18.093 Rapport du Conseil fédéral concernant le classement de la motion 13.4184 du conseiller aux États Graber du 12 décembre 2013 (Caisses de pension. Placements à long terme dans les technologies d'avenir et création d'un fonds à cet effet) du 30 novembre 2018

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous proposons de classer l'intervention parlementaire suivante.

2014

M

13.4184

Caisses de pension. Placements à long terme dans les technologies d'avenir et création d'un fonds à cet effet (E 19.3.14, Graber Konrad, N 10.9.14)

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

30 novembre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2016-1112

365

Condensé La motion 13.4184 charge le Conseil fédéral de créer les bases légales requises pour que les institutions de prévoyance puissent investir dans des placements porteurs d'avenir. Le Conseil fédéral est invité en outre à lancer un «Fonds suisse pour l'avenir», organisé et géré conformément aux principes de l'économie privée, qui permette de gérer les placements dans les technologies d'avenir à la demande des caisses de pension.

Les bases légales existantes permettent déjà aux institutions de prévoyance d'investir dans des placements porteurs d'avenir. Le Conseil fédéral a néanmoins reconnu le potentiel d'amélioration des conditions générales et a pris les décisions suivantes: ­

Il charge le Département fédéral de l'intérieur (DFI) d'offrir aux institutions de prévoyance, de manière adéquate, la possibilité d'exiger des sociétés de placement en capital-risque qu'elles indiquent, de manière standardisée, en plus des informations habituelles, les frais en relation avec le capital promis.

­

Il charge le DFI d'examiner l'introduction, dans les prescriptions de placement de la prévoyance professionnelle, d'une nouvelle catégorie ou souscatégorie correspondant à environ 5 % de la fortune pour les placements suisses non cotés. Les investissements correspondants ne seraient ainsi plus répertoriés dans la catégorie des placements alternatifs et pourraient être stimulés par ce nouveau traitement réglementaire.

­

Dans le cadre d'une future réforme du droit fiscal, le Conseil fédéral est disposé à prévoir pour toutes les entreprises la compensation des pertes illimitée dans le temps associée à une imposition minimale.

Des investissements plus importants dans le domaine non coté à long terme requièrent un degré élevé de transparence. Le Conseil fédéral est d'avis qu'une discussion est nécessaire pour déterminer, par exemple, comment améliorer davantage la transparence concernant le rendement, les coûts et les risques des produits concernés. Une autorégulation surveillée peut aussi être envisagée à cette fin.

Il relève en outre que, grâce à la modification de la loi sur le libre passage, différentes stratégies de placement peuvent être proposées aux assurés dont le revenu est supérieur à 126 900 francs. La capacité de risque de ces derniers étant souvent plus grande dans la partie surobligatoire de la prévoyance professionnelle, concernée ici, cela offre de nouvelles possibilités aux sociétés qui proposent des fonds de capital-risque diversifiés en collaboration avec les institutions pratiquant la prévoyance surobligatoire.

Un groupe de travail constitué à cet effet, chargé de suivre les travaux relatifs à la présente motion, s'est entretenu avec divers acteurs et a organisé deux ateliers pour sensibiliser les institutions de prévoyance aux possibilités offertes par le capitalrisque. Quant au secteur du capital-risque, il devrait mieux comprendre les besoins

366

des institutions de prévoyance. Offreurs et demandeurs potentiels ont pu se rencontrer dans un cadre approprié. Un produit a été lancé et d'autres sont en projet ou en préparation. En ce sens, les choses ont commencé à bouger et l'objectif visé par la motion est atteint. En outre, le rapport du Conseil fédéral en exécution du postulat 13.4237 Derder a permis de discuter et d'identifier d'autres mesures et de futurs champs d'action possibles visant à soutenir les jeunes entreprises.

Les institutions de prévoyance approuvent globalement l'offre de nouveaux produits et sont prêtes à examiner les possibilités d'investissement, mais elles rejettent une pression politique qui veut les contraindre à investir dans certains secteurs. Ayant des obligations envers les assurés, elles souhaitent pouvoir choisir en fonction de critères économiques et non politiques. Pour des raisons de risque et de rendement, les institutions de prévoyance investissent pour l'instant rarement directement dans du capital-risque suisse, mais surtout dans des mandats de capital-investissement diversifiés à l'échelle mondiale.

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Rapport 1

Mandat parlementaire

La motion 13.4184 Graber «Caisses de pension. Placements à long terme dans les technologies d'avenir et création d'un fonds à cet effet» charge le Conseil fédéral de créer les bases légales requises pour que les institutions de prévoyance puissent investir dans des placements à long terme porteurs d'avenir. Le Conseil fédéral est invité en outre à lancer un «Fonds suisse pour l'avenir», organisé et administré conformément aux principes de l'économie privée, qui permette de gérer les placements dans les technologies d'avenir à la demande des caisses de pension.

Dans son avis, le Conseil fédéral a relevé que les institutions de prévoyance peuvent déjà investir dans des placements de ce type et qu'elles le font d'ailleurs dans les limites de leur capacité de risque. L'État peut certes améliorer les conditions générales pour les investissements, mais non inciter les caisses de pension à courir des risques qu'elles ne sauraient supporter. Les caisses devraient être responsables, sans contrainte, de leurs investissements. Comme prévu dans l'avis du Conseil fédéral, un groupe de travail a été institué, composé de représentants de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), responsable du dossier, et du Secrétariat d'État à l'économie (SECO), avec la participation de représentants de l'Administration fédérale des contributions (AFC), de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP), de l'Office fédéral de l'énergie (OFEN) et du Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI). Ce groupe a été chargé de débattre avec les institutions de prévoyance de la pertinence et des modalités de création d'un fonds privé pour l'avenir.

2

Cadre général

2.1

Notions de capital-investissement et de capital-risque et caractéristiques de ces catégories de placement

Des notions telles que capital-risque ou capital-investissement (ou private equity) sont utilisées de différentes manières sur le plan international et ne sont pas définies de façon claire. La littérature spécialisée1 l'explique par le fait qu'elles sont apparues d'abord dans la pratique, sans être le résultat d'une construction théorique.

Le capital-investissement, est le terme général utilisé pour le capital investi en participation par des investisseurs privés ou institutionnels dans des entreprises qui, en règle générale, ne sont pas cotées en Bourse2. Le capital-risque, ou venture capital, est une sous-catégorie du capital-investissement. Il couvre les premiers stades d'une entreprise, de la phase de conception à l'élaboration et au lancement d'un nouveau 1 2

368

Machot, Philipp (2009): Secondary Buyouts: Eine empirische Untersuchung von Werttreibern, p. 20.

Commission fédérale des banques (2007): Hedge-Fonds Marktentwicklung, Risiken und Regulierung, prise de position, septembre 2007, p. 16.

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produit, ainsi que la recherche de capital pour l'extension de la distribution3. Ce capital est donc souvent mis à la disposition d'entreprises innovantes qui s'exposent par nature à un risque important, mais recèlent également de grandes possibilités de croissance.

Au sens usuel, les fonds propres de l'entreprise peuvent être appelés capital-risque.

C'est pourquoi l'on parle aussi de capital-risque conventionnel. Mais le capitalrisque peut également comprendre des capitaux de tiers ayant le caractère de capital propre (par ex. des crédits qui sont transformés en actions à certaines conditions).

Pour les sociétés s'appuyant sur des fonds, on constitue des fonds de capital-risque par lesquels les investisseurs peuvent participer indirectement à de jeunes entreprises. La société de participation financière administre le fonds, investit le capital dans des entreprises selon des critères définis au préalable et accompagne souvent ces investissements par une participation active au niveau de la direction ou du conseil d'administration.

2.2

Étendue et importance

Dans son rapport de juin 2012 intitulé «Le capital-risque en Suisse», le Conseil fédéral conclut que, dans l'ensemble, le marché suisse du capital-risque fonctionne bien. L'accent qu'il met dans sa politique sur l'amélioration constante du contexte général de la politique économique a fait ses preuves dans ce domaine également. Il n'existe pas de base de données complète sur le volume des investissements en capital-risque. C'est pourquoi les sources utilisées, qui sont citées ci-après, fournissent des chiffres différents:

3 4 5 6

­

Le Global Venture Capital and Private Equity Country Attractiveness Index 2018 reconnaît à la Suisse des conditions générales favorables au capitalrisque. Notre pays occupe le quinzième rang dans cette analyse comparative internationale4.

­

Selon les données d'Invest Europe, anciennement European Venture Capital Association (EVCA), la Suisse se trouve en haut du classement européen pour ce qui concerne le capital-risque5. Entre 2013 et 2017, pour ce qui est du capital-risque en pourcentage moyen du produit intérieur brut (PIB), elle occupait le cinquième rang européen derrière la Finlande, la Suède, l'Irlande et le Royaume-Uni. Le pourcentage de capital-risque par rapport au PIB y était de 0,043 % en 2017. En comparaison mondiale, ce pourcentage est toutefois nettement inférieur à celui d'Israël (0,377 %) ou à celui des ÉtatsUnis (0,358 %)6.

