Participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques Rapport du Contrôle parlementaire de l'administration à l'intention de la Commission de gestion du Conseil des Etats du 9 novembre 2017

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L'essentiel en bref Dans le cadre de la politique en matière de sanctions, l'administration fédérale joue un rôle important dans la préparation et la mise en oeuvre des ordonnances.

Elle prépare ces dernières de manière appropriée. Différentes lacunes ont toutefois été relevées dans la mise en oeuvre. En outre, il existe des manques dans les activités de pilotage et de surveillance de la politique en matière de sanctions dans son ensemble, même si les sanctions sont très largement respectées par les acteurs économiques.

Les sanctions économiques sont des mesures prises par les autorités publiques pour faire respecter le droit international. Elles visent à restreindre ou à interdire le commerce de marchandises, de services ou de capitaux pour amener un sujet (un Etat notamment) à adopter un comportement conforme au droit international. La Suisse est tenue d'appliquer les sanctions de l'ONU depuis qu'elle a adhéré à l'organisation, en 2002. S'agissant des sanctions de l'Union européenne (UE), le Conseil fédéral décide de les reprendre ou non après avoir procédé à une pesée des intérêts en présence. Dans le cadre de la participation de la Suisse à l'application de sanctions internationales, il édicte des ordonnances sur les sanctions en se fondant sur la loi sur les embargos. C'est pourquoi, l'administration fédérale joue un rôle primordial dans l'élaboration et la mise en oeuvre de ces ordonnances et que le Parlement n'est pas impliqué.

Dans ce contexte, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé, le 28 janvier 2016, de charger le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques. En août 2016, la sous-commission DFF/DEFR de la Commission de gestion du Conseil des Etats (CdG-E), compétente en la matière, a précisé l'orientation à donner à l'évaluation. L'accent a été mis sur la stratégie de la politique en matière de sanctions ainsi que sur la préparation et la mise en oeuvre des ordonnances sur les sanctions. En outre, pour le cas relatif à l'Ukraine/Russie, il a été analysé si les sanctions étaient respectées par les entreprises et s'il existait des indices de contournement par le territoire suisse des sanctions prononcées par l'UE contre la Russie.

L'évaluation repose sur une analyse
de documents internes à l'administration et sur des études de cas relatifs à certaines ordonnances sur les sanctions. Par ailleurs, le CPA a étudié des données douanières pour analyser le commerce de marchandises avec des pays visés par des sanctions (Corée du Nord, Syrie, Iran et Ukraine/ Russie). Il a également interrogé 35 représentants de l'administration fédérale et des milieux économiques entre novembre 2016 et mai 2017. Enfin, il a chargé l'Institut für Aussenwirtschaft und Angewandte Wirtschaftsforschung (Institut suisse de recherches en économie internationale et en économie appliquée de l'Université de Saint-Gall, SIAW) d'étudier les échanges commerciaux concernant le cas Ukraine/Russie.

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Primauté des objectifs de politique extérieure dans la pesée des intérêts lors de la non-reprise de sanctions de l'UE La stratégie de la politique en matière de sanctions est claire. Elle est axée sur les principes de politique extérieure et de politique économique extérieure de la Suisse, comme l'universalité et l'ordre économique libéral. Contrairement aux sanctions de l'ONU, qui sont contraignantes, le Conseil fédéral dispose d'une marge de manoeuvre s'agissant des sanctions prononcées par l'UE, puisqu'il décide si oui ou non la Suisse veut participer à leur application. Sa décision doit prendre en considération différents objectifs politiques. L'examen des propositions soumises au Conseil fédéral concernant les décisions qu'il a prises jusqu'à présent montre que, dans certains cas, ce sont principalement des objectifs de politique extérieure qui ont dicté la reprise partielle ou totale de sanctions de l'UE.

Cette pesée des intérêts peut toutefois susciter de l'incertitude chez ceux qui sont concernés par les ordonnances sur les sanctions. Elle peut donner lieu à une insécurité juridique pour les entreprises lorsque celles-ci ne savent pas précisément si la Suisse reprend des sanctions de l'UE et, si elle le fait, à quelle date et dans quelle mesure. Dans l'administration, cela peut se traduire par une charge supplémentaire, car la préparation et la mise en oeuvre d'une ordonnance sur les sanctions qui diverge de la décision prise par l'UE peuvent requérir plus de travail.

Préparation des ordonnances en grande partie appropriée La préparation des différentes ordonnances sur les sanctions est appropriée dans la plupart des cas. Elle est efficiente en dépit de délais courts et de la nécessaire coordination avec les nombreuses unités administratives impliquées. Par contre, il ressort des analyses du CPA que les mêmes questions reviennent souvent dans les consultations des offices et qu'elles ne sont pas traitées globalement, indépendamment des cas d'espèce. Pour la prise de décision, l'administration joint aux propositions adressées au Conseil fédéral des informations pertinentes concernant les aspects relevant de la politique extérieure, de la politique économique extérieure et du droit.

Des lacunes dans la mise en oeuvre Diverses lacunes au niveau de la mise en oeuvre ont été constatées. Le
Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) n'exploite pas pleinement les instruments dont il dispose, mis à part les activités d'information des acteurs économiques. Les rares contrôles que le SECO effectue sur place sont annoncés au préalable aux entreprises concernées. Aucun contrôle sans prévis selon l'art. 4 LEmb n'a encore été effectué. L'Administration fédérale des douanes (AFD) rencontre des difficultés à contrôler les interdictions d'exportation, car le temps d'intervention des bureaux de douane est réduit et les contrôles physiques ultérieurs sont quasi impossibles. De plus, les interdictions, visant le commerce de marchandises, au niveau infranational (comme dans le cas de la Crimée) ne peuvent pas être contrôlées, car les données à disposition ne permettent pas d'identifier le lieu de provenance ou de destination avec précision. Pour les sanctions frappant des produits de luxe, on se demande également comment leur respect peut être vérifié à la douane. Les sanctions finan-

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cières s'avèrent aussi très complexes dans leur application. Enfin, le système des visas n'apparait pas comme un instrument suffisant pour appliquer les restrictions de déplacement.

Des sanctions commerciales très largement respectées D'après l'analyse menée par le SIAW, les sanctions apparaissent comme étant respectées au niveau du commerce de marchandises. En effet, les données douanières suisses ne permettent pas de conclure à une violation systématique des sanctions contre la Crimée par des partenaires commerciaux suisses et aucun indice ne permet de supposer que la Suisse soit utilisée comme plateforme pour contourner les sanctions de l'UE contre la Russie, sanctions que le Suisse n'a pas reprises. Par ailleurs, dans le cadre de l'analyse menée par le CPA au niveau des envois individuels de marchandises, seuls de rares cas problématiques ont été identifiés. Toutefois, l'administration n'a pas été en mesure de tous les clarifier.

Ces résultats doivent être considérés avec prudence, car la qualité des données douanières analysées présente différentes lacunes.

Des lacunes au niveau de la surveillance et du pilotage global La surveillance et le pilotage de la politique en matière de sanctions présentent plusieurs lacunes. D'une part, l'application des sanctions n'est pas surveillée sur la base de données adéquates. Le SECO ne collecte pas systématiquement des informations à des fins de surveillance que soit au niveau des mesures qu'il applique luimême ou de celles relevant d'autres unités administratives. Par exemple, l'évolution ainsi que le type de transactions financières ou de marchandises faisant l'objet d'une déclaration obligatoire auprès du SECO ne sont pas recensés, alors que le but de cette déclaration vise justement à permettre le contrôle de domaines déterminés.

D'autre part, le peu de mesures prises face à des problèmes récurrents dans la mise en oeuvre des sanctions illustre la faiblesse du pilotage effectué. En effet, en cas de difficultés, une solution au cas par cas est privilégiée, le cas échéant, au détriment d'une réflexion sur le fond du problème. Par conséquent, la mise oeuvre des contrôles à la douane et des restrictions de voyage ainsi que l'identification des produits de luxe constituent toujours des défis. Il est certain que le SECO ne peut pas agir seul, vu les différentes compétences des unités administratives impliquées. Le manque de pilotage global de la politique en matière de sanction doit toutefois être souligné.

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Table des matières L'essentiel en bref

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Introduction 1.1 Objet et questions de l'évaluation 1.2 Méthodologie 1.3 Structure du rapport

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Application de sanctions économiques internationales 2.1 Contexte international des sanctions économiques 2.2 Participation de la Suisse à l'application de sanctions économiques 2.2.1 Ancrage juridique et politique 2.2.2 Processus de participation à l'application de sanctions 2.3 Différentes formes de sanctions économiques et leurs instruments d'application

1827 1828

3

Stratégie en matière de participation à l'application de sanctions 3.1 Stratégie claire et axée sur les principes 3.2 Nouveaux critères pour la pesée des intérêts

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4

Préparation des ordonnances sur les sanctions 4.1 Compétences et processus clairs 4.2 Informations destinées au Conseil fédéral en grande partie équilibrées

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Mise en oeuvre des ordonnances sur les sanctions 5.1 Compétences et processus en partie appropriés 5.2 Information concernant les ordonnances sur les sanctions rapide et ciblée 5.3 Adéquation partielle des instruments et de leur application 5.4 Absence de surveillance globale 5.5 Caractère approprié de l'abrogation des ordonnances

1846 1846

Respect des sanctions frappant le commerce des marchandises 6.1 Aucun indice de contournement des sanctions relatives à la Crimée 6.2 Diminution des importations et des exportations de biens visés par une sanction 6.3 Qualité des données insuffisante

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5

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7

Conclusions 7.1 Primauté des objectifs de politique extérieure dans la pesée des intérêts lors de la non-reprise de sanctions de l'UE 7.2 Préparation largement appropriée des ordonnances sur les sanctions 7.3 Lacunes au niveau de la mise en oeuvre 7.4 Sanctions commerciales très largement respectées par les acteurs économiques 7.5 Lacunes au niveau de la surveillance et du pilotage global

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Table des abréviations

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Bibliographie

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Liste des personnes interrogées

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Annexe 1: Procédure d'évaluation

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Annexe 2: Phases de la politique suisse en matière de sanctions

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Impressum

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Rapport 1

Introduction

1.1

Objet et questions de l'évaluation

La politique de la Suisse en matière de sanctions a connu de profonds bouleversements depuis les années 1990. Dans son rapport sur la neutralité1, le Conseil fédéral soulignait que la participation de la Suisse à l'application de sanctions économiques était compatible avec sa politique de neutralité. Depuis 2003, cette participation trouve son fondement dans la loi sur les embargos (LEmb) 2. Les sanctions économiques3 du Conseil de sécurité de l'ONU ont force obligatoire pour la Suisse depuis que celle-ci a adhéré à l'organisation, en 20024. En revanche, la Suisse reprend de son plein gré des sanctions décidées par l'UE. Le Conseil fédéral, compétent en la matière, dispose d'une marge de manoeuvre dans ce domaine puisqu'il décide de participer ou non à l'application des sanctions de l'UE après avoir examiné différents critères relevant de la politique extérieure, de la politique économique extérieure et du droit5. Il existe des cas où le Conseil fédéral n'a pas repris les sanctions prononcées par l'UE (Moldavie, Corée du Nord, situation en Ukraine) ou ne les a reprises que partiellement (Yougoslavie, Iran, Burundi). L'administration fédérale joue un rôle central dans la préparation des décisions du Conseil fédéral relatives aux ordonnances sur les sanctions et dans la mise en oeuvre de celles-ci.

Des voix s'élèvent pour remettre en question la cohérence de la politique de la Suisse s'agissant de sa participation à l'application des sanctions prononcées par l'UE6. Il paraît donc pertinent de se demander sur quelles bases le Conseil fédéral s'appuie pour prendre ses décisions d'ordre politique et si ces bases sont compatibles avec les objectifs du pays en matière de politique extérieure et de politique économique extérieure. D'aucuns soulignent également qu'il est difficile d'exercer une surveillance sur les ordonnances sur les sanctions et sur les mesures visant à empêcher le contournement7 de sanctions. Dans le cas de la crise entre la Russie et l'Ukraine, le Conseil fédéral a édicté une ordonnance instituant des mesures visant à 1 2 3

4 5 6

7

Rapport sur la neutralité, annexe au rapport du 29.11.1993 sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90 (FF 1994 I 150).

Loi fédérale du 22.3.2002 sur l'application de sanctions internationales (loi sur les embargos, LEmb, RS 946.231).

La notion de sanctions économiques est utilisée dans la présente évaluation comme synonyme de «sanctions/mesures internationales», «mesures prises sur le plan commercial», «sanctions de type non militaire», «embargo», «mesures d'embargo» ou encore «mesures de coercition». La forme abrégée «sanctions» est également employée dans ce rapport.

Charte des Nations Unies du 26.6.1945 (Charte ONU, RS 0.120).

Le droit de la neutralité et la politique en la matière font partie des critères examinés.

Ip. Sommaruga «Quelle cohérence en matière de sanctions économiques?» du 14.11.2012 (12.3862) ou encore Q Glättli «Vente de matériel militaire à la Russie. Rôle de médiatrice et crédibilité de la Suisse» du 16.3.2015 (15.5222).

En prenant des mesures de ce type, le Conseil fédéral veut éviter que les effets des sanctions prononcées par d'autres Etats soient compromis et que la place économique suisse soit utilisée pour contourner des sanctions.

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empêcher le contournement de sanctions internationales8, ci-après appelée ordonnance sur l'Ukraine, afin que la Suisse ne devienne pas la plaque tournante des actes tendant à éviter les sanctions. Différents experts doutent toutefois de l'applicabilité de cette ordonnance.

Dans ce contexte, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont décidé, le 28 janvier 2016, de charger le Contrôle parlementaire de l'administration (CPA) d'évaluer la participation de la Confédération à l'application de sanctions économiques.

Le 22 août 2016, la sous-commission DFF/DEFR de la CdG du Conseil des Etats (CdG-E), compétente pour l'évaluation, a décidé, en s'appuyant sur l'esquisse de projet du CPA, que l'évaluation porterait sur les questions suivantes: 1.

Quelle est la stratégie du Conseil fédéral en matière de participation à l'application de sanctions? Cette stratégie est-elle appropriée au regard des objectifs de la Suisse en matière de politique extérieure et de politique économique extérieure?

2.

L'administration fédérale prépare-t-elle de façon appropriée les décisions relatives à des sanctions?

3.

La mise en oeuvre de ces décisions par la Confédération est-elle opportune?

4.

Les sanctions et les mesures prises pour empêcher leur contournement sontelles efficaces?

1.2

Méthodologie

L'évaluation porte principalement sur les travaux préparatoires réalisés par l'administration et sur la mise en oeuvre des sanctions dans le cadre de la LEmb 9. Le CPA a formulé des critères pour systématiser l'appréciation de ces aspects, sachant que la question porte sur l'opportunité de la stratégie en matière de politique de sanctions au regard des principes de politique extérieure et de politique économique extérieure de la Suisse. De plus, il a cherché à savoir si le travail de préparation des décisions du Conseil fédéral et de mise en oeuvre de ces décisions, confié à l'administration, était idoine. Enfin, il a examiné l'efficacité des sanctions économiques dans le cadre des échanges commerciaux de la Suisse avec une sélection de pays (Corée du Nord, Syrie, Iran, Ukraine/Russie).

Le CPA a analysé les documents pertinents concernant la préparation et la mise en oeuvre d'ordonnances. Puis, il a étudié les processus sur la base d'études de cas concernant les sanctions frappant la Syrie, la Corée du Nord, l'Iran et l'Ukraine/ Russie. Le processus de levée des sanctions a été étudié dans le cas de la Yougoslavie et de la Côte d'Ivoire.

8 9

Ordonnance du 27.8.2014 instituant des mesures visant à empêcher le contournement de sanctions internationales en lien avec la situation en Ukraine (RS 946.231.176.72).

Cf. annexe 1

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Le CPA a ensuite mené des entretiens structurés avec 35 représentants de l'administration fédérale et d'organisations externes. Il s'est par ailleurs appuyé sur des analyses statistiques pour étudier les données douanières relatives aux flux commerciaux entre la Suisse et les pays sanctionnés. Il a vérifié si des livraisons de biens visés par une sanction ont été enregistrées. Les analyses se restreignent aux données douanières, car il n'existe aucune donnée comparable relative à d'autres formes de sanctions.

Mandaté par le CPA, l'Institut suisse de recherches en économie internationale et en économie appliquée de l'Université de Saint-Gall (SIAW) a, dans le cadre de l'ordonnance sur l'Ukraine, étudié les flux commerciaux de biens sanctionnés et non sanctionnés pour détecter d'éventuels indices de contournement des sanctions via la Suisse.

Les données ont été collectées et analysées entre novembre 2016 et avril 2017. Le Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (DEFR), le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), le Département fédéral des finances (DFF), le Département fédéral de l'intérieur (DFI) et le Département fédéral de justice et police (DFJP) ont donné leur avis sur une version de ce rapport en juillet et août 2017.

1.3

Structure du rapport

Le deuxième chapitre de ce rapport présente brièvement l'application de sanctions économiques internationales (en s'attardant sur le contexte dans lequel celles-ci s'inscrivent), la participation de la Suisse à des sanctions et les différentes formes de sanctions. Les chapitres 3 à 6 sont chacun consacrés à la réponse à l'une des quatre questions d'évaluation: le troisième chapitre évalue la stratégie, le quatrième porte sur la préparation des ordonnances relatives à des sanctions, le cinquième étudie la mise en oeuvre desdites ordonnances et le sixième présente les résultats des analyses des données commerciales. Enfin, les conclusions sont exposées au septième chapitre.

2

Application de sanctions économiques internationales

Les sanctions économiques sont des mesures prises par les autorités publiques pour faire respecter le droit international. Elles visent à restreindre ou à interdire le commerce de marchandises, de services ou de capitaux pour amener un Etat, un ensemble d'Etats, des individus, des entreprises ou d'autres groupes à adopter un comportement souhaité. Les sanctions sont décrétées par le Conseil de sécurité de

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l'ONU au moyen de résolutions ou prononcées par des Etats ou des ensembles d'Etats eux-mêmes10.

