Cautionnements de navires de haute mer Rapport des Commissions de gestion des Chambres fédérales du 26 juin 2018 Complément du Conseil fédéral concernant son avis du 28 septembre 2018 du 29 mai 2019

Mesdames les Présidentes, Mesdames, Messieurs, Le 26 juin 2018, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont adopté le rapport relatif aux cautionnements de navires de haute mer. Le Conseil fédéral s'est prononcé sur ce rapport le 28 septembre 2018 et a annoncé dans son avis qu'il examinerait de manière plus approfondie les recommandations 3 à 5 du rapport des CdG.

Les résultats de cet examen approfondi sont exposés ci-après.

Nous vous prions d'agréer, Mesdames les Présidentes, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 mai 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-1387

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Avis 1

Contexte

Dans leur rapport du 26 juin 2018 «Cautionnements de navires de haute mer» 1, les Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) ont émis plusieurs recommandations concernant la réglementation et la pratique des enquêtes administratives, dont les suivantes: Recommandation 3

Indépendance de l'organe chargé d'une enquête administrative

Les CdG invitent le Conseil fédéral à préciser les dispositions de l'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA, selon lesquelles un organe chargé d'une enquête administrative ne doit pas exercer d'activité dans le domaine à contrôler.

Recommandation 4

CDF et enquêtes administratives

Les CdG prient le Conseil fédéral de clarifier explicitement s'il est licite et judicieux que le CDF (ou ses responsables), en tant qu'organe suprême en matière de surveillance financière et autorité indépendante, mène des enquêtes administratives sur mandat des départements dans le cadre de la surveillance des unités administratives.

Recommandation 5

Questions d'ordre général concernant les enquêtes administratives

Les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner si une enquête administrative ne peut être confiée qu'à des personnes conformément à l'art. 27d OLOGA ou s'il est possible de la confier à des autorités; il devra également examiner dans quelle mesure la supervision d'un employé de la Confédération chargé d'une enquête par un supérieur peut influer sur son indépendance.

Recommandation 6

Centre de compétences en matière d'enquêtes administratives

Les CdG invitent le Conseil fédéral à examiner la possibilité de créer, au niveau de la Confédération (au sein de l'Office fédéral de la justice [OFJ], p. ex.), un centre de compétences en matière d'enquêtes administratives chargé de conseiller l'autorité ayant ordonné l'enquête et le mandataire chargé de l'enquête notamment au regard des questions de droit.

1

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Dans son avis du 28 septembre 2018 concernant le rapport des CdG «Cautionnements des navires de haute mer»2, le Conseil fédéral a indiqué qu'il retenait la recommandation 3. Concernant la recommandation 4, le Conseil fédéral s'est déclaré prêt à clarifier s'il est licite et judicieux que le Contrôle fédéral des finances (CDF) (ou ses responsables), en tant qu'organe suprême en matière de surveillance financière et autorité indépendante, mène des enquêtes administratives sur mandat des départements dans le cadre de la surveillance des unités administratives. Il a également indiqué qu'il examinerait de manière approfondie si des enquêtes administratives pourront être attribuées à l'avenir tant à des personnes physiques qu'à des personnes morales, et dans quelle mesure la supervision d'un employé de la Confédération chargé d'une enquête par un supérieur peut influer sur son indépendance (recommandation 5). S'agissant de la recommandation 6, il estimait par contre qu'il n'y avait pas lieu d'examiner la création d'un centre de compétences en matière d'enquêtes administratives.

Le 28 septembre 2018, le Conseil fédéral a également confié à la Chancellerie fédérale (et à l'Office fédéral de la justice, cf. ch. 2.3), quatre mandats d'examen concernant les enquêtes administratives (cf. ch. 2 Mandats d'examen). Il a en outre chargé la Chancellerie fédérale de lui faire rapport sur les résultats des contrôles et de lui présenter une proposition concernant la suite des travaux d'ici à la fin 2019.

Dans sa réponse du 16 janvier 2019 au courrier des CdG du 29 novembre 2018 «Cautionnements de navires de haute mer: questions complémentaires des Commissions de gestion des Chambres fédérales (CdG) concernant l'avis du Conseil fédéral du 28 septembre 2018», le Conseil fédéral a signalé qu'il adopterait un rapport succinct concernant les recommandations 3, 4 et 5 d'ici au début du 2 e trimestre de 2019, rapport qui pourrait être pris en compte dans le cadre de l'enquête du Contrôle parlementaire de l'administration (CPA).