Engelhardt J., Gantenbein P. (2010): Venture Capital in Switzerland, p. 10 s.

Groh A., Liechtenstein H., Lieser K., Biesinger M. (2015): The Global Venture Capital and Private-Equity Country Attractiveness Index 2015.

Voir le Yearbook 2017 d'Invest Europe.

OCDE (2015a), Entrepreneurship at a Glance 2017, éditions OCDE, Paris, 2017.

369

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­

2.3

Le Swiss Venture Capital Report, qui recense et analyse tous les investissements de capital-risque dans des start-up suisses qui ont été publiés, a constaté pour la sixième année consécutive une augmentation des investissements. En 2017, les bailleurs de fonds suisses et étrangers ont fourni en 175 cycles de financement un total de 938 millions de francs en capitalrisque, soit trois fois plus qu'en 2012 (316 millions)7.

Volume des investissements des institutions de prévoyance et d'assurance dans le capital-investissement et le capital-risque

Étant donné que les placements en capital-risque s'inscrivent dans une approche mondiale et que les start-up suisses ne représentent qu'un faible pourcentage des volumes mondiaux, il est permis de supposer, malgré le peu de données disponibles, que les investissements des institutions de prévoyance et d'assurance dans du capital-risque suisse représentent une part minime par rapport aux autres possibilités de placement. Selon la statistique des caisses de pensions de l'Office fédéral de la statistique8, les institutions de prévoyance avaient investi, fin 2016, quelque 5 milliards de francs (1,5 % de la fortune de prévoyance) dans le capital-investissement.

D'après la FINMA, les assureurs-vie privés affichaient 6,7 milliards de francs9 de placements alternatifs, dont, selon une enquête interne de la FINMA, environ 1,7 milliard dans le capital-investissement (0,45 % des capitaux placés à hauteur de 388 milliards de francs). Autrement dit, le volume des investissements des institutions de prévoyance et d'assurance dans le capital-investissement avoisinait les 14,2 milliards de francs en 2016. La proportion de capital-risque dans ce montant global était comprise, selon les estimations, entre un cinquième et un dixième10, donc dans un ordre de grandeur de 2,2 milliards de francs ou de 0,18 % environ du total des placements.

3

Méthode d'examen de la motion et de création d'un fonds pour l'avenir

Dans un premier temps, des entretiens séparés ont été menés avec des caisses de pension, des sociétés de conseil et des sociétés de capital-risque. En tout, dix entretiens ont eu lieu de septembre 2014 à mars 2015 avec 18 représentants d'institutions.

Dans un deuxième temps, un premier atelier a été organisé le 4 juin 2015 sous la responsabilité du SECO et en collaboration avec l'OFAS, l'Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) et la Swiss Private Equity & Corporate Finance Association (SECA). Il a réuni l'auteur de la motion et plus de 60 représentants de différentes institutions de prévoyance importantes, de l'industrie du capital-risque 7 8 9 10

370

Voir le Swiss Venture Capital Report 2018.

www.pxweb.bfs.admin.ch/pxweb Rapport de la FINMA sur les assureurs, www.versichererreport.finma.ch/reportportal.

Voir par ex. Prequin, Global Private-Equity & Venture Capital Report.

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et des associations professionnelles. Il devait permettre de procéder aux examens nécessaires, de lancer les démarches demandées dans la motion, et donner à l'industrie du capital-risque la possibilité de discuter directement avec ses clients potentiels.

L'atelier a été l'occasion, fort appréciée, d'exposer les perspectives et les positions de chacun.

Des entretiens ont été menés ensuite avec un nouveau fournisseur potentiel d'un fonds de fonds (c'est-à-dire un fonds qui investit ses capitaux dans d'autres fonds) de capital-risque suisse. La FINMA ainsi qu'un grand assureur ont également été entendus.

Dans un troisième temps, les conseillers fédéraux Alain Berset et Johann SchneiderAmmann ont rencontré le 12 octobre 2016 des représentants du secteur du capitalrisque, de la politique, de diverses associations et de l'administration. À cette occasion, les participants ont signé une déclaration commune en vue de continuer à soutenir les entreprises à forte croissance. Dans cette déclaration, le Conseil fédéral affirme sa volonté d'examiner des mesures d'amélioration des conditions-cadres.

Les associations participantes se sont dites prêtes à inciter leurs membres à soutenir les entreprises à forte croissance de manière appropriée et sur la base du volontariat.

Dans ce contexte, un deuxième atelier, plus conséquent, a été organisé le 2 mai 2017 sous la houlette de l'OFAS, en collaboration avec le SECO et l'ASIP. De potentiels fournisseurs de possibilités d'investissement en capital-risque suisse ont pu y présenter leurs propositions de produits. Les principaux invités étaient les institutions de prévoyance. Ce deuxième atelier fut l'occasion de débattre des questions importantes relatives aux rendements, aux risques, à la gouvernance, à la structure des fonds et aux coûts des différentes offres de produits. Les fournisseurs et les investisseurs potentiels du secteur de la prévoyance y étaient présents, ce qui leur a permis d'entrer directement en contact les uns avec les autres pendant la manifestation ou juste après.

4

Fonds pour l'avenir

4.1

Possibilité d'utilisation d'un fonds pour l'avenir pour les investissements dans le capital-risque

Le capital-risque nécessite des connaissances très pointues pour que les investissements soient fructueux. Les différents fonds se spécialisent souvent dans une branche donnée, par exemple les technologies médicales ou l'industrie pharmaceutique.

Comme les revenus des investissements peuvent varier beaucoup d'une entreprise à l'autre, il est conseillé de diversifier suffisamment. Cette diversification est assurée en particulier par un échelonnement temporel ainsi que par des sous-fonds spécialisés dans divers secteurs économiques. C'est pourquoi les investisseurs institutionnels tels que les institutions de prévoyance investissent pour la plupart dans des fonds de fonds. Cependant, en général, le choix des fonds de fonds est opéré non pas par les institutions de prévoyance, mais par des prestataires spécialisés dans la gestion d'actifs. On attend du gestionnaire d'un fonds de fonds qu'il soit en mesure de sélectionner les sous-fonds (partie d'un fonds composé de plusieurs fonds) et les fonds de branche spécialisés qui sont prometteurs.

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L'idée d'organiser un fonds pour l'avenir sous forme de fonds de fonds est donc compréhensible. Les investisseurs institutionnels délèguent les décisions d'investissement dans le secteur du capital-risque à un fonds qui dispose des connaissances spécialisées nécessaires pour procéder à une sélection prometteuse. Constituer soimême cette compétence, coûteuse, ne devrait guère en valoir la peine pour les petites institutions de prévoyance ni même pour les grandes, étant donné que les investissements moyens dans le capital-risque sont minimes par rapport à la fortune totale des investisseurs institutionnels (voir ch. 2.3). Mais même en cas de placements indirects sur des fonds de fonds, l'institution de prévoyance ou les tiers mandatés par elle doivent être en mesure d'évaluer de façon professionnelle le choix des fonds de fonds et la délégation à ceux-ci des décisions d'investissement. Cela fait partie intégrante de leur devoir de diligence. La complexité du capital-risque, notamment pour évaluer les placements et identifier les idées et les sociétés prometteuses, mais aussi la longueur de l'horizon de placement font déjà de la délégation une tâche ardue.

La taille relativement petite de nombre d'institutions de prévoyance suisses rend les choses encore plus difficiles. Selon la statistique des caisses de pensions, il existait en Suisse, fin 2016, 1713 institutions ayant des assurés actifs et fournissant des prestations réglementaires. Celles de petite taille devraient être davantage tributaires de prestataires financiers spécialisés, car pour elles la constitution d'un savoir spécialisé propre n'en vaut généralement guère la peine.

Les partisans d'un fonds pour l'avenir soutiennent par ailleurs que les institutions de prévoyance, de par la longueur de leur horizon de placement, sont particulièrement bien placées pour investir dans le capital-risque. Certes, l'assuré en tant qu'individu, suivant la durée qui le sépare encore de la perception de la rente ou du capital, peut présenter un horizon de placement long. Mais ce n'est pas forcément le cas des institutions de prévoyance. Celles-ci sont aussi exposées à des changements du côté des employeurs: certaines parties de l'entreprise peuvent être vendues, le personnel peut être réduit, des sociétés peuvent changer de site ou même disparaître, et les
institutions collectives doivent pouvoir faire face à la conclusion de nouveaux contrats d'assurance ou à la résiliation des contrats conclus. Les institutions de prévoyance n'en font normalement pas moins partie des investisseurs axés sur le long terme. Elles entrent donc par principe en ligne de compte en tant qu'investisseurs dans le capital-risque.

