19.032 Message concernant la loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme du 22 mai 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'une loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT), en vous proposant de l'adopter.

Nous vous proposons simultanément de classer les interventions parlementaires suivantes: 2014

M 14.3001

Consultation de données personnelles en ligne (N 6.5.14, Commission des transports et des télécommunications CN; E 8.9.14)

2016

M 16.3213

Compétence d'enregistrement de surveillances discrètes dans le système d'information Schengen. fedpol ne doit pas être mis de côté (N 14.9.16, Romano; E 14.12.16)

2017

M 17.3497

Coordination de la lutte contre la cybercriminalité internationale organisée (N 29.9.17, Dobler; E 14.3.18)

2017

P

Améliorer le processus de renvoi et protéger le pays contre les personnes dangereuses (E 8.6.17, Müller Damian)

17.3044

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

22 mai 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2018-3811

4541

Condensé La police doit obtenir davantage de moyens pour gérer les personnes présentant un danger de nature terroriste (ci-après terroristes potentiels). La loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT) complète, par des mesures de police préventive, les instruments dont dispose la Suisse pour lutter contre le terrorisme.

Contexte La menace terroriste reste élevée en Europe et donc en Suisse également. Au cours des dernières années, la Suisse a renforcé ses instruments de lutte contre le terrorisme. En 2015, le Conseil fédéral a adopté la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste. Cette stratégie vise entre autres à empêcher la commission d'actes terroristes en Suisse, à prévenir toute exportation du terrorisme depuis la Suisse, à éviter que son territoire ne soit utilisé comme base de soutien au terrorisme, à apporter un soutien aux États étrangers dans la lutte contre le terrorisme et à faire en sorte qu'aucun chantage ne soit exercé par des terroristes. Les mesures décrites dans cette stratégie concernent toutes les phases de la chaîne de radicalisation d'une personne ­ des premiers signes de radicalisation à sa réintégration dans la société en passant par une éventuelle poursuite pénale accompagnée d'une exécution de peine. L'analyse des instruments actuels du droit fédéral a permis au Conseil fédéral d'identifier les domaines dans lesquels le dispositif de la lutte contre le terrorisme doit être renforcé.

Différents projets sont en cours pour renforcer ce dispositif: en novembre 2017, la Confédération et les cantons ont adopté le Plan d'action national de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent (PAN), qui comprend 26 mesures et dont la mise en oeuvre est en cours. Celui-ci prévoit notamment de sensibiliser les personnes-clés, de mettre en place ou de conserver les services de prévention de la violence et de mieux mettre en réseau les acteurs compétents. La révision partielle du code pénal vise en particulier à renforcer les instruments de l'action pénale. Il s'agit d'une part d'augmenter la peine encourue et, d'autre part, de rendre punissables le recrutement, l'entraînement de candidats au terrorisme et les voyages effectués dans le but de commettre des attentats. La coopération internationale en matière pénale et la collaboration des
cellules de renseignements financiers doivent également être renforcées.

PAN, MPT, droit pénal: articulation de diverses mesures La présente loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme vise à renforcer les mesures policières existantes en dehors d'une procédure pénale. Ces mesures peuvent être appliquées avant la procédure pénale, après l'exécution de la peine, mais aussi, selon les circonstances, pour compléter les mesures de substitution relevant de la procédure pénale.

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Le but des nouvelles mesures policières est d'empêcher qu'un nombre toujours plus important de personnes se tournent vers la violence. La chaîne d'intervention n'est pas linéaire. Selon le cas, la Confédération et les cantons doivent décider ensemble des mesures qui conviennent. Une gestion de cas commune doit être mise en place, qui permet le suivi étroit d'une personne au moyen des mesures adéquates.

Les mesures prévues s'appliquent de manière subsidiaire et complémentaire aux mesures sociales, intégratives et thérapeutiques des villes, des communes et des cantons et de manière subsidiaire aux mesures cantonales et communales de prévention générale des menaces qui complètent les mesures du droit pénal. La Confédération assume essentiellement un rôle de coordination et de soutien. La compétence de diriger les différents cas reste réservée aux autorités communales et cantonales compétentes. L'interaction des mesures sociales, intégratives, thérapeutiques et policières aux divers échelons de l'État a fait ses preuves dans le domaine de la prévention et oriente également la lutte contre le terrorisme.

Contenu du projet Le projet prévoit les mesures de police administratives suivantes, qui peuvent être prononcées à l'encontre de terroristes potentiels: obligation de se présenter et de participer à des entretiens, interdiction de contact, interdiction géographique, assignation à une propriété et interdiction de quitter le territoire.

La lutte antiterroriste est aussi souvent une lutte contre des organisations criminelles. L'Office fédéral de la police (fedpol) doit désormais être autorisé à mener des recherches discrètes sur Internet et dans les médias électroniques.

L'actuelle loi fédérale sur les étrangers et l'intégration prévoit la possibilité de placer en détention temporaire les étrangers contre lesquels un renvoi du territoire suisse a été prononcé afin de garantir l'exécution de la mesure. Le présent projet étend cette possibilité aux étrangers frappés d'une décision de renvoi ou d'expulsion qui représentent une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse.

En outre, les personnes sous le coup d'une expulsion obligatoire entrée en force ne seront plus admises provisoirement.

fedpol doit pouvoir signaler dans le Système d'information Schengen et dans le système national de recherches RIPOL les personnes dont il y a tout lieu de croire qu'elles préparent ou commettent une infraction grave. L'échange d'informations

4543

entre les autorités est en outre amélioré grâce à l'élargissement des droits d'accès aux systèmes d'information fédéraux. Enfin, la vérification des antécédents des collaborateurs des autorités et des entreprises ayant accès à la zone de sûreté d'un aéroport en Suisse est mieux réglée.

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Table des matières Condensé

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1

Présentation du projet 1.1 Contexte 1.2 Réglementation proposée 1.3 Appréciation de la solution retenue 1.3.1 Généralités 1.3.2 Autres modifications 1.3.3 Évaluation des résultats de la consultation 1.4 Adéquation des moyens requis 1.5 Comparaison avec le droit étranger, notamment européen et avec le droit cantonal 1.6 Classement d'interventions parlementaires

4546 4546 4550 4553 4553 4557 4557 4562

2

Commentaire des dispositions

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3

Conséquences 3.1 Conséquences pour la Confédération 3.1.1 Conséquences financières 3.1.2 Conséquences sur l'état du personnel 3.1.3 Autres conséquences 3.2 Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne 3.3 Conséquences économiques, sociales et environnementales

4626 4626 4626 4627 4628

4

5

4563 4571

4629 4631

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral 4.1 Relation avec le programme de la législature 4.2 Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

4631 4631 4631

Aspects juridiques 5.1 Constitutionnalité 5.2 Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse 5.3 Forme de l'acte à adopter 5.4 Frein aux dépenses 5.5 Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale 5.6 Conformité à la loi sur les subventions 5.7 Délégation de compétences législatives 5.8 Protection des données

4632 4632 4634 4634 4634 4635 4636 4636 4637

Loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT) (Projet)

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Message 1

Présentation du projet

1.1

Contexte

Le terrorisme menace l'État de droit et les valeurs démocratiques de la Suisse, mais aussi les libertés de sa population. Avec le djihadisme, le terrorisme prend un nouveau visage. Il apparaît de plus en plus comme un terrorisme à bas coût, mis en oeuvre avec peu de moyens et sans grande planification par des auteurs isolés. Ces attaques à bas coût peuvent frapper n'importe qui, n'importe où. Contrairement à des organisations terroristes comme (autrefois) la Fraction armée rouge (FAR) ou l'Armée républicaine irlandaise (IRA), le terrorisme djihadiste est un péril mondial.

Ses attaques sont dirigées contre des cibles très variées et visent généralement la population des sociétés occidentales libres et ouvertes. Pour atteindre ses objectifs, le terrorisme djihadiste utilise habilement Internet et les médias sociaux.

La menace que représentent l'État islamique (EI), Al-Qaïda et d'autres organisations terroristes djihadistes reste élevée, en Suisse également. L'EI exhorte explicitement ses membres à mener des attentats là où ils se trouvent, avec les moyens et les capacités dont ils disposent. De ce fait, ce sont essentiellement des individus et de petits groupes résidant dans notre pays mais inspirés par ces organisations terroristes qui sont susceptibles de commettre des attentats sur sol suisse ou de planifier des attentats à l'étranger depuis la Suisse. Dans un tel contexte, les mesures répressives ne sont pas suffisantes pour lutter contre le terrorisme. C'est à la société tout entière de protéger de cette menace l'État de droit et la liberté qui en découle. Le travail visant à détecter et empêcher la radicalisation d'une personne déterminée dans son environnement social au moyen de mesures telles que celles prévues par le Plan d'action national du 4 décembre 2017 de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent (PAN)1 est essentiel. Si la personne poursuit sa radicalisation, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) prend à son tour des mesures destinées à identifier la menace. Si une personne radicalisée reste dangereuse, des mesures policières de contrainte doivent être mises en place pour l'empêcher de commettre un acte déterminé. C'est dans ce cas que s'appliquent les mesures de police préventive prévues dans le présent projet relatif aux mesures policières de lutte
contre le terrorisme (MPT). Une idéologie et des convictions terroristes ou fondamentalistes ne justifient pas, à elles seules, que soient déployées des mesures de police préventive.

Ce n'est que lorsque la radicalisation d'une personne menace de se muer en activité terroriste que l'intervention de l'État est indiquée et justifiée. Le présent projet a pour but de compléter par d'autres mesures de police préventive les moyens d'action dont la Confédération et les cantons disposent déjà ou dont il est prévu qu'ils puissent bientôt disposer.

1

À consulter sous: www.svs.admin.ch > Documentation > Plan d'action national de lutte contre la radicalisation et l'extrémisme violent (état au 11.3.2019).

4546

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Les personnes suivantes peuvent notamment représenter une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure: ­

les personnes faisant l'objet d'une condamnation entrée en force en Suisse pour avoir commis des infractions en lien avec le terrorisme, mais qui continuent de menacer la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse après l'exécution des peines et des mesures en raison de leur idéologie terroriste;

­

les détenus tentant de radicaliser leurs codétenus ou de conforter leur intention de commettre des attentats terroristes;

­

les recruteurs qui essaient, par l'intermédiaire d'Internet, de convaincre des personnes de soutenir une organisation terroriste et de les inciter à participer à des activités terroristes;

­

les combattants qui, de retour des zones de conflit, reviennent en Suisse avec des intentions terroristes, et

­

les ressortissants étrangers qui représentent une menace pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, mais qui ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays d'origine ou de provenance en raison du principe de non-refoulement, et qui restent en Suisse dans un premier temps.

Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste: compléter l'arsenal des mesures Au vu de cette menace, le Conseil fédéral a adopté la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste2 le 18 septembre 2015. Cette stratégie a pour principaux objectifs d'empêcher la commission d'actes terroristes en Suisse, de prévenir toute exportation du terrorisme depuis la Suisse et d'éviter que son territoire ne soit utilisé comme base de soutien au terrorisme. Elle cite quatre domaines d'action permettant d'atteindre ces objectifs: la prévention, la répression, la protection et la prévention des crises et analyse pour chacun de ces domaines les instruments à disposition et les lacunes à combler.

Prévention: avec l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 25 septembre 2015 sur le renseignement (LRens)3 le 1er septembre 2017, le SRC a désormais à sa disposition des outils efficaces pour identifier les menaces et les personnes dites à risque. Les autorités cantonales d'exécution collectent des informations sur leur territoire en se fondant sur la LRens et le mandat confié par le SRC. Chaque canton dispose pour cette tâche d'un service spécialisé ­ le service de renseignement du canton, abrégé SRCant ­ habituellement rattaché à la police cantonale. Ces services de renseignement jouent, dans un certain nombre de cantons, un rôle important dans le domaine de la gestion des menaces que représentent les personnes radicalisées (djihadistes).

Les mesures préventives du SRC servent à identifier la menace que représente une personne. À l'inverse, les mesures de police préventive imposent certains comportements aux terroristes potentiels, au besoin en recourant à la contrainte4.

Répression: le 14 septembre 2018, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à l'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention du Conseil de 2 3 4

FF 2015 6843 RS 121 Concernant cette distinction, cf. les explications au ch. 1.3.1.

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l'Europe pour la prévention du terrorisme et de son Protocole additionnel et concernant le renforcement des normes pénales contre le terrorisme et le crime organisé5 à l'intention du Parlement, dans le but de renforcer l'arsenal pénal. Ce projet réprime notamment le recrutement et l'entraînement de terroristes et les voyages effectués à des fins terroristes, le «tourisme du djihad» en particulier. La notion d'organisation terroriste est désormais aussi clairement définie dans le code pénal (CP)6 (art. 260ter P-CP7). La loi fédérale du 12 décembre 2014 interdisant les groupes «Al-Qaïda» et «État islamique» et les organisations apparentées8, dont la durée de validité est limitée, est dès lors transformée en droit permanent. Ce projet vient compléter l'éventail des mesures pénales permettant de poursuivre les actes de terrorisme au sens de la Convention du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005 pour la prévention du terrorisme9.

Le terrorisme ne peut être combattu avec les moyens d'intervention du seul droit pénal. L'adaptation de ce dernier ne suffit donc pas pour atteindre l'objectif visé, à savoir la prévention du terrorisme en Suisse. La radicalisation d'un individu susceptible de l'amener à commettre un acte terroriste exige de la part de l'État une intervention précoce, dès que se manifeste un comportement social particulier. fedpol a créé un modèle présentant les six phases de la radicalisation (la phase 4 est divisée en 4a [Procédure pénale] et 4b [Condamnation]):

Au tout début de la radicalisation, il est crucial que les autorités communales et cantonales prennent des mesures sociales, éducatives, thérapeutiques, médicales ou d'autre nature pour empêcher la (poursuite de la) radicalisation de la personne ou pour enrayer ce processus.

Soucieux de contrôler la menace que peut représenter une personne radicalisée pour les autres ou pour elle-même, plusieurs cantons ont ainsi instauré ­ ou sont en train de le faire ­ une gestion de cas (aussi nommée gestion des menaces) coordonnée entre les différentes autorités. La gestion de cas permet d'assurer la nécessaire coordination et le contrôle de l'ensemble des mesures sociales, éducatives, thérapeutiques, médicales ou d'autre nature dans le cadre d'une table ronde réunissant les autorités concernées (SRCant, autorités de migration, services sociaux et autorités de protection de l'enfant et de l'adulte, par ex.). Selon le degré de radicalisation de la personne concernée et le risque qui en découle, différentes mesures peuvent aujourd'hui déjà être prises à son encontre dans le cadre d'une gestion de cas.

5 6 7 8 9

FF 2018 6469 RS 311.0 FF 2018 6557 RS 122 FF 2018 6571

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Le PAN, adopté par le Réseau national de sécurité (RNS) le 24 novembre 2017 et présenté au public le 4 décembre 2017, propose de telles mesures ainsi que des recommandations sur la manière d'identifier et d'empêcher les différentes formes de radicalisation politique et idéologique et d'extrémisme violent. La collaboration au plan local étant déterminante dans la prévention de la radicalisation, le plan d'action national a été élaboré avec le concours de villes et de communes.

Au cours des dernières années, la Suisse a franchi d'importantes étapes en vue de la mise en oeuvre et de la ratification d'une série de traités internationaux dont l'objectif commun était de combattre et de prévenir le terrorisme. Elle apporte aujourd'hui sa contribution à la lutte internationale contre le terrorisme en tant qu'État partie. Les traités en question, et plus particulièrement les plus récents d'entre eux, contribuent à créer des chaînes de punissabilité qui vont de pair avec une répression renforcée en amont des infractions.

En outre, l'idée du présent projet de loi est de créer des mesures supplémentaires à caractère préventif qui n'ont pas besoin de se fonder sur un soupçon concret d'infraction. La création d'une telle base légale exige le plus grand soin, vu l'importante restriction des droits fondamentaux et des droits de l'homme qu'elle implique. Il convient notamment d'accorder une attention particulière aux principes de proportionnalité et de précision dans l'élaboration et l'application des bases légales.

Concrètement, il s'agit de concevoir des nouveaux instruments de police conformes aux droits fondamentaux et au droit international et de les appliquer. Le droit à la liberté personnelle, la liberté d'expression, la liberté de réunion et d'association, la liberté de conscience et de croyance et d'autres droits importants tels qu'ils figurent dans la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)10, dans le Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques (Pacte II de l'ONU)11 et dans d'autres traités de droit international, de même que dans le catalogue des droits fondamentaux de notre Constitution (Cst.)12 (art. 7 à 36), prennent à cet égard une importance particulière.

10 11 12

RS 0.101 RS 0.103.2 RS 101

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1.2

Réglementation proposée

La présente loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme permet de combler, dans l'optique d'un dispositif global de défense contre le terrorisme, certaines lacunes dans les domaines d'action de la prévention et de la protection: Les mesures de police préventive doivent s'appliquer essentiellement de la manière suivante: ­

avant l'ouverture d'une procédure pénale, lorsque des mesures sociales ou thérapeutiques visant à prévenir la menace présumée que représente la personne radicalisée ne suffisent plus ou qu'il n'y a pas encore d'éléments suffisants pour ouvrir une procédure pénale;

­

après la fin de la procédure pénale et l'exécution d'une peine privative de liberté, lorsque les autorités de sécurité considèrent que la personne condamnée et libérée continue de constituer une menace pour la sécurité intérieure, et

­

pendant que la procédure pénale est en cours, si aucune autre mesure relevant de la procédure pénale n'a été ordonnée qui déploie le même effet qu'une mesure MPT.

Les mesures proposées doivent compléter les dispositions de prévention des cantons et des communes à l'égard de personnes radicalisées.

Toutefois, lorsque les mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques destinées à prévenir la menace que représente la personne radicalisée ne suffisent pas, il faut pouvoir ordonner des mesures de police préventive appropriées. Les mesures qui peuvent s'appliquer sont alors celles des législations cantonales en matière de police ainsi que, et c'est là que réside la nouveauté, celles qui sont proposées ici pour les compléter. Ces dernières visent en particulier à empêcher les personnes radicalisées et jugées dangereuses de se rendre dans une zone de conflit (saisie des documents de voyage, obligation de se présenter), à limiter leurs mouvements (interdiction géo4550

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graphique) et à leur interdire de se mettre en rapport avec des réseaux criminels de recrutement (interdiction de contact). Ces nouvelles mesures ne peuvent être ordonnées que si les mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques et les mesures communales et cantonales de prévention générale des menaces ne sont pas suffisantes.

Le principe de la subsidiarité est donc respecté.

Conformément aux recommandations du PAN, les mesures policières proposées ici compléteront le dispositif de la manière suivante: ­

Pour que les autorités puissent identifier le milieu criminogène et les réseaux criminels dans lesquels les personnes radicalisées évoluent, fedpol doit pouvoir les signaler dans les systèmes d'information de police aux fins de surveillance discrète.

­

Afin d'identifier les connexions criminalo-terroristes (en anglais Crime Terror Nexus), autrement dit les liens entre le crime organisé et les réseaux djihadistes, fedpol doit être en mesure de charger, même en dehors d'une procédure pénale, des agents de mener des recherches secrètes sur Internet et dans les médias sociaux.

Le choix et les modalités des diverses mesures s'inspirent en bonne partie d'instruments existants similaires, qui servent également à parer à la menace que certaines personnes font peser sur la sécurité (cf. ch. 1.3.1).

Les nouvelles mesures permettent de mettre en place au niveau cantonal et fédéral une gestion des menaces multidisciplinaire, globale et ancrée dans la loi dans le but de faire appliquer dans chaque cas une combinaison de mesures à même de contrer la radicalisation (croissante) d'une personne aussi efficacement que possible.

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1.3

Appréciation de la solution retenue

1.3.1

Généralités

Complément des mesures sociales, intégratives et thérapeutiques La lutte contre le terrorisme est un défi pour l'ensemble de la société qui requiert de nombreuses mesures aux différents échelons et dans divers champs d'action. Il est d'une importance fondamentale d'identifier la radicalisation d'une personne à un stade précoce et d'empêcher qu'elle ne progresse. Le PAN présente des mesures et des recommandations d'actions permettant de détecter et de combattre à un stade précoce une radicalisation de nature idéologique et politique et un extrémisme violent. Il ne peut cependant être exclu qu'une radicalisation existante ou qui se profile et que la menace qui en résulte ne puissent être contrées de manière suffisante à l'aide de mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques. Dans de tels cas, des mesures de police préventive spécifiquement adaptées aux menaces terroristes doivent pouvoir être ordonnées. Elles servent à gérer efficacement les menaces directes et comprennent parfois un volet social et intégratif (notamment l'obligation de participer à des entretiens; nouvel art. 23k de la loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure [LMSI] 13). Selon le présent projet, les mesures de police préventive ne doivent pas supplanter les mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques, mais s'appliquer à titre subsidiaire et complémentaire: les mesures de police préventive ne peuvent être ordonnées que si des mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques ne suffisent pas pour contrer efficacement la menace que représente une personne. En outre, les mesures de police préventive doivent être accompagnées ou complétées par des mesures sociales, intégratives et thérapeutiques. Par exemple, un programme d'occupation communal peut être exécuté outre une obligation de se présenter et de participer à des entretiens de police préventive. Cette articulation entre des mesures sociales, intégratives et policières a déjà fait ses preuves dans d'autres domaines ­ par exemple dans la prévention de la violence domestique ­ et doit aussi être utilisée dans la lutte contre le terrorisme.

Compétence fédérale d'ordonner Les mesures de police préventive désormais prévues par la LMSI sont ordonnées, selon la conception du projet, par la Confédération (fedpol), mais leur
exécution incombe aux cantons. La consultation a mis en évidence que la majorité des cantons approuvent l'idée que la compétence d'ordonner revienne à fedpol même si une minorité de cantons se montrent critiques à cet égard. Certains d'entre eux ont émis le souhait d'ordonner de leur propre compétence les mesures de police préventive.

Cela serait toutefois incompatible avec la demande d'associer la Confédération à la lutte menée par la police préventive contre le terrorisme: pour que la lutte contre les menaces terroristes soit efficace, il est important d'agir selon une procédure uniforme et coordonnée. Il convient en particulier de se rappeler que les terroristes potentiels forment souvent des réseaux allant au-delà des frontières cantonales et nationales et que l'échange d'informations avec les autorités suisses et étrangères 13

RS 120

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joue un rôle central. La compétence d'ordonner revenant à la Confédération permet d'assurer que, s'agissant de la lutte préventive contre les activités terroristes, la coordination opérationnelle soit assumée par TETRA (Terrorist Tracking), qui est dirigé par fedpol. Dans le cadre de TETRA, les autorités fédérales et cantonales engagées dans la lutte contre le terrorisme coordonnent et optimisent leur travail.

Une vue d'ensemble des cas aussi complète que possible est ainsi obtenue au niveau national. Outre fedpol, les autorités suivantes participent à TETRA: le SRC, le Ministère public de la Confédération (MPC), le Centre de gestion des crises et la Division politique de sécurité du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), l'Administration fédérale des douanes (AFD), le Secrétariat d'État aux migrations (SEM), l'Office fédéral de la justice (OFJ), l'État-major de conduite Police (EM cond P) et la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS). Le cas échéant, le travail de coordination de TETRA inclut également d'autres services administratifs comme les offices cantonaux des migrations, les services sociaux et les autorités d'exécution des peines. Cela permet de garantir que la lutte contre les activités terroristes soit menée selon des principes uniformes et que la manière de procéder soit coordonnée.

Différences par rapport aux mesures du SRC La lutte contre le terrorisme fait clairement partie des priorités du SRC. Les bases légales de la nouvelle LRens donnent au SRC divers moyens de rechercher des informations et d'échanger des données dans ce domaine. Le postulat Müller Damian 17.3044 du 1er mars 2017 «Améliorer le processus de renvoi et protéger le pays contre les personnes dangereuses» soulève la question visant à déterminer si le SRC dispose ou non de compétences suffisantes nécessaires pour pouvoir échanger des informations sur les personnes dangereuses et mener des investigations conjointes avec les services partenaires étrangers. Il est encore trop tôt pour répondre à cette question. Comme le Conseil fédéral l'a mentionné dans ses avis sur les motions Walliser 17.3730 du 26 septembre 2017 «Surveillance permanente des personnes dangereuses» et Amstutz 17.3779 du 27 septembre 2017 «Convocation des personnes à risque par le Service de renseignement de la
Confédération», la LRens, entrée en vigueur le 1er septembre 2017, doit être appliquée et les résultats doivent être analysés avant de pouvoir y répondre.

Relevons dans ce contexte que les mesures préventives du SRC ­ ou des SRCant agissant en vertu de la LRens ou sur mandat du SRC ­ servent à identifier la menace que représente une personne ou un groupe de personnes et n'incluent pas de mesures de contrainte. À l'inverse, les nouvelles mesures de police préventive imposent certaines obligations aux terroristes potentiels, au besoin en recourant à la contrainte.

Ce cloisonnement voulu par le législateur entre la recherche d'informations sur une personne par le SRC et le prononcé de mesures policières à l'encontre d'une personne se retrouve dans la séparation organisationnelle entre le SRC/SRCant et fedpol. Par exemple, ce n'est pas le SRC qui prononce des interdictions d'entrée et des expulsions à l'encontre de terroristes potentiels mais fedpol, après avoir consulté le SRC (art. 67, al. 4, et 68, al. 1, de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration [LEI]14). Cette répartition des tâches a fait ses preuves et 14

RS 142.20

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doit être poursuivie avec le présent projet de loi. La recherche d'informations relevant du renseignement et les mesures de police préventive ne s'excluent pas mais se complètent.

Complément des instruments pénaux et de procédure pénale Les mesures de police préventive visées aux art. 23k à 23q P-LMSI servent à prévenir les menaces terroristes. Elles ne déploient pas d'effet pénal et n'impliquent pas l'ouverture ou la clôture d'une procédure pénale. Elles doivent empêcher que des infractions terroristes soient commises. À la différence des mesures de procédure pénale, elles peuvent également être prononcées à l'encontre de personnes n'ayant jamais commis d'infraction.

Des mesures de contrainte relevant de la procédure pénale ne peuvent en revanche être prises qu'en cas de soupçons d'importance pénale. Il n'y a souvent au début que des indices signalant une menace terroriste. Ces indices ne constituent pas encore un soupçon véritable mais ne peuvent pas être ignorés vu la gravité de la menace potentielle pour la sécurité intérieure et extérieure. La détention pour risque de passage à l'acte prévue par le code de procédure pénale (CPP)15 (art. 221, al. 2, CPP) ne relativise qu'en partie le besoin en mesures de police préventive (y compris l'assignation à une propriété). La détention pour risque de passage à l'acte n'implique certes pas l'existence d'un soupçon selon lequel une infraction aurait été commise; cette détention peut être ordonnée pour la simple raison qu'il existe un risque concret de passage à l'acte. L'art. 221, al. 2, CPP présuppose toutefois la menace (explicite ou implicite) de commission d'un crime grave16. S'agissant des terroristes potentiels, rares devraient être toutefois les cas où une menace est émise.

En outre, il existe des comportements qui en soi ne peuvent pas être considérés comme punissables mais qui sont l'expression d'une radicalisation avancée et qui ne peuvent pas être appréhendés efficacement uniquement par des mesures sociales, intégratives et thérapeutiques. L'on songe par ailleurs au cas où une personne a certes purgé sa peine prononcée pour commission d'une infraction à motivation terroriste, mais qui reste une menace pour la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse du fait qu'elle a conservé ses convictions terroristes. Les cas dans lesquels une
personne a certes été frappée d'une décision d'expulsion obligatoire (art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis du code pénal militaire du 13 juin 1927 [CPM]17) mais dont l'expulsion n'a pas été exécutée en vertu du principe de non-refoulement sont eux aussi problématiques. Bien que la personne, dans de tels cas, n'ait pas (encore) commis d'infraction, il doit être possible, eu égard au maintien de la sécurité intérieure ou extérieure, de lutter de manière préventive contre les activités terroristes qu'elle est susceptible de commettre, dans la mesure où aucune menace concrète ne peut être démontrée.

Exceptionnellement, des mesures MPT peuvent être ordonnées même durant une procédure pénale en cours (cf. le commentaire de l'art. 23f P-LMSI).

15 16 17

RS 312.0 ATF 137 IV 339 consid. 2.4 p. 340 RS 321.0

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Lors du choix et du prononcé d'une mesure de police préventive, il s'agit de vérifier dans tous les cas si d'éventuels intérêts importants de la poursuite pénale sont touchés. fedpol et le ministère public compétent doivent se concerter au préalable au sujet de la manière de procéder.

S'inspirer de ce qui a fait ses preuves Les mesures proposées s'inspirent en bonne partie d'instruments similaires existant à l'échelon de la Confédération et des cantons qui servent à prévenir les menaces futures: ­

fedpol peut d'ores et déjà prononcer une interdiction de se rendre dans un pays donné contre une personne dans la mesure où des faits concrets et récents laissent supposer qu'elle prendra part à des actes de violence lors d'une manifestation sportive dans le pays de destination (art. 24c LMSI);

­

en vertu de l'art. 74 LEI, une assignation d'un lieu de résidence ou une interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut être ordonnée à l'encontre d'un ressortissant étranger ne disposant pas d'autorisation lorsque celui-ci trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics;

­

l'art. 67b CP permet d'ordonner une interdiction de contact ou une interdiction géographique lorsqu'une personne a commis un crime ou un délit contre une ou plusieurs personnes déterminées ou contre les membres d'un groupe déterminé et s'il y a lieu de craindre qu'elle commette un nouveau crime ou délit en cas de contact avec ces personnes;

­

diverses mesures de protection comme l'interdiction géographique et l'interdiction de contact existent en outre dans le domaine de la lutte contre la violence domestique (cf. par ex. le § 3 la loi du 19 juin 2006 relative à la protection contre la violence du canton de Zurich [GSG]; LS 351).

Rôle subsidiaire de la Confédération S'agissant des menaces pour la sécurité intérieure ou extérieure, l'intervention de la Confédération est indiquée. Les nouvelles mesures de police préventive ne doivent toutefois pas être appliquées uniquement de manière subsidiaire et complémentaire aux mesures sociales, intégratives et thérapeutiques. Elles doivent également être subsidiaires aux mesures cantonales de prévention générale des menaces et être autant que possible appliquées en tenant compte des domaines cantonaux de compétence et d'action et en les ménageant. La lutte contre le terrorisme est un défi qui concerne toute la société et elle doit être menée conjointement en tenant compte des structures existantes. Le présent projet permet l'imbrication efficace des nouvelles mesures de police préventive avec les mesures existantes du dispositif de défense des villes, des communes et des cantons. Dans le respect du principe de subsidiarité, la Confédération assume un rôle de coordination et de soutien. Comme le montre le présent projet, ce sont les cantons ­ mis à part le droit de demander du SRC ­ qui demandent à la Confédération de prononcer des mesures de police préventive. En outre, la compétence de gérer certains cas (ou gestion des menaces) reste réservée aux autorités communales et/ou cantonales compétentes.

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1.3.2

Autres modifications

Le présent projet fournit l'occasion d'apporter les modifications à d'autres lois en vigueur que la LMSI qui s'imposent en lien avec la lutte contre le terrorisme. Il est ainsi garanti dans la LEI et dans la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi)18 que les personnes contre lesquelles fedpol a rendu une décision d'expulsion entrée en force mais qui ne peut être exécutée (art. 68 LEI) puissent être traitées comme les personnes frappées d'une expulsion obligatoire, entrée en force mais qui ne peut être exécutée, au sens de l'art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis CPM19. Par ailleurs, un nouveau motif de détention, celui de la menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, est créé dans la LEI pour la détention en phase préparatoire (art. 75 LEI) et pour la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 76 LEI).

Relevons en particulier les nouveautés introduites dans la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération et les centres communs de coopération policière et douanière avec d'autres États (LOC)20. La lutte contre la criminalité complexe et transfrontalière comme le terrorisme dans le contexte actuel d'Internet et des médias sociaux requiert d'une part de nouvelles structures et formes de coopération et, d'autre part, une plus grande coordination entre la Confédération et les cantons. Les adaptations de la LOC offrent la base de ces défis posés à la collaboration policière entre les différents niveaux étatiques.

1.3.3

Évaluation des résultats de la consultation

Le 8 décembre 2017, le Conseil fédéral a approuvé l'avant-projet de loi fédérale sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme (MPT) et a autorisé le Département fédéral de justice et police (DFJP) à effectuer une procédure de consultation.

