). En décembre 2018 toutefois, les autorités kosovares ont décidé de transformer la KSF en une force armée régulière. Selon Pristina, la mise en oeuvre de ce projet prendra une dizaine d'années. Cette démarche a suscité de vives réactions de la part de la Serbie, qui estime qu'elle a le potentiel de déstabiliser la région.

La KFOR agit au Kosovo de concert avec les missions civiles de l'ONU (UN Mission in Kosovo, UNMIK), de l'OSCE (OSCE Mission in Kosovo, OMIK) et de l'UE (EULEX) qui, avec le développement de l'État kosovar, ont vu leurs rôles respectifs se réduire. En première ligne, la police du Kosovo est responsable de la sécurité publique. Ainsi, en cas de trouble, c'est la police kosovare qui a le rôle de première intervenante. Dans le nord du pays, peuplé par une majorité de Serbes kosovars, les interventions des forces spéciales de la police kosovare génèrent toutefois des problèmes et renferment un potentiel d'escalade. En effet, ces forces sont composées exclusivement d'Albanais kosovars, car Belgrade cherche à éviter le recrutement de Serbes kosovars, si nécessaire par l'intimidation et la violence. Par sa présence, la KFOR, perçue comme garante de sécurité de seconde instance, contribue à rassurer les populations, en particulier dans le Nord.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral est de l'avis que la Suisse doit poursuivre son engagement au sein de la KFOR pour des raisons de politique migratoire, d'économie et de politique de sécurité, ainsi que pour des raisons de solidarité envers le reste de la communauté internationale. En effet, alors que d'autres contributeurs de troupes de la KFOR réduisent leurs moyens robustes au Kosovo afin de les redéployer sur d'autres foyers plus dangereux, la Suisse peut mettre à disposition des éléments spécialisés aptes à accomplir des missions d'information et de soutien logistique,
domaines dans lesquels les besoins de la KFOR sont importants. Au vu de la situation au Kosovo et dans les Balkans occidentaux, l'engagement de la KFOR va se poursuivre sans nouvelle réduction, de concert avec l'engagement de l'ONU, de l'OSCE et de l'UE, qui maintiennent leurs missions civiles dans le pays.

En poursuivant son engagement, la Suisse signale qu'elle est prête à prendre en charge une part de cet effort international en contribuant à maintenir la stabilité et le développement de la région, ce qui est également dans son intérêt direct 5. Les expériences passées ont notamment démontré que l'instabilité dans les Balkans occidentaux peut avoir des effets directs sur notre pays, notamment en termes d'immigration (jusqu'à la fin du conflit armé en 1999, plus de 50 000 personnes sont venues en Suisse en tant que réfugiés)6. Aujourd'hui, près de 500 000 personnes ayant des racines en Europe du Sud-Est, dont plus de 200 000 ayant des origines kosovares, vivent en Suisse.

5 6

Rapport sur la politique extérieure 2018, p. 1508, FF 2019 1483.

FF 2003 1305

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2

Situation dans les Balkans occidentaux et au Kosovo

2.1

Situation régionale

Deux décennies après la fin des conflits armés qui ont embrasé les Balkans occidentaux, la situation s'est certes améliorée dans la région, qui n'est plus en proie aux conflits armés et dans laquelle des progrès importants ont été accomplis sur le plan sécuritaire. Dans la foulée, d'autres progrès ont également été réalisés, notamment avec l'adhésion à l'OTAN de l'Albanie en 2009 et du Monténégro en 2017, ainsi que la résolution du différend entre la Grèce et la Macédoine du Nord qui, avec sa nouvelle dénomination, a vu s'ouvrir la voie vers une adhésion à l'OTAN et une perspective européenne. Toutefois, en dépit d'une stabilisation réalisée en grande partie grâce à l'engagement de la communauté internationale, peu de progrès ont été réalisés dans d'autres domaines clés.

Tous les États des Balkans occidentaux souffrent de problèmes analogues. La mise en oeuvre de l'État de droit est entravée par le lien entre les élites dirigeantes et la criminalité organisée, présente aux plus hauts niveaux des structures étatiques. Il en résulte un manque de sécurité juridique qui empêche les investissements, contribuant ainsi à la faiblesse de l'économie. Une conception de l'ethnie dépassant les frontières des États est le fondement d'un nationalisme qui reste une réalité prégnante dans la région. Dans ce contexte, les élites politiques, qui ont tendance à se définir par des notions de clan et d'ethnie, instrumentalisent les divisions ethniques à des fins électoralistes, ce qui conduit à des blocages institutionnels considérables. Alors que la corruption est réputée être très répandue, la justice est souvent caractérisée par sa faiblesse et son manque d'indépendance. Le traitement du passé piétine. Les relations entre certains États de la région sont dès lors minées par des revendications territoriales non résolues.

Ainsi, les pays de la région n'enregistrent que peu d'améliorations dans la mise en place d'un ordre juridique stable. Au Monténégro, où les règlements de comptes entre bandes rivales armées se déroulent sur la place publique, les membres de la presse qui relatent les liens entre le parti au pouvoir et la criminalité organisée sont l'objet de menaces et de violences physiques. En Serbie, intellectuels, journalistes et politiciens dénoncent les inégalités structurelles, la désinformation exercée
par les médias contrôlés par le gouvernement et, plus généralement, l'érosion de la démocratie en faveur d'un autoritarisme croissant. En Albanie, où les opposants politiques critiquent la corruption et le népotisme, la lutte contre la criminalité organisée, particulièrement active dans la production de stupéfiants, constitue un défi majeur.

Malgré la résolution du différend relatif à la dénomination de leur pays, les Macédoniens continuent d'être divisés par l'accord conclu avec Athènes. En Bosnie et Herzégovine, plutôt que de proposer la création de liens entre entités dans leurs programmes, les élites politiques exploitent les antagonismes en instrumentalisant les intérêts ethno-nationalistes. L'avenir du pays en tant qu'État est remis toujours plus en question en Republika Srpska, où de nombreuses voix politiques réclament l'indépendance de cette entité.

L'absence de perspectives et le sentiment d'être de plus en plus ignorées par les élites dirigeantes et les institutions étatiques encouragent les personnes formées à émigrer vers des régions telles que l'Europe occidentale, qui offre de meilleures 8007

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perspectives économiques. Ce constat concerne en particulier les jeunes, touchés par un taux de chômage élevé, qui choisissent souvent d'émigrer une fois leur formation achevée. Les proches restés au pays deviennent alors dépendants des capitaux reçus des diasporas, ce qui ne contribue pas à la croissance économique du pays.

Les États de la région cherchent dès lors à se rapprocher de l'UE, dont l'intérêt politique à l'égard des Balkans occidentaux s'est récemment ranimé. D'ordinaire, il s'agit pour l'UE de «promouvoir la paix, la stabilité et le développement économique et d'ouvrir les perspectives d'intégration dans l'Union». C'est pourquoi elle fournit aux candidats et candidats potentiels à l'adhésion une aide financière, des possibilités d'échanges commerciaux et des exemptions de visas conditionnées par la mise en oeuvre de réformes. Pourtant, cet intérêt renouvelé pour la région n'est pas encore perceptible dans la mise en oeuvre de nouvelles mesures, l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'Albanie semblant peu probable à l'heure actuelle, alors que l'UE apparaît absorbée par des problèmes internes tels que le Brexit. À cet égard, les perspectives d'adhésion des États des Balkans occidentaux se sont plutôt réduites.

D'autres États cherchent quant à eux à exercer leur influence en intervenant auprès de leurs clientèles ethnique ou politique et en investissant dans la région, qu'ils perçoivent comme une zone d'intérêts divers. En s'adressant aux populations slaves orthodoxes, la Russie semble vouloir empêcher le rapprochement des pays des Balkans occidentaux avec l'UE et l'OTAN et ambitionne de créer une zone d'influence slave orthodoxe sur le flanc sud de l'Europe. La Chine a investi lourdement dans les infrastructures en Macédoine du Nord et en Serbie, deux pays clés en termes d'accès aux installations portuaires chinoises en Grèce. L'Arabie saoudite et les États du Golfe investissent dans les régions aux populations majoritairement musulmanes, notamment en Bosnie et Herzégovine et au Kosovo, apparemment pour y exercer une influence politique par le recours à la religion. Attentive à une éventuelle influence européenne dans la région, la Turquie essaie de contenir l'expansion des valeurs occidentales dans les régions européennes autrefois occupées par l'Empire ottoman, notamment en
influençant le système éducatif au niveau local.

