Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques Rapport de la Commission de gestion du Conseil des États du 19 octobre 2018 Avis du Conseil fédéral du 19 décembre 2018

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Conformément à l'art. 158 de la loi sur le Parlement, nous nous prononçons comme suit sur le rapport de la Commission de gestion du Conseil des États du 19 octobre 2018 concernant la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques1.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

19 décembre 2018

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Alain Berset Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Avis 1

Contexte

La politique de la Suisse en matière de sanctions a fondamentalement changé au cours des dernières décennies. D'une part, depuis son adhésion à l'Organisation des Nations Unies (ONU) en 2002, la Suisse est tenue de mettre en oeuvre les sanctions économiques prononcées par le Conseil de sécurité de l'ONU. À partir de 1990 déjà (embargo contre l'Irak), le Conseil fédéral avait repris de manière autonome toutes les sanctions non militaires édictées par ce dernier. D'autre part, en 1998, la Suisse a pris pour la première fois des mesures de coercition sur la base de décisions de l'Union européenne (UE), en l'occurrence contre la République fédérale de Yougoslavie. Elle a depuis adopté un grand nombre des sanctions prises par l'UE (mais pas la totalité). La loi du 22 mars 2002 sur les embargos (LEmb) 2, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, constitue la base légale autonome qui permet d'appliquer des sanctions non militaires de l'ONU, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou des principaux partenaires commerciaux de la Suisse visant à faire respecter le droit international public et les droits de l'homme. Actuellement, 25 ordonnances se fondent sur la LEmb.

Le Conseil fédéral est d'avis que la politique suisse en matière de sanctions a fait ses preuves et que la ligne de conduite actuelle devrait être maintenue. Cette politique permet à la Suisse de respecter les obligations qu'impose le droit international aux membres de l'ONU et, en cas de sanctions édictées par ses principaux partenaires commerciaux (en général l'UE), de procéder à une pesée des intérêts approfondie afin de déterminer quelle politique répond le mieux à l'intérêt général du pays. Le Conseil fédéral relève par conséquent avec satisfaction que la Commission de gestion du Conseil des États (CdG-E) estime elle aussi que la stratégie de la politique suisse en matière de sanctions est claire et est axée sur les principes de politique extérieure et de politique économique extérieure de la Suisse.

Parallèlement, des voix critiques s'élèvent régulièrement contre la participation de la Suisse aux sanctions économiques. Par exemple, la cohérence de la politique de notre pays concernant l'application des sanctions prononcées par l'UE est remise en question. Les difficultés rencontrées pour surveiller le respect
des sanctions et empêcher leur contournement sont également régulièrement mentionnées. D'autres voix s'opposent par principe aux sanctions économiques.

Dans ce contexte, les Commissions de gestion (CdG) des Chambres fédérales ont décidé, le 28 janvier 2016, de charger le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer la participation de la Confédération à l'application des sanctions économiques. L'évaluation devait porter sur les questions suivantes: ­

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Quelle est la stratégie du Conseil fédéral en matière de participation à l'application de sanctions? Cette stratégie est-elle appropriée au regard des

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objectifs de la Suisse en matière de politique extérieure et de politique économique extérieure?

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L'administration fédérale prépare-t-elle de façon appropriée les décisions relatives à des sanctions?

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La mise en oeuvre de ces décisions par la Confédération est-elle opportune?

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Les sanctions et les mesures prises pour empêcher leur contournement sontelles efficaces?

Pour mener à bien cette évaluation, le CPA a analysé les documents pertinents concernant la préparation et la mise en oeuvre de différentes ordonnances sur les sanctions, et a réalisé des entretiens avec 35 collaborateurs de l'administration fédérale et d'organisations externes. Il a en outre mené des analyses statistiques des données douanières pour examiner le commerce entre la Suisse et les pays visés par les sanctions. Enfin, en rapport avec l'ordonnance du 27 août 2014 instituant des mesures visant à empêcher le contournement de sanctions internationales en lien avec la situation en Ukraine3 (ci-après «ordonnance Ukraine»), il a chargé l'Institut suisse de recherches en économie internationale et en économie appliquée (SIAW) de l'Université de Saint-Gall d'étudier les flux commerciaux pouvant être concernés par l'ordonnance pour détecter d'éventuels indices de contournement des sanctions via la Suisse.