4.2

Position de principe des acteurs sur l'idée défendue par la motion et sur les investissements dans le capital-risque

4.2.1

Sociétés de capital-risque

Lors des entretiens menés par le groupe de travail et des discussions pendant les ateliers, les sociétés de capital-risque ont affirmé que les moyens financiers actuellement disponibles ne sont pas suffisants pour créer en Suisse un environnement favorable au développement de jeunes entreprises à la pointe du progrès technologique. S'il est souvent possible de financer les investissements initiaux (jusqu'à 1 million de francs), il n'est pas rare que les fonds supplémentaires (jusqu'à env.

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10 millions de francs) qui seraient nécessaires pour le développement et l'expansion de la société soient difficiles ou plus longs que prévu à obtenir. Cela porterait préjudice à la prospérité du pays à moyen et à long terme. Le manque de capitaux rendrait plus difficile la création de nouvelles entreprises apportant une contribution essentielle au renouvellement et au développement de l'économie. Ces acteurs relèvent aussi que l'excellence de la recherche scientifique en Suisse crée de nombreuses possibilités économiques, mais que, faute de moyens financiers, certains jeunes entrepreneurs quittent la Suisse pour se développer dans les pays où davantage de capital-risque est à disposition. Selon les agences de capital-risque, un fonds pour l'avenir doté de suffisamment de moyens (ou plusieurs fonds réunis) serait en mesure de fournir les moyens nécessaires pour encourager de façon décisive le capital-risque en Suisse et favoriser le renouvellement de l'économie. Cela permettrait aussi de garantir des emplois pour l'avenir. D'après l'idée initiale de certains des promoteurs d'un fonds pour l'avenir11, un pourcentage donné et annuellement croissant des capitaux entrant dans les institutions de prévoyance devrait même alimenter ce fonds. Cet argent alimenterait un fonds de fonds qui, à son tour, investirait dans les sociétés de capital-risque. L'idée de contraindre légalement les institutions de prévoyance à investir dans le capital-risque a toutefois été relativisée au cours des discussions.

4.2.2

Institutions de prévoyance

Les institutions de prévoyance saluent les initiatives privées, par exemple celle d'un fonds de capital-risque suisse diversifié, en tant que possibilité d'investissement supplémentaire. Elles placent au premier plan les assurés et donc les considérations de rendement et de risque. C'est envers les intérêts des assurés qu'elles sont engagées de par la loi. C'est pourquoi elles ont rejeté avec fermeté les grands efforts déployés par certains représentants du capital-risque au début des débats en vue de les contraindre légalement à conclure un engagement. Il incombe aux institutions de prévoyance d'évaluer des produits intéressants et d'y investir en cas de résultat positif et de capacité de risque disponible. Mais elles maintiennent que la promotion économique n'est pas la tâche des caisses de pension. Une telle tâche pèserait encore plus sur le système de la prévoyance professionnelle, déjà mis à rude épreuve par l'augmentation de l'espérance de vie, le plancher record des taux d'intérêt et les paramètres élevés fixés par la loi.

Les institutions de prévoyance considèrent que le capital-risque est une catégorie ou une sous-catégorie de placement très exigeante qui nécessite un grand savoir-faire spécialisé, dont la plupart d'entre elles ne disposent pas. Même les grandes institutions de prévoyance n'investissent normalement pas directement dans le capitalrisque. Afin de diversifier les risques, elles donnent des mandats de capital-investissement diversifiés à l'échelle mondiale. Seule une partie de ces mandats (env. 10 à 20 %) porte sur du capital-risque et, de celui-ci, seule une petite partie est investie en Suisse. Un fonds de capital-risque entièrement suisse, même convenablement diversifié, représenterait donc un risque trop important. Le capital-risque est générale11

www.fondspourlavenirsuisse.ch

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ment évalué comme plus risqué et moins rentable que les autres placements dans le capital-investissement. De plus, l'horizon de placement étant long, le rendement du capital-risque reste longtemps incertain.

Les coûts élevés du véhicule de capital-risque pourraient être en contradiction avec les efforts entrepris par les institutions de prévoyance pour diminuer leurs frais de gestion de la fortune, en particulier pour les placements alternatifs. Le manque de transparence des produits actuels du capital-risque et les incertitudes qui en découlent quant à la performance des investissements ont été abordés lors du deuxième atelier. Ce manque de transparence sur la performance des investissements est considéré comme une différence essentielle par rapport à d'autres catégories de placement non liquides, comme les immeubles, et représente un frein à l'investissement.

4.2.3

Assureurs-vie

Quelques assureurs-vie investissent dans le capital-investissement, jusqu'à 2 % de leurs placements, mais seule une infime partie de ce pourcentage porte sur le capitalrisque. Eux aussi, tout comme les institutions de prévoyance, préfèrent pouvoir choisir leurs investissements sans être soumis à une contrainte légale. Ils en appellent pour cela aux intérêts des actionnaires, des coopérateurs et des clients. La mesure dans laquelle des positions de capital-investissement figurent au bilan des assureursvie dépend des considérations faites sur le rendement possible et les risques courus, les assureurs-vie étant bien conscients qu'il s'agit là d'investissements à long terme.

Dans le secteur du capital-investissement, leurs investissements sont diversifiés à l'échelle mondiale. Une limitation géographique à la Suisse, incluant le cas échéant les régions limitrophes des pays voisins, leur paraît présenter plus de risques qu'un portefeuille diversifié à l'échelle mondiale.

4.2.4

FINMA

La FINMA reste neutre à l'égard des investissements des assureurs-vie dans le capital-risque, pour autant que la réglementation en vigueur soit respectée. Il s'agit principalement des dispositions relatives à la fortune liée et au test suisse de solvabilité. Ces deux instruments limitent certes, de manière implicite ou explicite, les investissements dans le capital-risque, mais les assureurs-vie n'en exploitent pas toutes les possibilités. Ce n'est donc pas la réglementation en matière d'assurance qui limite le volume de leurs investissements de ce type.

La FINMA est opposée à des modifications du droit qui auraient pour effet de contraindre les assureurs-vie à investir dans le capital-risque. La décision relative aux investissements de ce type devrait appartenir aux assureurs. Pour le reste, la FINMA estime que, pour la constitution d'un fonds pour l'avenir sous la forme prônée par l'auteur de la motion, tous les fournisseurs devraient être traités sur un pied d'égalité par l'État.

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4.2.5

Autres

Une grande société de révision internationale souligne l'effet positif qu'un tel fonds pourrait avoir pour le financement de la quatrième révolution industrielle (par ex.

dans le secteur de la technologie financière, ou fintech).

Des sociétés de conseil des institutions de prévoyance ont relevé que ces dernières investissent déjà davantage en Suisse. D'après elles, les institutions de prévoyance préfèrent donc, s'agissant de ce produit de niche qu'est le capital-investissement, des véhicules diversifiés au plan international: les rendements dépendent fortement du moment du lancement et sont rarement supérieurs à ceux des actions cotées du secteur des petites entreprises. Il est nécessaire de suivre les investissements dans le capital-risque même s'ils sont délégués à un fonds de fonds et les produits sont complexes et coûteux. Enfin, des problèmes peuvent surgir en cas de liquidation partielle de l'institution de prévoyance, par exemple en raison d'une restructuration dans l'entreprise de l'employeur. La difficulté générale à évaluer le capital-risque peut constituer ici un obstacle.

5

Conditions liées à la réglementation

5.1

Réglementation applicable aux institutions de prévoyance

Les prescriptions de placement applicables aux institutions de prévoyance professionnelle sont relativement libérales, leur laissent la flexibilité nécessaire et mettent l'accent sur la responsabilité personnelle. Elles suivent le principe de l'investisseur prudent. L'art. 50 de l'ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2)12 est un élément essentiel de ces prescriptions. Il exige en particulier le respect du devoir de diligence, une diversification suffisante et une politique de placement respectant le principe d'une répartition appropriée des risques. Les placements alternatifs ne peuvent en principe pas dépasser 15 % du volume des placements13, cette limite pouvant toutefois être dépassée simplement si la raison en est justifiée par l'organe responsable de l'institution de prévoyance. Les investissements dans le capital-risque entrent aussi dans la catégorie des placements alternatifs. Pour le reste, les institutions de prévoyance sont relativement libres dans l'aménagement de leur politique de placement. Elles déclarent d'ailleurs elles-mêmes que les prescriptions de placement ne constituent pas le principal obstacle aux investissements dans le capital-risque. Cela dit, la réputation souvent mauvaise des placements alternatifs déteint aussi sur cette sous-catégorie de placements.

12 13

RS 831.441.1 Art. 55 OPP 2

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5.1.1

Transparence en matière de coûts

Dans un souci de transparence, l'art. 48a OPP 2 relatif aux frais d'administration des institutions de prévoyance a été étendu dans le cadre de la réforme structurelle de la prévoyance professionnelle. En vertu de l'art. 48a, al. 3, OPP 2, les placements de fortune dont les frais de gestion ne peuvent être indiqués dans le compte d'exploitation doivent figurer séparément dans l'annexe aux comptes annuels. Ils sont également considérés comme non transparents. Cette règle a eu pour effet d'instaurer en très peu de temps une transparence presque complète en matière de frais dans le secteur des placements de fortune14. Pour savoir si un produit est transparent, on tient aussi compte des définitions des frais adoptées par les associations professionnelles. Dans tous les secteurs des placements, les définitions des frais reposent sur des principes de base. L'un de ces principes est que les frais sont indiqués relativement à la fortune nette investie. La définition des frais de la SECA se fonde elle aussi sur la valeur de l'actif net (net asset value, NAV) et non sur le capital promis par les investisseurs (appelé engagements). Il est dans la nature des investissements dans le capital-risque qu'au début, seule une partie du capital promis soit versée.