Cette consultation s'est déroulée du 8 décembre 2017 au 28 mars 201821.

Tous les cantons sont d'avis qu'il est nécessaire de légiférer et approuvent le projet dans ses grandes lignes. Ils sont nombreux à souhaiter avant tout des précisions concernant le financement et la collaboration avec la Confédération. Certains approuvent le projet pour autant que la Confédération assume les coûts de l'exécution des mesures de police préventive. La consultation a mis en évidence que la majorité des cantons sont d'accord avec le fait que la compétence d'ordonner revienne à fedpol même si une minorité d'entre eux se montrent critiques à cet égard. Ils craignent en particulier que la compétence des cantons et des communes de diriger les cas soit amoindrie.

Les 4 partis suivants estiment qu'il est nécessaire de légiférer: PBD, PDC, PLR et UDC. Le PS considère le projet d'un oeil à la fois critique et approbateur. 2 partis (PVL, Les Verts) et 6 organisations (Amnesty Int., humanrights.ch, droitsfondamentaux.ch, Digit. Gesellschaft, JDS, JP) sont clairement d'avis qu'il n'est pas néces18 19 20 21

RS 142.31 Voir commentaire de l'art. 83 LEI.

RS 360 Le rapport présentant les résultats de la consultation peut être consulté sous: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2019 > DFJP.

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saire de légiférer. Ils ne nient pas la nécessité de prendre des mesures de prévention appropriées face à la nouvelle menace terroriste, mais estiment que les instruments existants sont suffisants.

Modification du projet envoyé en consultation Les principales décisions prises dans le cadre de l'évaluation des résultats de la consultation sont les suivantes: ­

introduction de la notion de «terroriste potentiel» au niveau de la loi, précisant les conditions du prononcé des mesures de police préventive et créant la sécurité du droit (cf. le commentaire de l'art. 23e P-LMSI);

­

création d'une base expresse concernant la vérification des antécédents du personnel des entreprises de transport aérien et des exploitants d'aéroport (cf. le commentaire du nouvel art. 108b de la loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation [LA]22), et

­

divers ajouts complétant le texte normatif dans le but de formuler les nouvelles réglementations de manière plus précise (cf. le commentaire des articles concernés).

La proposition d'introduire un placement sécurisé pour les personnes potentiellement dangereuses qui était ressortie de la procédure de consultation est écartée: La Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) et les cantons AR, BL, GL, GR, SH, SO, TG et VS ont exprimé le souhait, dans le cadre de la consultation, d'envisager la mise en place d'un placement sécurisé pour les terroristes potentiels. Cette forme de placement doit garantir que les personnes ayant déjà fait l'objet d'une condamnation entrée en force pour des infractions terroristes et qui, après avoir purgé leur peine, présentent un risque de récidive concret et sérieux ne puissent sortir de prison sans mesures de sécurité subséquentes. Nous renvoyons à ce propos également à la motion 16.3673 du Groupe de l'UDC «Traitement des personnes qui présentent un danger pour l'État», qui demande entre autres la possibilité d'incarcérer les terroristes potentiels. La question de la détention préventive a également été soulevée dans l'interpellation 16.3795 Pfister «Mise en liberté de djihadistes condamnés. Combler les lacunes de la loi».

Le présent projet de loi vise à combler les lacunes du droit actuel concernant la gestion des terroristes potentiels. Le Conseil fédéral a examiné de manière approfondie la demande émise par les participants à la consultation concernant l'introduction du placement sécurisé; il est parvenu à la conclusion que les objectifs d'un tel placement peuvent être atteints par différentes possibilités existantes en matière de mise en détention ou d'autres restrictions de la liberté. Il convient de mentionner dans ce contexte le relèvement du plafond de peines proposé par le Conseil fédéral concernant la participation et le soutien à des organisations terroristes (peine privative de liberté de 10 ans au plus ou peine pécuniaire, peine privative de liberté de

22

RS 748.0

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20 ans au plus pour les cas qualifiés; art. 260ter, al. 2 et 3, P-CP23). Cela permet de combler une importante lacune dans le droit pénal en matière de terrorisme. Mentionnons également la possibilité de garde à vue basée sur les lois cantonales sur la police. Il est par ailleurs possible de prononcer une détention relevant du droit des étrangers (par ex. une détention en vue du renvoi ou de l'expulsion) en vertu de la LEI (art. 75 ss LEI). Ici, le Conseil fédéral a relevé une lacune dans les cas de menace contre la sécurité intérieure ou extérieure, que le présent projet vise à combler (art. 75, al. 1, let. i, 76, al. 1, let. b, ch. 1, et 76a, al. 2, let. j, P-LEI). Enfin, on citera le placement à des fins d'assistance ou de traitement (art. 426 ss du code civil [CC]24), qui ne peut s'appliquer que si un terroriste potentiel est atteint de troubles psychiques ou d'une déficience mentale et si son comportement représente une menace pour lui-même et éventuellement aussi pour des tiers. Enfin, un élément central du dispositif est l'internement en vertu de l'art. 64 CP. Cette mesure peut être ordonnée si l'auteur a commis une infraction grave, comme un assassinat, un meurtre, une lésion corporelle grave, un viol ou une autre infraction passible d'une peine privative de liberté maximale de cinq ans au moins, par laquelle il a porté ou voulu porter une atteinte particulièrement grave à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui et s'il est sérieusement à craindre qu'il ne commette d'autres infractions du même genre.

Le présent projet de loi prévoit par ailleurs l'assignation à une propriété, qui restreint la liberté de mouvement d'une personne indépendamment de toute condamnation pénale. Cette mesure peut également être appliquée à l'encontre de personnes ayant purgé une peine privative de liberté si elles continuent de représenter une menace terroriste. Cela présuppose qu'elles ont enfreint une mesure MPT prononcée à leur encontre après leur mise en liberté (concernant ce mécanisme, voir le commentaire de l'art. 23o P-LMSI). L'assignation à une propriété peut par ailleurs être ordonnée pour une durée plus longue que la garde à vue policière, qui s'appuie sur le droit cantonal et qui est généralement strictement limitée dans le temps.

Le Conseil fédéral est d'avis que le présent projet de
loi ne comporte plus de lacunes devant être comblées par l'introduction d'une mesure de placement sécurisé tel qu'il est décrit ci-dessus. Le but visé par cette mesure peut notamment être rempli par l'internement, ce qui implique certes que ce dernier soit demandé et ordonné de manière systématique. Vous trouverez ci-après plusieurs exemples de cas montrant que le placement sécurisé n'est pas nécessaire: Cas n° 1: attentat terroriste dans un centre-ville, en fin de journée. Un homme âgé de 29 ans ouvre le feu dans la foule et attaque les passants à coups de couteau. Selon des témoins, il aurait crié «Allahu Akhbar». Cette attaque fait cinq morts et plusieurs blessés graves.

Une mesure de placement sécurisé n'est pas nécessaire dans ce cas: il est possible d'ordonner un internement en vertu de l'art. 64 CP. Au moment de la libération, un délai d'épreuve est fixé et une assistance de probation ainsi que des règles de con23

24

Message relatif à l'arrêté fédéral portant approbation et mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme et de son Protocole additionnel et concernant le renforcement des normes pénales contre le terrorisme et le crime organisé, FF 2018 6469 (arrêté fédéral: FF 2018 6557) RS 210

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duite peuvent être ordonnées selon les art. 93 ss CP. Pendant cette période de probation, il est possible d'ordonner la réintégration dans l'exécution de la peine notamment en cas de violation d'une règle (art. 95, al. 5, CP) ou «s'il est sérieusement à craindre qu'en raison de son comportement durant le délai d'épreuve, la personne libérée conditionnellement ne commette de nouvelles infractions au sens de l'art. 64, al. 1» (art. 64a, al. 3, CP).

Cas n° 2: un ressortissant suisse âgé de 24 ans s'est converti à l'islam. Il s'est rapidement radicalisé, a rencontré des extrémistes dans une mosquée et a quitté la Suisse pour l'Irak et la Syrie, où il a rejoint l'EI. Après avoir terminé son entraînement auprès de l'EI, il a été affecté à un bataillon. Il affirme n'avoir jamais combattu pour l'EI ni tué personne. Il se trouve actuellement en Syrie du Nord, dans un camp de combattants sécurisé de l'EI. Il veut rentrer en Suisse.

Si l'on peut prouver que la personne en question a commis des infractions graves comme un assassinat ou un viol, un internement est en principe possible. Si les seules infractions prouvées sont la participation ou le soutien à une organisation terroriste selon l'art. 260ter P-CP25, les conditions de l'internement visé à l'art. 64, al. 1, CP ne sont en revanche pas remplies.

Cas n° 3: dans une église du centre-ville, un jeune homme avoue à un prêtre qu'il a été chargé de mener une attaque terroriste. Il prétend avoir sur lui une arme à feu, avec laquelle il est censé tuer des personnes sur mandat d'une organisation terroriste.

Il dit par ailleurs que son sac à dos, qu'il a laissé près des bancs de l'église, contient une bombe. Une fois la police informée des faits, l'église est évacuée et la zone alentour est bouclée. Les objets trouvés sur les lieux se révèlent être des faux.

A posteriori, on constate qu'aucune menace terroriste n'émanait de cette personne. Il s'agit par contre de vérifier si elle présente des troubles psychiques. Dans la première phase de menace, une privation de liberté est possible sur la base du droit cantonal sur la police si une détention préventive n'a pas déjà été ordonnée dans le cadre de l'ouverture d'une procédure pénale. Lors de la procédure, il convient d'examiner si une mesure ­ par exemple une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 59 CP)
­ s'impose. Au moment de lever cette mesure, il reste la possibilité d'ordonner une mesure de protection de l'adulte (art. 62c, al. 5, CP), qui restreint elle aussi la liberté de la personne concernée.

Cas n° 4: un jeune homme se montre violent à plusieurs reprises avec ses camarades de classe. Il s'isole des «mécréants» et commence à prêcher l'abolition du principe de libre démocratie et l'instauration d'un État basé sur la charia. Il affirme comprendre que certains musulmans réagissent par la violence aux attaques contre l'islam. Sur Internet, il entre de plus en plus souvent en contact avec des personnes qui recherchent des prédicateurs véhiculant un message de haine et de violence.

Ce comportement se situe en dessous du seuil de répression et n'entraîne pas de conséquences pénales. Il n'est donc pas d'emblée nécessaire de mettre en place des mesures de sécurité suite à l'exécution de la peine. Il s'agit plutôt, dans un tel contexte, d'envisager en priorité des mesures sociales et d'accompagnement des jeunes en adéquation avec le PAN. Si ces dernières s'avèrent insuffisantes, des mesures 25

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MPT peuvent être ordonnées. Le non-respect de ces mesures est punissable en vertu de l'art. 29a P-LMSI et entraîne des conséquences pénales. Grâce à ce basculement vers le domaine répressif, où des mesures de contrainte relevant de la procédure pénale sont applicables, il est moins souvent nécessaire de prononcer d'autres mesures préventives.

Cas n° 5: un jeune homme s'est déjà montré violent dans sa jeunesse et a eu des démêlés avec la justice. Ses camarades de classe le décrivaient comme étant colérique et imprévisible. À l'âge de 15 ans, il a décidé de rejoindre le djihad en Syrie, où il est resté trois ans. À son retour en Suisse, le Tribunal pénal fédéral l'a condamné pour plusieurs infractions en lien avec le terrorisme. Il a notamment participé à la création d'une cellule terroriste en Europe. Durant l'exécution de sa peine, le jeune homme n'a pas changé de convictions. Il a notamment affirmé face à ses codétenus que l'usage de la violence terroriste pouvait être légitime. À la fin de sa peine de prison, il est libéré avec sursis à condition de se soumettre à un suivi psychologique et à une interdiction de contact avec certains groupes de personnes prônant la violence. Il respecte ces conditions, raison pour laquelle il est libéré définitivement après trois ans. Peu après, il rencontre un prédicateur qui le ramène à l'idéologie violente qu'il avait abandonnée. Il retombe dans ses anciens schémas et surfe sur Internet à la recherche de personnes partageant ses convictions et favorables à l'idée d'une attaque terroriste. Par ailleurs, il achète plusieurs couteaux.

Tant que le jeune homme se trouve en dessous du seuil de répression, ce cas est comparable au n° 4: il ne s'agit pas d'un cas où un placement sécurisé pourrait être ordonné à titre de mesure de sûreté a posteriori après l'exécution de la peine. Il convient là aussi d'examiner s'il est possible d'exercer une influence positive sur la personne concernée à l'aide de mesures sociales ou thérapeutiques ou si des mesures MPT doivent être prononcées.

La question de la conformité du placement sécurisé aux exigences de la CEDH se pose. Sur mandat de la CCDJP et du DFJP, le professeur Andreas Donatsch a rendu au printemps 2019 son expertise sur cette question. Il est arrivé à la conclusion qu'un placement sécurisé pour personnes dangereuses
ne pouvait pas être appliqué conformément à la CEDH. L'assignation à une propriété proposée par le Conseil fédéral peut en revanche être appliquée de manière conforme à la CEDH, puisque son prononcé présuppose que le terroriste potentiel a enfreint une mesure moins restrictive comme une interdiction de contact ou une obligation de se présenter. Il existe un cas d'application de l'art. 5, ch. 1, let. b, CEDH («en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi»; cf. le commentaire de l'art. 23o PLMSI). En outre, l'assignation à une propriété s'accompagne de conditions strictes et est soumise au contrôle du juge. Elle suffit à remplir les objectifs visés. Dans la pesée des intérêts entre sécurité et constitutionnalité, le Conseil fédéral considère que le dispositif de mesures proposé, y compris l'assignation à une propriété, est dans l'ensemble proportionnel et suffisant (cf. aussi à ce sujet le commentaire de l'art. 23o P-LMSI). La CCDJP soutient la proposition du Conseil fédéral.

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Évaluation globale La prévention du terrorisme se situe à la croisée des chemins entre liberté et sécurité.

Cela vaut en particulier lorsqu'il s'agit de mesures préventives de lutte contre les activités terroristes, comme dans le présent projet. Eu égard aux menaces actuelles et aux lacunes identifiées dans la lutte contre les activités terroristes, il est nécessaire, du point de vue du Conseil fédéral, de renforcer et de compléter les instruments de police préventive. Par ailleurs, les mesures doivent dépendre de conditions claires et prévisibles. En raison de l'effet intrusif des nouvelles mesures, une importance centrale doit être accordée au respect strict des principes de l'État de droit. Ces mesures limitent divers droits fondamentaux et droits de l'homme garantis par la Constitution et le droit international public. Il faut aussi tenir compte du fait qu'une lutte efficace contre les activités terroristes ne peut ni ne doit se limiter aux mesures de police préventive et aux mesures répressives, mais qu'elle requiert un large recours à des mesures sociales, intégratives et thérapeutiques. Enfin, la Confédération doit également respecter les tâches et les domaines de compétence des cantons dans le maintien de la sécurité intérieure et extérieure.

Le Conseil fédéral estime avoir trouvé avec ce projet une voie appropriée et équilibrée entre d'une part le maintien de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse et de sa population et, d'autre part, la protection de la liberté des personnes concernées.

Le rôle subsidiaire de la Confédération laisse une marge de décision suffisante aux cantons. Par ailleurs, les nouvelles mesures de police préventive sont conçues pour compléter les mesures sociales, intégratives et thérapeutiques. Le projet soumis n'entend pas réduire ces mesures, mais vise au contraire à en renforcer l'importance (cf. en particulier le commentaire de l'art. 23f P-LMSI).

1.4

Adéquation des moyens requis

La mise en oeuvre des mesures prévues dans le présent projet visant à protéger la Suisse et sa population face à la menace terroriste entraîne des coûts tant pour la Confédération que pour les cantons. Les mesures de police préventive ont pour but d'empêcher les activités terroristes. Dans ce sens, elles doivent notamment éviter que des mesures répressives soient prises et les remplacer. La mise en oeuvre des mesures policières revient généralement considérablement moins cher à un État qu'une procédure pénale. Il faut s'attendre à ce que cela soit également le cas des mesures MPT. Ainsi, une privation de liberté dans un établissement de détention serait considérablement plus chère que l'assignation à une propriété. Songeons également aux dommages économiques et sociaux d'un attentat terroriste. Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que ces mesures seront prises pour compléter les mesures existantes, qu'elles seront limitées dans le temps et qu'il faudra recourir autant que possible aux structures existantes. Au regard de la situation actuelle de la menace et des répercussions potentiellement étendues des activités terroristes sur les individus, la société et l'État, la charge financière découlant de la mise en oeuvre des mesures MPT est, selon le Conseil fédéral, proportionnelle aux buts visés par le projet.

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1.5

Comparaison avec le droit étranger, notamment européen et avec le droit cantonal

Comparaison avec le droit étranger Sur mandat de fedpol, l'Institut suisse de droit comparé (ISDC) a établi un avis de droit concernant les mesures de prévention du terrorisme prises au niveau international. Cet avis porte sur la situation juridique en Allemagne, en France, en Italie, en Autriche et au Royaume-Uni26. L'Allemagne, la France, l'Italie et l'Autriche ont été sélectionnées car il s'agit d'États limitrophes de la Suisse qui ont une tradition du droit semblable à celle de la Suisse. L'Allemagne et la France ont en outre fait récemment l'objet de visées terroristes. Le Royaume-Uni a pour sa part une longue expérience de la gestion des terroristes potentiels.

L'avis de droit de l'ISDC aboutit aux conclusions suivantes: Obligation de se présenter et de participer à des entretiens Le Royaume-Uni et plus récemment la France possèdent une base légale complète concernant l'obligation de se présenter dans le contexte spécifique de la prévention du terrorisme. Les conditions en sont les mêmes au Royaume-Uni que pour toutes les mesures visées par le Terrorism Prevention and Investigation Measures Act 2011. En France, il existe deux bases légales différentes dans le Code de la sécurité intérieure. L'une pour les personnes de retour sur le territoire soupçonnées de constituer en danger pour la sécurité publique, l'autre pour les personnes soupçonnées de vouloir commettre une infraction terroriste. En outre, il est possible en France, à des fins de prévention du terrorisme, d'obliger une personne à confirmer régulièrement son adresse lorsqu'elle a été poursuivie ou condamnée pour avoir commis un acte terroriste et qu'elle est pour cette raison enregistrée dans un fichier. Il existe certes depuis 2016 en Allemagne une obligation de se présenter visant à empêcher la commission d'infractions terroristes mais elle ne concerne toutefois que les étrangers devant quitter le pays pour des raisons de sécurité intérieure. Il existe en outre en Allemagne dans le droit général sur la police la possibilité de prononcer une obligation de se présenter. Le droit italien prévoit également cette possibilité, mais elle n'est pas réservée aux actes terroristes.

Interdiction de contact Tant au Royaume-Uni qu'en France et en Allemagne, il existe la possibilité de prononcer des interdictions de contact dans le cadre de
la prévention du terrorisme.

Au Royaume-Uni, les mêmes conditions s'appliquent que pour toutes les mesures visées par le Terrorism Prevention and Investigation Measures Act 2011. La France a ajouté deux bases légales à ce sujet dans son Code de la sécurité intérieure, qui concernent les contacts avec les personnes de retour qui sont soupçonnées de vouloir compromettre la sécurité publique et avec les personnes soupçonnées de vouloir commettre des infractions terroristes. En outre, les étrangers peuvent se voir inter26

J. Fournier / J. Curran / J. Frosinski / A.-C. Pierrat / I. Pretelli / N. Straimer / C. Viennet, Massnahmen zur Terrorismusprävention, 22 mai 2018, Institut suisse de droit comparé, avis de l'ISDC 15-195c, consulté sur www.isdc.ch

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dire d'entrer en contact avec des personnes liées à des actes terroristes lorsqu'elles sont frappées d'une assignation à une propriété ou d'une interdiction d'entrée. Le droit allemand autorise, dans le domaine de compétence de la police fédérale, de prononcer une interdiction de contact pour prévenir les dangers liés au terrorisme international ou pour empêcher les infractions terroristes. Le land de Bade-Wurtemberg a émis une réglementation comparable. Il existe en Autriche une réglementation concernant l'interdiction de contact afin d'empêcher que des personnes déjà condamnées ne commettent de nouvelles infractions. En Italie, il est possible d'interdire le contact avec des personnes condamnées pour crime ou contre lesquelles des mesures préventives ont été prononcées.

Interdiction géographique Tous les ordres juridiques examinés ici connaissent certes l'interdiction géographique préventive, des réglementations portant spécifiquement sur la prévention du terrorisme n'existent toutefois qu'en France, au Royaume-Uni et en Allemagne (dans le domaine de compétence de la Bundeswehr et au Bade-Wurtemberg). En Italie, les mesures servent essentiellement à prévenir les infractions graves faisant encourir à leurs auteurs des peines privatives de liberté d'au moins trois ans. Il ne semble exister en Autriche que des mesures générales de droit policer.

Interdiction de quitter le territoire L'Allemagne, la France, l'Italie, l'Autriche et le Royaume-Uni disposent tous de réglementations leur permettant de saisir ou de retirer des documents d'identité afin d'empêcher des personnes de quitter le territoire national à des fins terroristes.

Assignation à une propriété / Assignation à résidence Seule l'Allemagne ne possède pour l'heure pas de réglementation sur la base de laquelle il serait possible d'ordonner une assignation à résidence à titre préventif.

S'agissant des quatre autres ordres juridiques, la France et le Royaume-Uni disposent de ce type de mesures dans le but de prévenir les actes terroristes. Ces deux ordres juridiques prévoient toutefois que l'assignation à résidence ne peut être prononcée que pour un temps limité. Au Royaume-Uni, le lieu où la personne passe la nuit est défini: il s'agit soit de l'appartement de la personne concernée, soit d'un appartement mis à disposition par le ministère
de l'intérieur. S'agissant du droit français, tant le Code de la sécurité intérieure que le Code de procédure pénale autorisent une assignation à résidence préventive qui, tout au moins en vertu du Code de la sécurité intérieure, ne peut durer que huit heures au maximum. Cette prescription s'applique aux personnes de retour pour lesquelles il y a sérieusement lieu de craindre qu'elles ont l'intention de rencontrer un groupe terroriste et de porter atteinte à la sécurité publique en France après leur retour. Si cette mesure est ordonnée à l'encontre d'un mineur, le ministère public localement compétent doit en être informé. Sur la base du Code de procédure pénale, il est possible de prononcer une assignation à résidence lorsque la personne est soupçonnée d'avoir commis une infraction faisant encourir une peine privative de liberté d'au moins deux ans.

L'infraction ne doit pas nécessairement avoir été de nature terroriste. Cette mesure peut aussi être appliquée à l'encontre de mineurs de 16 à 18 ans également passibles d'une assignation à résidence dans une institution pour adolescents. Le droit italien 4564

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contient également une base légale autorisant l'assignation à résidence, qui ne doit toutefois pas nécessairement être en lien avec des actes terroristes, mais qui est prononcée dans le cadre de la poursuite pénale d'un acte faisant encourir à son auteur une peine privative de liberté d'au moins trois ans. Il doit y avoir un risque de fuite, de destruction des preuves ou de récidive. L'assignation à résidence ne peut toutefois pas être prononcée à l'encontre de mineurs. Enfin, le droit autrichien connaît certes aussi l'assignation à résidence sans caractère de sanction, mais cette assignation n'est qu'une suite de la détention provisoire. La personne doit être majeure pénalement, ce qui est le cas à partir de 14 ans.

Surveillance électronique et localisation par téléphonie mobile Il existe aussi bien en France qu'en Allemagne des prescriptions régissant l'utilisation des appareils techniques de localisation ou de localisation par téléphonie mobile à des fins de prévention du terrorisme. Toutefois seule la France règle chaque forme de localisation technique de personnes, de véhicules ou d'objets dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En raison du système fédéral en Allemagne, c'est seulement dans le domaine de compétence de la police fédérale qu'il existe de telles prescriptions, qui concernent à la fois la localisation par téléphonie mobile et la surveillance électronique du lieu de séjour pour prévenir les risques terroristes. Au niveau des länder, il n'existe que quelques prescriptions de ce genre, en particulier dans le land de Thuringe pour ce qui est de la localisation par téléphonie mobile et dans le land de Bade-Wurtemberg pour la surveillance électronique du lieu de séjour. Le droit autrichien dispose certes de diverses bases légales portant sur l'utilisation d'appareils techniques de localisation et sur la localisation par téléphonie mobile qui sont intéressantes, mais elles ne servent pas tant à la prévention du terrorisme qu'à la prévention générale des menaces. Cela comprend le droit des autorités de police de sécurité de se procurer des renseignements sur données de localisation auprès des exploitants de services publics de télécommunication, d'utiliser des moyens techniques de localisation autonome par téléphonie mobile et de se procurer des renseignements sur les données
de localisation dans le but d'empêcher des attaques menaçant la constitution. Le droit du Royaume-Uni ne contient en revanche qu'une base légale destinée à limiter la détention ou l'utilisation de moyens de communication électroniques par la personne concernée et ses colocataires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le droit italien, enfin, n'a pas de base légale prévoyant l'utilisation d'appareils techniques de localisation ni la localisation par téléphonie mobile dans un but de prévention du terrorisme. Le recours au bracelet électronique qui y est réglé sert uniquement à vérifier l'assignation à résidence.

Détention cellulaire sous la forme de l'isolement ininterrompu d'avec les autres détenus Il est possible, dans les cinq ordres juridiques examinés, de placer une personne en détention cellulaire pour des raisons de sécurité ou à titre de mesure disciplinaire.

Toutefois, aucun de ces ordres juridiques ne prévoit de réglementations spéciales pour lutter contre le terrorisme. Les droits allemand et autrichien prévoient la détention cellulaire en tant que mesure de sécurité et en tant que mesure disciplinaire.

L'Italie, la France et le Royaume-Uni ne possèdent que des bases légales portant sur 4565

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la détention cellulaire en tant que mesure de protection ou de sécurité. Dans les cinq ordres juridiques, la détention cellulaire entre en considération en tant que mesure de protection ou de sécurité lorsque sans elle l'établissement serait exposé à un risque sécuritaire grave ou que la discipline serait menacée, en particulier si le potentiel de violence est élevé. Le risque qu'un détenu s'évade ou porte atteinte à sa propre intégrité physique est un motif pris en considération. Situation en Allemagne et en Autriche: pour que puisse s'appliquer la détention cellulaire en tant que mesure disciplinaire ou de sanction, le détenu doit, en Allemagne, avoir été reconnu coupable de manquement à une obligation légale et avoir ainsi commis cette faute à plusieurs reprises ou avoir commis une faute grave; en Autriche, il doit avoir commis une inobservation de prescriptions d'ordre.

Recherches secrètes sur Internet et sur les médias électroniques La France et l'Italie sont les seuls des pays considérés ici à posséder un ordre juridique qui régisse expressément les recherches secrètes sur Internet et sur les médias électroniques à des fins de prévention du terrorisme. En France, la loi permet d'utiliser un pseudonyme pour la communication électronique dans la mesure où une enquête vise une infraction terroriste impliquant à la fois la création ou la diffusion d'un message violent ou incitant au terrorisme, lorsque ce message est susceptible d'être porté à la connaissance d'un mineur, et l'incitation directe d'un mineur à commettre une infraction. En Italie, les recherches secrètes servent à la collecte de preuves. En Autriche et en Allemagne, les recherches secrètes sur Internet ne sont pas réglées explicitement, les prescriptions générales concernant les recherches secrètes s'appliquent néanmoins. Celles-ci ne servent toutefois pas spécifiquement à la prévention du terrorisme. Dans le droit du Royaume-Uni, en revanche, les recherches secrètes sont plutôt une question du droit de procédure où il s'agit de déterminer si les preuves obtenues par ce biais peuvent être utilisées.

Détention préventive Le présent projet de loi ne fonde pas de base légale pour une détention préventive à des fins de lutte contre le terrorisme. Aucun des pays examinés ne dispose d'une base légale régissant la garde à vue ou la
détention préventive dans le but spécifique de prévenir le terrorisme. Toutefois, l'Allemagne, l'Italie et la France possèdent des réglementations générales qui permettent une garde à vue. En Allemagne, il s'agit d'une mesure standard réglée dans les lois des länder sur la police, dans lesquelles la garde à vue préventive est parfois explicitement mentionnée et la responsabilité incombe généralement aux autorités de police et d'ordre. En Italie, il existe des bases légales relatives à l'assignation à résidence et à la garde à vue préventive en prison, à l'hôpital ou ailleurs. Pour cela, il doit y avoir des indices sérieux de risque d'évasion, de destruction des preuves ou de récidive et la peine encourue doit être une peine privative de liberté d'au moins trois ans. Dans tous les cas, c'est au tribunal qu'il revient de prendre les mesures. Le droit français donne la possibilité d'arrêter provisoirement la personne si elle se soustrait intentionnellement aux mesures prises dans le cadre de la procédure d'enquête lancée suite à une infraction pénale lui faisant encourir une peine privative de liberté. La responsabilité incombe au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention. Il est également possible de placer une personne en garde à vue si elle est soupçonnée de se sous4566

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traire aux mesures dans le cadre de la procédure d'enquête. Cette décision est prise par la police ou la gendarmerie. Le droit autrichien ne prévoit une garde à vue préventive qu'en lien avec les grandes manifestations sportives et dans le droit des étrangers, la garde à vue servant ici à faire appliquer une obligation de se présenter.

Au Royaume-Uni enfin, il ne semble pas y avoir de base légale permettant de placer une personne en détention préventive dans le cadre de la prévention du terrorisme.

En Allemagne, la Basse-Saxe prévoit par exemple dans son droit une garde à vue préventive valable au plus jusqu'à la fin de la journée suivant l'interpellation de la personne. Sur ordre du juge, la durée peut toutefois être prolongée de dix jours au maximum. En Italie, la durée maximale autorisée dépend du cas d'espèce. Le droit français autorise une garde à vue de 24 heures en cas de soupçon selon lequel la personne pourrait se soustraire à une mesure. Il existe en outre la détention provisoire, qui ne peut excéder «une durée raisonnable». Cette durée est fixée au regard de la gravité des faits reprochés à la personne et de l'infraction actuellement poursuivie. La plupart du temps, la durée maximale autorisée va de quatre à six mois, avec parfois une possibilité de prolongation à deux ou quatre ans. En Autriche, l'obligation de se présenter en lien avec de grandes manifestations sportives doit être proportionnelle. Celle qui sert à appliquer certaines charges dans le droit des étrangers ne peut durer que 72 heures au maximum et doit prendre fin dès que la charge a été exécutée.

Suite à deux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, l'admissibilité de la garde à vue préventive est actuellement souvent traitée en Allemagne dans la jurisprudence et la littérature spécialisée. En Autriche également, la question se pose de savoir comment cette jurisprudence se répercute sur l'admissibilité d'une détention préventive. En France, lorsque la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a été arrêtée, la question s'est posée de mettre en place une détention préventive aux fins de la lutte contre le terrorisme. Cela n'a toutefois pas eu lieu, car la détention préventive de personnes radicalisées constituerait une violation de la constitution
française et de la CEDH.

Comparaison avec le droit cantonal S'agissant de la plupart des mesures de police préventive proposées qui visent à lutter contre le terrorisme, il n'existe pas de base légale directement comparable au niveau cantonal et dans les actes des grandes villes suisses. La plupart des actes communaux et cantonaux en matière de police ne connaissent que la garde à vue policière de courte durée et le renvoi et la tenue à distance des personnes, par exemple en cas de mise en danger de la sécurité et de l'ordre publics27.

L'examen des actes généraux des cantons et des grandes villes (Zurich, Bâle, Genève, Lausanne et Berne) a révélé qu'à cet échelon étatique il n'existait pas de bases légales régissant l'obligation de se présenter auprès d'une autorité ni, partant, de participer à des entretiens avec un professionnel, susceptibles de s'opposer à des projets terroristes (art. 23k P-LMSI). Il n'existe pas non plus de dispositions en vertu 27

Cf. Institut du fédéralisme de l'Université de Fribourg, Präventiv-polizeiliche Massnahmen gegenüber terroristischen Gefährdern bzw. Gefährderinnen, Vergleich zwischen den geplanten PMT-Massnahmen und den bestehenden Massnahmen in den Kantonen und grösseren Städten, Fribourg 2018.

