19.476 Initiative parlementaire Garantir aux anciens enfants placés de force et aux personnes placées par décision administrative le droit aux prestations complémentaires Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États du 29 octobre 2019

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États vous soumet son rapport concernant le projet de loi fédérale sur les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 (octroi de prestations complémentaires aux victimes des mesures de coercition à des fins d'assistance et des placements extrafamiliaux antérieurs à 1981), projet qu'elle transmet simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet ci-joint.

Le 29 octobre 2019

Pour la commission: Le président, Joachim Eder

2019-3726

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Rapport 1

Contexte et historique

Le 3 septembre 2019, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) a déposé la présente initiative, par laquelle elle décide d'élaborer un projet d'acte visant à garantir que la réparation due aux enfants placés de force et aux personnes placées par décision administrative avant 1981 ne compromette pas leur droit aux prestations complémentaires (PC). Pour cela, il est en particulier nécessaire de supprimer la dernière partie de la phrase de l'art. 4, al. 6, let. c, de la loi fédérale du 30 septembre 2016 sur les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 (LMCFA)1.

1.1

La LMCFA et sa genèse

La création de la LMCFA est étroitement liée à l'initiative populaire fédérale «Réparation de l'injustice faite aux enfants placés de force et aux victimes de mesures de coercition prises à des fins d'assistance» (initiative sur la réparation). Déposée en décembre 2014, cette initiative appelait à la création d'un fonds doté d'un montant de 500 millions de francs devant servir à financer le versement de réparations aux victimes ainsi qu'une étude scientifique détaillée des mesures de coercition à des fins d'assistance et des placements extrafamiliaux antérieurs à 1981.

En janvier 2015, le Conseil fédéral a décidé d'opposer un contre-projet indirect à cette initiative. En décembre de la même année, il a soumis son message et un projet de loi (15.082) aux Chambres fédérales2. La nouvelle loi visait à créer les conditions propres à permettre un traitement global de la question, tant au niveau sociétal qu'au niveau individuel.

En tant que conseil prioritaire, le Conseil national a largement approuvé les propositions du Conseil fédéral et a adopté le projet, le 27 avril 2016, par 155 voix contre 25 et 2 abstentions lors du vote d'ensemble3. Le Conseil des États a suivi le Conseil national sur tous les points et a adopté le projet à son tour, le 15 septembre 2016, par 36 voix contre 1 lors du vote d'ensemble4. La loi est entrée en vigueur le 1er avril 2017 et contient pour l'essentiel les points suivants: ­

1 2 3 4

La Confédération reconnaît les souffrances infligées aux victimes et les conséquences négatives que ces souffrances ont causées sur toute leur vie (art. 3). Cette reconnaissance de l'injustice subie et les excuses formulées

RS 211.223.13 FF 2016 87 (message) et FF 2016 129 (projet de loi).

BO CN 26.4.16 et BO CN 27.4.16 BO CE 15.9.16

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ouvrent la voie à la réhabilitation de l'ensemble des victimes, comme c'était déjà le cas pour les personnes placées par décision administrative5.

­

Des prestations financières à hauteur de 300 millions de francs sont prévues à titre de réparation et en signe de solidarité. Le montant de la contribution de solidarité est de 25 000 francs au plus par victime (art. 7, al. 1). Ces prestations témoignent de la reconnaissance de l'injustice et sont l'expression de la solidarité de la société. Les demandes d'octroi d'une contribution de solidarité devaient être déposées dans un délai de douze mois à partir de l'entrée en vigueur de la loi (art. 5, al. 1).

­

Les autorités fédérales, cantonales et communales veillent à la conservation des dossiers afférant aux mesures de coercition à des fins d'assistance et aux placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 (art. 10). Toute personne concernée peut accéder aisément et gratuitement à son dossier (art. 11).

­

Les cantons gèrent des points de contact qui fournissent conseils, aide et assistance aux victimes et aux autres personnes concernées (art. 14).

