18.084 Message concernant la ratification de la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (convention de Faro) du 30 novembre 2018

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation de la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, en vous proposant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

30 novembre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé La convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société définit le patrimoine culturel comme une ressource majeure pour la promotion de la diversité culturelle et du développement durable de la société, de l'économie et de l'environnement. Elle demande aux Etats de créer les conditions qui font de ce patrimoine un élément-clé de la société et renforcent l'accès et la participation de la population à ce dernier. La mise en oeuvre de la convention ne nécessite aucune adaptation de la législation en vigueur.

Contexte La convention, aussi appelée «convention de Faro», a été élaborée en 2003­2004 par un groupe d'experts placé sous l'égide du Comité directeur du patrimoine culturel du Conseil de l'Europe, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et ouverte à la signature et à la ratification le 27 octobre 2005. Elle est entrée en vigueur le 1er juin 2011, date de l'adhésion du dixième Etat. Jusqu'ici, 18 Etats l'ont ratifiée et 5 Etats l'ont signée sans la ratifier.

La convention de Faro donne un cadre général aux politiques européennes relatives au patrimoine culturel; elle complète et renforce les actuels instruments du Conseil de l'Europe dans ce domaine. Elle définit des objectifs généraux et identifie des champs d'action.

Teneur du projet La convention de Faro porte sur le patrimoine culturel sous toutes ses formes, matérielle, immatérielle et numérique. Elle fait de celui-ci une ressource majeure du développement durable et propose des pistes concrètes permettant de le mettre au service d'une société inclusive. Elle s'articule autour de la question de savoir pourquoi et pour qui conserver le patrimoine culturel européen.

En ratifiant cette convention, les Etats parties s'engagent à reconnaître la contribution apportée par le patrimoine culturel à la société, à promouvoir la responsabilité collective envers ce dernier et à favoriser la participation de la population. L'accent est mis sur le potentiel fédérateur du patrimoine culturel, qui ne peut être activé qu'en promouvant la participation, la collaboration et la responsabilité.

Pour ce qui est de la mise en oeuvre, la convention laisse une grande marge de manoeuvre aux Etats parties.

La convention, qui fait du patrimoine culturel une ressource qu'il convient d'utiliser dans
le cadre d'un développement durable et qui souligne son potentiel de création d'identité, de promotion d'une société démocratique et de contribution à la qualité de la vie, conforte la Confédération et les cantons dans leur volonté de mettre en place une politique nationale dans ce domaine. Elle fait en outre appel à des notions contemporaines telles que la gouvernance participative et transparente, la promotion des processus bottom-up et l'emploi systématique des médias numériques. Ce

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faisant, la convention donne une base solide à la future politique nationale du patrimoine culturel.

La convention de Faro complète les autres accords culturels du Conseil de l'Europe ratifiés par la Suisse; il paraît donc cohérent de la ratifier elle aussi. De plus, au vu notamment des destructions massives et de l'actuelle instrumentalisation du patrimoine culturel dans les conflits armés, la Suisse enverrait ainsi un signal fort en faveur de la stabilité et de la coexistence pacifique des peuples, ce qui correspond aux objectifs de la politique extérieure de la Confédération.

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Message 1

Présentation de la convention

1.1

Contexte

La convention-cadre du Conseil de l'Europe du 27 octobre 2005 sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (convention de Faro) définit le patrimoine culturel comme une ressource majeure du développement durable et propose des pistes concrètes permettant de le mettre au service d'une société pérenne et inclusive.

La notion de durabilité culturelle est relativement récente; elle apparaît en 2015 dans l'Agenda 2030 des Nations Unies, qui s'y réfère systématiquement dans ses objectifs de développement durable. Le Conseil fédéral formule les premiers objectifs concrets en la matière dans sa Stratégie pour le développement durable 2016­20191.

Dans son message du 28 novembre 2014 concernant l'encouragement de la culture pour la période 2016 à 2020 (message culture)2, il souligne également que le développement durable doit mieux prendre en compte le patrimoine culturel et la créativité et montre comment, au moyen des trois axes d'action que sont la «participation culturelle», la «cohésion sociale» et la «création et l'innovation», la culture peut contribuer au développement durable. Ces stratégies reposent sur une conception moderne et dialogique du patrimoine culturel, étroitement liée aux lieux et aux conditions de vie. Le patrimoine culturel doit être géré sur un mode participatif et démocratique, qu'il s'agisse de préservation ou de création. Il est reconnu comme un important facteur de localisation, un élément essentiel de la qualité de la vie et d'une société démocratique.

1.2

Déroulement des négociations

La convention découle du constat qu'il manquait, à côté des accords du Conseil de l'Europe existants et de leurs objectifs spécifiques, un instrument qui valorise le patrimoine culturel en tant que tel et qui souligne son importance pour la qualité de la vie des individus, la cohésion sociale et la durabilité.

La convention a été élaborée en 2003­2004 par un groupe d'experts placé sous l'égide du Comité directeur du patrimoine culturel du Conseil de l'Europe, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et ouverte à la signature et à la ratification le 27 octobre 2005. Elle est entrée en vigueur le 1er juin 2011, date de l'adhésion du dixième Etat.