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desquelles il est possible de prononcer une interdiction de quitter le territoire (art. 23n P-LMSI) ou une assignation à une propriété (art. 23o P-LMSI) à l'encontre des terroristes potentiels. Tous les cantons, à l'exception de Fribourg, du Tessin et de Vaud, et la ville de Lausanne connaissent la rétention de courte durée au sens de l'art. 19 de la loi du 20 mars 2008 sur l'usage de la contrainte (LUsC)28 en tant que mesure de police préventive pour maintenir ou rétablir une situation conforme au droit. Ces réglementations peuvent également être utilisées comme bases légales de la garde à vue policière de courte durée des terroristes potentiels. Les dispositions concernées prévoient en outre généralement une même durée maximale pour la garde à vue que la réglementation fédérale, à savoir 24 heures. Dans le cas d'espèce, cette durée peut être prolongée selon le droit cantonal avec l'approbation du juge.

Seule la ville de Lausanne a une durée maximale inférieure, à savoir de 12 heures.

La possibilité de fonder l'une des mesures correspondant à l'interdiction géographique des terroristes potentiels prévues (art. 23m P-LMSI) sur le droit cantonal ou municipal n'est que partielle. Les cantons (à l'exception d'Appenzell RhodesIntérieures, du Tessin et de Vaud) et la ville de Lausanne connaissent certes l'instrument du renvoi et de la tenue à distance (par ex. en cas de mise en danger ou de perturbation de la sécurité et de l'ordre publics et à des fins de protection d'autres personnes). Cela ne correspond toutefois qu'à une partie du contenu de la mesure de la Confédération, qui prévoit une interdiction géographique par exemple aussi pour empêcher les contacts. De plus, les bases légales cantonales et le règlement de la ville de Lausanne relatif à ce sujet fixent une durée d'éloignement considérablement plus courte que ce que prévoit le droit fédéral (de 24 heures, «temporairement» ou «selon l'événement» à trois mois au maximum).

Lors de l'examen des actes généraux des cantons en matière de police, il est frappant de constater qu'il existe parfois (c.-à-d. dans les cantons de Berne et de BâleCampagne) des bases permettant de prononcer des interdictions de contact qui semblent à première vue applicables aux terroristes potentiels. Un examen plus poussé des réglementations concernées permet toutefois
d'aboutir à la conclusion qu'elles n'interdisent pas le contact avec des personnes déterminées afin d'empêcher que se produisent des échanges favorables au terrorisme mais afin de protéger la personne contactée de dangers, menaces et harcèlements. Cette différence dans le but visé empêche d'utiliser les dispositions cantonales dans le contexte de l'interdiction des contacts noués dans une optique terroriste au sens de l'art. 23l P-LMSI.

Il en va de même des dispositions de certains cantons (Bâle-Campagne, Grisons, Jura, Neuchâtel et Valais) qui permettent une observation ou un contrôle aussi au moyen d'appareils techniques de localisation. Ces mesures cantonales portent soit sur le contrôle du respect de mesures servant à protéger une personne déterminée soit sur la prévention de crimes ou de délits. Elles poursuivent un autre but et/ou se révèlent trop indéterminées pour prononcer une mesure au sens de l'art. 23q P-LMSI.

28

RS 364

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Vue d'ensemble des instruments fédéraux et cantonaux de police préventive pour la lutte contre le terrorisme: comparaison entre le droit en vigueur et les nouveautés proposées dans le projet MPT: Domaine de Autorité compétente tâches principal

Droit en vigueur

Ajouté par MPT

Détection précoce

Mesures de collecte d'informations soumises ou non à autorisation

Accès à d'autres LSIP, systèmes d'information LDI (dont ISA)

Enquêtes préliminaires dans le domaine de la grande criminalité

Recherches secrètes sur LOC Internet et sur les médias électroniques

Confédération

Prévention Confédération des menaces

Confédération/ Expulsions Cantons (fedpol) Interdictions d'entrée (fedpol)

Loi à modifier

Signalement de personnes aux fins de surveillance discrète ou de contrôle ciblé (aussi à la demande des autorités cantonales de police) Motif supplémentaire de détention en vertu du droit des étrangers

LEI

Limitation des contacts en détention Détention cellulaire Pas d'admission provisoire en cas d'expulsion entrée en force

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Domaine de Autorité compétente tâches principal

Droit en vigueur

Confédération

Ajouté par MPT

Loi à modifier

Obligation de se présen- LMSI ter et de participer à des entretiens Interdiction de contact Interdiction géographique Interdiction de quitter le territoire Assignation à une propriété Surveillance électronique et localisation par téléphonie mobile (imposer)

Cantons

Interdiction de contact

[Les mesures cantonales existantes sont complétées par les mesures MPT.]

Lois cantonales sur la police

Confédération/Cantons (en cas d'exécution du droit fédéral)

Renvoi et éloignement de personnes

LUsC

Confédération

Vérification des antécé- LA dents du personnel des entreprises de transport aérien et des exploitants d'aéroport

Interdiction géographique Garde à vue policière

Répression Confédération/ Mesures de conCantons trainte prévues par la procédure pénale en vertu du CPP

4570

Fouille de locaux, d'objets et de véhicules

Détention cellulaire et CP placement séparé sous mesures afin d'empêcher la radicalisation

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1.6

Classement d'interventions parlementaires

Le présent message propose de classer les interventions parlementaires suivantes: ­

Le présent projet permettra de classer la motion 14.3001 «Consultation de données personnelles en ligne» de la Commission des transports et des télécommunications. Celui-ci crée, à l'aide d'une modification de la loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération (LSIP29; nouvel art. 15, al. 4, let. k), la base légale autorisant la police des transports à consulter le système d'information et de recherches RIPOL.

­

La motion 16.3213 Romano «Compétence d'enregistrement de surveillances discrètes dans le système d'information Schengen. fedpol ne doit pas être mis de côté» charge le Conseil fédéral de créer une base légale permettant à fedpol d'enregistrer les surveillances discrètes dans le Système d'information Schengen (SIS). La modification de la LOC (nouvel art. 3b P-LOC) répond à cette demande.

­

La motion 17.3497 Dobler «Coordination de la lutte contre la cybercriminalité internationale organisée» charge le Conseil fédéral de «gérer de manière centralisée la lutte contre la cybercriminalité internationale organisée». Pour cela, il faudrait «un office de coordination, qui serve aussi de point de contact, notamment pour régler de manière claire la répartition des tâches et la collaboration entre la Confédération et les cantons». L'objet de la motion est mis en oeuvre dans le cadre du présent projet aux art. 1 et 2a P-LOC.

­

Le postulat 17.3044 Müller Damian «Améliorer le processus de renvoi et protéger le pays contre les personnes dangereuses» charge le Conseil fédéral «de présenter un rapport qui examinera et analysera de manière détaillée le processus de renvoi» des personnes dangereuses. Dans sa réponse du 24 mai 2017, le Conseil fédéral a indiqué que les questions soulevées par le postulat seraient traitées dans le cadre du présent projet. Le présent message revient en plusieurs endroits sur les questions soulevées par le postulat (cf. en particulier les remarques préliminaires concernant la modification des art. 75, 76 et 76a LEI). Le Conseil fédéral considère que l'objectif du postulat est atteint.

2

Commentaire des dispositions

1. Loi fédérale du 21 mars 1997 instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure30 Préambule Deux dispositions sont ajoutées dans le préambule, les art. 123, al. 1, et 173, al. 2, Cst. Le premier sert de base constitutionnelle aux mesures policières de la Confédération si celles-ci sont étroitement liées à la poursuite pénale d'infractions relevant 29 30

RS 361 RS 120

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de la compétence fédérale (cf. à ce sujet ch. 5.1). La mention de la compétence inhérente de la Confédération quant au maintien de la sûreté intérieure et extérieure est supprimée. Selon la pratique actuelle, cette compétence est comprise dans l'art. 173, al. 2, Cst., raison pour laquelle celui-ci est à présent indiqué dans le préambule.

Art. 2, al. 2, let. dbis L'art. 2, al. 2, dresse la liste exhaustive des mesures policières préventives que peut prendre la Confédération pour écarter les risques pour la sécurité intérieure. Cette liste doit être complétée par un renvoi aux mesures introduites dans la nouvelle section 5, qui visent à empêcher les activités terroristes (let. dbis).

Art. 6, al. 2 Les autorités fédérales doivent pouvoir collaborer directement avec les communes aussi pour ce qui est des mesures administratives de police préventive visées à la section 5. À cet égard, l'art. 6, al. 2 en vigueur, qui se limite à la collaboration relative à «des tâches de sécurité», se révèle trop étroit de sorte qu'il y est maintenant question des «tâches définies par la présente loi». Le contenu de la disposition reste sinon inchangé.

Titre précédant l'art. 22 Le titre précédant l'article est modifié de manière à tenir compte du fait que les nouvelles mesures de police préventive et les mesures existantes contre la violence lors de manifestations sportives sont complétées par des dispositions communes. La section 5 en vigueur devient par conséquent la section 4a. Les nouvelles mesures visant à empêcher les activités terroristes sont réglées à la section 5. Les mesures déjà contenues dans la LMSI dans le domaine du houliganisme restent dans la section 5a. La nouvelle section 5b contient les dispositions communes importantes qui portent tant sur les nouvelles mesures de la LMSI visant à empêcher les activités terroristes que sur les mesures contre la violence lors de manifestations sportives.

Art. 23e

Définitions

La notion de «terroriste potentiel» définit le groupe de personnes concernées par les mesures de police préventive visées à la section 5 P-LMSI. Comme exposé plus haut (ch. 1.1 et 1.3.1), il existe des différences fondamentales entre le domaine pénal/policier et celui du renseignement pour ce qui est des compétences et de l'arsenal juridique. Dans le présent projet, les termes utilisés sont si possible ceux qui sont déjà établis dans le droit national et international (en particulier dans la LRens ou dans la Convention du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005 pour la prévention du terrorisme31). Ainsi, le terme d'«activité terroriste» utilisé dans le présent projet ne reçoit pas de nouvelle définition, mais reprend celle de l'art. 19, al. 2, let. a, LRens.

Les activités terroristes comprennent par exemple les mesures visant à financer ou à 31

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soutenir logistiquement des organisations terroristes, à faire entrer clandestinement un terroriste ou à faciliter son entrée ou son passage en Suisse. Il peut également s'agir des actes entrepris dans le but de rejoindre un réseau, une organisation ou un groupe terroriste ou de se mettre en réseau d'une autre manière avec des terroristes en Suisse ou à l'étranger. Une activité terroriste peut également consister à organiser des actions de propagande, à recruter des personnes à des fins terroristes et à encourager le terrorisme.

Pour qu'une personne puisse être qualifiée de terroriste potentiel au sens de la section 5, des indices concrets et actuels doivent laisser penser qu'elle a une activité terroriste au sens indiqué ci-dessus. Sont qualifiés de concrets les indices qui existent lorsque les craintes sont induites par le comportement de la personne concernée et qu'ils sont confirmés par certains faits. Des indices concrets laissent supposer que des biens juridiques importants pourraient faire l'objet d'une violation d'ici une période estimable. Mais l'endroit, le moment et la manière dont sera commise cette violation ne sont pas encore clairs. Sur la base du comportement de la personne concernée, l'autorité qui ordonne la mesure doit indiquer la probabilité qu'une infraction soit commise. On sait d'expérience qu'une telle évaluation est entachée d'incertitudes. Les indices sont actuels lorsqu'ils existent (encore) au moment où une mesure est prononcée. Les faits anciens qui n'ont plus d'importance pour la sécurité au moment considéré ne peuvent pas être utilisés pour étayer une menace.

Il existe des indices concrets et actuels par exemple lorsqu'une personne se retire toujours plus de son réseau social habituel et commence à fréquenter un milieu appelant à la violence terroriste, la justifiant ou la glorifiant. Ce qui est décisif, c'est la présence d'un danger du point de vue de la police32. Les efforts visant à se regrouper à des fins terroristes en Europe et hors d'Europe ou à se rendre dans des zones de conflit peuvent être des indices. On peut par exemple songer aux parents inquiets qui s'adressent à la police pour leur signaler que leur enfant s'est radicalisé et qu'il a l'intention de se rendre à l'étranger pour y retrouver des personnes partageant les mêmes idées. Si les autorités de
sécurité et de police constatent, par exemple sur la base d'informations trouvées sur les réseaux sociaux, qu'un tel voyage est effectivement prévu, il s'agit d'indices concrets et actuels d'une activité terroriste. Autres exemples: la création de profils sur les réseaux sociaux, la diffusion de contenus terroristes (en partageant un lien) ou l' «approbation» (en cliquant sur «j'aime»). Ce dernier point allait trop loin aux yeux de plusieurs participants à la consultation. Le Conseil fédéral réplique que de tels actes ont par le passé contribué largement au renforcement d'organisations et de groupes terroristes. Cela fait partie de la stratégie des organisations terroristes de diffuser des contenus terroristes et donc leur idéologie par les fonctions «j'aime» ou «partager». De nombreuses personnes en Europe ont été incitées, par cette forme de propagande sur Internet, à commettre des infractions graves ou à partir à l'étranger dans le but de participer à des combats. Il convient d'agir précocement à l'encontre de la création de profils sur 32

Cf., par rapport aux interdictions d'entrée, l'arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2397/2014 du 19 février 2015, consid. 3.5. Les mesures policières n'ont pas de caractère pénal ni de composants répressifs. Elles sont davantage de nature préventive et servent à prévenir les risques (cf. s'agissant des mesures de police préventive dans le domaine du houliganisme, ATF 137 I 31 consid. 5.2, p. 43 s.).

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les réseaux sociaux et du fait d'approuver (en cliquant sur «j'aime») et de partager des contenus et des opinions terroristes par des mesures comme l'obligation de participer à des entretiens (art. 23k P-LMSI) ou éventuellement par une interdiction de contact en vertu de l'art. 23l P-LMSI. Les mesures de police préventive visées à la section 5 P-LMSI sont en outre prévues à l'encontre de personnes potentiellement dangereuses qui cautionnent ouvertement des actes terroristes et ne voient pas d'inconvénient à ainsi exercer une influence négative sur autrui.

Art. 23f

Principes

Les mesures de police préventive visées aux art. 23k à 23q P-LMSI visent à prévenir les menaces terroristes (cf. ch. 1.2 et 1.3.1). Aucune mesure de police préventive dirigée contre l'exercice légal d'une activité religieuse, philosophique ou politique ne doit être ordonnée. La question légitime de la lutte contre le terrorisme ne doit pas servir de prétexte pour réprimer certaines opinions, points de vue ou convictions.

Des opinions radicales ne suffisent pas à elles seules pour que soient ordonnées des mesures de police préventive. Ce n'est que lorsque le comportement d'une personne indique que sa radicalisation menace de se muer en activité terroriste que l'intervention de l'État est indiquée et justifiée (menace concrète et actuelle; cf. art. 23e P-LMSI).

En raison de l'effet intrusif des nouvelles mesures, le respect et la stricte application des principes de l'État de droit doivent être au centre de l'attention. Les mesures limitent divers droits fondamentaux et droits de l'homme garantis par la Constitution et le droit international public. Les restrictions des droits fondamentaux ne sont compatibles avec la Constitution que si elles se fondent sur une base légale suffisamment déterminée, sont justifiées par un intérêt public prépondérant, sont proportionnées et si leur essence est inviolable (art. 36 Cst.). En particulier, l'atteinte à la zone de protection des droits fondamentaux et des droits de l'homme ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire, d'un point de vue matériel, géographique, temporel et personnel, pour obtenir l'effet escompté. L'examen doit se faire en tenant compte non seulement du type et de la gravité du risque ainsi que des biens juridiques menacés mais aussi de la situation personnelle de la personne concernée, par exemple de sa situation professionnelle et familiale.

A. 1: la décision en matière de mesures de police préventive est rendue par fedpol.

Plusieurs mesures peuvent être prononcées simultanément à l'encontre d'un terroriste potentiel. L'autorité qui ordonne la mesure peut par exemple ordonner une obligation de se présenter et de participer à des entretiens (art. 23k P-LMSI) outre une interdiction de quitter le territoire (art. 23n P-LMSI) lorsque cette dernière est estimée insuffisante pour écarter la menace terroriste.

Al. 1, let. a: le projet
part du principe qu'une radicalisation doit en premier lieu être contrée par des mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques. De telles mesures doivent être prises en particulier durant la phase précoce de radicalisation. Si elles ne sont toutefois pas suffisantes (ou ne sont pas autorisées, possibles ou semblent d'emblée vaines) et si le danger que représente une personne radicalisée ne peut pas être contré par des mesures de protection de l'enfant et de l'adulte, les mesures de police préventive visées à la section 5 peuvent être ordonnées. S'agissant du place4574

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ment à des fins d'assistance selon les art. 426 ss CC, il faut garder à l'esprit que la protection de la population n'est pas l'objectif central de cette mesure de droit civil.

Le projet est sciemment étroitement corrélé avec le PAN. L'interaction entre les mesures sociales, intégratives et thérapeutiques et celles de nature policière a fait ses preuves dans d'autres domaines et à l'étranger et doit aussi jouer un rôle central dans la lutte contre le terrorisme (cf. ch. 1.2 et 1.3.1).

Al. 1, let. b: les mesures visées à la section 5 doivent non seulement être appliquées à titre subsidiaire ou complémentaire par rapport aux mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques mais aussi à titre subsidiaire par rapport aux mesures cantonales de prévention générale des menaces. Ces mesures cantonales ne doivent pas être écartées mais bien complétées et soutenues. Il faut donc examiner dans chaque cas d'espèce si les mesures cantonales de prévention générale des menaces sont suffisantes. Il existe déjà une réglementation comparable à l'art. 7, al. 1, let. d, de la loi fédérale du 23 décembre 2011 sur la protection extraprocédurale des témoins (Ltém)33.

Al. 1, let. c: fedpol peut aussi ordonner les mesures visées à la section 5 lorsqu'une procédure pénale a déjà été ouverte à l'encontre d'une personne. Il est certes possible d'agir avec des moyens relevant de la procédure pénale (mesures entraînant une privation de liberté, mesures de substitution) contre les risques que représente un prévenu. Ces moyens servent toutefois en premier lieu au déroulement de la procédure (pour écarter un risque d'évasion, de collusion, de récidive ou de passage à l'acte). Ils ne recouvrent pas exactement les situations que poursuit la prévention des menaces par les mesures de police visées à la section 5 P-LMSI (prévenir les dangers terroristes). Dans ce contexte, le prononcé des mesures de police préventive visées aux art. 23k à 23q P-LMSI se justifie exceptionnellement aussi lorsque, dans une procédure pénale en cours, aucune des mesures relevant de la procédure pénale à même de prévenir le terrorisme n'a été ou ne peut être prise. Imaginons par exemple la situation où pour un prévenu, le CPP justifie seulement la mesure de substitution que représente la saisie des documents d'identité et des autres documents officiels
et non l'interdiction de contact (par ex. parce que le risque de fuite à l'étranger peut être contré par la saisie des documents d'identité et qu'il n'existe pas de risque de collusion). Il peut toutefois arriver que la personne entretienne des contacts avec un environnement terroriste en-deçà du seuil de punissabilité, ce qui doit pouvoir être empêché par des mesures administratives de police préventive, en l'occurrence une interdiction de contact. Les circonstances du cas d'espèce doivent bien entendu être considérées: lors du choix et du prononcé d'une mesure de police préventive, il s'agit de vérifier en particulier si d'éventuels intérêts importants de la poursuite pénale sont touchés. fedpol et le ministère public qui dirige l'instruction doivent se concerter au préalable au sujet de la manière de procéder; cela a notamment lieu dans le cadre de TETRA ou de la gestion des menaces mise en place par le canton en collaboration avec l'ensemble des partenaires. Les mesures visées à la section 5 P-LMSI ne sont pas prises lorsque le prévenu fait déjà l'objet d'une mesure de substitution ou d'une mesure de contrainte entraînant une privation de liberté conformément au CPP qui a le même effet qu'une des mesures prévues par les art. 23k à 23q P-LMSI. Cela permet d'éviter les doublons. À l'inverse, il convient 33

RS 312.2

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d'examiner, à l'ouverture d'une procédure pénale, si des mesures ordonnées à l'encontre de la personne concernée en vertu des art. 23k à 23q P-LMSI doivent être levées. Dans tous les cas, lorsqu'est ordonnée une mesure de substitution ou une mesure de contrainte entraînant une privation de liberté ayant le même effet que l'une des mesures visées aux art. 23k à 23q, cette dernière doit être levée par fedpol (art. 23f, al. 3, en relation avec l'al. 1, let. c, P-LMSI).

Al. 2: selon le présent projet, les mesures de police préventive ne doivent pas supplanter les mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques, mais les accompagner et les compléter. Ce principe important doit être exprimé clairement à l'al. 2. Cependant, il existe des cas où il n'est pas possible d'ordonner ce type de mesures ou où celles-ci semblent d'emblée vaines. Les mesures visées aux art. 23k à 23o doivent donc être accompagnées de mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques lorsque c'est possible. C'est le service cantonal ou communal compétent, et non fedpol, qui décide si une telle mesure doit être ordonnée ou non.

Al. 3: si les conditions permettant d'ordonner une mesure ne sont plus réunies, elle doit être levée d'office par fedpol. La personne concernée doit être informée sans délai de la levée.

Al. 4: la personne concernée peut en tout temps demander que la mesure ordonnée soit levée, ce qui entraîne un réexamen de ladite mesure.

Art. 23g

Durée d'une mesure

Al. 1: le principe de la proportionnalité requiert que la durée des mesures soit limitée. La durée d'une mesure est donc limitée à six mois et peut être prolongée une fois de six mois au plus. La durée de l'assignation à une propriété est réglée à l'art. 23o, al. 5.

Al. 2: durant la consultation, diverses instances ont jugé trop courte la durée maximale de six mois, avec possibilité de la prolonger une fois de six mois au plus. Il faut en effet tenir compte du fait que les mesures prononcées à l'encontre de terroristes potentiels ne déploient pas immédiatement leurs effets et que les personnes en faisant l'objet sont susceptibles de reprendre leurs habitudes après un certain temps.

En d'autres termes, l'on ne peut exclure que les terroristes potentiels reprennent des activités terroristes une fois la mesure terminée. Il faut cependant éviter qu'une mesure puisse être ordonnée à long terme. Sur la base de ces réflexions, il doit être possible d'ordonner une mesure même après l'échéance des douze mois (exception: l'assignation à une propriété déjà ordonnée une fois ne peut l'être une seconde fois).

La condition en est toutefois que de nouveaux indices concrets laissent penser que la personne concernée mène des activités terroristes. Il s'agit de motiver, en mentionnant de nouvelles constations, que la raison qui a conduit au prononcé de la mesure originelle demeure ou qu'il existe de nouvelles raisons qui laissent penser que des activités terroristes sont en cours. La nouvelle mesure au sens de l'al. 2 ne doit pas être d'un autre type que la mesure ordonnée à l'origine.

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Art. 23h

Traitement des données

Dans le cadre de l'application de la section 5, l'autorité requérante, celle qui est chargée de la décision et celle qui est chargée de la mise en oeuvre doivent traiter des données sensibles. L'art. 23h constitue à cet égard une base légale expresse.

À l'al. 1, fedpol et les autorités cantonales compétentes sont autorisés à traiter les données sensibles de terroristes potentiels, dans la mesure où cela est nécessaire à la motivation des conditions liées au prononcé et au déroulement des mesures visées aux art. 23k à 23q. De manière restreinte, il doit toutefois aussi être possible de traiter des données sensibles de tiers (par ex. sur les poursuites pénales) avec lesquels le terroriste potentiel est ou a été en contact. Il faut que cela soit nécessaire pour estimer les risques que constitue un terroriste potentiel. Il est indispensable de pouvoir traiter les données de tiers par exemple lorsqu'il s'agit d'ordonner une interdiction de contact ou d'évaluer la dangerosité de groupes avec lesquels le terroriste potentiel entretient des contacts. Lorsque l'évaluation de la menace est effectuée et que, par là, le but du traitement des données est atteint, les données personnelles de tiers sont effacées (art. 6, al. 1, LSIP). Par ailleurs, lors du traitement de données de tiers, il convient de s'assurer que le service qui traite ces données n'entre pas en possession d'informations liées à un secret professionnel et sans relation avec le motif du traitement.

En ce qui concerne les données sensibles, on songe en particulier, dans le présent contexte, aux données sur les opinions ou les activités religieuses et philosophiques, sur la santé, sur les mesures d'aide sociale et sur les poursuites ou sanctions pénales et administratives. Le consentement de la personne concernée n'est pas nécessaire au traitement de ces données. L'art. 23h ne crée toutefois pas pour fedpol de compétence d'investigation propre visant la recherche (secrète) d'informations sur des menaces terroristes. Cette recherche est en premier lieu la tâche du SRC (ce qui n'exclut pas que les autorités de police cantonales n'enquêtent, dans le cadre de leurs tâches et compétences prévues par le droit cantonal, sur la base de faits les ayant incités à adresser une demande à fedpol). Comme expliqué au ch. 1.4, le présent projet de loi n'entend
pas changer la séparation voulue par le législateur entre la recherche d'informations sur une personne par le SRC et le prononcé de mesures policières à l'encontre d'une personne.

S'agissant du traitement des données par fedpol, c'est la LSIP qui s'applique, et plus précisément l'art. 18, que le présent projet vient modifier (cf. le commentaire de l'art. 18 P-LSIP).

La base légale de l'échange, entre les autorités fédérales et cantonales de police et de poursuite pénale, des données personnelles nécessaires à l'accomplissement des tâches visées à la section 5 est créée à l'al. 2. En plus de l'échange d'informations entre les autorités de police et de poursuite pénale, l'al. 2 englobe aussi l'échange avec les autorités (cantonales) d'exécution des peines, les autorités de protection de l'enfant et de l'adulte, les autorités scolaires, les bureaux de l'intégration, les services du contrôle des habitants, les offices des migrations, les offices des mineurs et les services sociaux. Ces ajouts viennent satisfaire une exigence du PAN (cf. mesure 15, let. a). L'échange de données doit être nécessaire au prononcé et à l'exécution de mesures visées à la section 5, une condition qui doit toujours être remplie. La Con4577

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fédération et les communes peuvent également échanger directement des informations lorsque le canton a délégué aux communes des tâches définies par la présente loi (art. 6, al. 2, P-LMSI). L'échange de données au sein des cantons et entre les cantons qui ne sert pas à l'accomplissement des tâches visées à la section 5 n'est quant à lui pas réglé. L'échange d'informations horizontal et vertical intracantonal entre les cantons et les communes s'effectue selon le droit cantonal34.

En vertu de l'al. 3, fedpol peut informer les exploitants d'infrastructures critiques des mesures de police préventive prononcées à l'encontre d'une personne et peut transmettre à cette fin des données sensibles (par ex. informations sur une poursuite pénale ou sur les modes opératoires qui font l'objet des investigations dans ce cadre, ces informations étant nécessaires pour prévenir les menaces). La condition en est que le terroriste potentiel constitue un véritable danger pour les infrastructures critiques. En outre, seules les données nécessaires à la protection des infrastructures critiques peuvent être transmises.

Art. 23i

Demande

L'al. 1 règle qui peut demander à fedpol de prononcer une mesure en vertu des art. 23k à 23q. Il s'agit des autorités cantonales ou communales compétentes.

L'autorité communale doit avoir été chargée par le canton d'accomplir des tâches visées par la présente loi (art. 6, al. 2, P-LMSI). Le SRC se voit en outre ménager un droit de demander. Un rôle important lui revient dans la lutte contre le terrorisme.

S'il décèle un danger terroriste grâce à sa recherche d'informations (cf. art. 6, al. 1, let. a, ch. 1, LRens), il doit lui aussi avoir la possibilité de demander à fedpol de prononcer des mesures de police préventive.

Al. 2: les mesures de police préventive visées à la section 5 P-LMSI peuvent uniquement être appliquées à titre subsidiaire par rapport aux mesures cantonales (art. 23f, al. 1, P-LMSI). Elles doivent en outre passer l'examen de la proportionnalité. Afin que fedpol puisse évaluer l'admissibilité d'une mesure de police préventive, il doit être indiqué dans la demande que les conditions générales visées à l'art. 23f et les (éventuelles) conditions particulières des différentes mesures (art. 23n et 23o) ou ­ en cas de demande de surveillance électronique ou de localisation par téléphonie mobile ­ les conditions visées à l'art. 23q, al. 1, sont remplies. L'autorité motive sa demande et précise notamment la menace, l'environnement social du terroriste potentiel et le type, la durée et l'exécution de la mesure demandée. Elle précise par ailleurs la raison pour laquelle les mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques, les mesures de protection de l'enfant et de l'adulte et celles de prévention générale des menaces ne suffisent pas ou ne semblent pas être propres à atteindre l'objectif escompté en raison des circonstances dans le cas d'espèce ou si elles ne peuvent pas être appliquées dès le départ. Toute la documentation importante pour le processus décisionnel doit être transmise à fedpol (par ex. informations policières, rapports de conduite dans les prisons, décision de l'autorité de protection de l'enfant et de l'adulte, expertises psychiatriques, informations tirées de systèmes d'information de police, extraits du casier judiciaire, jugements pénaux et dossiers de procédures

34

Cf. mesure 15, let. b, du PAN: Réglementation de l'échange d'information entre autorités.

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pénales). L'art. 23h, al. 2, P-LMSI constitue la base légale explicite de l'échange régulier de données sensibles qui est nécessaire dans ce contexte.

Art. 23j

Prononcé des mesures sous forme de décision

Al. 1: les mesures visées aux art. 23k à 23q P-LMSI sont prononcées, sous forme de décision, par fedpol (pour les justifications de cette solution, cf. ch. 1.3.1). Le canton concerné ­ en l'occurrence le canton dans lequel le terroriste potentiel séjourne régulièrement ­ doit cependant être consulté au préalable lorsque le SRC demande qu'une mesure soit prise (3e phrase). Eu égard aux restrictions, parfois graves, des droits fondamentaux induites par les mesures ordonnées selon les art. 23k à 23q, fedpol doit accorder une attention toute particulière au principe de proportionnalité.

Les mesures de police peuvent être ordonnées par fedpol seul et ne sont soumises à aucune réserve d'approbation d'un juge. L'assignation à une propriété représente toutefois une exception importante puisqu'elle nécessite une approbation par le tribunal des mesures de contrainte (art. 23p P-LMSI). La réglementation des mesures MPT concorde ainsi avec d'autres réglementations de prévention des menaces au niveau fédéral et cantonal: les mesures de police préventive, à l'exception de la garde à vue et de certaines mesures secrètes au niveau des enquêtes préliminaires, ne sont généralement soumises à aucune réserve d'approbation par un juge. On renvoie ici par exemple au § 19 de la loi du 27 janvier 1998 sur la police du canton de Lucerne (SRL 350) concernant le renvoi et l'éloignement, à l'art. 6 (obligation de se présenter) du Concordat du 15 novembre 200735, modifié le 2 février 2012 instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives ainsi qu'à l'art. 74 LEI (assignation d'un lieu de résidence et interdiction de pénétrer dans une région déterminée).

Al. 3: afin de tenir compte du principe de proportionnalité aussi dans le cadre de l'exécution d'une mesure de police préventive, celle-ci doit pouvoir être suspendue provisoirement pour de justes motifs. L'on peut en outre songer à d'autres motifs qui ne sont pas liés à la personne du terroriste potentiel, comme les intérêts supérieurs de la poursuite pénale. Eu égard à la responsabilité des cantons en matière d'exécution et compte tenu des risques présentés par les destinataires de la décision pour la population, fedpol ne peut suspendre une mesure décidée qu'en accord avec le canton concerné ou la commune concernée.

Art. 23k

Obligation de se présenter et de participer à des entretiens

Al. 1 et 2: l'obligation de se présenter et de participer à des entretiens permet aux autorités de contrôler jusqu'à un certain point si le terroriste potentiel continue de séjourner sur le territoire communal ou cantonal. Elle sert également à évaluer régulièrement le niveau de risque que représente cette personne. Elle vise surtout à influencer positivement les schémas de pensée et de comportement et les situations personnelles problématiques. L'obligation de se présenter et celle de participer à des entretiens peuvent être prononcées indépendamment l'une de l'autre, ce qui est par exemple important quand une assignation à une propriété en vertu de l'art. 23o 35

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P-LMSI doit être assortie d'une obligation de participer à des entretiens. L'obligation de se présenter et celle de participer à des entretiens devraient toutefois être combinées en règle générale.