2

Mandats d'examen

2.1

Grandes lignes de l'enquête administrative

Donnant suite au rapport du 30 septembre 2003 de la Délégation des commissions de gestion des Chambres fédérales «Délimitation des enquêtes de la Délégation des Commissions de gestion par rapport aux enquêtes administratives internes à la lumière des examens portant sur les événements relatifs à l'Afrique du Sud»3, le Conseil fédéral a décidé, le 10 décembre 20044, de régler l'enquête administrative aux art. 27a ss de l'ordonnance du 25 novembre 1998 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (OLOGA)5.

L'enquête administrative vise à élucider des manquements supposés, de nature administrative ou personnelle, à l'intérieur de l'administration, en général en rétablissant des procédures administratives correctes. Elle vise à établir si un état de fait 2 3 4 5

FF 2018 6309 FF 2004 4905 RO 2004 5251 RS 172.010.1

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exige une intervention d'office pour sauvegarder l'intérêt public. Elle n'est pas dirigée contre des personnes déterminées (art. 27a, al. 2, OLOGA). Le chef du département ou le chancelier de la Confédération ordonne l'ouverture d'une enquête administrative dans les unités qui lui sont subordonnées. Il peut déléguer cette compétence à ces unités. Le Conseil fédéral ordonne l'ouverture d'une enquête administrative si plus d'un département ou un département et la Chancellerie fédérale sont concernés (art. 27c OLOGA). L'organe chargé de l'enquête au sens de l'art. 27d OLOGA présente un rapport à l'autorité ayant ordonné l'ouverture de l'enquête dans lequel il expose le déroulement et les résultats de l'enquête et émet des propositions quant à la marche à suivre (art. 27j OLOGA).

2.2

Indépendance des organes chargés des enquêtes

Examiner les exigences relatives à l'indépendance de l'organe chargé de l'enquête au sens de l'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA. Proposer ­ si nécessaire ­ une précision.

L'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA prévoit que l'enquête administrative doit être confiée à des personnes qui n'exercent pas d'activité dans l'unité à contrôler, afin de garantir leur indépendance et d'éviter conflits d'intérêts et apparence de partialité.

En général, l'enquête administrative ne doit donc pas être confiée à une personne qui exerce une activité dans le département à contrôler. Par contre, rien ne s'oppose en principe à ce que l'enquête soit confiée à une personne exerçant une activité dans d'autres domaines de l'administration fédérale centrale et de l'administration fédérale décentralisée, dans une entreprise liée à la Confédération ou dans un tribunal de la Confédération6. Le Conseil fédéral estime cependant qu'il n'est pas possible, au regard de l'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA de confier l'enquête à une personne exerçant une activité dans un autre domaine, si celle-ci a collaboré avec le domaine à contrôler pendant la période soumise à l'enquête et que cette collaboration ne s'est pas limitée à des contacts sporadiques.

Avant de confier l'enquête, l'autorité qui ordonne celle-ci doit vérifier au moins de manière sommaire l'absence de conflits d'intérêts, conformément aux critères prévus à l'art. 10 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA)7 ou d'indices de partialité pour d'autres motifs. Si des conflits d'intérêts devaient apparaître par la suite, l'art. 27d, al. 4, OLOGA prévoit que les dispositions sur la récusation de l'art. 10 PA sont applicables par analogie aux personnes chargées de l'enquête. Au demeurant, celles-ci sont tenues d'informer en temps utile et de manière exhaustive l'autorité qui ordonne l'enquête de tout motif de récusation existant ou potentiel.

6 7

Cf. Rainer J. Schweizer / Daniel Kettiger, Administrativuntersuchung, in Praxishandbuch Public Management, Zurich 2016, p. 674, 681.

RS 172.021

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Du point de vue du Conseil fédéral, les exigences en matière d'indépendance prévues à l'art. 27d, al. 1, let. b, OLOGA sont suffisamment claires. Il n'est donc pas nécessaire d'adapter le droit.

2.3

Opportunité de confier des enquêtes administratives au CDF

Examiner avec l'OFJ la licéité et l'opportunité de confier au CDF (ou à ses responsables), en tant qu'organe suprême en matière de surveillance financière et autorité indépendante, des enquêtes administratives sur mandat des départements dans le cadre de la surveillance des unités administratives.