Du fait de leur intérêt croissant pour la région, l'OTAN et l'UE maintiennent aussi leur présence dans les Balkans occidentaux, notamment dans le cadre de deux missions militaires (EUFOR ALTHEA en Bosnie et KFOR au Kosovo). En raison de tensions politiques qui peuvent rapidement dégénérer, il est nécessaire pour ces missions, qui disposent également de réserves d'intervention hors théâtre, de pouvoir renforcer rapidement la présence internationale sur place sans devoir entreprendre de nouvelles négociations avec les États hôtes. Cette capacité de la KFOR exerce une influence stabilisatrice sur l'ensemble de la région.

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2.2

Situation du Kosovo

2.2.1

Situation générale

Dès 1999, le Kosovo a été de facto détaché de la Serbie. En 2008, il a décrété unilatéralement son indépendance, qui a été reconnue par 114 États dont la Suisse. Malgré l'avis consultatif de la Cour internationale de justice du 22 juillet 2010 jugeant que la déclaration d'indépendance n'a pas violé le droit international, la Serbie estime que la déclaration d'indépendance du Kosovo est illégale et donc nulle et non avenue et elle continue d'entraver la reconnaissance internationale de son ancienne province. Cinq pays de l'UE refusent de reconnaître cet État en raison de tendances sécessionnistes internes (Espagne, Slovaquie, Roumanie, Grèce et Chypre), de même que la Russie et la Chine, qui soutiennent la Serbie dans les forums internationaux, dont l'ONU et le Conseil de sécurité. Le Kosovo demeure aujourd'hui un État fragile et inachevé. Les séquelles du conflit continuent de peser lourdement sur le pays sur le plan interne, comme dans ses relations avec la Serbie.

Bien que, sur le plan constitutionnel, l'égalité entre les ethnies soit assurée et les droits des minorités garantis, la réalité est plus complexe: l'application de ces principes est difficile en raison du manque de volonté politique et de la faiblesse des moyens mis à disposition par l'État kosovar.

Le soutien de Belgrade à des structures politiques et administratives parallèles dans les communautés serbes du Kosovo permet à la Serbie de maintenir une influence très importante sur certaines parties du pays. Alors que la grande majorité des habitants du Kosovo est ethniquement albanaise, les trois quarts de la minorité serbe 7 sont dispersés au sud de l'Ibar, le «Nord» peuplé presque exclusivement de Serbes kosovars accueillant le quart restant. Quant aux autorités de Pristina, elles n'exercent qu'un contrôle limité et plutôt formel sur le nord du pays.

Des négociations sur un échange de territoires ont été conduites dans le passé entre les présidents de la Serbie et du Kosovo. De telles discussions bilatérales ont généré de fortes résistances au sein des gouvernements des deux pays. Concrètement, ces négociations portaient sur la possibilité de laisser le Nord du Kosovo à la Serbie et d'attribuer au Kosovo la vallée de Presevo, à majorité albanaise. Or la solution envisagée laisserait au Kosovo les trois quarts de sa population Serbe,
de même que les objets culturels orthodoxes les plus importants. Un tel échange de territoires ne serait par conséquent pas à même de résoudre les problèmes ethniques du pays et engendrerait même davantage de transferts de population.

2.2.2

Contexte politique interne

Depuis la fin de la guerre, le pays est en grande partie dirigé par des anciens membres de l'Armée de Libération du Kosovo (UÇK), qui s'appuient sur des réseaux familiaux, claniques et clientélistes, parfois proches du crime organisé. Ce système, ainsi que les liens entre la politique, l'économie et le crime organisé favori7

Estimée à 6 % (soit 100 000 personnes) de la population totale, faute de recensement fiable en raison du boycott des communes du nord du Kosovo à majorité serbe.

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sent la corruption et freinent le développement du pays vers un État de droit et une économie de marché prospère. Par exemple, les indemnités versées aux anciens combattants de l'UÇK sont symptomatiques du système clientéliste mis en place avec le consentement de tous les gouvernements kosovars élus jusqu'à présent. Ces allocations, qui représentent un montant annuel total de 70 à 80 millions d'euros, constituent une charge significative et un risque pour les finances de l'État kosovar: en effet, le nombre de vétérans percevant une rente est passé d'environ 8 000 en 1999, à 40 000 aujourd'hui, alors que l'UÇK comptait au grand maximum 15 000 combattants durant le conflit. Parmi les bénéficiaires d'une rente figurent des personnes qui, durant la guerre, n'étaient pas encore en âge d'être scolarisées. Cette forme d'économie clientéliste a conduit à des interventions du Fond monétaire international, ainsi qu'à des protestations de la population civile. En septembre 2018, le ministère public kosovar a finalement mis en accusation plusieurs hauts fonctionnaires, y compris le ministre de la Kosovo Security Force.

À ce jour, le parlement kosovar a été dysfonctionnel et très peu de lois ont pu être adoptées en raison de la majorité à la fois maigre et hétérogène de l'ancienne coalition gouvernementale. La population, apparemment lassée de l'emprise des vétérans et du manque de perspectives qu'elle engendre, a sanctionné les partis gouvernementaux lors des élections parlementaires nationales et locales en 2017. Le Kosovo se trouve ainsi depuis de nombreux mois dans une situation de paralysie politique.

Dans ce contexte, aucune des réformes pourtant indispensables n'a pu être entreprise, notamment en vue d'améliorer les systèmes de santé, d'éducation et d'administration.

Malgré l'importance de l'aide internationale fournie depuis 1999 et le rôle considérable des «rémittences» (versements directs des émigrés à leurs familles restées au pays), le Kosovo ne dispose pas à ce stade d'une économie de marché performante.

Il est le troisième pays le plus pauvre d'Europe. La croissance économique de 4 % enregistrée en 2018 ne suffit pas à engendrer suffisamment d'emplois pour une population essentiellement jeune et en forte progression. D'environ 30 %, le chômage est le plus élevé de la région, en particulier
chez les jeunes de 15 à 24 ans, où il atteint 50 à 60 %. Cette situation morose est largement due à une économie dominée par les petites entreprises de services, l'agriculture de subsistance, l'économie souterraine et le crime organisé. De plus, le pays fait face à d'importants défis liés à l'État de droit, au manque de concurrence équitable, aux infrastructures lacunaires et à la pénurie de main d'oeuvre qualifiée.

Enfin, les élites politiques kosovares, dont les membres les plus influents sont d'anciens combattants de l'UÇK, vivent sous la menace toujours plus pressante d'inculpations des Chambres spécialisées pour le Kosovo, situées à la Haye et chargées de juger les allégations contenues dans le rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les crimes commis par les membres de l'UÇK entre 1999 et 2000 («Rapport Marty»8). Depuis octobre 2018, son procureur procède à l'interrogatoire de nombreux témoins potentiels, ce qui pourrait aboutir à la mise en accusation de quelques suspects à haut profil politique. Invité comme suspect par le 8

«Le traitement inhumain de personnes et le trafic illicite d'organes humains au Kosovo», Rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme, Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Doc. 12462, 7 janvier 2011.

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Procureur de la Cour spéciale, le Premier ministre kosovar a démissionné en juillet 2019. Le parlement kosovar a par la suite voté sa propre dissolution, ouvrant la voie aux élections législatives anticipées tenues en octobre 2019. À cette occasion, les électeurs ont sanctionné onze années de mauvaise gestion en portant au pouvoir les deux partis promouvant la santé, l'éducation, la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Les nouveaux élus devront affronter des défis considérables, dont la prise de contrôle d'une administration relativement dysfonctionnelle, composée de fonctionnaires souvent peu compétents et loyaux envers les anciens dirigeants qui les ont nommés, et démanteler les cartels créés par les anciens dignitaires pour racketter l'économie.

2.2.3

Situation en matière de sécurité

La sécurité quotidienne au Kosovo peut être jugée bonne. Il s'agit d'une situation à laquelle le travail de la police kosovare contribue de manière significative. De ce fait, le développement de la police kosovare peut être considéré comme un domaine dans lequel l'engagement de la communauté internationale a été couronné de succès.

La petite délinquance au Kosovo est inférieure à celle que l'on trouve dans d'autres pays européens. Par contre, la grande délinquance et le crime organisé, étroitement liés à des structures claniques et familiales, sont présents dans les secteurs économique, politique et juridique et sont en grande partie à l'origine de la stagnation du pays: en effet, ils sapent la sécurité juridique, laquelle est un préalable à tout investissement.

Grâce à l'OSCE, qui entretien au Kosovo la deuxième plus grande délégation après celle d'Ukraine, tous les incidents impliquant des membres d'ethnies différentes sont soigneusement monitorés afin de déterminer si le motif est purement criminel ou si l'arrière-plan minoritaire joue un rôle. Comme évoqué plus haut, l'OSCE rapporte que les membres d'institutions de l'État kosovar issus des minorités peuvent faire l'objet d'intimidations, pressions et autres menaces.