Le terroriste potentiel doit se présenter à intervalles déterminés. Plus les risques qu'il ait des activités terroristes ou reprenne de telles activités sont importants, plus les intervalles doivent être rapprochés. Le service communal ou cantonal désigné par l'autorité requérante peut déterminer un lieu se prêtant au déroulement des entretiens. Les entretiens peuvent aussi avoir lieu dans le logement de la personne concernée, ce qui est pertinent surtout quand celle-ci a été assignée à une propriété en vertu de l'art. 23o P-LMSI. Ils sont menés par un spécialiste, voire plusieurs professionnels issus de diverses disciplines. Il s'agit d'une personne formée dans la gestion des relations avec les terroristes potentiels (par ex. psychologue, psychiatre, conseiller social ou policier). Plus le comportement dénote un trouble psychique, plus il est préférable que l'entretien soit mené par un psychologue ou un psychiatre formé en conséquence. Il peut être indiqué de recourir à un professionnel ou une personne de confiance de même culture ou religion que la personne dangereuse.

Le fait que l'obligation de participer à des entretiens serve, outre à estimer et vérifier les risques, à contrer la menace (aide pour se détourner de la violence et pour se réintégrer dans la société) doit être expressément mentionné dans la loi. L'obligation de participer à des entretiens doit avoir pour point de départ les causes des activités terroristes. L'objectif concret et le contenu des entretiens sont discutés au préalable avec la personne soumise à l'obligation de participer aux entretiens et, selon les circonstances, avec les personnes qui détiennent l'autorité parentale. Il peut par exemple s'agir des parents, des beaux-parents, des parents nourriciers, de curateurs ou de tuteurs. Les entretiens peuvent être de nature sociale, culturelle, intégrative, thérapeutique ou juridique et avoir notamment le contenu suivant: ­

transmission de connaissances sur les fondements de l'État de droit et les valeurs de la Constitution, en particulier sur la notion de respect mutuel et de respect des droits fondamentaux;

­

transmission de connaissances sur la situation juridique et les conséquences en cas d'infractions;

­

information sur l'arrière-fond et la dangerosité de groupes et d'organisations représentant une menace terroriste;

­

analyse du parcours de vie effectué jusqu'ici et identification des situations de risque et des facteurs de risque individuels;

­

transmission de connaissances concernant les perspectives socio-culturelles et professionnelles et les possibilités de suivre une formation ou un cours de perfectionnement;

­

élaboration de plans d'action concrets et personnels.

À l'issue de l'entretien, la personne chargée de le diriger évalue la manière dont il s'est déroulé. L'évaluation peut contenir des informations sur le développement personnel, un éventuel diagnostic médical, des facteurs de risque individuels, une estimation de la menace et des recommandations quant à la manière de gérer les risques. Idéalement, plusieurs séances ont lieu à de brefs intervalles. À la fin de la 4580

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série d'entretiens, l'on sait si les mesures sociales, intégratives thérapeutiques ou de police préventive appliquées peuvent être levées ou doivent être prolongées ou si de nouvelles mesures de police préventive ou d'autres mesures doivent être prononcées.

Al. 3: si le terroriste potentiel est mineur, ses parents ou d'autres personnes qui détiennent l'autorité parentale doivent être associés aux entretiens. Une exception peut être faite si la présence des parents compromet la réussite de l'entretien. Même dans de tels cas, les parents doivent tout au moins participer à la préparation des entretiens.

Al. 4: pour de justes motifs (séjour hospitalier, obligations familiales importantes, etc.), il est possible de reporter un entretien. La personne concernée doit alors informer immédiatement le service compétent en indiquant les motifs de son absence et soumettre une demande fondée de report de l'entretien. C'est au canton de déterminer le service cantonal ou communal habilité à approuver la demande. Au lieu d'un report du rendez-vous, il est possible de convenir que l'entretien prévu se déroulera en dehors des locaux du service compétent (par ex. au domicile du terroriste potentiel).

Al. 5 et 6: le service cantonal ou communal compétent informe l'autorité requérante et fedpol des incidents importants pour la sécurité survenus durant la mesure, comme l'intention exprimée explicitement ou implicitement de mettre des vies humaines en danger ou des tendances suicidaires constatées. Il doit aussi communiquer les rendez-vous déplacés ou annulés, les refus de participer à un entretien avec le professionnel et le résultat de l'entretien. Les incidents importants pour la sécurité et les manquements à l'obligation de se présenter doivent immédiatement être signalés. Si les informations visées à la section 5 ont une incidence sur les tâches effectuées par d'autres autorités de sécurité, fedpol les transmet en vertu des art. 10 LMSI et 23h P-LMSI.

Art. 23l

Interdiction de contact

Cette mesure interdit au terroriste potentiel d'entrer en contact avec des personnes ou des groupes de personnes spécifiques par téléphone, par écrit ou par voie électronique, de les rencontrer ou de les fréquenter de toute autre manière. Cette mesure devrait cependant s'appliquer en particulier pour lutter contre la diffusion de l'idéologie terroriste. L'interdiction de contact permet d'une part d'écarter le risque que le terroriste potentiel frappé de cette mesure entre en contact avec des tiers et soit influencé négativement (encore plus) par leur idéologie terroriste. Il peut s'agir par exemple d'un recruteur agissant via Internet. D'autre part, la mesure doit aussi empêcher qu'un terroriste potentiel influence des tiers négativement, par exemple en les radicalisant ou en les recrutant à des fins d'activités terroristes.

Art. 23m

Interdiction géographique

L'interdiction géographique vise à empêcher un terroriste potentiel de séjourner en certains lieux. Il peut s'agir d'un lieu ou d'une propriété dans lesquels la personne a été radicalisée ou risque de se radicaliser davantage. Il peut également s'agir de lieux de grands rassemblements ou de lieux particulièrement vulnérables comme ceux abritant des infrastructures critiques. fedpol peut accorder des exceptions 4581

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ponctuelles pour de justes motifs, par exemple en cas de rendez-vous chez le médecin ou auprès des autorités. L'octroi d'une exception présuppose en tous les cas une pesée des intérêts, qui doit tenir compte des risques et des dangers qui y sont liés.

Art. 23n

Interdiction de quitter le territoire

Al. 1 et 2: l'interdiction de quitter le territoire sert, d'une part, à empêcher les activités terroristes à l'étranger. Les personnes sous le coup de cette mesure ne peuvent plus continuer à se radicaliser à l'étranger ni y suivre un entraînement auprès d'une organisation terroriste. De ce fait, l'interdiction de quitter le territoire contribue aussi, d'autre part, à empêcher les activités terroristes en Suisse. En effet, si ces personnes revenaient en Suisse, elles constitueraient une menace considérable pour la sécurité intérieure. Lorsque la décision d'interdiction de quitter le territoire est rendue, le terroriste potentiel doit déposer ses documents d'identité (par ex. passeport, carte d'identité) immédiatement ou dans un délai court. Les documents d'identité suisses sont mis sous séquestre par fedpol. Les documents d'identité étrangers ne peuvent pas être séquestrés. La mise sous séquestre constituerait une atteinte à la souveraineté en matière de passeports de l'État délivrant les documents d'identité et à l'interdiction d'ingérence découlant du droit international. Seule une saisie provisoire des documents d'identité étrangers par fedpol peut être admise lorsqu'il y a un intérêt prépondérant de la Suisse à limiter les projets de voyage de la personne concernée et qu'aucune mesure moins contraignante ne peut être prise.

Al. 3: fedpol informe l'État ayant délivré le document d'identité de la saisie provisoire. Si cet État s'oppose à la saisie, fedpol est tenu de la lever et de rendre les documents saisis à la personne concernée.

Al. 4 et 5: fedpol peut déclarer invalides et signaler les documents d'identité suisses dans le RIPOL, dans la partie nationale du Système d'information Schengen (SIS) et via Interpol (art. 351, al. 2, CP). Il peut signaler les documents d'identité étrangers dans le RIPOL, dans le SIS et via Interpol (art. 351, al. 2, CP) si l'État concerné les a déclarés invalides et a donné son accord au signalement. Les signalements dans le SIS sont effectués conformément à l'art. 38 de la décision 2007/533/JAI (SIS II)36, qui prévoit expressément le signalement des documents d'identité tels que les passeports, les cartes d'identité, les permis de conduire, les titres de séjour et les autres documents de voyage délivrés qui ont été volés, détournés, égarés ou invalidés.

Al. 6:
afin d'empêcher aussi efficacement que possible qu'une personne quitte le territoire, il est autorisé de mettre sous séquestre les billets de voyage (par ex. billets d'avion ou de train), outre les documents d'identité. fedpol, l'AFD, le Corps des gardes-frontière (Cgfr) et la police cantonale peuvent de plus demander aux entreprises de transport de déclarer invalides des billets électroniques déterminés.

Al. 7: lorsqu'il y a péril en la demeure, une saisie immédiate des documents d'identité et des billets de voyage est envisageable tout particulièrement lorsque le terroriste potentiel s'apprête à quitter la Suisse.

36

Décision 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), JO L 205 du 7.8.2007, p. 63; RS 0.362.380.007

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Al. 8: une attestation de nationalité et d'identité sert à prouver la nationalité suisse et l'identité de son porteur, en particulier dans les démarches juridiques auprès des autorités et d'autres tiers. Pour les ressortissants étrangers, l'attestation d'identité peut servir à attester l'identité, mais non la nationalité. Le fait que la personne n'est pas autorisée à quitter la Suisse doit être mentionné sur le document. La personne concernée frappée d'une interdiction de quitter le territoire doit pouvoir continuer à exercer tous ses autres droits civils.

Art. 23o

Assignation à une propriété: principes

Pour empêcher les activités terroristes, il sera possible de prononcer des assignations à une propriété. L'art. 23o P-LMSI en établit les principes, tandis que la procédure à suivre est réglée dans un article séparé, l'art. 23p P-LMSI.

Divers participants à la consultation ont mis en doute la compatibilité de l'assignation à une propriété avec l'art. 5 CEDH. La Cour européenne des droits de l'homme fait une distinction entre restriction et privation de la liberté selon le niveau et l'intensité de la restriction. En règle générale, la mesure de police préventive qu'est l'assignation à une propriété au sens de l'art. 23o P-LMSI peut tomber dans le champ d'application de l'art. 5 CEDH parce que selon les circonstances propres à chaque cas, il s'agit d'une privation de liberté et non d'une restriction de la liberté 37.

Selon l'art. 5, par. 1, let. b, CEDH, une privation de liberté est admissible «en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi». Cela ne couvre pas la privation de liberté prononcée dans le seul but d'assurer la sécurité publique ou afin qu'une personne respecte les règles légales générales de maintien de la sécurité et de l'ordre public. Il s'agit plutôt d'imposer certaines obligations légales spécifiques clairement circonscrites; une privation de liberté n'est compatible avec l'art. 5, par. 1, let. b, CEDH que si elle est destinée à inciter une personne à respecter une obligation légale spécifique38. L'art. 23o, al. 1, let. b, P-LMSI cite expressément les obligations légales dont le respect doit être assuré par l'assignation à une propriété.

La privation de liberté découle du non-respect d'une mesure de police préventive ordonnée en vertu des art. 23k à 23n P-LMSI ­ et est ainsi liée à des obligations spécifiques, clairement circonscrites. Ces dernières constituent une obligation légale

37

38

Une assignation à résidence de six jours dans l'appartement de la personne a été qualifiée de privation de liberté par la Cour européenne des droits de l'homme ­ «The Court observes [...] that house arrest constitutes a genuine deprivation, not a mere restriction, of liberty»; jugement Dacosta Silva du 2 novembre 2006 rendu contre l'Espagne (n° 69966/01), n. 42.

Cf. ATF 137 I 31 consid. 74 p. 51 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, en particulier le jugement du 1er juillet 1961 en la cause Lawless contre l'Irlande (n° 332/57), n. 9.

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au sens de l'art. 5, par. 1, let. b, dernière phrase, CEDH, concrétisée par une décision39.

En matière d'assignation à une propriété, il y a d'autres dispositions de droit international public à respecter. Selon l'art. 36, par. 1, let. a, de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires40, les fonctionnaires consulaires doivent avoir la liberté de communiquer avec les ressortissants de l'État d'envoi et de se rendre auprès d'eux. Les ressortissants de l'État d'envoi doivent avoir la même liberté de communiquer avec les fonctionnaires consulaires et de se rendre auprès d'eux.

Al. 1, let. a: une assignation à une propriété doit dépendre de strictes conditions. Elle n'entre en ligne de compte que lorsque des indices concrets et actuels existent selon lesquels la personne concernée constitue une menace considérable pour la vie ou l'intégrité corporelle de tiers qui ne peut être écartée d'une autre manière. Une menace considérable pour la vie ou l'intégrité corporelle se présente par exemple lorsque le terroriste potentiel: ­

a été condamné pour une ou plusieurs infractions liées à un attentat terroriste et que l'on doit partir du principe qu'aucun changement d'idéologie ne s'est produit lors de l'exécution des peines ou des mesures;

­

s'est déjà servi d'armes ou d'explosifs pour donner plus de poids à ses menaces;

­

a séjourné à l'étranger à des fins terroristes, ou

­

a commis des actes de violence à plusieurs reprises par le passé.

L'assignation à une propriété n'exclut pas que d'autres mesures soient prononcées simultanément. La personne concernée peut par exemple être tenue de participer à des entretiens avec un professionnel conformément à l'art. 23k P-LMSI et peut se voir interdire, en vertu de l'art. 23l P-LMSI, d'entrer en contact, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, avec certaines personnes ou avec des groupes de personnes déterminés ou d'entretenir des contacts existants.

Al. 1, let. b: l'assignation à une propriété ne peut s'appliquer que lorsqu'une ou plusieurs mesures prononcées en vertu des art. 23k à 23n P-LMSI n'ont pas été respectées. C'est par exemple seulement lorsque l'interdiction géographique concernant un périmètre déterminé en vertu de l'art. 23m P-LMSI a été enfreinte que l'assignation à une propriété peut être prononcée.

Les conditions visées aux let. a et b sont cumulatives.

39

40

Cf. ATF 137 I 31 consid. 7.4 ss, p. 51 ss: dans cette décision, le Tribunal fédéral estime que la garde à vue policière de houligans est compatible avec l'art. 5, par. 1, let. b, dernière phrase, CEDH car elle doit être précédée d'une interdiction de périmètre, qui s'est révélée inefficace parce qu'elle n'a pas été respectée ou parce que la personne concernée ne souhaite pas s'y tenir. L'interdiction de périmètre constitue donc selon lui le point de départ et la base sur laquelle la garde à vue est envisagée; elle constitue une obligation légale concrète au sens de l'art. 5, par. 1, let. b, dernière phrase, CEDH prononcée dans une décision [...].

RS 0.191.02

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Al. 2: l'autorité requérante doit désigner la propriété à laquelle devra être assignée la personne concernée. L'assignation se fait en priorité au lieu d'habitation actuel, à savoir la propriété utilisée comme domicile par le terroriste potentiel (au sens d'une «assignation à résidence»). Une assignation est toutefois aussi possible à une propriété dans laquelle la personne concernée séjourne volontairement ou sur ordre des autorités (durablement ou temporairement) pour y recevoir des soins médicaux ou un autre traitement. Il peut s'agir d'une propriété (privée ou publique) comme un établissement médico-social, un hôpital ou une clinique. Une fois que le but du traitement ou des soins a été atteint et qu'un retour dans le lieu d'habitation habituel est indiqué, l'assignation doit être adaptée en conséquence. La personne peut exceptionnellement faire l'objet d'une assignation à une propriété dans laquelle elle ne séjournait pas régulièrement au moment de son assignation et qui ne correspond donc pas à son environnement de séjour et de domicile actuel (appartement loué, foyer, auberge, institution de soin, etc.). La condition est toutefois que les risques que représente la personne concernée ne puissent être efficacement écartés autrement. Par exemple, parce que le risque existe, dans son lieu d'habitation habituel, que les autres personnes qui y résident soient influencées par une idéologie susceptible de favoriser la commission d'activités terroristes; ou parce que l'appartement du terroriste potentiel se trouve à proximité de lieux menacés (aéroports, lieux de grands rassemblements, etc.). La propriété ou l'institution doit toutefois offrir des conditions de vie comparables à un logement (normal) lui permettant de s'organiser lui-même et d'assumer ses responsabilités. Il doit en particulier avoir accès à la télévision, à la radio et à Internet, pouvoir cuisiner, assurer ses soins corporels et protéger sa sphère privée.

Al. 3 et 4: ces deux alinéas servent le principe de proportionnalité. fedpol peut autoriser des dérogations à l'assignation à une propriété pour des motifs importants. Ils établissent en outre expressément que les contacts avec le monde extérieur et la vie sociale ne peuvent être limités que dans la mesure où cela est indispensable à l'exécution de la mesure. Avant que soit accordée
une dérogation, les autorités impliquées, à savoir le canton concerné et le SRC (cf. art. 23j, al. 1, P-LMSI), doivent être consultés.

Al. 5: l'assignation à une propriété est prononcée pour trois mois au plus. Cette mesure peut être prolongée à deux reprises, chaque fois de trois mois au plus. La fixation d'une durée maximale vise à empêcher que l'assignation à une propriété devienne une mesure d'une durée disproportionnée. Contrairement à d'autres mesures visées à la section 5, le prononcé d'une autre assignation envers la même personne est exclue (cf. le commentaire de l'art. 23g P-LMSI).

Art. 23p

Assignation à une propriété: procédure

Al. 1: fedpol soumet immédiatement la mesure prononcée au tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne pour qu'il en examine la légalité et l'adéquation. La solution choisie, à savoir une mesure prononcée par fedpol avec approbation ultérieure du tribunal, doit permettre d'assurer que la menace considérable qui ne peut être écartée d'une autre manière selon l'art. 23o, al. 1, let. a P-LMSI représentée par la personne à assigner puisse être combattue immédiatement au moyen d'une mesure entraînant une privation de liberté. Le tribunal des mesures de contrainte a été choisi 4585

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comme instance d'autorisation parce qu'il dispose de l'expérience nécessaire dans le domaine des mesures de contrainte (importantes pour les droits fondamentaux). La demande contient en particulier des informations sur le type et l'ampleur de la menace, sur le non-respect des mesures prononcées jusqu'à présent (cf. art. 23o, al. 1, let. b, P-LMSI) et sur les autres circonstances ayant une importance pour l'évaluation de la proportionnalité. Le tribunal des mesures de contrainte statue immédiatement, mais au plus tard dans les 48 heures suivant la réception de la demande.

L'al. 2 règle la manière de procéder lorsque fedpol estime qu'une prolongation de l'assignation à une propriété est nécessaire. Pour empêcher que l'assignation prenne fin avant que le tribunal des mesures de contrainte ait décidé de la prolongation, le tribunal peut ordonner de maintenir provisoirement la mesure jusqu'à ce qu'il ait statué. Le délai de 48 heures mentionné à l'al. 1 ne s'applique pas dans le cas d'une décision de prolongation.

L'al. 3 règle l'indemnisation du tribunal des mesures de contrainte. Elle est fixée conformément à l'art. 65, al. 4, de la loi du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales (LOAP)41.

Al. 4: le terroriste potentiel peut en tout temps adresser à fedpol une demande de levée de la mesure (art. 23f, al. 4, P-LMSI). fedpol transmet cette demande au tribunal des mesures de contrainte au plus tard dans les trois jours en y joignant le dossier et une prise de position motivée, si la demande doit être rejetée.

Al. 5: fedpol met un terme à l'assignation à une propriété dès que les conditions de son prononcé n'existent plus, par exemple lorsque la personne concernée ne constitue plus une menace considérable pour des tiers en raison des mesures sociales, intégratives ou thérapeutiques qui ont été appliquées avec un suivi. L'assignation doit de plus prendre fin lorsque le tribunal des mesures de contrainte s'oppose au prononcé ou à la prolongation de la mesure et, enfin, lorsque fedpol ou le tribunal des mesures de contrainte donne une suite favorable à la demande de levée de la mesure.

Art. 23q

Surveillance électronique et localisation par téléphonie mobile

Pour exécuter les mesures visées aux art. 23l à 23o P-LMSI, il peut être nécessaire que l'autorité chargée de l'exécution puisse suivre les déplacements de la personne concernée et déterminer son emplacement («surveillance du lieu de séjour»). Cela permet notamment de vérifier plus facilement si la personne concernée respecte l'interdiction géographique ou l'assignation à une propriété (art. 23m et 23o P-LMSI). Cette surveillance fournit aussi des indices confirmant que le terroriste potentiel respecte l'interdiction de contact visée à l'art. 23l P-LMSI, qui lui interdit de rencontrer des personnes déterminées. Si plusieurs personnes font l'objet d'une interdiction de contact réciproque, une «zone interdite dynamique» peut en outre être mise en place: les deux personnes sont équipées d'un dispositif technique qui enregistre quand elles se rapprochent l'une de l'autre. La surveillance électronique et la localisation par téléphonie mobile sont appliquées en vertu d'une décision rendue 41

RS 173.71

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FF 2019

par fedpol à la demande d'une autorité (art. 23j P-LMSI). Leur exécution revient toutefois à l'autorité chargée de l'exécution des mesures visées aux art. 23l à 23o P-LMSI, généralement l'autorité cantonale (art. 23r P-LMSI). Ni la surveillance électronique ni la localisation par téléphonie mobile ne sont soumises à l'accord d'un juge. Les deux mesures sont appliquées à la connaissance de la personne concernée. L'intensité de ces mesures ne se compare pas à l'intensité d'une mesure de surveillance secrète.

L'al. 1 prévoit deux manières de déterminer l'emplacement et le lieu de séjour d'une personne: premièrement, le fait de prononcer une surveillance électronique (on parle aussi de «surveillance électronique du lieu de séjour», ou, plus communément, de «bracelet électronique»); deuxièmement, la localisation par téléphonie mobile. Le recours à la surveillance électronique et à la localisation par téléphonie mobile peut être ordonné à la condition que les autres moyens et mesures de contrôle se soient révélés inefficaces ou que les mesures visées aux art. 23l à 23o n'auraient aucune chance d'aboutir ou seraient excessivement difficiles en l'absence de surveillance électronique ou localisation par téléphonie mobile. L'exécution des mesures est excessivement difficile par exemple lorsqu'elle requiert des ressources considérables en personnel. Ces limitations permettent de tenir compte du principe de proportionnalité et établissent clairement que la surveillance du lieu de séjour, qui est une atteinte à l'art. 13, al. 2, Cst., se fonde sur des motifs particuliers. L'exigence encore mentionnée dans le projet envoyé en consultation selon laquelle la mesure doit se justifier au regard de la gravité de la situation a été abandonnée: cette exigence ne représente pas une réelle limitation, d'autant plus qu'une mesure visée aux art. 23l à 23o ne peut de toute façon être ordonnée qu'à l'encontre de personnes représentant une menace terroriste.

L'al. 2 règle l'installation de dispositifs électroniques de surveillance. Les dispositifs électroniques peuvent être fixés sur le corps, en particulier attachés aux chevilles ou aux poignets. Cela signifie que pour ouvrir le dispositif électronique, il faut le forcer.

Mais il est aussi prévu d'équiper la personne concernée d'un émetteur qui ne soit pas fixé sur le
corps. Dans ce cas, cette personne est tenue d'avoir constamment l'appareil à portée de main en état de fonctionnement. Il lui est en outre interdit de manipuler le dispositif de manière à en limiter le fonctionnement. Il ne peut certes pas être entièrement exclu que ces obligations ne soient pas respectées, mais la peine encourue (art. 29a P-LMSI) peut avoir tout au moins un effet préventif. Cette disposition est neutre sur le plan technologique. Il est en particulier autorisé de procéder à une surveillance par satellite au moyen du GPS. L'utilisation de dispositifs électroniques de surveillance comprend aussi l'installation d'un récepteur satellite ou d'un appareil de base au domicile de la personne concernée, ce récepteur ou cet appareil pouvant communiquer avec celui qui est porté. Il a été décidé qu'il n'y aurait pas de surveillance permanente en temps réel du lieu de séjour et des déplacements (surveillance active), ce que les participants à la consultation ont approuvé. Ce type de surveillance n'est pas encore fiable techniquement et s'accompagne de coûts considérables. Les données relatives aux déplacements enregistrées lors de la surveillance électronique ne peuvent ainsi être exploitées qu'a posteriori. Cependant, les autorités possèdent ainsi un moyen important leur permettant de vérifier si les mesures ordonnées sont respectées, par exemple l'assignation à une propriété. En outre, le fait que le terroriste potentiel sait que ses mouvements sont enregistrés devrait à lui 4587

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seul déployer des effets préventifs, d'autant que les infractions à une interdiction géographique ou une interdiction de contact sont punissables (art. 29a P-LMSI).

À l'al. 3, l'autorité visée à l'art. 23r P-LMSI chargée de l'exécution est explicitement autorisée à exiger les données secondaires de télécommunication nécessaires à la localisation d'un appareil de téléphonie mobile. Il s'agit en premier lieu des données concernant l'identification cellulaire (Cell-ID), qui permet une localisation approximative. Le Service de surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (Service SCPT) garantit à l'autorité compétente un accès en ligne aux données collectées durant la procédure concernée (art. 9 de la loi fédérale du 18 mars 2016 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication [LSCPT]42). Si une localisation par téléphonie mobile est ordonnée à l'encontre d'une personne, celle-ci doit en permanence porter sur elle l'appareil de téléphonie mobile en question en état de fonctionnement, c'est-à-dire allumé, afin que la localisation soit assurée.

Les buts de traitement autorisés sont précisés exhaustivement à l'al. 4. La surveillance sert en premier lieu à l'exécution des mesures visées aux art. 23l à 23o P-LMSI (let. a), par exemple pour constater si une personne respecte la décision d'interdiction géographique. Les données peuvent en outre être utilisées pour poursuivre des infractions (let. b). Il ne doit pas forcément s'agir d'infractions terroristes (cf. ch. 1.1), mais dans tous les cas d'un crime ou d'un délit grave (pour la définition, cf. le commentaire de l'art. 3a P-LOC). La précision «selon le droit de procédure applicable» établit que les données relevées en vertu de l'art. 23q ne peuvent être utilisées dans une procédure pénale que dans la mesure où elles auraient pu être collectées conformément aux règles de procédure pénale applicables en la matière (art. 269 ss et 280 s. CPP; art. 70 ss et 71 ss de la procédure pénale militaire du 23 mars 1979 [PPM]43) De même, les données peuvent être utilisées pour prévenir une mise en danger (let. c): d'une part, pour identifier une menace, d'autre part, afin de pouvoir rapidement localiser le terroriste potentiel. Les indices signalant une menace peuvent par exemple prendre la forme d'une infraction à une
interdiction géographique. Le traitement est également autorisé lorsqu'il existe des signes selon lesquels la personne pourrait se mettre gravement en danger elle-même (par ex.

intentions de suicide) et si rien n'indique que la personne s'expose volontairement au danger. Enfin, les données peuvent être traitées pour vérifier et assurer le bon fonctionnement des moyens techniques (let. d). Les buts de traitement autorisés sont ainsi clairement circonscrits.

Selon l'al. 5, les données collectées durant une surveillance électronique doivent être détruites au plus tard après 100 jours sauf s'il existe des indices concrets selon lesquels elles peuvent être utilisées dans une procédure pénale comme moyens de preuve en cas d'infraction commise par le terroriste potentiel. L'effacement des données secondaires relevées à des fins de localisation par téléphonie mobile est régi par l'art. 11, al. 4ter, P-LSCPT (cf. le commentaire de l'art. 11, al. 4ter, P-LSCPT).

Selon l'al. 6, les personnes autorisées à traiter les données doivent être explicitement désignées. Le cercle des personnes ayant accès à des données délicates sous l'angle 42 43

RS 780.1 RS 322.1

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des droits fondamentaux sera ainsi réduit et les responsabilités seront clairement attribuées. La notion de traitement doit être comprise au sens large et porte sur toute opération relative à des données personnelles quels que soient les moyens et procédés utilisés (cf. art. 3 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données [LPD]44). Les données relevées doivent en outre être protégées contre toute utilisation abusive. La responsabilité en la matière revient à l'autorité compétente chargée de l'exécution des mesures conformément à l'art. 23r.

Art. 23r

Exécution des mesures

L'al. 1 établit clairement que les cantons sont responsables de l'exécution des mesures ordonnées par fedpol. Les compétences propres d'exécution de fedpol dans le domaine de l'interdiction de quitter le territoire visée à l'art. 23n P-LMSI sont réservées. Conformément à l'al. 2, fedpol fournit une assistance sur les plans de l'administration et de l'exécution. Il est ainsi tenu compte du souci exprimé par plusieurs cantons lors de la consultation quant au soutien que doit leur apporter la Confédération lors de l'exécution des mesures. Cela devient particulièrement important en cas de menace dépassant les frontières cantonales et nationales. L'al. 3 prévoit que les autorités chargées d'exécuter les mesures peuvent faire usage de la contrainte ou de mesures policières. S'agissant des autorités fédérales, c'est la LUsC qui s'applique (art. 2, al. 1, let. a, LUsC; en particulier pour écarter un danger ou séquestrer des objets); s'agissant des autorités cantonales, ce sont les dispositions des lois cantonales sur la police qui sont applicables.

Art. 24a, al. 7, 1re phrase, et 9 Il s'agit ici d'une modification d'ordre purement rédactionnel: le droit en vigueur octroie à l'Observatoire suisse du hooliganisme (observatoire) un accès aux informations relatives aux actes de violence commis lors de manifestations sportives. Étant donné que cet observatoire n'existe plus, la mention de l'accès en ligne aux al. 7 et 9 doit être supprimée. De même, on parle désormais de l'Administration fédérale des douanes et plus des «autorités douanières». En outre, le renvoi à la base légale concernant cette communication d'informations à l'étranger est modifié à l'al. 9: l'art. 24a, al. 9, LMSI en vigueur contient un renvoi à l'art. 17, al. 3 à 5, LMSI. Ces dispositions font cependant partie des normes de la LMSI qui ont été abrogées par l'entrée en vigueur de la LRens. La réglementation de l'art. 17, al. 3 à 5, LMSI se trouve aujourd'hui à l'art. 61, al. 1, 2, 5 et 6, LRens. Conformément à l'art. 24a, al. 9, P-LMSI, ces normes sont applicables par analogie à la communication d'informations.

Art. 24c, al. 1, let. a, et 5 Cette disposition ne concerne que les personnes à l'encontre desquelles une mesure a été prononcée pour des actes de violence commis à l'occasion de manifestations sportives. Elle doit être renforcée comme suit: en vertu du droit en vigueur, une personne frappée d'une interdiction de périmètre peut se voir interdire, pendant une 44

RS 235.1

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période donnée, de quitter la Suisse pour se rendre dans un pays précis. Cette disposition devra à l'avenir aussi être appliquée lorsqu'une obligation de se présenter au sens de l'art. 6 du Concordat du 15 novembre 2007 instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives aura été prononcée. On a constaté que la référence à la seule interdiction de périmètre était insuffisante et ne permettait pas d'empêcher, à des fins de sécurité, les houligans violents de quitter le territoire pour suivre des manifestations sportives à l'étranger.

À l'al. 5, 2e phrase, l'observatoire, qui n'existe plus, est supprimé (cf. le commentaire de l'art. 24a, al. 7, 1re phrase, et 9).

Art. 24f

Âge

Les mesures visées aux art. 23k à 23n, 23q et 24c P-LMSI ne peuvent être ordonnées qu'à l'encontre de personnes âgées d'au moins 12 ans. La mesure visée à l'art. 23o P-LMSI ne peut être ordonnée qu'à l'encontre de personnes âgées de 15 ans révolus.

Des limites d'âge sont ainsi clairement fixées, ce qui permet de tenir compte du fait que des mineurs peuvent tout aussi bien représenter une menace terroriste. Les plus jeunes personnes parties de Suisse à des fins terroristes étaient âgées de 15 et de 16 ans au moment de leur départ. En 2017, la police française a arrêté un adolescent de 13 ans dans la banlieue de Paris (Vitry-sur-Seine) après qu'il eut fait allégeance à l'État islamique via le service de messagerie Telegram. Il était sur le point de commettre un attentat. En 2016, une sympathisante de l'EI âgée de 15 ans a planté un couteau dans le cou d'un policier à la gare de Hanovre lors d'un contrôle. Le bien et les droits de l'enfant doivent toutefois continuer à être garantis au sens de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant45 et de l'art. 11 Cst. et doivent primer lors de la pesée des intérêts. Dans le cas d'enfants, il convient d'examiner les mesures de protection de l'enfant qui permettent d'atteindre le but visé.

Art. 24g

Voies de droit

Cette disposition règle le droit de recours, les destinataires de la décision et les cantons et communes requérants. Elle régit également la qualité pour recourir de fedpol contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte.

Les al. 1 et 2 introduisent une disposition concernant les voies de droit permettant de recourir contre les mesures visées aux sections 5 et 5a. En outre, une disposition commune concernant l'effet suspensif du recours contre les décisions visées aux sections 5 et 5a a été introduite (al. 3).

