16.460 Initiative parlementaire Suppression de l'aide transitoire prévue pour les membres des Chambres fédérales Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 10 octobre 2019

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification de la loi sur les moyens alloués aux parlementaires et de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale relative à la loi sur les moyens alloués aux parlementaires.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint.

10 octobre 2019

Pour la commission: Le président, Kurt Fluri

2019-3499

6879

FF 2019

Rapport 1

Genèse du projet

1.1

Introduction de l'aide transitoire

L'aide transitoire destinée aux députés ayant quitté le Parlement a été introduite en 2003, dans le cadre d'une révision totale de la loi fédérale sur les indemnités (entre-temps renommée «loi sur les moyens alloués aux parlementaires») dont l'objectif était «de permettre de compenser financièrement les pertes que subit en matière de prévoyance professionnelle le député qui renonce à une partie de ses activités professionnelles au profit de son mandat parlementaire, en cas de vieillesse, de maladie, d'accident, de maternité, ou encore s'il est amené à quitter ses fonctions malgré lui» (rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 25 avril 2002, FF 2002 6597).

Les députés pouvaient demander l'octroi d'une aide transitoire pour remédier à une situation d'indigence ou pour couvrir la période suivant l'échéance de leur mandat parlementaire et au cours de laquelle ils devaient réussir leur réinsertion professionnelle. Le montant de cette prestation ne devait pas excéder celui de la rente AVS simple (2019: 2370 francs par mois au plus) et serait versé pendant une période maximum de 2 années.

Lors de son introduction, l'aide transitoire a repris la notion fondamentale de l'ancienne «clause du cas de rigueur» biffée en 1988 lors de la révision de la loi sur les indemnités parlementaires. Dans son rapport de 2002 relatif à l'initiative parlementaire «Réglementation en matière de prévoyance applicable aux députés» (02.423), la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-CN) a constaté que, en pratique, il y a eu quelques rares cas de députés qui, pour des raisons de maladie par exemple ou parce qu'ils avaient dû abandonner leur activité professionnelle après leur élection, ont connu des situations d'urgence tant pendant leur mandat qu'après leur départ de la Chambre. L'aide transitoire visait alors à apporter une aide ciblée dans ces cas.

1.2

Droit en vigueur et pratique

L'aide transitoire est régie à l'art. 8a de la loi du 18 mars 1988 sur les moyens alloués aux parlementaires (LMAP)1, lequel est en vigueur depuis le 1er décembre 2003. Elle peut être demandée par les députés qui quittent le Parlement avant l'âge de 65 ans révolus et ne perçoivent pas encore de rente de vieillesse ou qui sont dans l'indigence. Peu importe que les députés en question aient quitté le Parlement de leur plein gré ou n'aient pas été réélus. En vertu de l'art. 8b de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale du 18 mars 1988 relative à la LMAP (OMAP)2, l'aide transitoire s'élève au plus au montant maximum de la rente annuelle de vieillesse prévue à 1 2

RS 171.21 RS 171.211

6880

FF 2019

l'art. 34 de la loi du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS)3. Le montant est calculé d'après l'indemnité annuelle et la somme moyenne des indemnités journalières versées au requérant au cours de l'année civile précédente.

Les demandes d'aide transitoires sont présentées pour examen préalable au chef du secteur Infrastructures des Services du Parlement. Celui-ci connaît le montant des indemnités qui ont été versées au requérant durant les deux années civiles précédentes. Les demandes doivent être accompagnées d'un extrait d'attestation fiscale présentant l'état de la fortune et des revenus du requérant.

À l'issue de l'examen préalable, le chef du secteur Infrastructures transmet chaque demande au délégué de la Délégation administrative (DA), lequel adresse ensuite une proposition anonymisée à la DA. Sur la base des documents précités, celle-ci statue de manière définitive sur la demande et, le cas échéant, fixe le montant de l'aide.

De 2004 à 2018, 22 personnes ont sollicité une aide transitoire; les montants accordés pour cette période ont totalisé 923 000 francs.