­

Le Conseil fédéral veille à ce que les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux antérieurs à 1981 fassent l'objet d'une étude scientifique. Les résultats de ces travaux ont été communiqués au public, notamment au moyen de productions médiatiques, d'expositions et d'exposés (art. 15)6.

1.2

La contribution de solidarité dans le débat politique

Après l'entrée en vigueur de la LMCFA, le conseiller national Roger Golay a demandé, lors de l'heure des questions, si les victimes avaient été suffisamment informées de leurs droits et de l'existence de la contribution de solidarité (18.5181). Dans sa réponse du 12 mars 2018, le Conseil fédéral a indiqué que six communiqués de presse ont informé le public de la nouvelle loi. Deux conférences de presse ont été organisées et un prospectus a été diffusé à plus de 45 000 exemplaires. Enfin, des centaines d'articles de presse et de nombreuses émissions de radio et de télévision ont fait état des nouvelles dispositions et de l'existence de la contribution de solidarité.

5

6

La loi fédérale sur la réhabilitation des personnes placées par décision administrative (RS 211.223.12) était le résultat d'une initiative parlementaire déposée par le conseiller aux États Paul Rechsteiner (11.431). Elle prévoyait la reconnaissance de l'injustice faite, l'étude scientifique des événements, la conservation des dossiers concernant les placements administratifs ainsi qu'un droit pour les personnes concernées de consulter ces dossiers. La reconnaissance de l'injustice faite n'ouvrait toutefois aucun droit à des prétentions financières. Cette loi a été abrogée par l'entrée en vigueur de la LMCFA (art. 21, al. 1, LMCFA).

Voir à ce sujet le site Internet de la Commission indépendante d'experts (CIE) Internements administratifs et, en particulier, le rapport final publié le 2 septembre 2019: www.cie-internements-administratifs.ch. La CIE a été créée en vertu de la loi fédérale sur la réhabilitation des personnes placées par décision administrative (voir note 5).

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Après l'expiration, le 31 mars 2018, du délai de dépôt des demandes d'octroi d'une contribution de solidarité, la conseillère nationale Susanne Leutenegger Oberholzer a demandé, toujours lors de l'heure des questions, combien de demandes avaient été déposées et quel sera le montant des contributions (18.5308). Le 4 juin 2018, le Conseil fédéral a indiqué que 9018 demandes avaient été déposées et que les personnes dont la demande sera approuvée recevront toutes le montant maximal de 25 000 francs. Il a précisé que la priorité sera donnée aux demandes des personnes gravement malades ou très âgées et que tout sera mis en oeuvre pour examiner l'ensemble des demandes dans le délai prévu, soit avant la fin du mois de mars 20217. Le 10 décembre 2018, le Conseil fédéral a confirmé pour l'essentiel ces informations dans sa réponse à la question du conseiller national Beat Jans (18.5706). Il a précisé que les demandes déposées trop tard seraient néanmoins traitées dès lors que les personnes concernées ont été empêchées, sans faute de leur part, d'agir dans le délai prévu.

Une motion, déposée le 14 décembre 2018 par le conseiller national Beat Jans et qui n'a pas encore été traitée au conseil, demande de prolonger jusqu'au 31 décembre 2022 le délai de dépôt des demandes d'octroi de la contribution de solidarité (18.4295). Le Conseil fédéral rejette cette intervention, qui irait à l'encontre de l'objectif d'un traitement rapide des demandes8. Une initiative parlementaire du conseiller aux États Raphaël Comte demande, elle aussi, une prolongation du délai prévu à l'art. 5, al. 1, LMCFA (19.471). Cette initiative a été examinée le 28 octobre 2019 par la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E). Celleci a donné suite à l'initiative.

1.3

La contribution de solidarité et les prestations complémentaires

Outre celle de savoir si toutes les victimes pourront toucher la contribution de solidarité, la question de la coordination entre la LMCFA et la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC)9 a également été soulevée.

