19.056 Message concernant l'approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Iran du 23 octobre 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et l'Iran, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

23 octobre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

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Condensé La Convention entre la Suisse et l'Iran en vue déviter les doubles impositions en matière dimpôts sur le revenu et sur la fortune a été conclue le 27 octobre 2002.

Elle n'a jamais été révisée.

Depuis, plusieurs nouveaux standards minimaux ont été développés pour les conventions contre les doubles impositions dans le domaine de l'échange de renseignements sur demande et à la suite du projet de l'OCDE/G20 contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Or la convention avec l'Iran ne tient pas compte de ces développements.

Pour cette raison, la Suisse a proposé de conclure un protocole modifiant la convention avec l'Iran afin de l'adapter aux nouveaux standards minimaux. Ce protocole de modification a été signé le 3 juin 2019. Les cantons et les associations économiques intéressées ont réservé un accueil favorable à sa conclusion.

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Message 1

Présentation de l'accord

1.1

Contexte, déroulement et résultats des négociations

La Convention entre la Suisse et l'Iran en vue déviter les doubles impositions en matière dimpôts sur le revenu et sur la fortune1 (CDI-IR) a été conclue le 27 octobre 2002. Elle n'a jamais été révisée.

Depuis, plusieurs nouveaux standards minimaux ont été développés pour les conventions contre les doubles impositions dans le domaine de l'échange de renseignements sur demande et à la suite du projet de l'OCDE/G20 contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS)2. Or la CDI-IR ne tient pas compte de ces développements.

Pour cette raison, la Suisse a proposé de conclure un protocole modifiant la CDI-IR afin de l'adapter aux nouveaux standards minimaux. Les paraphes ont été apposés en novembre 2018 sur le projet (protocole modifiant la CDI-IR). Les cantons et les associations économiques intéressées ont été consultés en février 2019 sur sa conclusion et l'ont accueillie favorablement. Le protocole modifiant la CDI-IR a été signé le 3 juin 2019.

1.2

Appréciation

Le protocole modifiant la CDI-IR contient avant tout des dispositions visant la mise en oeuvre des standards minimaux qui ont été fixés pour les conventions contre les doubles impositions dans le cadre du projet BEPS de l'OCDE/G20. En sa qualité d'État membre de l'OCDE, la Suisse s'est engagée à mettre en oeuvre ces standards minimaux, notamment celui visant à prévenir l'utilisation abusive de la CDI-IR au sens de l'action 6 du projet BEPS et du standard minimal dans le domaine de la procédure amiable au sens de l'action 14 du projet BEPS. Les dispositions correspondantes augmentent la sécurité juridique pour les contribuables et les États contractants et renforcent la procédure amiable en tant que mécanisme de protection des contribuables contre les doubles impositions.

Le protocole modifiant la CDI-IR contient en outre une disposition visant l'introduction de l'échange de renseignements sur demande conformément à la norme internationale. L'Iran n'étant pas partie à la Convention multilatérale concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale de l'OCDE et du Conseil de l'Europe3, le protocole modifiant la CDI-IR comble maintenant cette lacune dans la relation bilatérale.

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3

RS 0.672.943.61 Le document peut être consulté sur le site de l'OCDE à l'adresse suivante: www.ocde.org > Thèmes > Fiscalité > Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices > Documents clés.

RS 0.652.1

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Commentaires des dispositions du protocole modifiant la CDI-IR

Art. 1 du protocole modifiant la CDI-IR Cet article donne un nouveau préambule à la CDI-IR , tel qu'il a été élaboré dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS et inscrit dans le modèle de convention de lOCDE4.

Le nouveau préambule établit clairement que la Suisse et l'Iran n'avaient pas l'intention, en concluant la CDI-IR, de créer des possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite par la fraude ou l'évasion fiscales. Il tient compte du fait qu'il existe des situations de double non-imposition voulues.

Il est nécessaire d'inscrire cette disposition dans le protocole modifiant la CDI-IR pour respecter le standard minimal fixé par l'action 6 du projet BEPS.

Art. 3 du protocole modifiant la CDI-IR Cet article complète les art. 7 (Bénéfices des entreprises) et 9 (Entreprises associées) de la CDI-IR en inscrivant un délai pour redresser les bénéfices des établissements stables et des entreprises associées dans la CDI-IR. Dorénavant, les autorités fiscales de la Suisse et de l'Iran ne pourront redresser les bénéfices que pendant une période de cinq ans suivant la fin de la période fiscale concernée. Les recours introduits contre un redressement des bénéfices qui entraînent des retards n'affecteront pas le délai. En cas de fraude, négligence grave ou omission volontaire, les autorités fiscales pourront procéder au redressement des bénéfices même après lexpiration de ce délai. Ce seront alors les délais prévus par le droit interne qui sappliqueront.