Jusqu'ici, 18 Etats l'ont ratifiée (Arménie, Autriche, Bosnie et Herzégovine, Croatie, Finlande, Géorgie, Hongrie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Moldova, Monté-

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www.are.admin.ch > Développement durable > Politique et stratégie FF 2015 461

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négro, Norvège, Portugal, , Serbie, Slovaquie, Slovénie, Ukraine) et 5 Etats l'ont signée sans la ratifier (Albanie, Belgique, Bulgarie, Italie, Saint-Marin)3.

1.3

Résultat des négociations

La convention de Faro est une convention-cadre qui définit des objectifs et des champs d'action généraux et indique aux Etats parties la direction à suivre en matière de politique culturelle. Toutefois, elle ne crée aucune obligation d'action spécifique; les Etats restent libres de choisir les procédures qui correspondent le mieux à leur système politique et à leurs traditions.

Le Conseil de l'Europe met ainsi à la disposition de ses Etats membres un instrument qui s'appuie sur une conception moderne du patrimoine culturel et poursuit une politique intégrée de conservation et de développement sans pour autant imposer une réglementation qui porterait atteinte à leur souveraineté.

1.4

Aperçu du contenu de la convention

La convention de Faro s'appuie sur une définition large du patrimoine culturel, à savoir qu'elle y associe tous les aspects environnementaux découlant des interactions entre les hommes et les lieux. Elle ne se limite donc pas au patrimoine culturel matériel, mais inclut ses formes immatérielles et numériques.

La convention considère ce patrimoine comme une ressource majeure pour la cohésion sociale, pour l'amélioration du cadre et de la qualité de la vie. Elle demande aux Etats parties de créer les conditions-cadres qui font de ce patrimoine un élément central de la société, qui permettent au plus grand nombre d'y accéder librement et qui garantissent une participation démocratique. Elle se fonde sur le droit de chacun de bénéficier du patrimoine culturel, qui découle du droit de participer à la vie culturelle tel que formulé aux art. 27 de la déclaration universelle des droits de l'homme4 et 15 du Pacte international du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels5.

La convention de Faro donne un cadre général aux politiques européennes relatives au patrimoine culturel; elle complète et renforce les actuels instruments du Conseil de l'Europe dans ce domaine. Elle définit des objectifs généraux et identifie des champs d'action. Elle ne contient aucune disposition directement applicable et n'impose aucune mesure concrète. Elle engage de manière générale les Etats parties à reconnaître l'apport du patrimoine culturel à la société, à promouvoir la responsabilité partagée envers celui-ci et à encourager la participation du public. En ce qui concerne la mise en oeuvre, la convention laisse une grande marge de manoeuvre aux Etats parties.

3 4 5

Etat: 12 juillet 2018 www.un.org > Documents RS 0.103.1

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En Suisse, du fait de la répartition constitutionnelle des compétences dans le domaine de la culture, cette mise en oeuvre relève à la fois des cantons et de la Confédération. Chacun décide de manière autonome comment inscrire les objectifs de la convention dans sa politique et sa législation. L'art. 6, let. c, de la convention de Faro indique par ailleurs expressément que cette dernière ne crée aucun droit exécutoire.

En revanche, les Etats signataires sont tenus de développer une fonction de suivi; ils doivent donc assurer la collecte et la publication de données sur les législations, les politiques et les pratiques.

1.5

Appréciation

En tant que convention-cadre, la convention de Faro recouvre les instruments dont dispose actuellement le Conseil de l'Europe s'agissant de patrimoine culturel. Elle reprend le principe de patrimoine commun de l'Europe tel qu'établi dans la Convention culturelle européenne du 19 décembre 19546. Alors que la Convention du 3 octobre 1985 pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe7 et la Convention européenne du 16 janvier 1992 pour la protection du patrimoine archéologique8 mettent l'accent sur la manière de protéger le patrimoine construit et archéologique, la convention de Faro s'articule autour de la question de savoir pourquoi et pour qui conserver le patrimoine culturel européen. Elle souligne ainsi son importance majeure pour la société actuelle.

Son approche spécifique distingue la convention de Faro des instruments créés par l'UNESCO dans les domaines de la protection et du transfert des biens culturels, du patrimoine mondial et du patrimoine culturel immatériel9. Ceux-ci mettent en avant les listes et les inventaires de sites, leur protection, leur conservation, leur transmission et leur développement. La convention de Faro souligne quant à elle l'importance de l'individu, dans sa relation au patrimoine culturel et à l'environnement culturel.

Sous l'influence des épisodes de destruction survenus dans les Balkans pendant les conflits des années 90, la convention s'élève résolument contre toute instrumentalisation du patrimoine culturel à des fins idéologiques, ethniques, religieuses ou autres. Ces dernières années ont vu se multiplier les actes de destruction du patri6 7 8 9

72

RS 0.440.1 RS 0.440.4 RS 0.440.5 Convention de la Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (RS 0.520.3); Deuxième protocole du 26 mars 1999 relatif à la Convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (RS 0.520.33); Convention du 14 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (RS 0.444.1); Convention du 23 novembre 1972 pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (RS 0.451.41); Convention du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (RS 0.440.6); Convention du 20 octobre 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (RS 0.440.8).

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moine culturel, pensés comme une forme d'arme, et, parallèlement, s'amenuiser les droits relatifs à la culture; ces dispositions sont donc d'une actualité brûlante. La Suisse, partie prenante des initiatives onusiennes en la matière, est aussi concernée.