La conseillère nationale Ursula Schneider Schüttel a ainsi fait remarquer dans sa question du 12 mars 2019 que le versement de la contribution de solidarité pourrait entraîner une réduction du montant des PC. Elle a par conséquent demandé au Conseil fédéral combien de personnes seraient dans cette situation et quelles solutions sont envisageables pour prévenir cet effet indésirable (19.5157). Le 18 mars 2019, le Conseil fédéral a répondu que la contribution de solidarité ne devait pas avoir pour conséquence de réduire l'aide sociale ou les PC. Ce principe se heurte néanmoins à l'art. 11, al. 1, let. b et c, LPC, en vertu duquel le calcul de la PC doit tenir compte à la fois du montant de la contribution de solidarité en tant qu'élément 7 8 9

Pour le calendrier du traitement des demandes, voir l'interpellation de la conseillère nationale Ursula Schneider Schüttel du 28.9.2017 (17.3811) et la réponse du Conseil fédéral du 22.11.2017.

Voir aussi la question de la conseillère nationale Sandra Sollberger du 13.3.2019 (19.5192) et la réponse du Conseil fédéral du 18.3.2019.

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de la fortune et du produit de cette part de la fortune en tant que revenu. Le Conseil fédéral a souligné qu'une modification de la loi est la seule façon d'éviter que la contribution de solidarité soit prise en compte dans le calcul de la PC. S'il n'a pas connaissance du nombre de personnes qui seraient concernées par une réduction du montant des PC, il a précisé que l'Office fédéral de la justice (OFJ) avait reçu une vingtaine de demandes de renseignements à ce sujet de la part de victimes.

Fin août 2019, la question de la contribution de solidarité a de nouveau été portée à l'attention du public. L'émission «Kassensturz» de la télévision alémanique a fait état d'une victime dont les prestations versées en vertu de la LPC avaient été réduites après que le montant de la contribution de solidarité eut été pris en compte dans sa fortune10. Le 30 août 2019, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (CAJ-N) a déposé une motion demandant au Conseil fédéral de prendre les mesures qui s'imposent pour que les personnes placées de force dans leur enfance se voient verser sans attendre le dédommagement qui leur est dû et pour que celui-ci ne soit pas pris en compte dans le calcul de la PC (19.3971). Lors de sa séance du 3 septembre 2019, la CAJ-E a, elle aussi, décidé à l'unanimité de déposer une motion avec une formulation identique (19.3973).

Toujours le 3 septembre 2019, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) s'est saisie à son tour de la question et a décidé à l'unanimité, par la présente initiative, d'élaborer un projet d'acte. Le 17 octobre 2019, son homologue du Conseil national (CSSS-N) a soutenu cette démarche également à l'unanimité. Le 29 octobre 2019, la CSSS-E a adopté le projet de loi à l'unanimité et l'a soumis, accompagné du présent rapport, au Conseil des États. Dans le même temps, elle a transmis le projet de loi et le rapport au Conseil fédéral pour avis11.

Dans sa réponse à une question du conseiller national Gerhard Pfister (19.5412), le Conseil fédéral a confirmé, le 16 septembre 2019, qu'une modification de la loi était nécessaire pour garantir que la contribution de solidarité ne soit pas prise en compte dans le calcul de la PC. Il a précisé: «Le Conseil fédéral estime qu'une modification visant à exclure que le
versement de la contribution de solidarité entraîne une perte de revenu est justifiée. Si le Parlement décide de suivre la voie d'une initiative parlementaire, le Conseil fédéral apportera sa contribution pour régler la situation le plus rapidement possible.»

10 11

Kassensturz du 27.8.2019: «Schlag ins Gesicht. Verdingkindern wird Rente gekürzt».

