19.028 Message portant approbation des amendements du 14 décembre 2017 au Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 29 mai 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons, en vous proposant de l'adopter, un projet d'arrêté fédéral portant approbation des amendements du 14 décembre 2017 au Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

29 mai 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-0360

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Condensé Le présent projet porte sur la ratification d'amendements au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le 14 décembre 2017, l'Assemblée des États Parties au Statut de Rome a décidé par consensus que ladite cour aurait désormais la compétence de punir l'utilisation des armes suivantes à titre de crime de guerre: les armes biologiques, les armes blessant par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X et les armes à laser aveuglantes.

Le législateur suisse a rendu l'utilisation de ces types d'armes punissable en 2011 déjà. Le droit international humanitaire la proscrit également, notamment parce que la Suisse s'est engagée pour que tel soit le cas. Les présents amendements consolident des interdictions existantes en permettant la répression des actes en question par la Cour pénale internationale, à titre de crimes de guerre. Cet élargissement opportun de la compétence de la cour renforce la justice pénale internationale. En ratifiant ces amendements, la Suisse contribuera à prévenir les crimes de guerre et à mieux protéger les civils tout comme les personnes participant aux hostilités. En outre, la Suisse enverra un signal fort pour que l'utilisation de ces armes soit punissable et sanctionnée en tant que crime de guerre au-delà de ses frontières également.

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Message 1

Contexte

1.1

Statut de Rome et amendements

La Cour pénale internationale (ci-après «la cour pénale») est une institution permanente dont le siège se trouve à La Haye. Elle a la compétence de juger les auteurs des crimes les plus graves affectant la communauté internationale dans son ensemble: les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, le génocide et le crime d'agression. Le texte fondateur de cette institution en droit international est le Statut de Rome du 17 juillet 1998 de la Cour pénale internationale1 (ci-après «le Statut de Rome»), que la Suisse a ratifié le 12 octobre 2001 et qui est entré en vigueur le 1er juillet 20022. Actuellement, 122 États sont parties au Statut de Rome 3.

L'Assemblée des États Parties (ci-après «l'assemblée») peut adopter des amendements au Statut de Rome, qui doivent ensuite être ratifiés par les États parties euxmêmes. En juin 2010, lors de la Conférence de révision qui s'est tenue à Kampala, les États parties ont adopté un premier élargissement de l'art. 8 du Statut de Rome relatif aux crimes de guerre. Ils ont étendu la punissabilité de l'utilisation de certains types d'armes aux conflits armés non internationaux. La Suisse a ratifié ces amendements le 10 septembre 20154.

1.2

Proposition de nouveaux amendements

Le Groupe de travail sur les amendements de l'assemblée (ci-après «le groupe de travail») a donné suite à d'autres propositions d'amendements concernant les crimes de guerre. La Belgique, en particulier, s'est engagée pour que le Statut de Rome inclue l'utilisation des armes suivantes dans les conflits armés internationaux comme dans les conflits armés non internationaux: les armes biologiques, les mines antipersonnel, les armes blessant par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X et les armes à laser aveuglantes.

1 2

3

4

RS 0.312.1 Sur le Statut de Rome en général, voir le message du 15 novembre 2000 relatif au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, à la loi fédérale sur la coopération avec la Cour pénale internationale ainsi qu'à une révision du droit pénal (FF 2001 359).

Le Secrétaire général de l'ONU, dépositaire du Statut de Rome, tient à jour une liste des États parties sur https://treaties.un.org/ > Dépositaire > Chapitre XVIII > 10. Statut de Rome (dernière consultation le 17 mai 2019).

RS 0.312.12

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1.3

Déroulement et résultat des négociations

La Suisse a joué un rôle actif au sein du groupe de travail. Au cours des réunions, un large soutien a pu être obtenu pour les propositions de la Belgique. Toutefois, un nombre restreint d'États y restaient défavorables. La Corée du Sud, en particulier, s'opposait à l'inclusion des mines antipersonnel dans le Statut de Rome.

Forte d'un large soutien général, la Belgique a déposé ces quatre propositions d'amendements en juillet 2017 auprès du Secrétaire général de l'ONU (dépositaire), conformément aux directives du Statut de Rome (art. 121). En novembre 2017, le groupe de travail a adopté son rapport à l'attention de l'assemblée. Il n'y faisait pas état d'un consensus, mais d'un large soutien aux propositions. L'assemblée s'est également vu soumettre un projet de résolution sur les quatre amendements.