En considérant le patrimoine culturel comme une ressource qu'il convient d'utiliser dans le contexte d'un développement durable, et en soulignant son potentiel de création d'identité, de promotion d'une société démocratique et d'amélioration de la qualité de la vie, la convention vient conforter la Confédération et les cantons dans leur volonté de mettre sur pied une politique nationale du patrimoine culturel tenant compte des principes du développement durable. Elle rappelle l'importance de concepts contemporains tels que la gouvernance participative et transparente, la promotion des processus bottom-up et l'emploi systématique des médias numériques.

Les cadres juridiques et institutionnels de la Confédération et des cantons tiennent déjà compte de ces aspects. A cet égard, il faut notamment mentionner, au plan fédéral: la garantie des droits fondamentaux à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, de la Constitution [Cst.]10) et à la liberté de l'art (art. 21 Cst.), qui préviennent toute ingérence de l'Etat dans le domaine des activités culturelles indépendantes; la loi du 11 décembre 2009 sur l'encouragement de la culture11, qui vise à soutenir la conservation du patrimoine culturel, à renforcer la diversité culturelle et la cohésion nationale et à promouvoir l'accès à la culture et la participation de la population à la vie culturelle; la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage12, qui règle la protection, la conservation et l'entretien du paysage, des sites historiques et des monuments, et qui mentionne explicitement le soutien d'organisations, de la recherche, de la formation et du travail de relations publiques et accorde un droit de recours aux organisations privées de protection; la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire13, dont l'approche intégrée garantit que la Confédération, les cantons et les communes prennent en compte le patrimoine culturel bâti dans leurs activités d'aménagement du territoire.

Ces lois permettent une application flexible de la convention. Le caractère programmatique
de cette dernière laisse une grande marge de manoeuvre à la Suisse, qui peut mettre en place des mesures en fonction de ses besoins.

La convention de Faro fournit des pistes permettant de renforcer l'orientation sociale de la politique nationale relative au patrimoine culturel et de configurer judicieusement ses programmes d'encouragement. Sa ratification permettra à la Suisse de collaborer à la plate-forme européenne créée par la convention et donnera ainsi à ses instruments et mesures une plus grande légitimité et publicité. La Suisse peut faire profiter d'autres Etats de sa longue expérience, en particulier dans les domaines de la participation culturelle et de la cohésion sociale. Elle dispose également d'instruments modèles et uniques en matière de vision globale, de préservation et de déve-

10 11 12 13

RS 101 RS 442.1 RS 451 RS 700

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loppement du paysage, des sites historiques et des voies de communication14. Elle peut elle aussi profiter de l'expérience des autres Etats.

La convention de Faro donne une base solide à la future orientation de la politique fédérale relative au patrimoine culturel, qui entend mettre en valeur la contribution de ce dernier à la société et renforcer la participation, la collaboration et la responsabilité collective. Elle complète les autres conventions culturelles du Conseil de l'Europe que la Suisse a ratifiées; il paraît donc cohérent de la ratifier elle aussi. La Suisse enverrait ainsi un signal fort en faveur de la stabilité et de la coexistence pacifique des peuples, ce qui correspond aux objectifs de la politique extérieure de la Confédération.

1.6

Résultats de la consultation

Le Département fédéral de l'intérieur (DFI), sur mandat du Conseil fédéral, a ouvert la consultation concernant la ratification de la convention de Faro le 8 novembre 2017. La procédure était ouverte jusqu'au 14 mars 2018 et le DFI a reçu 51 réponses au total. Une nette majorité approuve clairement la ratification15.

A l'exception du canton de Schwyz, tous les cantons considèrent la convention de Faro comme un complément essentiel aux actuelles conventions culturelles du Conseil de l'Europe; ils soulignent son importance en matière de promotion de la diversité, de la participation et de la pérennité culturelles. Ils soutiennent l'idée que le patrimoine culturel est une ressource pour le développement durable et pour la cohésion sociale. Comme le Conseil fédéral, les cantons sont d'avis que la ratification n'entraînerait aucune nécessité de modifier la législation et apprécient la marge de manoeuvre dont ils disposeraient pour la mise en oeuvre. Beaucoup espèrent notamment que la convention stimulera les domaines de la médiation culturelle et de l'enseignement. La majorité des cantons s'accorde à dire avec le Conseil fédéral que la convention peut être mise en oeuvre dans le cadre des procédures existantes et avec les ressources disponibles. Fribourg signale que, pour garantir la mise en oeuvre, la Confédération devra jouer le rôle de coordinateur. Bâle-Ville demande des détails sur la fonction de suivi (art. 15) et la coopération internationale (art. 17).

Le canton de Schwyz reconnaît certes les objectifs de la convention, mais rejette toutefois sa ratification. En effet, la plupart de ces objectifs sont déjà concrétisés en Suisse; par ailleurs, il est de fait impossible de prévoir l'évolution du droit supranational.

Les Verts et le PS soutiennent expressément la ratification de la convention de Faro.

Le PS considère que la Suisse contribuerait ainsi à promouvoir la stabilité et la coexistence pacifique des peuples. Le PLR soutient explicitement les stratégies 14

15

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Il faut notamment mentionner les trois inventaires fédéraux: Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP), Inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ISOS), et Inventaire fédéral des voies de communication historiques de la Suisse (IVS).

Les documents mis en consultation et le rapport sur le résultat de celle-ci sont disponibles sous www.droitfédéral.admin.ch > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2017 > DFI.