Sur la base de l'évaluation du CPA du 9 novembre 20174, la CdG-E a adopté, le 19 octobre 2018, le rapport «Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques»5, dans lequel elle revient sur les principaux constats du CPA et adresse cinq recommandations au Conseil fédéral.

Le Conseil fédéral a été prié de prendre position sur les constats et recommandations de la CdG-E avant le 18 janvier 2019.

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Avis du Conseil fédéral

2.1

Informations destinées au Conseil fédéral

Recommandation 1

Application transparente des critères utilisés pour la pesée des intérêts

La CdG-E invite le Conseil fédéral à prendre les mesures nécessaires pour que les différents critères utilisés pour évaluer l'opportunité d'appliquer des sanctions prononcées par l'UE soient à l'avenir systématiquement examinés quant à leur pertinence dans le cas concerné, et pour que le Conseil fédéral soit informé des résultats de ces évaluations.

3 4 5

RS 946.231.176.72 Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques, rapport du CPA du 9 novembre 2017 à l'intention de la CdG-E (ci-après «rapport du CPA»).

Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques, rapport de la CdG-E du 19 octobre 2018 (ci-après «rapport de la CdG-E»).

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Le Conseil fédéral partage l'avis de la CdG-E selon lequel les critères définis en 2014 pour évaluer l'opportunité d'appliquer des sanctions prononcées par l'UE constituent une bonne base de décision, qui lui permettent de procéder à une pesée des intérêts appropriée. Depuis la rédaction du rapport du CPA, il a, à plusieurs reprises, édicté des sanctions sur la base de celles prononcées par l'UE (Myanmar, République démocratique du Congo, Soudan du Sud, Venezuela). Dans tous ces cas, le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), compétent en la matière, a analysé les critères pertinents sous l'angle du droit, de la politique extérieure et de la politique économique extérieure, et a clairement indiqué les éventuels points problématiques dans ses propositions au Conseil fédéral.

La liste de critères et de questions mise au point en 2014 constitue un outil pour l'administration et vise à assurer qu'aucun aspect important ne soit oublié lors de l'examen d'un cas concret. L'objectif n'était pas d'instaurer l'examen systématique et exhaustif de tous les critères (et questions afférentes) dans chaque cas concret, d'autant que tous les critères ne sont pas pertinents dans tous les cas. Ainsi, l'examen détaillé des questions liées à un mandat de puissance protectrice a peu de sens si la Suisse n'assume pas ni ne prévoit d'assumer un tel mandat dans le pays en question. Aux yeux du Conseil fédéral, une présentation claire des critères pertinents pour la prise de décision constitue au final le facteur déterminant. Comme il en a toujours été ainsi jusqu'à présent, il estime que la procédure en place n'appelle aucune correction ni autre mesure.

2.2 Recommandation 2

Lacunes dans la mise en oeuvre Instruments de contrôle pertinents et utilisation appropriée de ces derniers

La CdG-E demande au Conseil fédéral de vérifier si les instruments de contrôle existants sont pertinents et, si nécessaire, de les remplacer par d'autres instruments appropriés. Celui-ci devrait en outre veiller à ce que les mandats de prestations des bureaux de douane soient modifiés de telle sorte que ces derniers soient davantage incités à effectuer des contrôles portant sur des biens visés par des sanctions. De plus, la commission demande au Conseil fédéral de faire en sorte que les instruments de contrôle existants soient utilisés de manière appropriée.