Le présent chapitre replace les sanctions économiques dans le contexte international et propose un éclairage historique, politique et juridique de la participation de la Suisse à l'application de sanctions économiques. Enfin, il présente les différentes formes de sanctions économiques.

2.1

Contexte international des sanctions économiques

Depuis la fin de la guerre froide, l'ONU inflige toujours plus de sanctions dans le cadre de conflits internationaux ou internes. Celles-ci se fondent sur le chapitre VII de la Charte ONU (en particulier sur l'art. 41)11, qui définit des mesures en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'actes d'agression. Avant de décider de prendre des sanctions, le Conseil de sécurité détermine s'il existe une telle menace12. Si tel est le cas, il peut décider, au moyen de résolutions, d'infliger des sanctions visant à faire respecter et appliquer le droit international public, notamment les droits de l'homme13. Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies14 ont force obligatoire pour tous les Etats membres de l'ONU et doivent être mises en oeuvre. Depuis son adhésion à l'organisation, en 2002, la Suisse est tenue, en vertu du droit international, d'appliquer les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU relatives à des sanctions15.

Les Etats peuvent également décréter des sanctions en dehors du cadre de l'ONU.

Ainsi, lorsque les membres du Conseil de sécurité ne parviennent pas à s'accorder, il arrive que des Etats ou des ensembles d'Etats prennent l'initiative de prononcer des sanctions, qui ne sont alors pas contraignantes pour la Suisse.

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11 12 13

14

15

Thomas J. Biersteker, Sue E. Eckert, Marcos Tourinho, Targeted sanctions, The Impacts and Effectiveness of United Nations Action. Cambridge, Cambridge University Press, 2016 [uniquement en anglais]; Roland E. Vock, Die Umsetzung wirtschaftlicher Embargomassnahmen durch die Schweiz, in: Thomas Cottier/Matthias Oesch (éd.), Allgemeines Aussenwirtschafts- und Binnenmarktrecht, SBVR Bd. XI, 2. A., Bâle 2007, pp. 203 à 279, ici p. 217 [uniquement en allemand] Charte ONU Art. 39 Charte ONU Art. 41 Charte ONU: Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions, et peut inviter les membres des Nations Unies à appliquer ces mesures. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

Au sein de l'ONU, l'Assemblée générale peut également émettre des recommandations, par lesquelles elle invite les Etats membres à prendre des mesures à l'encontre de ceux qui violent le droit ou troublent la paix. Des investigations ont toutefois montré que cette situation ne s'était pas produite ces dernières années et n'avait aucun effet sur la Suisse.

Cette dernière ne participe donc qu'aux sanctions décrétées par le Conseil de sécurité de l'ONU, lesquelles se fondent sur le chapitre VII de la Charte ONU.

Charte des Nations Unies, conclue à San Francisco le 26.6.1945, approuvée par l'Assemblée fédérale le 5.10.2001, Déclaration d'acceptation des obligations contenues dans la Charte de l'ONU déposée par la Suisse le 10.9.2002, entrée en vigueur pour la Suisse le 10.9.2002 (RO 2003 866).

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2.2

Participation de la Suisse à l'application de sanctions économiques

Le contexte international dans le domaine des sanctions économiques a des conséquences pour la Suisse. La participation de la Suisse à l'application de sanctions est tout d'abord décrite aux plans économique et juridique. Puis, le processus qui s'y rapporte est présenté.

2.2.1

Ancrage juridique et politique

La décision relative à la participation de la Suisse à l'application de sanctions économiques, en dehors du cadre de l'ONU relève de la compétence du Conseil fédéral qui, pour ce faire, élabore des ordonnances sur les sanctions.

La Suisse a repris pour la première fois des sanctions économiques décidées en dehors du cadre de l'ONU en 1998; il s'agissait des mesures prises par l'UE à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie16. Par la suite, elle s'est davantage alignée sur la politique en matière de sanctions de son principal partenaire commercial. Elle a par exemple prononcé des sanctions à l'encontre de la Syrie le 18 mai 2011, après que l'UE avait pris de telles mesures. Ce n'est toutefois pas toujours le cas: s'agissant du conflit entre la Russie et l'Ukraine, la Suisse n'a pas repris les sanctions décidées par l'UE et, concernant le litige avec l'Iran, elle ne les a reprises que partiellement. Comme le montre le tableau suivant, la Suisse participe toutefois dans la plupart des cas à l'application des sanctions décrétées par l'UE17.

16 17

Vock (2007), p. 228 [uniquement en allemand] Rapport sur la neutralité (FF 1994 I 227)

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Tableau 1

Reprise par la Suisse des sanctions de l'UE Reprise complète

Reprise partielle

Pas de reprise

Ouzbékistan (2006­2009)

Yougoslavie (1998­2015) 2011)18

Bélarus (depuis 2006)

Iran (depuis

Guinée (depuis 2009)

Burundi (depuis 2015)

Moldavie (2003) Corée du Nord (2013) Situation en Ukraine (2014)

Guinée-Bissau (depuis 2012) Libye (depuis 2011) Myanmar (2000­2012) Zimbabwe (depuis 2002) Syrie (depuis 2011) Source: DEFR, note de discussion relative à la politique de la Suisse en matière de sanctions, annexe 3, juin 2014, et SECO, La Suisse et les sanctions internationales, 10 mars 2016, www.seco.admin.ch > Economie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions > Sanctions / Embargos > Sanctions de la Suisse (consulté le 29.4.2017)

Il existe par ailleurs des cas où, bien que des sanctions aient été décrétées par une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, des Etats décident de prononcer des mesures supplémentaires. Sont actuellement en vigueur en Suisse quatre ordonnances édictées en application de mesures décrétées à la fois par l'ONU et l'UE, sept ordonnances édictées en application de sanctions décidées par l'UE et douze ordonnances mettant en oeuvre des résolutions de l'ONU.

Depuis 2003, la participation de la Suisse à l'application de sanctions trouve son fondement dans la LEmb. Cette dernière ne contraint pas le Conseil fédéral à arrêter des sanctions en dehors du cadre de l'ONU, mais contient plutôt des dispositions potestatives19 et n'est pas formulée de manière exhaustive, puisqu'il n'est pas possible de définir à l'avance la nature des sanctions. Les sanctions prises (voir ch. 2.3) font l'objet d'ordonnances distinctes s'appuyant sur la LEmb20.

18 19 20

Le Conseil fédéral a participé à l'application des sanctions prises par l'UE à l'encontre de l'Iran à partir du 19.01.2011, tout d'abord en intégralité, puis partiellement.

Art. 1, al. 1, LEmb Message du 20.12.2000 sur la loi fédérale sur l'application de sanctions internationales (FF 2001 1341, ici 1364).

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Il convient de distinguer la LEmb de la loi fédérale sur le matériel de guerre 21 et de la législation sur le contrôle des biens22, lesquelles régissent les contrôles convenus à l'échelle internationale, plus précisément les interdictions23 relatives à l'exportation, à l'importation et au transit de biens et de la technologie correspondantes. La législation sur le matériel de guerre régit la fabrication et le commerce de matériel de guerre. La législation sur le contrôle des biens régit l'exportation des biens (et technologies) à double usage (biens utilisables à des fins aussi bien civiles que militaires) et des biens militaires spécifiques (par ex. avions militaires d'entraînement, simulateurs militaires), ainsi que la gestion de certains produits chimiques en Suisse24. La politique en matière de sanctions a par contre pour objectif d'amener ceux qui violent le droit ou troublent la paix à changer de comportement. L'évaluation est consacrée à la politique en matière de sanctions basée sur la LEmb. Elle ne se penche sur la législation relative au contrôle des exportations25 que dans la mesure où cela est nécessaire26.

La LEmb n'empêche pas le Conseil fédéral d'arrêter le cas échéant des sanctions, en s'appuyant sur sa compétence de responsable de la politique extérieure27, même si celles-ci n'ont pas été préalablement décidées à l'échelle internationale (mesures unilatérales) ­ d'autant plus que les mesures de ce type sont permises selon les principes juridiques universels du droit international28.

2.2.2

Processus de participation à l'application de sanctions

Cette partie décrit le processus de participation de la Suisse à l'application de sanctions, en présentant les différentes étapes (préparation, décision, mise en oeuvre et levée) et les acteurs les plus importants. La figure 1 schématise ce processus.

21 22

23

24 25

26

27 28

Loi fédérale du 13.12.1996 sur le matériel de guerre (LFMG; RS 514.51).

Loi fédérale du 13.12.1996 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques (loi sur le contrôle des biens, LCB; RS 946.202) et ordonnance du 25.6.1997 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques (ordonnance sur le contrôle des biens, OCB; RS 946.202.1).

Les régimes de contrôles à l'exportation sont au nombre de quatre: 1. l'Arrangement de Wassenaar (1995), 2. le groupe des pays fournisseurs nucléaires (1974), 3. le Régime de contrôle de la technologie des missiles (1987) et 4. le Groupe d'Australie (1985).

www.seco.admin.ch > SECO > Economie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions (consulté le 31.8.2017).

LFMG, LCB et OCB. Le CPA a aussi exclu dans une large mesure le contrôle des exportations de son évaluation du fait que celui-ci fait actuellement l'objet d'une évaluation par le Contrôle fédéral des finances (CDF).

Il convient de souligner que la politique en matière de sanctions englobe des biens soumis aux contrôles à l'exportation. Il existe un lien étroit entre la LEmb, la LFMG et la LCB.

Ces lois et les ordonnances correspondantes font fréquemment référence les unes aux autres. Des éléments importants des ordonnances sur les sanctions sont appliqués mis en oeuvre via la LFMG et la LCB.

Art. 184, al. 3, de la Constitution fédérale (Cst.; RS 101).

Message LEmb (FF 2001 1341, ici 1360)

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Processus de participation à l'application de sanctions

29 30

Figure 1

­

Préparation: le SECO est responsable de la préparation des décisions relatives aux sanctions. Il élabore un projet d'ordonnance de concert avec les autres services concernés. La procédure classique de consultation des offices est organisée avant qu'un département ­ il s'agit en principe du DEFR ­ soumette les propositions d'ordonnances au Conseil fédéral.

­

Décision prise par le Conseil fédéral: se fondant sur les informations contenues dans les propositions du DEFR, le Conseil fédéral décide de la participation de la Suisse à l'application de sanctions en édictant une ordonnance basée sur la LEmb. Les sanctions concrètes (par ex. gel d'avoirs ou interdiction d'exporter des montres) sont définies dans ces ordonnances. Les informations détaillées, relatives par exemple aux biens frappés d'une interdiction d'exportation ou aux personnes concernées par une interdiction d'entrée sur le territoire, sont réglées dans les annexes. Depuis le 4 mars 2016, les listes de sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU sont directement applicables en Suisse et ne nécessitent donc plus la décision du Conseil fédéral29.

­

Exécution: une fois les sanctions ordonnées par le Conseil fédéral, se pose la question de leur mise en oeuvre. Dans ce contexte, il convient de tenir compte de quatre aspects essentiels.

1. Information: le Conseil fédéral et le DEFR informent le public de l'édiction de l'ordonnance en publiant un communiqué de presse sur leurs sites Internet respectifs. En outre, les différentes unités administratives informent des conséquences qu'entraînent les sanctions dans leur domaine respectif.

2. Contrôle: les unités administratives compétentes effectuent des contrôles pour vérifier que les personnes et entreprises concernées respectent les règles édictées. Les différents organes de contrôle sont précisés dans les ordonnances. La LEmb impose à toutes les personnes et entreprises visées par les mesures une obligation de renseigner les organes de contrôle et de leur fournir les documents nécessaires30. Elle régit par ailleurs les attributions des organes de contrôle. Ceux-ci peuvent pénéOrdonnance du 4.3.2016 sur la reprise automatique des listes de sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies (RO 2016 0342).

Art. 3 LEmb

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3.

4.

­

2.3

trer, sans préavis, dans les locaux commerciaux des personnes soumises à l'obligation de fournir des renseignements et les visiter pendant les heures habituelles de travail; ils peuvent également consulter les documents concernés, séquestrer les pièces à conviction et faire appel aux organes de police des cantons et des communes ainsi qu'aux organes d'enquête de l'administration des douanes31.

Surveillance: la mise en oeuvre comprend également la surveillance de l'application des différentes sanctions économiques. Il s'agit de disposer des instruments nécessaires pour collecter et traiter les informations pertinentes, pour déceler les lacunes et prendre les mesures nécessaires.

Si les différentes unités doivent contrôler leur domaine respectif, le DEFR, plus précisément le SECO, a la responsabilité de la surveillance de la politique en matière de sanctions32 dans son ensemble. Le Conseil fédéral informe le Parlement sur l'application de la LEmb par le biais du rapport sur la politique économique extérieure33.

Modifications: le Conseil fédéral a compétence pour modifier les ordonnances34. Le DEFR lui soumet pour ce faire les propositions préparées par le SECO. Le DEFR peut modifier lui-même les annexes des ordonnances.

Levée: le Conseil fédéral a également compétence pour lever une sanction, le DEFR devant alors lui soumettre une proposition dans ce sens35.

Différentes formes de sanctions économiques et leurs instruments d'application

Les sanctions économiques visent à affaiblir leur destinataire (en règle générale un Etat) sur le plan économique en limitant par exemple la production et le commerce de biens ou la circulation des capitaux. On distingue différentes formes de sanctions, qui contiennent chacune des mesures concrètes36.

­

31 32

33 34 35 36

37

Les sanctions visant les biens (également appelées sanctions commerciales) restreignent ou interdisent la livraison et la vente de marchandises 37 dans Art. 4 LEmb DEFR, DFAE, note de discussion relative à la politique de la Suisse en matière de sanctions, 11.12.2013, p. 4; cf. également art. 15 LEmb ainsi que les différentes ordonnances sur les sanctions, par exemple art. 16 ordonnance du 18.5.2016 instituant des mesures à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée (RS 946.231.127.6).

Art. 15 LEmb Art. 2 LEmb Art. 2 LEmb Message LEmb (FF 2001 1341, ici 1346­1354) et art. 1, al. 3, LEmb ainsi que Vock (2007), pp. 203, 207-209, et Caroni, Andrea Claudio, Finanzsanktionen der Schweiz im Staats- und Völkerrecht, Schweizer Studien zum Internationalen Recht, vol. 132, 2008, p. 47 [uniquement en allemand], p. 47.

Par exemple des biens importants pour l'Etat sanctionné, mais également des technologies, des logiciels, des biens à double usage, des équipements et les technologies destinés à être utilisés pour la surveillance ainsi que des biens culturels et des biens de luxe.

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l'Etat sanctionné, tout comme l'achat et le transit de biens provenant de ce pays. Au nombre de ces sanctions figurent également la limitation et l'interdiction d'importer et d'exporter des biens d'armement ou des biens pouvant servir à la répression ainsi que du matériel y afférent; ces biens sont toutefois toujours indiqués de manière distincte dans les ordonnances. En outre, la fourniture de services de toute sorte en rapport avec la livraison, la vente, le transit, l'acquisition, la fabrication, la maintenance ou l'utilisation de biens frappés de sanctions peut être proscrite.

­

Les sanctions financières servent à interdire à l'Etat, aux personnes ou aux groupes sanctionnés l'accès à des fonds et à des ressources économiques.

Ainsi, les autres Etats, les entreprises publiques et privées ainsi que les personnes physiques n'ont pas le droit de leur fournir des fonds directement ou indirectement. Il existe différentes mesures en matière de sanctions financières: le gel des avoirs et d'autres valeurs patrimoniales; l'interdiction de fournir des fonds ou d'autres valeurs patrimoniales aux personnes, entreprises et organisations frappées de sanctions; diverses autres restrictions financières portant par exemple sur les transactions, les investissements, les prises de participation ou encore l'octroi de prêts.

­

Les restrictions de déplacement interdisent aux personnes visées par une sanction de séjourner sur le territoire suisse ou de transiter par celui-ci.

­

Des sanctions peuvent également toucher d'autres domaines, par exemple l'interdiction de traverser l'espace aérien, de fournir des services d'entretien pour les avions de fret en cas de soupçon de cargaison illégale, etc.

La forme de la sanction dépend toujours du conflit dont il est question et des objectifs visés38.

La dureté de la sanction dépend quant à elle des instruments définis dans l'ordonnance correspondante. Au nombre de trois, ces instruments sont l'interdiction, l'autorisation concernant certaines transactions de biens ou de services financiers et la déclaration obligatoire, qui contraint les entreprises à signaler aux organes de contrôle des activités précises telles que l'administration de patrimoine ou encore l'importation et l'exportation d'un bien déterminé.

3

Stratégie en matière de participation à l'application de sanctions

Synthèse: la stratégie concernant la politique en matière de sanctions est claire et se réfère aux principes de politique extérieure et de politique économique extérieure ainsi qu'aux principes juridiques de la Suisse. Elle se caractérise par le rôle central joué par le Conseil fédéral. Tandis que la participation aux sanctions prononcées par le Conseil de sécurité de l'ONU est obligatoire, la décision de reprendre ou non les sanctions décrétées par l'UE peut provoquer des conflits d'objectifs entre les différents principes. Le Conseil fédéral détermine au cas par cas quels principes 38

Vock (2007), p. 218 [uniquement en allemand]

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doivent primer. Du fait de cette pesée des intérêts en présence, des incertitudes juridiques pèsent sur les entreprises tant que la question de savoir si, et dans quelle mesure, le Conseil fédéral reprend les sanctions de l'UE reste sans réponse.

Dans ce chapitre, la stratégie est tout d'abord appréciée au niveau politique, sur la base des principes en matière de politique étrangère, de politique économique extérieure et de droit. Puis, la façon dont la stratégie en matière de sanctions est appliquée concrètement sera étudiée.