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actuelles de conservation du patrimoine culturel. Il n'est en revanche pas convaincu de l'utilité d'une ratification de la convention de Faro. Aux yeux de l'UDC, cette convention introduit dans le pays des dispositions et des règlements internationaux sans utilité évidente.

L'Union des villes suisses et la Conférence des villes en matière culturelle soutiennent la convention et approuvent les efforts du Conseil fédéral pour la ratifier.

L'Union syndicale suisse soutient une adhésion de la Suisse à la convention de Faro.

En effet, cette ratification renforcerait la politique culturelle nationale et internationale, et constituerait une reconnaissance de la collaboration multilatérale dans ce domaine.

En revanche, le Centre patronal et l'Union suisse des arts et métiers rejettent la ratification. Ils soutiennent que, du fait de la nature programmatique de la convention, les obligations des Etats signataires sont formulées de manière très ouverte et les modalités de mise en oeuvre ne sont pas claires.

L'ensemble des organisations et associations du domaine culturel soulignent l'importance que revêt aujourd'hui la convention de Faro en matière de politique culturelle et approuvent sa ratification. De nombreuses organisations espèrent que la convention stimulera les politiques nationales et internationales en matière de culture et de durabilité, et qu'elle créera des synergies.

En fonction des résultats de la consultation, le message a été modifié sur les points suivants: ­

Les explications concernant la fonction de suivi (art. 15) et la coopération internationale (art. 17) ont été développées et précisées. Voir ch. 2.

­

Les prestations de la Confédération en faveur de la coordination des différents niveaux institutionnels et des diverses politiques sectorielles ont été présentées plus clairement. Voir ch. 3.1.

2

Commentaire des dispositions de la convention

Préambule Le préambule présente les thèmes qui sont ensuite développés dans les dispositions de la convention.

Titre I Objectifs, définitions et principes Art. 1

Objectifs de la convention

La convention repose sur trois prémisses: premièrement, il existe des droits relatifs au patrimoine culturel, qui découlent du droit fondamental de participer à la vie culturelle au sens de l'art. 27 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Deuxièmement, la responsabilité collective et individuelle envers le patrimoine cul75

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turel est le corollaire des droits relatifs à ce patrimoine. Troisièmement, la conservation de ce patrimoine et son utilisation durable visent à développer la société et à améliorer la qualité de la vie.

Les mesures de mise en oeuvre prises par les Etats parties doivent permettre de construire une société démocratique et pacifique et de promouvoir la diversité culturelle. Ces mesures relèvent de la compétence d'acteurs publics et privés.

En formulant ces objectifs, l'art. 1 indique que la convention ne porte pas sur la conservation du patrimoine culturel en fonction de ses seules qualités esthétiques et scientifiques. Elle entend mettre ce patrimoine au service de la qualité de la vie de chacun et des communautés européennes.

Art. 2

Définitions

L'art. 2 définit le «patrimoine culturel» et la «communauté patrimoniale».

La définition du patrimoine culturel est la plus large parmi celles proposées jusqu'ici par une convention de droit international public. Elle inclut le patrimoine culturel matériel, immatériel et numérique et reconnaît l'importance des processus relatifs à sa création, son utilisation, sa conservation, son entretien, son appropriation et sa transmission. Elle souligne sa nature interactive, reconnaissant qu'il est constamment redéfini par l'action humaine et n'est donc ni statique, ni immuable. Elle relève ensuite les liens qui l'unissent à l'environnement.

La «communauté patrimoniale» se compose de groupes qui accordent une valeur particulière à certains aspects du patrimoine culturel et souhaitent que ce patrimoine soit conservé et transmis aux générations futures dans le cadre de l'action publique.

Ces groupes peuvent (mais ne doivent pas) être liés par une origine, une langue ou une croyance religieuse commune. Ils peuvent aussi réunir des personnes qui ont un intérêt commun pour une certaine forme de patrimoine culturel, comme un type d'architecture, un style musical, une coutume ou une tradition.

Art. 3

Patrimoine commun de l'Europe

La convention de Faro reprend le principe de patrimoine commun de l'Europe mentionné à l'art. 1 de la convention culturelle européenne et souligne sa portée sociale pour les trois valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe que sont les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit.

Art. 4

Droits et responsabilités concernant le patrimoine culturel

L'art. 4 fait référence aux droits et aux devoirs des individus en matière de patrimoine culturel. Il se fonde sur le droit de chacun de bénéficier du patrimoine culturel, qui découle du droit à participer à la vie culturelle (art. 27 de la déclaration universelle des droits de l'homme; art. 15 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels). Mais il appartient aussi à chaque individu et à chaque communauté de veiller sur son propre patrimoine culturel et sur celui des autres.

76

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Toutefois, la convention ne crée aucun droit exécutoire individuel relatif au patrimoine culturel (cf. art. 5, let. c, et 6, let. c). Les Etats parties sont tenus de mettre en oeuvre ce droit par le biais des dispositions de leur propre législation. En Suisse, les droits fondamentaux à la liberté personnelle (art. 10, al. 2, Cst.) et à la liberté de l'art (art. 21 Cst.), en lien avec les art. 8 et 10 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)16, garantissent que l'Etat n'intervient pas dans les activités culturelles indépendantes des individus. En ce qui concerne l'accès à la culture et son encouragement, les législations fédérales et cantonales en vigueur fournissent déjà les bases nécessaires. Au plan fédéral, il s'agit notamment de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, de la loi du 18 décembre 1992 sur la Bibliothèque nationale17, de la loi du 12 juin 2009 sur les musées et les collections18, de la loi sur l'encouragement de la culture, de la loi du 14 décembre 2001 sur le cinéma19, de la loi du 13 décembre 2002 sur l'égalité pour les handicapés20 et de la loi du 30 septembre 2011 sur l'encouragement de l'enfance et de la jeunesse21.