Les préjugés négatifs mutuels des communautés albanophones et serbophones sont en augmentation: les nouvelles générations n'apprennent plus la langue de l'autre, ce qui contribue à maintenir les stéréotypes existants ou à en créer de nouveaux. Les membres du gouvernement concentrent leurs attaques, toujours plus virulentes, sur leurs homologues de Belgrade, qui leur rendent la pareille. Mais aucun discours officiel haineux n'est dirigé contre les minorités.

Le nord du Kosovo, à population majoritairement serbe, recèle un potentiel d'escalade. Cette région est en effet mise en coupes réglées par des groupes mafieux couverts par Belgrade. Ces groupes contrôlent le parti majoritaire «Lista Srpska», qui prend ostensiblement ses ordres en Serbie. La population se retrouve prise en otage par les différends maintenus par Belgrade et Pristina.

En particulier dans la région de Mitrovica, des incidents sécuritaires causés pour des motifs politiques, interethniques ou criminels se produisent fréquemment en raison des clivages ethniques et de tensions persistantes.

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FF 2019

La tradition kosovare étant dépourvue de vision religieuse extrémiste, le terrorisme ne constitue pas au Kosovo un danger plus important que sur le reste du continent européen. Les structures sociétales, dominées par la famille, engendrent un haut degré de contrôle social imposant des limites étroites à l'expansion des idéologies djihadistes. Par ailleurs, selon les organes suisses de renseignement et l'OTAN, les autorités kosovares agissent de manière efficace. De ce fait, la probabilité d'un acte terroriste contre les institutions nationales ou internationales peut être considérée comme faible. Bien que le Kosovo soit également concerné par le problème des individus radicalisés et le retour des voyageurs du djihad de zone syro-irakienne, il n'y a pour l'heure aucun indice indiquant qu'une telle menace pourrait se réaliser.

En ce qui concerne les collaborateurs des organisations internationales engagées au Kosovo, il apparait que d'un point de vue global, ils ne sont pas directement concernés par les problèmes sécuritaires du pays et sont donc en mesure d'accomplir leurs tâches sans menaces particulières.

2.2.4

Relations avec la Serbie

L'état des relations entre le Kosovo et la Serbie a une influence significative sur la stabilité dans l'ensemble des Balkans occidentaux. La Serbie ne reconnait pas le Kosovo en tant qu'État à part entière et n'a d'ailleurs jamais accepté la déclaration d'indépendance du Kosovo. Ces revendications territoriales empêchent toute réconciliation entre la Serbie et le Kosovo et constituent un facteur d'instabilité pour toute la région. Divers aspects non résolus depuis la guerre d'indépendance du Kosovo, notamment la question des criminels de guerre et des personnes disparues (1 653 selon le Comité international de la Croix-Rouge), continuent également d'empoisonner le processus de réconciliation. Ces traumatismes sont même délibérément entretenus par les élites nationalistes au pouvoir dans les deux camps.

Le dialogue Belgrade-Pristina institué en 2011 sous l'égide de l'UE et sous mandat de l'ONU afin de normaliser les relations entre les deux États, a été de fait interrompu début 2017. Devant la paralysie du dialogue et la détérioration de la situation sur le terrain, l'Allemagne et la France ont convoqué un sommet informel des Balkans occidentaux en avril 2019 à Berlin dans le but de relancer le dialogue officiel. Pour le Kosovo, la conclusion du dialogue doit s'accompagner d'une reconnaissance univoque de son indépendance par la Serbie, qui ouvrirait pour Belgrade la voie de l'adhésion à l'UE et débloquerait sa progression vers l'intégration européenne. Or, pour le gouvernement serbe, une éventuelle reconnaissance de la souveraineté de son ancienne province devrait être le résultat d'un «compromis» assorti d'importantes compensations, notamment sous forme de concessions territoriales et de droit de regard sur l'administration des minorités serbes.

La détérioration des relations entre Belgrade et Pristina a donc engendré une recrudescence des tensions et des incidents provoqués par les deux parties. Les actes d'intimidation exercés à l'encontre des membres d'institutions kosovares issus des minorités se sont multipliés, en particulier dans la KSF. Les Serbes kosovares membres de la KSF ont été menacés et mis sous pression par des individus de la même ethnie, ainsi que par les autorités serbes afin qu'ils remettent leur démission.

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Rien qu'en 2018, ces intimidations ont conduit plus d'une dizaine de Serbes kosovars à démissionner.

En parallèle à son opposition de principe envers toute nouvelle adhésion du Kosovo à des organisations internationales, la Serbie a lancé fin 2017 une campagne internationale de «déreconnaissance» du Kosovo, tentant de persuader des petits États comme le Suriname de revenir sur leur reconnaissance de l'indépendance du Kosovo. Fin 2018, le Kosovo a connu un troisième échec de tentative d'adhésion à Interpol suite au lobby intense exercé par la Serbie. En représailles, le Kosovo a alors décidé de taxer à hauteur de 100 % les importations de biens en provenance de la Serbie et de la Bosnie et Herzégovine9, une démarche qui viole l'accord de libreéchange centre-européen. L'UE et les États-Unis ont condamné cette mesure de rétorsion prise par Pristina et exigé le retrait de la taxe. Malgré les pressions de la communauté internationale, les autorités kosovares ont refusé de revenir sur cette décision, par ailleurs très populaire au Kosovo.

2.2.5

Transformation de la Kosovo Security Force (KSF)

Jusqu'en décembre 2018, la KSF était officiellement une organisation étatique légèrement armée, dotée d'unités paramilitaires et dédiée à la protection civile.

En décembre 2018, le gouvernement kosovar a annoncé officiellement sa volonté de transformer la KSF en une force armée régulière, formalisée par l'adoption d'un paquet législatif par le parlement kosovar. La mise en oeuvre de ce projet a démarré mais devrait prendre bien plus de temps que ce qu'envisage Pristina (10 ans pour disposer d'une armée opérationnelle). Cette transformation en armée régulière ne comporte pas seulement des conséquences politiques internes, mais elle a aussi des effets sur les relations du Kosovo avec la Serbie, qui a exprimé son inquiétude dans une lettre officielle adressée à 53 pays, dont la Suisse. Belgrade considère la transformation de la KSF comme une menace contre la paix et demande notamment aux gouvernements de renoncer à reconnaître l'indépendance du Kosovo.

Rien ne porte à croire que les autorités kosovares pourraient revenir sur leur intention et il n'y a pas non plus de signes indiquant que la Serbie serait en mesure d'accepter une telle perspective, ni même de l'envisager.

L'OTAN a désapprouvé cette démarche, alors que les USA, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France soutiennent par principe la création d'une armée kosovare.

La Suisse a fait connaitre sa position lors de contacts officiels avec le gouvernement kosovar. En tant qu'État indépendant, le Kosovo a le droit de disposer d'une armée régulière. Au vu du contexte général au Kosovo, la transformation de la KSF contribue toutefois à aggraver les tensions avec la Serbie. La priorité devrait être accordée à la résolution du conflit plutôt qu'à la création d'une armée. Pour la Suisse, il est dès lors essentiel que la KFOR reste la principale garante de la sécurité au Kosovo.

9

Sarajevo aligne sa politique kosovare sur celle de Belgrade.

8013

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2.3

Questions frontalières

L'idée de procéder à des échanges de territoires en vue de régler les tensions ethniques revient périodiquement dans les discussions entre les États des Balkans occidentaux, tout comme entre le président serbe et le président kosovar. Compte tenu de la présence de divers secteurs à majorité serbe sur l'ensemble du territoire du Kosovo, une telle approche ne constituerait toutefois guère une solution adéquate pour résoudre la question des relations de la minorité serbe avec le reste de la population kosovare à majorité albanaise.

Depuis l'été 2018, les chefs d'État respectifs ont à nouveau émis des déclarations en faveur d'un éventuel échange de territoires ou d'une répartition ethnique entre la Serbie et le Kosovo. Le président kosovar, qui défend cette démarche, est totalement isolé en termes de politique interne, l'ensemble de la classe politique et de la population kosovares rejetant tout échange de territoires. Le président serbe ne trouve pas non plus de soutien pour cette approche, car l'Église orthodoxe serbe refuse avec véhémence un tel échange, qui aboutirait à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, tout comme, sur un ton plus discret, la majorité de la population serbophone qui serait «abandonnée» au Kosovo. Néanmoins, dans l'espoir qu'un tel accord permettrait de résoudre le conflit entre Belgrade et Pristina, les États-Unis, la France et l'Italie, adoptent une attitude plutôt accommodante à l'égard d'un éventuel échange de territoires. L'UE est plutôt désunie sur cette question, alors que les pays occidentaux s'étaient jusqu'alors toujours engagés pour la coexistence pacifique de sociétés multiethniques dans les Balkans, et ce à l'intérieur des frontières des anciennes républiques de Yougoslavie.