Lors de la session d'automne 2019, le conseiller national Beat Jans a déposé une initiative parlementaire intitulée «Contre la réduction des prestations complémentaires des victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance et de placements extrafamiliaux» (19.483). La principale demande, à savoir la suppression de la dernière partie de la phrase de l'art. 4, al. 6, let. c, LMCFA, recoupe le contenu de la présente initiative.

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2

Renonciation à une procédure de consultation

Selon l'art. 3, al. 1, let. b, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)12, une consultation doit en principe être organisée lors des travaux préparatoires concernant un projet de loi. Il est néanmoins possible de renoncer à une procédure de consultation lorsqu'aucune information nouvelle n'est à attendre du fait que les positions des milieux intéressés sont connues, notamment parce que l'objet dont traite le projet a déjà été mis en consultation précédemment13.

L'avant-projet de la LMCFA avait fait l'objet d'une telle consultation entre le 24 juin et le 30 septembre 201514. Au total, près de 90 avis avaient été soumis, pour l'essentiel favorables ou très favorables à l'avant-projet. Aucun participant n'avait contesté le fait que les victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance et de placements familiaux antérieurs à 1981 ont subi une injustice et enduré de grandes souffrances. L'écrasante majorité des participants à la consultation avaient exprimé le souhait de prévoir des prestations financières en complément de la réhabilitation des victimes et de la réparation du tort moral. L'UDC, le PLR, l'USAM, le Centre patronal et le canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures avaient néanmoins émis des réserves au sujet des prestations financières.

L'avant-projet prévoyait le principe selon lequel le versement d'une contribution de solidarité ne devait pas aboutir à une situation dans laquelle cette prestation pouvait être réduite en raison de dispositions du droit fiscal, du droit des poursuites et du droit de l'aide sociale (art. 4, al. 5, AP-LMCFA). Cette disposition avait été expressément approuvée par plusieurs participants (cantons d'Appenzell RhodesExtérieures, de Bâle-Campagne, de Fribourg et de Saint-Gall, Parti socialiste, Les Verts). La question de savoir si la contribution de solidarité devrait être prise en compte lors du calcul des PC n'avait pas été abordée dans l'avant-projet ni traitée dans le rapport explicatif, mais certains participants à la consultation avaient mentionné ce point. Ainsi, les cantons de Genève, de Saint-Gall et de Vaud, le comité de l'initiative sur la réparation, l'association RAVIA pour la réhabilitation des internés administratifs 1942-1981, l'Union des villes suisses et l'association Netzwerkverdingt avaient recommandé de ne pas tenir compte de
la contribution de solidarité dans le calcul de la PC, que ce soit en tant que revenu ou en tant que fortune.

Le projet soumis au Parlement par le Conseil fédéral avait intégré ces préoccupations en ce qui concerne les revenus, mais non en ce qui concerne la fortune et le produit de celle-ci. Les dispositions correspondantes de l'art. 4, al. 6, let. b et c, LMCFA n'avaient fait l'objet d'aucune discussion au sein des commissions et des Chambres, et avaient été adoptées telles quelles (voir chap. 3).

Depuis l'entrée en vigueur de la LMCFA, aucun des privilèges accordés à la contribution de solidarité au titre du droit fiscal, du droit des poursuites, du droit de l'aide sociale et du droit des assurances sociales n'a été sérieusement contesté. L'OFJ n'a, à ce jour, pas eu connaissance de réactions de la part des participants habituels aux 12 13 14

RS 172.061 Art. 3a, al. 1, let. b, LCo Les résultats de la procédure de consultation sont disponibles à l'adresse: www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2015 > DFJP.

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procédures de consultation qui iraient dans le sens d'une volonté d'affaiblir, de quelque manière que ce soit, la valeur symbolique de la contribution de solidarité pour les victimes, comme cela pourrait être le cas en lien avec les PC. Il semble peu probable que des participants fassent valoir de nouveaux éléments ou de nouveaux arguments dans l'hypothèse où une nouvelle procédure de consultation était organisée. En outre, la présente demande de révision concerne une modification de loi ayant des conséquences financières minimes pour la Confédération et les cantons (voir ch. 5.1). Dans ce contexte, il paraît légitime de renoncer à une procédure de consultation.