3.1

Stratégie claire et axée sur les principes

La stratégie de la Suisse en matière d'application de sanctions est claire: la Suisse s'associe aux nouvelles sanctions décrétées par l'ONU et le Conseil fédéral se prononce au cas par cas sur la reprise par la Suisse de sanctions définies par l'UE, après avoir procédé à une pesée des intérêts. Cette stratégie n'a quasiment pas évolué depuis les années 199039; seules les bases légales de la politique en matière de sanctions ont changé: depuis son adhésion à l'organisation, en 2002, la Suisse est tenue d'appliquer les sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU. De plus, en adoptant la LEmb40, le Parlement a donné une base légale formelle à la participation de la Suisse à l'application de sanctions.

La stratégie poursuivie par le Conseil fédéral en matière d'application de sanctions s'inspire des principes de politique extérieure et de politique économique extérieure de la Suisse. Définis dans la Constitution fédérale et dans la stratégie de politique étrangère, les principes de politique extérieure doivent permettre la réalisation des objectifs généraux de sauvegarde des intérêts de la Suisse et de promotion de ses valeurs41. Aux termes de la Cst., les intérêts primordiaux de la Suisse sont la garantie de l'indépendance, de la sécurité et de la prospérité du pays. Dans le cadre de la poursuite de ces intérêts, les valeurs à promouvoir sont la lutte pour soulager les populations en détresse, la lutte contre la pauvreté dans le monde, le respect des droits de l'homme et de la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles. Des principes ont été définis dans la stratégie de politique étrangère pour la mise en oeuvre de ces intérêts et de ces valeurs. Ces principes, qui sont valables dans tous les cas et demeurent valables indépendamment des changements momentanés subis par le contexte international, sont ceux de l'état de droit, de l'universalité et de la neutralité, auxquels s'ajoutent les notions fondamentales de solidarité et de responsabilité42.

Les principes de politique économique extérieure43 découlent de l'objectif de promotion de la prospérité. Ils visent la promotion des exportations, l'amélioration de 39 40 41

42 43

Cf. annexe 2 pour une vue globale des différentes phases de la politique en matière de sanctions.

Message LEmb (FF 2001 1341, ici 1359).

Art. 2 et art. 54, al. 2 Cst. (RS 101) et Stratégie de politique étrangère 2012­2015. Rapport du Conseil fédéral sur les axes stratégiques de la politique étrangère pour la législature, DFAE, mars 2012, p. 5.

Stratégie de politique étrangère 2012­2015, p. 6.

Rapport du 12.1.2005 sur la politique économique extérieure 2004 et Messages concernant des accords économiques internationaux (FF 2005 993, ici 1005).

1835

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l'accès au marché pour les importations et l'intégration du plus grand nombre possible de pays dans l'économie mondiale44. Si la stratégie de la Suisse en matière de politique économique extérieure poursuit l'objectif de promotion de la prospérité défini à l'art. art. 2, al. 2, Cst., elle s'appuie également sur le principe de la liberté économique (art. 94 Cst.), qui régit également les échanges internationaux45. Par ailleurs, les fondements constitutionnels de la politique économique extérieure de la Confédération sont avant tout les art. 54 et 101 Cst. Les principes généraux de politique extérieure et les instruments de la politique économique extérieure sont fondés sur l'art. 54. Ces instruments englobent la signature de traités internationaux dans le cadre de la solidarité internationale, ainsi que les sanctions (embargos). En vertu de l'art. 101, al. 1, Cst., la Confédération est tenue de sauvegarder les intérêts de l'économie suisse. La politique économique extérieure est donc aussi une politique de défense des intérêts, comme le constatait du reste le rapport sur la politique extérieure 2000 du Conseil fédéral46.

Un point fondamental marque l'importance des principes de politique extérieure par rapport aux principes de politique économique extérieure s'agissant de l'orientation à donner à la stratégie de la Confédération en matière de sanctions: si, du point de vue de la politique extérieure, les sanctions sont un instrument parmi d'autres pour imposer des principes de politique extérieure, elles contredisent par leur nature même l'ordre économique libéral. Par conséquent, la stratégie en matière d'application de sanctions est principalement un instrument de la politique extérieure de la Suisse. En revanche, la politique en matière de sanctions est confiée au DEFR, car les instruments de cette politique relèvent dans une large mesure du domaine économique. Tandis que, du point de vue de la politique extérieure, la question est de savoir dans quelle mesure des sanctions soutiennent la réalisation d'objectifs de politique extérieure, la question soulevée du point de vue de la politique économique extérieure porte souvent sur le fait de savoir dans quelle mesure des sanctions y sont contraires. Inversement, la participation à l'application de sanctions peut être indéniablement de l'intérêt
économique de la Suisse, par exemple pour que celle-ci mette en avant sa fiabilité à l'égard de ses principaux partenaires commerciaux. La participation à l'application de sanctions internationales peut donc provoquer des conflits d'objectifs entre principes de politique extérieure et principes de politique économique extérieure. C'est la raison pour laquelle il est souvent nécessaire, dès lors qu'une marge de manoeuvre juridique existe, de procéder au cas par cas à une pesée des différents principes. Cette pesée, qui est une question d'ordre politique, peut se présenter différemment selon les cas. Il est donc opportun que, hormis les sanctions contraignantes décrétées par l'ONU, la LEmb, déterminante en la matière, ne contienne pas de conditions concrètes énumérant les conditions requises sous lesquelles la Suisse reprend quelles sanctions. Le Conseil fédéral a compétence pour procéder à cette pesée au cas par cas et il en est responsable.

44 45 46

Rapport sur la politique économique extérieure 2004 (FF 2005 993, ici 1005).

Rapport sur la politique économique extérieure 2004 (FF 2005 993, ici 1011).

Rapport du 15.11.2000 sur la politique extérieure 2000. Présence et coopération: la sauvegarde des intérêts dans un monde en cours d'intégration (FF 2001 237); Rapport du sur la politique économique extérieure 2004 (FF 2005 993, ici 1011).

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Il est ressorti des entretiens que le CPA a menés avec des collaborateurs de l'administration ainsi qu'avec des experts externes que, concernant les sanctions prononcées par l'UE, la pesée des intérêts peut s'accompagner d'incertitudes pour les différents acteurs impliqués. La première de ces incertitudes concerne la phase précédant la décision du Conseil fédéral quant à la reprise ou non de sanctions décrétées par l'UE. Etant donné que le Conseil fédéral procède à la pesée des intérêts après l'entrée en vigueur des sanctions de l'UE, il se passe un certain temps avant que ces sanctions soient ou non reprises. Cette situation crée une certaine insécurité juridique tant que la question de savoir si le Conseil fédéral reprend des sanctions de l'UE et dans quelle ampleur il les reprend reste sans réponse. Les personnes et les entreprises concernées par les ordonnances sur des sanctions ne peuvent alors pas estimer précisément la teneur de la politique de la Suisse et les entreprises ne savent pas quelles adaptations elles devront apporter à leurs processus et à leurs transactions.

Si l'UE ou les Etats-Unis prononcent des sanctions plus étendues que celles décidées par la Suisse, cela suscite également des incertitudes. L'internationalisation de la place économique suisse peut renfermer des risques pour les entreprises suisses. A titre d'exemple, dans le secteur financier ainsi que dans l'industrie chimique et pharmaceutique, les entreprises actives à l'international appliquent généralement les sanctions internationales les plus strictes, qui sont souvent d'origine américaine. Fait aggravant, surtout pour les instituts financiers: les sanctions s'appliquent également en-dehors des domaines de droit pour les ressortissants des Etats-Unis ou de l'UE.

Ainsi, un employé d'une banque européenne sise en Suisse doit appliquer les sanctions de l'UE même si celles de la Suisse ont une portée moindre47. Pour les entreprises, suivre différents règlements est complexe et nécessite beaucoup de ressources. C'est la raison pour laquelle les entreprises ont tendance à intégrer dans leur gestion des risques les règles les plus strictes plutôt que de privilégier l'adoption de différentes directives adaptées aux différents régimes de sanctions. Par ailleurs, les acteurs du secteur financier, en particulier, tendraient
à la plus grande prudence en respectant strictement les directives et en évitant d'exploiter d'éventuelles marges de manoeuvre48.

Lorsque les sanctions de la Suisse diffèrent de celles de l'UE, il peut en résulter un surcroît de travail, non seulement pour les entreprises, mais également pour l'administration. D'une part, l'élaboration d'une propre ordonnance représente une charge de travail vraisemblablement plus importante que la reprise de sanctions de l'UE; il en est de même s'il faut exposer et faire comprendre à l'échelle internationale une politique de la Suisse divergente. D'autre part, les entreprises peuvent avoir de nombreuses questions, comme ce fut notamment le cas pour l'ordonnance sur l'Ukraine. Des entreprises se sont adressées au SECO pour savoir si une transaction financière précise nécessitait une autorisation et si le SECO était habilité à délivrer une telle autorisation. Le SECO traite chacune des différentes demandes en concer47 48

Conseil européen, Fiche d'information, Les mesures restrictives de l'UE, Bruxelles, 29.4.2014, p. 3.

Les personnes internes et externes à l'administration avec lesquelles le CPA s'est entretenu parlent d'une tendance à un excès de conformité (overcompliance) et au risque zéro (zero-risk policy).

1837

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tation avec le DFAE et le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI), car il s'agit de transactions financières complexes. Cela augmente donc la charge de travail des différentes unités administratives.

3.2

Nouveaux critères pour la pesée des intérêts

En principe, la Suisse reprend les sanctions décidées par l'UE depuis 1998, année où des sanctions furent prononcées à l'encontre de la Yougoslavie à la suite du conflit au Kosovo. Cette participation aux sanctions se fonde sur des arguments humanitaires et sur des arguments servant le droit international, et encore plus sur le fait qu'il s'agit d'éviter que d'aucuns se servent de la Suisse pour contourner les sanctions de l'UE, ce qui représenterait un risque pour la réputation du pays. Une exception est cependant faite à ce principe dans certains cas, tels que ceux de l'Iran, de la Russie et de la Corée du Nord. Dès que les mesures prises en Suisse dérogent aux sanctions de l'UE, il en résulte des positions divergentes au sein de l'administration et également au sein du Conseil fédéral, manifestement. Ces différends portent non seulement sur la question de savoir quelles sanctions seront ou non reprises par la Suisse, mais également sur celle des instruments à utiliser.

L'administration procède à l'examen approfondi d'un cas précis avant tout lorsque d'importants intérêts de politique extérieure ou de politique économique extérieure de la Suisse sont en jeu. La Suisse a toujours repris intégralement les sanctions de l'UE depuis 1998 dès lors que ses relations avec le pays sanctionné n'étaient pas significatives.

En chargeant le DEFR d'effectuer une analyse de la situation pour la reprise (ou non) des sanctions prononcées par l'UE, le Conseil fédéral a renforcé l'idée selon laquelle la reprise des sanctions de l'UE ne devait pas être comprise comme étant automatique, mais devait être examinée au cas par cas. L'administration a alors présenté au Conseil fédéral dans une note de discussion relative à la politique de la Suisse en matière de sanctions des critères à prendre en considération dans la pesée des intérêts en cas de reprise ou non des sanctions de l'UE. Le tableau 2 présente les domaines et leurs critères pour la pesée des intérêts.

1838

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Tableau 2

Critères de reprise des sanctions décrétées par l'UE Critères de politique extérieure

Critères de politique économique extérieure

Critères juridiques

Nature des sanctions en lien Contournement avec la politique extérieure des sanctions

Conformité avec le droit international

Souveraineté et indépendance

Sécurité juridique

Immunité

Relations avec l'UE

Eviter des sanctions secondaires

Etat de droit

Solidarité et communauté de valeurs

Coûts économiques

Proportionnalité

Neutralité

Neutralité concurrentielle (activités de niche)

Universalité Bons offices Mandats de puissance protectrice Sécurité Réputation de la Suisse Source: DEFR, Note de discussion relative à la politique de la Suisse en matière de sanctions, 30 juin 2014

L'administration a formulé une ou plusieurs questions concrètes afin de préciser chaque critère. Le critère de la nature des sanctions en lien avec la politique extérieure soulève par exemple la question de savoir si la reprise des sanctions de l'UE est cohérente et compatible avec la stratégie de politique étrangère de la Suisse. Pour le critère des bons offices, on se demande si la Suisse propose ses bons offices dans le pays frappé par les sanctions et si la reprise de sanctions pourrait nuire à ses tentatives de médiation, au dialogue sur les droits de l'homme, à la Genève internationale ou encore à sa crédibilité en tant que médiateur. Ces critères et ces questions sont une aide à la décision de reprendre ou non les sanctions décrétées par l'UE.

4

Préparation des ordonnances sur les sanctions

Synthèse: les compétences et les processus dans la phase de préparation des ordonnances sur les sanctions sont clairs: une consultation des offices est toujours organisée lors de l'élaboration, de la modification ou de l'abrogation des ordonnances.

Dans l'une des dix consultations des offices analysées par le CPA, la collaboration du SECO avec l'AFD n'a été que partiellement coordonnée. En outre, le délai pour les réactions des offices est bref et les analyses montrent que les questions ne sont 1839

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pas clarifiées indépendamment des cas, mais sont souvent de nouveau soumises à la discussion dans les consultations ultérieures. Les informations livrées au Conseil fédéral contiennent des considérations qui relèvent de la politique extérieure, de la politique économique extérieure et du droit.

Ce chapitre présente les résultats des analyses relatives aux compétences et aux processus. Le CPA vérifie si les directives formelles sont respectées et si le SECO intègre de manière coordonnée dans la préparation des ordonnances sur les sanctions les unités administratives concernées. Il évalue par ailleurs les informations livrées au Conseil fédéral. Pour cela, il a vérifié si, dans ses propositions au Conseil fédéral, l'administration s'appuie sur des considérations approfondies en matière de politique extérieure, de politique économique extérieure et de droit et si elle présente en toute transparence les critères à considérer dans la pesée des intérêts.

4.1

Compétences et processus clairs

Les compétences et processus liés à la préparation sont clairs. Les nouvelles ordonnances sur les sanctions et les modifications d'ordonnances existantes sont décidées par le Conseil fédéral, généralement sur proposition du DEFR49. Le SECO est responsable de l'élaboration, de la modification et de l'abrogation des ordonnances sur les sanctions dans le cadre de la LEmb50.

Les directives formelles relatives au processus d'élaboration des ordonnances sont respectées. Dans les cas de préparation et de modification d'ordonnances sur les sanctions que le CPA a examinés, le SECO a toujours organisé une consultation des offices. La procédure est toujours la même pour l'élaboration, la modification et l'abrogation d'ordonnances sur les sanctions et elle ne fait pas de distinction entre sanctions de l'ONU et sanctions de l'UE. Toutefois, cette procédure diffère dans deux cas: 1) le DEFR peut adapter de lui-même les annexes des ordonnances sur les sanctions, lesquelles contiennent par exemple les listes des personnes visées par les sanctions51; 2) les offices ne doivent plus être consultés pour la reprise des listes de sanctions de l'ONU qui répertorient les personnes physiques et morales concernées, car ces listes sont directement applicables52. Selon les acteurs concernés, cette mesure a pour effet une simplification et un gain d'efficacité.

Pour pouvoir procéder à un examen attentif du projet, les unités administratives devraient disposer en règle générale de trois semaines avant de remettre leur prise de position dans le cadre de la consultation des offices 53. Le CPA a constaté que le délai fixé pour les prises de position relatives à des ordonnances sur des sanctions est particulièrement réduit et largement en deçà de cette indication. Il va en effet de 49 50 51 52

53

Art. 2, al. 1, LEmb SECO, secteur Sanctions (BWSA), Synthèse des processus clés (état au 18.2.2016).

Art. 16 LEmb Depuis le 4.3.2016, les modifications des listes de sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies sont directement applicables en Suisse. Ordonnance du 4.3.2016 sur la reprise automatique des listes de sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies (RO 2016 0342).

Office fédéral de la justice, Guide de législation (2007), p. 52.

1840

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4,5 heures (révision totale de l'ordonnance sur l'Ukraine du 27 août 2014) à 9 jours (révision totale de l'ordonnance instituant des mesures à l'encontre de la Corée du Nord du 18 mai 2016). D'après les réponses fournies au CPA par les collaborateurs du SECO, ce délai réduit tient au fait que les ordonnances doivent être mises en vigueur dans un intervalle de temps le plus bref possible pour, par exemple, éviter des fuites de capitaux avant le gel de comptes ou pour empêcher le plus rapidement possible les activités commerciales qui sont déjà visées par des sanctions de l'ONU ou de l'UE. Il est ressorti des entretiens avec les unités administratives concernées que celles-ci acceptent ces délais brefs. Elles savent déjà qu'une consultation des offices sera organisée, parce que le SECO a mené des consultations préliminaires ou parce qu'elles suivent la politique en matière de sanctions et, donc, s'y préparent.

Lors de ces consultations préliminaires, c'est-à-dire avant la consultation des offices à proprement parler, le DFAE est fréquemment associé aux travaux préalables portant sur les questions de politique extérieure et l'AFD, sur les questions concernant le droit des douanes.

Lors de la consultation des offices, les personnes compétentes au sein des unités administratives concernées reçoivent les projets de proposition au Conseil fédéral, d'ordonnance et d'arrêté fédéral ainsi que les résolutions de l'ONU ou de l'UE. Il est ressorti de l'analyse des documents réalisée par le CPA que le cercle des personnes interrogées est large et qu'en règle générale, toutes les unités administratives concernées ont été associées à la consultation54. Les unités consultées sont toutefois loin d'avoir toutes pris position: le DFAE et l'Office fédéral de la justice (OFJ) se sont toujours exprimés sur les projets; fedpol et la Chancellerie fédérale avaient souvent des commentaires à faire, cette dernière se concentrant principalement sur l'aspect rédactionnel ainsi que sur la publication ou l'urgence des projets; les autres offices, en revanche, n'ont pris que rarement position. Si les unités administratives renoncent à donner leur avis, le SECO, s'appuyant sur l'usage au sein de l'administration fédérale, part du principe qu'ils approuvent le projet mis en consultation.