Les propositions d'amendements ont été portées à l'ordre du jour de la 16 e session de l'assemblée, qui s'est tenue du 4 au 14 décembre 2017 à New York. Lors de la phase finale des négociations, la Corée du Sud a campé sur ses positions concernant les mines antipersonnel, obtenant finalement le soutien de l'Australie et du Canada.

L'amendement concernant les mines antipersonnel a alors été retiré pour que les trois autres amendements puissent être approuvés par consensus. Suite à ce retrait, l'assemblée a adopté par consensus la résolution ICC-ASP/16/Res.45 sur les trois élargissements restants de la définition des crimes de guerre.

1.4

Relation avec le programme de la législature et avec les stratégies du Conseil fédéral

Le présent projet n'est annoncé ni dans le message du 27 janvier 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20196, ni dans l'arrêté fédéral du 14 juin 2016 sur le programme de la législature 2015 à 20197, étant donné que l'adoption de ces amendements au Statut de Rome n'était pas encore prévisible. Cependant, le projet figure parmi les objectifs du Conseil fédéral pour 2019.

L'adoption et la ratification des amendements en marge du programme de la législature ne posent pas problème, dans la mesure où la ratification n'entraînera ni modification de lois, ni conséquences spécifiques sur les finances et l'état du personnel.

En ratifiant les amendements à l'art. 8 concernant les crimes de guerre, la Suisse s'engagera pour un ordre international juste, ce qui servira l'axe stratégique «Paix et sécurité» de la stratégie de politique étrangère en vigueur pour la législature en cours.

5

6 7

Le texte est disponible dans ses langues originales sur www.icc-cpi.int > Français > Assemblée des Etats Parties > Visiter le site de l'AEP > Résolutions > 16ème session > ICC-ASP/16/Res.4 (dernière consultation le 17 mai 2019).

FF 2016 981 FF 2016 4999

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2

Renonciation à une procédure de consultation

En application de l'art. 3a, al. 1, let. b, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation8, il est renoncé à une procédure de consultation. Les positions des cercles intéressés sont bien connues puisque l'objet du présent projet a déjà été au coeur de plusieurs consultations et ne devrait donc pas susciter de nouvelles considérations.

Lors d'une consultation précédente menée en 2005, les cercles intéressés ont pu s'exprimer sur les actes dont il est question ici avant leur inscription dans le droit pénal fédéral. La pénalisation de ces actes en droit interne a recueilli une très large approbation dans le cadre de la consultation9 et de la procédure parlementaire10.

Aucun développement politique rendant une nouvelle consultation nécessaire n'est intervenu depuis lors. En outre, les actes dont il est question ici sont soumis à la juridiction fédérale. Les cantons ne sont donc pas touchés. Au cours de la consultation précédente, les tribunaux de la Confédération concernés n'ont remis en question ni les faits matériels ni leur propre compétence. Le droit international public proscrit expressément les trois types d'armes susmentionnés depuis des décennies, à l'initiative de la Suisse pour deux de ces interdictions (voir explications au ch. 4).

En ce qui les concerne, les tribunaux pénaux internationaux sont largement reconnus par les cercles intéressés comme des entités d'application du droit international humanitaire. Au cours des consultations et des procédures parlementaires précédentes, le Statut de Rome et les amendements qui lui ont été apportés jusqu'ici ont toujours reçu un grand soutien, de l'ensemble des partis. En l'an 2000, une consultation a été organisée avant la ratification du Statut de Rome. Les participants ont pu s'exprimer sur la compétence de la cour pénale pour juger les crimes de guerre.

Parmi eux, tous les cantons et partis politiques ainsi que tous les organismes sauf un ont approuvé le projet11. Suite à cela, l'Assemblée fédérale a adopté le Statut de Rome pratiquement à l'unanimité12.

8 9

10 11

12

RS 172.061 Message du 23 avril 2008 relatif à la modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (FF 2008 3461 3469); voir aussi rapport sur www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2005 > DFJP.

Unanimité au Conseil des États et adoption par 135 voix contre 54 au Conseil national (voir objet 08.034).

Message du 15 novembre 2000 relatif au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, à la loi fédérale sur la coopération avec la Cour pénale internationale ainsi qu'à une révision du droit pénal (FF 2001 359 375); voir aussi rapport sur www.admin.ch > Droit fédéral > Procédures de consultation > Procédures de consultation terminées > 2000 > DFAE.

Unanimité au Conseil des États et adoption par 181 voix contre 8 au Conseil national (voir objet 00.090).