Art. 5

Droit et politiques du patrimoine culturel

L'art. 5 prévoit l'intégration systématique du patrimoine culturel dans la législation et les domaines politiques apparentés afin de garantir l'exercice du droit à ce patrimoine.

Art. 6

Effets de la convention

L'art. 6 contient d'importantes précisions sur les effets juridiques et la portée de la convention:

16 17 18 19 20 21

­

La convention n'est pas directement applicable, c'est-à-dire qu'elle ne crée pas de droits, ni d'obligations exécutoires (let. c).

­

Aucune limitation ou atteinte aux droits de l'homme ou aux droits fondamentaux tels que définis notamment dans la déclaration universelle des droits de l'homme ou la CEDH ne seront déduites des dispositions de la convention (let. a).

­

La convention n'affecte pas les dispositions plus favorables relatives à la conservation du patrimoine culturel et de l'environnement qui figurent dans d'autres instruments juridiques nationaux ou internationaux (let. b).

RS 0.101 RS 432.21 RS 432.30 RS 443.1 RS 151.3 RS 446.1

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Titre II Apport du patrimoine culturel à la société et au développement humain Art. 7

Patrimoine culturel et dialogue

Les Etats parties sont tenus de promouvoir le dialogue culturel et interculturel en favorisant l'élaboration de bases éthiques et méthodologiques (let. a et c), en mettant en place des processus de conciliation (let. b) et en intégrant ces démarches aux systèmes de formation et de formation continue (let. d).

Art. 8

Environnement, patrimoine culturel et qualité de la vie

L'art. 8 explique comment gérer le lien entre patrimoine culturel et environnement.

Le patrimoine culturel est un élément important à intégrer dans toutes les politiques sectorielles. Il convient donc d'examiner l'impact d'un projet sur le patrimoine culturel et, si nécessaire, de mettre en place des stratégies d'évitement ou de réduction des dommages (let. a). Il faut également favoriser la prise de conscience collective de la responsabilité de chacun envers l'espace de vie commun (let. c). Elaborer des objectifs de qualité permet de garantir que les constructions et les installations contemporaines s'inscrivent dans l'environnement sans mettre en péril des valeurs culturelles (let. d).

Art. 9

Usage durable du patrimoine culturel

L'art. 9 fixe les principes de la gestion du patrimoine culturel en mettant l'accent sur le patrimoine matériel. Les Etats parties doivent promouvoir le respect de l'intégrité de ce patrimoine et veiller à ce que toute modification de ce dernier tienne compte des valeurs culturelles qui lui sont propres (let. a). Ils doivent prendre en compte les besoins spécifiques de la conservation du patrimoine culturel dans les réglementations techniques (let. c) et élaborer des normes de qualification et des accréditations professionnelles qui garantissent la qualité de la gestion du patrimoine culturel (let. e). Ils doivent promouvoir l'utilisation de matériaux, de techniques et du savoirfaire traditionnels, notamment aussi dans le cas d'une production contemporaine (let. d).

Art. 10

Patrimoine culturel et activité économique

Le patrimoine culturel est un facteur important de l'activité économique. La convention entend renforcer cet aspect en le plaçant sous le signe de la durabilité. Elle incite les Etats parties à mettre en valeur et à promouvoir le potentiel du patrimoine en tant que facteur du développement économique durable, mais aussi à veiller au respect de son caractère et de son intégrité.

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Titre III Responsabilité partagée envers le patrimoine culturel et participation du public L'intégration des acteurs non-étatiques dans la conservation du patrimoine culturel et dans la gestion responsable de ce dernier est un thème-clé de la convention. Ce thème est explicité dans les art. 11 à 14.

Art. 11

Organisation des responsabilités publiques en matière de patrimoine culturel

La gestion du patrimoine culturel doit suivre une approche intégrée, qui inclut d'une part l'administration, et de l'autre la société civile (let. a et b). L'Etat doit respecter et encourager les activités bénévoles (let. d; cf. aussi art. 12, let. c), notamment lorsque des organisations non gouvernementales s'engagent en faveur de la conservation du patrimoine culturel (let. e; sur ce point, le rapport explicatif renvoie à la Convention du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement [convention d'Aarhus]22).

Art. 12

Accès au patrimoine culturel et participation démocratique

Un des principaux objectifs de la convention de Faro est de mettre le patrimoine culturel à la portée du plus grand nombre. Dans ce contexte, les Etats parties encouragent non seulement chacun à participer activement à tous les processus liés au patrimoine culturel, mais aussi à promouvoir la diversité culturelle, à reconnaître le rôle des associations et des organisations et à prendre des mesures qui facilitent l'accès au patrimoine, notamment pour les jeunes et les personnes défavorisées.

Art. 13

Patrimoine culturel et savoir

Les Etats parties sont tenus de veiller à intégrer le patrimoine culturel à l'enseignement, à la formation et à la formation professionnelle.