La majeure partie des unités administratives
sont intégrées au processus de façon coordonnée. Pour les dix consultations des offices étudiées par le CPA, il est arrivé seulement une fois qu'une unité ne soit pas consultée: lors de la consultation des offices sur la révision totale de l'ordonnance sur l'Ukraine, le SECO a oublié de consulter l'AFD. Il n'a attiré l'attention de celle-ci par courriel sur l'entrée en vigueur de ladite ordonnance que quelques heures avant la décision du Conseil fédéral.

C'est la raison pour laquelle il manque dans cette consultation des offices une position écrite de l'AFD. Cela est d'autant plus préoccupant que d'importants problèmes de mise en oeuvre surgissent à la douane justement dans le cadre de l'ordonnance sur l'Ukraine (cf. ch. 5.3 et 5.4).

Le CPA a par ailleurs constaté que le projet soumis au Conseil fédéral est toujours remanié après la consultation des offices. Dans les processus étudiés, le SECO a toujours pris en considération les retours ou a toujours informé l'unité administrative 54

Il s'agit des services suivants: au DFAE, la section des affaires financières, qui est le principal interlocuteur au sein du DFAE, la Direction du droit international public, les Divisions politiques II, III et V, le Centre de politique de sécurité; le SFI, l'AFD, la Chancellerie fédérale, l'AFD, fedpol, l'OFJ et l'Etat-major du Service de renseignement de la Confédération.

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lorsqu'il ne prenait pas en considération une remarque. Lors des entretiens menés par le CPA, la majorité des unités administratives consultées ont exprimé leur satisfaction quant à la manière dont le SECO intègre leurs retours dans les propositions.

Il est aussi ressorti de ces entretiens ainsi que de l'analyse des documents que les mêmes questions de mise en oeuvre reviennent souvent et qu'elles ne sont pas traitées globalement, indépendamment des différentes ordonnances sur les sanctions.

Lors de la révision totale de l'ordonnance sur la Corée du Nord, l'AFD et le SECO étaient en désaccord concernant les possibilités de mise en oeuvre de contrôles matériels à la frontière. Estimant qu'elle n'avait pas été préalablement consultée, l'AFD a rejeté l'article proposé dans le projet. Les discussions menées par ces deux unités ont permis d'éliminer les divergences. La protection juridique des personnes qui figurent sur des listes de sanctions est une autre question récurrente. A ce jour, les ordonnances ne contiennent aucune disposition particulière à ce sujet.

Globalement, il ressort des investigations du CPA qu'en cas de désaccords, le SECO tente d'éliminer ceux-ci directement avec l'unité administrative concernée, de trouver des compromis ou d'expliquer pourquoi une suggestion n'a pas été reprise. Mais c'est lui qui décide au final quelles modifications seront intégrées dans les documents remaniés. Si les divergences ne peuvent être éliminées, les départements peuvent, s'ils le souhaitent, rédiger des co-rapports à l'intention du Conseil fédéral.

L'analyse des documents effectuée par le CPA a montré que les autres départements rédigent rarement des co-rapports sur les propositions d'ordonnances sur les sanctions du DEFR. Il a été souligné lors des entretiens que les divergences sont éliminées à l'échelon des offices ou, si besoin est, en y associant les départements.

4.2

Informations destinées au Conseil fédéral en grande partie équilibrées

Les informations destinées au Conseil fédéral sont en grande partie équilibrées. Pour élaborer les ordonnances sur les sanctions et pour prendre ses décisions de reprise ou non de sanctions de l'UE, le Conseil fédéral doit disposer d'informations pertinentes et différenciées sur les aspects de politique extérieure, de politique économique extérieure et de droit. La LEmb lui laisse une grande marge de manoeuvre et ne lui dicte pas dans quelle situation la Suisse doit participer à l'application de sanctions de l'UE. La formulation potestative de la LEmb part de l'hypothèse que les informations fournies par l'administration au Conseil fédéral sont suffisamment étayées pour aider celui-ci à prendre sa décision.

Les analyses du CPA montrent que des aspects de la politique extérieure, de la politique économique extérieure et du droit sont exposés dans les propositions soumises au Conseil fédéral. Ces dernières ont toujours la même structure: l'administration décrit la situation initiale et les bases légales, elle explique certaines dispositions et évalue les effets sur la Confédération et sur l'économie suisse en termes de ressources financières et humaines. Les propositions contiennent par ailleurs les résultats de la consultation des offices et une indication sur la date d'entrée en vigueur. De plus, l'administration fournit au Conseil fédéral des infor-

1842

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mations sur les raisons qui motivent la proposition et explique des aspects juridiques.

Le CPA a ensuite comparé les propositions destinées au Conseil fédéral avant et après la consultation des offices et constaté que le SECO avait repris les commentaires des unités administratives consultées. Il a surtout intégré dans les propositions les remarques du DFAE sur le contexte de la politique extérieure. Il en va de même pour les remarques d'ordre juridique faites par l'OFJ. La comparaison des propositions étudiées met également en lumière l'évolution du contenu des informations: contrairement aux anciennes propositions, les propositions plus récentes contiennent des explications sur différentes dispositions de l'ordonnance.

L'évaluation du caractère adéquat des informations repose en outre sur la question de savoir si les critères pris en considération dans la pesée des intérêts depuis 2014 sont présentés avec clarté dans les propositions. Le CPA s'est penché sur le recours à ces critères dans les propositions soumises au Conseil fédéral pour savoir si ce dernier dispose d'informations solides et pondérées. Les exemples d'application faisant défaut, il n'est pas possible de juger la pratique de manière exhaustive. Depuis leur élaboration, les critères auraient pu être utilisés dans deux cas seulement: lors de la pesée des intérêts effectuée pour savoir s'il fallait ou non reprendre les sanctions de l'UE visant la Russie/Crimée et lors de la reprise (ou non) des sanctions de l'UE visant le Burundi55.

Dans une note de discussion, l'administration a proposé au Conseil fédéral une façon de procéder de la Suisse au regard des sanctions prises par l'UE à l'encontre de la Crimée et de la Russie56. Concernant les considérations de politique extérieure, le SECO y aborde des aspects du droit et de la politique en matière de neutralité, les relations bilatérales respectivement avec la Russie et les partenaires occidentaux ainsi que les bons offices de la Suisse (mandats de puissance protectrice pour la Russie en Géorgie et, inversement, pour la Géorgie en Russie et présidence suisse de l'OSCE). Pour ce qui est des considérations relevant de la politique économique extérieure, il y expose les relations commerciales avec la Russie, l'interdépendance financière entre la Suisse et la Russie, la possibilité de
contourner les sanctions, les transactions financières et programmes de coopération, d'éventuelles réactions russes et d'autres aspects de la politique économique extérieure. Enfin, pour le volet du droit, il y décrit très succinctement la compatibilité des sanctions avec le droit international, l'immunité, l'Etat de droit et avec la proportionnalité.

La comparaison des critères formulés dans la note de discussion de juin 2014 avec leur application dans le cas de l'ordonnance sur l'Ukraine montre que tous les critères prédéfinis n'ont pas été appliqués (voir tableau 3). Si certains critères ont été retenus et concrétisés dans ce cas d'espèce, d'autres n'ont pas été pris en considération. Le SECO justifie cette approche en arguant que chaque cas doit être examiné individuellement. Selon le DEFR, les critères et questions présentés dans la note de 55

56

Le contexte de politique extérieure et la réaction de l'UE à la situation au Burundi sont certes décrits dans le second cas ­ l'ordonnance du 4.12.2015 instituant des mesures à l'encontre du Burundi (RS 946.231.121.8) ­ mais aucune référence explicite aux critères n'est faite.

DEFR, Note de discussion relative à la situation en Ukraine: façon de procéder de la Suisse au regard des nouvelles sanctions décidées par l'UE, 12.8.2014.

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discussion ont été conçus avant tout comme des outils destinés à l'administration57.

Il précise qu'il n'a jamais été prévu de les utiliser de manière mécanique et systématique pour chaque proposition soumise au Conseil fédéral. Par ailleurs, certains critères se recoupent et ils n'ont pas tous la même importance dans chaque cas. Le DFAE précise en outre que, eu égard aux informations disponibles, il n'est souvent pas possible d'examiner tous les critères de manière approfondie58. C'est pourquoi l'administration se concentre sur le traitement des critères pertinents dans le cas d'espèce. Cependant, le choix des critères ­ comment ils sont définis et pourquoi certains critères sont retenus dans un cas précis plutôt que d'autres ­ n'est pas transparent. En outre, les critères ne confèrent en soi aucune information quant à leur pondération respective lors de l'appréciation d'un cas. Il faut toutefois souligner que, depuis l'établissement de ces critères, seuls deux cas se sont présentés (Ukraine/Russie et Burundi); par conséquent, il n'est pas encore possible d'apprécier suffisamment l'application de ces critères.

57 58

DEFR, Prise de position du 23.8.2017 relative au projet de rapport du CPA.

DFAE, Prise de position du 18.8.2017 relative au projet de rapport du CPA.

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Tableau 3 Utilisation des critères dans le cadre de l'ordonnance sur l'Ukraine ­ comparaison

Politique extérieure

Domaine

Critères de la note de discussion 2014

Concrétisation dans l'ordonnance sur l'Ukraine

Bons offices

Relations bilatérales avec la Russie

Neutralité

Relations bilatérales avec les partenaires occidentaux

Nature des sanctions en lien avec la politique extérieure Souveraineté et indépendance Relations avec l'UE Solidarité et communauté de valeurs Universalité Mandats de puissance protectrice Sécurité

Droit

Politique économique extérieure

Réputation de la Suisse Contournement des sanctions

Relations commerciales Suisse-Russie

Sécurité juridique

Interdépendance financière

Eviter les sanctions secondaires

Opérations de financement, projets de coopération Contre-mesures russes

Coûts économiques Neutralité concurrentielle (activités de niche)

Autres considérations relevant de la politique économique extérieure (insécurité juridique, sanctions secondaires, confiance dans la place économique et financière suisse)

Compatibilité avec le droit international Immunité Etat de droit Proportionnalité

Source: DEFR, Note de discussion relative à la politique de la Suisse en matière de sanctions, 30.6.2014; DEFR, Note de discussion relative à la situation en Ukraine: façon de procéder de la Suisse au regard des nouvelles sanctions de l'UE, 12.8.2014 Légende: = critères cités explicitement dans la proposition selon la note de discussion de 2014; = critères non cités explicitement selon la note de discussion de 2014

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5

Mise en oeuvre des ordonnances sur les sanctions

Synthèse: Bien que les activités d'information des acteurs économiques menées par le SECO apparaissent comme rapides et ciblées, diverses lacunes au niveau de la mise en oeuvre ont été constatées. Le SECO n'exploite pas pleinement les instruments dont il dispose. L'AFD rencontre des difficultés à contrôler les interdictions d'exportation, car le temps d'intervention des bureaux de douane est réduit et les contrôles physiques en aval sont quasi impossibles. De plus, les interdictions, visant le commerce de marchandises, au niveau infranational (comme dans le cas de la Crimée) ne peuvent pas être contrôlées. Pour les sanctions frappant des produits de luxe, on se demande également comment leur respect peut être vérifié à la douane.

Les sanctions financières s'avèrent aussi très complexes dans leur mise en oeuvre.

Enfin, le système des visas n'apparait pas comme un instrument suffisant pour appliquer les restrictions de déplacement.

Le CPA a apprécié l'adéquation de la mise en oeuvre des ordonnances sur les sanctions dans cinq domaines: 1) il a analysé les processus et les compétences dans la phase de mise en oeuvre en vérifiant le respect des directives formelles ainsi que l'association appropriée et coordonnée des acteurs importants, 2) il a examiné si les informations sur les sanctions étaient adaptées à leurs destinataires et fournies en temps voulu, 3) il a analysé l'adéquation des instruments de mise en oeuvre, 4) il a cherché à savoir comment les informations relatives aux instruments étaient utilisées pour la surveillance et 5) il a étudié l'opportunité de l'abrogation d'ordonnances, la question étant de savoir si celles-ci sont abrogées conformément aux directives et en temps voulu.

5.1

Compétences et processus en partie appropriés

Pour assurer une mise en oeuvre adéquate, il est nécessaire que les directives relatives aux compétences et aux processus soient claires et que tous les acteurs les suivent. Dans la politique en matière de sanctions, les compétences sont définies dans la LEmb, dans l'ordonnance sur l'organisation du DEFR et dans les ordonnances sur les sanctions59. Cette politique relève de la politique économique extérieure, ce qui est confirmé par le fait que, dans ses rapports de politique économique extérieure, le Conseil fédéral informe l'Assemblée fédérale sur l'application de la LEmb60. Ces rapports sont préparés par le DEFR. Au sein de ce dernier, la politique économique extérieure est confiée au SECO, dont le secteur Sanctions s'occupe de la politique en matière de sanctions. Ce secteur est subordonné au centre de prestations Relations économiques bilatérales, dans la Direction des affaires économiques extérieures, et rend compte au domaine de prestation Contrôles à l'exportation et sanctions61. Ce domaine de prestation compte trois autres secteurs: Politique de 59

60 61

Art. 5 de l'ordonnance du 14.6.1999 sur l'organisation du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche (Org DEFR, RS 172.216.1). Les objectifs du SECO énumérés à l'al. 2 ne sont pas exhaustifs.

Art. 15 LEmb DEFR, Structure de l'organisation SECO, (état au 1.1.2017).

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contrôle à l'exportation dual-use, Contrôles à l'exportation/Produits industriels et Maîtrise des armements et politique de la maîtrise des armements. Si des dossiers se recoupent, par ex. lorsque des sanctions touchent des biens industriels ou des biens d'armement, les secteurs Contrôles à l'exportation/Produits industriels et Maîtrise des armements et politique de la maîtrise des armements sont eux aussi chargés de tâches de mise en oeuvre. Dans chaque ordonnance, le SECO se voit confier la surveillance de la mise en oeuvre de la majorité des articles. Ainsi, aux termes de l'ordonnance sur la Corée du Nord, il surveille l'exécution des mesures prévues aux art. 3 à 14 et à certains al. de l'art. 15. Les compétences du SECO en matière de surveillance s'illustrent aussi par le fait qu'il est seul compétent en matière de poursuites pénales, même pour des dispositions dont la mise en oeuvre est confiée à un autre office fédéral62.

D'autres services chargés eux aussi de tâches de mise en oeuvre ne sont pas cités précisément dans les ordonnances, mais celles-ci désignent à chaque fois le département ou l'office concerné63. Dans la pratique, il s'avère que les compétences sont clairement réparties: s'il est prévu dans une ordonnance que le SECO octroie les autorisations relatives aux sanctions financières après avoir consulté les offices compétents du DFAE et du DFF64, le SECO consulte dans la pratique la section des affaires financières du DFAE et le SFI du DFF.

Pour les contrôles, le Conseil fédéral désigne des unités administratives dans chaque ordonnance, en fonction des mesures coercitives prévues, par exemple l'AFD pour les contrôles à la frontière, l'Office fédéral de la culture (OFC) pour les contrôles dans le cadre des sanctions visant des biens culturels ou encore le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) pour les contrôles relevant de la circulation des personnes65.

Les processus sont clairs et fondés sur la pratique: chaque service organise lui-même la mise en oeuvre. Les processus sont cependant fort similaires d'un service à l'autre, le principe étant que les organes de contrôle doivent signaler toute irrégularité au SECO. A titre d'exemple, l'AFD élabore à l'intention des bureaux de douane des circulaires et des profils à risques dans lesquels elle définit la marche à suivre en cas de
détection de biens frappés par des sanctions; elle établit également des règles de sélection afin que les envois suspects puissent être triés pour un contrôle le cas échéant. Si les bureaux de douane détectent quelque chose, ils informent directement le SECO, qui décide de la marche à suivre. Le principe est le même pour l'OFC: s'il existe des indices de commerce de biens culturels avec un pays frappé par des sanctions, l'AFD les signale à l'OFC, qui contacte alors le SECO.

Au sein du SECO, des indices laissent supposer que la répartition des compétences entre le secteur Sanctions et le secteur Contrôles à l'exportation/Produits industriels 62 63

64 65

Cf. art. 20 ordonnance du 8.6.2012 instituant des mesures à l'encontre de la Syrie, (RS 946.231.172.7), par ex.

Cf. ordonnance sur l'Ukraine et ordonnance du 7.8.1990 instituant des mesures économiques envers la République d'Irak (RS 946.206), par ex., qui citent, la première le DFAE et le DFF, la seconde l'OFC et l'AFD.

Art. 5, al. 3, ordonnance sur l'Ukraine.

Cf. ordonnances sur les sanctions, www.seco.admin.ch > Economie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions > Sanctions / Embargos > Sanctions de la Suisse (consulté le 1.11.2017).

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manquent de clarté vis-à-vis des partenaires externes ou alors que la coordination au sein du SECO présente quelques lacunes. Pour les personnes du SECO interrogées, les différents secteurs concernés collaborent cependant étroitement et se concertent rapidement.