La personne concernée (al. 2, 1re phrase) et l'autorité requérante cantonale ou communale (al. 2, let. a) peuvent faire recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre les décisions de fedpol qui concernent des mesures visées aux sections 5 et 5a. Un recours de l'autorité requérante cantonale ou communale peut notamment se fonder sur le fait que fedpol ne donne pas suite à la demande de mesures, n'y donne que partiellement suite ou accorde ou refuse une dérogation (art. 23m, al. 2, et 23o, 45

RS 0.107

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FF 2019

al. 3). La procédure est régie par les dispositions générales sur la procédure fédérale ou par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)46.

Les exceptions prévues aux art. 32, al. 1, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral47 et 83, let. a, de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral48 ne s'appliquent pas dans le cas présent, car il ne s'agit pas de décisions revêtant un caractère politique prépondérant. Les décisions du tribunal des mesures de contrainte peuvent faire l'objet d'un recours devant le Tribunal administratif fédéral. fedpol a aussi qualité pour recourir (al. 2, let. b).

Al. 3: le recours contre une décision portant sur les mesures prévues dans cette loi n'a pas d'effet suspensif. Cette approche permet de tenir compte du fait qu'il est généralement indiqué d'agir rapidement et sans délai contre les terroristes potentiels eu égard à la menace qu'ils représentent. Le retrait de l'effet suspensif répond ainsi à un intérêt public supérieur. Le juge instructeur de l'autorité de recours peut accorder l'effet suspensif d'office ou à la demande d'une partie lorsqu'il ne compromet pas le but de la mesure.

Art. 29a

Violation des mesures visées aux art. 23k à 23q

Le non-respect d'une mesure administrative ordonnée selon les art. 23l à 23q doit être puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). La peine encourue en cas de violation d'une expulsion prononcée par fedpol (rupture de ban) se trouve à l'art. 291 CP et, en cas de non-respect de l'interdiction géographique prononcée en vertu du droit sur les étrangers, à l'art. 119 LEI. Le fait de faciliter qu'une personne en Suisse ou à l'étranger ne respecte pas la mesure, de l'y encourager ou de la soutenir doit aussi être sanctionné. Si le délinquant agit par négligence, la peine est l'amende (al. 2). Les violations d'une mesure visée à l'art. 23k (obligation de se présenter et de participer à des entretiens) sont également punissables, mais ne représentent que des contraventions (al. 3). Les dispositions du droit pénal des mineurs s'appliquent aux mineurs.

Art. 29b

Action pénale

La poursuite et le jugement des infractions visées à l'art. 29a P-LMSI sont soumis à la juridiction fédérale. Cela se justifie car c'est une autorité fédérale qui a rendu les décisions concernant les mesures concernées, qui, en outre, relèvent du domaine du terrorisme.

46 47 48

RS 172.021 RS 173.32 RS 173.110

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FF 2019

2. Loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration49 Art. 31, al. 3 En vertu des art. 17 et 18 de la Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides50, les États contractants accordent aux apatrides se trouvant régulièrement sur leur territoire un traitement aussi favorable que possible et, de toute façon, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé, dans les mêmes circonstances, aux étrangers en général, en ce qui concerne l'exercice d'une activité professionnelle salariée (art. 17) ou non salariée dans l'agriculture, l'industrie, l'artisanat et le commerce, ainsi que la création de sociétés commerciales et industrielles (art. 18).

Depuis la modification du 14 décembre 2018 de la LEI51, les apatrides reconnus doivent avoir la possibilité d'exercer une activité lucrative, de manière analogue aux réfugiés reconnus52. Cette possibilité doit aussi être donnée aux personnes sous le coup d'une expulsion pénale obligatoire non exécutable.

Les personnes sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable doivent bénéficier du même traitement (concernant l'égalité de traitement, cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI). C'est pourquoi il est proposé que les apatrides sous le coup d'une expulsion entrée en force mais non exécutable puissent désormais eux aussi exercer une activité lucrative.

Si, contre toute attente, la modification du 14 décembre 2018 de la LEI devait entrer en vigueur après le présent projet, il faudra édicter des règles de coordination adéquates (il en va de même pour ce qui est des art. 86, al. 1bis, let. b et d, et 87, al. 1, let. d, P-LEI, commentés ci-après).

Art. 75, al. 1, phrase introductive, let. a et i, 76, al. 1, let. b, ch. 1, et 76a, al. 2, let. j Remarques liminaires sur le renvoi des étrangers criminels S'agissant du renvoi d'étrangers criminels, la situation actuelle est la suivante: en 2018, le SEM a enregistré 6137 départs par voie aérienne, dont 1365 départs autonomes et 4772 rapatriements selon l'art. 28, al. 1, de l'ordonnance du 12 novembre 2008 sur l'usage de la contrainte53. Pour 560 des personnes à rapatrier, une escorte policière jusqu'au pays de destination a été nécessaire (et pour 214 d'entre elles dans le cadre d'un vol spécial). Le taux d'annulation
et de modification des réservations s'est monté l'an passé à 30,8 %. Au total, le départ déjà organisé de 2731 personnes a dû être annulé ou modifié. Les trois principales raisons des annulations représentent presque deux tiers d'entre elles et concernent des personnes: ­

49 50 51 52 53

qui sont passées à la clandestinité ou ne se présentent pas à l'aéroport (26,3 %; 719 personnes); RS 142.20 RS 0.142.40 FF 2018 1755 FF 2018 1673 1719 RS 364.3

4592

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­

pour lesquelles un arrêt de l'exécution du renvoi a été prononcé (17,2 %; 470 personnes);

­

qui, une fois à l'aéroport, refusent de partir de manière autonome (14,1 %; 386 personnes).

Les autres raisons expliquant pourquoi un renvoi n'a pas (encore) pu être exécuté sont nombreuses. Le Conseil fédéral a pris position à ce sujet dans le cadre de l'interpellation 16.3714 Steinemann «Échec des renvois. Chiffres et motifs». Concernant les expulsions prononcées par fedpol en vertu de l'art. 68 LEI pour maintenir la sécurité intérieure ou extérieure, la remarque suivante peut être faite: en 2018, cinq expulsions ont été prononcées (toutes en rapport avec le terrorisme). Deux d'entre elles n'ont pas pu être exécutées en raison d'un motif d'empêchement (nonrefoulement). En 2017, sur les treize expulsions prononcées (toutes en rapport avec le terrorisme), deux n'ont pas pu être exécutées en raison d'un motif d'empêchement (non-refoulement).

Si un rapatriement de niveau d'exécution 1 (escorte policière jusqu'à l'avion suivie d'un départ sans escorte sur un vol de ligne) échoue, la possibilité d'une exécution de niveau 2/3 (escorte policière sur un vol de ligne jusqu'au pays de destination) est examinée. Un vol spécial peut être organisé en dernier ressort afin de garantir le départ sous escorte (niveau d'exécution 4). Les cantons chargés de l'exécution des renvois ont en outre la possibilité, en vertu des art. 73 ss LEI, d'ordonner des mesures de contrainte telles que la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion.

En 2018, un départ par vol de ligne a coûté 904 francs en moyenne par personne, cette somme comprenant aussi les coûts de vol d'éventuels accompagnants policiers ou médicaux. Pour les vols spéciaux, les coûts se so nt montés à 14 896 francs par personne en moyenne. Notons toutefois ici que chaque année, 1,5 million de francs environ des coûts de vols spéciaux sont remboursés par l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex), soit, en 2018, pratiquement la moitié des coûts totaux des vols spéciaux (3 187 652 francs). Pour les rapatriements, s'ajoutent en plus les coûts de l'escorte policière selon l'art. 58 de l'ordonnance 2 du 11 août 1999 sur l'asile54. Par ailleurs, en vertu de l'art. 11a, al. 3, de l'ordonnance du 11 août 1999 sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE) 55, la Confédération verse aux autorités aéroportuaires une indemnité forfaitaire pour l'accueil de personnes à l'aéroport et le transport sous escorte policière de
personnes à embarquer. Elle prend en outre en charge les coûts afférents à l'accompagnement médical (art. 11a, al. 4, OERE). S'agissant de la détention administrative ordonnée en vertu du droit des étrangers, la Confédération participe aux frais d'exploitation à raison d'un forfait journalier (art. 82, al. 2, LEI). Notons que dans le domaine des étrangers ­ contrairement au domaine de l'asile ­, les frais de départ et d'exécution des renvois sont à la charge intégrale des cantons.

En Suisse, la législation sur l'asile et sur les étrangers est appliquée de manière fédéraliste. En vertu de l'art. 46 LAsi et de l'art. 69 LEI, c'est aux cantons d'exécuter les renvois. Du fait de cette compétence cantonale, les pratiques diffèrent.

Le SEM publie une fois par an un suivi de l'exécution des renvois (art. 46, al. 3, 54 55

RS 142.312 RS 142.281

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LAsi), lequel fournit entre autres des renseignements sur le nombre de cas d'exécution par canton (classement par phase d'exécution).

Pour ce qui est de la coopération avec des pays tiers européens dans le domaine des retours, la Suisse a considérablement renforcé sa coopération avec Frontex depuis 2014 (cf. avis du Conseil fédéral concernant la motion 17.3800 Romano). Si, en 2013, elle n'a participé qu'à trois vols communs de l'UE (pour six personnes à renvoyer) coordonnés et financés par Frontex, c'étaient 22 vols (pour 82 personnes à renvoyer) l'an passé, dont sept organisés par elle.

Adaptations au vu des personnes menaçant la sécurité intérieure ou extérieure Un motif supplémentaire de détention, celui de la menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, est créé pour les cas de détention en phase préparatoire (art. 75 LEI) et de détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 76 LEI). Une modification est également apportée concernant la détention dans le cadre de la procédure Dublin (art. 76a P-LEI): l'information selon laquelle la personne concernée représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse compte désormais comme élément concret faisant craindre qu'elle entend se soustraire à l'exécution du renvoi (al. 2, let. j).

La notion de menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse recouvre essentiellement la mise en danger de la primauté du pouvoir étatique dans les domaines militaire et politique, notamment par des actes relevant du terrorisme ou de la criminalité organisée56. Dans le cadre de la procédure de consultation, certains participants avaient demandé que la notion de menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse soit définie de manière exhaustive. Il y est toutefois renoncé ici. La LEI renvoie dans plusieurs de ses dispositions à une menace pour la «sécurité intérieure ou extérieure» sans en donner de définition légale. La description faite dans le message et la jurisprudence dessine suffisamment clairement les contours de la notion de sécurité intérieure ou extérieure pour le droit des étrangers.

La mise en danger de la sécurité intérieure ou extérieure doit s'appuyer sur des informations ou sur l'appréciation de fedpol et du SRC, par exemple dans le cadre d'une décision d'expulsion déjà rendue ou
d'un rapport officiel. L'objectif est ainsi de garantir que l'hypothèse d'une menace soit, dans le cas d'espèce, confirmée par des informations dont dispose une autorité fédérale compétente en la matière.

Le nouveau motif de détention permet de combler des lacunes existant dans la loi.

Selon la réglementation actuelle, une personne peut certes être mise en détention si elle menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif; il en va de même si elle a été condamnée pour crime (art. 75, al. 1, let. g et h; art. 76, al. 1, let. b, ch. 1 en relation avec l'art. 75, al. 1, let. g et h; art. 76a, al. 2, let. g et h, LEI). Or les personnes qui ne sont pas (encore) poursuivies pénalement ni condamnées et qui doivent quitter la Suisse sont elles aussi susceptibles de constituer une menace concrète et considérable. Le rattachement à une poursuite pénale ou à une condamnation n'est alors pas suffisant, ce qui vaut particulièrement pour les terroristes potentiels. Dans de tels cas graves, une détention 56

Cf. en détail FF 2002 3469 3569; ATAF 2013/3 consid. 4.2.1 et 5.1.

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doit être possible sans que la personne fasse obligatoirement l'objet d'une poursuite pénale ou d'une condamnation. Il peut arriver aussi dans certains cas qu'un terroriste potentiel puisse déjà être placé en détention en vertu de l'art. 76, al. 2, let. b, ch. 3 et 4 (risque de passage à la clandestinité). Il n'est cependant nullement garanti que les conditions citées à l'art. 76, al. 1, let. b, ch. 3 et 4, et requises par la jurisprudence qui permettent d'admettre le risque que le terroriste potentiel passe à la clandestinité soient remplies dans tous les cas. La jurisprudence admet un risque de fuite au sens de l'art. 76, al. 1, let. b, ch. 3 et 4, lorsque l'étranger est déjà passé à la clandestinité auparavant, lorsqu'il tente, en donnant des indications manifestement fausses ou contradictoires, de contrecarrer les démarches prises pour exécuter son renvoi ou lorsqu'il ressort clairement de ses propos ou de son comportement qu'il n'est pas disposé à rentrer dans son pays d'origine57. Afin de clarifier la situation et de tenir compte du principe de précision, la menace pour la sécurité intérieure ou extérieure est dorénavant considérée comme un élément concret au sens de l'art. 76a, al. 1, let. a, LEI faisant craindre que l'étranger concerné entend se soustraire à l'exécution du renvoi.

Le seul fait qu'une personne menace la sécurité intérieure ou extérieure ne suffit toutefois pas en soi pour ordonner une détention en vertu du droit des étrangers. Le nouveau motif de détention, ou le risque concret de passage à la clandestinité ou de fuite au sens de l'art. 76a, al. 1, let. a, LEI, sert les buts du droit des étrangers. Une détention doit ainsi permettre d'atteindre les buts de la détention en phase préparatoire ou en vue du renvoi ou de l'expulsion ou ceux de la détention dans le cadre de la procédure Dublin (réalisation d'une procédure ou garantie de son exécution). Une détention ne peut en outre être ordonnée qu'à la condition que l'exécution de la mesure d'éloignement est prévisible, c'est-à-dire juridiquement et effectivement possible. L'hypothèse d'une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure doit reposer sur des éléments suffisamment concrets.

Des participants à la consultation ont émis l'idée d'étendre la détention en phase préparatoire aux expulsions prononcées en vertu de
l'art. 68 LEI. En effet, dans de tels cas, il peut être nécessaire d'ordonner une détention en phase préparatoire: une personne qui ne dispose pas des autorisations citées à l'art. 75, al. 1, (autorisation de courte durée, de séjour ou d'établissement) peut aussi être expulsée. Il est donc désormais prévu expressément à l'art. 75, al. 1, let. i, que la détention est également admise pour préparer une procédure d'expulsion. Bien que la compétence de rendre les décisions en matière d'expulsion incombe à fedpol, la détention est, dans de tels cas aussi, ordonnée par l'autorité cantonale compétente. Autre nouveauté: la procédure d'expulsion est dorénavant mentionnée expressément à l'art. 75, al. 1, let. a.

Art. 81, al. 5 et 6 Le but de la détention en vertu du droit des étrangers est de préparer et de garantir l'exécution d'une procédure d'expulsion ou de renvoi. Or, dans le cadre d'une telle détention aussi, les autorités doivent pouvoir contrer toute menace pour la sécurité intérieure ou extérieure. La restriction de contact prévue à l'al. 5 n'obéit pas tant à un objectif relevant du droit des étrangers qu'à des considérations en matière de 57

ATF 140 II 1 consid. 5.3, p. 4

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police de sécurité. Selon la jurisprudence, le but de la détention prononcée en vertu du droit des étrangers ne requiert certes généralement pas de limitation du contact avec le monde extérieur ou avec d'autres personnes qui se trouvent également en détention en phase préparatoire et en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion, mais de telles limitations se justifient au cas par cas en présence de doutes concrets d'ordre sécuritaire58. Les nouveaux al. 5 et 6 créent la base légale permettant de mieux tenir compte des risques que représentent les terroristes potentiels incarcérés.

Une restriction voire une interdiction de contact (al. 5) peut être prononcée lorsque la personne représente une menace concrète pour la sécurité intérieure ou extérieure (let. a). On pense notamment à la tentative de radicaliser des codétenus, de renforcer la volonté de tiers de commettre des attentats terroristes ou de leur transmettre des plans et des connaissances visant à commettre de tels actes. La restriction de contact d'une personne peut s'appliquer non seulement à d'autres personnes détenues mais aussi à des personnes qui ne le sont pas si le risque d'une influence négative de sa part au sens précité existe. La simple éventualité que des tiers puissent être influencés de la sorte ne suffit pas pour prononcer une restriction de contact. Il faut que la menace soit concrète. Il convient par exemple d'examiner si des personnes susceptibles d'être influencées par une éventuelle tentative de radicalisation se trouvent dans l'entourage du détenu. Eu égard au principe de proportionnalité, il faut en outre examiner dans chaque cas l'ampleur à donner à la restriction de contact. Il peut suffire de limiter ou d'interdire les contacts avec certaines personnes seulement, ou de ne les autoriser avec certaines personnes que sous surveillance. Une interdiction pure et simple serait disproportionnée dans ces cas-là. Il est en outre nécessaire que la menace pour la sécurité intérieure ou extérieure soit étayée par des informations des autorités de police ou de poursuite pénale. Il peut s'agir par exemple des constatations faites par fedpol dans le cadre d'une décision d'expulsion rendue en vertu de l'art. 68 LEI ou dans un rapport officiel, d'informations tirées d'une instruction pénale en cours ou d'une condamnation pour
infractions de nature terroriste. La conclusion trop hâtive d'une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure est ainsi évitée. Enfin, la restriction de contact doit dans tous les cas reposer sur une nécessité (let. b), à l'instar de toute mesure étatique. Il convient en particulier d'examiner si la simple menace d'une restriction de contact déploie les effets escomptés et si le risque d'une radicalisation de tiers peut être écarté par des adaptations au niveau de l'exécution. On pourrait par exemple envisager une exécution en petits groupes composés de personnes qui ne sont pas sensibles aux tentatives de radicalisation ou un déplacement dans un autre centre de détention de la personne concernée. Le devoir de séparation visé à l'art. 81, al. 2, doit cependant toujours être pris en considération. Pour mettre en oeuvre l'interdiction de contact, un regroupement avec des personnes en détention préventive ou purgeant une peine n'est pas

58

ATF 122 I 222 consid. 2a/bb, p. 227; ATF 123 I 221 consid. I/4d, p. 228

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non plus admissible. Les personnes détenues en vertu du droit des étrangers doivent être placées dans des divisions séparées de celles des autres catégories de détenus59.

Si c'est nécessaire à la mise en oeuvre de la restriction de contact, l'autorité compétente peut en outre ordonner une détention cellulaire à l'encontre du détenu, c'est-àdire l'isoler de manière ininterrompue des autres détenus (al. 6). Les conditions de la détention cellulaire doivent être strictement définies, eu égard aux conséquences physiques et psychiques pouvant résulter de l'isolement. Des exigences élevées sont par ailleurs fixées concernant la proportionnalité des détentions cellulaires ordonnées. Une détention cellulaire n'est envisageable que pour les personnes représentant une menace concrète pour la sécurité intérieure ou extérieure et si cette menace s'appuie sur des informations des autorités de police ou de poursuite pénale. La mesure plus légère qu'est la restriction de contact doit aussi s'être révélée insuffisante pour écarter les risques d'une influence négative sur des tiers.

La restriction de contact et la détention cellulaire sont formulées de manière potestative. La menace pour la sécurité intérieure ou extérieure requiert également un examen au cas par cas pour s'assurer que les mesures sont véritablement nécessaires et admissibles au vu des circonstances. Il est par là aussi tenu compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle les besoins en sécurité doivent être examinés dans le cas d'espèce en fonction des besoins concrets60. Lors de la pesée des intérêts, de toute façon indispensable, il conviendra de prendre également en considération le fait que l'isolement peut avoir des répercussions négatives sur l'individu.

À l'inverse, le contact avec des personnes sans lien avec les milieux radicalisés peut éventuellement conduire à la déradicalisation souhaitée. Si le motif des mesures n'existe plus, celles-ci doivent être levées. L'interdiction de contact et surtout la détention cellulaire doivent en outre être réexaminées à intervalles réguliers.

La restriction de contact et la détention cellulaire sont ordonnées par l'autorité compétente; ces décisions doivent pouvoir être examinées par une autorité judiciaire.

S'il est nécessaire de prononcer une restriction de contact déjà au moment
où la décision de détention est rendue, cette restriction peut être examinée par le juge de la détention en vertu de l'art. 80, al. 2, en relation avec l'al. 4, LEI (conditions d'exécution de la détention)61. Si une restriction de contact ou une détention cellulaire n'est ordonnée qu'a posteriori, la protection du droit s'aligne sur le droit procédural (cantonal) applicable.

Il va de soi que les restrictions de contact et les détentions cellulaires doivent être prononcées dans le respect des obligations de droit international de la Suisse, tels

59

60 61

Cf. FF 2009 8043 8063; ATF 122 II 299 consid. 3c p. 304; cf. aussi art. 16, par. 1, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive sur le retour; JO L 348 du 24.12.2008, p. 98; RS 0.362.380.042), selon laquelle la rétention s'effectue en règle générale dans des centres de rétention spécialisés. Lorsqu'un État membre ne peut les placer dans un centre de rétention spécialisé et doit les placer dans un établissement pénitentiaire, les ressortissants de pays tiers placés en rétention sont séparés des prisonniers de droit commun.

ATF 122 I 222 consid. 2a/bb, p. 227 Arrêt du Tribunal fédéral 2A.10/2002 du 25 janvier 2002 consid. 3b

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qu'ils découlent notamment de la CEDH, de la directive sur le retour62, de la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires et d'autres règles du droit international public liant la Suisse en matière de visite et de correspondance.

Art. 83, al. 1, 5, al. 7, phrase introductive (ne concerne que le texte allemand) et let. c, et 9 Lorsque l'exécution d'une mesure d'éloignement relevant du droit des étrangers n'est pas possible, licite ou raisonnablement exigible, l'admission provisoire est généralement ordonnée. L'étranger peut alors rester en Suisse jusqu'à ce que plus rien ne s'oppose à l'exécution de la mesure. L'admission provisoire (permis F) n'est pas une autorisation relevant du droit des étrangers, mais une mesure de substitution pour un renvoi ou une expulsion inexécutable (art. 83 ss LEI).

Dès qu'une expulsion pénale obligatoire63 prononcée à l'encontre d'un étranger entre en force, l'admission provisoire prend fin ou ne peut plus être ordonnée (art. 83, al. 9, LEI). Une mesure de substitution en cas de renvoi non exécutable n'est donc plus possible. Cette disposition a été introduite dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. Sans admission provisoire, les personnes concernées n'ont plus la possibilité d'exercer une activité lucrative ni de faire venir leur famille. En outre, seule une aide d'urgence est octroyée (art. 12 Cst.) et, en lieu et place d'un titre de séjour, seul un certificat est délivré attestant que la personne concernée est sous le coup d'une expulsion obligatoire inexécutable64.

Les personnes à l'encontre desquelles fedpol a prononcé une expulsion en vertu de l'art. 68 LEI pour maintenir la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse ne doivent désormais pas non plus pouvoir bénéficier d'une admission provisoire (art. 83, al. 9, P-LEI), comme c'est déjà généralement le cas des personnes sous le coup d'une expulsion obligatoire au sens de l'art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis CPM. Aujourd'hui déjà, si l'exécution de l'expulsion n'est pas possible ou raisonnablement exigible, l'admission provisoire n'est pas ordonnée ou elle est levée si la personne concernée menace la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 83, al. 7, let. b, et 84, al. 3, LEI). La réglementation proposée doit permettre, en cas d'expulsion
au sens de l'art. 68 LEI, d'exclure une admission provisoire, comme c'est déjà le cas aujourd'hui pour ce qui est de l'expulsion obligatoire si l'exécution n'est pas licite pour des raisons relevant du droit international (art. 83, al. 3, LEI).

Toutefois, il est aussi exclu d'exécuter l'expulsion dans les cas où le principe du non-refoulement en serait sinon violé.

62

63

64

Selon l'art. 16, par. 2, de la directive sur le retour, les ressortissants de pays tiers placés en rétention sont autorisés ­ à leur demande ­ à entrer en contact en temps utile avec leurs représentants légaux, les membres de leur famille et les autorités consulaires compétentes.

L'expulsion obligatoire est réglée aux art. 66a ss CP et à l'art. 49a ss CPM. Elle induit la révocation du titre de séjour et la fin de tous les droits à séjourner en Suisse (art. 121, al. 3, phrase introductive, Cst.), l'obligation de quitter le pays ainsi qu'une interdiction d'entrer sur le territoire allant de 5 à 15 ans, de 20 ans en cas de récidive (art. 121, al. 5, Cst.).

Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013 concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire (Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels), FF 2013 5404

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L'admission provisoire doit ainsi, au même titre que l'expulsion obligatoire, prendre fin ou ne pas être ordonnée dans tous les cas de figure (art. 83, al. 2 à 4: impossibilité, illicéité, inexigibilité de l'expulsion). Il est indiqué, dans ce contexte aussi, de soumettre à un même traitement les personnes sous le coup d'une expulsion car dans tous les cas, leur présence en Suisse est pareillement indésirable du fait de leur comportement et pour des raisons de sécurité.

Les admissions provisoires prenant fin ou ne pouvant plus être ordonnées en cas d'expulsion selon l'art. 68 entrée en force, les renvois à l'expulsion aux al. 1, 5 et 7 doivent être supprimés.

Art. 84, al. 2 Puisque l'admission provisoire ne doit désormais plus être ordonnée ou doit prendre fin dès qu'une expulsion entre en force (art. 83, al. 9, P-LEI), elle ne doit plus être levée, raison pour laquelle il faut supprimer le terme «expulsion».

Art. 86, al. 1bis, let. b et d L'art. 23 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés65 prévoit que les États Contractants accorderont aux réfugiés résidant régulièrement sur leur territoire le même traitement en matière d'assistance et de secours publics qu'à leurs nationaux. L'art. 23 de la Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides prévoit une réglementation similaire pour les apatrides.

Il en va de même des personnes sous le coup d'une expulsion pénale obligatoire inexécutable. Les personnes sous le coup d'une expulsion entrée en force mais non exécutable (art. 68 LEI) doivent bénéficier du même traitement (concernant l'égalité de traitement, cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI).

Il est donc proposé de désormais soumettre les apatrides et les réfugiés frappés d'une expulsion entrée en force mais non exécutable aux mêmes dispositions, pour ce qui est de l'aide sociale, que les réfugiés auxquels la Suisse a accordé l'asile.

Si, contre toute attente, la modification du 14 décembre 2018 de la LEI devait entrer en vigueur après le présent projet, il faudra édicter des règles de coordination adéquates.

Art. 87, al. 1, let. d Depuis la modification de la LEI du 14 décembre 2018, l'art. 87, al. 1, let. d, prévoit que la Confédération verse désormais aux cantons, aussi pour chaque apatride sous le coup d'une expulsion obligatoire au sens
de l'art. 66a ou 66abis CP ou 49a ou 49abis CPM entrée en force, une indemnité forfaitaire au sens des art. 88, al. 3, et 89 LAsi.

Les personnes sous le coup d'une expulsion entrée en force mais non exécutable (art. 68 LEI) doivent bénéficier du même traitement que les personnes sous le coup d'une expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable (concernant l'éga65

RS 0.142.30

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lité de traitement, cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI). Il est donc proposé que la Confédération verse dorénavant aux cantons une indemnité forfaitaire également pour les apatrides frappés d'une expulsion entrée en force mais non exécutable.

L'égalité de traitement visée entre l'expulsion et l'expulsion obligatoire ne nécessite pas d'autres adaptations de la LEI. Certes, seule l'expulsion obligatoire est expressément mentionnée à l'art. 59, al. 3, LEI; or, étant donné qu'une personne expulsée au sens de l'art. 68 LEI représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure, formellement citée à l'art. 59, al. 3, LEI, elle n'a déjà pas droit à des documents de voyage en vertu de la législation en vigueur.

Si, contre toute attente, la modification du 14 décembre 2018 de la LEI devait entrer en vigueur après le présent projet, il faudra édicter des règles de coordination adéquates.

Art. 98c

Collaboration et coordination avec fedpol

Conformément à la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste du 18 septembre 2015, les autorités suisses sont tenues, notamment en ce qui concerne les déplacements transfrontaliers (entrée, sortie, transit), de relever les faits importants pour la sécurité, de vérifier d'un oeil critique les autorisations octroyées selon le droit des étrangers et d'examiner les demandes d'asile et de naturalisation en accordant une attention particulière aux aspects sécuritaires (cf. ch. 5.1, let. a)66. Dans le cadre de son mandat légal, le SEM collabore avec fedpol dans la lutte contre le terrorisme (qui inclut la détection des menaces terroristes). Il coordonne les mesures relevant de ses compétences avec les mesures de police préventive et les mesures administratives de fedpol. Les informations ayant trait à la sécurité doivent être transmises à fedpol. Le SEM endosse un rôle particulièrement important dans la lutte interautorités contre le terrorisme. La coopération opérationnelle peut ainsi être coordonnée de manière optimale dans le cadre de TETRA. Il n'existe pas encore de base légale expresse régissant ces nouvelles tâches du SEM, une lacune que vient combler le nouvel art. 98c P-LEI.

Les quelques collaborateurs du SEM qui seront chargés d'accomplir ces nouvelles tâches auront besoin de pouvoir consulter des sources d'information supplémentaires pour ce faire. Un accès en ligne à plusieurs systèmes d'information exploités par fedpol doit donc leur être octroyé (cf. à ce sujet les commentaires relatifs aux art. 11, 12 et 14 P-LSIP).

3. Loi du 26 juin 1998 sur l'asile67 Art. 5a

Collaboration et coordination avec fedpol

Comme mentionné ci-avant, l'ajout de l'art. 98c P-LEI permet d'inscrire dans la loi une nouvelle disposition réglant, au niveau des principes, la collaboration du SEM avec fedpol en matière de lutte contre le terrorisme. Parallèlement et pour les mêmes 66 67

FF 2015 6848 s RS 142.31

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motifs, le nouvel art. 5a P-LAsi vient créer une norme correspondante dans la LAsi.

Pour les explications détaillées de cette disposition, nous renvoyons au commentaire de l'art. 98c P-LEI.

Art. 37, al. 6 Les personnes sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable doivent être traitées de la même façon que celles sous le coup d'une expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable (concernant l'égalité de traitement, cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI). La Suisse a par ailleurs intérêt à ce que les personnes qui compromettent sa sécurité soient expulsées ou renvoyées le plus rapidement possible.

C'est pourquoi il est désormais prévu dans la LAsi de traiter la procédure d'asile avec une diligence particulière dans les cas d'expulsion au sens de l'art. 68 LEI aussi, c'est-à-dire lorsque la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse est menacée par un requérant d'asile. C'est ce que le SEM fait déjà et qui sera désormais inscrit dans la loi.

Art. 61, al. 1 La modification du 14 décembre 2018 de la LEI a induit une modification de l'art. 61, al. 1, LAsi et a octroyé aux réfugiés sous le coup d'une décision d'expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable la possibilité d'exercer une activité lucrative68.

Par souci d'égalité de traitement entre les personnes expulsées au sens de l'art. 68 LEI et celles sous le coup d'une expulsion obligatoire (cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI), il est proposé d'autoriser désormais aussi les réfugiés sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable d'exercer une activité lucrative.

Si, contre toute attente, la modification de la LAsi devait entrer en vigueur après le présent projet, il faudra que des règles de coordination adéquates soient édictées.

Art. 79, let. d Les personnes sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable devant être traitées de la même manière que celles sous le coup d'une expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable (concernant l'égalité de traitement, cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI), la LAsi doit dorénavant prévoir que la protection provisoire s'éteint lorsque la personne à protéger est sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI (menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse).

68

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Art. 88, al. 3, 1re phrase L'expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable devant être traitée de la même manière que l'expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable (concernant l'égalité de traitement, cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI), la Confédération doit désormais verser une indemnité forfaitaire aux cantons aussi pour les réfugiés sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable. Les indemnités forfaitaires sont limitées dans le temps et ne peuvent être versées que pendant cinq ans au plus à compter du dépôt de la demande.

Art. 109, al. 7, 2e phrase L'expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable devant être traitée de la même manière que l'expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable (cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI), la LAsi doit dorénavant prévoir que la procédure de recours menée devant le Tribunal administratif fédéral soit traitée avec une diligence particulière dans les cas d'expulsion au sens de l'art. 68 LEI aussi, c'est-à-dire lorsque la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse est menacée par le requérant d'asile.