Exécution des sanctions à la frontière L'Administration fédérale des douanes (AFD) a compétence pour veiller au respect, à la frontière, des sanctions ayant trait au commerce des marchandises. Étant donné que toutes les marchandises franchissant la frontière doivent être déclarées à l'AFD, le système informatique de cette dernière peut analyser les flux de marchandises et sélectionner, sur la base des déclarations, les marchandises devant faire l'objet d'un contrôle douanier. Le rapport de la CdG-E constate à juste titre que le contrôle des envois sélectionnés n'est pas toujours possible, en raison, d'une part, du volume élevé des échanges transfrontaliers (l'AFD reçoit plus de 100 000 déclarations en 1880

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douane par jour) et, d'autre part, des possibilités techniques limitées du système informatique actuel, qui ne permet qu'une analyse très sommaire des risques. Ces défauts connus seront toutefois corrigés dans la nouvelle application destinée à la gestion du trafic des marchandises qui sera développée d'ici à 2026 dans le cadre du programme de transformation DaziT.

Planification des prestations de l'AFD Aujourd'hui, la gestion stratégique de l'AFD repose principalement sur la convention de prestations et la planification interne des prestations. Du point de vue opérationnel, la planification des contrôles se fonde essentiellement sur une analyse des risques dans le secteur d'engagement réalisée par l'organe de contrôle, dans les limites des ressources disponibles.

La gestion politique de l'AFD se base sur le budget avec son plan intégré des tâches et des finances (PITF); les tâches de l'AFD relèvent de quatre groupes de prestations: Prélèvement de taxes (GP 1), Sécurité et migration (GP 2), Soutien du commerce international (GP 3) et Protection de la santé et de l'environnement (GP 4).

Des objectifs concrets concernant l'exécution des mesures d'embargo ont été formulés pour la première fois dans le budget 2017. Le GP 2 contient désormais l'objectif d'identifier les infractions à la loi du 20 juin 1997 sur les armes 6, à la loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre7 et à la loi du 13 décembre 1996 sur le contrôle des biens8, et le non-respect des mesures d'embargo. Le Conseil fédéral considère dès lors que la recommandation concernant le mandat de prestations est mise en oeuvre.

Ordre de priorité des actes législatifs autres que douaniers Le postulat 17.33619, adopté par le Conseil national, charge le Conseil fédéral de vérifier et d'analyser dans un rapport la manière dont l'AFD exécute les actes législatifs autres que douaniers. Parmi les questions à traiter figure celle du choix des priorités en matière de contrôle, dans le but de permettre la gestion de l'affectation du personnel et la détermination des points sur lesquels les contrôles doivent mettre l'accent. La définition des actes prioritaires comporte une composante politique, raison pour laquelle les unités administratives concernées et le Conseil fédéral doivent être associés aux discussions en la matière.

Mise en
oeuvre de l'ordonnance Ukraine La surveillance des marchandises visées par l'ordonnance Ukraine est difficile dans la pratique en raison de l'impossibilité d'établir leur provenance géographique précise (l'indication du pays d'expédition et du pays d'origine est obligatoire dans la déclaration en douane, mais ce n'est pas le cas des coordonnées de l'expéditeur, comme son adresse et son NPA). Des aspects concrets de la mise en oeuvre font

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RS 514.54 RS 514.51 RS 946.202 Exécution d'actes législatifs autres que douaniers par l'Administration fédérale des douanes. Pilotage et définition des priorités, postulat du 18.5.2017 de la Commission des finances du Conseil national.

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actuellement l'objet de discussions entre l'AFD et le Secrétariat d'État à l'économie (SECO).

Instruments de contrôle du SECO Le CPA et la CdG-E déplorent que les instruments de contrôle du SECO (obtention de renseignements et de documents, contrôles sur place)10 ne soient pas suffisamment utilisés, ce qui donne l'impression que le SECO ne supervise que très peu la mise en oeuvre des sanctions. Cette affirmation est toutefois inexacte, étant donné que, dans la pratique, le secteur compétent au SECO alloue une grande partie de ses ressources aux activités de contrôle. Toute déclaration reçue, toute autorisation délivrée et toute demande du secteur privé, de l'ONU ou de pays tiers font l'objet d'examens et de contrôles parfois très approfondis.