Le CPA a par ailleurs constaté que les compétences et les processus manquaient de clarté au sein de l'AFD. Ainsi, cette dernière n'a rédigé aucune circulaire concernant l'ordonnance sur l'Ukraine. Les bureaux de douane n'ont pas été informés de la mise en oeuvre de cette ordonnance et l'AFD n'effectue aucun contrôle à la frontière dans ce cadre (cf. ch. 5.3)66. Il est ressorti des entretiens menés par le CPA que le SECO ignorait que l'AFD n'avait pas établi de circulaire ni pris de mesures pour cette ordonnance. La coordination n'est donc pas toujours assurée entre ces unités administratives. Le SECO a indiqué qu'il ne pouvait exercer ce rôle étant donné que les autres unités ne lui sont pas subordonnées. Il est exact que le SECO ne dispose pas d'un pouvoir d'instruction à l'égard des autres unités. Cependant, les ordonnances sur les sanctions lui confèrent en règle générale une fonction de surveillance67. De plus, la politique en matière de sanctions relève du DEFR, plus précisément du SECO, ce qui lui attribue clairement la responsabilité de son pilotage global ­ conformément à la perception des autres unités impliquées.

Lors des entretiens avec le CPA, le SECO a évoqué le groupe de travail Politique en matière de sanctions en tant qu'exemple de la coordination effectuée. Il s'agit d'un groupe de travail ad hoc, placé sous l'égide du SECO, qui a vu le jour en 2013. Ses principaux membres sont des représentants du DFAE (section des affaires financières, Direction du droit international public), du DFF (SFI) et du DFJP (OFJ)68. Ce groupe reste certes ouvert à toutes les unités impliquées dans la politique en matière de sanctions cependant, l'AFD, l'OFC, fedpol et le SEM ne figurent pas parmi ses membres fixes. Pour certaines unités administratives, le rôle de ce groupe de travail s'est limité à son but initial, à savoir l'élaboration de critères relatifs à la reprise de sanctions de l'UE. Le CPA a en aussi constaté que le groupe de travail ne s'était quasiment plus réuni depuis l'élaboration de trois documents de base69. Il n'empêche que,
plusieurs personnes du SECO interrogées ont déclaré que ce groupe de travail était une instance importante pour les échanges. La dernière rencontre a cependant eu lieu en novembre 2015 entre les unités administratives compétentes.

66

67 68 69

Il faut souligner que l'AFD effectue des contrôles à l'exportation de biens industriels et de matériel de guerre. Par conséquent, les biens concernés aussi visés par l'ordonnance sur les sanctions sont contrôlés.

Cf. art. 16 ordonnance sur la République populaire démocratique de Corée et art. 18 ordonnance sur la Syrie, par ex.

DEFR, DFAE, Note de discussion, Politique de la Suisse en matière de sanctions, 11.12.2013.

Ces documents de base portent sur les critères de reprise des sanctions décrétées par l'UE, sur le contournement des sanctions et sur les procédures d'inscription et de radiation de noms sur les listes de personnes visées par des sanctions.

1848

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5.2

Information concernant les ordonnances sur les sanctions rapide et ciblée

Pour être efficace, l'exécution suppose que les différents organes de contrôle ainsi que les personnes et entreprises concernées par les ordonnances sur les sanctions disposent en temps voulu d'informations spécifiques sur ces ordonnances. Cette condition est remplie s'agissant de la politique en matière de sanctions. Les informations sont toujours mises à la disposition des personnes et entités concernées en temps voulu. Ainsi, dans tous les cas étudiés par le CPA, le public a été informé de l'édiction d'une ordonnance ou de sa modification par un communiqué de presse publié le jour même où le Conseil fédéral arrêtait sa décision.

Les informations sur les ordonnances sur les sanctions sont adaptées à leurs destinataires internes à l'administration. Il n'existe pas, au sein de l'administration, de processus standardisé pour informer les unités administratives de l'élaboration de nouvelles ordonnances ou de modifications apportées à des ordonnances en vigueur.

Cela n'est du reste pas nécessaire, les unités administratives étant d'ores et déjà informées des sanctions nouvelles, modifiées ou levées au travers de leur participation à la procédure de consultation des offices. Chaque organe de contrôle a alors la responsabilité de prendre les mesures requises dans son domaine pour informer les collaborateurs.

Le travail d'information du SECO à l'égard des acteurs externes à l'administration peut être qualifié de bon. Les tâches sont réparties entre le SECO, les associations professionnelles et les entreprises. Le SECO a mis au point différents instruments pour diffuser les informations et il incombe aux personnes et entités concernées de s'en servir. Comme évoqué plus haut, un communiqué de presse accompagne chaque ordonnance sur des sanctions, sa modification ou son abrogation. Il est par ailleurs possible de s'abonner au service de dépêches du SECO, qui informe par courriel de nouvelles sanctions ou de modifications d'ordonnances sur les sanctions.

De plus, le SECO gère la banque de données électronique SESAM, qui recense toutes les personnes et organisations visées par des sanctions. Pour les listes nominatives de l'ONU, directement applicables en Suisse depuis mars 2016, les noms sont enregistrés dans SESAM le jour suivant leur publication par l'ONU. Une interface de recherche permet aux personnes
ou entreprises concernées de s'informer sur les personnes visées par des sanctions. Par ailleurs, une liste Excel des personnes et organisations frappées par des sanctions est publiée sur Internet. Il s'agit d'une source d'information importante pour les intermédiaires financiers. Mais certains doutent que les listes soient mises à jour rapidement. Depuis la reprise automatique des listes de sanctions de l'ONU notamment, les branches se demandent si les listes sont à jour. Il faut néanmoins souligner que le DEFR informe toujours par voie de communiqué de presse de l'adaptation d'annexes, et ce généralement avant l'entrée en vigueur des mesures. Selon le DEFR, les modifications des listes de sanctions qui reposent sur des sanctions de l'UE nécessitent un peu plus de temps 70. Toutes les modifications sont communiquées par le biais d'alertes de dépêches.

70

DEFR, Prise de position du 23.8.2017.

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Le SECO fournit également des renseignements sur les sanctions par téléphone.

Généralement, il s'agit généralement de savoir si un bien ou un service est interdit ou nécessite une autorisation. La gestion stricte des risques opérée par les instituts financiers complique la tâche en particulier pour les entreprises tournées vers l'exportation, car ces instituts ne financent plus les affaires dans certains pays, notamment par crainte d'enfreindre des sanctions. C'est la raison pour laquelle le SECO reçoit beaucoup de demandes d'attestations concernant des biens non frappés par des sanctions. Dans ce contexte, le secteur Contrôles à l'exportation/Produits industriels a introduit l'attestation dite «zéro sanctions», qui atteste que le bien n'est pas soumis à une sanction (ou à un contrôle à l'exportation). Les entreprises recourent à ces attestations lorsqu'elles négocient avec les instituts financiers le financement de leurs exportations. Le secteur Contrôles à l'exportation/Produits industriels et les branches expliquent que cette attestation n'a pas de valeur normative. Néanmoins, un tel courriel peut valoir comme décision dans le droit administratif et ainsi, disposer d'un caractère juridique formel.

Par ailleurs, le SECO intervient à des réunions d'associations professionnelles ou de chambres de commerce et organise chaque année un séminaire sur le contrôle des exportations. Les entreprises y sont sensibilisées sur la question des sanctions, ce qui devrait développer l'autocontrôle. Les représentants des branches se félicitent de ces contacts étroits et des informations sur les sanctions. Les branches communiquent à leurs membres des actualités sur les sanctions et elles organisent elles aussi des conférences sur le sujet ou invitent des représentants du SECO à venir exposer devant leurs membres la politique de la Suisse en matière de sanctions.

Lors des entretiens et dans les prises de position sur le projet de rapport, certains ont émis des critiques quant à la compréhension des termes utilisés dans les ordonnances dans le domaine des sanctions financières. On y trouve par exemple des termes tels que «avoirs» qui sont longuement définis dans les ordonnances71 ou encore des termes qui diffèrent d'une ordonnance à l'autre (par ex. instituts financiers, intermédiaires financiers, banques). Cela
est dû en grande partie à la complexité de la tâche que représente la transposition des résolutions de l'ONU et de l'UE dans le droit suisse. Selon le DEFR, différents termes sont utilisés, car les destinataires d'une norme déterminée ne sont pas toujours les mêmes 72. Dans la mesure du possible, les termes employés sont ceux du droit des marchés financiers. Par ailleurs, les formulations dans certaines ordonnances sur les sanctions suscitent des questions de compréhension. Selon les informations transmises au CPA, cela pose problème aux entreprises concernées par l'ordonnance lorsqu'elles tâchent de respecter des dispositions et cela explique aussi certainement en partie les nombreuses questions adressées au SECO. Il faut cependant ajouter que le SECO cherche le dialogue avec les branches pour débattre avec elles de ces sujets.

71 72

Cf. art. 1 de l'ordonnance sur la Syrie.

DEFR, Prise de position du 23.8.2017.

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5.3

Adéquation partielle des instruments et de leur application

Différents instruments sont utilisés dans le cadre de la mise en oeuvre des sanctions.

Ces instruments sont définis dans les ordonnances ad hoc. La LEmb ne prévoit ellemême aucun instrument de ce type. Par contre, les ordonnances sont toutes structurées de la même façon: elles définissent d'abord les mesures coercitives (interdictions, autorisations et déclarations obligatoires) pour les différentes formes de sanctions (sanctions visant les biens, sanctions financières, restrictions de déplacement, etc.). Ensuite, elles fixent les compétences en matière de mise en oeuvre et précisent les dispositions pénales. Il s'avère que le degré d'adéquation n'est pas le même pour les différents instruments ainsi que pour leur application.

L'AFD est compétente s'agissant de la mise en oeuvre des sanctions visant le trafic de marchandises à la frontière. Dès que de nouvelles sanctions entrent en vigueur ou que les mesures coercitives d'une ordonnance déjà en vigueur sont modifiées, l'AFD édicte une circulaire dans laquelle elle définit la marche à suivre pour les bureaux de douane. Le contrôle des interdictions d'importation et d'exportation, prononcées dans le cadre de sanctions, a une relative faible importance pour les bureaux de douane. Leur priorité est en effet de contrôler les importations et de prélever les droits de douane correspondants. Pour ce qui est des exportations, la part des marchandises faisant l'objet d'une sanction est de très faible importance par rapport au volume global des exportations. De plus, les autorités douanières rencontrent des difficultés pratiques lors du contrôle de marchandises potentiellement interdites.

Certains défauts des contrôles menés par l'AFD sont dus au système. Selon les responsables de l'AFD, le système utilisé pour les importations fonctionne bien, mais il peut encore être optimisé, tandis que celui qui est en vigueur pour les exportations présente des lacunes. Ainsi, le délai d'intervention pour les bureaux de douane est réduit pour les exportations; il arrive par conséquent que des biens bloqués dans le système passent la frontière quand une intervention n'a pas été possible dans le temps donné. Contrairement aux importations, les contrôles effectués en aval sont exclusivement formels pour les exportations, c'est-à-dire que seuls les documents peuvent être
vérifiés. Cela pose problème pour les sanctions étant donné que certaines mesures requièrent un contrôle physique avant que le bien quitte le territoire suisse. Or, étant donné que les douanes ne peuvent procéder de cette manière sans préavis, un système prévoyant que les entreprises doivent préalablement déclarer au SECO toutes leurs livraisons a été mis au point. Le SECO affecte alors les livraisons à un bureau de douane déterminé, qui peut vérifier les marchandises physiquement, avant leur exportation.

De plus, les objectifs prévus dans les mandats de prestations des bureaux de douane n'incitent que peu ces derniers à contrôler les envois de marchandises pour rechercher les biens visés par des sanctions. En effet, les contrôles visant les biens frappés d'une sanction ne sont pas prioritaires pour les bureaux de douane, comme se l'est vu confirmer le CPA lors des entretiens, car ces bureaux ne sont évalués qu'en fonction des contrôles concluants: par conséquent, les contrôles de marchandises lors desquels les bureaux de douane ne trouvent pas de produits visés par des sanctions ou ne détectent pas de déclarations erronées ou fausses ne sont pas reconnus comme prestations. Les bureaux de douanes savent par expérience que les contrôles 1851

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effectués dans le cadre des actes législatifs autres que douaniers (ALAD) 73 dans le domaine des sanctions débouchent très rarement sur des résultats positifs; ils ne sont donc pas incités à procéder à ce type de contrôles. Dès lors, pour accomplir leurs mandats de prestations, ils se concentrent plutôt sur des domaines plus prometteurs en matière de résultats.

Dans un cas (ordonnance sur l'Ukraine), le CPA a constaté que l'AFD n'avait pas établi une circulaire en la matière et que le respect des sanctions n'était pas du tout contrôlé. Les responsables de l'AFD ont aussi confirmé au CPA qu'aucun contrôle n'était effectué dans ce cadre. Cette situation n'était pas connue du SECO. Le fait que l'ordonnance sur l'Ukraine ne porte pas le statut d'ordonnance sur les sanctions a peut-être contribué à ce que l'AFD n'ait pas contrôlé à la frontière les biens visés dans cette ordonnance. Dans le cadre des entretiens menés par le CPA, des personnes interrogées ont notamment affirmé qu'il n'existait pas de sanctions envers l'Ukraine; même si elles ne sont pas nommées explicitement sanctions, les mesures prises par le Conseil fédéral se recoupent toutefois avec les sanctions prononcées par l'UE à la fin juillet 2014 et sont dès lors de facto des sanctions.

Par ailleurs, les instruments de contrôle ne sont pas exploités complètement. Les contrôles ne sont effectués que de manière réactive, c'est-à-dire en présence d'indices de délit. A titre d'exemple, l'AFD signale les exportations suspectes au SECO, lequel adresse une demande écrite de renseignements à l'entreprise concernée74. Si les preuves sont suffisantes, une procédure judiciaire est engagée. Dans les faits, il s'avère que le contrôle du SECO est fondé exclusivement sur la déclaration obligatoire et est effectué par courrier. Le SECO prévient l'entreprise concernée des rares contrôles sur site75. De plus, les contrôles sont quasi inexistants dans des domaines tels que ceux des produits de luxe et des sanctions financières. Dans son rapport, le Groupe d'action financière (GAFI) parvient à une conclusion similaire s'agissant des mesures prises par la Suisse pour lutter contre le financement de la prolifération des armes de destruction massive: il souligne que les contrôles effectués ou diligentés par l'autorité chargée de la surveillance de l'application
de sanctions financières sont limités et formels76.

Des contrôles sans préavis au sens de l'art. 4 LEmb n'ont encore jamais été effectués par le SECO. Il convient de noter que ce type de contrôle est probablement le plus difficile à porter pour le SECO qui est avant tout un partenaire des entreprises dans la plupart de ses autres activités.

Pour les produits de luxe, une valeur (prix de vente à l'unité) à partir de laquelle un bien est considéré comme un produit de luxe est déterminée dans les différentes ordonnances sur les sanctions. Dans les données de l'AFD, c'est la valeur statistique qui est indiquée; or, celle-ci ne correspond pas forcément au prix de vente appliqué 73

74 75 76

Cf. art. 95 de la loi du 18.3.2005 sur les douanes (LD; RS 631.0): l'administration des douanes participe à l'exécution d'actes législatifs de la Confédération autres que douaniers.

Art. 3 LEmb Les contrôles sur site trouvent également leur fondement à l'art. 10 LCB et aux art. 26 et s. LFMG.

Groupe d'action financière, Mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ­ Rapport d'évaluation mutuelle, décembre 2016, p. 8.

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au client final, elle peut lui être inférieure. Il est ressorti des entretiens avec des collaborateurs de l'AFD que cette dernière effectue à chaque fois des recherches pour vérifier le prix statistique et le prix de vente pour le client final. Reste à savoir comment la douane peut effectuer ce contrôle dans la pratique.

S'agissant des sanctions financières, la complexité des sanctions concrètes a été souvent soulignée lors des entretiens sur la mise en oeuvre. Les personnes interrogées ont indiqué que les instituts financiers avaient de nombreuses questions concernant la clarification de l'importance des sanctions financières. Par ailleurs, le SECO, le SFI et le DFAE sont en contact étroit au sujet des autorisations et des dérogations.

L'un des problèmes réside dans la difficulté de dire précisément quelles activités sont visées par des sanctions. De plus, il peut arriver que des personnes visées par des sanctions aient des participations dans des entreprises sans que ces participations ne soient clairement identifiables. C'est aux instituts financiers de se procurer euxmêmes les informations de ce type.

Il convient de noter qu'il est particulièrement difficile dans le domaine des sanctions de mettre au jour des activités illégales. Si une entreprise veut par exemple contourner une sanction frappant des biens, elle expédie ces biens à une adresse dans un pays tiers puis, de là, vers le pays visé par les sanctions. Des sanctions financières peuvent elles aussi être contournées par la mise sur pied d'un réseau d'intermédiaires qui servira à masquer des relations d'affaires. Certaines personnes interrogées ont souligné que, dans ces cas-là, les contrôles ne pouvaient être effectués dans la pratique. Il faut ajouter que ce problème est aussi international, comme le montre un rapport publié récemment sur les sanctions appliquées à la Corée du Nord: ce pays contourne les sanctions notamment en achetant des marchandises outre-mer, par le biais d'un réseau d'entreprises77.

S'agissant des restrictions de déplacement, la mise en oeuvre incombe au SEM.

Celui-ci bloque les personnes concernées dans le système d'information central sur la migration (SYMIC78) à l'aide d'un code particulier. Le système de recherches de police RIPOL79, qui est consulté lors des entrées et des sorties à la frontière en vue
du contrôle des personnes, est relié au SYMIC au moyen d'une interface. Ainsi, une personne frappée d'une restriction de déplacement peut se voir refuser l'autorisation d'entrer sur le territoire suisse. Vu que la plupart des personnes frappées de restrictions de déplacement sont de toute façon soumises à l'obligation de visa, les restrictions de déplacement produisent déjà des effets lors de l'examen de la demande de visa, et pas seulement lorsque la personne concernée souhaite entrer en Suisse ou y transiter80.

77 78 79 80

C4ADS, Risky Business ­ A System-Level Analysis of the North Korean Proliferation Financing System, 2017, p. 10.

Ordonnance sur le système d'information central sur la migration du 12.4.2006 (ordonnance SYMIC; RS 142.513).