L'égalité de traitement visée entre l'expulsion au sens de l'art. 68 LEI et l'expulsion obligatoire ne nécessite pas d'autres adaptations de la LAsi. Certes, la let. c de l'art. 53 (indignité) ne mentionne pas expressément l'expulsion au sens de l'art. 68 LEI, mais celle-ci est englobée dans la let. b (atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse; cf. à ce sujet le commentaire de l'art. 87, al. 1, let. d, P-LEI). Il en va de même pour ce qui est de l'art. 73 (motifs d'exclusion) puisque la let. a renvoie à l'art. 53 (lequel, comme indiqué, englobe à sa let. b l'expulsion au sens de l'art. 68 LEI). Il n'est pas non plus nécessaire de modifier l'art. 64: selon la réglementation actuelle déjà, une expulsion exécutée entraîne une extinction de l'asile en Suisse (al. 1, let. d); et si l'expulsion n'est pas exécutable, la possibilité de révoquer l'asile existe déjà en vertu de l'art. 63, al. 2 (atteinte à la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse).

4. Loi fédérale du 20 juin 2003 sur le système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile69 Art. 9, al. 1, let. c, l et p, et 2, let. c, phrase introductive et ch. 1 À l'al. 1 (données relevant du domaine des étrangers), let. c, la formulation, qui n'est plus usitée (autorités fédérales compétentes dans les domaines de la police) est remplacée par «autorités fédérales compétentes dans le domaine de la sécurité intérieure». L'énumération des autorités disposant d'un droit d'accès est par ailleurs complétée: les autorités chargées du transfèrement des personnes condamnées et de la délégation de l'exécution des peines et des mesures ont dorénavant elles aussi accès en ligne au système d'information commun aux domaines des étrangers et de 69

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l'asile puisqu'elles ont besoin de cet accès pour accomplir leurs tâches. Le terme «système de recherches informatisées» est précisé et remplacé par «système de recherches informatisées de police», correspondant ainsi à la désignation formelle de ce système d'information figurant à l'art. 15 LSIP.

Il est prévu à la let. l que le SRC dispose d'un accès en ligne aux données relevant du domaine des étrangers désormais aussi pour qu'il puisse procéder à l'examen des mesures d'éloignement visées à la LEI (ch. 3; sur le plan rédactionnel, les buts d'accès existants du SRC sont dorénavant indiqués aux ch. 1 et 2). fedpol aussi peut désormais accéder au système d'information pour examiner les mesures d'éloignement prises en vertu de la LEI (let. p). Le SRC comme fedpol ont besoin, pour accomplir leurs tâches, de pouvoir consulter les données personnelles pertinentes relevant du domaine des étrangers et de l'asile dont dispose le SEM. Dans le cadre de ses tâches en matière de détection précoce et de prévention des menaces visant la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, le SRC procède à une évaluation des risques que certains individus représentent. Et, le cas échéant, il revient à fedpol de prononcer à l'encontre d'un étranger une mesure d'éloignement pour sauvegarder la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse en vertu des art. 67, al. 4, (interdiction d'entrée) et 68 (expulsion) LEI.

Comme ci-dessus à l'al. 1, let. c, la formulation, qui n'est plus usitée, «autorités fédérales compétentes dans les domaines de la police» est remplacée par «autorités fédérales compétentes dans le domaine de la sécurité intérieure» à l'al. 2 (données relevant du domaine de l'asile), let. c (phrase introductive). En outre, comme à l'al. 1, let. c, le terme «système de recherches informatisées» est précisé et devient, au ch. 1, «système de recherches informatisées de police».

Si, contre toute attente, la modification du 14 décembre 2018 de la LEI, laquelle vient aussi modifier la loi fédérale du 20 juin 2003 sur le système d'information commun aux domaines des étrangers et de l'asile, devait entrer en vigueur après le présent projet, il faudra édicter des règles de coordination adéquates.

5. Loi du 22 juin 2001 sur les documents d'identité 70 Art. 12, al. 2, let. g Le SRC recherche et traite des informations afin de déceler à temps et prévenir les menaces que représentent pour la sûreté intérieure ou extérieure le terrorisme, l'espionnage et l'extrémisme violent notamment (art. 6, al. 1, let. a, LRens). Si des éléments fondés indiquent qu'une personne pourrait représenter une telle menace, le SRC doit être en mesure de vérifier son identité le plus rapidement possible. Il doit également pouvoir disposer de cette possibilité pour répondre, dans le cadre de l'une des menaces précitées, à un service partenaire étranger ­ notamment européen ­ qui lui aurait demandé de vérifier l'identité d'une personne supposée être suisse. En vertu de l'art. 24 LRens, le SRC peut, dans la mesure où l'accomplissement de ses tâches le requiert, faire appréhender une personne pour établir son identité et, le cas 70

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échéant, l'interroger. Pour ces raisons, une nouvelle let. g doit désormais permettre au SRC de figurer dans la liste des autorités visées à l'art. 12, al. 2, dans la loi sur les documents d'identité (LDI) et habilitées, pour accomplir les tâches qui leur incombent de par la loi, à consulter en ligne des données du système d'information relatif aux documents d'identité (ISA). La consultation des données est expressément limitée aux «vérifications d'identité», comme le prévoit déjà la loi actuelle pour le Cgfr, les services de police désignés par la Confédération et les cantons ainsi que le service de police de la Confédération désigné pour le traitement des demandes de vérification d'identité émanant de l'étranger (art. 12, al. 2, let. c, d et f, LDI). Les catégories de données que le SRC peut consulter doivent correspondre à celles qui sont mises à la disposition du Cgfr et des services de police susmentionnés selon le droit en vigueur. Concrètement, le SRC sera habilité à consulter en ligne les données suivantes: le lieu de naissance de la personne concernée, le nom et le prénom des parents, un dépôt ou le retrait d'un document d'identité71. Comme c'est le cas pour les autres autorités qui n'établissent pas elles-mêmes des documents d'identité, le SRC accèdera à ISA également par le biais d'une interface avec le système d'information RIPOL. Il ne pourra effectuer les consultations dans ISA qu'au moyen du nom.

L'accès ne sera accordé qu'aux collaborateurs du SRC qui ont besoin de ces données pour accomplir les tâches que la loi assigne à leurs services. Si le SRC a besoin d'autres données enregistrées dans ISA, comme des inscriptions concernant la saisie de documents d'identité, le refus de documents d'identité ou l'éventuelle perte de la nationalité, il doit alors adresser une demande d'assistance administrative à fedpol, conformément à l'art. 19 LRens.

6. Code pénal72 Art. 78, let. d Le fait d'ordonner la détention cellulaire vise à empêcher des détenus condamnés pénalement de gagner à leur cause (terroriste) d'autres détenus. La mesure a donc pour but d'empêcher des personnes potentiellement dangereuses de recruter des codétenus et d'éviter que ces derniers ne tombent sous l'emprise d'une idéologie dangereuse dans leur recherche de contacts et de perspectives.

Le droit en vigueur ne connaît aucun motif de détention cellulaire correspondant à de tels cas. En vertu du droit actuel (art. 78, let. b, CP), la détention cellulaire sous la forme de l'isolement ininterrompu d'avec les autres détenus ne peut être ordonnée que pour protéger le détenu ou des tiers dans la mesure où elle n'est pas réalisée comme mesure disciplinaire à court terme ou pour la mise en place de l'exécution au moment de l'incarcération. La protection des tiers ne consiste pas à protéger la société des dangers que représentent les personnes radicalisées durant l'exécution de 71 72

Cf. ordonnance du 20 septembre 2002 sur les documents d'identité (RS 143.11), annexe 1 (matrice d'accès).

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leur peine, mais en premier lieu les codétenus ou le personnel de l'établissement pénitentiaire73.

Eu égard aux conséquences physiques et psychiques pouvant résulter de l'isolement de détenus, les conditions dans lesquelles la détention cellulaire peut être ordonnée doivent être définies aussi précisément que possible. Compte tenu des critiques émises durant la procédure de consultation, la détention cellulaire présuppose que des éléments concrets existent selon lesquels des tiers risquent d'être influencés par une idéologie susceptible de favoriser l'accomplissement d'activités terroristes. La seule éventualité qu'une influence puisse être exercée sur des tiers ne suffit pas pour prononcer une détention cellulaire. Dans chaque cas d'espèce, il convient en outre d'examiner s'il existe des moyens plus modérés d'agir. Il peut par exemple s'agir du déplacement dans un autre établissement pénitencier ou de l'exécution en petits groupes composés de personnes qui ne sont pas sensibles aux tentatives de radicalisation. La détention cellulaire ne peut être appliquée qu'en dernier recours. Dans tous les cas, il est important que la personne détenue séparément fasse l'objet d'un suivi comprenant des mesures sociales, intégratives et thérapeutiques.

Aucune durée maximale n'a été fixée, comme pour la protection du détenu et des tiers (let. b). Pour savoir quelle durée est proportionnée, il faut procéder à une évaluation au cas par cas et se fondant sur le principe de proportionnalité, comme pour la let. b74. La détention cellulaire doit toutefois être examinée à intervalles réguliers, en tenant compte du fait que plus la durée de la détention s'allonge, plus les exigences posées aux motifs de détention sont élevées.

Art. 90, al. 1, let. d Lors de l'exécution des mesures, la même problématique se pose que lors de l'exécution de la peine quant à la façon d'aborder les tentatives de radicalisation. Il faut donc aussi prévoir, lors de l'exécution des mesures, la possibilité du placement séparé pour les personnes susceptibles de radicaliser leurs codétenus. Pour le reste, nous renvoyons au commentaire de l'art. 78, let. d, P-CP.

Art. 365, al. 2, let. v, et 367, al. 2, let. n, et 4 Conformément à l'art. 108b P-LA, les services de police cantonaux compétents disposeront d'un accès au casier judiciaire informatisé
VOSTRA afin de vérifier les antécédents du personnel des aéroports (cf. ci-après ch. 11). Cela nécessite d'adapter les dispositions du CP qui régissent le but, les modalités et l'ampleur du traitement de données dans ce système d'information.

Le contenu normatif des art. 365, al. 2, let. v, P-CP (but du traitement des données) et 367, al. 2, let. n, et 4, P-CP (autorités autorisées à traiter des données) correspond à celui du nouvel art. 46, let. d, ch. 3, de la loi du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire 73 74

FF 1999 II 1787 1920 s.; Günter Stratenwerth/Wolfgang Wohlers, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Handkommentar, Art. 78 StGB, Rz. 2, 3 e éd., Berne, 2013 Günter Stratenwerth/Wolfgang Wohlers, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Handkommentar, Art. 78 StGB, Rz. 2, 3e éd., Berne, 2013

4605

FF 2019

(LCJ)75 mentionné ci-après au ch. 12. La date de l'entrée en vigueur de la LCJ n'a pas encore été fixée, raison pour laquelle les modifications doivent être prévues tant pour le CP que la LCJ. Si la LCJ devait entrer en vigueur avant la date du vote final concernant le projet MPT, les deux dispositions du CP figurant ci-dessus devraient alors être effacées du présent projet de loi. À l'inverse, la norme de la LCJ figurant au ch. 12 pourrait être effacée du projet de loi si VOSTRA continuait d'être régi par le CP au moment du vote final.

7. Loi fédérale du 23 décembre 2011 sur la protection extraprocédurale des témoins76 Remarque liminaire La protection extraprocédurale des témoins est une tâche assumée conjointement par la Confédération et les cantons. Tant les cantons que la Confédération ont intérêt à collaborer étroitement. La modification, ici commentée, de la Ltém est donc étroitement liée à celle de la LOC (cf. ci-après).

Art. 34, al. 2 et 3 Étant donné que le nombre de cas de protection des témoins est relativement faible en Suisse, que les mesures de protection à mettre en oeuvre sont complexes et qu'il est nécessaire que le Service de protection des témoins maintienne ses connaissances spécifiques et son professionnalisme, la mise en place des mesures de protection des témoins est centralisée auprès des autorités fédérales, qu'il s'agisse de témoins impliqués dans des procédures fédérales ou dans des procédures cantonales. Selon le droit en vigueur, la Confédération et les cantons se partagent «à égalité» les frais d'exploitation du Service de protection des témoins (art. 34, al. 2). Du point de vue actuel, cette répartition des frais d'exploitation s'avère être trop rigide, raison pour laquelle elle a fait l'objet de critiques de la part des cantons. La loi doit dorénavant prévoir une règle de financement flexible et qui tienne mieux compte des rôles et des compétences de la Confédération et des cantons qu'aujourd'hui, tout en prenant en considération le fait que le Service de protection des témoins travaille avec l'étranger et avec des cours pénales internationales, et que ces prestations ne bénéficient pas directement aux cantons. Le Conseil fédéral doit dorénavant convenir avec les cantons de la répartition des frais d'exploitation.

75 76

FF 2016 4703 (texte sujet au référendum) RS 312.2

4606

FF 2019

8. Loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération et les centres communs de coopération policière et douanière avec d'autres États77 La coopération entre les autorités policières de la Confédération et des cantons s'est approfondie depuis la création de la LOC en 1994. Le contenu de cette coopération s'est aussi depuis considérablement élargi. La lutte contre la criminalité, notamment la criminalité à motivation terroriste, a placé les autorités fédérales et cantonales de poursuite pénale et leur collaboration face à de nouveaux défis. La lutte contre la criminalité transfrontalière et complexe nécessite, dans le contexte actuel, une coordination étendue entre la Confédération et les cantons.. Les principes généraux sur lesquels elle se fonde doivent être inscrits dans la LOC, et plus précisément à son début pour des questions de systématique. Sans changement de fond, les art. 1 et 2 de l'actuelle LOC, qui règlent dans le détail les offices centraux, deviennent ainsi les nouveaux art. 2 et 2a. Le terme de «lutte» doit être compris au sens large. Outre la poursuite pénale et judiciaire d'infractions (lutte au sens strict), il recouvre aussi la détection et la prévention des infractions par tous les autres moyens et mesures de police (prévention de la criminalité).

Art. 1

Collaboration entre les autorités de police suisses

L'al. 1 pose un principe qui va de soi aujourd'hui déjà, à savoir que la Confédération et les cantons coordonnent leurs efforts en matière de sécurité intérieure (art. 57, al. 2, Cst.). Ils s'entraident, accordent leurs activités et collaborent. Dans le cadre de la coopération au sens de l'art. 57, al. 2, Cst., les cantons et la Confédération travaillent sur un pied d'égalité.

L'al. 2 contient une liste non exhaustive des domaines dans lesquels la Confédération et les cantons collaborent étroitement déjà aujourd'hui ou prévoient de le faire.

Let. a: il est très important que la Confédération et les cantons collaborent dans le domaine de la lutte contre la criminalité, qui est devenue pour eux une tâche commune. Dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles respectives, ils doivent pouvoir s'associer dans des organisations et des institutions. Cela permet d'utiliser au mieux les synergies et les connaissances spécialisées pour lutter efficacement contre la criminalité. Cette idée sera bientôt mise en oeuvre dans le domaine de la lutte contre la criminalité sur Internet: le réseau national de soutien aux enquêtes dans la lutte contre la criminalité informatique (NEDIK), lancé par la CCPCS et composé de plusieurs centres de compétences régionaux et d'un centre de compétences national, regroupera les spécialistes de Suisse, et par là même leurs compétences et leurs ressources, et accordera entre eux leurs prestations spécifiques. Le centre national de compétences en matière de cybercriminalité (NC3) de fedpol rassemble toutes les compétences relatives à la cybercriminalité des domaines des enquêtes, du soutien aux enquêtes et des tâches des offices centraux, dont celles du Service national de coordination de la lutte contre la criminalité sur Internet (SCOCI), qui fait désormais partie de la Division Forensique TI, cybercriminalité de fedpol. Les autorités de poursuite pénale de la Confédération et des cantons sont 77

RS 360

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FF 2019

placées face à des défis en matière de lutte contre la criminalité, en particulier la criminalité à des fins terroristes, ce qui requiert, dans le contexte actuel, une coordination complète entre la Confédération et les cantons. Le terme de «lutte»" doit être compris au sens large. Outre la poursuite judiciaire d'infractions (lutte au sens strict), il recouvre la détection et la prévention des infractions par tous les autres moyens et mesures de police (prévention de la criminalité).

Let. b: pour donner un exemple de collaboration planifiée dans ce domaine entre la Confédération et les cantons, citons LAFIS, un système d'information sur la situation et la conduite. LAFIS est une application Internet concernant la conduite d'engagements et le suivi de situations aux niveaux opérationnel et tactique, qui a été développée pour la gestion de situations particulières ou extraordinaires et d'événements majeurs. Grâce à ce système, toutes les organisations de sécurité impliquées peuvent dresser un tableau de la situation commun et y accéder. LAFIS est exploité par une association. Les membres sont issus de polices cantonales, de polices municipales, d'états-majors de conduite et d'organisations de secours de Suisse orientale et de certaines parties de Suisse centrale et du Nord-Ouest. La Confédération doit être en mesure, d'une part, de soutenir les cantons dans la gestion de situations particulières et, d'autre part, de faire face à ses propres situations particulières en collaboration avec les cantons et l'étranger. Elle doit donc aussi pouvoir devenir membre de cette association.

Let c: l'Institut suisse de police (ISP) à Neuchâtel, avec lequel fedpol entretient d'étroits contacts, est un exemple.

Let. d: un exemple pouvant être cité est celui de la coopération policière dans les domaines de la technique policière et informatique. Il existe aujourd'hui dans ce domaine une multitude d'organes aux compétences décisionnelles complexes et de nombreuses associations créées par des prestataires publics. Cette organisation complique la collaboration. Afin de répondre avec rapidité et efficacité aux défis à venir, le modèle de collaboration d'aujourd'hui doit être transféré dans une nouvelle structure, le but étant d'assurer des processus de décision courts et cohérents et de renforcer l'implication
stratégique des milieux politiques. Les détails de la collaboration doivent être réglés dans une convention.

Let. e: le Service de protection des témoins est, en soi, une institution nationale (cf. à ce sujet le ch. 7), mais les cantons l'utilisent et le cofinancent aussi. Dans ce sens, on peut donc également parler d'une coopération dans ce domaine.

L'al. 3 offre une base légale explicite pour que la Confédération puisse acquérir de manière centralisée des moyens d'intervention policiers pour les cantons aussi, comme des programmes informatiques spéciaux (art. 269ter CPP), et les leur mettre à disposition contre rémunération. Ce ne serait ni économique ni efficace que chaque canton s'équipe indépendamment. Les cantons doivent s'acquitter des charges pouvant leur être facturées. Pour ce qui est des programmes informatiques spéciaux, il s'agit des coûts des licences dont ils ont besoin. Le Conseil fédéral peut régler la question de l'obligation de la rémunération en créant une réglementation relative aux émoluments si cela n'est pas réglé dans une convention (cf. notamment l'al. 4).

Al. 4: de façon générale, le Conseil fédéral conclut des conventions avec les cantons sur les aspects importants de la coopération avec eux. Citons à titre d'exemple la 4608

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convention-cadre relative à la coopération policière entre la Police judiciaire fédérale et les corps de police cantonaux et municipaux, conclue les 14 et 15 novembre 2013 par le DFJP et la CCDJP. Il va de soi que les conventions conclues sur ces bases ne doivent pas aller à l'encontre des compétences de la Confédération et des cantons inscrites dans la Constitution. Les conventions devraient régler les principaux aspects de la collaboration et les questions juridiques. Il est cependant clair que la signature du Conseil fédéral n'est pas requise pour les conventions de nature opérationnelle, technique et administrative, lesquelles peuvent être conclues de manière autonome par un office tel que fedpol, par exemple lorsqu'il s'agit de concrétiser au niveau opérationnel des conventions de collaboration générales. La compétence de fedpol de conclure de telles conventions de portée mineure doit être réglée au niveau de l'ordonnance.

Malgré tous les avantages qu'il apporte, le transfert de tâches d'administration auxiliaire dans une organisation ou une institution commune implique une certaine charge juridique. Il va donc falloir examiner différents types de rapports juridiques pour ce qui est de l'exploitation de l'organisation ou de l'institution, au sujet par exemple de la responsabilité de la Confédération, des rapports de travail, de la prévoyance professionnelle et de la protection des données. La Confédération et les cantons disposent chacun déjà de leurs propres règles pour tous ces aspects, mais le droit en vigueur n'offre pas de réponses suffisamment claires dans tous les domaines en ce qui concerne les règles applicables aux organisations ou institutions communes. En matière de droit des marchés publics par exemple, il existe des règles relatives à l'adjudication commune (actuel art. 2c de l'ordonnance du 11 décembre 1995 sur les marchés publics78 / art. 5 du projet 15 février 2017 de loi fédérale sur les marchés publics79) qui permettent de soumettre chaque cas à un ordre juridique en vigueur. La situation est en revanche différente en ce qui concerne par exemple le droit du travail, car ni le droit sur le personnel de la Confédération ni le droit du personnel d'un canton ne s'applique automatiquement au personnel employé directement par une organisation ou une institution commune. Les
conventions doivent donc régler ce type de questions dans la mesure du nécessaire. L'énumération des domaines juridiques n'est pas exhaustive; elle doit toutefois montrer qu'il n'est pas possible de régler tous les rapports juridiques des organisations et des institutions, mais seulement les questions annexes (en un sens internes) qui se posent autour de l'exploitation de l'organisation ou de l'institution. Le droit auquel sont soumis les accords conclus avec des fournisseurs ou des prestataires privés n'est notamment pas compris. Pour ceux-ci, c'est le droit privé qui s'applique, comme cela est toujours le cas lorsqu'il s'agit du droit des marchés publics.

La réglementation relative aux rapports juridiques prévus à la let. d doit se limiter, dans la mesure du possible, aux renvois au droit existant. Cela dit, des réglementations indépendantes, établies en fonction de la situation spécifique de l'organisation ou de l'institution, ne sont pas exclues.

Al. 5: au moment de la conclusion d'une convention de collaboration, les besoins législatifs en lien avec les thèmes au sens de l'al. 4 ne sont pas toujours clairement 78 79

RS 172.056.11 FF 2017 1851

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mis en évidence. Une convention peut par exemple ne pas mentionner si une organisation commune emploie son propre personnel ou si une collectivité met à sa disposition du personnel qu'elle emploie elle-même selon son propre droit. Si c'est le second cas qui s'applique, il n'y a rien (ou presque) à régler sur le plan du droit du personnel, tandis que dans le premier cas de figure, il faut soit édicter un statut du personnel autonome, soit renvoyer à une réglementation existante en matière de droit du travail. À ce titre, le droit du travail privé du code des obligations80 ne devrait pas être mis en avant car il n'est pas adapté aux rapports juridiques des personnes qui accomplissent, sur mandat et au nom de l'État, des tâches ayant une implication parfois très étroite avec des questions de souveraineté ­ voire de monopole du pouvoir étatique.

Al. 6: les prestations fournies aux autorités par des organisations ou institutions communes ne peuvent pas être qualifiées de commerciales ou d'entrepreneuriales.

Elles servent plutôt directement à accomplir des tâches publiques (dans le cas concret, des tâches policières), et un éventuel échange de prestations ne s'opère qu'entre organes étatiques. Il est donc juste d'exempter ces organisations et institutions de tout impôt81. Cette exonération ne s'appliquerait toutefois pas dans le cas où elles fourniraient des prestations commerciales en faveur de particuliers. Il s'agirait alors de traiter fiscalement ces prestations selon le droit fiscal applicable dans le cas d'espèce.

Art. 1a

Traités internationaux de coopération avec des autorités de police étrangères

Al. 1: en vertu de l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale doit approuver les traités internationaux. Lorsqu'une loi le prévoit expressément, cette compétence peut être transmise au Conseil fédéral (art. 166, al. 2, Cst., et 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]82).

La compétence du Conseil fédéral visée à l'al. 1 de conclure des traités est limitée sur le plan matériel au domaine de la coopération policière, donc au règlement d'une coopération étroite avec des autorités de police étrangères en matière de lutte contre des infractions. La Suisse a conclu de nombreux traités de ce genre au niveau bilatéral, notamment avec ses pays voisins, ainsi qu'au niveau multilatéral 83. Les accords bilatéraux sont tous assez semblables quant à leur contenu, même s'ils peuvent varier par exemple au sujet de l'étendue de la coopération. Chaque accord précise 80 81

82 83

RS 220 Cf. rapport du Conseil fédéral du 13 septembre 2006 sur l'externalisation et la gestion de tâches de la Confédération, FF 2006 7799 7848; la formulation se fonde sur la loi-type concernant des établissements qui exercent une surveillance dans le domaine de l'économie ou de la sécurité, état au 1er juillet 2016, www.bj.admin.ch > Etat et Citoyen > Instruments de légistique.

RS 172.010 Au niveau bilatéral, des accords de police ont été conclus, jusqu'à présent, avec les pays voisins que sont l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Autriche et le Liechtenstein, ainsi qu'avec d'autres pays comme l'Albanie, la Bosnie et Herzégovine, les États-Unis, la Hongrie, le Kosovo, la Lettonie, la Macédoine, le Monténégro, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie et la République tchèque. Au niveau multilatéral, on peut notamment citer les conventions conclues avec l'organisation internationale de police criminelle (Interpol) et celles conclues avec l'Union européenne (essentiellement avec Europol).

4610

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les points suivants: autorités responsables de sa mise en oeuvre, formes de la coopération policière en général (échange d'informations et d'expériences, coopération sur demande ou spontanée, etc.) et éventuellement formes particulières de la coopération, comme l'observation, la poursuite transfrontalière ou les livraisons contrôlées.

À cela s'ajoutent souvent des dispositions concernant la protection des données ou les rapports juridiques lors d'engagements de l'une des parties sur le territoire de l'autre (conditions d'utilisation de l'arme de service, questions de responsabilités, etc.).

Al. 2: en vertu de l'art. 48a, al. 1, 2e phrase, LOGA, le Conseil fédéral peut déléguer la compétence de conclure des traités internationaux de portée mineure à un office.

La présente disposition fait usage de cette possibilité et autorise ainsi fedpol à conclure seul des conventions portant sur son domaine de compétences avec des autorités de police étrangères. Cette réglementation aurait pu être inscrite au niveau de l'ordonnance, mais elle est introduite dans la loi pour des raisons de clarté (rapport avec l'al. 1).

Art. 2

Offices centraux

La disposition correspond en toutes lettres à l'actuel art. 1 LOC. Elle apparaît désormais à l'art. 2 uniquement pour des questions de logique matérielle.

Art. 2a

Tâches

En tant que prestataires de services, les offices centraux de fedpol accomplissent des tâches importantes de coordination et d'échange d'informations non seulement en faveur des cantons, mais aussi des services partenaires à l'étranger (cf. art. 2a, let. a à e, P-LOC).

Let. f: en vertu de la LOC, fedpol est en outre compétent pour accomplir des tâches de police criminelle, c'est-à-dire des activités qui sont menées dans le cadre de la poursuite pénale avant l'ouverture d'une procédure pénale et qui précédent donc les tâches de police judiciaire de la Police judiciaire fédérale (PJF). Il s'agit ici des enquêtes préliminaires, dont le but est de détecter des infractions. Par enquête préliminaire, on entend d'une manière générale les activités de police criminelle visant à détecter des infractions déjà commises. Les enquêtes préliminaires servent ainsi elles aussi à poursuivre des infractions, sauf qu'en ce qui les concerne, aucun soupçon concret n'existe encore, raison pour laquelle elles ne sont pas réglées par le CPP. Sur le plan matériel, la compétence de mener des enquêtes préliminaires s'étend aux infractions dont la poursuite revient à la Confédération. Les tâches de police criminelle de la Confédération sont donc concentrées sur la détection précoce des actes relevant de la criminalité internationale organisée. Pour l'heure, ce champ d'activité de la PJF n'est inscrit qu'au niveau de l'ordonnance (cf. art. 3 de l'ordonnance du 30 novembre 2001 concernant l'exécution de tâches de police judiciaire au sein de l'Office fédéral de la police84). Par l'ajout de la let. f, il figure désormais au niveau de la loi formelle, rejoignant la liste des tâches des offices centraux selon l'art. 2 LOC. En outre, un office central de lutte contre la cybercriminalité est men84

RS 360.1

4611

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tionné explicitement à cette lettre, mettant ainsi en oeuvre la mesure 21 de la stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques (SNPC) 2018­ 202285.

En vertu de l'art. 4, let. a, LOAP, il revient à la PJF d'accomplir les tâches de police judiciaire en matière de poursuite pénale relevant de la juridiction fédérale. Il n'est donc pas nécessaire de reprendre dans le catalogue de tâches au sens du nouvel art. 2a P-LOC le contenu de l'actuel art. 2, let. f, LOC, selon lequel cette tâche incombe aux offices centraux.

Art. 3a

Recherches secrètes sur Internet et sur les médias électroniques

Les offices centraux ne disposent actuellement d'aucun moyen leur permettant de mener des recherches secrètes dans leur domaine de compétences et de tâches. Cela s'avère être une lacune importante particulièrement lorsqu'il s'agit de détecter des infractions graves commises sur Internet et de lutter contre ces infractions. De nos jours, les organisations criminelles utilisent largement Internet et les plates-formes de communication (y compris les réseaux sociaux) ainsi que les services anonymisés (notamment sur le darknet). Des recherches secrètes dans l'espace virtuel sont donc indispensables pour lutter efficacement contre la criminalité organisée, y compris contre les délits visant à soutenir des organisations terroristes. Les recherches secrètes sont particulièrement adaptées lorsque les enquêteurs ne peuvent accéder à des groupes fermés qu'en fournissant de fausses indications ou lorsqu'ils doivent impérativement avoir recours à une fausse identité pour établir un contact (par ex. sur un forum de discussion). La mention séparée des «médias électroniques» clarifie le fait que les recherches secrètes sont autorisées sur les services de messagerie comme Whatsapp et Threema, qui sont aujourd'hui installés sur un grand nombre de téléphones mobiles et sont aussi souvent utilisés par des groupes fermés pour communiquer.

À l'al. 1, la référence à l'art. 2a, let. f, P-LOC montre clairement que des recherches secrètes ne peuvent être menées que pour la détection d'infractions relevant de la juridiction fédérale ou pour lesquelles la compétence de la Confédération ou d'un canton n'a pas encore été définie. En outre, il n'est possible d'utiliser les recherches secrètes que pour découvrir et combattre des crimes ou des délits graves. Dans ce contexte, sont considérés comme délits graves ceux sanctionnés (aussi) d'une peine privative de liberté.

Cette disposition n'élargit pas les compétences policières à la détection précoce relevant du renseignement et en particulier au monitoring du terrorisme sur Internet (cf. 1.3.1). Contrairement aux craintes exprimées durant la procédure de consultation, il ne s'agit pas non plus d'intervenir dans le domaine de compétence cantonal.

Cette disposition n'offre pas de base à des recherches secrètes en lien avec les infractions relevant de la compétence cantonale. Cela
ressort clairement du renvoi à l'art. 2a, let. f, P-LOC. Toutefois, la PJF peut disposer d'indices relatifs à des infractions (concernant plusieurs cantons ou pays) pour lesquelles la compétence, canto85

Cf. stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques (SNPC) 2018­2022, p. 23, consultée sur: www.isb.admin.ch > Documentation > Rapports (état au 11.3.2019).

4612

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nale ou fédérale, n'est pas encore définie. Selon la situation juridique actuelle, de (premières) investigations ne sont autorisées dans ces cas que lorsqu'il existe des soupçons concrets relevant d'une procédure pénale (art. 27, al. 2, CPP). Cela est particulièrement insatisfaisant lorsqu'il existe des indices d'infraction, mais que ceux-ci ne se sont pas encore concrétisés en soupçons réels faisant entrer cette infraction dans le champ d'application du CPP, alors que la juridiction fédérale ne peut être exclue. En outre, il peut être nécessaire que la Confédération recoure à l'instrument que sont les recherches secrètes afin de déterminer la compétence ou d'effectuer une première sauvegarde des preuves. S'il ressort de l'enquête que la compétence relève du canton, la procédure doit lui être remise.

Les agents affectés aux recherches secrètes ne divulguent ni leur véritable identité ni leur fonction. Mais contrairement aux cas d'investigations secrètes, ils ne sont pas munis d'une fausse identité («légende») attestée par un titre. Pour masquer leur véritable identité et leur fonction, ils ont généralement simplement recours au mensonge à propos de leur nom, profession, sexe, âge ou lieu de domicile. Les recherches secrètes menées par les offices centraux se distinguent des recherches secrètes menées au sens des art. 298a ss CPP notamment par le fait qu'elles ont lieu en dehors ou en amont d'une procédure pénale.

