Rapport 2018 du Conseil fédéral sur les activités de politique migratoire extérieure de la Suisse du 29 mai 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Nous vous soumettons le rapport 2018 sur les activités de politique migratoire extérieure de la Suisse, en vous invitant à en prendre acte.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 mai 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Rapport 1

Synthèse des domaines prioritaires en 2018

La diminution de la migration irrégulière vers l'Europe observée en 2017 s'est poursuivie en 2018. Il reste cependant bien des défis à relever, plus de 68 millions de personnes étant encore en fuite: 40 millions à l'intérieur de leur pays et 28 millions au-delà de leurs frontières nationales. Selon l'ONU, environ 85 % des réfugiés vivent dans des pays émergents ou en voie de développement. À moins de mettre en oeuvre des solutions durables, ces régions sont susceptibles d'être à l'origine de nombreuses migrations secondaires. En outre, ces prochaines années, la pression migratoire restera forte en raison de plusieurs facteurs comme la démographie, l'évolution sociale et politique, les conflits armés, la pauvreté, les catastrophes naturelles et les retombées des changements climatiques.

Pour répondre à ces défis, un instrument essentiel est la création d'un lien stratégique entre migration et coopération internationale, un mandat développé dans le message sur la coopération internationale 2017­2020. La mission consistant à lier les intérêts de la Suisse en matière de migration à la coopération internationale nécessite une étroite collaboration entre le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et le Département fédéral de justice et police (DFJP).

L'un des objectifs opérationnels du lien stratégique consiste à renforcer la protection dans les régions de provenance des migrants. Dans ce cadre, la Suisse a poursuivi son engagement en faveur de la protection des réfugiés, des migrants en situation de vulnérabilité et des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. En outre, des projets ont été mis en oeuvre, notamment au Moyen-Orient et dans la Corne de l'Afrique, pour tenter de trouver des solutions durables et créer des opportunités socioéconomiques locales afin de s'attaquer aux causes des migrations irrégulières et des départs forcés du pays.

La coopération avec les États tiers a également été intensifiée en 2018. Outre les nombreux dialogues que la Suisse mène dans le but de renforcer la coopération en matière de migration, de nouveaux accords ont été conclus ou sont en négociation.

Avec l'Éthiopie, par exemple, il a été possible de s'accorder sur l'application de principe des «procédures
d'admission» négociées entre l'UE et l'Éthiopie aux cas suisses. La Suisse a signé son sixième partenariat migratoire, avec le Sri Lanka. En dépit du recul du nombre de débarquements enregistrés en Italie, la situation en Méditerranée a révélé les lacunes structurelles actuelles de la politique migratoire européenne et de ses instruments. C'est pourquoi, en 2018, la Suisse a une nouvelle fois soutenu plusieurs projets, notamment en Italie et en Grèce, visant à renforcer le système européen d'asile.

En raison de son association à Schengen et à Dublin, la Suisse a pu participer activement aux discussions organisées au niveau européen. Elle s'est ainsi engagée dans plusieurs processus législatifs de l'UE, comme la réforme de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) et le système européen d'information 4172

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et d'autorisation concernant les voyages (European Travel Information and Authorization System, ETIAS). La Suisse a également poursuivi son engagement en faveur de la réforme du système Dublin ­ en dépit de la difficulté de trouver un consensus en la matière au niveau européen.

S'agissant du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières (Pacte de l'ONU sur les migrations1), le Conseil fédéral s'est conformé au souhait de l'Assemblée fédérale d'examiner cet acte en profondeur. Il s'est pour l'instant abstenu de l'approuver. Le report de la décision finale devrait également permettre de traiter le rapport du Conseil fédéral sur le droit non contraignant (soft law), rapport qui se penchera notamment sur le rôle du Parlement face à de tels instruments.

La Suisse a en revanche approuvé le Pacte mondial sur les réfugiés (Pacte de l'ONU sur les réfugiés2), lequel est fondé sur le droit international en vigueur relatif aux réfugiés.

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Contexte migratoire en 2018

La migration irrégulière vers l'Europe a continué à diminuer en 2018. Au total, 137 000 personnes sont entrées par la Méditerranée dans l'espace Schengen (contre 180 000 l'année précédente). Depuis juillet 2018, la route de la Méditerranée occidentale est devenue la principale voie migratoire par la Méditerranée. En 2018, 58 500 personnes ont emprunté cet itinéraire pour se rendre en Espagne (contre 22 000 l'année précédente). Durant l'été 2018, les migrations de Libye en Italie ont pratiquement cessé. Alors qu'environ 16 500 migrants libyens avaient débarqué en Italie au premier semestre 2018, seules quelque 6800 personnes ont fait de même de début juillet à fin décembre 2018.

La migration par voie maritime de la Grèce vers la Turquie s'est maintenue. Environ 32 500 migrants ont ainsi accosté sur les îles grecques en 2018 (contre 30 000 l'année précédente). En revanche, elle a augmenté de manière significative par la voie terrestre, au printemps 2018. La Grèce a par la suite renforcé ses contrôles dans ce domaine. À l'automne 2018, environ 1500 personnes par mois ont gagné l'Europe par cet itinéraire.

En Europe, les demandes d'asile ont continué à diminuer en 2018. Au niveau européen, près de 640 000 demandes d'asile ont été déposées en 2018 (contre 743 000 en 2017). L'Allemagne est restée le principal pays de destination des requérants d'asile, devant la France, la Grèce, l'Italie et l'Espagne. Une proportion importante des demandes d'asile présentées en Europe en 2018 découle de la migration secondaire en Europe et du regroupement familial.

1 2

www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/73/195 www.unhcr.org/gcr/GCR_English.pdf

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Principales routes migratoires vers l'UE

En Suisse, 15 255 demandes d'asile ont été déposées en 2018. Ce chiffre est le plus bas enregistré depuis 2007. Une part non négligeable des demandes d'asile fait suite au regroupement familial ou à des naissances. Avec l'Érythrée par exemple, 2825 demandes d'asile ont été déposées par des ressortissants érythréens, dont 1444 concernaient des naissances, 797 un regroupement familial, 63 des demandes multiples et 29 le programme européen de relocalisation. La baisse du nombre de demandes d'asile relevée en 2018 ne constitue toutefois qu'une impression partielle de la situation. Le potentiel migratoire des États voisins européens reste élevé.