En vertu de la loi du 28 juin 1967 sur le Contrôle des finances (LCF) 8, le CDF est l'organe suprême de la Confédération en matière de surveillance financière (art. 1, al. 1, LCF). Conformément à l'art. 1, al. 1, let. b, LCF, il assiste le Conseil fédéral dans l'exercice de sa surveillance de l'administration fédérale. Il est soumis uniquement à la Constitution (Cst.)9 et à la loi et exerce une activité autonome et indépendante dans les limites des prescriptions légales. Il peut refuser les mandats spéciaux qui compromettraient l'indépendance et l'impartialité de ses futures activités de révision ou la réalisation du programme de révision (art. 1, al. 2, 3 e phrase, LCF).

L'art. 5, al. 1, LCF dispose que le CDF exerce la surveillance financière selon les critères de la régularité, de la légalité et de la rentabilité. Au titre des contrôles de rentabilité, il examine si les ressources sont employées de manière économe, si la relation entre coûts et utilité est avantageuse et si les dépenses consenties ont l'effet escompté (art. 5, al. 2, LCF). L'art. 6 LCF énumère de manière non exhaustive les tâches particulières du CDF.

Lorsque les dispositions réglant l'enquête administrative ont été inscrites aux art. 27a ss OLOGA, l'intention première était effectivement de confier les enquêtes à des personnes physiques ou morales du secteur privé (cf. ch. 2.4). Rien ne s'oppose toutefois à ce que des services de la Confédération qui remplissent les conditions nécessaires mènent des enquêtes administratives. En particulier le CDF lequel, en vertu de sa tâche d'assistance de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral dans l'exercice de leur surveillance, dispose de compétences importantes, doit donc pouvoir être chargé d'une enquête administrative. En pareil cas, son activité ne se fonde pas sur la LCF mais sur les art. 27a ss OLOGA10. Cela signifie, entre autres, que le CDF ne fait pas rapport à la Délégation des finances sur les résultats de l'enquête administrative conformément à l'art. 14 LCF. La responsabilité de l'enquête relève de l'autorité qui l'a ordonnée.

8 9 10

RS 614.0 RS 101 Cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-6211/2017 du 14 mai 2018 dans l'affaire A.

contre CDF.

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Si une enquête administrative concernant plusieurs départements (et la Chancellerie fédérale) est confiée au CDF, c'est le Conseil fédéral qui ordonne l'ouverture de l'enquête (cf. art. 27c, al. 2, OLOGA) et en charge le CDF. Dans les autres cas, les départements et la Chancellerie fédérale peuvent ordonner une enquête et la confier au CDF, à condition notamment que les critères mentionnés à l'art. 27d, al. 1, let. a à c, OLOGA soient remplis. Au vu des compétences premières du CDF, on lui confiera en premier lieu des enquêtes relevant de la surveillance financière (cf. art. 27d, al. 1, let. a, OLOGA).

Une enquête administrative doit impérativement être crédible. Elle ne doit éveiller aucun soupçon de conflit d'intérêts. Il st donc exclu que le CDF soit chargé d'une enquête administrative s'il a déjà agi en qualité d'organe de surveillance en vertu de la LCF dans le domaine à contrôler durant la période pertinente (cf. art. 27d, al. 1, let. b et c, OLOGA). Dans ce contexte, il ne suffit pas, par exemple, que le CDF ne charge de l'exécution de l'enquête que des personnes qui n'ont pas participé à des contrôles précédents dans le domaine en question.

En conséquence, le CDF ne peut en pratique être chargé d'une enquête administrative dans un domaine que s'il n'a effectué aucun contrôle, suivi compris, dans le domaine soumis à enquête durant la période pertinente. En pareil cas, il conviendra toutefois de vérifier qu'il n'existe pas d'autres motifs de partialité de même que l'opportunité de confier l'enquête administrative au CDF.

Du point de vue de l'opportunité, il convient de souligner que confier une enquête administrative au CDF en raison de ses connaissances spécifiques peut être judicieux. Toutefois en vertu de son mandat de base, le CDF exerce une vaste activité de contrôle aussi ne devrait-il se voir confier que peu d'enquêtes administratives afin de garantir l'indépendance nécessaire et d'éviter les conflits d'intérêts, en particulier au regard de l'art. 27d, al. 1, let. b et c, et 4, OLOGA. Il faut impérativement examiner soigneusement, dans le cas d'espèce, si aucun doute quant à son impartialité ne peut être soulevé et s'il n'est pas préférable de confier l'enquête à un autre organe.