Ordonnance sur le système de recherches informatisées de police du 26.10.2016 (ordonnance RIPOL; RS 361.0).

Par ex. rapport de la Suisse à l'intention du Conseil de sécurité de l'ONU concernant la mise en oeuvre des mesures à l'encontre de personnes et entités liées à Oussama ben Laden, au groupe «Al-Qaïda» ou aux Taliban (résolution 1455), 11.

1853

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Toutefois, ces mesures ne s'appliquent qu'aux personnes soumises à l'obligation de visa pour entrer en Suisse ou y transiter. Seules ces personnes sont systématiquement enregistrées dans SYMIC. Selon le SEM, les personnes non soumises à l'obligation de visa mais frappées de restrictions de déplacement ne peuvent pas être enregistrées dans SYMIC, car les informations contenues dans les listes de sanctions de l'ONU et de l'UE manquent souvent de précision81. En outre, il existe manifestement des cas où les personnes sanctionnées ne sont pas saisies dans la banque de données européenne de recherches SIS (Système d'information Schengen 82). Dans ces cas-là, les mesures ne peuvent pas non plus être mises en oeuvre en Suisse, car la Suisse se fonde sur le SIS. Selon fedpol, le problème de la non-saisie de données dans SIS est quasiment toujours dû au fait que les données concernant les personnes qui devraient y être inscrites sont insuffisantes83.

Si une personne peut entrer sur le territoire suisse sans visa et, parallèlement, si elle n'est pas enregistrée dans le SIS, il peut arriver qu'une éventuelle restriction de déplacement ne soit pas constatée à la frontière et que la personne n'ait ainsi aucun problème à entrer en Suisse ou à y transiter. Par exemple, il est possible d'entrer en Suisse sans visa lorsqu'il existe un programme d'exemption de visa entre la Suisse et le pays concerné permettant aux ressortissants de ce pays d'entrer dans l'espace Schengen ou si un accord d'exemption de visa pour les détenteurs de passeports diplomatiques, de passeports de service ou de passeports spéciaux a été conclu.

5.4

Absence de surveillance globale

La surveillance de la politique en matière de sanctions consiste à observer sa mise en oeuvre et à déceler des lacunes afin de pouvoir, le cas échéant prendre des mesures.

Différentes informations issues de la mise en oeuvre de la politique en matière de sanctions peuvent être utilisées pour la surveillance. En effet, toutes les importations et exportations de biens sont saisies à la douane. Grâce à ces données douanières, le commerce de marchandises peut être détaillé selon les pays et par groupes de marchandises sanctionnées ou non. Pour certaines marchandises, certains services ou transactions financières il existe aussi des données relatives aux déclarations obligatoires respectivement aux autorisations qui pourraient faire l'objet de statistiques.

Dans le domaine des sanctions visant le déplacement de personnes, le nombre de demandes de visas refusées sur la base des restrictions de déplacement pourrait être examiné, tout comme les interdictions de séjourner en Suisse ou d'y transiter, prononcées sur la base de ces mêmes restrictions. Le CPA a cependant constaté que le SECO ne surveille que ponctuellement, sur la base de telles informations issues de la mise en oeuvre, l'exécution de la politique en matière de sanctions.

Le CPA s'est informé auprès du SECO de l'existence de telles données utilisées pour la surveillance ou saisies dans ce but. Selon le SECO, il n'existe pas de don81 82

83

SEM, Prise de position du 17.8.2017 sur le projet de rapport du CPA.

Scherer, Benedikt (non daté): Le Système d'information Schengen ­ Développement et mise en oeuvre en Suisse, www.fedpol.admin.ch > Coopération en matière de police > Schengen > Le Système d'information Schengen SIS (consulté le 4.10.2017).

Fedpol, Prise de position du 17.8.2017 sur le projet de rapport du CPA.

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nées générales84. Le gain de connaissances provenant de statistiques est faible selon le SECO mais cette appréciation n'est pas davantage argumentée 85. La seule statistique gérée par le SECO dans le domaine des sanctions concerne les avoirs gelés; mais elle n'est pas mise à jour régulièrement. Il existe par ailleurs des vues d'ensemble du nombre de procédures pénales administratives conduites concernant des violations possibles de sanctions86. En outre, si le SECO contrôle, le cas échéant, l'application des sanctions sur la base des données douanières, il ne le fait pas pour l'ensemble des ordonnances sur les sanctions, mais limite ses contrôles à une sélection d'États et à certains groupes de marchandises. Ainsi, il a contrôlé toutes les exportations de montres à destination de la Corée du Nord pour une période donnée afin de déterminer si celles-ci contrevenaient à l'interdiction d'exportation touchant les articles de luxe. De même, il s'est appuyé sur les données des douanes pour contrôler des entreprises suisses qui exportent certaines marchandises destinées à l'industrie pétrolière vers des États du Proche-Orient afin d'avertir ces entreprises des risques éventuels pour leur réputation87.

L'introduction d'une déclaration obligatoire pour certaines transactions vise à surveiller les activités dans un domaine spécifique. Ainsi, les changements intervenants dans des domaines où la Suisse n'a pas repris de sanctions pourraient être identifiés.

Une augmentation des transactions dans ces domaines pourrait être un indice que le territoire suisse est utilisé pour contourner des sanctions. Le traitement de ces déclarations, avec celui des autorisations, représente une part importante des tâches du SECO. Les déclarations peuvent être effectuées par courriel ou par lettre. Elles sont examinées et font l'objet de questions en cas d'informations discordantes.

Les systèmes de déclaration et d'autorisation sont conçus pour être utilisés par les acteurs économiques. Les informations qu'ils contiennent ne sont toutefois pas exploitées à des fins de surveillance systématique. Dans le domaine des sanctions financières précisément cela pose question: dans ce domaine, il existe souvent des déclarations obligatoires, mais celles ne sont ensuite pas exploitées au niveau statistique. Par conséquent, l'instrument de la déclaration obligatoire n'est pas utilisé dans 84

85 86

87

Dans le domaine des contrôles à l'exportation, il existe la plate-forme électronique Elic, à partir de laquelle le SECO établit et publie trimestriellement des statistiques sur les autorisations accordées et sur les demandes d'exportation rejetées. Cette plate-forme répertorie également des informations sur les biens visés par des sanctions dans le cadre de l'ordonnance sur le contrôle des biens. Mais elle n'est pas utilisée à des fins de surveillance dans le domaine des sanctions. Ajoutons que la révision interne au sein du SECO dont la plate-forme Elic a fait l'objet a mis au jour des défauts dans l'utilisation du système. Mais l'interface pour l'octroi des autorisations fonctionne. Le CDF mène actuellement une enquête sur Elic.

Les statistiques peuvent être consultées sur le site Internet du SECO > Secrétariat d'Etat à l'économie > Economie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions > Produits industriels (dual-use) et biens militaires spécifiques (Licensing) > Statistique > dès 2015.

DEFR, Prise de position du 23.8.2017.

On peut y lire que 30 procédures pénales administratives ont été engagées depuis 2006.

Sept d'entre elles ont été classées et les autres ont débouché sur des condamnations: une sanction financière a été imposée trois fois en plus de la prise en charge des frais de procédure et, dans 20 cas, des amendes ont été prononcées. SECO, secteur Droit, Vue d'ensemble des procédures pénales administratives, documents internes, (état au 28.8.2017).

DEFR, Prise de position du 23.8.2017.

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son propre but qui est de surveiller les transactions dans des domaines particuliers.

Des vérifications ponctuelles sont certes réalisées pour certaines ordonnances sur les sanctions, mais cette procédure n'est appliquée qu'à intervalles irréguliers et surtout lorsqu'il y a des questions relatives à une ordonnance spécifique.

Par ailleurs, il convient de constater que les différents systèmes utilisés au sein de l'administration ne sont pas suffisamment reliés entre eux. Les données de l'AFD ne renferment aucune information permettant de savoir si un bien exporté soumis à la déclaration obligatoire a effectivement été déclaré au SECO. Il n'est donc pas possible de contrôler si une déclaration a été réalisée avant que l'envoi n'ait eu lieu.

Après renseignements pris auprès de l'AFD, celle-ci ne dispose pas des informations nécessaires pour ce faire.

La situation est similaire dans le domaine des autorisations, l'unique différence résidant dans le canal utilisé pour l'approbation de biens lors du contrôle à l'exportation. Il s'agit en l'occurrence de la plate-forme Elic de l'AFD, sur laquelle les entreprises peuvent déposer leurs demandes d'autorisation pour le commerce de biens militaires et de produits industriels. Elic est un système d'autorisation électronique qui a remplacé les autorisations sur papier. Il permet la saisie et le traitement électroniques d'affaires dans les domaines des produits industriels (loi sur le contrôle des biens) et du matériel de guerre (loi sur le matériel de guerre). Pour les autres biens de même que pour les sanctions financières88, le SECO octroie des autorisations par courrier. Le SECO vérifie alors si les informations transmises par les entreprises sont exhaustives et cohérentes. Cependant, à l'instar des déclarations reçues, les autorisations ne sont statistiquement pas saisies de façon systématique et ne sont pas non plus exploitées. Certes, les données de l'AFD contiennent une information sur les numéros d'autorisation. Or, la vérification de ces numéros effectuée par le CPA a montré que l'AFD n'est pas en mesure de déterminer précisément et systématiquement sur quels ALAD l'autorisation repose. Le SECO a aussi dû tout d'abord procéder à des clarifications avant de pouvoir communiquer au CPA de quelles autorisations il s'agissait précisément.

Le SECO a
élaboré en mai 2016 un concept de contrôle dans lequel il constate des lacunes en termes de mise en oeuvre des contrôles. Il y identifie des domaines qui devraient être visés prioritairement par les contrôles, tel que le commerce de produits pétroliers, de matières premières, de produits de luxe, d'or et de diamants. Du fait du risque pour la réputation du pays, le SECO propose de renforcer les contrôles dans le domaine des diamants bruts. De plus, des contrôles doivent être introduits dans le domaine des sanctions financières. Des propositions détaillées de marche à suivre devaient être élaborées d'ici au printemps 201789. Au moment de la rédaction du présent rapport, le CPA ne disposait encore d'aucune information sur ces propositions. Selon le DEFR, l'insuffisance des contrôles diligentés et les lacunes des contrôles s'expliquent par le manque de ressources humaines90.

88

89 90

La FINMA n'est pas compétente en matière d'exécution des mesures dans le domaine des sanctions financières. Ses audits comprennent toutefois un point qui vérifie si les banques/intermédiaires financiers ont établi un processus pour les sanctions financières.

SECO, BWSA, Concept de contrôle, mai 2016.

DEFR, Prise de position du 23.8.2017.

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5.5

Caractère approprié de l'abrogation des ordonnances

Généralement, les sanctions sont levées lorsqu'elles n'ont plus raison d'être. L'abrogation d'une ordonnance peut être considérée comme appropriée lorsque la démarche de la Suisse suit immédiatement l'abrogation de la base juridique de la sanction (résolution de l'ONU ou de l'UE). Le CPA a constaté que les ordonnances étaient abrogées de manière appropriée. Le processus est identique à celui suivi lorsqu'une ordonnance de ce genre est édictée ou modifiée: le SECO élabore une proposition à l'intention du Conseil fédéral qu'il met en consultation auprès des offices, puis le DEFR adresse la proposition au Conseil fédéral. Les participants à la consultation sont les mêmes que ceux qui participent aux consultations sur l'édiction ou la modification d'ordonnances sur les sanctions. Les avis éventuels sont soit pris en compte lors de l'élaboration des documents, soit discutés avec l'unité administrative concernée. On essaie également de coordonner les abrogations avec celles de l'ONU ou de l'UE.

6

Respect des sanctions frappant le commerce des marchandises

Synthèse: Les données douanières ne permettent pas de conclure à une violation systématique des sanctions contre la Crimée par des entreprises suisses et aucun indice ne permet de supposer que la Suisse soit utilisée comme plateforme pour contourner les sanctions de l'UE contre la Russie. C'est le résultat de l'analyse des échanges commerciaux menée par le SIAW sur mandat du CPA. Par ailleurs, dans les analyses du CPA portant sur les données individuelles d'exportations et d'importations, seuls de rares cas problématiques ont été identifiés. Toutefois, l'administration n'a pas été en mesure de tous les clarifier. Il convient enfin de noter que l'ensemble de ces constats sont basés sur des données de mauvaise qualité et donc à considérer avec prudence.

Se fondant sur les données de l'AFD relatives aux importations et aux exportations91, le CPA a examiné si les sanctions commerciales 92 et les mesures visant à empêcher le contournement des sanctions prononcées en raison de la situation en Ukraine sont respectées. Il s'agissait de déterminer l'effet de ces mesures dans l'immédiat, autrement dit si l'entrée en vigueur desdites mesures a entraîné des changements au niveau du commerce des biens concernés. Pour être efficaces, des sanctions prévoyant l'interdiction totale des échanges commerciaux doivent conduire à l'arrêt des importations et des exportations des biens concernés, sauf excep91

92

Données relatives à toutes les importations et exportations de la Suisse, issues des systèmes électroniques e-dec (importations et exportations) et NCTS (exportations). Ces systèmes servent aux entreprises à déclarer leurs envois de marchandises. Ont été analysées les données d'octobre 2011 à septembre 2016 pour la Corée du Nord, la Syrie et l'Iran, et celles d'octobre 2011 à décembre 2016 pour l'Ukraine et la Russie.

Des données statistiques ne sont disponibles que pour les sanctions commerciales (aucune donnée concernant les sanctions financières et les restrictions de voyage).

1857

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tions dûment réglementées. Les prochains chapitres présenteront tout d'abord les résultats de l'analyse des données relatives aux échanges commerciaux dans le cadre de l'ordonnance sur l'Ukraine. Ensuite, ils exposeront les résultats de l'analyse des envois individuels de marchandises entre, d'une part, la Suisse et, d'autre part, la Corée du Nord, la Syrie, l'Iran et l'Ukraine/la Russie. Enfin, ils livreront une évaluation des données sur lesquelles se fondent les analyses.

6.1

Aucun indice de contournement des sanctions relatives à la Crimée

Le CPA a chargé le SIAW93 d'analyser l'efficacité des mesures prévues par l'ordonnance sur l'Ukraine en se fondant sur des données relatives aux échanges commerciaux94. L'ordonnance en question est particulière, car elle a pour objectif déclaré d'empêcher le contournement des sanctions.

Les mesures prévues par cette ordonnance sont analogues à celles de l'UE s'agissant des biens concernés et de l'étendue de ces mesures 95. Le 31 juillet 2014, l'UE a pris des sanctions contre la Russie en plus de celles prises contre la Crimée. En réaction, le 6 août 2014, la Russie a frappé les produits agricoles issus de l'UE d'une interdiction d'importation. Ainsi, tant les sanctions de l'UE (prises contre la Russie) que celles de la Russie (prises contre l'UE) frappent exclusivement les exportations de l'UE vers la Russie, mais pas les importations de l'UE à partir de la Russie96.

La Suisse a donc décidé, dans le cadre de l'ordonnance sur l'Ukraine, des mesures visant à empêcher que les sanctions prises par l'UE contre la Russie soient contournées. Les exportateurs suisses doivent se procurer une autorisation pour exporter des biens à double usage destinés à une utilisation militaire. Eu égard à la situation en Ukraine, le SECO peut refuser de délivrer ces autorisations si ces biens sont destinés à un usage militaire ou s'ils sont destinés à un utilisateur final militaire97. En outre, les exportations de biens et de technologies destinés à l'industrie pétrolière doivent être communiquées au SECO. Si elles portent sur les mêmes produits, les mesures prises par la Suisse contre la Russie dans l'ordonnance sur l'Ukraine sont moins sévères que celles de l'UE: les biens frappés d'une interdiction par l'UE sont uniquement soumis à autorisation par la Suisse, et les biens soumis par l'UE à une autorisation d'exportation sont uniquement frappés par la Suisse d'une obligation de déclarer.

93

94

95 96

97

Evenett, Simon, Föllmi, Reto, Hodler, Roland, Lukaszuk, Piotr, Widmer Philine: Ein- und Ausfuhren und die Frage nach Umgehungsgeschäften im Fall Russland/Ukraine. Rapport sur mandat du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), St-Gall, 3.4.2017.

Pour ce faire, le SIAW a analysé les données de l'AFD concernant les relations commerciales que la Suisse entretient avec la Crimée, l'Ukraine, la Russie et certains pays de l'UE.

Règlement (UE) n° 692/2014 du Conseil de l'Union européenne du 23.6.2014 concernant des mesures restrictives en réponse à l'annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol.

Exception: en vertu de l'art. 1a de l'ordonnance sur l'Ukraine, il est interdit d'importer de Russie ou d'Ukraine des armes à feu, leurs composants et accessoires ainsi que des munitions ou des éléments de munitions. Est également interdite l'importation de matières explosives, d'engins pyrotechniques et de poudre de guerre à usage militaire.

Art. 1, al. 1, de l'ordonnance sur l'Ukraine.

1858

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D'après les analyses du SIAW, les données de l'AFD ne permettent pas de conclure à une violation systématique des sanctions contre la Crimée par des partenaires commerciaux suisses et aucun indice ne permet de supposer que les sanctions soient contournées. Après l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur l'Ukraine, les importations suisses à partir de la Crimée ont totalement cessé; les exportations ont suivi le même mouvement, toutes marchandises confondues (soumises ou non aux sanctions; cf. figure 2).

Figure 2 Exportations suisses vers la Crimée

Source: rapport final du SIAW

La courbe bleue dans la figure 2 montre l'évolution des exportations des marchandises non soumises à des sanctions, tandis que la courbe rouge montre celle des exportations des marchandises soumises à des sanctions. La ligne verticale marque la date d'entrée en vigueur des sanctions suisses, moment à partir duquel on constate un recul du commerce des deux catégories de marchandises. D'après les analyses du SIAW, ce recul s'explique par la tendance générale due au conflit armé; il n'est prouvé ni que les sanctions visant les exportations de Crimée ont eu des répercussions sur les échanges commerciaux, ni qu'il y a eu violation des sanctions 98.