Cependant, le Conseil fédéral est lui aussi d'avis que les contrôles pourraient et devraient être renforcés. Des premières mesures en ce sens ont déjà été entreprises.

À titre d'exemple, le SECO a déjà effectué plusieurs contrôles non annoncés d'envois de diamants bruts dans le dépôt franc sous douane de Genève, avec l'aide d'un expert externe. Il réalisera d'autres contrôles de ce type à l'avenir. Toutefois, un renforcement considérable des contrôles, en particulier des inspections sur place, n'est pas possible sans ressources supplémentaires (financières ou humaines). Cet aspect devrait être abordé en commun avec des secteurs apparentés du SECO, comme ceux en charge du contrôle des exportations de matériel de guerre et des biens à double usage (civil et militaire), qui connaissent des problèmes similaires. Le DEFR examinera la question et soumettra, le cas échéant, une demande de ressources au Conseil fédéral.

2.3

Lacunes en matière de surveillance globale de l'application des sanctions

Recommandation 3

Mise à disposition des données appropriées

La CdG-E invite le Conseil fédéral à examiner de quelle manière la qualité des données dans le domaine des déclarations douanières peut être améliorée en vue de l'application d'un régime de sanctions.

En lien avec le nouveau processus du trafic des marchandises et l'application destinée à la gestion du trafic des marchandises qui seront mis en place dans le cadre du programme de transformation DaziT, les données demandées pour la déclaration en douane doivent être contrôlées. L'amélioration de la qualité des données est un objectif déclaré du nouveau processus du trafic des marchandises11. Dans ce contexte, il importe de tenir compte des besoins tant de l'économie (passage à la frontière simple, sans obstacle ni perte de temps) que des autorités.

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Art. 3 et 4 LEmb.

Rapport sur l'étude relative aux processus du trafic des marchandises, ch. 6.2, UER 1, p. 26.

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Le nouveau processus du trafic des marchandises prévoit une quantité de données à fournir variable en fonction de la nature des marchandises, de leur provenance et d'autres critères encore. Si les données permettant d'identifier les marchandises restent obligatoires dans tous les cas, on exigera moins de données pour les marchandises «non problématiques» que pour les marchandises critiques ou étroitement surveillées. Une éventuelle adaptation du catalogue des données sera réalisée d'ici à 2026, dans le cadre du programme DaziT.

Il convient toutefois de relever que les données sont saisies par un opérateur douanier12 et qu'elles peuvent être falsifiées. Par conséquent, l'exigence de données supplémentaires ne permet pas d'empêcher le commerce illégal de marchandises ni les intentions criminelles (faux sentiment de sécurité).

Recommandation 4

Valorisation systématique des informations recueillies dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique en matière de sanctions

La CdG-E demande au Conseil fédéral de veiller à ce que les informations disponibles issues des données douanières et des systèmes de déclaration et d'autorisation soient systématiquement exploitées dans le cadre de la surveillance globale.

Analyse des données douanières L'AFD met déjà systématiquement à la disposition des unités administratives qui en font la demande les données issues des déclarations en douane lorsque celles-ci sont nécessaires à l'exécution des actes que ces autorités doivent appliquer (surveillance liée à l'embargo à l'encontre de la Corée du Nord13, p. ex.)14. L'AFD développera considérablement l'analyse des risques dans le cadre du programme de transformation DaziT afin de pouvoir livrer des données encore plus précises. Les informations que l'AFD ou les unités administratives compétentes peuvent tirer des données disponibles, des contrôles réalisés, des résultats de contrôles et des mesures appliquées doivent être prises en considération dans l'analyse des risques de manière à améliorer l'influence directe de cette dernière sur les activités de contrôle futures.

Selon les différentes ordonnances sur les sanctions, le contrôle à la frontière relève de la compétence de l'AFD. En principe, il est de la responsabilité de l'AFD de se donner les moyens d'accomplir sa tâche légale d'exécution. Cependant, le Conseil fédéral estime que le SECO doit tout mettre en oeuvre pour contribuer à améliorer l'efficacité des activités de contrôle de l'AFD en lui transmettant des informations ciblées, ceci dans le but de garantir une exécution optimale et crédible de l'embargo.