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Lien stratégique

Dans le cadre des délibérations relatives au message sur la coopération internationale 2017­2020, le Parlement a chargé les acteurs suisses de la coopération internationale3 de lier, sur le plan stratégique, les domaines de la coopération internationale et de la politique migratoire, lorsqu'il en va des intérêts de la Suisse.

À court terme, la coopération internationale peut contribuer à réduire les causes de fuite et de migration involontaire, à promouvoir des solutions durables en faveur des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays et à offrir aux réfugiés une protection dans leur région de provenance. À moyen terme, la coopération internationale peut contribuer à faire en sorte que les migrations se déroulent de manière régulière et en toute sécurité et que les personnes forcées de quitter leur région puissent mieux s'intégrer dans des pays d'accueil du Sud. À long terme, l'effet visé par la coopération internationale consiste à réduire durablement les causes de la migration irrégulière, à offrir aux personnes voulant migrer de réelles perspectives dans leur pays d'origine et à combattre les causes de déplacement forcé (notamment en raison de conflits armés ou de catastrophes naturelles) par un travail de prévention et un renforcement de la gouvernance dans les pays partenaires.

La mise en oeuvre de ce lien se concentre sur trois niveaux distincts: ­

Politique: le sujet de la migration est abordé systématiquement dans les consultations politiques, et des accords supplémentaires sont conclus dans le domaine migratoire.

­

Géographique: la migration est intégrée dans les stratégies de politique étrangère lorsque cette approche est jugée pertinente. À titre d'exemple, dans la nouvelle stratégie Corne de l'Afrique, trois priorités sont fixées dans le volet protection et migration: renforcer les mesures de protection locales, promouvoir des solutions durables (par des projets de formation professionnelle pour les réfugiés, par ex.), et renforcer la gouvernance nationale et régionale des migrations.

­

Thématique: le lien consiste à intégrer la migration et les déplacements forcés aux axes prioritaires de la coopération internationale. Cette approche thématique vise premièrement à prévenir l'exil et la migration forcée, deuxièmement à améliorer la protection dans les régions de provenance et troisièmement à promouvoir l'indépendance économique.

Prévention La promotion de la paix (y compris la prévention des conflits), la réduction des violations graves des droits de l'homme et le respect du droit international humanitaire, tout comme des conditions générales fiables et de vraies perspectives sur le terrain contribuent à la prévention de déplacements forcés et des migrations irrégulières. En Somalie, par exemple, la Suisse soutient l'intégration professionnelle des jeunes, ce qui leur ouvre des perspectives dans leur pays d'origine.

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DFAE (Division sécurité humaine et Direction du développement et de la coopération); SECO, en collaboration avec le SEM

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Protection Assurer la protection des personnes dans leurs régions de provenance reste essentiel.

Au Soudan, l'aide humanitaire soutient divers projets, tant financièrement qu'en y détachant des experts du Corps suisse d'aide humanitaire afin de renforcer la protection sur place. Il s'agit également de protéger les personnes déplacées contre les violations des droits de l'homme, la violence et les abus. La violence liée au genre est un fléau souvent rencontré dans les situations d'exil. Pour lutter contre ce phénomène, la Suisse s'est engagée dans un projet global au Yémen. En Libye, elle est active dans des domaines tels que la promotion de la paix, le respect des droits humains et la promotion du droit international humanitaire.

Indépendance économique Des millions de réfugiés et de personnes déplacées doivent attendre une solution durable des années durant, voire des décennies. Pour améliorer les perspectives à long terme des personnes concernées dans leur pays de premier accueil, la Suisse emprunte de nouvelles voies afin de leur donner la possibilité d'y mener une vie autonome et d'y vivre dans des conditions sûres et dignes. Grâce aux projets menés au Kenya ou dans d'autres pays, la Suisse veille à ce que les réfugiés aient accès à l'éducation et puissent bénéficier de meilleures chances d'emploi.

Une première évaluation des projets de coopération internationale menés par la Suisse a montré qu'une part importante de cette coopération est directement ou indirectement liée à la migration. En 2018, le DFAE a consacré 201,7 millions de francs à des projets en rapport avec la migration4. Près de 160 millions de francs viennent de l'aide humanitaire, dont une grande partie visent à protéger les personnes en en exil. Ces programmes d'aide humanitaire ont un impact direct sur les migrations. Le Secrétariat d'État à l'économie (SECO), pour sa part, y a investi 33,5 millions de francs. Cette enveloppe inclut notamment des placements du Swiss Investment Fund for Emerging Markets.

Quelques projets suisses de coopération internationale ayant un effet sur les migrations Protection des mineurs non accompagnés: en Afrique de l'Ouest, où plus de 80 % des mouvements migratoires sont confinés dans la région, la Suisse se concentre sur la protection des migrants mineurs. Les procédures de prise en charge et
standards développés pour assurer la protection et la réintégration des enfants vulnérables concernés par la mobilité et des jeunes migrants s'appliquent désormais à l'ensemble de la région. En effet, ils ont été adoptés officiellement par les États membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

Lutter contre les causes de fuite: la Suisse soutient en Syrie un projet visant à garantir aux personnes touchées par le conflit ­ dont les 6 millions de personnes déplacées ­ un meilleur accès à un logement convenable.

Créer des perspectives: en Jordanie et au Liban, la Suisse finance un projet visant à améliorer les conditions de travail des réfugiés syriens. Non seulement ce projet 4

Division sécurité humaine: 3,7 millions et Direction du développement et de la coopération: 198 millions.

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offre une protection directe aux personnes déplacées, mais il contribue également à favoriser l'indépendance économique des réfugiés. La Suisse apporte aussi une contribution importante à la création d'emplois dans d'autres pays partenaires, en particulier en faveur des jeunes.