Un éventuel échange de territoires entre le Kosovo et la Serbie constituerait un précédent très risqué pour la région, que ne manqueraient pas d'exploiter d'autres nationalistes, notamment en Bosnie et Herzégovine, en Macédoine du Nord ou au Monténégro, ce qui pourrait compromettre la stabilité des Balkans et d'autres régions touchées par des conflits frontaliers telles que le Caucase ou l'Asie centrale.

Ce point de vue est fermement partagé par l'Allemagne et la Suisse, et, plus discrètement, par la plupart des États membres de l'UE, ainsi que l'ensemble des pays de la région. Pour
l'heure, il semblerait que le seul effet concret de ces discussions ait été d'accroître l'appréhension des populations concernées par un tel scénario, à savoir la minorité serbe au Kosovo et la minorité albanophone dans le Sud de la Serbie, toutes deux exclues des négociations par les autorités des deux pays.

2.4

Présence et influence de la communauté internationale

La résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU est le fondement de la présence de la KFOR et de plusieurs organisations internationales au Kosovo. Au début de l'engagement international, la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) était en charge de l'administration civile et de la construction de l'État kosovar, notamment de sa police. La mission de l'OSCE (OMIK) était essentiellement active dans les domaines de la démocratisation et des droits de 8014

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l'homme. De nombreuses ONG étaient alors également actives dans le pays. Plus tard, en 2008, la mission État de droit de l'UE au Kosovo (EULEX) a repris progressivement les tâches du mandat exécutif de la MINUK dans les domaines de la mise en place de la justice, de la police, des douanes et de la protection des frontières.

Bien que ces missions soient aujourd'hui encore présentes dans le pays, leur rôle a été considérablement réduit avec le développement progressif de l'État kosovar. La MINUK ne dispose plus que d'un mandat restreint et d'un effectif réduit. Par contre, l'OMIK dispose d'effectifs pléthoriques grâce à la Russie et à la Serbie, qui refusent de les diminuer, arguant de la situation délicate au Kosovo. L'OMIK poursuit ses activités dans des domaines tels que le développement de la démocratie, les droits des minorités ethniques, la liberté des médias, l'égalité des genres et le soutien électoral. Elle produit des bulletins quotidiens sur les incidents entre membres d'ethnies différentes et effectue le monitoring des élections nationales et municipales au Kosovo. En 2018, EULEX, qui n'est plus chargée de la poursuite des crimes de guerre, de la corruption, du crime organisé et du terrorisme, a transféré une grande partie de son mandat exécutif dans le domaine judiciaire aux autorités kosovares. Ses compétences exécutives se limitent désormais à la protection des témoins et aux arrestations en lien avec les procédures des Chambres spécialisées pour le Kosovo situées à La Haye. Son effectif ne comptant plus qu'une centaine de policiers, EULEX dispose de capacités d'intervention très limitées en cas de surcharge de la police kosovare. Dans les faits, la KFOR a repris cette fonction.

Sur le plan politique, les acteurs internationaux, notamment les États-Unis et l'UE, semblent toutefois en perte d'influence au Kosovo. Le refus du Kosovo de céder à la pression internationale sur la taxe contre la Serbie le démontre. D'autres développements tels que la transformation de la KSF en armée régulière viennent renforcer ce constat: les autorités kosovares gagnent en autonomie et la perte de crédibilité des organisations internationales, en particulier de l'UE, explique en grande partie ces changements. L'incapacité de l'UE à faire respecter par ses États membres la libéralisation des visas Schengen
en 2018, alors que le Kosovo a rempli tous les critères formels et qu'il est le dernier État de la région à être soumis au régime des visas, est vécue comme une injustice par les autorités comme par la population. Les missions civiles de la communauté internationale, en particulier EULEX, sont généralement mal acceptées et leur raison d'être est souvent remise en question.

Dans ce contexte de perte d'influence de la communauté internationale au Kosovo, la présence de la KFOR reste indispensable. Cette mission continue de jouer un rôle essentiel en tant que garante de la sécurité et de la stabilité, et ce particulièrement grâce à son haut niveau d'acceptation auprès de toutes les ethnies de la population kosovare.

3

Le rôle de la KFOR

3.1

Le mandat de la KFOR

Le mandat portant sur l'engagement de la KFOR, qui découle de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU, a été expressément approuvé par le gouvernement 8015

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kosovar après la déclaration d'indépendance de 2008. Aux termes de la résolution, la KFOR a trois missions à remplir: ­

la mise en place et le maintien d'un environnement sûr et stable (y compris la garantie d'une liberté de mouvement sans restriction);

­

la mise en oeuvre et la surveillance de l'accord prévoyant le retrait des forces serbes du Kosovo et le désarmement de l'Armée de libération du Kosovo;

­

le soutien à la mission civile d'administration intérimaire de l'ONU au Kosovo (MINUK) ainsi qu'à d'autres partenaires civils internationaux.

La KFOR collabore étroitement avec la MINUK et EULEX.

3.2

Évolution et fonctionnement de la KFOR

L'amélioration et la stabilisation de la situation en matière de sécurité au cours des vingt dernières années a conduit à adapter le rôle de la KFOR et à réduire en plusieurs étapes l'effectif de ses troupes, qui se montait initialement à environ 50 000 militaires. Actuellement, 28 États, parmi lesquels figurent huit États non membres de l'OTAN, mettent à la disposition de la KFOR environ 3500 militaires.

Ainsi, sur le plan opérationnel, la composition de la mission est passée d'une force robuste omniprésente et essentiellement composée de moyens d'infanterie effectuant des patrouilles et des contrôles, à une présence plus modérée, dont la tâche principale est la veille situationnelle, à savoir la recherche d'informations et de renseignements. Afin de pourvoir agir en cas de détérioration de la situation, la KFOR a conservé une certaine capacité d'intervention composée de moyens robustes. Pour effectuer ses tâches, la KFOR comprend aujourd'hui trois composantes: veille situationnelle, intervention et réserve d'intervention.

Un réseau de 29 équipes «Liaison and Monitoring Teams» (LMT) constitue l'élément principal de la capacité de veille situationnelle de la KFOR. Il permet de déceler rapidement les éventuelles tendances conflictuelles menant à une détérioration de la situation sécuritaire et, au besoin, de déclencher les éléments d'intervention. Les équipes LMT effectuent également des tâches de médiation au niveau local. Chacune d'elles est composée de huit militaires, qui vivent au sein de la population, dans une maison servant de point de départ à leurs activités. Les équipes font office d'organes d'informations pour le commandant de la KFOR. Elles permettent en même temps à la KFOR d'assurer une présence militaire sur l'ensemble du territoire. La KFOR dispose également de formations de reconnaissance qui recherchent des renseignements de manière discrète pour le commandant de la KFOR.

En cas de détérioration de la situation, la KFOR dispose de bataillons d'intervention pouvant intervenir dans des secteurs du pays qui leur sont spécifiquement attribués.

Un troisième bataillon peut mener une large palette d'interventions sur l'ensemble du Kosovo, voire en Bosnie et Herzégovine au profit de la mission EUFOR ALTHEA. Les éléments d'intervention sont appuyés par des éléments de mobilité

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tactique, tels que des hélicoptères de transport ou des équipes de déminage d'engins explosifs improvisés («Improvised Explosive Devices»).

Si la situation le requiert, la KFOR a par ailleurs la possibilité de faire appel à deux forces de réserve stationnées hors du Kosovo, qui peuvent être engagées dans l'ensemble des Balkans: la «Strategic Reserve Force», forte de 734 militaires, subordonnée au «Supreme Headquarters Allied Powers Europe» (SHAPE) de l'OTAN à Mons et la «Operational Reserve Force», forte de 1083 militaires, subordonnée au «Allied Joint Force Command» de l'OTAN à Naples. Ce dispositif permet de maintenir une présence légère dans le pays tout en conservant des forces de réserve à haute disponibilité sur place (présence réduite) et hors théâtre (présence renforcée).

Parallèlement à la KFOR, l'OTAN soutient depuis 2008 la création par le Kosovo de ses propres forces de sécurité. Bien que l'OTAN estime qu'il est prématuré pour Pristina de transformer la KSF en armée régulière, elle poursuivra le soutien qu'elle lui apporte afin d'assurer que ce processus de transformation mène à la mise en place d'une force qui fonctionne dans le respect des principes de l'État de droit et du contrôle démocratique. Il s'agit également pour l'OTAN d'assurer que l'appui à cette transformation s'effectue par voie multilatérale, plutôt que par des canaux bilatéraux pouvant servir à la mise en oeuvre d'agendas nationaux particuliers.

L'Armée suisse ne participe pas à ces efforts.