En outre, d'après l'étude, il n'existe aucun indice permettant de conclure que les sanctions contre la Crimée aient été contournées via le reste de l'Ukraine ou via la

98

Evenett et al. (2017), p. 32

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Russie99. Cependant, eu égard à la qualité des données, cette observation demeure sujette à caution.

L'étude du SIAW ne contient pas non plus d'indications permettant de penser que les sanctions prononcées par l'UE à l'encontre de la Russie aient été contournées via la Suisse. Elle exclut que pareilles pratiques aient pu avoir lieu systématiquement 100.

La situation est différente s'agissant des sanctions prononcées par la Russie contre l'UE, qui ont eu un fort impact sur les échanges des produits agricoles concernés (+17 % d'importations suisses en provenance de l'UE et +54 % d'exportations suisses vers la Russie). D'après l'étude, il est possible que ces produits aient transité par la Suisse afin de contourner les sanctions russes, bien que les données laissent plutôt supposer que les producteurs européens se sont rabattus sur la Suisse, tandis que les producteurs suisses ont remplacé ceux de l'UE sur le marché russe 101. Du point de vue de la politique en matière de sanctions, cette situation ne pose pas problème, puisque la Suisse n'a pas frappé ces produits de sanctions.

6.2

Diminution des importations et des exportations de biens visés par une sanction

Le CPA a analysé les envois individuels de marchandises 102 effectués entre octobre 2011 et octobre 2016 concernant la Corée du Nord, la Syrie, l'Iran et l'Ukraine. Il a vérifié si, d'après les données de l'AFD, il n'y a eu aucune importation ou exportation de biens visés par des sanctions.

Le CPA n'a identifié que quelques envois contenant de pareils biens. Ni l'AFD ni le SECO n'ont pu cependant expliquer clairement comment ces cas ont pu survenir, sachant que les biens concernés auraient demandé une autorisation d'exportation et donc exigé l'intervention de l'AFD. Même si le nombre de cas litigieux est minime, le CPA émet quelques doutes s'agissant de la surveillance, par l'AFD et par le SECO, du respect des sanctions commerciales.

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur l'Ukraine, on a recensé 11 livraisons (envois groupés), de la Suisse vers la Crimée, de biens visés par une sanction103. Sur les neuf entreprises concernées, deux exportaient déjà des biens vers la Crimée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance en question et ont, suite à son entrée en vigueur, fait figurer dans leurs déclarations en douane un nouveau lieu de destination (Ukraine, mais hors de Crimée) ou un autre pays de destination (Russie). Cette pratique douteuse pourrait être un indice d'un contournement des sanctions. Les entretiens avec l'AFD ont révélé qu'il s'agissait en l'espèce de biens qui auraient dû être bloqués ou faire l'objet d'un contrôle.

99 100 101 102

Evenett et al. (2017), p. 13 Evenett et al. (2017), pp. 25 à 27 Evenett et al. (2017), pp. 28 à 30 Les analyses se limitent aux importations et exportations de biens. Les biens à double usage n'ont pas été pris en compte pour une raison de complexité.

103 Les biens en question affichaient une valeur déclarée entre 1380 et 111 000 francs.

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Au chapitre des importations en provenance de Crimée, seul une livraison de biens visés par une sanction a été constatée depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance sur l'Ukraine. D'après les informations du SECO et de l'AFD, cette livraison n'était pas problématique car il s'agissait de matériel médical. Ce bon résultat doit cependant être relativisé car, faute d'indication en la matière, il n'a pas été possible de déterminer le lieu de provenance (Crimée ou reste de l'Ukraine) de 32 171 envois104. Sur ce nombre, 11 627 envois sont antérieurs à l'entrée en vigueur des sanctions et 20 544 lui sont postérieurs. Le nombre d'envois sans indication de provenance a donc doublé après l'entrée en vigueur des sanctions, ce qui pourrait être un indice du contournement des mesures.

Une autre difficulté réside dans le contrôle des produits de luxe. Dans le cas de la Syrie, on a recensé 14 livraisons d'objets de luxe visés par des interdictions, dont 9 concernaient des montres. Trois livraisons (100 montres) d'une valeur totale de 2,1 millions de francs ont été exportés parmi lesquels l'un a donné lieu à une poursuite pénale. Deux autres livraisons regroupant au total 28 montres pour un montant de plus de 0,5 millions de francs disposaient d'un numéro d'autorisation. Si l'AFD a indiqué qu'il s'agissait d'autorisations délivrées par le SECO, il s'est avéré que ces autorisations émanaient de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (bracelets en cuir spécial). Par conséquent, ces livraisons auraient aussi dû être bloquées en douane et illustrent la problématique des contrôles de l'AFD sur la base des ALAD (cf. chapitre 5.3).

Concernant les exportations à destinations de l'Iran, 39 des 102 000 envois105 concernaient des métaux précieux. Deux d'entre eux ont été expédiés malgré les sanctions. Ni l'AFD ni le SECO n'ont pu donner d'explications à ce sujet. Par ailleurs, aucune marchandise visée par une sanction n'a été importée d'Iran, à l'exception de trois cas qui auraient dû faire l'objet d'une déclaration au SECO. Des recherches effectuées auprès du SECO ont révélé que ces envois n'avaient été ni déclarés ni contrôlés par la douane.

Il apparaît que le nombre d'envois de biens visés par une sanction est certes très peu élevé, toutefois, ni l'AFD ni le SECO ne contrôlent les
données correspondantes.

Pour le DEFR, la qualité des données ne permet pas d'en tirer des conclusions exactes et dans certains cas ne permet pas non plus une affectation correcte des marchandises106. Les analyses du CPA ont toutefois montré qu'il est possible d'obtenir, à partir de ces données, des informations, telles que des indices de contournement ou d'envois visés par des sanctions, nécessaires à la surveillance, sans que cela nécessite des ressources importantes.

104

Dans ce passage relatif aux importations dont la provenance (Crimée/Ukraine) n'a pu être déterminée, les envois n'ont pas été regroupés par livraison (par entreprise et par date) pour des questions de simplifications.

105 Dans ce paragraphe relatif aux exportations à destination de l'Iran, les envois n'ont pas été regroupés par livraison (par entreprise et par date), pour des questions de simplifications.

106 DEFR, Prise de position du 23.8.2017

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6.3

Qualité des données insuffisante

Les résultats de l'analyse (cf. ch. 6.1 et 6.2) doivent être interprétés avec circonspection vu la mauvaise qualité des données douanières. L'AFD saisit toutes les importations et exportations du pays au moyen des systèmes de déclaration électroniques e-dec (importations et exportations) et NCTS (exportations). Par contre, il n'est pas possible de procéder, sur la base des données existantes, à une surveillance systématique et générale des mesures frappant le trafic des marchandises, et ce, pour plusieurs raisons:

107

­

Premièrement, les données ne permettent pas de suivre les sanctions commerciales régionales (autrement dit infraétatiques). Dans le cadre de l'ordonnance sur l'Ukraine, la Suisse a introduit des interdictions d'échanges commerciaux avec la Crimée. Cependant, comme la mention du lieu où se trouve le destinataire et de celui où se trouve l'expéditeur ne sont pas obligatoires dans la déclaration des marchandises en douane, ces indications font souvent défaut, rendant impossible le suivi systématique des sanctions contre la Crimée. L'AFD a indiqué à ce sujet ne pas être en mesure de procéder à un suivi des sanctions, du fait que la Crimée est une région et non un pays. Les seules mentions obligatoires dans les déclarations en douane sont le pays d'origine et le pays de destination; cet état de fait était déjà connu lorsque l'ordonnance sur l'Ukraine a été édictée. Selon le DEFR, seules des sanctions qui puissent effectivement faire l'objet d'un suivi efficace grâce à des moyens simples devraient être prononcées107. Dans le cas d'espèce, le DEFR estime qu'il aurait été impossible, d'un point de vue politique, de renoncer à prendre des mesures contre la Crimée au motif qu'un suivi aurait été impossible. Il ajoute que le fait que les sanctions ne peuvent pas ­ ou difficilement ­ être suivies ne préjuge en rien de leur effet; la grande majorité des personnes et des entreprises respectent le droit en vigueur. De plus, comme elles font également l'objet de sanctions de la part de l'UE et des USA, les affaires commerciales avec la Crimée sont scrutées avec intérêt par divers milieux. Les sociétés qui s'adonnent à des affaires illégales courent le risque que celles-ci soient tôt ou tard découvertes et donnent lieu à des poursuites pénales.

­

Deuxièmement, les expéditeurs saisissent leurs données dans les systèmes ad hoc sous forme de texte libre, ce qui conduit à de nombreuses lacunes et erreurs: numéros postaux d'acheminement manquants, noms de localités inconnus, mal orthographiés ou écrits de manière non uniforme ou encore mauvais codes pays. Ainsi, dans les données douanières relatives à l'Ukraine figurent de nombreuses données concernant les Émirats arabes unis car les codes pays se ressemblent. En outre, on peut rencontrer plusieurs graphies pour le nom d'une même entreprise.

­

Troisièmement, dans de nombreux cas, le lieu du destinataire ou de l'expéditeur est une destination de transit située hors de l'Ukraine et il est difficile

DEFR, Prise de position du 23.8.2017

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de déterminer si le lieu de provenance initial ou de destination final n'est pas situé en Crimée.

­

Quatrièmement, on ne sait pas si les numéros d'autorisation ­ qui figurent bien parmi les données ­ se rapportent à une autorisation accordée en raison de sanctions ou pour d'autres raisons.

L'AFD affirme que ses systèmes informatiques actuels ne permettent pas de mettre en évidence les lacunes soulevées par le CPA108: pour ce faire, un contrôle formel ou matériel est nécessaire, mais celui-ci n'est toutefois effectué que dans une petite partie des déclarations en douane. Dans le cadre du programme de transformation de l'AFD (DaziT), qui vise à une numérisation systématique des formalités douanières, il faudra examiner selon l'AFD si l'indication des données relatives à l'expéditeur (y compris le lieu) peut être rendue obligatoire.

7

Conclusions

La présente évaluation a porté sur la stratégie, la préparation et la mise en oeuvre de la politique en matière de sanctions ainsi que sur le respect des sanctions par les acteurs économiques.

Dans l'ensemble, le CPA est parvenu à la conclusion que la préparation des ordonnances sur les sanctions est effectuée de manière efficace, sous la pression des délais et en impliquant de nombreuses unités administratives. Le SECO sensibilise les acteurs économiques de manière rapide et pertinente. Dans le domaine du commerce des biens, les sanctions sont largement respectées selon les analyses quantitatives conduites.

Par contre, il faut relever des lacunes au niveau de la mise en oeuvre ainsi qu'au niveau de la surveillance et du pilotage de la politique en matière de sanctions.

7.1

Primauté des objectifs de politique extérieure dans la pesée des intérêts lors de la non-reprise de sanctions de l'UE

La stratégie de la politique suisse en matière de sanctions s'oriente en fonction de la politique extérieure et de la politique économique extérieure ainsi qu'aux principes juridiques de la Suisse. Dans le contexte de sa politique économique (extérieure) libérale, la Suisse se montre traditionnellement prudente lorsqu'il est question de sanctions économiques. Toutefois, alors qu'elle appliquait déjà les sanctions prononcées par l'ONU (qui ont force obligatoire), la Suisse a décidé, ces dernières années, de reprendre également celles adoptées par l'UE afin de préserver sa bonne réputation auprès de ses principaux partenaires commerciaux. Par contre, si sa participation à des sanctions de l'UE risque d'aller à l'encontre des intérêts du pays en matière de politique étrangère, la Suisse choisit dans certains cas (Ukraine/Rus108

AFD, Prise de position du 3.8.2017

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sie, Corée du Nord, Iran), après une pesée des intérêts, de ne pas les reprendre ou de ne les reprendre que partiellement. Le cas échéant, le Conseil fédéral annonce clairement qu'il fera le nécessaire afin que les sanctions de l'UE ne puissent pas être contournées en passant par le territoire suisse; dans le cas de l'Ukraine, il a même édicté une ordonnance spéciale à cet effet.

Toutefois, la pesée des intérêts est également source d'incertitudes pour les différents acteurs. Premièrement, il y a un temps de latence entre le moment où l'UE prononce ses sanctions et celui où la Suisse réagit, ce qui provoque une certaine insécurité juridique. Ainsi, les personnes et les entreprises concernées par les ordonnances sur les sanctions ne peuvent pas suffisamment anticiper la politique suisse et les entreprises ne savent pas comment elles devront modifier leurs processus et leurs transactions. Deuxièmement, des sanctions européennes ou américaines plus sévères que les sanctions suisses constituent un risque pour les entreprises suisses opérant à l'échelle internationale, lesquelles se conforment alors généralement aux règles les plus strictes. Troisièmement, l'administration doit elle aussi faire face à un surcroît de travail lorsque les mesures prises par la Suisse divergent de celles prises par l'UE.

7.2

Préparation largement appropriée des ordonnances sur les sanctions

L'évaluation du CPA révèle que le mode de préparation des ordonnances sur les sanctions est approprié dans une large mesure. Les prescriptions formelles sont respectées et les principaux organes compétents sont intégrés au processus d'élaboration des ordonnances, et ce, de manière généralement coordonnée. À ce titre, l'ordonnance sur l'Ukraine (un des dix cas examinés) a constitué une exception, puisque ce n'est que le jour où la demande a été déposée au Conseil fédéral que l'AFD a été informée de sa révision totale; l'AFD n'a donc pas été en mesure de présenter un avis écrit. La préparation des ordonnances est efficace, malgré les délais restreints et la nécessité de coordonner les différentes unités administratives concernées. Les propositions faites au Conseil fédéral sont élaborées dans le cadre d'une procédure bien rodée: le SECO prépare et modifie les propositions en se fondant sur les prises de position et s'emploie à régler les dissensions. Cependant, l'analyse conduite par le CPA montre aussi que ce sont les mêmes questions qui reviennent souvent à ce stade et qu'elles ne sont pas traitées de manière générale, c'est-à-dire au-delà des cas d'espèce. Globalement, le processus de préparation aboutit à des bases de décision pour le Conseil fédéral qui contiennent des informations détaillées au sujet des aspects de politique extérieure, de politique économique extérieure et de droit.

Les critères utilisés depuis 2014 pour la pesée des intérêts doivent renforcer la pertinence des informations destinées au Conseil fédéral et accroître la transparence des bases de décision. L'application de ces critères ne peut être appréciée que de manière limitée en raison du nombre très faible de cas. Il apparaît toutefois que, dans les deux cas d'application (Ukraine/Russie et Burundi), ces critères n'ont pas été appliqués de manière systématique mais de manière sélective. Certains critères ont été concrétisés. Les critères sont ainsi relativement peu contraignants, puisqu'ils ne 1864

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font pas l'objet d'un examen systématique et uniforme. De plus, leur pondération dans les cas d'espèce n'est pas transparente.

7.3

Lacunes au niveau de la mise en oeuvre

Diverses lacunes au niveau de la mise en oeuvre ont été constatées. Le SECO n'exploite pas pleinement les instruments dont il dispose. Les rares contrôles que le SECO effectue sur place sont annoncés au préalable aux entreprises concernées.

Aucun contrôle sans prévis selon l'art. 4 LEmb n'a encore été effectué.

Comme les bien frappés par des sanctions ne figurent pas dans les objectifs prioritaires de contrôle des douanes et que les bureaux de douanes ne disposent que de peu de temps pour vérifier les exportations, il se peut que des marchandises soient exportées même si, dans le système des douanes, ces marchandises portent la mention «bloquées». Un contrôle physique ultérieure de ces marchandises n'est pas possible pour les exportations, contrairement aux importations. Les systèmes de déclarations et d'autorisations dans le domaine des marchandises, sous la responsabilité du SECO ne sont pas reliés aux systèmes de déclaration des envois de l'AFD. De plus, la douane ne peut pas contrôler à la frontière si certaines sanctions contre des régions (par ex. la Crimée) sont respectées puisque seules les interdictions d'échanges commerciaux frappant un pays tout entier peuvent être mises en oeuvre. Enfin, on peut se demander à quel point les produits de luxe peuvent être effectivement contrôlés.

Les sanctions financières s'avèrent très complexes dans leur mise en oeuvre. En outre, l'application des restrictions de voyage au moyen du système de visas pose aussi problème: si une personne frappée d'une limitation de l'autorisation de voyager est également ressortissante d'un pays avec lequel la Suisse a conclu un programme d'exemption de visas, elle peut quand même entrer en Suisse. Tel est également le cas pour les ressortissants des pays avec lesquels l'UE a conclu des accords d'exemption de visas pour l'entrée dans l'espace Schengen: ces personnes sont alors empêchées d'entrer sur le territoire suisse uniquement si elles sont contrôlées à la frontière.

7.4

Sanctions commerciales très largement respectées par les acteurs économiques

Sur la base des données douanières suisses, aucune une violation systématique des sanctions contre la Crimée par des entreprises suisses n'a pu être constatée. Aucun indice ne permet non plus de supposer que la Suisse soit utilisée comme plateforme pour contourner les sanctions de l'UE contre la Russie, sanctions que la Suisse n'a pas reprises. C'est le résultat de l'analyse des échanges commerciaux menée par le SIAW sur mandat du CPA.

Par ailleurs, seuls de rares cas problématiques ont été identifiés dans le cadre de l'analyse menée par le CPA au niveau des envois individuels de marchandises pour les sanctions contre l'Ukraine/la Russie, l'Iran, la Corée du Nord et la Syrie. Toute1865

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fois, l'administration n'a pas été en mesure de tous les clarifier. Il convient enfin de noter que l'ensemble de ces constats sont basés sur des données de mauvaise qualité et donc à considérer avec prudence.