Art. 14

Patrimoine culturel et société de l'information

La mise en valeur numérique du patrimoine culturel et le patrimoine culturel numérique jouent aujourd'hui un rôle important. La convention engage les Etats parties à utiliser les techniques de numérisation afin d'améliorer l'accès au patrimoine culturel et à garantir la qualité des contenus et la diversité linguistique et culturelle (let. a et b). Ils doivent, dans la mesure du possible, supprimer les obstacles à l'accès aux informations sur le patrimoine culturel, tout en respectant les droits d'auteur (let. c).

22

RS 0.814.07

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Titre IV Suivi et coopération Art. 15

Engagement des Parties

La convention prévoit que les Etats parties développent et maintiennent une fonction de suivi et un système partagé d'information. Cependant, elle n'en spécifie pas les modalités. Contrairement à d'autres traités analogues, elle n'oblige pas les Etats à faire périodiquement rapport sur sa mise en oeuvre. Elle ne prévoit pas de mécanisme de surveillance ou d'évaluation par des tiers.

C'est sur une base volontaire que les Etats parties rendent des rapports et principalement dans le but de permettre des échanges de bonnes pratiques. Chaque Etat décide en toute indépendance de la forme, du contenu et de la périodicité de ces rapports. Les rapports sont adressés au Comité directeur de la culture, du patrimoine et du paysage du Conseil de l'Europe (CDCPP).

La pratique actuelle du Conseil de l'Europe privilégie les études au cas par cas et les analyses de projets-modèles dans le cadre des plans d'action (voir à ce propos le commentaire de l'art. 17). Ces études et ces analyses ne sont pas réalisées au premier chef par des Etats ou des autorités, mais par des communautés patrimoniales au sens de l'art. 2.

Art. 16

Mécanisme de suivi

La mise en oeuvre de la convention a été confiée au CDCPP.

Art. 17

Coopération à travers les activités de suivi

Les Etats parties coopèrent directement ou à travers le Conseil de l'Europe. Ils promeuvent les activités multilatérales et transfrontalières relatives au patrimoine culturel, notamment en créant des réseaux de coopération régionale ou multilatérale.

Ils peuvent convenir, par accord mutuel, de soutenir financièrement la coopération internationale.

Le Conseil de l'Europe soutient la mise en oeuvre de la convention de Faro au moyen d'un plan d'action fixant des thèmes prioritaires et mis à jour tous les deux ans. La mise en oeuvre du plan d'action n'est pas confiée en premier lieu aux autorités, mais à la société civile ou aux communautés patrimoniales (au sens de l'art. 2).

Sur son site Internet, le Conseil de l'Europe propose un recueil de bonnes pratiques et d'analyses ainsi qu'une série d'instruments favorisant une organisation autonome23. Les groupements locaux et régionaux ont la possibilité d'adhérer au réseau de la convention de Faro. Ce réseau, qui est actif à l'échelle européenne, reçoit le soutien du secrétariat du Conseil de l'Europe; il permet des échanges directs entre ses membres, le développement de projets et programmes communs et une meilleure visibilité.

23

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www.coe.int

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Titre V Clauses finales Les clauses finales (art. 18 à 23) correspondent au modèle utilisé pour les autres conventions du Conseil de l'Europe. Il n'est donc pas besoin de les expliciter.

L'art. 21 indique qu'un Etat partie peut en tout temps dénoncer la convention; cette dénonciation prend effet six mois après sa réception par le Secrétaire général du Conseil de l'Europe.

3

Conséquences

3.1

Conséquences pour la Confédération

La ratification ne génère ni nécessité de légiférer, ni engagement de ressources supplémentaires par la Confédération. La convention offre une base solide pour une politique fédérale moderne en matière de patrimoine culturel, politique qui entend mettre en évidence la contribution du patrimoine à la société et renforcer la participation, la collaboration et la responsabilité collective.

La législation en matière de culture, de protection de la nature et du paysage et d'aménagement du territoire permet une application adaptée aux possibilités de chaque domaine d'intervention24. La convention peut être mise en oeuvre dans le cadre des politiques actuelles et au moyen des organismes existants.

Le Groupe de travail interdépartemental «culture du bâti» et la Conférence pour l'organisation du territoire garantissent une coordination transversale et intersectorielle de l'action de la Confédération, telle que requise par la convention.

Quant à la coordination de la politique du patrimoine culturel des différents niveaux institutionnels, elle est du ressort du Dialogue culturel national, institué en 2011 par la Confédération, les cantons, les villes et les communes.

La coopération avec le Conseil de l'Europe est assurée dans le cadre des activités permanentes de la Suisse au Conseil de l'Europe. La mise en oeuvre de la convention a été confiée au CDCPP, auquel la Suisse participe depuis les années 60.

L'éventuelle rédaction de rapports de la Suisse (voir le commentaire de l'art. 15) relève des compétences de la Confédération. Celle-ci peut s'appuyer sur les données cantonales recueillies dans le cadre des statistiques sur la culture, des conventionsprogrammes conclues dans le domaine du patrimoine et des monuments historiques et des rapports destinés à l'Agenda 2030 pour le développement durable.

24

Cf. ch. 1.5.

81

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3.2

Conséquences pour les cantons et communes ainsi que pour les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne

Les cantons, les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne n'auront pas non plus à légiférer ou à engager de ressources supplémentaires, puisque la convention de Faro peut être mise en oeuvre dans le cadre des activités courantes et en fonction des possibilités de chacun.