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Politique migratoire européenne

4.1

Développements de Dublin

Dans le domaine de l'asile, les travaux de réforme du règlement Dublin, qui prévoient l'introduction d'un mécanisme de répartition des requérants d'asile dans l'UE, en situation de crise, n'ont toujours pas abouti en 2018. Au premier semestre 2018, les discussions au sujet de Dublin ont semblé prendre un nouvel élan sous la présidence bulgare du Conseil. Toutefois, l'accord de principe escompté pour la fin du mois de juin 2018 n'a pas été arrêté. La présidence autrichienne, qui a pris la relève de la présidence bulgare, a ensuite réorienté le débat de la politique migratoire sur la protection des frontières extérieures, l'intensification des efforts déployés en matière de retour et le transfert de la protection vers des pays tiers. La question de la poursuite du développement de Dublin fait l'objet de pourparlers bilatéraux entre la présidence et les États membres de l'UE.

Plusieurs États d'Europe de l'Est (notamment les quatre du groupe de Visegrad) ont fermement exprimé leur opposition au mécanisme de répartition. La Suisse continue de soutenir la réforme, du système de Dublin, qui vise un meilleur partage des responsabilités entre les États européens afin de renforcer durablement le système. Il reste cependant à déterminer si la répartition du nombre élevé de personnes en quête de protection deviendra une obligation ou s'il s'agira simplement d'une option parmi d'autres, propres à soutenir les États Dublin particulièrement touchés en situation de crise.

Le soutien apporté par la Suisse dans les travaux menés par le Bureau européen d'appui en matière d'asile (European Asylum Support Office, EASO) a été maintenu en 2018 et 13 experts en matière d'asile ont été détachés en Italie pour des missions d'une durée moyenne de trois mois5.

Par ailleurs, la proposition législative visant à transformer l'EASO en Agence de l'Union européenne pour l'asile (European Union Agency for Asylum, EUAA) n'a pas abouti en 2018. La Suisse est en train d'analyser les modalités de son éventuelle participation à cette nouvelle agence, en collaboration avec les autres États associés à Dublin.

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La Suisse participe à l'EASO sur une base volontaire depuis le 1 er mars 2016. La participation volontaire à l'EUAA est également possible et pourrait être réglementée dans le cadre de l'accord EASO existant.

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4.2

Développements de Schengen

Les règlements de l'UE relatifs à la création d'un système électronique d'entrée et de sortie (Entry/Exit System, EES) ainsi que la modification correspondante du code frontières Schengen6 ont été adoptés fin novembre 2017 et notifiés à la Suisse en janvier 2018. L'EES prévoit que tous les ressortissants d'États tiers qui entrent dans l'espace Schengen en vue d'un court séjour doivent être enregistrés électroniquement à leur entrée et à leur sortie, lors de leur passage aux frontières extérieures de l'espace Schengen, au moyen, notamment, de leurs caractéristiques d'identité biométriques. Les personnes séjournant dans l'espace Schengen plus longtemps qu'elles n'y sont autorisées (overstayers) seront ainsi identifiées comme telles et inscrites sur une liste tenue de manière centralisée. Le SEM s'attache actuellement à assurer tant la reprise juridique que la mise en oeuvre technique de ce système. Le 21 novembre 2018, le Conseil fédéral a adopté le message correspondant à l'attention des Chambres fédérales. La mise en service de l'EES est prévue pour 2021. Le projet et sa mise en oeuvre technique ont été approuvés en juin 2018.

Si le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ont adopté le règlement portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS)7 le 12 septembre 2018, cet acte avait déjà été notifié à la Suisse dès le 7 septembre 2018. Ce système permet aux ressortissants d'États tiers exemptés de l'obligation de visa de s'inscrire à l'avance en ligne pour y enregistrer des informations pertinentes sur le voyage qu'ils envisagent d'entreprendre ainsi que des données alphanumériques sur leur personne. Le 10 octobre 2018, le Conseil fédéral a décidé d'accepter ce développement de l'acquis de Schengen, sous réserve du respect des exigences constitutionnelles, et de notifier sa décision dans le délai imparti. Le SEM a lancé le projet de mise en oeuvre nationale en mars 2018. La mise en service du système ETIAS est prévue pour 2021.

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7

Règlement (UE) 2017/2226 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 portant création d'un système d'entrée/de sortie (EES) pour enregistrer les données relatives aux entrées, aux sorties et aux refus d'entrée concernant les ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures des États membres et portant détermination des conditions d'accès à l'EES à des fins répressives, et modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et les règlements (CE) n o 767/2008 et (UE) no 1077/2011, JO L 327/20 du 9.12.2017, p. 20, et Règlement (UE) 2017/2225 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2017 modifiant le règlement (UE) 2016/399 en ce qui concerne l'utilisation du système d'entrée/de sortie, JO L 327/1, du 9.12,2017, p. 1.

Règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d'un système européen d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) n o 1077/2011, (UE) n o 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226, JO L 236/1 du 19.9.2018, p. 1.

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Le 12 décembre 2017, la Commission européenne a également présenté deux propositions de règlements visant à améliorer l'architecture informatique européenne, notamment en matière d'interopérabilité. Ces propositions concernent les systèmes SIS8, Eurodac9, VIS10, EES et ETIAS. La mise en oeuvre devrait avoir lieu entre 2020 et 2024.

Au courant de l'année 2018, une évaluation Schengen a été menée en Suisse par des experts de la Commission européenne. Elle visait à déterminer si la Suisse s'acquittait correctement de ses engagements dans les domaines suivants: contrôles frontaliers aux aéroports, rapatriement de ressortissants d'États tiers en séjour irrégulier, utilisation du système d'information Schengen SIS/SIRENE, coopération entre autorités policières, traitement des données à caractère personnel et politique des visas. Les experts des États Schengen et de l'UE ont délivré à la Suisse un résultat positif dans la mise en oeuvre et l'application des lois Schengen.

Avec la reprise du règlement européen relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, la Suisse continue à participer aux activités de l'agence Frontex, notamment dans le cadre de la surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen et en matière de renvoi des ressortissants d'États tiers en séjour irrégulier dans l'espace Schengen. Le 12 septembre 2018, la Commission européenne a présenté une proposition de modification concernant l'Agence européenne de gardefrontières et de garde-côtes qui prévoit notamment d'augmenter les effectifs du personnel de Frontex, et d'étendre le mandat de l'agence.