3

Grandes lignes du projet

La LMCFA prévoit que les victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance et de placements familiaux antérieurs à 1981 obtiennent une contribution de solidarité d'un montant maximal de 25 000 francs. Certaines de ces personnes dépendent de prestations sociales pour pouvoir subvenir à leurs besoins.

Bien que la contribution de solidarité ne doive pas entraîner de réduction des prestations versées en vertu de la LPC, l'art. 4, al. 6, let. c, LMCFA précise néanmoins que l'art. 11, al. 1, let. b et c, LPC demeure réservé. Cela signifie que le produit de la part de la fortune correspondant à la contribution de solidarité est pris en compte en tant que revenu dans le calcul de la PC. En outre, la contribution de solidarité ellemême est prise en compte en tant qu'élément de la fortune. Une franchise sur la fortune totale, qui s'élève actuellement à 37 000 francs pour les personnes seules et à 60 000 francs pour les couples mariés15, est toutefois appliquée lors du calcul de la PC. Cela signifie que la part de la fortune qui est inférieure à ces montants n'est pas prise en compte dans le calcul. À l'inverse, la part de la fortune qui leur est supérieure est prise en compte en tant que revenu (en règle générale à hauteur d'un dixième par an, au maximum à hauteur d'un cinquième). Cette imputation de la fortune peut entraîner une réduction du montant des PC pour les personnes qui, parce qu'elles ont touché la contribution de solidarité, voient leur fortune dépasser le montant de la franchise.

Pour la CSSS-E, il est choquant que la contribution de solidarité puisse entraîner une réduction du montant des PC, voire, dans de rares cas, la perte du droit à ces prestations. La contribution de solidarité témoigne de la reconnaissance de l'injustice subie par ces personnes et exprime la solidarité de la société à leur égard. Le fait que la Confédération verse cette contribution aux victimes et, dans le même temps, en récupère une partie en réduisant le montant des PC vide de son sens ce geste de reconnaissance d'une manière que la commission juge inacceptable.

15

À la suite de la révision de la LPC (16.065) adoptée par le Parlement le 22.3.2019, le montant de la franchise sera abaissé à 30 000 francs pour les personnes seules et à 50 000 francs pour les couples mariés.

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C'est pourquoi la contribution de solidarité ne devrait en aucun cas entraîner une réduction des prestations versées en vertu de la LPC. Cela implique de supprimer la réserve prévue à l'art. 4, al. 6, let. c, LMCFA. La contribution de solidarité ne sera dès lors plus prise en compte dans la fortune ou le produit de celle-ci, contrairement à ce que prévoit actuellement l'art. 11, al. 1, let. b et c, LPC. Ainsi, les personnes concernées bénéficieront d'une annulation de la prise en compte de la contribution de solidarité dans le calcul de la PC et, si ce nouveau mode de calcul est plus bénéfique, c'est celui-ci qui sera appliqué. Les réductions de PC antérieures liées à la prise en compte de la contribution de solidarité seront annulées et un montant correspondant à la somme réduite sera restitué aux bénéficiaires. Pour les rares cas dans lesquels la prise en compte de la contribution de solidarité aurait conduit à une suppression du droit aux PC, les personnes y auront à nouveau droit à partir du moment du versement de la contribution de solidarité, pour autant que les autres conditions soient remplies.

Si le projet est adopté, l'OFJ, en collaboration avec l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), informera par écrit les personnes ayant obtenu une contribution de solidarité de la modification de la loi. Les personnes concernées par une réduction du montant des PC ou par une suppression du droit à ces prestations auront ainsi la possibilité de s'adresser à l'organe cantonal d'exécution des PC pour obtenir la restitution des montants dus. Le courrier expliquera la modification de la loi et informera les personnes de la marche à suivre. Les coordonnées des organes d'exécution des PC seront également indiquées.