Seuls des membres de la police peuvent être affectés pour mener des recherches secrètes. En règle générale, celles-ci se mettent en place par une prise de contact ciblée établie sous une fausse identité. Elles ne sont en outre soumises à aucune réserve d'approbation d'un juge et sont donc réservées aux personnes spécialement formées à cet effet.

Les conditions et les modalités concernant les recherches secrètes se fondent sur la réglementation relative aux recherches secrètes du CPP. Accorder les réglementations concernant le domaine de la prévention à celles du CPP se justifie dans la mesure où les éléments policiers sont souvent versés aux dossiers de procédure pénale où ils peuvent et doivent être utilisés comme preuves.

L'al. 2 précise à quelles conditions des recherches secrètes peuvent être ordonnées.

Elles doivent être liées à des conditions strictes et vérifiables, qui ne
doivent malgré tout pas être sévères au point de rendre les recherches secrètes illusoires. Il ne faut pas oublier qu'en raison de l'objectif qu'elles visent, les recherches secrètes ne peuvent que partiellement s'appuyer sur des faits avérés. Le fait qu'il doive exister des «indices suffisants» laissant présumer que des crimes ou des délits graves pourraient être commis garantit que les recherches secrètes ne puissent pas être menées à l'aveuglette. Renforcer les conditions auxquelles cette mesure peut être ordonnée, comme le demandaient certains participants à la consultation, limiterait trop son champ d'application. Les indices laissant présumer une infraction peuvent par exemple être considérés comme suffisants lorsque l'expérience ou des éléments concrets ­ également d'autorités étrangères partenaires ­ indiquent que certains forums ou plates-formes sur Internet non accessibles au public sont (régulièrement) utilisés pour échanger des contenus répréhensibles, sans que ces éléments n'aient encore conduit à un réel début de soupçon relevant d'une procédure pénale. La condition doit en outre être que les autres mesures prises n'aient pas abouti ou que l'investigation, à défaut de recherches secrètes, n'aurait aucune chance d'aboutir ou

4613

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serait excessivement difficile. Une clause de subsidiarité comparable à la réglementation prévue à l'art. 298b, al. 1, let. b, CPP, est ainsi établie.

fedpol et le SRC devront se concerter et se coordonner afin d'éviter d'éventuels recoupements avec les mesures de recherche d'informations du SRC, qui dispose d'un champ de compétences comparable dans son propre domaine. Il est en outre important de se coordonner avec les cantons afin d'empêcher les recoupements et les doublons dans les recherches secrètes et les enquêtes menées à titre préventif par les cantons. La forme concrète de cette coordination dans le domaine opérationnel ne doit pas être réglée dans une loi. La Confédération et les cantons peuvent se concerter au cas par cas ou régler la collaboration dans le cadre de conventions en vertu de l'art. 1, al. 3 et 4, P-LOC.

Les recherches secrètes sont ordonnées par le chef de la PJF. Il n'est pas prévu que le tribunal des mesures de contrainte les ordonne, contrairement à ce que demandaient certains participants à la consultation. Aucune légende attestée par un titre n'est utilisée pour mener les recherches secrètes, ce qui réduit l'ampleur de la couverture. Il convient d'ailleurs de noter que selon la réglementation du CPP, les recherches secrètes peuvent être ordonnées sans l'autorisation d'un juge; cette solution se retrouve également dans certains cantons (art. 23 de la loi du 11 mars 2010 sur la police du canton d'Obwald, GDB 510.1; § 32d de la loi du 23 avril 2007 sur la police du canton de Zurich, LS 550.1). Le fait que les recherches secrètes sont effectuées en amont d'une procédure pénale est néanmoins pris en compte dans le sens où leur prolongation doit être autorisée par un juge: si elles ont duré plus d'un mois, leur poursuite requiert l'autorisation du tribunal des mesures de contrainte (al. 3). Cela constitue un durcissement par rapport au CPP, qui prévoit une autorisation par le ministère public (art. 298b, al. 2, CPP).

Le délai d'un mois correspond à celui visé à l'art. 298b, al. 2, CPP. Le tribunal des mesures de contrainte doit vérifier si les conditions requises pour les recherches secrètes sont (toujours) réunies afin, notamment, d'empêcher qu'elles ne durent plus longtemps que nécessaire. Contrairement à une proposition émise lors de la consultation, aucune durée
maximale pour les recherches secrètes n'est fixée dans la loi.

L'art. 298d CPP et les réglementations cantonales en matière d'enquêtes préliminaires menées à titre préventif ne prévoient pas non plus de durée maximale.

Le tribunal des mesures de contrainte du lieu d'où les enquêtes sont menées est compétent. La réglementation s'inspire de celle de l'art. 65, al. 2, LOAP. Dans la plupart des cas, ce sera le tribunal des mesures de contrainte du canton de Berne qui sera compétent à moins que fedpol ne mène les enquêtes à partir d'un autre site (Lausanne, Lugano ou Zurich). S'agissant de la question du dédommagement du tribunal cantonal des mesures de contrainte, nous renvoyons à la disposition de l'art. 65, al. 3, LOAP, qui est applicable par analogie. En outre, les voies de recours sont précisées à l'al. 3: les recours formés contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte peuvent être déposés devant le Tribunal administratif fédéral.

fedpol a qualité pour recourir, par analogie avec la disposition de l'art. 24g, al. 2, let. b, P-LMSI.

S'agissant des exigences envers les personnes affectées, des tâches des agents affectés aux recherches secrètes et des personnes de contact, l'al. 4 fait référence aux 4614

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réglementations correspondantes du CPP relatives aux investigations secrètes. Les qualités requises se recoupent ainsi avec celles prévues pour les recherches secrètes selon le CPP, qui renvoie aussi, à son art. 298c, aux règles relatives aux investigations secrètes. Cela permet notamment de préciser qu'il est interdit aux agents infiltrés d'encourager un tiers à commettre des infractions de manière générale ou de l'inciter à commettre des infractions plus graves (art. 293, al. 1, CPP). L'affectation, comme agents infiltrés, de personnes qui sont engagées à titre provisoire pour accomplir des tâches de police au sens de l'art. 287, al. 1, let. b, CPP, est exclue.

L'al. 5 énumère les conditions pour mettre fin à une recherche secrète. Cette disposition se réfère dans une large mesure à la réglementation relative aux recherches secrètes du CPP (art. 298d, al. 1, CPP). Il en va de même de l'al. 6 (cf. art. 298d, al. 3, CPP).

Les éléments obtenus dans le cadre d'une recherche secrète peuvent se concrétiser au fil de l'investigation et devenir des soupçons initiaux relevant d'une procédure pénale. L'al. 7 vise à garantir que les réglementations du CPP sont respectées en cas de soupçon concret. Dans un tel cas, des investigations policières au sens de l'art. 306 CPP doivent être ouvertes ou le ministère public doit être informé lorsque les conditions visées à l'art. 307, al. 1, CPP sont réunies. Si la poursuite pénale relève de la compétence cantonale, l'autorité de police et de poursuite pénale cantonale compétente doit être informée. Parallèlement, il est expressément établi que les informations obtenues dans le cadre des recherches secrètes peuvent être utilisées dans une procédure pénale, notamment à titre de preuve.

Reste un point à mentionner: pour le traitement des données collectées dans le cadre des recherches secrètes, ce sont la LSIP (cf. art. 11, al. 1) et l'ordonnance JANUS du 15 octobre 200886 qui s'appliquent. L'information (ou le fait d'y renoncer) de la personne concernée concernant la recherche secrète se fonde aussi sur la LSIP: il est possible de différer cette information ou d'y renoncer aux conditions prévues à l'art. 11, al. 6, LSIP.

Art. 3b

Signalement de personnes et d'objets aux fins de surveillance discrète ou de contrôle ciblé

L'al. 1 contient la base légale permettant à fedpol de signaler des personnes et des objets aux fins de surveillance discrète ou de contrôle ciblé. Les demandes de tels signalements peuvent être adressées par les autorités fédérales de poursuite pénale ou les autorités cantonales de police. Les demandes doivent aussi être acceptées lorsque les cantons ne disposent pas de bases légales cantonales permettant de signaler des personnes et des objets aux fins de surveillance discrète ou de contrôle ciblé. Le signalement ne requiert pas l'autorisation du juge.

Par signalement aux fins de surveillance discrète, on entend une recherche de personne présentant une composante discrète. Ce type de recherche permet à la police d'obtenir, dans le cadre d'une interpellation, des informations ciblées concernant par exemple les heures et l'itinéraire du voyage, les documents de voyage, les bagages, les personnes accompagnantes et les moyens de transport. Ces informations sont 86

RS 360.2

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transmises au service qui a émis le signalement, à l'insu de la personne. Quelques participants à la consultation ont exprimé la crainte que cette mesure conduise à une surveillance importante des personnes visées. Il faut toutefois considérer que la surveillance discrète n'entraîne pas une surveillance permanente, contrairement aux observations. La surveillance discrète permet uniquement d'obtenir, lors d'un contrôle effectué par les autorités, des informations relatives à une personne à un moment donné.

Le service qui a émis le signalement se sert des informations ainsi obtenues pour mener ses investigations, en particulier pour constater où séjourne la personne, si elle se rend à l'étranger, qui l'accompagne et quels objets elle transporte. De telles informations peuvent déboucher sur de nouvelles pistes d'enquête. La collecte d'informations effectuée sur la base d'un signalement aux fins de surveillance discrète peut également servir à mettre au jour des infractions et à empêcher qu'elles ne soient commises. Elle permet aussi de clarifier la question de la compétence en matière de poursuite pénale en Suisse. Lorsqu'il n'y a plus d'intérêt au maintien du secret, la personne concernée est informée qu'elle fait l'objet d'une surveillance discrète (art. 8, al. 7, LSIP). Elle dispose alors des voies de droit prévues par la législation sur la protection des données (cf. art. 25 LPD, notamment en ce qui concerne la rectification et l'effacement de données).

Les signalements aux fins de contrôle ciblé permettent d'appréhender une personne lorsqu'elle arrive à la frontière ou dans le cadre d'un contrôle en Suisse et ainsi d'établir ou de vérifier son identité. La personne appréhendée est tenue de fournir les informations la concernant et de présenter ses documents d'identité et les autorisations dont elle dispose. Elle est en outre interrogée et fouillée au corps. Contrairement à la surveillance discrète, le contrôle est effectué de manière ouverte et la personne est même tenue de coopérer.

La surveillance discrète et le contrôle ciblé ne sont autorisés qu'aux fins mentionnées aux al. 2 et 3 ou aux conditions qui y figurent. Sont notamment considérées comme des infractions graves selon les al. 2 et 3 les infractions visées à l'art. 286, al. 2, CPP (al. 4).

Art. 5, al. 1bis, 1re phrase Cette disposition
ne subit qu'une modification d'ordre rédactionnel: l'abréviation «fedpol» pour l'Office fédéral de la police ayant déjà été introduite à l'art. 1a, al. 2, elle peut être reprise à l'art. 5.

Art. 7, al. 2 Cette disposition ne subit qu'une modification d'ordre rédactionnel (l'abréviation CPP suffit car le code et son abréviation ont déjà été introduits à l'art. 3a P-LOC).

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9. Loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d'information de police de la Confédération87 Remarque préliminaire L'un des objectifs principaux de la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste consiste à empêcher l'entrée de terroristes présumés sur le territoire suisse. Sont concernés essentiellement le SEM et l'AFD (le Cgfr), qui assument tous deux des tâches policières dans la lutte contre le terrorisme. La stratégie exige la création des bases légales nécessaires et l'encouragement de la collaboration et de l'échange d'information entre les autorités concernées. Dans le but d'améliorer cet échange, certains services du SEM et de l'AFD doivent disposer d'un accès en ligne à certains systèmes d'information de police fédéraux pour accomplir leurs tâches de lutte contre le terrorisme.

Art. 10, al. 4, let. e Selon le droit en vigueur, le Cgfr et la Section antifraude douanière de l'AFD ne disposent d'un accès en ligne qu'à l'index national de police (art. 17 LSIP). Cet index indique uniquement si une personne figure dans les systèmes d'information de police des cantons ou de fedpol, mais sans afficher de données plus précises. Ces informations limitées ne permettent pas à l'AFD de contrôler les personnes concernées rapidement et efficacement. L'AFD ne peut donc pas accomplir sa tâche correctement. Or, en contrôlant la circulation des personnes et des marchandises, l'AFD fournit une contribution importante au maintien de la sécurité intérieure. En outre, l'AFD exécute de nombreux actes législatifs douaniers ou autres que douaniers (art. 94 et 95 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes [LD] 88). Elle assume des tâches dans pratiquement tous les domaines d'activité dans lesquels la PJF agit en tant qu'office central. C'est pourquoi il est important que l'AFD, en particulier la Section antifraude douanière et le Cgfr, dispose des informations dont elle a besoin pour ordonner d'autres mesures concernant des personnes suspectes. Par ailleurs, le Département fédéral des finances (DFF) peut aussi conclure une convention avec un canton, à la demande de celui-ci, afin d'habiliter l'AFD à accomplir des tâches de police, en lien avec l'exécution d'actes législatifs autres que douaniers, qui ont été transférées aux cantons par la législation fédérale (art. 97 LD). De ce fait, l'AFD est déjà un
acteur à part entière et bien connecté de la lutte contre la criminalité transfrontalière. L'accès direct au système d'information prévu à l'art. 10 LSIP destiné à l'appui des enquêtes de police judiciaire de la Confédération sera donc très utile non seulement pour les autorités de poursuite pénale des cantons et de la Confédération, mais aussi pour l'AFD. Ce système comporte les données que la PJF collecte lors de ses recherches de police judiciaire dans le cadre de procédures pénales pendantes (art. 10, al. 2, LSIP). L'accès aux données liées à une procédure pénale déterminée peut être restreint sur décision du Ministère public de la Confédération (art. 10, al. 5, LSIP).

87 88

RS 361 RS 631.0

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Art. 11, al. 5, let. e Les services de l'AFD chargés des questions de sécurité se verront également accorder un accès en ligne au «système de traitement des données relatives aux infractions fédérales». Sont traitées dans ce système des données que la PJF de fedpol collecte en dehors des procédures pénales, dans le cadre de ses tâches d'information et de coordination et conformément à des accords internationaux de coopération policière.

Ce système d'information est un outil utilisé dans les investigations préalables. Ces droits d'accès sont indispensables pour assurer que les mesures soient prises dans les temps. fedpol peut limiter l'accès à certaines catégories de données et à des cercles restreints d'utilisateurs (art. 11, al. 4, 2e phrase, LSIP).

Art. 12, al. 6, let. d Les services de l'AFD chargés des questions de sécurité se voient accorder l'accès au «système de traitement des données relatives à la coopération policière internationale et intercantonale» pour accomplir leurs tâches. Ce système sert à l'échange d'informations relevant de la police criminelle, d'informations relatives à des infractions qui ne sont pas soumises à la juridiction fédérale, d'informations destinées à la recherche de personnes portées disparues et à l'identification de personnes inconnues ainsi qu'à la coopération des organes de police de la Confédération avec les autorités policières cantonales et étrangères. Le système d'information contient des données que la PJF reçoit d'autorités suisses ou étrangères, mais qui ne concernent pas des infractions soumises à la juridiction fédérale ou relevant des compétences d'un office central de police criminelle de la Confédération. Lorsqu'elle bénéficiera des droits d'accès directs susmentionnés, l'AFD pourra prendre des mesures efficaces de prévention des menaces en temps voulu. Ces droits d'accès en ligne seront octroyés uniquement aux quelques spécialistes de l'AFD qui en ont besoin pour accomplir leurs tâches légales.

Art. 15, al. 1, let. gbis, h et j, et 4, phrase introductive et let. k Conformément à la section 5 P-LMSI, il convient de saisir les mesures visant à empêcher les infractions terroristes dans le système de recherches informatisées de personnes et d'objets RIPOL, afin que les autorités disposant d'un accès au RIPOL en soient informées et puissent prendre
les mesures nécessaires (nouvelle let. gbis).

Al. 4, let. k: il est prévu d'accorder à la police des transports un accès en ligne aux données personnelles du RIPOL en application de la motion 14.3001 de la Commission des transports et des télécommunications du Conseil national «Consultation de données personnelles en ligne». Cet accès se limite à l'accomplissement de ses tâches. Celles-ci sont détaillées à l'art. 3 de la loi fédérale du 18 juin 2010 sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics89.

89

RS 745.2

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Art. 16, al. 2, let. gbis Les services fédéraux et cantonaux utilisent le système d'information N-SIS (partie nationale du Système d'information Schengen) dans l'accomplissement des tâches suivantes: recherche de documents d'identité établis au nom d'une personne volés, détournés, égarés ou invalidés, tels que les passeports, les cartes d'identité, les permis de conduire, les titres de séjour et les documents de voyage. Les signalements dans le SIS sont effectués conformément à l'art. 38 de la décision 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), qui prévoit expressément le signalement des documents susmentionnés.

Art. 17, al. 4, let. m Le SEM travaille main dans la main avec fedpol pour identifier et combattre le terrorisme dans le cadre de ses tâches légales. De même, il coordonne les mesures relevant de son domaine de compétences avec les mesures préventives policières et administratives de fedpol (cf. art, 98c, P-LEI et 5a P-LAsi). Les tâches du SEM directement concernées sont notamment les suivantes: vérification des conditions d'entrée des étrangers (art. 5, al. 1, let. c, LEI); procédure d'approbation des autorisations cantonales (art. 99 LEI); clarifications nécessaires, notamment sur l'origine et l'identité suite à une demande d'asile (art. 26, al. 2, LAsi) et, enfin, examen de l'éventuelle indignité à bénéficier de l'asile pour cause d'atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse ou sa mise en danger (art. 53, let. b, LAsi).

Selon la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste, la lutte contre le terrorisme exige aussi une collaboration étroite au sein de l'administration fédérale pour être efficace. L'échange d'informations doit être suivi90. Pour que le SEM puisse exécuter ses tâches dans ce domaine, les services du SEM chargés de la prévention des menaces dans le domaine de l'entrée et de l'autorisation (conseiller spécialisé sécurité, Section Identification et Consultation des visas) doivent pouvoir disposer, dans les limites du raisonnable, d'informations traitées par fedpol dans le domaine de la lutte antiterroriste. À cet effet, les services précités du SEM doivent obtenir des droits d'accès en ligne à l'index national de police visé à
l'art. 17 LSIP. Ce système d'information permet de savoir, au moyen d'une seule consultation, si une personne est connue des autorités pénales, qu'il s'agisse d'une autorité de police cantonale, de fedpol ou d'une autorité de police étrangère, par exemple au cours de l'échange de données de police avec Interpol. Le résultat obtenu se limite à: l'identité de la personne, l'autorité compétente, la date de l'inscription, le motif de l'inscription et le système d'information dont proviennent les données (art. 17, al. 3, LSIP). Le SEM reçoit des renseignements plus détaillés de la part de fedpol par la voie conventionnelle de l'assistance administrative. Les services du SEM chargés des questions de sécurité doivent être indiqués de manière transparente à l'échelon de l'ordonnance et leurs droits d'accès fixés dans celle-ci.

En ayant accès à l'index national de police, le SEM peut en outre assister fedpol dans la détection de terroristes potentiels. En pratique, il peut arriver que le SEM 90

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soit la première autorité suisse à entrer en contact avec une telle personne, par exemple lors du dépôt ou de l'examen d'une demande d'asile. Grâce à l'accès à l'index de police, le SEM peut savoir si une personne séjournant par exemple dans un centre fédéral pour requérants d'asile (CFA) est enregistrée dans le réseau de systèmes d'information de police (art. 17, al. 1, let. b, LSIP). Ces informations sont importantes pour la sécurité, constatation dont le SEM peut immédiatement faire part à fedpol.

Art. 17a

Index des données sur le terrorisme

L'index des données sur le terrorisme permet de comparer des données sélectionnées en lien avec des activités terroristes (al. 1, let. a), qui sont ensuite transmises à fedpol dans sa qualité d'office central de police criminelle, sur la base de l'art. 351 CP, du Traité du 25 mai 1973 entre la Confédération Suisse et les États-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale91, de la loi fédérale du 3 octobre 1975 relative au traité conclu avec les États-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale92 et de l'art. 75a de la loi du 20 mars 1981 sur l'entraide pénale internationale93 (al. 1, let. b). La création de cet index de données spécialement conçu pour la poursuite et la prévention des infractions terroristes doit son origine à la déclaration d'intention conclue entre fedpol et le Federal Bureau of Investigation (FBI) des États-Unis le 12 décembre 2012 concernant l'échange d'informations sur des personnes mises en lien avec des activités terroristes. La signature de cette déclaration d'intention a permis à la Suisse de rester dans le programme d'exemption du visa (Visa Waiver Program), qui permet d'entrer sans visa aux États-Unis. L'index des données sur le terrorisme constitue la mise en oeuvre de la déclaration d'intention. Il se fonde actuellement sur les art. 29o à 29w de l'ordonnance JANUS. Lors de la création de l'index, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence a fait remarquer qu'une base légale formelle expresse serait nécessaire pour poursuivre son exploitation. Cette exigence est désormais prise en compte.

L'index permet d'établir une comparaison électronique entre la liste de personnes du FBI et les informations dont dispose fedpol sur des personnes soupçonnées de participer à des activités criminelles liées au terrorisme. La comparaison se fait au cas par cas selon le principe du hit or no-hit (al. 2). Dans le cas d'une réponse positive, fedpol peut obtenir des informations complémentaires auprès du FBI. Ces informations peuvent ensuite être intégrées dans le réseau de systèmes d'informations de police existant pour traitement, conformément aux art. 9 à 14 LSIP (al. 3). Leur traitement obéit aux prescriptions générales de la LSIP (détaillées aux art. 29o ss de l'ordonnance JANUS) et de la LPD.

91 92 93

RS 0.351.933.6 RS 351.93 RS 351.1

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Art. 17b

Communication de données

L'art. 17b règle, au plan législatif et formel, la communication de données sensibles en rapport avec l'index des données sur le terrorisme (dans le droit en vigueur: art. 29s de l'ordonnance JANUS). Cet article répond à la disposition formulée à l'art. 17, al. 2, LPD. Dans son contenu, l'art. 17b concorde avec la réglementation correspondante de l'ordonnance JANUS, à une exception près: désormais, les informations issues de la comparaison avec l'index des données sur le terrorisme pourront aussi être transmises au SEM, aux autorités de contrôle visées à l'art. 21, al. 1, LMSI (exécution du contrôle de sécurité) et aux autorités de poursuite pénale cantonales. La condition est toujours la même, à savoir que ces autorités ont besoin de ces informations pour accomplir leurs tâches légales.

Art. 18

Systèmes de gestion des affaires et des dossiers de fedpol

Les informations sur des poursuites ou des sanctions pénales constituent des données sensibles (art. 3, let. c, LPD). Leur traitement exige une base légale formelle (art. 17, al. 2, LPD). Avec l'art. 18 LSIP, fedpol dispose d'une base légale formelle explicite pour un système général de gestion électronique des affaires et des dossiers interne.

Tout comme la version en vigueur, la nouvelle version de l'art. 18 obéit au principe de la LSIP selon lequel les systèmes d'information régis par cette loi sont déterminés quant à leur contenu et non quant à leur désignation pratique au plan de la loi formelle (de la même manière que l'art. 11 LSIP détermine des infractions fédérales sans mentionner le terme JANUS figurant dans le titre court de l'ordonnance d'exécution). Dans la version en vigueur, l'art. 18 décrit le système d'information ORMA (ainsi que, à l'al. 5 ­ nouvellement al. 5, let. a, P-LSIP, une application du système informatisé de gestion et d'indexation de dossiers et de personnes de l'Office fédéral de la police au sens de l'art. 14 LSIP [IPAS]). Dans la nouvelle version, cette norme recouvre aussi les systèmes d'information fedpol-GEVER et le nouveau système Acta Nova, toujours dans une formulation neutre du point de vue technologique. Aussi le «système d'information» dont il est question dans l'art. 18 actuel est-il mis au pluriel et devient des «systèmes d'information» dans la nouvelle version proposée. Mis à part ce changement, le contenu de la norme reste le même.

La nouveauté essentielle réside dans l'al. 5, qui forme la base légale afin qu'à l'avenir, les décisions prononcées par fedpol en vertu de la section 5 P-LMSI (let. b) puissent être traitées et administrées dans le système GEVER ou Acta Nova. Seront également traitées dans ce système les décisions que fedpol prononce déjà à l'heure actuelle sur la base des art. 67, al. 4, et 68 LEI (let. c). Ces deux domaines de traitement ne sont pas reliés à l'un des systèmes d'information principaux visés dans la LSIP dont découlent également, à l'échelon de l'ordonnance (cf. art. 19, let. c et d), les règles de traitement et les restrictions d'accès applicables (cf. al. 3, 2e phrase, P-LSIP). Des dispositions spécifiques sont prévues expressément à l'art. 18: la durée de conservation est fixée à 15 ans (al. 6) et l'accès en ligne est réservé aux collaborateurs de fedpol chargés du traitement des décisions concernées (al. 7).

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10. Loi du 20 mars 2008 sur l'usage de la contrainte94 Art. 6, let. abis et c La présente adaptation de la LUsC donne aux autorités les compétences policières requises pour pouvoir imposer les mesures visées à la section 5 P-LMSI, si nécessaire en faisant usage de la contrainte.

D'une part, le catalogue des mesures policières figurant à l'art. 6 se voit complété d'une nouvelle let. abis pour inclure le renvoi et l'éloignement de personnes. D'autre part, une modification a été apportée à la let. c. La teneur actuelle se révèle trop étroite, elle qui se limite à «la fouille de locaux et de véhicules». La nouvelle formulation sera donc plus ouverte, mentionnant «la fouille de locaux, d'objets et de véhicules». Par ailleurs, contrairement aux autres mesures listées à l'art. 6, la LUsC en vigueur ne contient pas de réglementation plus précise concernant la fouille de locaux et de véhicules, ou, comme on dira dorénavant, de locaux, d'objets et de véhicules. Cette lacune sera comblée par l'introduction du nouvel art. 20a P-LUsC.

Art. 19a

Renvoi et éloignement

La mesure policière de renvoi et d'éloignement et de tenue à distance figure déjà dans de nombreuses lois cantonales sur la police (notamment le § 33 de la loi sur la police du canton de Zurich ou le § 19 de la loi sur la police lucernoise). Il est désormais prévu de l'intégrer également dans la LUsC, afin de répondre aux besoins pratiques des autorités cantonales chargées de l'exécution des nouvelles mesures ainsi qu'à ceux de fedpol. L'une des tâches principales de fedpol est d'assurer la sécurité des autorités fédérales, des personnes, des bâtiments et des installations dont la protection relève de la compétence de la Confédération. La police cantonale responsable pourra également, au besoin, s'appuyer sur la compétence octroyée par l'art. 19a P-LUsC (en lien avec l'art. 22, al. 4, LMSI; application de la LUsC aux tâches de police de sécurité selon la LMSI). Le renvoi et l'éloignement peuvent par ailleurs également s'avérer utiles dans le champ d'activité élargi de fedpol, par exemple pour la PJF: lors d'une perquisition, d'une arrestation, etc., il peut être nécessaire de renvoyer ou d'éloigner une personne d'un lieu si elle perturbe le déroulement d'une intervention de police judiciaire. La nouvelle compétence policière est par ailleurs aussi un outil important pour les autorités chargées de l'exécution d'interdictions de contact, d'interdictions géographiques ou d'assignations à une propriété. Les autorités ne peuvent utiliser les compétences de police visées dans la LUsC qu'à la condition qu'elles disposent d'indices concrets selon lesquels la personne concernée ne respecte pas les mesures prononcées à son encontre.

Art. 20a

Fouille de locaux, d'objets et de véhicule

La réglementation s'appuie sur les dispositions de plusieurs lois cantonales de police (cf. par ex. § 36 de la loi sur la police du canton de Zurich). Elle reflète la pratique 94

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actuelle. Il convient de faire une distinction nette entre la fouille de locaux, d'objets et de véhicules réglementée ici et les fouilles et perquisitions au sens des art. 241 ss CPP, qui s'appliquent à partir de l'ouverture d'une procédure pénale.

11. Loi fédérale du 21 décembre 1948 sur l'aviation95 Art. 108b Dans le domaine SIBEL (gardes de sûreté dans l'aviation), fedpol a par le passé eu quelques incidents critiques à déplorer dans des aéroports suisses et étrangers impliquant des collaborateurs d'une société d'aéroport ayant accès à la zone de sûreté et disposant d'informations et d'autorisations spéciales, c'est-à-dire des internes. Une vérification améliorée des antécédents du personnel d'aéroport doit permettre à l'avenir de mieux reconnaître et écarter les dangers.

Il existe à l'heure actuelle des contrôles de sécurité de deux niveaux pour le personnel d'aéroport qui a accès à la zone de sûreté d'un aéroport de Suisse: ­

Premier niveau: vérifications entreprises par l'employeur dans le cadre du contrat de travail. L'identité de la personne concernée est établie et tous les rapports de travail précédents sont pris en considération, y compris les périodes de formation et de perfectionnement.

­

Deuxième niveau: vérification des antécédents par la police cantonale. Elle a pour but de combler les éventuelles lacunes du premier contrôle visant à établir l'identité de la personne concernée et de vérifier notamment la présence d'éventuels antécédents judiciaires. Sur cette base, l'employeur décide ou non d'autoriser la personne à pénétrer dans la zone de sûreté.

Le contrôle de premier niveau est exécuté sur la base de dispositions de droit privé ou de droit du personnel cantonal. À l'occasion de la consultation, les entreprises Flughafen Zürich, SWISS et CUSTODIO ont demandé la création d'une base légale expresse pour le contrôle de deuxième niveau. Les principes de la vérification des antécédents sont régis par le règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/200296 et le règlement d'exécution (UE) 2015/1998 de la Commission du 5 novembre 2015 fixant des mesures détaillées pour la mise en oeuvre des normes de base communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile97. Ces deux règlements ont été repris dans le cadre de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien 98 (cf. ch. 4 de l'annexe de l'accord).

95 96 97 98

RS 748.0 JO L 97 du 9.4.2008, p. 72 JO L 299 du 14.11.2015, p. 1 RS 0.748.127.192.68

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Conformément à l'al. 1, les entreprises de transport aérien sises en Suisse doivent effectuer la vérification des antécédents pour leur personnel. Les exploitants d'aéroport doivent faire de même pour toutes les autres personnes qui ont ou qui doivent avoir accès à la zone de sûreté d'un aéroport. Les exploitants sont déjà tenus de garantir, en vertu de l'art. 4, al. 3, de l'ordonnance du DETEC du 20 juillet 2009 sur les mesures de sûreté dans l'aviation99, que tout le personnel travaillant dans la zone de sûreté a fait l'objet de vérifications. Celles-ci ne concernent pas uniquement leur propre personnel, mais aussi le personnel des entreprises, les livreurs et les tiers ayant ou devant avoir accès à la zone de sûreté de l'aéroport.

L'al. 2 fixe le contenu minimal de la vérification des antécédents selon le droit déterminant de l'UE. L'identité de la personne concernée est tout d'abord vérifiée. À l'aide d'un extrait du casier judiciaire, on vérifie ensuite la présence d'éventuels antécédents judiciaires. Si la personne a vécu à l'étranger, un extrait du casier judiciaire de ce pays est également exigé. Puis, le curriculum vitae de la personne concernée est examiné sous l'angle de la sécurité. En outre, la personne concernée est tenue de lister dans une déclaration toutes les infractions commises dans tous les États où elle a résidé durant au moins les cinq dernières années.

L'al. 3 assure la protection juridique de la personne concernée. Celle-ci donne son consentement à la vérification en signant le contrat de travail ou la demande d'accès à la zone de sûreté de l'aéroport. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les exploitants d'aéroport ont la compétence décisionnelle dans le domaine de l'octroi, du refus ou du retrait de l'autorisation d'accès et sont donc habilités à rendre des décisions au sens de l'art. 5 PA100. Pour pouvoir rendre leurs décisions, les exploitants d'aéroport et les entreprises de transport aérien doivent disposer des données nécessaires. Celles-ci leur sont communiquées par le service de police concerné par l'affaire.

Art. 108c Cet article codifie la pratique courante des exploitants d'aéroport, selon laquelle la vérification est en principe effectuée par la police cantonale.