Le 18 juillet 2018, la Commission européenne a confirmé, dans un rapport, que le Kosovo avait franchi toutes les étapes prévues dans le cadre du dialogue sur la libéralisation du régime des visas. La Commission européenne a invité le Parlement européen et le Conseil de l'UE à approuver la proposition d'exemption de visa pour le Kosovo soumise par la Commission (uniquement pour les titulaires d'un passeport biométrique). Le Parlement européen a approuvé cette proposition le 13 septembre 2018. À la suite d'interventions de plusieurs États Schengen, le Conseil de l'UE a toutefois décidé de reporter la libéralisation du régime des visas.

4.3

Coopération bilatérale avec les pays membres de l'UE

Le 28 septembre 2018, le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à une deuxième contribution suisse en faveur de certains États membres de l'UE visant à réduire les disparités économiques et sociales dans l'UE élargie et à soutenir des mesures dans le domaine de la migration11. Cette contribution s'élève à 8

9

10 11

Système d'information Schengen, dans lequel peuvent être signalés les objets volés et les personnes qui sont recherchées par la police aux fins d'extradition, sont sous le coup d'une interdiction d'entrée ou sont portées disparues.

Système d'information de l'Union européenne, qui comprend une base de données où sont collectées les empreintes digitales des requérants d'asile et des immigrants clandestins.

Système d'information sur les visas FF 2018 6669

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1,302 milliard de francs, porte sur une période de 10 ans et sera destinée à la réduction des disparités économiques et sociales dans certains États membres de l'UE ainsi qu'à l'amélioration de la gestion des migrants dans les États membres de l'UE particulièrement affectés par les mouvements migratoires. La contribution se décompose en deux parties: le Conseil fédéral prévoit d'allouer 1102 millions de francs au renforcement de la cohésion dans les pays de l'UE-13 et 200 millions de francs à des mesures dans le domaine des migrations. Il appartient au Parlement suisse de rendre une décision finale au sujet de l'approbation des deux créditscadres. Le Conseil des États a adoptéadopté l'arrêté fédéral simple correspondant en tant que conseil prioritaire le 29 novembre 2018, à la condition que l'UE ne prenne aucune mesure discriminatoire contre la Suisse.

En 2018, la Suisse a également soutenu bilatéralement la Grèce et l'Italie dans le cadre du crédit d'engagement Coopération internationale en matière de migration (crédit IMZ). En Grèce, il s'agissait de deux projets visant à soutenir l'encadrement et l'accueil des mineurs non accompagnés et d'un projet permettant de soutenir les activités de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans le domaine de l'aide au retour et à la réintégration dans les pays d'origine. En Italie, un échange d'expertise entre conseillers suisses et italiens en matière de politique du retour a été mis sur pied en coopération avec l'OIM.

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Priorités bilatérales et régionales de la politique migratoire extérieure de la Suisse

5.1

Sri Lanka

En octobre 2017, la Suisse et le Sri Lanka sont convenus, lors d'une réunion d'experts, de renforcer leur coopération et de formaliser un partenariat migratoire dans le cadre d'un protocole d'entente. La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a signé le partenariat migratoire à Colombo le 6 août 2018. Il s'agit du sixième partenariat migratoire de la Suisse, et du premier conclu avec un pays asiatique.

Le partenariat migratoire permet aux deux pays de souligner leur intérêt à intensifier leur collaboration de longue date dans le domaine de la migration. Il s'agit de faire avancer le processus de réconciliation, d'acceptation du passé, de renforcement de l'État de droit et de sécurité de la migration de la main-d'oeuvre le long du corridor migratoire entre le Sri Lanka et le Proche-Orient.

5.2

Routes migratoires en Méditerranée

À la suite de l'engagement de l'UE et de certains de ses États membres auprès des autorités libyennes pour la surveillance des frontières et le sauvetage en mer, une réduction significative du nombre de traversées au départ de la Libye a été observée au cours de l'année sous revue.

En dépit des dangers rencontrés en Méditerranée centrale, les migrants en provenance, principalement, des pays d'Afrique de l'Ouest et de l'Est ont continué de se 4181

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rendre en Libye. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le nombre de migrants secourus par les garde-côtes libyens a été en augmentation au cours de l'année 2018 (15 235), mais le nombre de décès en mer est resté très important (1311). Les conditions et le traitement des migrants dans les lieux de détention en Libye demeurent particulièrement préoccupants (selon l'OIM, quelque 8000 migrants y seraient détenus dans 18 lieux de détention)12.

Les mouvements migratoires vers le Maroc et l'Espagne ont enregistré une forte hausse. Avec le resserrement des contrôles aux frontières autour de la Méditerranée, on relève également un nombre plus important de migrants en Égypte.

À la suite de la troisième réunion du groupe de contact pour la Méditerranée centrale, qui s'est tenue à Berne en novembre 2017, la Suisse s'est engagée à transformer la déclaration d'intention adoptée en actions concrètes et à se consacrer prioritairement aux mesures de protection en faveur des migrants en situation de vulnérabilité. Plusieurs projets ont ainsi été mis en oeuvre en Libye, au Niger et au Mali afin d'améliorer la situation des droits humains des migrants et des réfugiés, et de soutenir les retours volontaires et l'accès à des activités socioéconomiques génératrices de revenus. La Suisse a par ailleurs admis comme réfugiés, depuis le Niger, 82 personnes particulièrement vulnérables, évacuées pour la plupart depuis la Libye par le HCR. Un renforcement des capacités des autorités nigériennes dans le domaine de l'asile a été mis en place. Dans le cadre du dialogue régional du Processus de Rabat, la Suisse s'est engagée à mettre sur pied le domaine consacré à l'asile et à la protection inscrit dans le nouveau plan d'action 2018­202013, adopté le 2 mai 2018. Un délégué pour la migration est en poste à Tunis depuis l'été de l'année sous revue pour assurer une meilleure coordination ainsi qu'une perception accrue des enjeux sur place.