Les instances militaires de l'OTAN réexaminent tous les six mois, sur la base d'analyses globales de la situation, la taille des troupes, ainsi que les tâches et l'orientation de la KFOR, afin d'assurer leur adéquation avec les besoins sécuritaires dictés par les circonstances au Kosovo. Lors de conférences de génération de forces («Force Generation Conferences»), les États contributeurs peuvent soumettre des offres de contribution basées sur les besoins de la KFOR ainsi actualisés par l'OTAN.

3.3

Bilan et perspectives pour la KFOR

La KFOR demeure au Kosovo le seul acteur international reconnu et apprécié de toutes les parties; elle jouit d'une grande crédibilité. Elle bénéficie aussi de l'intérêt conjoint que les différentes parties vouent à sa présence, et ce même s'il n'existe plus de menace militaire directe au Kosovo. La KFOR, réputée impartiale, couvre l'ensemble du territoire avec ses LMT, sans pour autant donner l'impression de militariser le pays. Elle a la capacité de s'imposer en cas de détérioration de la situation et peut intervenir rapidement dans tout le Kosovo. Cette présence militaire internationale au Kosovo a un effet dissuasif sur les auteurs d'actes de violence et rassure les minorités ethniques qui continuent à se sentir menacées dans l'ensemble du pays. D'un point de vue général, l'OTAN estime que l'engagement de la KFOR devra se poursuivre aussi longtemps que la Serbie et le Kosovo s'avéreront incapables d'établir des relations apaisées entre États souverains. La KFOR demeure ainsi nécessaire en tant que garante militaire d'un environnement sûr, propice au développement du Kosovo et à la stabilité de toute la région.

Pour les États participant à la mission, la mise en oeuvre de la résolution 1244 reste d'actualité. En effet, ils estiment que la situation dans le pays demeure labile sur les 8017

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plans politique et, par là même, sécuritaire. Ainsi, l'Italie et les États-Unis, qui sont les principaux contributeurs de troupes, poursuivent leur engagement en fournissant respectivement plus de 1000 et 600 militaires.

Quant aux États qui ont procédé au retrait complet de leur contingent ou ont réduit leurs effectifs afin de redéployer des troupes sur d'autres théâtres d'opération considérés prioritaires, ils estiment que leur engagement dans d'autres régions contribuent à la sécurité et la stabilité internationale. Ils ne remettent néanmoins pas en question le bien-fondé de la KFOR et de son mandat. Ils attendent dès lors que les États qui ne sont pas en mesure de s'engager dans ces régions plus difficiles fassent preuve de solidarité en poursuivant leur engagement dans les Balkans occidentaux. C'est notamment le cas de la France, qui s'est complètement retirée pour s'engager au Sahel et en République centrafricaine, et de l'Allemagne, qui a drastiquement réduit son effectif pour constituer un corps d'intervention rapide. Berlin a toutefois maintenu l'effectif maximal autorisé de son contingent à 400 militaires afin de pouvoir procéder rapidement à un éventuel renforcement de la KFOR en cas de détérioration de la situation sécuritaire.

D'autres pays qui avaient quitté la mission ont décidé d'y participer à nouveau, à l'image du Royaume-Uni, qui engage un contingent d'une trentaine de militaires au sein de la KFOR et met plus de 600 militaires à disposition de l'une des réserves d'intervention stationnée hors du Kosovo. Comme mentionné précédemment, de telles contributions permettent à la mission de conserver sa capacité d'intervention et un haut degré de crédibilité tout en maintenant une présence réduite sur place.

4

Engagement actuel de la Swisscoy

4.1

Évolution, organisation et tâches

Depuis 1999, la Swisscoy a successivement adapté son organisation et ses tâches aux besoins de la KFOR, eux-mêmes liés à l'évolution de la situation au Kosovo. Au début de son engagement, la Swisscoy était une compagnie logistique d'un effectif maximal de 160 militaires. Cette unité était non armée, à l'exception d'un détachement de sécurité armé. Dans cette configuration, la Swisscoy faisait partie d'un bataillon d'infanterie autrichien qui fournissait des prestations de sécurité robustes sous la forme de patrouilles et de postes de contrôle. Suite à une première réorganisation de la KFOR, de nouveaux besoins ont conduit la Suisse à fournir des moyens d'infanterie et un effectif maximal de 220 militaires, désormais armés. Dans le contexte d'une nouvelle adaptation du dispositif de la KFOR, la Swisscoy a également adapté son dispositif. La Swisscoy a dès lors fourni à la KFOR des équipes de liaison et d'observation (LMT), ainsi que diverses prestations dans les domaines du génie et du transport. Il en a résulté un nouvel effectif maximal de 235 militaires.

Durant le mandat en cours, l'effectif maximal a été réduit en deux étapes et il se monte aujourd'hui à 165 militaires. Cette réduction est due au retrait du personnel mettant en oeuvre les moyens de génie lourds utiles à des prestations de transport et de construction qui n'étaient plus demandées par la KFOR.

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Pour l'accomplissement de sa mission au profit de la KFOR, la Swisscoy est organisée et stationnée différemment des unités classiques de l'Armée suisse. Son articulation est basée d'une part sur deux voies de commandement, multinationale et nationale, et d'autre part sur le stationnement de ses moyens sur près d'une dizaine d'emplacements disséminés sur l'ensemble du territoire du Kosovo.

La Swisscoy est subordonnée à un officier supérieur suisse qui endosse la fonction de commandant de contingent national («National Contingent Commander»). Il est le supérieur de tous les militaires de la Swisscoy dans les domaines administratif et disciplinaire. Les éléments de la Swisscoy fournissant directement leurs prestations au profit de la KFOR reçoivent leurs ordres d'engagement du domaine de commandement de la KFOR auquel ils sont attribués.

Quatre LMT suisses oeuvrent à la recherche d'informations et de renseignements. Le détachement de transport aérien peut être appelé en permanence à transporter du matériel ou des personnes avec un hélicoptère (ce qui nécessite deux hélicoptères disponibles sur place). À titre temporaire, il est possible, à la demande du commandant de la KFOR, de mettre à la disposition de la mission un hélicoptère suisse supplémentaire. Dans le domaine de la liberté de mouvement, la Swisscoy fournit une équipe de spécialistes de l'élimination de munitions non explosées et une section de circulation et transport, qui convoie des marchandises et des personnes. La Swisscoy déploie des officiers d'état-major au profit du commandement régional Ouest («Regional Command West», RC-W), du commandement régional Est («Regional Command East», RC-E) et du quartier général de la KFOR. Une équipe médicale et un groupe de policiers militaires assument des tâches pour l'ensemble de la KFOR. La Swisscoy participe également à la conduite et à l'administration du Camp de la KFOR à Novo Selo. Jusqu'à l'automne 2019, la Swisscoy a fourni un détachement du commandement des forces spéciales au profit du bataillon international d'information, de surveillance et de reconnaissance (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance, ISR) de la KFOR.

Les divers éléments de la Swisscoy nécessaires à l'exploitation du contingent sont conduits directement par le NCC. Pour que les divers éléments déployés puissent
accomplir leurs tâches, la Swisscoy nécessite un élément national de service. Il assume l'appui du commandement de la Swisscoy et de l'élément suisse du renseignement, le ravitaillement en provenance de Suisse, ainsi que l'administration et l'entretien des infrastructures utilisées exclusivement par les membres du contingent.

Les militaires suisses endossent également des responsabilités de conduite au sein de la KFOR. Depuis septembre 2019, un officier général suisse détenant le grade de brigadier revêt la fonction de commandant en second («Deputy Commander KFOR», DCOM KFOR) pour une durée d'une année. Il s'agit pour l'Armée suisse de la première expérience de conduite à ce niveau de responsabilité dans une mission internationale de maintien de la paix. Jusqu'à l'automne 2019, la Suisse a par ailleurs assuré le commandement du détachement régional interarmées Nord («Joint Regional Detachment North», JRD-N). Dans le cadre d'une réorganisation structurelle de la KFOR, le JRD-N a été fusionné avec son homologue du sud-est pour devenir le détachement régional interarmées Est («Joint Regional Detachment East», JRD-E), dont le commandement est assuré par un autre pays.

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Comme mentionné précédemment, les éléments de la Swisscoy sont stationnés dans plusieurs localités du Kosovo. La conduite du contingent et les officiers d'état-major suisses oeuvrent depuis le quartier général de la KFOR à Pristina, de même que la police militaire, l'équipe des spécialistes de l'élimination des munitions non explosées, la cellule du service de renseignement militaire, ainsi qu'une partie des transmissions et de l'équipe médicale. La compagnie de support, l'élément de reconnaissance, la section de transport, ainsi que des parties des transmissions et de l'équipe médicale sont stationnées dans le camp de Novo Selo, situé au sud de Mitrovica. Le détachement du transport aérien opère à partir de l'aéroport de Pristina. Enfin, la Swisscoy gère les infrastructures de ses LMT à Malishevo, Prizren, Mitrovica et Zubin Potok.