Cela exige toutefois en retour que l'AFD transmette au SECO toutes les informa-

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13 14

Personne assujettie à l'obligation de déclarer, à savoir: transporteur, importateur, destinataire, expéditeur, mandant, personne assujettie à l'obligation de conduire les marchandises ou personne chargée d'établir la déclaration en douane (transitaire, déclarant en douane).

Ordonnance du 18 mai 2016 instituant des mesures à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (ci-après «ordonnance Corée du Nord»; RS 946.231.127.6).

Art. 112 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes (RS 631.0).

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tions dont elle dispose. Cet échange d'informations a bien fonctionné en ce qui concerne les sanctions édictées à l'encontre de la Corée du Nord.

Évaluation de statistiques, de déclarations et d'autorisations Comme mentionné dans le rapport du CPA15, le SECO contrôle, le cas échéant, l'application des sanctions sur la base des données douanières; il surveille ainsi les exportations de montres vers la Corée du Nord afin d'identifier d'éventuelles infractions à l'interdiction d'exporter des biens de luxe. Il continuera de mener de telles analyses ciblées. De plus, avant l'adoption de nouvelles sanctions, le commerce bilatéral avec le pays concerné est en général examiné afin de pouvoir estimer les conséquences économiques des sanctions prévues. Dans certains cas, le Service de renseignement de la Confédération (SRC) analyse lui aussi les flux de marchandises avec les pays sanctionnés. Toutefois, une surveillance permanente des échanges bilatéraux avec les pays visés par les 25 ordonnances sur les sanctions en vigueur excéderait les ressources du secteur compétent au SECO et ne pourrait dès lors être réalisée qu'avec un soutien externe (ce qui engendrerait des frais), à l'image du CPA qui a chargé le SIAW d'analyser le commerce avec l'Ukraine. Il convient également de souligner que l'analyse des flux physiques de marchandises qui traversent la frontière suisse ne couvrirait qu'une partie des opérations concernées par les sanctions (commerce illégal de marchandises à l'étranger par des entreprises suisses, p. ex.).

Le Conseil fédéral conteste l'affirmation du CPA et de la CdG-E16 selon laquelle le SECO se contente de traiter des déclarations et d'accorder des autorisations sans exploiter les informations recueillies dans le cadre de la surveillance de la politique en matière de sanctions. Il va de soi que ces informations sont utilisées pour la surveillance d'une ordonnance sur les sanctions, c'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles elles sont recueillies. À titre d'exemple, toutes les relations d'affaires avec des intermédiaires financiers suisses, qui doivent être déclarées au SECO en vertu de l'art. 9 de l'ordonnance Ukraine, sont systématiquement recensées. Les intermédiaires financiers concernés doivent périodiquement mettre à jour les informations et justifier les variations de valeur
importantes. Le DEFR soumet régulièrement des notes d'information au Conseil fédéral concernant l'évolution de ces relations d'affaires en volume et en valeur. Le but de cette surveillance est de déterminer si les sanctions sont contournées via la Suisse. Les résultats de cette surveillance par le SECO sont pris en considération par le Conseil fédéral dans sa politique en matière de sanctions.

15 16

Rapport du CPA, p. 38.

Rapport de la CdG-E, p. 9.

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2.4 Recommandation 5

Absence de pilotage global Renforcement de la surveillance et de la coordination exercées par le SECO

La CdG-E demande au Conseil fédéral de renforcer le pilotage de la politique en matière de sanctions effectué par le SECO et de garantir la coordination, toujours par le SECO, des travaux entre les unités administratives concernées, en créant un organe de pilotage ad hoc. Elle l'invite en outre à examiner l'opportunité de relier les systèmes d'information de l'AFD et du SECO.