5.3

Afrique du Nord

Les pays de la région du sud de la Méditerranée sont à la fois des pays d'origine, de transit et de destination. La stratégie de coopération de la Suisse pour l'Afrique du Nord (2017­2020) consacre l'un de ses trois piliers prioritaires à la migration et à la protection. Dans ce cadre, les projets mis en oeuvre sont destinés au renforcement des capacités des autorités et des organisations de la société civile, à un meilleur accès aux prestations d'assistance et de protection pour les migrants vulnérables, ainsi qu'à la promotion d'initiatives menées avec la diaspora afin de contribuer au développement sur place.

Le partenariat migratoire avec la Tunisie14 constitue un cadre particulièrement propice à une étroite collaboration. Plusieurs projets ont été lancés en 2018, notam12

13 14

Voir aussi Desperate and Dangerous: Report on the human rights situation of migrants and refugees in Libya: www.ohchr.org/Documents/Countries/LY/LibyaMigrationReport.pdf www.rabat-process.org/images/documents/FR_Declaration-et-Plan-Action-MarrakechProcessus-de-Rabat.pdf www.sem.admin.ch/dam/data/sem/internationales/internat-zusarbeit/bilaterales/keine-srnr/20120611-mou-TUN-f.pdf

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ment dans le domaine de la réintégration des Tunisiens de retour au pays et de l'accueil de migrants en provenance des pays d'Afrique subsaharienne. Le nombre de personnes ayant bénéficié d'une expérience de stage dans le cadre de l'Accord relatif à l'échange de jeunes professionnels est en hausse (à ce jour, il s'élève à 56 personnes). La coopération avec la Tunisie dans le domaine de la réadmission est très bonne. La Suisse soutient également des projets visant à leur assurer un meilleur accès au droit, à la santé et à l'assistance juridique, sociale et médicale. Elle s'est également engagée en faveur d'une gestion efficace des frontières intégrant les principes des droits de l'homme.

À l'occasion de la visite du secrétaire d'État Mario Gattiker au Maroc, de nouvelles consultations migratoires se sont déroulées en mai. Elles ont permis d'ébaucher des perspectives concrètes de renforcement de la coopération dans plusieurs domaines.

Des progrès considérables ont été constatés dans le domaine du retour depuis la reprise du dialogue migratoire et des consultations politiques, en avril 2017. De fait, une forte hausse du nombre de réadmissions de ressortissants marocains a été enregistrée ces deux dernières années. Plusieurs projets sont mis en oeuvre au Maroc pour assurer aux migrants vulnérables et aux victimes de violences un meilleur accès aux services de santé et de protection ainsi que pour promouvoir le respect des droits des réfugiés et des migrants dans cet État.

En ce qui concerne l'Algérie, il faut noter une nette amélioration de la coopération au niveau opérationnel, en particulier dans le domaine de la réadmission.

En Égypte, la Suisse soutient des projets visant à mieux protéger les migrants vulnérables et les réfugiés, et a lancé des activités propres à favoriser l'intégration économique des migrants. Le prochain dialogue migratoire a été planifié pour le début de l'année 2019.

5.4

Afrique de l'Ouest

En Afrique de l'Ouest, les activités se sont concentrées sur une meilleure gestion de la migration, les causes profondes de la migration irrégulière, la libre circulation des biens et des personnes, et l'intégration régionale.

La Suisse se démarque par son approche différenciée, qui prend également en compte les enjeux en matière de développement durable et de sécurité humaine. Son action se matérialise notamment au Niger, dans le cadre du groupe de concertation national sur la migration, où la Suisse anime un espace consacré à la migration et au développement.

En mai 2018, des discussions constructives ont eu lieu lors du premier dialogue migratoire avec la Gambie. En 2019, il s'agira de déterminer comment renforcer encore ces relations.

Des négociations sur la formalisation des relations migratoires se sont également tenues au Mali. Elles se poursuivront en 2019.

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Avec le Cameroun, les relations bilatérales se sont intensifiées et plusieurs projets de formation professionnelle novateurs ont vu le jour dans les domaines de l'hôtellerie et de la menuiserie.

Enfin, la mise en oeuvre du partenariat migratoire avec le Nigéria a permis de maintenir d'excellentes relations avec ce pays grâce aux différents projets menés sur place.

Considérant que seule une gestion sûre, régulière et ordonnée de la migration peut contribuer à réduire la migration irrégulière qui transite par le Sahel et la Libye, la Suisse a continué de soutenir les États de la région dans la définition et la mise en oeuvre de politiques migratoires nationales (Burkina Faso) et régionales (CEDEAO15).

5.5

Corne de l'Afrique

Dans la Corne de l'Afrique, un certain nombre de facteurs déstabilisateurs provoquent des élans de migration irrégulière, de fuite et de déplacement. Dans le même temps, la dynamique de la région a été marquée en 2018 par les efforts de paix entre l'Éthiopie et l'Érythrée, qui ont notamment conduit à une reprise des relations diplomatiques et à l'ouverture de leur frontière.

La migration et la protection sont des éléments prioritaires des nouvelles stratégies de coopération avec le Soudan (2018­2020) et la Corne de l'Afrique (2018­2021).

L'engagement repose ici sur trois objectifs stratégiques: protéger et défendre les droits fondamentaux des réfugiés, des migrants et des personnes déplacées dans leur propre pays; promouvoir l'intégration socioéconomique des personnes déplacées dans la région; renforcer la gouvernance nationale et régionale des migrations.

En novembre, un voyage de service a été organisée dans la Corne de l'Afrique, sous la direction du SEM et avec la participation du DFAE. Au Soudan, des discussions ont été menées sur la formalisation de la coopération dans le domaine de la migration. En Éthiopie, l'application de l'accord de réadmission conclu entre ce pays et l'UE a été négociée dans les relations entre la Suisse et l'Éthiopie. L'application de cet accord à la Suisse devrait être formalisée en 2019.