4.2

Avantages retirés par l'armée

Depuis 1999, l'Armée suisse tire des enseignements et des conclusions utiles de l'engagement de la Swisscoy au Kosovo.

Au cours de l'engagement, l'armée a pu vérifier ses propres procédures. Les processus de ravitaillement et d'évacuation sur de grandes distances ont notamment pu être examinés dans l'optique de la capacité d'engagement. L'armée a également été confrontée à de nouveaux procédés dans le domaine de la collaboration entre organes civils et militaires dans le cadre de l'instruction des LMT.

De plus, l'Armée suisse a pu vérifier l'application de processus d'état-major sur une longue durée, dans un engagement qui se déroule 24 heures sur 24. Les enseignements tirés ont pu être intégrés directement dans les règlements correspondants.

Grâce aux expériences acquises au Kosovo, l'armée a pu intégrer également des procédures liées aux différentes armes dans sa doctrine.

L'utilité individuelle pour les cadres tient à l'expérience directe de la responsabilité de la conduite lors d'un engagement réel. Il s'agit en effet d'assumer une responsabilité de conduite 24 heures sur 24 pendant six mois et de faire régner la discipline.

Le bénéfice tiré de ces enseignements chez les cadres professionnels est particulièrement important.

Grâce à l'engagement d'un officier général dans la fonction de DCOM KFOR, l'Armée suisse acquiert pour la première fois une expérience dans les niveaux de conduite supérieurs d'une mission militaire internationale de paix.

Enfin, l'engagement permet également de recueillir des expériences sur une période prolongée, notamment quant aux aptitudes, aux performances ou aux besoins de maintenance du matériel utilisé, ce qui est profitable pour toute l'armée.

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4.3

Personnel

4.3.1

Disposition à accomplir un service volontaire

Après vingt années d'engagement, l'armée parvient toujours à recruter un nombre suffisant de volontaires qualifiés pour effectuer un service de promotion de la paix au sein de la Swisscoy. En effet, selon l'art. 66, al. 3, de la loi du 3 février 1995 sur l'armée10, la participation à un engagement de promotion de la paix s'effectue sur la base du volontariat. Bien que le recrutement de certaines catégories de personnel, telles que les policiers militaires, les médecins, les ambulanciers, les conducteurs de poids lourds et les officiers féminins, soit plus ardu et demande davantage d'efforts, sur un total d'environ 1850 personnes intéressées, environ 880 volontaires ont effectué le premier jour de recrutement et 720 ont été invités pour le second jour de recrutement au Centre de compétences Swissint à Stans entre octobre 2018 et octobre 2019. Finalement, 210 personnes ont pu être engagées dans l'un des deux contingents déployés durant cette période. Parmi les membres d'un contingent Swisscoy, on compte en moyenne une proportion de 17,5 % de collaborateurs civils et militaires du DDPS (officiers d'état-major, équipages et mécaniciens d'hélicoptères, policiers militaires et démineurs d'engins explosifs improvisés) et 82,5 % de personnel issu de la milice. Par ailleurs, les contingents Swisscoy comprennent en moyenne 39 % de militaires prolongeant l'engagement en cours ou ayant déjà effectué un engagement au sein de la Swisscoy.

Cette situation favorable sur le plan du recrutement peut être attribuée à un système de rémunération à la fois attractif et conforme aux standards de la Confédération, ainsi qu'aux mesures prises en termes de communication. Dans ce domaine, l'armée ne s'adresse pas seulement aux personnes incorporées dans ses rangs, mais aussi à l'ensemble de la société en vue d'attirer suffisamment de Suissesses et de Suisses volontaires.

Le système de recrutement organisé en deux étapes a également fait ses preuves. La première phase comprend le contrôle de l'aptitude au service de promotion de la paix dans l'un des centres de recrutement de l'armée. Lors de la seconde phase conduite par le Centre de compétences Swissint, il s'agit de vérifier la capacité de chaque volontaire à occuper la fonction envisagée.

4.3.2

Les femmes dans la Swisscoy

Au cours des dernières années, la participation des femmes dans les missions internationales de maintien de la paix gagne en importance. Il s'agit d'un développement qui reflète l'évolution du rôle des femmes dans la vie professionnelle, ainsi que l'importance de leur rôle particulier dans la promotion de la paix. En fonction du contexte culturel ou religieux dans lequel une mission donnée évolue, il apparaît même que le personnel féminin parvient à accomplir des tâches qui sont moins à la portée de leurs collègues masculins. À titre d'exemple, l'ONU, qui a également reconnu cette importance, s'est fixé un objectif de 16 % de personnel féminin parmi 10

RS 510.10

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les spécialistes tels que les observateurs militaires engagés au sein de ses missions.

Les femmes jouent également un rôle clé dans les efforts de promotion de la paix au Kosovo. En effet, en fonction de la culture des ethnies avec lesquelles la KFOR interagit, les militaires masculins rencontrent davantage de difficultés dans la communication avec les femmes. Il s'agit d'un aspect central pour les membres des LMT, qui doivent maintenir des contacts réguliers avec la population dans toute sa diversité.

L'armée est parvenue à recruter un plus grand nombre de femmes disposées à effectuer de tels engagements, en particulier au sein des LMT. Ainsi, la proportion moyenne de femmes engagées au sein de la Swisscoy se monte aujourd'hui à près de 20 %. Il s'agit d'un pourcentage bien supérieur à la présence féminine dans l'effectif global de l'armée (0,7 %).

Ce progrès est le fruit d'efforts ciblés entrepris par l'armée depuis 2012 dans les domaines de la communication et du recrutement. Auparavant, en plus d'être réduite, la participation féminine se concentrait principalement sur les domaines sanitaire et administratif. Aujourd'hui, on compte davantage de femmes dans le domaine opérationnel, notamment dans les LMT.

Afin de palier le fait que les Suissesses ne sont pas soumises à l'obligation de servir et n'ont dans la plupart des cas pas suivi de formation militaire préalable, la formation dispensée aux membres féminins du contingent avant l'engagement au sein de la Swisscoy comprend une phase d'instruction militaire de base.

Par ailleurs, ce développement encourageant ne profite pas seulement à l'engagement dans le domaine de la promotion militaire de la paix. Pour l'armée, il s'agit également d'un retour sur investissement. Dans certains cas, les femmes décident de s'engager au sein de l'armée après l'engagement de promotion militaire de la paix, que ce soit en accomplissant une école de recrues ou en prenant une fonction d'officier spécialiste. Dans certains domaines de l'administration fédérale, une expérience préalable au sein de la KFOR peut même améliorer les chances d'obtenir un poste au retour de l'engagement.

Les efforts consentis afin d'augmenter la participation féminine dans la Swisscoy et la promotion militaire de la paix vont se poursuivre afin de poursuivre ce développement en s'appuyant sur les avancées déjà obtenues.

5

Engagement futur de la Swisscoy

5.1

Intérêt de poursuivre l'engagement du point de vue de la politique de sécurité et de la politique extérieure

Bien que les chances de voir éclater un nouveau conflit armé dans le pays soient faibles, la situation politique et sécuritaire du Kosovo est telle que la présence de la KFOR est encore requise pour y garantir la stabilité et la sécurité. La KFOR est le fruit d'un engagement conjoint qui témoigne de l'importance que les États européens accordent aux défis sécuritaires qui se manifestent encore dans la région. Cette attention témoigne d'un intérêt partagé par les États contributeurs. Compte tenu des liens étroits qui existent entre la Suisse et le Kosovo, notamment en termes démo8022

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graphiques, la stabilité dans la région constitue également un intérêt pour la Suisse, qui profite de la présence de la KFOR au Kosovo. Ainsi, même si l'effectif de la Swisscoy représente moins de 5 % de l'effectif de la KFOR, la Suisse démontre par sa participation qu'elle contribue dans la limite de ses possibilités à cet effort conjoint et fait, par là même, acte de solidarité.

Par ailleurs, l'engagement consenti jusqu'à présent au profit de la KFOR a démontré que la Suisse est un partenaire compétent et apprécié. En effet, il ressort régulièrement des rencontres conduites à haut niveau avec des représentants de l'OTAN et de la KFOR, que le travail de la Swisscoy est apprécié pour sa qualité et sa fiabilité.

L'attribution de la fonction de DCOM KFOR à la Suisse peut être considérée comme un reflet de cette considération.

Ainsi, en l'état actuel des choses, un retrait de la Swisscoy aurait des conséquences importantes pour la Suisse en termes de politique extérieure et de politique de sécurité. Compte tenu de la représentation démographique de la région, du potentiel d'escalade qui y règne encore et des influences extra-européennes qui s'y exercent, il serait difficile pour la Suisse d'expliquer pourquoi elle met fin à sa participation.