Ces dispositions sont inscrites dans la CDI-IR en raison de lélément 3.3 du standard minimal relatif à laction 14 du projet BEPS, qui invite les États contractants à inscrire dans leurs CDI la deuxième phrase de lart. 25, par. 2, du modèle de convention de lOCDE. Cette disposition prévoit que les accords amiables sont appliqués quels que soient les délais prévus par le droit interne des États contractants. Si un État nest pas disposé à inscrire cette disposition dans ses CDI, il doit, pour respecter le standard minimal, être prêt à adopter dans le cadre de négociations relatives aux CDI dautres dispositions limitant le délai de redressement des bénéfices des entreprises associées et établissements stables. En principe, la Suisse ninscrit pas la deuxième phrase de lart. 25, par. 2, du modèle de convention de lOCDE dans ses CDI. Par conséquent,
ce standard minimal est mis en oeuvre par les délais de redressement des bénéfices. Les délais de cinq ans, qui sont réduits par rapport aux délais prévus par le droit interne suisse ou iranien, augmentent la sécurité juridique des entreprises et celle des États contractants en ce qui concerne les impôts qui ont fait l'objet d'une décision de taxation.

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Le document peut être consulté sur le site de l'OCDE à l'adresse suivante: www.ocde.org > Thèmes > Fiscalité > Conventions fiscales > Modèle OCDE de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune.

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Pour ne pas faire échouer la mise en oeuvre d'un accord amiable à cause de délais prévus dans le droit national iranien, l'art. 25, al. 2, CDI-IR prévoit que les délais internes ne s'appliquent pas, mais que l'accord ne doit pas être mis en oeuvre plus de dix ans après la fin de l'année fiscale considérée, en référence aux délais internes suisses. Cette mesure augmente la sécurité des contribuables dans l'optique de la prévention des doubles impositions.

Art. 4, 7 et 8 du protocole modifiant la CDI-IR Ces articles complètent la CDI-IR par une disposition sur l'échange de renseignements sur demande conforme à la norme internationale. Les commentaires qui suivent portent uniquement sur quelques points du nouvel art. 26 CDI-IR et des dispositions du protocole qui le précisent (ch. 5).

Comme dans les CDI que la Suisse a conclues avec plusieurs autres États, et comme le préconise le modèle de convention de l'OCDE, les dispositions sur l'échange de renseignements visent tous les impôts.

Les dispositions de l'art. 26 sont précisées dans le protocole à la convention (ch. 5), en particulier les conditions qu'une demande de renseignements doit remplir (let. b).

Il faut notamment identifier le contribuable concerné (ce renseignement peut découler de tout élément qui permet une identification) et mentionner, s'ils sont connus, le nom et l'adresse de la personne (par ex. une banque) présumée détenir les renseignements. En outre, le protocole à la CDI-IR précise que ces conditions ne doivent pas être interprétées de manière formaliste (let. c).

Conformément à la norme internationale en la matière, l'échange de renseignements est limité à des demandes concrètes. Les demandes qui visent un groupe de contribuables défini précisément, dont il faut penser qu'ils n'ont pas rempli leurs obligations fiscales dans l'État requérant, sont également considérées comme des demandes concrètes. La CDI-IR permet de donner suite à ce type de demande. L'identification peut se faire par le nom et l'adresse de la personne concernée, mais aussi par d'autres moyens, par exemple la description d'un comportement, sans pour autant autoriser la pêche aux renseignements. Les exigences procédurales permettant de donner suite aux demandes groupées sont réglées dans la loi du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative fiscale5.
L'art. 26 de la CDI-IR ne prévoit ni l'échange spontané ni l'échange automatique de renseignements.

La disposition du protocole relative à l'art. 26 CDI-IR prévoit en outre que les frais résultant de l'échange de renseignements qui vont au-delà de la pratique administrative usuelle de l'État requis sont pris en charge par l'État requérant (let. f).

Par ailleurs, en cas d'échange indu de renseignements ou d'échange de renseignements erronés, l'État requérant doit être immédiatement informé et il est tenu de corriger les renseignements ou de les détruire (let. g).