L'absence de prise en compte de la part de la fortune correspondant à la contribution de solidarité versée aux victimes de mesures de coercition à des fins d'assistance et de placements familiaux antérieurs à 1981 est une règle particulière qui ne crée pas de précédent pour les autres prestations versées à titre de réparation du tort moral.

4

Commentaire des dispositions

Art. 4, al. 6, let. c La disposition actuelle énonce le principe selon lequel la contribution de solidarité n'entraîne aucune réduction des prestations d'aide sociale ni des prestations au sens de la LPC; elle prévoit néanmoins une réserve pour la prise en compte de la fortune lors du calcul de la PC. Selon les dispositions en vigueur de l'art. 11, al. 1, let. b et c, LPC, un dixième de la fortune nette est pris en compte en tant que revenu déterminant dans le calcul de la PC pour les bénéficiaires d'une rente de vieillesse, dans la mesure où cette fortune dépasse 37 500 francs pour les personnes seules ou 60 000 francs pour les couples mariés. À la suite de la réforme des PC, ces montants seront réduits à respectivement 30 000 et 50 000 francs. En outre, le produit de la fortune mobilière et immobilière est également pris en compte en tant que revenu.

Ces dispositions s'appliquent actuellement aux prestations versées à titre de réparation du tort moral, raison pour laquelle la contribution de solidarité visée à l'art. 4, al. 1, LMCFA est prise en compte en tant que fortune. Cette réserve doit être purement et simplement supprimée. Grâce à la suppression de la dernière partie de phrase de l'art. 4, al. 6, let. c, LMCFA, les contributions de solidarité versées en 7658

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vertu de cette loi ne seront, à l'avenir mais aussi avec effet rétroactif (voir le commentaire de l'art. 21a ci-dessous), plus prises en compte dans le calcul de la PC.

Cette absence de prise en compte de la contribution de solidarité vaut aussi pour la détermination du seuil d'entrée dans le régime des PC qui doit être introduit avec la modification de la LPC du 22 mars 2019 (réforme des PC).

Art. 21a L'absence de prise en compte de la contribution de solidarité dans le calcul de la PC vaut pendant toute la durée d'application de la LMCFA. Comme cette dernière est entrée en vigueur le 1er avril 2017, la modification doit avoir un effet rétroactif.

À l'heure actuelle, il n'est pas possible d'identifier, parmi les bénéficiaires de la contribution de solidarité, les personnes qui sont également tributaires des PC. En effet, les organes d'exécution des PC ne relèvent pas de données sur la composition et la provenance exacte de la fortune et ils ne sont donc pas en mesure d'identifier les cas de réduction, voire de suppression des PC. L'OFJ, quant à lui, dispose des données concernant les bénéficiaires d'une contribution de solidarité, mais ne peut pas identifier parmi ces personnes les bénéficiaires de PC. Faute de connaître le numéro AVS, il reste impossible d'identifier les bénéficiaires de PC de manière automatique par le biais d'une transmission des données. Pour cette raison, il est prévu que les personnes concernées s'adressent elles-mêmes à l'organe d'exécution des PC. L'OFJ, en collaboration avec l'OFAS, enverra un courrier d'information aux personnes ayant obtenu une contribution de solidarité. Ce courrier contiendra toutes les informations essentielles concernant la modification de la loi et expliquera comment procéder pour obtenir la restitution des montants dus. Les coordonnées des organes d'exécution des PC y seront également indiquées.

La demande de ne pas tenir compte de la contribution de solidarité dans le calcul de la PC n'est soumise à aucune exigence formelle. Elle pourra se faire de manière simple, par exemple par téléphone.