Selon toute probabilité, une telle décision serait interprétée comme une rupture de solidarité par les États avec lesquels la Suisse partage des intérêts de politique de sécurité. Un retrait serait par ailleurs difficile à comprendre pour les gouvernements de la Serbie et du Kosovo et risquerait d'affaiblir la confiance dont font preuve l'OTAN et ses partenaires de la KFOR envers la Suisse. Il serait très probablement compris comme le signe que le Conseil fédéral estime que l'engagement militaire de la communauté internationale n'est plus utile et que le Kosovo est désormais en mesure de gérer sa sécurité de manière indépendante. Un retrait du contingent suisse serait d'autant plus équivoque que la fonction de DCOM KFOR est exercée par la Suisse depuis septembre 2019 pour une durée d'une année. Compte tenu de ces considérations, une décision de retrait porterait globalement atteinte à l'image de la Suisse.

5.2

Effectifs

Comme décrit précédemment, les prestations et la taille de la Swisscoy sont adaptées en fonction des besoins de la KFOR. Ceux-ci découlent d'une appréciation minutieuse de la situation qui englobe le Kosovo et toute la région.

Pour le mandat en cours, l'effectif de la Swisscoy a été réduit en deux étapes successives11. Au printemps 2018, l'effectif maximal est passé de 235 à 190 militaires et durant l'automne 2019, de 190 à 165. Cette réduction d'effectif a concerné essentiellement des véhicules spéciaux affectés au transport et à la construction. Comme ces prestations n'étaient plus demandées par la KFOR, ces moyens ont été ramenés en Suisse. En revanche, les capacités fournies dans les domaines de la veille situationnelle (LMT), de la surveillance, de la reconnaissance et du transport aérien, toujours requises par la KFOR, ont été maintenues.

11

FF 2016 8387

8023

FF 2019

Avec la détérioration du contexte sécuritaire et politique décrite plus haut, de nouvelles lacunes capacitaires se sont depuis lors manifestées. La KFOR les a signalées lors de la Conférence de génération de forces de juin 2019, ainsi que dans le cadre d'une rencontre bilatérale entre le Chef de l'armée et le Commandant de la KFOR (COM KFOR) en août de la même année. Les besoins supplémentaires de la KFOR concernent les domaines de la liberté de mouvement («freedom of movement»), la collecte de renseignements et les fonctions d'officiers d'état-major au quartier général de la KFOR.

Ce sont des tâches pour lesquelles l'Armée suisse dispose des compétences et des capacités requises. Afin d'assurer la liberté de mouvement, la KFOR nécessite un détachement mettant en oeuvre des véhicules spéciaux pouvant dégager des routes d'éventuels barrages improvisés et intervenir rapidement quand la police kosovare nécessite un appui. Il s'agit d'une tâche de la KFOR à laquelle la Swisscoy a déjà contribué dans le passé, notamment dans le cadre des troubles qui ont eu lieu au nord du Kosovo en 2011. La Swisscoy avait fourni de lourdes machines de chantier afin d'appuyer l'un des éléments d'intervention de la KFOR12. C'est pourquoi le Conseil fédéral décide de déployer à nouveau ces moyens spéciaux. Quant aux besoins requis au quartier-général et dans le domaine du renseignement, la Swisscoy devrait engager des officiers d'état-major supplémentaires et un détachement de spécialistes destiné au bataillon de reconnaissance de la KFOR («Intelligence, Surveillance and Reconnaissance», ISR).

Depuis le début de l'engagement de la Swisscoy, la Suisse a toujours adapté sa contribution en fonction des besoins de la KFOR et des capacités de l'Armée suisse.

Le Conseil fédéral est de l'avis qu'il convient de poursuivre cette approche en adaptant à nouveau la contribution de la Suisse pour permettre à la KFOR de combler ses lacunes capacitaires. Afin de permettre à l'armée de fournir ces prestations supplémentaires, le Conseil fédéral a décidé d'augmenter l'effectif maximal de la Swisscoy de 165 à 195 militaires. Cette augmentation de l'effectif sera mise en oeuvre lors de la rotation de contingent du printemps 2021.

5.3

Durée de l'engagement et éventuelle conclusion anticipée

Dans sa résolution 1244, le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé que l'engagement de la KFOR serait prolongé «tant que le Conseil de sécurité n'en aura pas décidé autrement». En novembre 2018, dans son «Comprehensive Security Assessement of the Kosovo Environment», l'OTAN, qui est chargée de la mise en oeuvre de la partie sécuritaire du mandat onusien, signale que les conditions permettant de réduire l'engagement de la KFOR ne sont pas remplies et que la présence de la KFOR au Kosovo reste nécessaire. Par ailleurs, certains pays voisins de la Suisse se déclarent également préoccupés de la situation dans les Balkans et estiment qu'en l'état actuel, la présence militaire internationale au Kosovo doit être maintenue. Cette position a 12

Rapport 2011 sur l'engagement de la compagnie suisse (Swisscoy) dans le cadre de la Kosovo Force multinationale (KFOR) à l'attention des Commissions de politique extérieure et de politique de sécurité du Conseil national et du Conseil des États, p. 9.

8024

FF 2019

été confirmée par l'Allemagne et l'Autriche en janvier 2019 lors d'une rencontre trilatérale des ministres de la défense et par la France à l'occasion de consultations bilatérales conduites en avril 2019.

Dans ce contexte, il apparait que la KFOR a encore besoin de l'engagement de la Swisscoy. Le mandat de la Swisscoy doit par conséquent être prolongé de trois ans, soit jusqu'au 31 décembre 2023. Le Conseil fédéral peut décider à tout moment de mettre fin à l'engagement de manière anticipée. En pareil cas, il en informe les Commissions de politique extérieure et les Commissions de la politique de sécurité des deux Conseils, conformément à l'art. 152, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement13.

5.4

Possibilités d'augmentation temporaire

Il existe des situations dans lesquelles les effectifs déployés ne permettent plus à la Swisscoy d'accomplir ses tâches. Afin de répondre à de tels cas de figure, les Chambres fédérales ont donné au Conseil fédéral l'autorisation de renforcer à court terme, pour une durée limitée, l'effectif de la Swisscoy, comme le prévoit l'arrêté fédéral du 8 juin 201714 concernant le mandat en cours. Concrètement, un tel renforcement temporaire peut servir à mettre en place des mesures d'autoprotection en cas de menace accrue ou à assurer des travaux de maintenance.

Un renforcement pour des motifs liés à la sécurité n'a pas été nécessaire au cours des trois dernières années. Tous les événements en rapport avec la sécurité ont pu être gérés sur place avec les moyens de la KFOR. Le Conseil fédéral est toutefois de l'avis qu'en cas d'aggravation drastique de la menace sur place, la Swisscoy nécessiterait davantage de moyens d'autoprotection pour pouvoir poursuivre sa mission.

C'est pourquoi il estime également devoir conserver la compétence de renforcer le contingent de 20 personnes pour une durée maximale de quatre mois, comme le prévoit déjà le mandat actuel. Ce déploiement supplémentaire concernerait en premier lieu des militaires du commandement des forces spéciales.

En revanche, la possibilité d'augmenter l'effectif de 50 personnes pour une durée maximale de huit mois pour accomplir des travaux de maintenance a été mise en oeuvre en 2018 par le Conseil fédéral dans le cadre du déménagement du contingent.

Comme un changement de dispositif de la KFOR pourrait engendrer des besoins à court terme dans le domaine logistique, le Conseil fédéral doit rester en mesure de procéder à un tel renforcement.

13 14

RS 171.10 FF 2017 4139

8025

FF 2019

6

Conséquences

6.1

Conséquences financières

6.1.1

Coûts de l'engagement actuel et futur

En raison des différentes possibilités de développement de la Swisscoy, les coûts peuvent varier pendant la durée du mandat. Les coûts annuels des prestations décrites au ch. 4.1 sont représentés ci-dessous.

En 2017, l'engagement de la Swisscoy a coûté environ 46,3 millions de francs, pour un effectif maximal de 235 militaires. En 2018, cet engagement a coûté environ 39,7 millions de francs pour un effectif maximal de 235 militaires, qui a été ramené à 190 militaires en avril 2018, lors de la première étape de réduction.

Cette diminution des coûts n'a toutefois pas été proportionnelle à la réduction du contingent, et ce pour les raisons suivantes: ­

Les besoins en activités aériennes sont restés inchangés, car le ravitaillement a dû être assuré dans les mêmes proportions qu'auparavant.

­

L'éventail des tâches de la Swisscoy étant très diversifié, il en résulte une instruction intensive. Les sommes affectées au recrutement du personnel devraient donc rester similaires.