3.3

Conséquences économiques

Le patrimoine culturel est déjà un facteur économique essentiel et il contribue à la qualité de la place économique suisse. Une politique du patrimoine culturel durable et intégrée, qui respecte les principes de la convention de Faro, peut renforcer cette qualité et accroître la crédibilité de la Suisse au plan international.

3.4

Conséquences sociales

Les objectifs sociaux de la convention de Faro concordent avec ceux de la Suisse. La convention suggère des pistes d'application dans le domaine du patrimoine culturel et présente de nombreux points de recoupement avec les politiques et programmes suisses. Le droit de participation des associations, des organisations et de la population est garanti par la législation suisse et promu par des organismes publics et privés.

3.5

Conséquences environnementales

Les objectifs de la convention de Faro correspondent aux objectifs poursuivis par la politique suisse du paysage. Toutes deux font intervenir des instruments intégrés, des procédures coordonnées et la participation démocratique de la population à la conservation et à l'aménagement du territoire.

3.6

Autres conséquences

Aucune autre conséquence n'est à prévoir.

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4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

4.1

Relation avec le programme de la législature

Ni le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201925, ni l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 201926 ne mentionnent le projet.

Le Conseil fédéral cite la convention de Faro au ch. 4.4.1 du onzième rapport du 24 août 2016 sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe27 comme un des accords présentant un intérêt pour la Suisse. Selon lui, il convient d'examiner les possibilités de mise en oeuvre de la convention et ses conséquences avant d'envisager une signature.

Cet examen a depuis été réalisé, et il s'avère que la convention coïncide avec plusieurs des objectifs et des stratégies fixés par le Conseil fédéral pour la législature 2015 à 2019 (cf. point 4.2 ci-dessous). Ratifier la convention serait de plus une contribution durable de la Suisse à l'Année européenne du patrimoine culturel 2018.

4.2

Relation avec les stratégies du Conseil fédéral

L'adhésion à la convention est conforme à plusieurs objectifs et stratégies du programme de la législature 2015 à 2019 et au message culture 2016 à 2020 et apporte une contribution majeure aux politiques fédérales relatives au patrimoine culturel.

Les principes de participation culturelle, de reconnaissance de la diversité culturelle et de respect des minorités culturelles défendus par la convention sont aussi des prérequis de la cohésion et de la paix sociales en Suisse. Ils sont conformes aux objectifs 8 «La Suisse renforce la cohésion des régions et favorise la compréhension mutuelle entre les cultures et entre les communautés linguistiques»28 et 9 «La Suisse encourage la cohésion sociale et garantit le respect de l'égalité des sexes»29 du programme de la législature.

En ce qui concerne le patrimoine culturel, la politique fédérale d'encouragement promeut d'ores et déjà la «participation culturelle» et la «cohésion sociale» (cf.

message culture 2016 à 202030). La Confédération entend poursuivre cette politique de manière systématique au cours des prochaines années. Dans ce contexte, il conviendra encore d'examiner dans quelle mesure la promotion du patrimoine culturel immatériel peut être inscrite dans une loi.

25 26 27 28 29 30

FF 2016 981 FF 2016 4999 FF 2016 6823 FF 2016 981 1053 FF 2016 981 1054 FF 2015 461 464

83

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Conformément à l'objectif 10 du programme de la législature, la Suisse poursuivra son engagement en faveur de la durabilité économique, écologique et sociale et continuera à soutenir une gouvernance internationale forte31. Le message culture 2016 à 2020 fait aussi une priorité de la valorisation et de l'élargissement de la collaboration internationale au plan institutionnel. Jusqu'à présent, la Suisse a ratifié toutes les conventions européennes pertinentes et s'engage avec détermination au sein du CDCPP. Elle est à l'origine de la déclaration de Davos sur la culture du bâti32, adoptée en janvier 2018 par les ministres européens de la culture, qui met l'accent sur le rôle central de la culture pour l'environnement bâti et sur les avantages d'une culture du bâti de qualité pour la société. Elle s'engage aussi tout particulièrement en faveur de l'encouragement de la participation culturelle dans le cadre de l'Organisation internationale de la francophonie. Les objectifs de la convention de Faro complètent les engagements internationaux actuels de la Suisse et enrichissent thématiquement la politique relative au patrimoine culturel.

En faisant du patrimoine culturel une ressource qu'il convient d'utiliser dans une optique de développement durable, la convention de Faro est dans la droite ligne de l'Agenda 2030 des Nations Unies pour le développement durable, que la Suisse met en oeuvre dans le cadre de sa Stratégie pour le développement durable 2016 à 201933. L'Agenda 2030 est le premier programme à reconnaître pleinement que la culture joue un rôle important en matière de développement durable et à l'intégrer de manière systématique dans ses objectifs (notamment dans les champs d'action 4 et 11).

Le rôle joué par le patrimoine culturel en matière d'amélioration du cadre de vie et l'accent mis sur la qualité de ce dernier sont des éléments majeurs de la Stratégie interdépartementale en faveur de la culture du bâti34; cette stratégie fédérale est en cours d'élaboration et sera mise en oeuvre à partir de 2020.

La convention de Faro prend clairement position contre toute instrumentalisation du patrimoine culturel. Sur ce point-là aussi, elle rejoint la politique poursuivie par le Conseil fédéral au sens de la ligne directrice 3 du programme de la législature35, qui condamne toute destruction et instrumentalisation du patrimoine culturel dans les conflits armés.