Si la modification de l'art. 4, al. 6, let. c, LMCFA a pour conséquence d'augmenter le montant de la PC annuelle, la décision fixant le montant de la prestation pourra, sur demande, être réexaminée par l'organe d'exécution des PC. Si ce nouveau calcul
permet d'établir le droit à des versements rétroactifs, le délai de péremption prévu à l'art. 24 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA)16 ne s'appliquera pas.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour le régime des PC

Le nombre de bénéficiaires de PC dont les prestations ont été réduites parce qu'elles ont touché la contribution de solidarité peut seulement être estimé. L'OFJ ne dispose pas d'informations lui permettant de savoir si un requérant touche ou non des PC, car la fortune d'une personne n'est pas pertinente pour le versement de la contribu16

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tion de solidarité. Le registre des PC ne contient pas non plus d'informations sur les personnes ayant reçu une contribution de solidarité. Pour procéder à la présente estimation, il a donc fallu formuler certaines hypothèses au sujet du taux de perception des PC et de la fortune des personnes concernées. Au total, quelque 9000 demandes d'octroi d'une contribution de solidarité ont été obtenues. Depuis 2018, une contribution de solidarité a été versée à 8300 personnes (état octobre 2019) et environ 600 demandes sont encore en suspens. Environ deux tiers des personnes qui ont obtenu cette contribution avaient déjà atteint l'âge de la retraite.

Sachant que le taux de bénéficiaires de PC s'élève à 13,8 % parmi les retraités, on peut estimer, sur la base des 6000 personnes ayant déposé une demande de contribution de solidarité et atteint l'âge de la retraite, à environ 828 le nombre de personnes potentiellement concernées par la modification de la loi.

Il faut néanmoins partir de l'hypothèse qu'une partie de ces personnes ne sont pas concernées par une éventuelle réduction des PC, car elles ne disposent pas d'une fortune suffisante. En effet, les PC ne peuvent être réduites que si leur bénéficiaire détient d'autres éléments de fortune, la contribution de solidarité de 25 000 francs étant, à elle seule, inférieure au montant de la franchise sur la fortune (voir ch. 4).

On peut supposer qu'à compter de 2018, année où les premières contributions de solidarité ont été versées, des versements rétroactifs de l'ordre de 0,6 million de francs devraient être effectués. Le montant effectif des versements rétroactifs sera toutefois vraisemblablement inférieur à cette estimation et dépendra, en définitive, de la fortune des personnes concernées.

5.2

Conséquences pour la Confédération et les cantons

Le présent projet de loi a des conséquences pour la Confédération et les cantons uniquement en matière de PC. Selon l'estimation précitée (voir ch. 5.1), un montant de l'ordre de 0,6 million de francs devrait être restitué à compter de 2018, soit environ 0,2 million de francs pour la Confédération et 0,4 million pour les cantons.

5.3

Autres conséquences

Le présent projet de loi n'a aucune autre conséquence financière ou économique.

6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Les mesures de coercition à des fins d'assistance et les placements extrafamiliaux ont généralement été décidées en application du droit cantonal sur l'assistance publique ou des dispositions du droit fédéral en matière de protection de l'enfance et du droit de la tutelle. La révision de la LMCFA est donc étroitement liée au droit civil. La législation dans ce domaine relève de la compétence de la Confédération

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(art. 122, al. 1, de la Constitution fédérale [Cst.]17). Le projet de loi se fonde également sur l'art. 112a Cst., qui donne à la Confédération la compétence de légiférer en matière de PC.

6.2

Forme de l'acte à adopter

Le présent projet de loi fixe des règles de droit. Or, selon l'art. 164, al. 1, Cst., toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale.

6.3

Frein aux dépenses

Le projet ne prévoit ni subventions ni crédits d'engagement ou plafonds de dépenses qui entraîneraient une nouvelle dépense unique de plus de 20 millions de francs ou de nouvelles dépenses périodiques de plus de 2 millions de francs. Le frein aux dépenses ne s'applique donc pas (art. 159, al. 3, let. b, Cst.).

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