Cela a pour effet que la valeur de l'actif net peut être très inférieure au capital promis et donc que des frais d'administration relativement élevés sont affichés au début.

Dans le cas du capital-risque, il faut, après le lancement du produit, chercher des possibilités de placement et les évaluer. Les premiers investissements sont remboursés à partir du milieu de la durée de vie du produit, mais les frais restent généralement du même ordre de grandeur sur toute cette durée. Les frais de gestion du fonds de capital-risque sont élevés dès le début de l'évaluation des objets d'investissement, même s'il n'y a encore que peu d'argent investi. Étant donné que les indicateurs de frais sont calculés sur la base de la fortune investie, il est nécessaire d'afficher au début et à la fin du cycle de vie du produit des indicateurs élevés par rapport à la fortune investie. Tous les investisseurs le savent, mais il n'est peut-être pas inutile de l'expliquer. C'est pourquoi certains prestataires de capital-investissement, et plus précisément de capital-risque, souhaiteraient
que les frais soient indiqués en relation non plus avec la valeur de l'actif net, mais avec le capital promis, qui en principe ne varie pas. Cela enfreindrait toutefois les principes actuels des définitions des frais dans la prévoyance professionnelle et rendrait plus difficile la comparaison des frais entre les différentes catégories de placement. Du même coup, la transparence en la matière redescendrait au-dessous du niveau atteint aujourd'hui. Selon l'art. 48a, al. 1, let. b, OPP 2, l'institution de prévoyance doit obligatoirement indiquer les frais agrégés de gestion de la fortune dans son compte d'exploitation. Cela signifie que les frais des produits (par rapport au capital investi) sont certes intégrés dans les chiffres agrégés, mais ne doivent pas obligatoirement être indiqués séparément. Si le produit n'est pas transparent, il n'y a logiquement aucune indication des frais.

Si l'institution de prévoyance indique volontairement et en détail les frais de gestion de la fortune dans le domaine du capital-risque, il est alors souhaitable d'indiquer un calcul des frais basé sur le capital promis en plus du calcul basé sur la fortune investie.

14

376

Selon la statistique des caisses de pensions 2014, le taux de transparence des frais est monté à 98,9 %.

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5.1.2

Questions d'évaluation

Les règles d'évaluation qui s'appliquent au capital-investissement et au capitalrisque s'appliquent aussi à toutes les autres catégories de placement des institutions de prévoyance. Elles suivent le principe formulé dans la recommandation comptable Swiss GAAP RPC 26, qui oblige l'institution de prévoyance à présenter ses comptes annuels de manière à donner une image exacte de sa fortune, de sa situation financière et des rendements qu'elle a obtenus. Selon cette recommandation, l'évaluation des actifs se fait aux valeurs actuelles applicables à la date du bilan, sans intégration d'effets de lissage. Par valeurs actuelles, on entend en principe les valeurs du marché à la date du bilan. La valeur actuelle des actifs sans négoce public régulier est déterminée en fonction du rendement ou du flux monétaire à attendre compte tenu d'un taux d'intérêt de capitalisation adapté aux risques, ou estimé par comparaison avec des placements similaires, ou encore calculé sur la base d'une autre méthode généralement reconnue. Si l'on ne connaît pas ou l'on ne peut pas fixer, par la méthode citée précédemment, la valeur actuelle d'un actif, il faut reprendre la valeur d'acquisition, de laquelle les pertes de valeur connues doivent être soustraites15.

Certains fournisseurs de produits de capital-risque ont suggéré d'autoriser les institutions de prévoyance à comptabiliser les investissements, sur une période pouvant aller jusqu'à dix ans, au niveau des frais d'acquisition ou de leur valeur comptable.

Ils avancent comme argument que les évaluations sont difficiles et que sinon, au début du cycle d'investissement, il pourrait être nécessaire d'afficher des pertes, qui devraient être compensées par des bénéfices à la fin du cycle. Cela contreviendrait toutefois au principe d'évaluation selon la valeur du marché. Le capital-risque serait le seul investissement dans le portefeuille des institutions de prévoyance qui n'obéirait pas à ce principe. Des standards modernes mettent en revanche l'accent sur l'approche fair value16. Au reste, Swiss GAAP RPC 26 permet déjà de tenir compte des difficultés dans l'évaluation. Si des pertes comptables doivent être affichées au début du cycle et qu'elles sont compensées par l'évolution ultérieure de l'investissement, la performance des années ultérieures n'en sera que meilleure.
Mener une évaluation selon l'approche fair value constitue indéniablement une avancée importante en vue de garantir la transparence, mais ce n'est pas suffisant pour analyser l'évolution réelle des investissements en ce qui concerne les placements indirects (par ex. les fonds). Il est impératif d'adopter aussi une approche par transparence (look through). Pour cela, il faut mentionner les positions et les évaluations existantes, la méthode d'évaluation utilisée, les rendements et les pertes ainsi que d'autres frais et obligations fiscales. Or c'est actuellement rarement le cas pour les placements indirects, ce qui fait que les investisseurs peuvent avoir de mauvaises surprises lorsqu'ils se retrouvent à devoir vendre des investissements qui ont couru plusieurs années durant, par exemple en cas de changements d'évaluation. Il peut aussi arriver que les participations restent non liquides, car elles ne peuvent pas être vendues. Il est ainsi indispensable d'améliorer la transparence des positions, des ren15 16

Voir commentaire ad ch. 3, au ch. 13 de la Swiss GAAP RPC 26.

Voir par ex. les standards d'Invest Europe, ou les International Private Equity and Venture Capital Valuation Guidelines.

377

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dements ou baisses de rendement et des évaluations si l'on veut renforcer la confiance dans les placements alternatifs non liquides, par exemple dans le domaine du capital-risque. Un engagement volontaire des fournisseurs de produits en question pourrait contribuer à instaurer une transparence globale dans ce domaine.

5.2

Réglementation applicable aux assurances

Les entreprises d'assurance privées sont régies par la loi du 17 décembre 2004 sur la surveillance des assurances (LSA)17 et l'ordonnance du 9 novembre 2005 sur la surveillance (OS)18, ainsi que par diverses circulaires de la FINMA. Parmi toutes ces règles, ce sont surtout la fortune liée et le test suisse de solvabilité qui peuvent avoir une influence sur les investissements des assureurs-vie dans les start-up.

5.2.1

Fortune liée

L'instrument de la fortune liée est applicable aux premiers assureurs, y compris aux succursales suisses de premiers assureurs étrangers, mais non aux réassureurs. Il sert à réserver un traitement privilégié aux preneurs d'assurance en cas de faillite d'une compagnie d'assurances. L'entreprise d'assurance désigne certains actifs qui, en cas de faillite, sont réservés pour satisfaire les prétentions des clients de l'assurance. Les assurés reçoivent ainsi «un substrat de responsabilité qui garantit qu'en cas de faillite de l'entreprise d'assurance, leurs prétentions seront satisfaites en priorité, avant celles des autres créanciers»19. Ces actifs constituent la fortune liée. Leur volume doit être au moins égal au débit de la fortune liée, qui est déterminé par la valeur des engagements actuariels.

L'entreprise d'assurance est soumise à certaines restrictions en ce qui concerne l'affectation d'actifs à la fortune liée. Tous les investissements ne peuvent pas en faire partie; par exemple, ils doivent être liquides, à certaines exceptions près. Les conditions à remplir sont précisées dans l'OS et dans une circulaire de la FINMA (directives de placement). À fin 2016, le pourcentage des actifs des assureurs-vie affectés à la fortune liée par rapport à la somme du bilan était de 83 %20. Pour les autres actifs, qui sont donc libres, les limites de la fortune liée ne s'appliquent pas.

Les directives de placement de la FINMA concernant la fortune liée considèrent le capital-investissement comme une partie des placements alternatifs. Pour que les placements alternatifs puissent être affectés à la fortune liée, la FINMA exige que l'investissement soit réalisé sous la forme d'un fonds21. Un placement direct dans une entreprise de capital-investissement ne peut pas être pris en compte dans la 17 18 19 20

21

378

RS 961.01 RS 961.011 Circulaire FINMA 2016/5, Directives de placement ­ assureurs, ch. 23.

Quotient de la somme des actifs dans la fortune liée (valeur totale de la couverture, 290,3 milliards de francs) et de la somme des actifs (349,7 milliards de francs) de tous les assureurs-vie. Source: données du rapport de la FINMA sur les assureurs, sous-dossier «Fortune liée», pour 2016, consultable sous: www.versichererreport.finma.ch/reportportal.