En Érythrée, l'objectif des pourparlers menés à haut niveau était d'associer le sujet de la migration à une plus large approche bilatérale, afin d'accroître la volonté de coopération. Bien que l'attitude du gouvernement érythréen en ce qui concerne le rapatriement n'ait pas fondamentalement changé et que, pour l'heure, aucun rapatriement européen n'est autorisé dans ce pays, une meilleure coopération a été obtenue dans l'identification de cas individuels. En 2018, la situation politique intérieure en Érythrée a été dominée par le développement de relations bilatérales avec l'Éthiopie. L'ouverture des frontières à la circulation des personnes et des biens a fait naître l'espoir de changements en matière de politique intérieure. Néanmoins, aucune mesure de réforme concrète n'a encore été constatée.

15

Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest

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La Suisse est active en Érythrée dans le domaine éducatif et finance des projets qui contribuent, entre autres, à améliorer la qualité de la formation des enseignants et à soutenir la formation professionnelle des jeunes.

Exemple de lien établi avec la coopération internationale: la deuxième

phase du projet de soutien de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (Intergovernmental Authority on Development, IGAD) ­ organisation régionale présente dans la Corne de l'Afrique ­ a été lancée en octobre 2018. Le projet vise: ­

à renforcer la gouvernance et les capacités nationales et régionales dans le domaine de la migration;

­

à renforcer la coopération en matière de mobilité sud-sud, en soutenant les dialogues et la coopération régionaux;

­

à améliorer la prévention des déplacements forcés et les réponses apportées à ces phénomènes à la suite de changements climatiques et de catastrophes naturelles, grâce à des systèmes d'alerte rapide et à une protection accrue des personnes déplacées.

5.6

Proche-Orient et Moyen-Orient

Plus de 5,5 millions de réfugiés originaires de Syrie sont encore enregistrés dans les pays voisins de cet État, tandis que plus de 6 millions de personnes ont été déplacées dans le pays même. Faute de solution politique au conflit syrien, les conditions d'un retour volontaire, sûr et digne des réfugiés syriens ne sont toujours pas réunies. Les retours spontanés n'ont eu lieu que dans une mesure très restreinte. En Irak, deux millions de personnes environ sont toujours déplacées à l'intérieur du pays.

Au total, 90 millions de francs ont été alloués pour venir en aide à la population en détresse de cette région en 2018. Dans le domaine des migrations et de la protection, l'accent a été mis sur le Liban, pays où la part de réfugiés par habitant est la plus élevée du monde. Un projet y a été soutenu, entre autres, dans le domaine de la gestion intégrée des frontières. Il vise également à sensibiliser les autorités locales aux aspects relatifs aux droits de l'homme et au traitement des personnes vulnérables. Des dialogues entre les décideurs libanais traditionnels ainsi que les jeunes et les réfugiés syriens ont aussi été encouragés dans le but de réduire les tensions et les préjugés entre les réfugiés et leur communauté d'accueil. En mai 2018, un dialogue migratoire entre la Suisse et le Liban a eu lieu pour la première fois; il a porté sur l'orientation et les priorités de la future coopération. L'accord, négocié au même moment, sur l'exemption de visa pour les titulaires de passeports diplomatiques a été signé en août 2018 lors de la visite d'État du président de la Confédération Alain Berset.

En 2018, la Suisse a également financé des projets concernant les réfugiés syriens en Jordanie (enregistrement et documentation) et visant à soutenir le gouvernement jordanien dans ses efforts pour améliorer l'accès des réfugiés syriens au marché du travail formel. En Turquie, les autorités ont été assistées dans l'élaboration d'une politique migratoire globale, qui tienne notamment compte des aspects liés au déve4185

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loppement. En outre, la Suisse, en collaboration avec des organisations multilatérales comme l'Organisation internationale du travail, s'est employée à améliorer les conditions de travail et de vie des 37 millions de migrants qui travaillent au MoyenOrient.

Enfin, plus de 960 réfugiés syriens particulièrement vulnérables du Moyen-Orient ont été réinstallés en Suisse en 2018. La réinstallation compte non seulement comme l'une des rares solutions durables qui soient accessibles aux réfugiés, mais elle constitue également un signe important de solidarité envers les pays de premier accueil.

Compte tenu de la nature prolongée des crises qui sévissent en Syrie et en Irak, des solutions à long terme sont de plus en plus nécessaires ­ outre l'aide d'urgence, qui reste indispensable. La stratégie de coopération 2019­2022 pour le Moyen-Orient élaborée en 2018 permet à la Suisse de réaliser son objectif consistant à fixer de nouvelles priorités pour les années à venir et à se concentrer sur des questions telles que l'autonomisation, l'indépendance, la résilience et la recherche de solutions durables en faveur des réfugiés.

5.7

Balkans occidentaux

Dans le cadre des trois partenariats migratoires16 conclus respectivement avec la Serbie, la Bosnie et Herzégovine et le Kosovo, la Suisse a poursuivi son soutien à la mise en place de systèmes de gestion de la migration fonctionnels et conformes aux standards internationaux.

En Bosnie et Herzégovine ainsi qu'en Serbie, des projets visant au renforcement des frontières, à l'uniformisation des bases de données ainsi qu'au soutien psychosocial en faveur des mineurs non accompagnés ont été mis en place. Un dialogue migratoire avec la Bosnie et Herzégovine a eu lieu à Sarajevo en février 2018. L'un des thèmes prioritaires abordés fut les difficultés rencontrées par les autorités bosniennes face à la hausse importante du nombre de migrants irréguliers sur leur territoire.

Face à cette situation, la Suisse a renforcé son soutien sur place en apportant une aide humanitaire aux migrants.

Dans le cadre du partenariat migratoire avec le Kosovo, un dialogue migratoire s'est également tenu à Pristina en mars 2018.

5.8

Coopération en matière de réadmission

Un système de renvoi qui fonctionne est l'une des clés d'une politique d'asile crédible. Dans le domaine du retour, l'accent est mis sur la promotion des départs volontaires ou obligatoires avec une aide au retour. En ce sens, le SEM finance dans les cantons des centres de conseil dévolus à cette mission. Si cela n'aboutit pas, le SEM prend les mesures nécessaires pour que la décision négative d'asile assortie 16

Disponible ici: www.sem.admin.ch/sem/fr/home/internationales/internat-zusarbeit/ bilateral/migrationspartnerschaften.html

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d'un renvoi soit dûment exécutée. Outre le domaine de l'asile, le SEM apporte également un soutien en matière d'exécution pour les personnes qui doivent quitter la Suisse en vertu de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration17.