À l'al. 1, les entreprises de transport aérien et les exploitants d'aéroport sont autorisés
à communiquer au service de police compétent les données nécessaires (notamment les dossiers de candidature, les curriculums vitae, les extraits du casier judiciaire, les évaluations du collaborateur, les appréciations des risques, etc.). Le service de police compétent obtient également un accès direct au casier judiciaire informatisé VOSTRA (cf. ch. 12 ci-après). Cet accès comprend également les données sur les procédures pénales en cours qui ne figurent pas sur un extrait normal du casier judiciaire (al. 2).

L'al. 3 habilite le service de police compétent à échanger les données nécessaires à une vérification des antécédents avec le service de police étranger compétent et à les traiter. Cette disposition est nécessaire car une partie des personnes qui ont ou doivent avoir accès à la zone de sûreté d'un aéroport suisse sont domiciliées à l'étranger 99 100

RS 748.122 ATAF 2C_855/2016 du 31 juillet 2018 consid. 8 ss

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ou l'ont été pendant une période prolongée (par ex. frontaliers). Sans cet échange international, le service de police compétent suisse ne peut pas procéder à une vérification des antécédents complète, faute de disposer de données de sécurité (notamment de données sur d'éventuels antécédents judiciaires ou procédures pénales en cours).

Art. 108d La recommandation du service de police compétent concernant l'octroi, le refus ou le retrait de l'autorisation d'accès n'est pas contraignante pour les entreprises de transport aérien et les exploitants d'aéroport. Ils ne s'en écartent toutefois jamais dans leurs évaluations.

Art. 108e Cette disposition ne règle pas la cadence de la vérification des antécédents, celle-ci étant déjà fixée au point 11.1.7 du règlement d'exécution (UE) 2019/103 de la Commission du 23 janvier 2019 modifiant le règlement (UE) 2015/1998 en ce qui concerne la clarification, l'harmonisation et la simplification ainsi que le renforcement de certaines mesures de sûreté aérienne spécifiques101. Ce point est repris par la Suisse dans le cadre de l'accord bilatéral sur le transport aérien. Étant donné que la conclusion d'accords internationaux sur la sûreté de l'aviation relève de la compétence du Conseil fédéral (art. 3a, al. 1, let. cbis, LA), il ne serait pas judicieux d'inscrire la cadence dans la loi au regard d'une éventuelle future modification du règlement. Dans tous les cas, une première vérification a lieu avant l'engagement ou avant l'octroi de l'autorisation. Le nouveau droit communautaire que la Suisse reprendra prochainement requiert le renouvellement de la vérification des antécédents au bout de trois ans au plus tard. Malgré ces répétitions périodiques, il peut arriver que cette vérification doive être renouvelée plus tôt. Cela peut par exemple être le cas lorsqu'un ministère public ou un tribunal signale à l'Office fédéral de l'aviation civile une infraction susceptible de conduire au retrait de l'autorisation (cf.

art. 100, al. 1, LA). Un renouvellement peut par exemple aussi être indiqué si la personne change radicalement de comportement ou si l'entourage professionnel ou des tiers émettent des soupçons.

12. Loi du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire102 Art. 46, let. d, ch. 3 L'entrée en vigueur de la loi sur le casier judiciaire (LCJ) entraîne le transfert de toutes les dispositions, entièrement remaniées, du CP sur le casier judiciaire dans la nouvelle loi. Il faut donc s'assurer que lors de l'entrée en vigueur de la LCJ, les adaptations des art. 365 et 367 CP seront reprises.

101 102

JO L 21 du 24.1.2019, p. 13 FF 2016 4703 (texte sujet au référendum)

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Selon que la nouvelle LCJ sera en vigueur ou non au moment du vote final sur le P-MPT, subsistera dans le projet de loi soit le nouvel art. 46, let. d, ch. 3, proposé ici, soit les art. 365, al. 2, let. v, et 367, al. 2, let. n, et 4, CP (sur cette réglementation de coordination, cf. explications au ch. 6 Code pénal).

13. Loi fédérale du 18 mars 2016 sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication103 Art. 1, al. 1, let. f, 10, al. 2ter, et 11, al. 4ter et 5, 1re phrase, LSCPT Étant donné qu'il est désormais possible de relever des données secondaires aussi à des fins de localisation par téléphonie mobile au sens de l'art. 23q P-LMSI et de les transmettre à l'autorité compétente, le champ d'application matériel de la LSCPT est élargi à l'art. 1, al. 1, let. f. Cet élargissement du champ d'application se rapporte toutefois uniquement à la localisation par téléphonie mobile et non à la surveillance électronique également mentionnée à l'art. 23q P-LMSI. C'est la première fois qu'une mesure de surveillance non secrète et ne nécessitant pas d'autorisation est prévue, ce qui représente un changement de paradigme pour le Service SCPT et entraînera une modification des ordonnances d'exécution. Parallèlement, il s'agit de compléter la réglementation en matière de droit d'accès aux données (art. 10, al. 2ter) et de proposer une réglementation des délais d'effacement pour l'art. 11, al. 4ter qui soit concrètement adaptée à l'art. 23q P-LMSI.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

3.1.1

Conséquences financières

Les coûts d'investissement uniques en faveur des systèmes d'information de fedpol se montent à 71 000 francs au total et se composent comme suit:

103

­

§ 30 000 francs pour la création d'une nouvelle catégorie de signalement dans le RIPOL concernant les mesures visant à empêcher les activités terroristes selon la section 5 P-LMSI;

­

20 000 francs pour la saisie électronique des données traitées en vertu de la section 5 P-LMSI;

­

10 000 francs pour l'équipement des postes supplémentaires dans les deux domaines précités ainsi que pour la formation des personnes concernées (charges uniques de biens et services);

­

11 000 francs pour les adaptations des droits d'accès (du SRC) au système d'information relatif aux documents d'identité (ISA).

RS 780.1

4626

FF 2019

Les nouveaux droits d'accès du SEM et de l'AFD aux systèmes d'information de fedpol d'une part, ainsi que des services de police cantonaux au casier judiciaire informatisé VOSTRA d'autre part, droits prévus dans le cadre du présent projet, n'induisent pas de coûts d'investissement et d'exploitation notables. Les coûts afférents aux droits d'accès de la police des transports ne seront quant à eux pas supportés par la Confédération.

Un motif supplémentaire de détention, celui de la menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse, est créé pour les cas de détention en phase préparatoire (art. 75 LEI) et de détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 76 LEI). En raison du faible nombre de cas escomptés dans ce contexte, la charge financière de la Confédération devrait ici être minime.

L'expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable doit désormais être traitée de la même manière que l'expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable (concernant l'égalité de traitement, cf. le commentaire de l'art. 83, al. 9, P-LEI). Dorénavant, la Confédération versera aux cantons une indemnité forfaitaire également pour les réfugiés frappés d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable. Cette indemnité forfaitaire est limitée dans le temps et ne peut être versée que pendant cinq ans au plus à compter du dépôt de la demande d'asile (cf. art. 88, al. 3, LAsi). Il ne devrait donc en résulter que de très faibles surcoûts pour la Confédération.

Afin de pouvoir exécuter les mesures de surveillance en conformité avec le projet MPT, le système de traitement du Service SCPT doit soutenir des processus supplémentaires. Les adaptations concernent entre autres la mise en oeuvre des types de surveillance selon le projet MPT, les délais de conservation ainsi que les modifications des fonctionnalités et des accès en ligne. Les coûts uniques liés à ces adaptations de système sont estimés à quelque 500 000 francs, une somme qui comprend les coûts nécessaires de développement et de projet ainsi que les extensions requises du système. Les adaptations du système entraîneront des surcoûts d'exploitation de 100 000 francs par an.

3.1.2

Conséquences sur l'état du personnel

Le prononcé de mesures de police administrative est conditionné par une demande du canton et nécessite une gestion commune des cas ainsi qu'une coordination par fedpol avec ledit canton. Cette coordination, le traitement de la décision, une éventuelle participation à une procédure de recours et le contrôle de l'exécution des mesures entraîneront un besoin accru en personnel à fedpol, qui n'est pour l'heure pas encore possible d'établir de façon définitive. Ce besoin est actuellement estimé à neuf postes, mais ce chiffre devra être analysé de manière plus approfondie une fois le projet de loi entré en vigueur. Lors de l'entrée en vigueur, cinq postes à durée indéterminée devront cependant obligatoirement être à disposition. Ultérieurement, c'est-à-dire une fois que de premières expériences auront pu être recueillies, des ressources en personnel plus élevées devront être demandées selon les besoins. Au

4627

FF 2019

bout de quatre ans au plus tard, le besoin en ressources pour pérenniser les nouvelles tâches sera évalué en tenant compte de la menace et de l'évolution des cas104.

Les ressources actuelles de fedpol ne lui permettront pas de mener à bien les mesures de police administrative proposées. Au vu de la forte hausse du nombre de mesures d'éloignement (qui a presque quadruplé entre 2015 et aujourd'hui) et de la menace accrue, il faut tabler sur un besoin en ressources plus élevé pour le traitement des nouvelles mesures. Les dépenses en personnel requises par terroriste potentiel pour les clarifications préalables, les constatations de faits, le traitement des décisions et les remises au tribunal seront comparables aux dépenses en personnel que requiert aujourd'hui une expulsion.

fedpol estime que, dans un contexte de menace inchangé, le SRC, les communes ou les cantons présenteront des demandes de mesures selon la section 5 P-LMSI dans un nombre de cas allant jusqu'à 30 par an, chaque cas comprenant en règle générale plusieurs mesures combinées. Par exemple, il peut être nécessaire de prononcer à l'encontre d'un terroriste potentiel une interdiction de contact assortie d'une obligation de se présenter et de participer à des entretiens, d'une assignation à une propriété et d'une interdiction de quitter le territoire. Il faut en outre s'attendre à ce que certaines mesures fassent l'objet de recours et qu'elles soient nombreuses à devoir être soit prolongées soit réexaminées sur demande.

Par ailleurs, la mise en oeuvre du projet MPT entraîne des tâches supplémentaires pour le Service SCPT aussi: localisations par téléphonie mobile au sens de l'art. 23q P-LMSI, en plus des branchements à mettre en oeuvre, charges de conseil et traitement des dérangements signalés. La compétence fédérale créée par l'art. 29b P-LMSI conduira en outre à une surcharge pour les autorités pénales fédérales. Il n'est pas possible à ce jour d'estimer quelle sera la charge supplémentaire pour la poursuite pénale en cas d'infraction aux mesures visées aux art. 23k à 23q P-LMSI.

3.1.3

Autres conséquences

Aucune autre conséquence n'est attendue pour l'heure.

104

À propos de la question posée dans le postulat 17.3044 Müller Damian du 1er mars 2017 concernant les ressources en personnel du SRC pour surveiller les personnes dangereuses, il convient de faire la remarque suivante: le Conseil fédéral a conscience que le SRC doit disposer de ressources suffisantes pour mener à bien ses tâches. Par exemple, le chef du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a, au second semestre 2018, doté les domaines cyber et du contre-espionnage de 26 nouveaux postes. Le Conseil fédéral et le DDPS examinent régulièrement la nécessité d'adaptations supplémentaires. Aucune décision n'a encore été prise à ce sujet.

4628

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3.2

Conséquences pour les cantons et les communes, ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Mesures de police préventive C'est fedpol qui prend la décision de prononcer des mesures de police préventive (art. 23j, al. 1, P-LMSI), et c'est aux cantons qu'incombe leur exécution, fedpol pouvant ici fournir une assistance sur les plans de l'administration et de l'exécution (art. 23r, al. 1 et 2, P-LMSI). Dans le cadre de la consultation, les cantons ont souhaité des précisions concernant le financement et la collaboration avec la Confédération. Il a notamment été souligné qu'une surveillance électronique et une localisation par téléphonie mobile (art. 23q P-LMSI) peuvent nécessiter beaucoup de temps et de personnel et s'accompagner de coûts élevés. Certains ont approuvé le projet sous réserve que les coûts de l'exécution des mesures de police préventive soient assumés par la Confédération. Or le présent projet part du principe que les cantons assumeront eux-mêmes les coûts d'exécution105. Il faut également tenir compte du fait qu'il revient aux cantons de demander des mesures selon la section 5 P-LMSI. En outre, les nouvelles mesures de police préventive sont utiles au niveau non seulement de la Suisse entière mais aussi du canton requérant. Pour ces raisons aussi, il est justifié que les cantons assument au moins les coûts d'exécution et que les coûts afférents au prononcé des mesures soient quant à eux à la charge de la Confédération (cf.

ch. 5.5).

Le projet de loi propose que chaque canton désigne un service compétent qui peut demander à fedpol d'ordonner une mesure de police préventive. Plusieurs cantons disposent déjà d'une telle structure destinée à la gestion des cas («gestion des menaces»), et d'autres devront en créer une s'ils entendent recourir aux mesures proposées dans le cadre du présent projet. Il faut s'attendre à des coûts variables en fonction de la taille de la structure existante.

Si fedpol accepte la demande du canton, l'exécution de la mesure incombe à ce dernier et peut induire notamment les coûts suivants:

105

­

Coûts du prononcé d'une surveillance électronique et d'une localisation par téléphonie mobile: la mise en oeuvre du prononcé d'une surveillance électronique est du ressort des cantons, lesquels doivent alors s'attendre à des coûts et à une charge en personnel supplémentaires. Il est toutefois peu probable qu'ils doivent créer de nouveaux postes à cette fin.

­

Coûts du contrôle régulier du lieu de séjour d'un terroriste potentiel ou fouille de locaux, d'objets et de véhicules: plus une personne est dangereuse, plus les contrôles doivent être fréquents. Les coûts du contrôle régulier du

Cf. à ce sujet les explications données dans le rapport du Conseil fédéral du 2 mars 2012 donnant suite au postulat Malama 10.3045 du 3 mars 2010 Sécurité intérieure. Clarification des compétences, FF 2012 4161 4185; cf. aussi le message du Conseil fédéral du 7 mars 1994 concernant la loi fédérale sur des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure ainsi que l'initiative populaire «S. o. S. ­ pour une Suisse sans police fouineuse», FF 1994 II 1123 1193.

4629

FF 2019

lieu de séjour de la personne concernée sont donc variables et ne peuvent pas être chiffrés avec précision.

­

Coûts découlant de l'obligation de se présenter et de participer à des entretiens: la personne est tenue de se présenter et de participer à des entretiens à des intervalles déterminés, sachant que plus le risque que le terroriste potentiel passe à l'acte est élevé, plus les intervalles sont courts. La mise en oeuvre de cette mesure s'accompagne de charges en personnel pour chaque cas, ce qui, dans certains cantons, pourrait entraîner une augmentation des coûts de personnel.

­

Coûts de l'assignation à une propriété: dans la mesure du possible, l'assignation doit porter sur l'appartement même du terroriste potentiel. S'il doit être logé à l'extérieur, il en résulte des coûts. Dans les deux cas, des coûts liés à l'utilisation des dispositifs de surveillance électronique du lieu de séjour ou à la localisation par téléphonie mobile pourront être générés.

­

Coûts du placement séparé et de la détention administrative en vertu du droit des étrangers et coûts de la détention cellulaire ou du placement séparé dans le cadre de l'exécution des peines et des mesures: une place en détention avant jugement coûte 234 francs par détenu et par jour contre 390 francs pour une place en détention ordinaire (état: 2010)106. Ces coûts sont comparables à ceux engagés pour une place en détention en vue du renvoi ou de l'expulsion.

Vérification des antécédents du personnel aéroportuaire (art. 108b LA) En Suisse, quelque 37 000 personnes travaillent dans la zone de sûreté d'un aéroport. Toutes ont aujourd'hui déjà besoin d'une autorisation d'accès délivrée par l'exploitant de l'aéroport pour accomplir leur mission et sont soumises à une vérification des antécédents. L'aéroport de Genève fait contrôler par la police cantonale toutes les personnes qui doivent avoir accès à la zone de sûreté. L'aéroport de Zurich effectue quant à lui environ 80 % de tous les contrôles, la police cantonale n'intervenant que dans les cas les plus sensibles. Les entreprises de transport aérien, qui se sont jusqu'à présent chargées elles-mêmes de ces contrôles, pourront désormais collaborer avec la police cantonale. Elles pourront choisir si et dans quelle mesure elles recourront à cette nouvelle possibilité. Chez Swiss International Air Lines par exemple, les antécédents de quelque 5800 employés (4500 membres du personnel de cabine et 1300 membres du personnel de cockpit) sont vérifiés. Les entreprises de transport aérien et les exploitants d'aéroport assument aujourd'hui déjà les coûts de ces contrôles. La réglementation proposée n'entraînera donc en principe pas de nouveaux coûts.

106

Rapport du Conseil fédéral relatif au postulat 10.3693 Rickli du 27 septembre 2010; coûts de l'exécution des peines en Suisse, p. 9, en ligne sur: www.bj.admin.ch > Accueil OFJ > Publications & services > Rapports, avis de droit et décisions > Rapports et avis de droit (état au 11.3.2019)

4630

FF 2019

3.3

Conséquences économiques, sociales et environnementales

Les dispositions proposées visent à accroître la sécurité en Suisse. Une meilleure sécurité dans l'ensemble de la société contribue, de façon indirecte, à améliorer les conditions-cadres économiques, ce qui renforce encore la place suisse. En outre, doter la police de moyens appropriés pour agir contre les terroristes potentiels devrait influer positivement sur le sentiment de sécurité au sein de la société. Enfin, les nouvelles mesures de police préventive ne devraient avoir aucune conséquence notable pour l'environnement.

4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Le présent projet n'est annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019107, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019108. On ne savait pas encore, au moment de définir ce programme, qu'en plus des adaptations du droit pénal requises par le message relatif à l'approbation de la Convention du Conseil de l'Europe du 16 mai 2005 pour la prévention du terrorisme109 des mesures policières seraient également nécessaires pour lutter efficacement contre le terrorisme.

4.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste Au vu de l'aggravation de la menace terroriste en Europe, le Conseil fédéral a adopté en 2015 la Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste. La Suisse combat le terrorisme en recourant aux moyens à sa disposition relevant de l'État de droit et en se coordonnant avec ses partenaires de sécurité suisses et étrangers. Le Conseil fédéral s'est notamment fixé les deux objectifs suivants: prévenir le terrorisme sur le territoire de la Suisse et empêcher l'exportation du terrorisme et le soutien au terrorisme à partir du territoire de la Suisse110.

La Suisse atteint ces objectifs en utilisant les instruments du droit pénal, mais aussi les mesures de police préventive. S'agissant de la prévention du terrorisme sur le sol national, certains instruments existent déjà (comme l'interdictions d'entrée ou le retrait de droits de séjour), qui ont été renforcés par l'entrée en vigueur de la LRens, notamment dans le domaine de la recherche d'informations. Le présent projet complète les bases légales et vise en particulier à empêcher, par des mesures de police, 107 108 109

FF 2016 981 FF 2016 4999 Objectif 61 de l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 2019, FF 2016 4999 5006 110 Stratégie de la Suisse pour la lutte antiterroriste du 18 septembre 2015, FF 2015 6844 s.

4631

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les terroristes potentiels de commettre des attentats, y compris avant ou après une procédure pénale.

Stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques La possibilité de créer un office central de lutte contre la cybercriminalité jouant le rôle de centre national de compétences pour la Confédération et les cantons conformément à l'art. 1, al. 2, P-LOC s'inscrit par ailleurs dans le droit fil de la stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques (SNPC) 111. L'évolution d'Internet amène de nouvelles formes de cybercriminalité qui ne peuvent être combattues durablement et complètement qu'avec le concours des services compétents de la Confédération et des cantons. La base légale d'un office central de lutte contre la cybercriminalité servant de centre national de compétences pour la Confédération et les cantons est ainsi créée, rejoignant le «concept pour la mesure 6 SNPC» du 18 février 2016 adopté par la CCDJP et le Conseil fédéral.

5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Pour ce qui est des dispositions constitutionnelles fondant les compétences, il s'agit en premier lieu des compétences constitutionnelles inhérentes de la Confédération en matière de maintien de la sûreté intérieure et extérieure de la Suisse. En effet, dans le domaine de la sécurité intérieure et extérieure, le texte constitutionnel n'est pas décisif à lui seul pour déterminer si les normes constitutionnelles donnent à la Confédération le pouvoir de légiférer. Certaines compétences sont reconnues à la Confédération parce qu'elles sont liées à son existence en tant qu'État, même lorsqu'elles ne figurent pas explicitement dans la Constitution112. S'agissant de ces compétences fédérales pour lesquelles une attribution explicite fait défaut dans la Constitution, la nouvelle pratique invoque l'art. 173, al. 2, Cst.

La Confédération a la compétence inhérente de prendre les mesures nécessaires sur le plan intérieur et à l'étranger pour assurer sa propre protection et celle de ses organes et de ses institutions. Elle se doit d'assurer la pérennité de la communauté nationale et de veiller à écarter les dangers qui pourraient menacer cette collectivité dans son existence. Les risques liés aux activités terroristes sont de toute évidence susceptibles de sérieusement menacer l'État dans ses structures fondamentales et son existence même. Comme le rappelle le préambule de la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme, les actes de terrorisme visent à intimider gravement une population, à contraindre indûment un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque, ou à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internatio111

Cf. stratégie nationale de protection de la Suisse contre les cyberrisques (SNPC) 2018­2022, p. 23, sous www.isb.admin.ch > Documentation > Rapports (état au 11.3.2019).

112 ATF 117 Ia 202 consid. 4a p. 211 s.

4632

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nale. Les activités terroristes ne peuvent certes menacer directement la vie et l'intégrité physique que de certaines personnes, mais elles ont des répercussions au-delà des frontières cantonales et nationales et entraînent des modifications et une déstabilisation de l'ensemble de la société et des structures sur lesquelles repose la démocratie. Les répercussions de telles activités ne sont pas limitées au niveau géographique, même si elles sont commises localement, mais s'étendent à toute la population suisse et menacent en fin de compte la sécurité intérieure du pays dans son ensemble.

Dans le domaine de la sécurité intérieure et extérieure, la compétence inhérente de la Confédération comprend aussi des compétences législatives. Elle couvre le renforcement des moyens de police préventive dans le cadre de la LMSI. Cela dit, eu égard au principe de subsidiarité (art. 5a et 43a Cst.), la Confédération se doit de faire un usage modéré de cette compétence, d'autant plus que la sauvegarde de la sécurité intérieure n'est pas une de ses tâches exclusives.

Dans le domaine de la sécurité extérieure, la Confédération jouit d'une compétence générale comprenant de vastes pouvoirs législatifs (art. 54, al. 1, Cst.). L'art. 54, al. 1, Cst. est d'ailleurs également considéré comme une base constitutionnelle pour édicter des actes étroitement liés avec les affaires étrangères, comme dans le cas présent.

La disposition contenue à l'art. 123, al. 1, Cst., qui attribue à la Confédération des compétences législatives dans le domaine du droit pénal et de la procédure pénale, est donc pertinente dans ce contexte. Elle sert tout d'abord de base constitutionnelle aux adaptations prévues du CP (détention cellulaire durant l'exécution des peines ou des mesures) et est aussi importante à d'autres égards: l'art. 123, al. 1, Cst. constitue la base régissant non seulement la compétence des tâches de police de la Confédération menées dans le cadre de procédures pénales, mais aussi l'activité de police menée avant l'ouverture d'une procédure pénale et ayant pour objectif d'empêcher, d'identifier et d'élucider des infractions. En vertu de l'art. 123, al. 1, Cst., la Confédération est également habilitée à édicter des dispositions relatives à l'accomplissement de ces tâches de police, pour autant que celles-ci soient en lien
étroit avec la poursuite d'infractions relevant de sa juridiction. Le crime organisé et le terrorisme figurent notamment parmi les infractions poursuivies pénalement par la Confédération.

Le projet, qui est un acte modificateur unique, comprend une série de dispositions complétant ponctuellement le droit fédéral en vigueur en matière de police . Il s'agit d'instruments servant à l'accomplissement des tâches de police criminelle dans le domaine du terrorisme et du crime organisé d'envergure internationale (notamment de nouvelles formes d'investigation comme les recherches secrètes sur Internet ou dans les médias électroniques ou le signalement aux fins de surveillance discrète ou de contrôle ciblé), y compris le traitement des informations effectué au niveau de la coordination, de l'analyse et des enquêtes. Dans la mesure où ces dispositions visent aussi à coordonner les efforts en matière de sécurité intérieure, l'art. 57, al. 2, Cst. en assure, en plus de l'art. 123, al. 1, Cst., la base constitutionnelle.

Des mesures servant à garantir l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion et devant être introduites dans le droit des étrangers et dans le droit d'asile ainsi que 4633

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diverses autres adaptations sont en outre prévues. L'art. 121, al. 1, Cst. confère à la Confédération des compétences législatives complètes en matière de droit des étrangers lui permettant de régler toutes les questions juridiques dans ce domaine.

5.2

Compatibilité avec les obligations internationales de la Suisse

Au cours des dernières années, la Suisse a franchi d'importantes étapes en vue de la mise en oeuvre et de la ratification d'une série de traités internationaux dont l'objectif commun est de combattre et de prévenir le terrorisme. En tant qu'État partie à ces conventions, elle apporte sa contribution à la lutte internationale contre le terrorisme.

Le présent projet de loi vient créer des mesures à caractère purement préventif qui n'ont pas besoin de se baser sur un soupçon concret d'infraction, ce qui s'accompagne de restrictions parfois considérables des droits fondamentaux et des droits de l'homme garantis par la Constitution mais aussi par le droit international public (en particulier la CEDH et le Pacte I de l'ONU). Aussi est-il accordé une attention particulière aux principes de proportionnalité et de légalité.

5.3

Forme de l'acte à adopter

Les nouvelles mesures de police sont intégrées dans plusieurs lois existantes de rang égal. Le projet se présente par conséquent sous la forme d'un acte modificateur unique. Les nouvelles mesures de police administrative visant les terroristes potentiels s'insèrent dans la LMSI. Celle-ci comporte déjà des mesures préventives comparables pouvant être prononcées par fedpol afin d'empêcher la violence lors de manifestations sportives. Les autres mesures impliquent des ajustements ponctuels dans les différentes lois spéciales concernées.

5.4

Frein aux dépenses

En vertu de l'art. 159, al. 3, let. b, Cst., les dispositions relatives aux subventions ainsi que les crédits d'engagement et les plafonds de dépenses qui entraînent de nouvelles dépenses uniques de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs doivent être adoptés à la majorité des membres de chaque conseil. Le présent projet ne contenant aucune disposition de ce genre, il n'est pas soumis au frein aux dépenses.

4634

FF 2019

5.5

Conformité aux principes de subsidiarité et d'équivalence fiscale

L'attribution et l'accomplissement des tâches étatiques se fondent sur le principe de subsidiarité (art. 5a Cst.). En vertu de l'art. 43a, al. 1, Cst., la Confédération n'assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme par elle. Dans le présent cas, une réglementation par la Confédération est justifiée par la menace supracantonale et supranationale qui découle d'activités terroristes et par la nécessité de mettre en place une coopération au niveau international et des procédures uniformes et coordonnées pour lutter efficacement contre le terrorisme (cf. les explications au ch. 1.3.1). Cela dit, la Confédération se doit de faire un usage modéré de ses compétences et doit laisser suffisamment de marge de manoeuvre aux cantons dans l'accomplissement de leurs tâches.

Or le présent projet de loi n'octroie pas à la seule Confédération la compétence de maintenir la sécurité intérieure en luttant contre des activités terroristes par des moyens de police préventive. Elle est certes la seule à disposer de la compétence d'ordonner des mesures au sens des art. 23k ss P-LMSI, mais dans un tel cas, elle ne fait que réagir à un besoin concret des cantons, qui sont libres de lui demander, ou non, d'ordonner des mesures de police préventive. Même lorsqu'une telle demande ne provient pas d'un canton mais du SRC, fedpol doit au préalable consulter les cantons concernés (art. 23j, al. 1, 3e phrase, P-LMSI), qui disposent par ailleurs d'un droit de recours (art. 24g P-LMSI). De plus, il revient aux cantons d'exécuter et de réaliser concrètement les mesures ordonnées. La Confédération se cantonne donc à un rôle de soutien et de coordination et respecte ainsi le principe de subsidiarité.

Conformément au principe de l'équivalence fiscale inscrit à l'art. 43a, al. 2 et 3, Cst., toute collectivité bénéficiant d'une prestation de l'État prend en charge les coûts de cette prestation et toute collectivité qui prend en charge les coûts d'une prestation de l'État décide de cette prestation. La lutte contre les activités terroristes sert tant un besoin national qu'un besoin concret du canton (qui a émis la demande) sur le territoire duquel se trouve le terroriste potentiel. Il n'est pas possible de simplement mettre les coûts à la charge soit de la Confédération,
soit du canton concerné. S'agissant de la prise en charge des coûts par les cantons, il faut également tenir compte du fait qu'il leur revient de demander à la Confédération d'ordonner des mesures de police préventive ­ à l'exception des cas où c'est le SRC qui dépose une demande. Les cantons décident donc eux-mêmes des prestations qu'ils souhaitent solliciter. Lorsque c'est le SRC qui demande à fedpol d'ordonner une mesure de police préventive, les points suivants doivent (ici aussi) être considérés: les cantons concernés doivent préalablement être consultés; ils disposent d'un droit de recours et, dans le cas où une mesure est prononcée, la sécurité est augmentée dans les cantons concernés.

4635

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5.6

Conformité à la loi sur les subventions

Lors de la consultation, la majorité des cantons a demandé à ce que soient indemnisées les dépenses occasionnées suite à une mesure ordonnée par la Confédération (exécution des mesures); en ce sens, ils ne suivent pas le principe selon lequel les cantons s'acquittent eux-mêmes des coûts d'exécution du droit fédéral (cf. ch. 3.2).

Le législateur a dérogé à ce principe dans la LRens. En vertu de l'art. 85 LRens, la Confédération indemnise les cantons, dans les limites des crédits approuvés, pour les prestations qu'ils fournissent en exécution de la LRens. Le Conseil fédéral fixe une indemnité forfaitaire sur la base du nombre de personnes qui se consacrent de manière prépondérante aux tâches de la Confédération. Pour ce qui est du présent projet de loi, une situation d'exécution particulière comparable n'existe pas (cf. ch. 3.2), raison pour laquelle la Confédération ne peut pas indemniser les coûts d'exécution des cantons. Aucune subvention n'est prévue à cet égard.

Mentionnons encore les adaptations effectuées aux art. 87, al. 1, let. d, P-LEI et 88, al. 3, P-LAsi, lesquels concernent les dispositions afférentes au versement aux cantons d'indemnités forfaitaires et mentionnent désormais aussi les personnes frappées d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force.

L'actuel régime de subventionnement relatif aux contributions à la construction et à l'exploitation d'établissements de détention cantonaux (art. 82, al. 1 et 2, LEI) est élargi par la seule création du motif supplémentaire (menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse) justifiant la détention en phase préparatoire (art. 75 LEI) et la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion (art. 76 LEI). Aucune nouvelle place de détention n'est donc nécessaire, et la charge de la Confédération pour des contributions forfaitaires journalières aux frais d'exploitation des cantons devrait être minime.

Par ailleurs, l'expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable doit dorénavant être traitée de la même manière que l'expulsion obligatoire entrée en force mais non exécutable. Pour ce qui est de l'admission provisoire, cette égalité de traitement est indiquée, puisque dans tous les cas de figure, la présence en Suisse des personnes concernées est pareillement indésirable du fait de leur comportement et
pour des raisons de sécurité. La Confédération versera désormais des indemnités forfaitaires également pour les réfugiés sous le coup d'une expulsion au sens de l'art. 68 LEI entrée en force mais non exécutable. Les indemnités forfaitaires sont limitées dans le temps et ne peuvent être versées que pendant cinq ans au plus à compter du dépôt de la demande.

5.7

Délégation de compétences législatives

Le présent projet ne contient pas de délégation de compétences législatives.

4636

FF 2019

5.8

Protection des données

Lorsque des mesures de police préventive sont ordonnées et que des informations sont échangées entre les autorités concernées, la question de la protection des données revêt une importance toute particulière. L'évaluation d'une demande de mesure de police préventive doit tenir compte de divers éléments (notes de police, données tirées de systèmes d'information fédéraux, jugements pénaux). Ces données sont enregistrées dans les systèmes de gestion des dossiers et des affaires de fedpol (art. 18 P-LSIP). Les exigences relevant du droit en matière de protection des données et relatives à l'exactitude des données, au droit d'accès et de rectification, à la communication de données personnelles et à la sécurité des données sont intégralement prises en considération. Une importance toute particulière a en outre été accordée à la définition la plus précise possible des objectifs du traitement des données, comme en témoigne notamment l'art. 23h P-LMSI.

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