Circulaire FINMA 2016/5, Directives de placement ­ assureurs, ch. 322.

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fortune liée22. Les placements doivent être diversifiés. L'assureur doit tenir compte, dans sa planification des liquidités, du fait que les investissements dans le capitalinvestissement sont de nature non liquide23. La FINMA exige en outre que l'entreprise d'assurance dispose entre autres d'une stratégie en matière d'investissements dans les placements alternatifs, d'un personnel qualifié et expérimenté, ainsi que d'une gestion des risques appropriée. De plus, la quantité de placements alternatifs dans la fortune liée est limitée. Les limites suivantes s'appliquent à la catégorie du capital-investissement24: ­

La valeur de tous les placements alternatifs pris en compte pour la fortune liée ne peut excéder 15 % du débit.

­

La valeur affectée aux placements dans le capital-investissement ne peut excéder 10 % du débit.

­

La valeur affectée à un fonds de fonds ne peut excéder 5 % du débit.

­

La valeur affectée à un fonds ne peut excéder 1 % du débit.

Un assureur-vie pourrait donc placer jusqu'à 10 % de sa fortune liée en capitalrisque, dont 1 % au maximum dans un fonds particulier.

Les assureurs-vie suisses ont investi en moyenne 0,7 % de leurs placements dans le capital-investissement et 1,7 % dans des placements alternatifs, mais la majeure partie d'entre eux n'ont pas effectué de placements de ce type. La valeur maximale se situe à 2 % pour le capital-investissement et à 5 % pour les placements alternatifs25.

5.2.2

Test suisse de solvabilité

Le test suisse de solvabilité (SST) exige de chaque assureur établi en Suisse qu'il dispose d'une quantité minimale de fonds propres par entreprise, quantité déterminée en fonction de ses risques (les succursales suisses d'assureurs étrangers ne sont pas soumises au SST). Cette quantité est appelée capital cible et s'oppose au capital disponible (dit capital porteur de risque). L'exigence que le capital porteur de risque ne soit pas inférieur au capital cible doit réduire la probabilité que les créances justifiées des preneurs d'assurance ne puissent être honorées en raison d'une insolvabilité de l'assureur.

Étant donné qu'un assureur dispose d'une quantité déterminée de fonds propres, il ne peut augmenter ses risques sans limite, faute de quoi il contreviendrait au SST.

En ce sens, le SST pose des limites aux activités et aux investissements des assureurs. Mais dès qu'un assureur dispose de suffisamment de fonds propres pour couvrir ses risques, le SST lui laisse toute liberté. Contrairement à la fortune liée, le SST ne connaît pas de limite de placement explicite ni de pourcentage prescrit qui limiterait la répartition des actifs dans diverses catégories de placement.

22 23 24 25

Circulaire FINMA 2016/5, Directives de placement ­ assureurs, ch. 332.

Circulaire FINMA 2016/5, Directives de placement ­ assureurs, ch. 329.

Ibid., ch. 343 à 348.

Étude réalisée par la FINMA.

379

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Les risques dont le SST tient compte pour le calcul du capital cible sont le risque d'assurance, le risque de marché et le risque de crédit. Le risque total est toutefois inférieur à la somme des risques des diverses positions financières en raison de la diversification des risques; il faut cependant prendre en compte le volume des interdépendances (stochastiques) entre les positions. Le risque est mesuré au moyen d'un outil courant appelé le déficit prévu (expected shortfall).

Vu les risques auxquels sont liés les investissements en capital-risque, les assureurs doivent inclure ces investissements dans leurs calculs de SST. Ils calculent le risque au moyen soit de leur propre modèle, soit du modèle standard du SST, dans lequel la modélisation des investissements dans le capital-investissement et des autres placements et paramètres du marché des capitaux est calibrée sur la base de séries chronologiques.

Un exemple permettra d'estimer grossièrement, au moyen du modèle standard du SST, de quel montant les exigences en matière de fonds propres augmentent lorsqu'un assureur-vie accroît ses investissements en capital-investissement, et plus particulièrement en capital-risque. Soit un portefeuille composé, côté actifs, de 76 % d'obligations, de 3 % d'actions, de 12 % d'immeubles et de 9 % d'instruments de trésorerie et autres actifs, ce qui correspond à la moyenne pour les assureurs-vie. On pose aussi comme hypothèse, pour le risque de taux, que l'échéance des actifs à taux fixe est de huit ans, et celle des engagements actuariels, de douze ans. On suppose également que la moitié des positions à taux fixe accusent le risque d'écart de taux pour une note A. Il résulte du modèle standard que, pour chaque franc que l'assureur-vie fait passer des instruments de trésorerie au capital-risque, le capital cible augmente d'environ 0,4 franc, compte tenu de la diversification des risques.

En complément, la FINMA a réalisé une enquête sur un échantillon d'entreprises réelles afin de déterminer comment évoluerait le risque de marché d'un assureur qui n'a pas encore investi dans le capital-investissement s'il faisait passer 1 % de ses placements dans cette catégorie. Le recours au modèle standard SST a abouti aux résultats suivants: le risque de marché s'accroîtrait de 3 à 5,6 %, la moyenne étant de 4,5 % pour
les assureurs non-vie et de 5,5 % pour les assureurs-vie. Cependant, le total des exigences en matière de fonds propres augmenterait moins que le risque de marché, car celui-ci est encore diversifié par le risque actuariel.

5.2.3

Évaluation des actifs détenus

L'évaluation des actifs détenus et des engagements pris n'est pas en soi identique dans la fortune liée et dans le SST. Alors que ce dernier prescrit partout ­ donc aussi pour le capital-investissement ­ une valeur proche du marché, en ce qui concerne la fortune liée, ces positions peuvent être affectées «au maximum à des valeurs de marché»26; il faut en outre en relever les valeurs d'inventaire nettes sur une base trimestrielle.

26

380

Circulaire FINMA 2016/5, Directives de placement ­ assureurs, ch. 349.

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5.3

Questions fiscales: compte de pertes

Le thème de la compensation des pertes joue un rôle important pour le secteur du capital-risque. Les start-up enregistrent souvent des pertes au cours des premières années. Pour les investisseurs, il est important que ces pertes puissent être déduites ultérieurement, lorsque les sociétés réalisent des bénéfices. L'industrie du capitalrisque demande que ces pertes puissent être déclarées fiscalement sur les plans communal, cantonal et fédéral pendant 20 ans.

Lors de la consultation relative à la réforme de l'imposition des entreprises III (RIE III), le Conseil fédéral avait proposé notamment d'adapter la réglementation de la compensation des pertes pour les entreprises. D'une part, la limite temporelle de sept ans pour la compensation des pertes aurait été abrogée, c'est-à-dire que les pertes enregistrées auraient pu être compensées par les bénéfices futurs sans limitation dans le temps. D'autre part, les entreprises auraient dû payer des impôts sur 20 % du bénéfice annuel avant compensation des pertes.

Dans son avis sur la motion 16.3863 Derder «Permettre une compensation des pertes illimitée dans le temps», le Conseil fédéral se dit disposé, dans le cadre d'une future réforme du droit fiscal, à prévoir pour toutes les entreprises la compensation des pertes illimitée dans le temps associée à une imposition minimale. Cette compensation ainsi que d'autres mesures sont de nouveau examinées par le Département fédéral des finances (DFF) dans le cadre d'un mandat d'audit portant sur le développement de la fiscalité des entreprises suisses.

6

Constats

Les retours et les points de vue exprimés lors des deux ateliers et le rapport en exécution du postulat 13.4237 Derder conduisent aux constats suivants: Le rapport en exécution du postulat 13.4237 Derder a établi que la situation des jeunes entreprises à forte croissance se présente bien voire très bien dans notre pays.

La Suisse compte parmi les pays dont les conditions-cadres sont les plus favorables pour les activités entrepreneuriales, et le nombre de jeunes entreprises à forte croissance par habitant y est nettement plus élevé que dans la plupart des pays étudiés. La qualité des entreprises qui y sont créées est bonne, ce qui explique pourquoi le taux de création d'entreprise, comparativement plus faible, a un peu moins d'importance.

Le marché suisse du capital-risque est un marché ouvert, caractérisé par un niveau élevé de flux financiers internationaux, des investissements étrangers en Suisse et des investissements suisses à l'étranger. Entre 2013 et 2017, la Suisse se situait au cinquième rang des pays européens pour ce qui est du capital-risque en pourcentage moyen du PIB. Son marché du capital-risque peut cependant encore se développer: sa part de PIB reste très faible par rapport à Israël ou aux États-Unis. La thématique du développement et de l'encouragement du potentiel des start-up suisses a été traitée par le menu dans le rapport rédigé en exécution du postulat Derder et elle n'est pas l'objet du présent rapport. Pour rappel, celui-ci mentionne des mesures déjà adoptées et des champs d'action envisageables à l'avenir, en particulier concernant l'imposition du capital et de la fortune, la compensation des pertes, les barrières 381

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à l'entrée dans le domaine des technologies financières, la création d'entreprise, l'amélioration des conditions-cadres régissant l'économie numérique ou une éventuelle collaboration avec le Fonds européen d'investissement. L'une des mesures proposées consiste en l'examen des améliorations que l'on pourrait apporter aux conditions-cadres pour favoriser l'investissement par les caisses de pension dans les start-up.