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RS 651.1

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Les dispositions relatives à l'échange de renseignements s'appliquent aux renseignements concernant les années fiscales qui commencent le 1er janvier dans le cas de la Suisse ou le 21 mars dans le cas de l'Iran de l'année civile suivant celle de l'entrée en vigueur de la convention ou qui commencent après cette date (art. 8 du protocole modifiant la CDI-IR).

Art. 6 du protocole modifiant la CDI-IR Cet article introduit une clause anti-abus se référant aux buts principaux des montages ou transactions. En vertu de cette clause, un avantage fondé sur la CDI-IR n'est pas accordé si l'obtention de cet avantage était un des buts principaux d'un montage ou d'une transaction, à moins qu'il soit établi que l'octroi de cet avantage est conforme à l'objet et au but des dispositions correspondantes de la CDI-IR.

Cette clause anti-abus est certes nouvelle, mais elle correspond en substance aux dispositions anti-abus qui figurent dans un grand nombre de CDI que la Suisse a conclues ces dernières années. Elle s'en différencie par le fait qu'elle n'est pas limitée à certains types de revenus, tels que les dividendes, les intérêts ou les redevances de licence, mais s'applique à toutes les dispositions de la convention. Ainsi, les abus sont réservés pour tout avantage fondé sur la convention.

La teneur de la présente disposition diffère sur un autre point de celle des clauses antiabus que la Suisse a récemment adoptées: elle ne se limite pas aux situations dans lesquelles le but principal du montage ou de la transaction est de tirer des avantages de la convention, mais englobe également celles dans lesquelles l'obtention de ces avantages en est un des buts principaux. Cette divergence ne devrait cependant rien changer en pratique, car la deuxième partie de la clause prévoit que les avantages fondés sur la convention sont quand même accordés s'ils sont conformes à la finalité ou à l'objet des dispositions correspondantes, ce qui devrait en principe être le cas si l'obtention de l'avantage n'était pas l'objet principal du montage ou de la transaction.

Cette clause anti-abus a été élaborée dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS. Elle est inscrite dans le modèle de convention de l'OCDE (art. 29, par. 9). Pour respecter le standard minimal fixé dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS, il suffit d'inscrire la clause anti-abus dans la CDI. Aucune autre disposition anti-abus n'est requise.

3

Conséquences financières

Le protocole modifiant la CDI-IR ne prévoit pas de modification des critères d'attribution du droit d'imposition entre la Suisse et l'Iran. Il contient au contraire des dispositions pour empêcher l'utilisation abusive de la CDI-IR, pour améliorer la procédure amiable de règlement des différends en cas de double imposition et pour l'échange de renseignements sur demande. Il ne devrait donc pas avoir d'effet notable sur les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes. La CDI-IR modifiée peut être mise en oeuvre avec le personnel disponible.

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Aspects juridiques

Le protocole modifiant la CDI-IR se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)6, aux termes duquel les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. L'art. 184, al. 2, Cst. autorise le Conseil fédéral à signer et à ratifier les traités. En vertu de lart. 166, al. 2, Cst., lAssemblée fédérale est compétente pour approuver les traités, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité (voir également l'art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration7). Dans le cas d'espèce, il n'existe pas de loi ou de traité qui délègue au Conseil fédéral la compétence de conclure un traité tel que le protocole modifiant la CDI-IR. C'est donc le Parlement qui est compétent pour l'approuver.

L'art. 141, al. 1, let. d, Cst. dispose qu'un traité international est sujet au référendum, entre autres, s'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit. Aux termes de l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)8, sont réputées fixant des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

Le protocole modifiant la CDI-IR contient des dispositions qui créent des obligations pour les autorités suisses et confèrent des droits à celles-ci et aux personnes privées (physiques et morales). Il contient donc des dispositions importantes fixant des règles de droit au sens des art. 22, al. 4, LParl et 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

L'arrêté fédéral portant approbation du protocole modifiant la CDI-IR est dès lors sujet au référendum en matière de traités internationaux conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

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Procédure de consultation

Le protocole modifiant la CDI-IR est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. En vertu de l'art. 3, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)9, une consultation devait donc en principe être organisée. Une note explicative a été adressée en février 2019 aux cantons et aux milieux économiques intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions. Le protocole modifiant la CDI-IR a été bien accueilli et n'a pas suscité d'opposition. Il a été dès lors possible de renoncer à une consultation en vertu de l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo, puisque les positions des milieux intéressés étaient connues et documentées.

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RS 101 RS 172.010 RS 171.10 RS 172.061

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