De manière générale, la coopération internationale fonctionne bien voire très bien, dans le domaine du retour, avec de nombreux pays de provenance. Au cours des dix dernières années, le SEM est parvenu à conclure 25 accords dans le domaine du retour. Au total, la Suisse a conclu des accords de ce type avec près de 60 États. Ces traités réglementent également la coopération en matière de retour (55 accords de réadmission; 6 partenariats migratoires; 5 accords migratoires). En outre, dans le domaine de l'exécution des renvois, la Suisse coopère avec un certain nombre d'autres États, et ce, même en dehors de tout accord (par ex. Égypte, Bélarus, Ghana, Sierra Leone).

Sur le plan européen, la Suisse est l'un des pays les plus efficaces dans l'exécution des renvois. Cela vaut tant pour les renvois vers le pays de provenance que pour les procédures Dublin. En 2017, la Suisse a exécuté en moyenne 56,8 % des renvois vers le pays de provenance de la personne déboutée, contre 36,6 % pour les pays de l'UE.

Au cours de l'année sous revue, il a été possible de réduire sensiblement le nombre de cas de renvoi en suspens pour certains pays de provenance avec lesquels la coopération s'avère difficile mais n'en est pas moins importante (par ex. Algérie, Tunisie et Maroc). Dans l'ensemble, entre 2013 et 2018, le SEM a réduit, en collaboration avec les cantons, le nombre de cas de renvoi en suspens de 7293 à 3948, soit une baisse de 45 %.

17

RS 142.20

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En 2018, l'Algérie, l'Éthiopie, l'Iran et le Maroc ont à nouveau figuré sur la liste des pays prioritaires en matière de retour du SEM. Pour ces pays, chaque département est tenu d'informer le DFAE et le DFJP de toute opportunité de politique étrangère de leur domaine de compétence qui pourrait se prêter à la création d'un lien avec le thème du retour.

Voici un état des lieux de la situation pour différents pays: ­

Des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années avec l'Algérie dans le domaine du retour, notamment en matière d'identification. Les renvois sous contrainte en Algérie ont plus que doublé entre 2017 et 2018 (passant de 27 à 62). En comparaison avec l'année précédente, les cas de renvoi en suspens ont diminué de manière significative, passant de 692 à 550, ce qui représente une baisse de 20,5 %.

­

Avec le Maroc, des progrès considérables sont à relever dans le domaine du retour depuis la reprise du dialogue migratoire en avril 2017. Depuis lors, la Suisse a pu organiser régulièrement des rapatriements accompagnés par voie maritime. Le nombre de cas de renvoi en suspens a légèrement baissé depuis 2017, pour s'établir à 238 en 2018 (contre 283 cas en 2017)

­

Depuis de nombreuses années, l'Iran n'admet que les seuls retours volontaires. Cette pratique ne vaut pas uniquement pour la Suisse, mais pour tous les pays occidentaux. Le dialogue avec les autorités iraniennes a pourtant vu une certaine ouverture sur la question du retour. Une proposition de proto-

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cole d'entente visant à améliorer la collaboration en matière de réadmission est en discussion entre les deux pays. Le nombre de cas en suspens en matière de renvois vers l'Iran a légèrement augmenté, pour s'établir à 153 (contre 121 cas en 2017).

­

Plusieurs années durant, seul un retour volontaire avait été possible en Éthiopie. En septembre 2018, des entretiens d'identification menés avec une délégation éthiopienne ont eu lieu pour la première fois. En 2018, deux rapatriements forcés vers Addis-Abeba ont pu être exécutés. En novembre 2018, le SEM a convenu avec les autorités éthiopiennes compétentes d'appliquer les « procédures d'admission pour le retour des Éthiopiens » provenant de Suisse en vigueur depuis février 2018 entre les États de l'UE et l'Éthiopie.

­

Les personnes qui décident de rentrer volontairement en Érythrée reçoivent désormais les documents de voyage nécessaires à leur retour de la représentation érythréenne en Suisse. L'Érythrée continue de refuser les rapatriements sous contrainte, que ce soit de la Suisse ou depuis d'autres pays européens.

­

Concernant l'Afghanistan, la Suisse a accueilli, en avril 2018, une réunion du comité d'experts dans le cadre de l'accord tripartite conclu en 2006 18 par les deux pays et le HCR. Les discussions ont principalement porté sur la nécessité de reprendre les retours non volontaires, interrompus depuis septembre 2017; elles ont aussi eu trait à la participation de la Suisse aux vols organisés par Frontex. Si les vues de l'Afghanistan et de la Suisse au sujet de la participation de cette dernière aux vols communs menés sous l'égide de Frontex divergent toujours, en novembre, l'Afghanistan s'est engagé à résoudre le problème de l'émission de laissez-passer afin de permettre les retours non volontaires. Le nombre de cas en suspens en matière de renvois vers l'Afghanistan a légèrement baissé en 2018, pour s'établir à 61 (contre 101 cas en 2017).

6

Coopération migratoire multilatérale

6.1

Pacte de l'ONU sur les migrations

Au terme d'un processus de négociation de deux ans (cf. rapports sur la coopération internationale de 2016 et 2017), le Pacte de l'ONU sur les migrations a été parachevé à l'été 2018. Après une analyse détaillée des répercussions de la structure de coopération internationale sur la politique intérieure et extérieure de la Suisse, le Conseil fédéral a estimé ce document conforme aux intérêts du pays. Le pacte de l'ONU sur les migrations est un instrument du Soft Law qui n'est pas juridiquement contraignant. L'objectif du Pacte de l'ONU est de définir des valeurs communes d'une migration ordonnée pour la communauté internationale, qui se traduiraient également par une réduction de la migration irrégulière. Le Pacte de l'ONU sur les migrations comporte dix principes directeurs et 23 objectifs et un catalogue 18

www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20062242/index.html

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d'instruments de mise en oeuvre volontaire possibles pour chaque objectif. Ces principes directeurs et ces objectifs sont conformes à la politique migratoire de la Suisse, dont les principaux axes sont le renforcement de l'aide apportée sur place, la lutte contre la traite et le trafic d'êtres humains, la sécurité des frontières, le respect des droits de l'homme, le rapatriement et la réintégration, et l'intégration durable.