Dans un contexte de taux d'intérêt négatifs, les placements dans le capital-investissement ­ et donc aussi dans le capital-risque ­ représentent, par rapport aux autres types de placements (par ex. les actions, les obligations et les immeubles), une option que les institutions de prévoyance et les autres investisseurs sont disposés à examiner. Les montants investis dans de tels véhicules pourraient donc augmenter dans l'environnement actuel, pour autant que ces placements répondent aux exigences des investisseurs.

La condition pour investir dans des placements peu liquides comme le capital-investissement en général et le capital-risque en particulier est un horizon de placement à long terme. L'existence d'une prime d'illiquidité, c'est-à-dire d'une rémunération pour un engagement à long terme du capital, peut alors être recherchée. Les placements à long terme sont en principe possibles pour nombre d'institutions de prévoyance comme pour de nombreux autres investisseurs.

Du fait de leur complexité, les investissements dans le capital-investissement et le capital-risque requièrent beaucoup de travail et une expertise spécifique. Des fonds de fonds diversifiés ou des structures similaires sont susceptibles de fournir une telle expertise et d'assurer la sélection, la gestion et le suivi des investissements. Ces prestations doivent néanmoins être rémunérées.

Certaines institutions de prévoyance investissent déjà depuis un certain temps dans des mandats de capital-investissement bien diversifiés. Elles ont parfois dû essuyer des pertes: alors que les rendements des placements dans le capital-risque étaient supérieurs à la moyenne dans les années 90, ils étaient plus faibles dans les années 2000. En outre, les dépenses des institutions de prévoyance sont importantes, certaines d'entre elles ayant dû acquérir un savoir-faire interne dans ce domaine. Ce savoir-faire serait également nécessaire
pour investir dans un fonds pour l'avenir, car les institutions de prévoyance sont tenues de sélectionner et de surveiller avec soin leurs prestataires externes. De tels investissements peuvent néanmoins être rentables à long terme et présenter, du fait de leur diversification, un profil de rendement et de risque intéressant pour les institutions de prévoyance. Un fonds international de capital-investissement affichant de bonnes performances et accordant une certaine prépondérance au capital-risque suisse pourrait par conséquent répondre aux besoins des caisses de pension. C'est au secteur du capital-risque qu'il revient de discuter de cette question directement avec ses clients potentiels.

L'intérêt jusqu'à présent timide des investisseurs pour le capital-risque en Suisse tient probablement au fait que les performances (passées) de ce véhicule ont fait l'objet d'indications contradictoires. Une vue d'ensemble des performances fait défaut et les données nécessaires ne sont pas accessibles au public. De manière générale, la transparence relative au volume, à l'évaluation, au rendement et même, dans une certaine mesure, aux coûts du capital-risque reste à ce jour largement

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insuffisante. Il est donc pour le moins souhaitable que la transparence augmente dans le secteur du capital-risque et dans son association professionnelle.

Les possibilités d'investissement dans des fonds de capital-risque (spécialisés) existent bel et bien en Suisse. Il n'en demeure pas moins que les institutions de prévoyance, même de grande taille, ne devraient en principe pas investir directement dans de tels fonds en raison des difficultés liées à leur sélection. C'est pourquoi les institutions de prévoyance investissent principalement de manière indirecte, par le biais de fonds de fonds très diversifiés.

En outre, la motion Graber a suscité diverses initiatives de l'économie privée en vue de lancer sur le marché des produits du domaine du capital-risque suisse. Lors du premier atelier, une proposition de produits a ainsi déjà été présentée dans le cadre du projet Swissfund. Par ailleurs, il existe déjà des produits diversifiés, comme la fondation de placement Renaissance PME, spécialisée dans les investissements en capital-investissement dans le secteur technologique suisse et les PME, et dont les clients sont exclusivement des institutions de prévoyance. Le groupe Adveq, qui investit au niveau international dans le capital-investissement, a créé en janvier 2017 avec la fondation de placement IST un véhicule de placement en capital-investissement doté d'une part prépondérante de capital-risque suisse. Lors du deuxième atelier les produits proposés par Reichmuth & Co. (Zukunftsfonds), Aravis SA (Swissfund), Lyrique et Partners Group ont été présentés.

Au reste, les institutions de prévoyance jugent souvent que les véhicules de capitalrisque suisse ne sont pas suffisamment diversifiés, à la fois en raison de leur trop forte concentration géographique et parce que le capital-risque ne représente qu'une sous-catégorie du capital-investissement.

Les institutions de prévoyance rejettent l'idée, suggérée par certains acteurs de ce secteur, d'une obligation d'investir dans le capital-risque. La décision d'investir ou non, et sous quelle forme, dans le capital-investissement et le capital-risque relève, dans les institutions de prévoyance suffisamment grandes pour pouvoir envisager un tel placement, de l'organe suprême de l'institution. Cet organe, dont la composition est paritaire, jouit en
général d'un large soutien et d'une grande légitimité. Lorsque les représentants des assurés en son sein refusent d'investir leur capital de prévoyance dans le capital-risque, ce choix doit être respecté. Dès lors que l'État n'entend pas assumer directement la responsabilité de la politique de placement des institutions de prévoyance ­ responsabilité qui impliquerait une transformation fondamentale du système actuel de la prévoyance professionnelle ­, ces institutions ne doivent pas se voir imposer des risques de placement spécifiques.

En raison du risque élevé de perte, le devoir de diligence impose aux institutions de prévoyance de vérifier, lors d'investissements dans des véhicules de capital-investissement ou de capital-risque, l'existence de données positives sur les performances et les rendements passés.

La communication du secteur du capital-risque avec les utilisateurs potentiels de ses produits, à savoir les institutions de prévoyance dans le cas d'un fonds pour l'avenir, a jusqu'à présent été limitée, voire inexistante. Les deux ateliers organisés par le groupe de travail ont permis d'instaurer et de faciliter une communication directe entre les différentes parties.

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La motion 08.3702 Stahl demandait de donner aux assurés une plus grande liberté de choix concernant le placement de leurs avoirs de vieillesse dans la prévoyance professionnelle. Un assuré pourrait ainsi opter, dans le régime surobligatoire, pour une allocation des actifs comprenant une certaine part de capital-risque. L'adaptation de la loi (art. 19a de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage [LFLP]27) a été adoptée par le Parlement lors du vote final du 18 décembre 2015. Les sociétés de capital-risque espèrent que les caisses de pension offriront à leurs assurés des possibilités d'investir dans le capital-risque en Suisse.

Un sondage effectué auprès des participants au premier atelier a montré que 25 % des représentants des caisses de pension présents estimaient que l'atelier avait accru la probabilité que des institutions de prévoyance investissent dans le capital-risque; 13 % jugeaient que cela pourrait être le cas, tandis que 63 % excluaient cette éventualité. Il existe par conséquent un certain potentiel pour des investissements supplémentaires dans ce domaine.

7

Conclusions et prochaines étapes

7.1

Pas de mise en oeuvre d'un fonds pour l'avenir central

L'idée de base d'un fonds pour l'avenir est compréhensible et, sur le principe, séduisante. Un fonds de fonds bien diversifié regroupe plusieurs sous-fonds jugés prometteurs et sa direction dispose des compétences pointues adéquates. De par sa taille, un fonds de fonds peut à la fois fournir le capital nécessaire aux fonds de capital-risque spécialisés et profiter de coûts réduits.

Les institutions de prévoyance administrent quant à elles le capital de prévoyance de leurs assurés. Leur mandat est de placer ce capital de façon à garantir une prévoyance vieillesse aux assurés, tout en tenant compte de l'ensemble des facteurs pertinents ­ rendement, risque, capacité de risque, etc. ­ et en respectant le devoir de diligence fiduciaire. En d'autres termes, les institutions de prévoyance sont tenues de respecter l'objectif de prévoyance de leurs bénéficiaires. Si les responsables de ces institutions et les assurés ne peuvent que se réjouir de la possibilité que leur activité profite également à l'économie nationale dans son ensemble, la promotion de l'économie ne fait pas partie de leurs tâches.

En outre, les institutions de prévoyance agissent de manière autonome et sous leur propre responsabilité dans le domaine de la gestion de fortune. La participation à des investissements en capital-risque doit par conséquent être volontaire et l'évaluation des produits doit relever des investisseurs, donc des institutions de prévoyance ellesmêmes. Il est important que ces institutions puissent évaluer des produits concrets.

L'État ne devrait pas les contraindre à investir dans des domaines particuliers, l'argent en jeu étant celui des assurés et non celui de ses propres caisses.