En outre, les députés ont droit aux prestations de l'assurance-chômage (AC). Lorsqu'ils quittent le Parlement, ils peuvent s'inscrire auprès de l'office régional de placement (ORP) compétent et demander le versement d'indemnités de chômage, avec les obligations qui y sont liées. La réglementation en vigueur permet à un ancien député de percevoir à la fois l'aide transitoire et les indemnités de chômage, car la caisse de chômage considère la première comme une indemnité de départ. En compensation, les indemnités journalières ont été déduites de l'aide transitoire.

1.3

Élaboration du projet

Le 21 septembre 2016, la conseillère nationale Natalie Rickli (UDC/ZH) a déposé l'initiative parlementaire «Suppression de l'aide transitoire prévue pour les membres des Chambres fédérales» (16.460), qui vise l'abrogation de l'art. 8a LMAP.

Le 20 janvier 2017, la CIP-CN a procédé à l'examen préalable de l'initiative et a décidé, par 17 voix contre 7, d'y donner suite. Elle a fait valoir que l'aide transitoire confère aux députés un statut privilégié, puisque ces derniers ont déjà la possibilité de demander une indemnité de chômage, comme tout travailleur. En outre, elle a estimé que l'aide transitoire favorise une tendance qui n'est pas souhaitée: celle de voir le Parlement se professionnaliser.

Par contre, le 19 juin 2017, la Commission des institutions politiques du Conseil des États (CIP-CE) a rejeté l'initiative par 7 voix contre 6. À ses yeux, la suppression de l'aide transitoire allait trop loin, en particulier du fait que les montants versés étaient très modestes.

3

RS 831.10

6881

FF 2019

Le 10 novembre 2017, la commission du Conseil national a décidé, par 15 voix contre 6 et 1 abstention, de maintenir sa décision de donner suite à l'initiative. Le 1er mars 2018, le Conseil national a approuvé l'initiative par 115 voix contre 66 et 2 abstentions, suivant ainsi l'avis de sa commission.

La CIP-CE s'est alors penchée une nouvelle fois sur l'initiative à sa séance du 20 avril 2018. Cette fois, contrairement à sa décision du 19 juin 2017, elle a décidé, par 6 voix contre 4, de se rallier à l'avis du Conseil national. Ainsi, la CIP-CN a été chargée d'élaborer un projet d'acte. La commission remet en question le principe de l'aide transitoire, étant donné que les députés qui quittent le Parlement peuvent aussi prétendre aux prestations de l'AC. Une partie de la majorité se réserve toutefois le droit, lors de l'examen ultérieur de la modification législative, de préconiser non pas la suppression ­ voulue par l'auteure de l'initiative ­ de l'aide transitoire, mais l'instauration de conditions plus strictes pour la perception de cette aide.

La CIP-CN a examiné le projet le 16 août 2019 et s'est prononcée, par 14 voix contre 11, en faveur de la suppression totale de l'aide transitoire. Elle a approuvé provisoirement le projet par 16 voix contre 8 et l'a transmis à la DA et au Bureau du Conseil national pour avis.

Lors de sa séance du 10 octobre 2019, la commission a pris acte de l'avis du bureau et de la DA, sur la base duquel elle a complété le rapport avant d'adopter le projet à l'intention du conseil par 14 voix contre 7 et 2 abstentions et de le transmettre simultanément au Conseil fédéral pour avis.

2

Grandes lignes du projet

Le texte de l'initiative ne laisse place à aucun doute: il y a lieu d'abroger l'art. 8a LMAP, ce qui équivaut à supprimer l'aide transitoire prévue pour les membres de l'Assemblée fédérale. Comme ces derniers cotisent à l'AC, ils ont droit aux prestations correspondantes en cas de chômage. Ainsi, ils sont assurés par l'AC en cas de perte de leur mandat parlementaire, ce qui rend peu pertinent le système de l'aide transitoire. Ce dernier confère aux députés un statut privilégié injustifié par rapport aux employés.

Proposition de la minorité Se fondant sur les discussions menées par la CIP-CE, la minorité (Streiff, Barrile, Flach, Glättli, Humbel, Marti Samira, Masshardt, Pfister Gerhard, Piller Carrard, Romano, Wermuth) propose de ne pas supprimer purement et simplement l'aide transitoire, mais d'en durcir les conditions d'octroi. Les députés ne pourraient demander cette aide qu'en cas de non-réélection et pourraient la percevoir au plus durant les six premiers mois après leur départ du Parlement. Comme jusqu'ici, les requérants devraient être âgés de moins de 65 ans et ne percevoir encore aucune rente de vieillesse. Selon la proposition de la minorité, il resterait possible de demander une aide transitoire pour remédier à une situation d'indigence.