31 32 33 34 35

84

FF 2016 981 1056 à 1057 www.davosdeclaration2018.ch Résumé FF 2016 981 1073 et ibid. annexe 3, 1108 FF 2015 461 534 FF 2016 981 1057

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5

Aspects juridiques

5.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., en vertu duquel les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. Conformément à la pratique courante et homogène des autorités fédérales36, cette compétence s'étend à tous les domaines, y compris ceux qui relèvent de la compétence des cantons.

L'art. 184, al. 2, Cst. permet au Conseil fédéral de signer et de ratifier des traités internationaux. Conformément à l'art. 166, al. 2, Cst., l'Assemblée fédérale approuve les traités internationaux dont la conclusion ne relève pas de la compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international (art. 24, al. 2, loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement [LParl]37; art. 7a, al. 1, loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration38).

5.2

Compatibilité avec les engagements internationaux de la Suisse

Conformément à l'art. 6, let. b, de la convention de Faro, les dispositions de celle-ci n'affectent en rien les dispositions plus favorables concernant le patrimoine culturel et l'environnement qui figurent dans d'autres instruments juridiques nationaux ou internationaux.

La Suisse a déjà ratifié plusieurs conventions qui ont trait au patrimoine culturel.

Voici les principales:

36 37 38 39 40

­

La convention culturelle européenne entend «favoriser chez les ressortissants de tous les Membres du Conseil [...] l'étude des langues, de l'histoire et de la civilisation des autres Parties Contractantes, ainsi que de leur civilisation commune» (préambule), afin d'améliorer la compréhension mutuelle.

La convention de Faro fait également référence au patrimoine culturel européen, mais elle ne vise pas sa diffusion internationale. Elle le met au service de la société.

­

La Convention de la Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé39 et le Deuxième protocole du 26 mars 1999 relatif à la Convention de la Haye du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé40 visent à protéger efficacement le patrimoine culturel meuble et immeuble en période de guerre. Le champ d'application de ces conventions est par conséquent restreint et ne recoupe pas celui de la convention de Faro.

FF 2002 584, 2005 926, 2011 7967 RS 171.10 RS 172.010 RS 0.520.3 RS 0.520.33

85

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­

La Suisse a ratifié trois importantes conventions qui portent directement sur la protection du patrimoine culturel matériel. Il s'agit de la Convention de l'UNESCO du 23 novembre 1972 pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel41, de la convention du Conseil de l'Europe pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l'Europe et de la convention du Conseil de l'Europe pour la protection du patrimoine archéologique.

La convention de Faro se distingue de ces trois conventions par ses objectifs. Elle ne vise pas à conserver le patrimoine culturel seulement pour lui-même, mais aussi pour permettre une participation des personnes à ce patrimoine. Elle considère le patrimoine comme une ressource et veut l'utiliser pour créer de l'identité, promouvoir la démocratie et améliorer la qualité de la vie.

­

La Convention européenne du paysage du 20 octobre 200042 porte sur la notion de paysage au sens large, qui inclut une partie du patrimoine culturel matériel. Au-delà de la valeur écologique et culturelle du paysage, elle souligne l'importance de ce dernier pour l'ensemble de la société et en tant qu'espace économique. Elle promeut les mesures de protection mais aussi d'entretien, de planification et de développement. Elle insiste notamment sur la sensibilisation des citoyens et la gouvernance participative. La convention de Faro repose sur les mêmes notions, mais les applique à l'ensemble du patrimoine culturel.

­

En octobre 2008, la Suisse a ratifié la Convention de l'UNESCO du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel43, qui s'attache à conserver et promouvoir les formes traditionnelles d'expression culturelle. Comme la convention de Faro, elle met clairement l'accent sur la participation et l'inclusion des dépositaires du patrimoine culturel. Elle ne s'applique cependant qu'au domaine du patrimoine immatériel, alors que la convention de Faro a une portée plus large, puisqu'elle inclut l'ensemble du patrimoine culturel, matériel, immatériel et numérique.

­

La Convention de l'UNESCO du 20 octobre 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles44 règle le statut du secteur culturel au sein du système commercial international. Sa ligne directrice la distingue clairement de la convention de Faro, même si certains points se recoupent, par exemple la reconnaissance de la diversité des expressions culturelles des groupes et sociétés. De plus, la convention de l'UNESCO a une portée mondiale, alors que celle de Faro concerne uniquement l'Europe.

Par conséquent, la convention de Faro n'engendre aucun conflit avec les traités apparentés. Au contraire, elle vient combler une lacune.

41 42 43 44

86

RS 0.451.41 RS 0.451.3 RS 0.440.6 RS 0.440.8

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5.3

Forme de l'acte à adopter

Conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst., les traités internationaux qui contiennent des dispositions importantes fixant des règles de droit ou dont la mise en oeuvre exige l'adoption de lois fédérales sont sujets au référendum. Conformément à l'art. 22, al. 4, LParl, sont réputées fixant des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences. Et l'art. 164, al. 1, Cst. prévoit que toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

La convention de Faro n'est pas limitée dans le temps, mais peut être dénoncée à tout moment (art. 21). Elle n'implique pas d'adhérer à une organisation internationale (art. 141, al. 1, let. d, ch. 1 et 2, Cst.). Elle contient des dispositions importantes au sens de l'art. 164, al. 1, Cst., car son application nécessite un cadre légal formel.

Les bases légales nécessaires existent déjà.

Par conséquent, l'arrêté fédéral portant approbation de la convention-cadre est sujet au référendum prévu à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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