27

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RS 831.42

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Contrairement à ce que suggèrent certains partisans d'un fonds pour l'avenir, les institutions de prévoyance n'ont aucun intérêt à investir une part fixe de leur fortune dans le capital-risque suisse. L'allocation de leurs actifs dépend en fin de compte de leur capacité de risque, un paramètre qui évolue au cours du temps. L'évaluation des rendements attendus et des risques liés à certains placements ou à certaines catégories de placement représente elle aussi une donnée variable. Les institutions de prévoyance pourraient ainsi accepter de placer un montant déterminé pour une période déterminée, sans garantir pour autant qu'elles renouvelleront cet «engagement».

Des informations claires et cohérentes sur les rendements passés du capital-risque suisse pourraient améliorer la transparence et encourager les investissements dans ces domaines si les résultats s'avèrent favorables. De telles indications sont déjà la norme dans d'autres domaines, à l'image du rapport de la Conférence des administrateurs de fondations de placement (CAFP) sur les performances des fondations de placement28. Par ailleurs, les investissements non liquides à long terme demandent beaucoup de patience de la part des investisseurs. Le développement est tributaire des modèles d'évaluation utilisés; les rendements et les pertes ne sont souvent guère visibles. Un haut niveau de transparence en matière de positions, d'évaluation, de rendements ou de pertes et de coûts (impôts compris) est susceptible de réduire l'incertitude de l'investisseur et de faciliter ses décisions. Enfin, la transparence abaisse les coûts d'information.

La motion examinée dans le présent rapport demande la création d'un fonds pour l'avenir qui soit organisé et géré conformément aux principes de l'économie privée.

L'idée n'est donc pas que l'État intervienne dans l'organisation et le financement de ce fonds. Le groupe de travail a cherché, lors de ses activités, de ses entretiens et des ateliers, à sensibiliser les institutions de prévoyance aux opportunités offertes par le capital-risque suisse. Les retours ont montré que ces efforts ont porté leurs fruits, et ce fut aussi l'occasion de sensibiliser certains fournisseurs de capital-risque aux besoins des institutions de prévoyance. La rencontre au sommet proposée par les chefs du DFI et du Département
fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche a permis aux parties de développer leur compréhension mutuelle et a renforcé la position de l'économie privée. Lors de l'atelier de mai 2017, les institutions de prévoyance ont pu présenter des produits concrets. Par ailleurs, les entretiens et les ateliers ont permis aux fournisseurs et aux clients potentiels des véhicules de capital-risque de se rencontrer. Dans certains cas, les activités du groupe de travail ont jeté des ponts entre les différents acteurs. De nouveaux produits ont été envisagés et d'autres sont proposés. En ce sens, les choses ont commencé à bouger.

Il existe d'ores et déjà des possibilités de placement dans le capital-risque suisse.

Des fonds couvrent spécifiquement certains domaines particuliers comme les produits pharmaceutiques, investissant principalement en Suisse et, éventuellement, dans les pays voisins. La fondation de placement Renaissance PME, par exemple, investit dans le capital-risque et dans les PME suisses pour le compte de caisses de pension. La fondation de placement IST propose également un groupe de placements qui met l'accent sur le capital-investissement et le capital-risque. Cependant, dans le domaine des fonds de fonds transversaux et largement diversifiés destinés à 28

www.kgast.ch

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la Suisse, le marché peut encore se développer. Il convient toutefois de noter que si une limitation à la Suisse peut être souhaitable du point de vue de la place économique, elle ne s'impose pas économiquement parlant. Les investisseurs examinent si une entreprise leur paraît prometteuse, mais ne considèrent pas nécessairement le lieu où elle se trouve. La préférence pour une région donnée peut présenter des avantages, par exemple une meilleure connaissance de l'environnement, mais aussi des inconvénients, liés notamment à une diversification insuffisante et à la limitation à un marché donné.

Les discussions lors des ateliers ont montré que les institutions de prévoyance ne jugent pas nécessaire le modèle d'un fonds pour l'avenir unique et centralisé, voire qu'elles le rejettent. Si ces institutions sont certes favorables sur le principe à toute nouvelle opportunité de placement, leurs représentants ont souligné à plusieurs reprises que, pour des considérations liées aux risques et aux perspectives de rendement, le capital-risque ne fait pas partie des sous-catégories prioritaires du capitalinvestissement. Les institutions de prévoyance indiquent préférer les véhicules orientés vers l'international et regroupant plusieurs sous-catégories du capital-investissement. De plus, une préférence ciblée pour un fournisseur de fonds de capitalrisque organisé conformément aux principes de l'économie privée (par ex. pour un fonds pour l'avenir) ne serait guère intéressante pour les institutions de prévoyance sous l'angle de la concurrence. Il convient d'éviter toute inégalité de traitement par rapport aux autres fournisseurs, tous les fournisseurs devant avoir accès aux mêmes opportunités.

Ainsi, malgré le fait que la Suisse présente des conditions avantageuses ­ à l'instar d'une recherche reconnue de haute qualité ­, un nombre élevé d'entreprises à forte croissance rapporté au nombre d'habitants29 et une place économique fortement concurrentielle, il est tout à fait pertinent, du point de vue économique, d'y renforcer l'investissement en capital-risque. Plusieurs fournisseurs s'emploient désormais à réaliser des projets pour répondre à des demandes potentielles de placement.

7.2

Recommandations concernant la poursuite de la réglementation des institutions de prévoyance

La réglementation actuellement applicable aux institutions de prévoyance autorise les investissements en capital-risque. Les institutions de prévoyance doivent se conformer à leurs obligations de diligence et tenir compte de leur capacité de risque, mais elles jouissent d'une grande liberté d'action et d'appréciation dans le choix de leur stratégie de placement. Le groupe de travail recommande la réalisation des points suivants: Indication des frais de gestion du fonds: les institutions de prévoyance se voient offrir, de manière adéquate, la possibilité d'exiger des sociétés de placement en capital-risque qu'elles indiquent, de manière standardisée, en plus des informations

29

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Ecoplan (2016), Statistische Grundlagen zu Neugründungen und wachstumsstarken Unternehmen. Étude mandatée par le SECO. Berne, avril 2016.

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habituelles, les frais en relation avec le capital promis. Il convient toutefois d'éviter toute confusion avec les indications de frais actuellement fournies.

Inscription au bilan à la valeur du marché: l'évaluation des investissements en capital-risque se caractérise d'ores et déjà par une grande flexibilité. En l'absence de valeur du marché, cette évaluation fait appel à des modèles ou à des estimations, voire, lorsque cette option n'est pas disponible, à la valeur d'acquisition, de laquelle les éventuelles pertes de valeur connues doivent être soustraites. Une comptabilisation des investissements sur la base de leur valeur comptable au lieu de leur valeur de marché permettrait de dissimuler des pertes et contreviendrait au principe fondamental d'une évaluation proche de la réalité. Cette proposition doit être rejetée. Les institutions de prévoyance, leurs bénéficiaires et les employeurs tiennent à être informés en temps utile de l'évolution des produits dans lesquels ils investissent. Le groupe de travail ne souhaite par conséquent pas assouplir le principe de l'évaluation selon la valeur du marché.

Informations: les informations sur les rendements, les positions, les risques, la méthode d'évaluation et les coûts ­ actuels et passés ­ des investissements en capital-risque doivent être rendues plus accessibles par la société elle-même ou par son association de branche. Cette mesure facilitera la sélection des fournisseurs, mais permettra aussi de souligner à moyen et à long terme l'attractivité relative des différents produits et des différentes catégories de placement. L'absence de transparence dans certains domaines d'investissement conduit en fin de compte soit à privilégier d'autres domaines plus transparents et offrant des perspectives de rendements similaires, soit à exiger des rendements plus élevés. Si les résultats de ces investissements s'avèrent favorables, la demande pourrait augmenter, en particulier dans un contexte de taux d'intérêt bas. Une initiative volontaire de la part des fournisseurs de produits serait tout à fait souhaitable dans ce domaine.

Liberté de choix des assurés dans le régime surobligatoire: la modification du 18 décembre 2015 de la LFLP30 donne aux assurés le choix entre différentes stratégies de placement dans le régime surobligatoire de la prévoyance
professionnelle.

Les assurés peuvent ainsi influencer la stratégie d'investissement, mais doivent aussi supporter les risques qui en résultent. La capacité de risque des assurés dans le régime surobligatoire est plus élevée et la prise de risques peut améliorer les perspectives de rendement. Cela offre des opportunités aux sociétés qui proposent des fonds de capital-risque diversifiés en collaboration avec les institutions pratiquant la prévoyance surobligatoire.