Sous l'angle de sa politique intérieure, la Suisse n'a pas besoin d'agir.

Lors de la session d'hiver 2018, l'Assemblée fédérale a exprimé le souhait d'étudier plus en profondeur le pacte de l'ONU sur les migrations. Le Conseil fédéral élaborera un projet d'arrêté fédéral simple en ce sens d'ici fin 2019. Avant que le Conseil fédéral ne se prononce définitivement sur l'adoption du pacte de l'ONU sur les migrations, celui-ci souhaite attendre le résultat du débat parlementaire. Le 10 décembre 2018, le Pacte de l'ONU sur les migrations a été adopté lors d'une conférence qui a réuni 164 États participants, tenue à Marrakech, en l'absence de la Suisse. L'approbation formelle du pacte a été confirmée par un vote de l'Assemblée générale des Nations Unies le 19 décembre 2018: 153 États ont dit oui, 5 ont voté non (États-Unis, Hongrie, Pologne, République tchèque et Israël); 12 autres, dont la Suisse, se sont abstenus et 23 États n'ont pas pris part au vote

6.2

Pacte de l'ONU sur les réfugiés

Le Pactede l'ONU sur les réfugiés a été préparé par le HCR en consultation avec les États et les autres parties prenantes.

Son texte confirme le caractère fondamental de la convention relative au statut des réfugiés et des principes qui en découlent. Il ne modifie en rien la définition du terme réfugié qui figure aussi bien dans le droit international que dans le droit suisse.

L'objectif du Pacte est d'alléger la charge pesant sur les pays d'accueil des réfugiés, de promouvoir l'indépendance des réfugiés, d'accroître l'accès aux solutions des pays tiers et d'améliorer les conditions dans les pays d'origine afin de permettre un retour volontaire sûr et digne. Il s'agit d'un instrument juridique non contraignant (aucune obligation légale). Il met l'accent sur le respect de la souveraineté des États et de leur législation nationale.

En le soutenant, la Suisse défend ses intérêts, conformément aux objectifs de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés19, et réaffirme sa tradition humanitaire. Lors de sa séance du 17 décembre 2018, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution sur le travail du HCR, à laquelle était annexée le pacte, par 181 voix favorables à la résolution contre 2 (États-Unis et Hongrie) et 3 abstentions.

19

RS 0.142.30

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Enseignements et perspectives pour 2019

Plusieurs réformes législatives importantes au niveau européen qui auront une incidence sur la Suisse devraient aboutir en 2019. Dans le domaine de l'asile, la transformation de l'EASO en véritable Agence de l'Union européenne pour l'asilepourrait être menée à terme. La réforme de Frontex devrait également être adoptée. Les travaux de mise en oeuvre de plusieurs grands projets informatiques, comme l'EES et l'ETIAS, se poursuivront en 2019. De nouvelles propositions de la Commission européenne seront également discutées, notamment l'interopérabilité des systèmes informatiques, une réforme du code des visas et l'instrument qui sera appelé à succéder, pour la période 2021­2027, au Fonds pour la sécurité intérieure.

Sur le plan pratique, la coopération dans les domaines Schengen et Dublin devrait être marquée, ces prochaines années, par la mise en oeuvre de ces projets. En outre, la deuxième contribution de la Suisse à certains États membres de l'UE prévoit la mise en oeuvre d'un crédit-cadre pour la migration. L'évolution (hausse ou baisse) des mouvements migratoires au départ des côtes de l'Afrique du Nord vers la Méditerranée et, notamment, les débarquements en Italie pourraient avoir un impact sur les arrivées irrégulières en Suisse. La situation en Libye continuera à retenir toute l'attention des autorités suisses au cours de l'année à venir, et les efforts visant à consolider un engagement sur place seront poursuivis. Au vu de l'augmentation des flux migratoires en Méditerranée occidentale, le dialogue migratoire engagé avec le Maroc constituera également une priorité.

Concernant le Moyen-Orient, le volet protection et migration restera l'un des principaux domaines d'intervention de la Suisse.

Le traitement parlementaire du Pacte de l'ONU sur les migrations a montré la nécessité de clarifier l'implication du parlement dans les instruments du soft law. En tant qu'instruments non contraignants, ils relèvent de la compétence du Conseil fédéral, mais, à cet égard, un rôle pourrait tout de même être conféré au Parlement. Cette question fera l'objet d'un rapport en 2019.

Fin novembre 2018, le Conseil fédéral a décidé, sur la base d'un plan élaboré par la Confédération, les cantons, les villes, les communes et d'autres organisations, de se tenir au principe de l'accueil de réfugiés dans le cadre de
programmes de réinstallation et a approuvé pour 2019 un contingent de 800 victimes de la crise syrienne à réinstaller à court terme. Il a également chargé le DFJP d'élaborer, en concertation avec les cantons et les commissions des institutions politiques, une proposition de programme de réinstallation pour les années 2020 et 2021 portant sur l'accueil de 1500 à 2000 personnes. Le Conseil fédéral prendra ensuite une décision finale au sujet de ce programme.

La coopération en matière de migration et de retour avec les pays de la Corne de l'Afrique continuera à être intégrée de manière systématique dans les réunions et les consultations bilatérales. L'application à la Suisse de l'accord conclu entre l'UE et l'Éthiopie dans le domaine du retour devrait être formalisée début 2019.

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La coopération internationale menée par la Suisse en matière de politique migratoire porte ses fruits ­ surtout grâce à son approche interdépartementale, qui fonctionne bien. Le lien stratégique établi continuera à être appliqué en 2019; les travaux de mise en oeuvre seront intégrés dans l'élaboration du nouveau message sur la coopération internationale 2021­2024.

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