Le groupe de travail ad hoc «Politique en matière de sanctions» a été créé en 2013 dans le but de pouvoir mener des discussions approfondies au sein de l'administration sur certaines questions ayant trait aux sanctions (possibilités d'empêcher de manière effective le contournement des sanctions, p. ex.). La direction de ce groupe de travail a été confiée au SECO. En principe, tous les départements et offices intéressés ou concernés par ces questions pouvaient participer au groupe de travail.

Dans la pratique, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), représenté par la Direction politique et la Direction du droit international public, le Département fédéral des finances (DFF), représenté par le Secrétariat d'État aux questions financières internationales (SFI), le Département fédéral de justice et police (DFJP), représenté par l'Office fédéral de la justice (OFJ), et le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), représenté par le SRC, ont régulièrement contribué aux travaux. En fonction de la question traitée, la Direction des affaires européennes du DFAE, le Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et l'Office fédéral de la police (fedpol) ont également participé. Le groupe de travail s'est réuni relativement souvent au début, puis uniquement en cas de besoin.

Le rythme des séances s'est de nouveau intensifié ces derniers temps, le groupe de travail ayant tenu trois réunions depuis décembre 2017. Tous les participants estiment que les échanges au sein du groupe de travail sont précieux.

La CdG-E partage l'avis du CPA selon lequel la politique en matière de sanctions relève du domaine de compétence du DEFR, plus précisément du SECO, et que c'est donc à ce dernier que revient le pilotage global dans ce domaine. Par contre, l'exécution des ordonnances sur les sanctions incombe à différents services fédéraux. Le SECO est effectivement responsable du contrôle et de
l'exécution de la majorité des mesures. Toutefois, d'autres services fédéraux, comme l'AFD, le SEM, l'Office fédéral de la culture (OFC), l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) ou encore l'Office suisse de la navigation maritime (OSNM), sont également chargés de tâches d'exécution dans leur domaine de compétence.

Création d'un groupe de coordination permanent «Politique en matière de sanctions» Étant donné que les compétences en matière d'exécution sont réparties entre différents départements et offices, le Conseil fédéral partage l'avis de la CdG-E selon lequel la coordination et le pilotage interdépartementaux de la politique en matière de sanctions devraient être renforcés. Il propose par conséquent de transformer le groupe de travail ad hoc en un groupe de coordination permanent «Politique en 1885

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matière de sanctions» dirigé par le SECO. Comme aujourd'hui, les membres permanents seront le DFAE (Direction politique, Direction du droit international public), le DFF (SFI), le DFJP (OFJ) et le DDPS (SRC). L'AFD et le SEM seront également représentés de manière permanente au sein du groupe de coordination, et d'autres services fédéraux compétents pourront être invités à participer en cas de besoin. Le groupe de coordination se réunira régulièrement (en général deux fois par an, voire plus si nécessaire). En raison de la complexité du sujet, le Conseil fédéral estime que le groupe de coordination doit continuer de se réunir au niveau des experts. Il renonce à la mise en place d'une structure lourde à plusieurs échelons.

Interconnexion des systèmes d'information Dans le domaine du contrôle des exportations, la mise en place du système d'autorisation électronique Elic a permis la création d'une interface entre le système informatique de l'AFD et le système d'administration des autorisations du SECO, ce qui rend possible la surveillance automatique des marchandises soumises à autorisation.

Cependant, comme les mesures d'embargo interdisent en général l'envoi des marchandises concernées, celles-ci ne feront en principe l'objet d'aucune déclaration en douane et le SECO n'en sera pas informé. Le Conseil fédéral estime par conséquent que relier les systèmes informatiques de l'AFD et du SECO n'offrirait aucun avantage. À de rares occasions, le SECO octroie certes des dérogations en lien avec des embargos, mais le nombre de ces cas est trop faible pour justifier la mise en place d'une solution informatique coûteuse. C'est également le cas de l'obligation exceptionnelle prévue dans l'ordonnance Corée du Nord d'annoncer au préalable auprès du SECO tous les envois de marchandises vers ce pays. Comme mentionné, il importe surtout que les deux offices échangent les informations susceptibles de présenter un intérêt mutuel dans l'analyse des risques.

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