6882

FF 2019

3

Commentaire par article

3.1

Loi du 18 mars 1988 sur les moyens alloués aux parlementaires

Art. 8a L'art. 8a LMAP constitue la base légale permettant de requérir et de verser l'aide transitoire. Il doit être abrogé afin de mettre en oeuvre l'initiative parlementaire.

Proposition de la minorité La minorité (Streiff, Barrile, Flach, Glättli, Humbel, Marti Samira, Masshardt, Pfister Gerhard, Piller Carrard, Romano, Wermuth) propose de durcir les critères d'octroi de l'aide transitoire. Ainsi, l'art. 8a, al. 1, let. a, serait modifié de sorte que seuls les députés qui n'ont pas été réélus au Conseil national ou au Conseil des États puissent demander l'aide transitoire; ceux ayant quitté le Parlement de leur plein gré seraient de fait exclus du système, au motif qu'ils peuvent planifier leur réinsertion professionnelle.

À l'art. 8a, al. 2, il y a lieu d'adapter la durée de perception de l'aide transitoire en fonction des dispositions relatives au droit aux prestations accordées en remplacement du salaire lorsque l'employeur résilie immédiatement le contrat sans justes motifs (art. 337c CO). Comme les travailleurs concernés ont droit à six mois de salaire au plus, la durée maximale de perception de l'aide transitoire doit être limitée à six mois après le départ du député.

L'art. 8a, al. 2bis, est nouveau. Il vise à préciser que l'aide transitoire n'est versée qu'aux anciens députés qui ne perçoivent pas de prestations de l'AC.

3.2

Ordonnance de l'Assemblée fédérale relative à la loi sur les moyens alloués aux parlementaires

Art. 8b Cet article doit être abrogé au même titre que l'art. 8a LMAP, pour autant que l'aide transitoire soit supprimée. La minorité (Streiff, Barrile, Flach, Glättli, Humbel, Marti Samira, Masshardt, Pfister Gerhard, Piller Carrard, Romano, Wermuth) propose de maintenir cette disposition inchangée.

6883

FF 2019

4

Conséquences

4.1

Conséquences financières et effet sur l'état du personnel

À l'avenir, les coûts seront exclusivement à la charge de l'AC si l'aide transitoire est supprimée.

De 2004 à 2018, les montants accordés au titre de l'aide transitoire ont totalisé 923 000 francs, avec de fortes variations annuelles. Les chiffres les plus élevés ont cependant toujours été enregistrés l'année suivant les élections fédérales (179 000 francs en 004, 124 000 francs en 2008, à nouveau 179 000 francs en 2012 et 94 000 francs en 2016). Au cours de la 49e législature (2011­2015), l'aide transitoire a été octroyée à sept députés non réélus et à un député qui ne s'était pas représenté. Au cours de la 50e législature (2015­2019), elle l'a été à deux députés non réélus et à deux députés qui ne s'étaient pas représentés. Aucune des demandes concernées ne portait sur une situation d'indigence.

Il convient de souligner que la suppression de l'aide transitoire n'aurait pas de répercussion immédiate sur le budget du Parlement étant donné que celui-ci devra continuer à verser les aides transitoires octroyées avant l'abrogation de l'art. 8a LMAP (droits acquis). Ainsi, les coûts commenceraient à diminuer progressivement deux ans après l'entrée en vigueur de la modification.

La suppression de l'aide transitoire n'a aucune incidence en matière de personnel.

Le travail administratif que les Services du Parlement doivent effectuer dans le cadre de ce régime est de trop faible importance pour que sa suppression puisse conduire à des économies.

5

Bases légales

La LMAP et les modifications y afférentes qui sont proposées ici reposent sur l'art. 164, al. 1, let. g, Cst., qui prévoit que les dispositions fondamentales relatives à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. L'OMAP est fondée sur l'art. 70, al. 1, LParl, selon lequel l'Assemblée fédérale édicte sous forme d'ordonnance de l'Assemblée fédérale les dispositions d'exécution fixant des règles de droit qui s'appliquent à l'administration du Parlement.

6884