Adaptation des prescriptions de placement dans la prévoyance professionnelle: le Conseil fédéral l'a indiqué dans son avis sur la motion Graber, les prescriptions de placement existantes autorisent déjà les institutions de prévoyance à investir dans le domaine du capital-risque. Les institutions de prévoyance elles-mêmes l'ont également souligné lors de plusieurs entretiens. Leur capacité de risque constitue la limite principale de la part qu'elles peuvent consacrer à des placements risqués. Actuellement, elles investissent déjà fortement dans des domaines risqués: leur fortune se compose pour environ 30 % d'actions, 8,5 % de placements alternatifs (dont 1,5 % de capital-investissement), 40 % d'obligations et 20 % d'immeubles (et de place30

RO 2017 5019

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ments mixtes). Elles n'ont pas de capacité de risque pour des risques additionnels majeurs. Selon des estimations réalisées par l'OFAS fin mai 2018, leur taux de couverture moyen s'élève à près de 106 %, contre environ 110 % pour les caisses sans garantie étatique. Le montant de leurs réserves de fluctuation de valeur reste insuffisant par rapport au risque encouru. Elles peuvent simplement modifier la répartition de leurs placements risqués, par exemple en déplaçant celle de leurs actions dans le capital-investissement.

Les institutions de prévoyance ont une marge de manoeuvre limitée pour des investissements supplémentaires en capital-risque en raison des limites de leur capacité de risque. C'est la raison pour laquelle le Conseil fédéral se dit favorable à une simplification ciblée visant spécifiquement les investissements suisses dans le domaine du capital-risque et des placements non cotés. Au vu de la somme du bilan des institutions de prévoyance en 2016, d'un montant de 824 milliards de francs, de petites modifications pourraient déjà avoir des répercussions importantes sur les investissements, de par la taille relativement restreinte de ce marché. Autre avantage d'une telle ouverture limitée: de légères adaptations dans la répartition des actifs rendraient ces derniers encore plus intéressants, du point de vue du risque, pour les institutions de prévoyance. Il convient toutefois de souligner que la décision d'investir revient en tous les cas à l'institution de prévoyance seule.

Actuellement, le domaine des placements alternatifs (à l'international également) consiste en un regroupement de sous-catégories de placements issus de domaines très divers, comme les matières premières, l'infrastructure, les fonds spéculatifs, le capital-investissement et le capital-risque (et même, dans certaines régions, les immeubles). On déplore souvent la mauvaise réputation des placements alternatifs, considérés comme peu transparents, non liquides, onéreux et spéculatifs, ce qui fait que des possibilités d'investissement justifiées n'ont pas l'attention qu'elles méritent. Il est certes peu probable qu'un investisseur professionnel soit sensible à cet argument. Toutefois, créer dans la loi une catégorie de placement restreinte de 5 %, par exemple, pour les placements suisses non cotés permettrait d'attirer
davantage l'oeil des institutions de prévoyance sur ce domaine et de dissocier cette nouvelle catégorie des placements alternatifs. Une telle mesure correspondrait à la mise en oeuvre partielle des motions 17.4286 Derder31 et 16.3414 Béglé32. Cette catégorie serait suffisamment grande pour couvrir en totalité la demande potentielle d'investissement en capital-risque suisse (voir ch. 2.2), mais aussi suffisamment petite pour préserver la sécurité de la prévoyance professionnelle. L'existence de produits transparents dans un cadre géographique proche et connu ainsi que l'expérience qui va de pair pourraient également permettre de créer des bases pour qu'à l'avenir, les investisseurs s'engagent davantage dans ces domaines de manière générale.

31 32

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Mo. 17.4286 Derder «Encourager l'investissement des caisses de pensions dans les sociétés non cotées en Suisse».

Mo. 16.3414 Beglé «Faciliter l'investissement des caisses de pension dans les sociétés non cotées en bourse».

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7.3

Projets de véhicules de capital-risque suisse

Lors de la rencontre au sommet du 12 octobre 2016 ainsi que du deuxième atelier, certains fournisseurs ont présenté des propositions de produits pour des investissements dans des véhicules de capital-risque suisse diversifiés. Les produits proposés visent à doter de 200 à 500 millions de francs un fonds de capital-risque largement diversifié. Le 2 mai 2017 les produits suivants ont été présentés: Fournisseur

Projet présenté

Lyrique33

Swiss Fund of Venture Fund

Aravis34

SwissDRG

Fondation Fonds suisse pour l'avenir35 Partners

Group36

Fonds pour l'avenir Fonds de marchés privés pour fonds de pension suisse

Un représentant de l'entreprise Adveq37, qui a lancé, en collaboration avec la fondation de placement IST, un produit de capital-investissement réparti pour 20 % en Suisse38, était aussi invité à cet atelier. La motion Graber est ainsi d'ores et déjà

33 34 35 36 37 38

www.lyrique.com/en www.aravis.ch www.zukunftsfonds.ch www.partnersgroup.com www.schroderadveq.com. Adveq a depuis fusionné avec Schroders.

IST 3 capital-investissement; www.istfunds.ch.

389

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mise en oeuvre. Un représentant de la fondation de placement Renaissance PME39, qui permet depuis de nombreuses années aux caisses de pension d'investir dans des PME suisses, a également participé aux discussions.

7.4

Réglementation des institutions d'assurance: aucun changement prévu

Les règles de la fortune liée ne sont pas le principal facteur qui limite les investissements des assureurs-vie dans le capital-investissement. Le SST peut par contre produire un effet de ce type, dès lors que la capacité de risque d'un assureur-vie est limitée. Lorsqu'une compagnie d'assurance-vie augmente ses placements en capitalinvestissement, son capital cible augmente également. La compagnie doit donc être en mesure d'accroître ses fonds propres pour supporter ce risque accru et couvrir le capital cible supplémentaire. Une telle restriction fondée sur le risque est nettement plus contraignante que les limites applicables aux institutions de prévoyance: alors que les assureurs-vie doivent en tout temps couvrir entièrement par des actifs leurs promesses de prestations et leurs engagements financiers, les institutions de prévoyance peuvent être temporairement à découvert et afficher un bilan déficitaire. Si certains assureurs-vie pourraient envisager d'investir davantage dans le capitalinvestissement, la mesure du risque prévue par le SST repose sur la volatilité historique de cette catégorie de placement au cours des dix dernières années et semble donc objectivement fondée. Pour cette raison, il ne serait pas opportun de relâcher la mesure du risque pour le seul capital-investissement dans le SST, d'autant qu'une telle réduction ciblée des exigences reviendrait à pénaliser les autres types de placements et à leur imposer un désavantage comparatif. Des incitations inopportunes et de mauvaises décisions d'allocation en seraient la conséquence. Réduire ponctuellement les exigences pour le capital-investissement dans le SST désavantagerait donc les autres placements. Quant à une modification générale des règles du SST, elle soulèverait de nombreuses questions, notamment en ce qui concerne le niveau souhaitable de protection pour les clients et les autres bailleurs de fonds des compagnies d'assurance en Suisse, mais aussi en ce qui concerne la stabilité du système, la comparaison avec l'UE, le respect des normes internationales, ainsi que les conséquences sur les produits proposés et la composition du portefeuille.

7.5

Compensation fiscale des pertes

La question de la compensation des pertes sur le plan fiscal est importante pour les investisseurs et les fournisseurs de capital-risque. Le Conseil fédéral est disposé à réexaminer la question de prévoir, pour toutes les entreprises, la compensation des pertes illimitée dans le temps associée à une imposition minimale.

39

390

www.renaissance.net

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7.6

Prochaines étapes

La motion Graber demandait d'organiser et de gérer un produit concret (le «Fonds suisse pour l'avenir») suivant les principes de l'économie privée. Depuis, plusieurs produits ont été présentés et la fondation de placement IST a même lancé le sien.

Ainsi, l'objectif de la motion, qui visait à créer d'autres possibilités d'investissement, est rempli. L'organisation et le financement (partiel) d'un produit par l'État, qui ne faisaient pas partie intégrante de la motion Graber, n'ont pas été examinés.

Un examen plus en détail a été réalisé dans le cadre du postulat 13.4237 Derder.

Le Conseil fédéral charge le DFI, après la publication du présent rapport, d'examiner en collaboration avec les représentants du domaine de la prévoyance l'introduction, dans un délai raisonnable, d'une limite d'environ 5 % de la fortune pour les placements suisses non cotés. Par ailleurs, le DFI est chargé d'offrir aux institutions de prévoyance, de manière adéquate, la possibilité d'exiger des sociétés de placement en capital-risque qu'elles indiquent, de manière standardisée, en plus des informations habituelles, les frais en relation avec le capital promis. Il convient toutefois d'éviter toute confusion avec les indications de frais actuellement fournies.

Le Conseil fédéral souligne en outre la nécessité de poursuivre les efforts en vue d'améliorer encore davantage la transparence des produits. Il estime qu'il est du devoir des fournisseurs de produits et de leurs associations d'aller dans le sens d'une autorégulation.

La compensation des pertes illimitée dans le temps associée à une imposition minimale est à nouveau examinée par le DFF, ainsi que d'autres mesures. Le calendrier dépend principalement des évolutions de la loi fédérale du 28 septembre 2018 relative à la réforme fiscale et au financement de l'AVS (RFFA)40 (anciennement Projet fiscal 17).

8

Propositions du Conseil fédéral

Par le présent rapport, le Conseil fédéral propose de classer la motion pour toutes les raisons susmentionnées.

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