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2.4

Possibilité de confier une enquête administrative à une autorité

Examiner si une enquête administrative ne peut être confiée qu'à des personnes conformément à l'art. 27d OLOGA ou s'il est possible de la confier à des autorités et dans quelle mesure la supervision d'un employé de la Confédération chargé d'une enquête par un supérieur peut influer sur son indépendance.

Généralités Aux termes de l'art. 27d, al. 1, OLOGA, une enquête administrative doit être confiée à des personnes. Le mandat peut être attribué à une ou à plusieurs personnes (cf.

27d, al. 1, OLOGA)11. Elle peut aussi être confiée à des personnes extérieures à l'administration fédérale (art. 27d, al. 2, OLOGA).

Mandat confié à des autorités On peut lire à la p. 4 du rapport explicatif concernant la modification du 10 décembre 2004 de l'OLOGA que l'enquête administrative peut en principe être confiée à des personnes physiques ou à des personnes morales, soit en premier lieu à des sociétés d'audit de droit privé. Lorsqu'il a édicté les dispositions réglant l'enquête administrative en 2004, le Conseil fédéral ne pensait pas à des autorités appartenant à la Confédération, telles que le CDF. Comme nous l'avons mentionné au ch. 2.3, le CDF est une autorité qui assiste le Conseil fédéral dans sa surveillance de l'administration fédérale. Il faut donc interpréter l'art. 27d, al. 2, OLOGA de manière que des autorités qui effectuent des tâches de surveillance pour le Conseil fédéral, comme le CDF, puissent mener des enquêtes administratives si elles remplissent les conditions prévues à l'art. 27d, al. 1, OLOGA (cf. ch. 2.3).

Indépendance des employés de la Confédération chargés d'une enquête L'organe chargé d'une enquête administrative ne doit rendre compte qu'à l'autorité qui a ordonné l'enquête (art. 27j OLOGA). S'il s'agit d'un employé de la Confédération, actif dans la hiérarchie de l'administration fédérale, son indépendance doit être assurée. Il faut donc, entre autres, que le supérieur garantisse par écrit qu'il ne donnera pas d'instructions concernant l'enquête administrative à l'employé qui en est chargé et qu'il n'exigera pas de celui-ci qu'il lui fournisse des informations obtenues dans le cadre de son mandat pendant l'enquête.

11

Cf. enquête administrative sur les procédures d'acquisition menées dans le cadre du projet INSIEME, rapport du 13 juin 2002; cf. également p. 4 du rapport explicatif concernant la modification du 10 décembre 2004 de l'OLOGA, où il est question de personnes mandatées au pluriel.

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Conclusions ­

Les exigences en matière d'indépendance des personnes chargées d'une enquête administrative sont déjà prévues par les dispositions actuelles de l'OLOGA. Il n'est pas nécessaire de préciser celles-ci.

­

Il est en principe possible de confier des enquêtes administratives à des autorités qui, comme le CDF, assistent le Conseil fédéral dans l'exercice de sa surveillance en vertu de la loi. Il faut toutefois que les exigences en matière d'indépendance et les règles visant à éviter les conflits d'intérêts, prévues à l'art. 27d, al. 1, let. b et c, et 4, OLOGA soient respectées.

­

Il peut être judicieux de charger le CDF de mener une enquête administrative en raison des connaissances spécifiques dont il dispose. Toutefois en vertu de son mandat de base, le CDF exerce une vaste activité de contrôle aussi ne devrait-il se voir confier que peu d'enquêtes administratives afin de garantir l'indépendance nécessaire et d'éviter les conflits d'intérêts.

­

Les enquêtes administratives peuvent être confiées à des personnes physiques ou à des personnes morales.

­

Si une enquête administrative est confiée à un employé de l'administration fédérale, il faut garantir par des mesures appropriées (garantie écrite ou autres mesures dans le cas d'espèce) que celui-ci n'aura à rendre compte de son mandat qu'à l'autorité qui a ordonné l'enquête et qu'il ne sera pas supervisé par son supérieur ni ne recevra d'instructions de celui-ci dans l'accomplissement de son mandat.

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