­

La complexité du matériel déployé sur place nécessite des prestations d'appui croissantes, par exemple la maintenance des véhicules propres au contingent ou celle de l'infrastructure.

­

La quantité de matériel sur place a diminué. Le matériel restant est cependant utilisé et entretenu de manière plus intensive. Les économies réalisées sont donc moins importantes qu'on ne pourrait le présumer du fait de la réduction des effectifs.

Compte tenu de la baisse d'effectifs de 190 à 165 militaires achevée en octobre 2019, des coûts inférieurs sont attendus pour les années 2019 et 2020.

En fonction de l'augmentation des effectifs destinée à répondre aux nouveaux besoins exprimés par la KFOR, les dépenses prévues pour l'engagement de la Swisscoy évoluent comme suit:

8026

FF 2019

Rubrique

Effectif max. de 165

Effectif max. de 195

Location de services aériens (en particulier vols 3 525 000 de ravitaillement)

3 525 000

Dépenses de base, matériel, ravitaillement et évacuation, maintenance, recrutement

1 100 000

1 200 000

Frais d'exploitation, subsistance, carburants, communication

3 600 000

3 900 000

Personnel

27 225 000

32 300 000

Coût total annuel

35 450 000

40 925 000

Les coûts supplémentaires liés à l'augmentation de l'effectif maximal du contingent sont couverts par le budget du DDPS (Défense).

6.1.2

Coûts supplémentaires en cas d'augmentations temporaires

L'envoi éventuel, pour une durée limitée, d'éléments supplémentaires destinés à la maintenance et à l'infrastructure (comme ce fut notamment le cas pour le déménagement à Novo Selo), voire l'augmentation, le cas échéant, du degré de protection, aurait les conséquences financières suivantes: Rubrique

Augmentation pour assurer Augmentation pour des tâches de maintenance et le renforcement du de gestion de l'infrastructure degré de protection

Durée supposée de l'engagement sur place 8 mois au max.

4 mois au max.

Effectif supposé du détachement

50 personnes au max.

20 personnes au max.

Frais d'exploitation, subsistance, carburants, communication

700 000

150 000

Dépenses de base, matériel, ravitaillement 3 700 000 et évacuation, maintenance, recrutement, infrastructure

50 000

Personnel

4 750 000

950 000

Frais supplémentaires pour détachement, par engagement

9 150 000

1 150 000

À la différence des chiffres mentionnés au chap. 6.1.1, les coûts indiqués ici prennent effet uniquement si le Conseil fédéral accepte l'envoi d'un renforcement correspondant. Ces coûts supplémentaires seraient également couverts par le budget de la Défense.

8027

FF 2019

6.2

Conséquences sur l'état du personnel

Depuis le début de l'engagement de la Swisscoy, des collaborateurs affectés au projet viennent renforcer le Centre de compétences Swissint. Ces employés civils disposent de contrats de travail établis pour la durée du mandat de la Swisscoy. Ces postes sont donc liés à l'engagement de la Swisscoy et seront supprimés au terme de celui-ci. Les employés affectés au projet sont engagés principalement dans le recrutement, l'administration des finances, la planification, l'aide au commandement, le ravitaillement, la maintenance et l'instruction. Actuellement, leur effectif représente 32 postes équivalents plein temps (EPT).

Par ailleurs, six militaires contractuels soutiennent l'instruction à Stans. C'est une nécessité, parce que chaque contingent doit, dans un premier temps, être amené au niveau d'instruction militaire de l'unité, puis suivre une formation propre à la fonction, et enfin être familiarisé avec les particularités du secteur d'engagement. La préparation des contingents demande d'importants moyens, dans la mesure où les contenus doivent être en permanence adaptés à l'évolution de la situation sur place et à la mission à accomplir. La réduction de l'effectif maximal de la Swisscoy de 235 à 165 militaires effectuée durant le mandat en cours a conduit à la suppression de cinq postes EPT liés au projet, si bien qu'aujourd'hui, un total de 32 postes EPT basés à Stans sont affectés au projet Swisscoy. L'augmentation prévue de l'effectif du contingent nécessite trois postes EPT supplémentaires, dont le financement est compris dans le budget ordinaire de l'armée.

6.3

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

La poursuite de l'engagement de la Swisscoy n'implique aucun changement pour le canton de Nidwald, qui abrite le centre de compétences Swissint.

7

Lien avec le programme de la législature

Le projet n'est annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201915 ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de législature 2015 à 201916. Le présent arrêté correspond toutefois à l'objectif 16 du message sur le programme de la législature 2015 à 2019 intitulé «La Suisse se mobilise activement en faveur de la stabilité internationale», qui emploie les termes suivants: «La Suisse poursuit sa participation à des missions militaires de promotion de la paix à l'étranger»17. Le présent arrêté doit permettre de prolonger

15 16 17

FF 2016 981 FF 2016 4999 FF 2016 981, ici 1066 ss

8028

FF 2019

jusqu'au 31 décembre 2023 l'engagement de la Swisscoy au sein de la KFOR, tout en laissant à la Suisse la possibilité d'y mettre fin à tout moment.

8

Procédure de consultation

Le projet n'a pas fait l'objet d'une procédure de consultation, car il ne revêt pas une grande portée politique et financière et ne touche pas particulièrement les cantons, au sens de l'art. 3, al. 1, let. d et e, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)18.

9

Aspects juridiques

9.1

Constitutionnalité et légalité

L'art. 58, al. 2, Cst.19 définit ainsi la mission de l'armée: «L'armée contribue à prévenir la guerre et à maintenir la paix; elle assure la défense du pays et de sa population. Elle apporte son soutien aux autorités civiles lorsqu'elles doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure ou à d'autres situations d'exception. La loi peut prévoir d'autres tâches». L'art. 1, al. 4, LAAM20 précise en outre que l'armée contribue à promouvoir la paix sur le plan international dans le cadre de ses tâches.

La constitutionnalité du service de promotion de la paix a déjà été examinée et confirmée à plusieurs reprises, dans la mesure où les engagements reposent sur une base volontaire21. En ce qui concerne les mesures prises pour l'exécution de la mission et la protection de ses membres, notamment la question de l'armement, ces aspects ne sont pas pertinents pour l'évaluation de la constitutionnalité. Le Conseil fédéral est toutefois tenu d'examiner dans chaque cas la compatibilité de l'engagement avec les principes de la politique extérieure et de la politique de sécurité, avec le droit de la neutralité ainsi qu'avec la politique de neutralité.

Les conditions préalables à un engagement de promotion de la paix sont déterminées à l'art. 66 LAAM: un tel engagement peut être ordonné sur la base d'un mandat de l'ONU ou de l'OSCE et en conformité avec les principes de politique extérieure et de sécurité de la Suisse; il doit être accompli par des personnes formées dans ce but; la participation s'effectue sur la base du volontariat. Dans le cas de la Swisscoy, ces conditions sont remplies: la KFOR agit en application de la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l'ONU et son personnel, qui suit préalablement une instruction spécifique conduite par le Centre de compétences Swissint, est exclusivement composé de volontaires.

18 19 20 21

RS 172.061 RS 101 RS 510.10 Cf. notamment le message du 8 septembre 1993 relatif à la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire et à l'arrêté fédéral sur l'organisation de l'armée, FF 1993 IV 1, ch. 61; H. Meyer, St. Galler Kommentar zu Art. 58 BV, Rz. 37 (en allemand).

8029

FF 2019

9.2

Compétence

Le Conseil fédéral, qui est responsable de la conduite de la politique extérieure et de la politique de sécurité, peut ordonner des engagements de promotion de la paix et définir l'équipement et l'armement nécessaires ainsi que d'autres mesures. Comme l'engagement de la Swisscoy est armé, que son effectif dépasse 100 militaires et qu'il dure plus de trois semaines, sa prolongation telle qu'elle est proposée par le présent message est soumise à l'approbation de l'Assemblée fédérale (art. 66b, al. 4, LAAM).

9.3

Forme de l'acte à adopter

L'arrêté fédéral constitue un acte particulier de l'Assemblée fédérale, expressément prévu dans une loi fédérale (art. 173, al. 1, let. h, Cst.). L'art. 66b, al. 4, LAAM prévoit que l'approbation de l'Assemblée fédérale est nécessaire pour un engagement armé de plus de 100 militaires ou durant plus de trois semaines. Sont soumis au référendum facultatif les arrêtés fédéraux dans la mesure où la Constitution ou la loi le prévoit (art. 141, al. 1, let. c, Cst.). En l'espèce, dans la mesure où ni la Constitution ni la loi ne prévoient de référendum facultatif, l'acte revêt la forme d'un arrêté fédéral simple (art. 163, al. 2, Cst.).

8030