7.5

Lacunes au niveau de la surveillance et du pilotage global

La surveillance et le pilotage de la politique en matière de sanctions présentent différentes lacunes. En effet, l'application des sanctions n'est pas surveillée sur la base de données adéquates d'une part. D'autre part, le peu de mesures prises face à des problèmes récurrents et connus illustre la faiblesse du pilotage effectué.

Premièrement, le SECO ne mobilise généralement pas les informations ­ parfois incomplètes il est vrai ­ dont il pourrait disposer pour la surveillance mais se contente d'exécuter les mesures qui lui sont dévolues. Certes, le SECO applique les dispositions relatives aux sanctions lorsqu'il traite les déclarations obligatoires et octroie des autorisations; cependant, il ne collecte pas systématiquement des informations à des fins de contrôle ou de surveillance, mis à part des données relatives aux procédures pénales. Les données disponibles relatives aux échanges commerciaux ne sont mobilisées que très ponctuellement pour la surveillance. Le SECO se limite à consulter au cas par cas la statistique du commerce extérieur ou à demander à l'AFD de lui faire parvenir des données relatives à des envois spécifiques. Toutefois, l'analyse conduite par le CPA a mis en évidence le fait que, malgré la mauvaise qualité de ces données, il est tout de même possible d'examiner les importations et les exportations de biens visés par des sanctions et d'identifier des indices de problèmes. Les données des autres unités administratives actives dans l'exécution sont à peine utilisées pour la surveillance de la politique en matière de sanctions. Les seules données qui seraient disponibles présentent des lacunes. C'est le cas notamment de la statistique concernant les avoirs gelés qui ne fait pas l'objet d'une mise à jour régulière.

Deuxièmement, la majeure partie des lacunes constatées au niveau de la préparation et de la mise en oeuvre des ordonnances sur les sanctions n'ont pas fait l'objet d'un pilotage global. Lors de la phase de préparation des ordonnances sur les sanctions, les mêmes questions et problèmes reviennent souvent, mais ils ne sont pas clarifiés de manière globale: ils concernent notamment la mise en oeuvre de contrôles à la douane, le traitement des produits de luxe, la mise en oeuvre des restrictions de voyage. Dès la consultation des projets d'ordonnances sur les sanctions,
les unités administratives concernées indiquent parfois que la mise en oeuvre de certains articles représenteront un réel défi. En cas de difficultés, une solution au cas par cas est privilégiée au détriment d'une réflexion sur le fond du problème. L'enquête du CPA a ainsi révélé que certains problèmes (notamment le temps d'intervention restreint à disposition de l'AFD pour le contrôle des exportations ou l'application insuffisante des restrictions de voyage au moyen du système des visas) perduraient depuis longtemps et étaient connus.

Ces lacunes sont donc déjà souvent identifiées mais elles ne donnent pas lieu à des mesures correctives. Le SECO a certes discuté de questions relatives aux critères de 1866

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reprise ou non des sanctions décrétées par l'UE avec d'autres unités administratives concernées dans le cadre du groupe de travail Politique en matière de sanctions.

Néanmoins, ce groupe de travail ne peut pas être considéré, comme un groupe de pilotage étant donné qu'il n'exerce pas de suivi aux problèmes ou pistes éventuelles évoqués, que des unités administratives différentes sont représentées selon les réunions et que la dernière séance a eu lieu en novembre 2015. Il est certain que le SECO ne peut pas agir seul, vu les différentes compétences des unités administratives impliquées. Le manque de pilotage global de la politique en matière de sanction doit toutefois être souligné.

1867

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Table des abréviations AFD al.

ALAD art.

BWSA CDF CdG CdG-E cf.

CPA Cst.

DEFR DFAE DFF DFJP fedpol FF LCB LEmb let.

LFMG OCB OFC OFJ ONU RS SECO SEM SFI SIAW UE

1868

Administration fédérale des douanes alinéa Actes législatifs autres que douaniers article Secteur Sanctions du SECO Contrôle fédéral des finances Commissions de gestion des Chambres fédérales Commission de gestion du Conseil des Etats confer Contrôle parlementaire de l'administration Constitution fédérale (RS 101) Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche Département fédéral des affaires étrangères Département fédéral des finances Département fédéral de justice et police Office fédéral de la police Feuille fédérale Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques (Loi sur le contrôle des biens, RS 946.202) Loi fédérale du 22 mars 2002 sur l'application de sanctions internationales (Loi sur les embargos, RS 946.231) lettre Loi fédérale du 13 décembre 1996 sur le matériel de guerre (RS 514.51) Ordonnance du 3 juin 2016 sur le contrôle des biens utilisables à des fins civiles et militaires, des biens militaires spécifiques et des biens stratégiques (Ordonnance sur le contrôle des biens, RS 946.202.1) Office fédéral de la culture Office fédéral de la justice Organisation des Nations Unies Recueil systématique du droit fédéral Secrétariat d'Etat à l'économie Secrétariat d'Etat aux migrations Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales Schweizerisches Institut für Aussenwirtschaft und Angewandte Wirtschaftsforschung Union européenne

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Bibliographie Biersteker, Thomas J. / Eckert, Sue E. / Tourinho, Marcos (2016): Targeted sanctions, The Impacts and Effectiveness of United Nations Action. Cambridge: Cambridge University Press C4ADS, Risky Business ­ A System-Level Analysis of the North Korean Proliferation Financing System, 2017 Caroni, Andrea Claudio (2008): Finanzsanktionen der Schweiz im Staats- und Völkerrecht. Études suisses de droit international. Zurich-Bâle-Genève: Schulthess DFAE (2012): Stratégie de politique étrangère 2012­2015. Rapport du Conseil fédéral sur les axes stratégiques de la politique étrangère pour la législature. Berne: Confédération suisse Evenett et al. (2017): Ein- und Ausfuhren und die Frage nach Umgehungsgeschäften im Fall Russland/Ukraine. Rapport sur mandat du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA), St-Gall: SIAW Financial Action Task Force, Anti-money laundering and counter-terrorist financing measures Switzerland Mutual Evaluation Report, December 2016 Luchsinger, Roland J. (2017): Umsetzung internationaler Sanktionen im nationalen Recht ­ Was bedeutet dies für Banken. Swiss Banking Message du 20 décembre 2000 concernant la loi fédérale sur l'application de sanctions internationales (FF 2001 1341) Office fédéral de la justice (2007): Guide de législation. Guide pour l'élaboration de la législation fédérale, 3e édition mise à jour Rapport du 12 janvier 2005 sur la politique économique extérieure 2004 et Messages concernant des accords économiques internationaux (FF 2005 993) Rapport du 15 novembre 2000 sur la politique extérieure 2000. Présence et coopération: la sauvegarde des intérêts dans un monde en cours d'intégration (FF 2001 237) Rapport sur la neutralité, annexe au rapport du 29 novembre 1993 sur la politique extérieure de la Suisse dans les années 90 (FF 1994 I 150) Vock, Roland E. (2007): Die Umsetzung wirtschaftlicher Embargomassnahmen durch die Schweiz. In: Cottier, Thomas / Oesch, Matthias (éd.): Allgemeines Aussenwirtschafts- und Binnenmarktrecht. Bâle: Helbing Lichtenhahn

1869

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Liste des personnes interrogées Ackermann Patrik

Chef de subdivision, Inspection de douane Bâle St. Jakob, bureau de douane de Bâle, AFD

Atteslander Jan

Membre de la direction, responsable relations économiques extérieures, economiesuisse

Bauer Georges-Henri

Expert de douane, service Importation, exportation et transit, AFD

Bezzola Jean-Michel

Chef Suisse romande 1 et Tessin, SEM

Bilang Roland

Directeur, Union pétrolière

Böhler-Royett Marcano Jürgen

Chef du secteur Contrôles à l'exportation / Produits industriels, SECO

Bôle Léonard

Chef de la division Marchés, FINMA

Bollinger Erwin

Chef Contrôles à l'exportation et sanctions, SECO

Brunner Beat

Membre de la direction, chef de division Groupes, SWISSMEM

Eber Gabrielle

Collaboratrice scientifique, secteur Sanctions, SECO

Ertl Andrew

Responsable Compliance et protection des données, Association suisse des banquiers

Flammer Alex

Chef de service, Inspection de douane Zurich-Aéroport, AFD

Grünig Silvain

Collaborateur Criminalité financière, SFI

Ingold Emanuel

Collaborateur scientifique, secteur Sanctions, SECO

Jandrasits Erik

Déroulement de commerce, Restrict List, scienceindustries

Kaelin-Lurati Dominique Spécialiste, Bases Visa, SEM Krenger Ewa

Cheffe adjointe, Législation, fedpol

Laube Anton

Collaborateur spécialisé, section Diffusion et analyses, AFD

Leu Agosti Livia

Cheffe Relations économiques bilatérales, SECO

Luchsinger Roland

Chef du service spécialisé Blanchiment d'argent, Banque cantonale zurichoise

Mathis Martin

Chef de service, équipe mobile «Focus», Inspection de douane Zurich-Aéroport, AFD

Meier Alexandra

Cheffe du service Importation, exportation et transit et cheffe adjointe de la section Exécution des tâches, AFD

Pasche Jean-Daniel

Président, Fédération de l'industrie horlogère suisse

1870

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Pfammatter Matthias

Spécialiste et suppléant, Section Diffusion et analyses, AFD

Plüss Simon

Responsable, Maîtrise des armements et politique de la maîtrise des armements, SECO

Renggli Alexander

Chef de la section Affaires financières, DFAE

Ritschard Miroslaw

Inspecteur de douane suppléant, bureau de douane de Zurich-Aéroport, AFD

Sansonetti Riccardo

Chef de section, Criminalité financière, SFI

Schmidli Heather

Expert en matière de sanctions, service spécialisé Blanchiment d'argent, Banque cantonale zurichoise

Schmied Gina

Cheffe suppléante, secteur Sanctions, SECO

Schwendimann Felix

Collaborateur diplomatique, section Affaires financières, DFAE

Simoes Carine

Cheffe du service spécialisé Transfert international des biens culturels, OFC

Valloton Sylvie

Experte de douane, Service Procédures spéciales, AFD

Vock Roland E.

Chef du secteur Sanctions, SECO

Wyss Martin

Chef suppléant, Unité Législation II, OFJ

1871

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Annexe 1

Procédure d'évaluation

Objectifs de la politique:

La communauté internationale veut, au moyen de sanctions, inciter ceux qui violent le droit à changer de comportement. En tant que pays intégré à l'échelle internationale, la Suisse participe de plus en plus aux sanctions internationales. Les sanctions de l'ONU doivent être appliquées par les pays membres. En revanche, la Suisse décide elle-même de reprendre ou non les sanctions prononcées par l'UE après avoir procédé à une pesée des intérêts.


Moyens pour les réaliser:

Le Conseil fédéral prononce des sanctions par voie d'ordonnances dans le cadre de la loi sur les embargos (LEmb). L'administration fédérale joue un rôle clé dans la préparation et la mise en oeuvre de ces ordonnances.


Cible de l'évaluation:

L'évaluation porte sur l'ensemble du processus appliqué dans le cadre de la politique en matière de sanctions: la stratégie, la préparation et la mise en oeuvre, ainsi que le respect des sanctions par les acteurs économiques.



Questions de l'évaluation:



Quelle est la stratégie du Conseil fédéral en matière de participation à l'application de sanctions? Cette stratégie est-elle appropriée au regard des objectifs de la Suisse en matière de politique extérieure et de politique économique extérieure?

L'administration fédérale prépare-t-elle de façon appropriée les décisions relatives à des sanctions?

La mise en oeuvre de ces décisions par la Confédération est-elle opportune?





Analyses réalisées:

1872





Analyse des bases légales Analyse de documents Entretiens

Les sanctions et les mesures prises pour empêcher leur contournement sont-elles efficaces?





Analyse de données douanières Mandat confié à un expert

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Annexe 2

Phases de la politique suisse en matière de sanctions Phase

Politique

Contexte international

Bases juridiques

Phase 1: de 1990 à mars 1998

Participation à titre autonome aux sanctions prononcées par le Conseil de sécurité de l'ONU; dans le rapport de 1993 sur la neutralité, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à participer également, le cas échéant, à des sanctions en dehors du cadre de l'ONU, après avoir procédé à une pesée des intérêts.

Fin de la guerre froide; disparition de l'opposition est-ouest; après la fin de la guerre froide, de plus en plus de sanctions internationales sont prises afin de mettre en oeuvre des objectifs en matière de politique extérieure.

Art. 184 Cst.

Rapport du Conseil fédéral du 29 novembre 1993 sur la neutralité, FF 1994 I 200

Phase 2: d'avril­juin 1998 à septembre/ décembre 2002

Participation à titre autonome aux sanctions prononcées par le Conseil de sécurité de l'ONU et, selon les cas, participation aux sanctions européennes en vertu de l'art. 184 Cst. Durant la période entre avril et juin 1998, le Conseil fédéral a décidé d'associer la Suisse à six des sept sanctions prises à l'époque par l'UE contre la République fédérale de Yougoslavie à la suite du conflit au Kosovo.

Conflit au Kosovo; première reprise par la Suisse de sanctions économiques en dehors du cadre de l'ONU109. Le Conseil fédéral se rallie à l'objectif de l'UE, à savoir amener une résolution politique du conflit. En outre, la participation aux sanctions doit empêcher que la Suisse ne soit utilisée pour contourner les sanctions internationales.

Art. 184 Cst.

Rapport du Conseil fédéral du 29 novembre 1993 sur la neutralité, FF 1994 I 200 Sanctions à l'encontre de la République fédérale de Yougoslavie, RS 946.207110

109 110

Message sur la LEmb (FF 2001 1341, ici 1343).

Cf. également le communiqué de presse du 19.5.1999 (www.admin.ch/cp/f/374aa440.0@fwsrvg.bfi.admin.ch.html (consulté le 12.1.2017).

1873

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Phase

Politique

Contexte international

Bases juridiques

Phase 3: de janvier 2003 à juin 2014

Participation contraignante aux sanctions prononcées par le Conseil de sécurité de l'ONU et, selon les cas, participation aux sanctions européennes en vertu de la LEmb. La Charte de l'ONU est entrée en vigueur pour la Suisse le 10 septembre 2002. La LEmb est entrée en vigueur le 1er janvier 2003.

Adhésion de la Suisse à l'ONU en septembre 2002 à la suite de la votation populaire du 3 mars 2002

Message du 4 décembre 2000 relatif à l'initiative populaire «pour l'adhésion de la Suisse à l'Organisation des Nations Unies (ONU)», FF 2001 1117 Charte des Nations Unies, RS 0.120 Message du 20 décembre 2000 concernant la loi fédérale sur l'application de sanctions internationales, FF 2001 1341 Loi fédérale du 22 mars 2002 sur l'application de sanctions internationales (Loi sur les embargos, LEmb, RS 946.231)

Phase 4: à partir de juin 2014

Participation contraignante aux sanctions prononcées par le Conseil de sécurité de l'ONU et, selon les cas, participation aux sanctions de l'UE conformément à la LEmb avec critères formels pour la pesée des intérêts au cas par cas. Le 13 décembre 2013, se fondant sur un rapport du DEFR et du DFAE, le Conseil fédéral a chargé le DEFR de formuler des critères pour la pesée des intérêts concernant la non reprise de sanctions de l'UE. Dans sa note de discussion du 30 juin 2014, le DEFR a présenté au Conseil fédéral des critères en ce sens.

Conflit entre l'Ukraine et la Russie; en avril 2014, le Conseil fédéral a décidé de ne pas participer aux sanctions de l'UE contre la Russie, mais d'instituer des mesures visant à empêcher le contournement de sanctions internationales via la Suisse. La décision du Conseil fédéral de charger l'administration d'élaborer des critères de décision pour la reprise ou non des sanctions européennes remonte cependant à 2013, lorsque s'est posée la question d'une reprise des sanctions de l'UE contre la Corée du Nord (cf. ch. 2.2).

1874

Augmentation du nombre de sanctions de l'UE

Note de discussion commune du DEFR et du DFAE du 13 décembre 2013 relative à la politique de la Suisse en matière de sanctions Note de discussion du DEFR du 30 juin 2014 relative à la politique de la Suisse en matière de sanctions

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Impressum Réalisation de l'évaluation Dr. Lea Meyer (direction du projet jusqu'au 31.8.2017) Dr. Nicolas Grosjean (collaboration scientifique, direction du projet depuis 1.9.2017) Dr. Christian Hirschi (collaboration scientifique) Andreas Tobler (collaboration scientifique) Rapport d'experts externe Prof. Dr. Roland Hodler, SIAW (direction du projet) Prof. Dr. Simon Evenett, SIAW (suivi du projet) Prof. Dr. Reto Föllmi, SIAW (suivi du projet) Piotr Lukaszuk, SIAW (collaboration scientifique) Philine Widmer, SIAW (collaboration scientifique) Remerciements Le CPA remercie le SECO, en particulier le secteur Sanctions, ainsi que l'AFD pour la documentation et les données mises à sa disposition, pour les explications et renseignements fournis ainsi que pour leurs commentaires sur le projet de rapport mis en consultation auprès des offices. Il adresse également sa reconnaissance aux personnes de l'administration ainsi qu'aux experts qui ont accepté de participer à des entretiens pour leur disponibilité et les informations transmises. Le CPA remercie en outre le SIAW pour son travail et pour la bonne collaboration dans le cadre du mandat qui lui a été confié.

Contact Contrôle parlementaire de l'administration Services du Parlement CH-3003 Berne Tél. +41 58 322 97 99 Courriel: pvk.cpa@parl.admin.ch www.parlement.ch > Organes > Commissions > Contrôle parlementaire de l'administration Langue originale du rapport: allemand 1875

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