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3

Présentation du projet

3.1

Récapitulatif des amendements

Concrètement, les amendements ajoutent trois chiffres à l'art. 8, al. 2, let. b et e, du Statut de Rome. Ils confèrent ainsi à la cour pénale la compétence de sanctionner, à titre de crimes de guerre, les actes suivants commis lors de conflits armés internationaux comme non internationaux: ­

le fait d'utiliser des armes qui utilisent des agents microbiens ou autres agents biologiques, ainsi que des toxines, quels qu'en soient l'origine ou le mode de production (let. b, ch. xxvii, et e, ch. xvi);

­

le fait d'utiliser des armes ayant comme principal effet de blesser par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X dans le corps humain (let. b, ch. xxviii, et e, ch. xvii);

­

le fait d'utiliser des armes à laser spécifiquement conçues de telle façon que leur seule fonction de combat ou une de leurs fonctions de combat soit de provoquer la cécité permanente chez des personnes dont la vision est non améliorée, c'est-à-dire qui regardent à l'oeil nu ou qui portent des dispositifs de correction de la vue (let. b, ch. xxix, et e, ch. xviii).

Aux termes du Statut de Rome (art. 121, par. 5), les amendements entrent en vigueur à l'égard des États parties un an après leur ratification par ces derniers.

3.2

Appréciation

Le Conseil fédéral salue les compléments apportés à l'art. 8 du Statut de Rome et l'élargissement de la compétence de la cour pénale. L'utilisation des trois types d'armes susmentionnés est déjà expressément interdite dans des conventions largement ratifiées à l'échelle mondiale, notamment parce que la Suisse s'est engagée que tel soit le cas (voir explications au ch. 4). La Suisse a ratifié les conventions correspondantes. De plus, toutes ces interdictions ont désormais valeur de droit international coutumier généralement applicable. Les présents amendements renforcent donc des interdictions existantes en permettant la répression des actes en question par la cour pénale, à titre de crimes de guerre. Cet élargissement opportun de la compétence de la cour pénale renforce la justice pénale internationale. En ratifiant ces amendements, la Suisse contribuera à prévenir les crimes de guerre et à mieux protéger les civils tout comme les personnes participant aux hostilités.

En droit interne, la modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de Rome a conduit à préciser la punissabilité générale des crimes de guerre en vigueur depuis 1968. Dans ce contexte, le législateur suisse a inscrit en 2011, dans le code pénal13 et le code pénal militaire du 13 juin 192714, la punissabilité de l'utilisation de ces trois types d'armes dans les conflits armés internationaux et non internationaux. La ratification des présents amendements n'entraînera donc aucune 13 14

RS 311.0 RS 321.0

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modification du droit interne. La Suisse n'en enverra pas moins un signal fort pour que l'utilisation de ces armes soit punissable et sanctionnée en tant que crime de guerre au-delà de ses frontières également. Elle pourra ainsi encourager d'autres États parties à lui emboîter le pas.

3.3

Versions linguistiques des amendements

Comme pour le texte de base du Statut de Rome, les versions anglaise, arabe, chinoise, espagnole, française et russe des amendements font également foi. Avec le texte français, la Confédération dispose donc d'une version originale dans l'une de ses langues officielles.

4

Explications sur les compléments à l'art. 8 du Statut de Rome concernant les crimes de guerre

Le fait d'utiliser des armes qui utilisent des agents microbiens ou autres agents biologiques, ainsi que des toxines, quels qu'en soient l'origine ou le mode de production (art. 8, al. 2, let. b, ch. xxvii, et e, ch. xvi) L'utilisation de ces armes est interdite depuis de nombreuses années sur la base du Protocole du 17 juin 1925 concernant la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques15 et de la Convention du 10 avril 1972 sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destruction16. Le protocole, qui compte 140 États parties, est entré en vigueur pour la Suisse le 12 juillet 1932. Quant à la convention, elle compte 182 États parties et est entrée en vigueur pour la Suisse le 4 mai 197617. L'interdiction en question relève du droit international coutumier18.

En Suisse, l'utilisation d'armes biologiques dans les conflits armés internationaux et non internationaux est explicitement érigée en crime depuis 2011, dans le code pénal (art. 264h, al. 1, let. b) tout comme dans le code pénal militaire (art. 112d, al. 1, let. b). Pour des explications détaillées sur cet état de fait, on se référera au message correspondant19.

15 16 17

18

19

RS 0.515.105 RS 0.515.07 Voir aussi appréciation positive de la convention dans le message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 17 janvier 1973 concernant le Traité interdisant de placer des armes de destruction massive sur le fond des mers et dans leur sous-sol ainsi que la Convention sur l'interdiction des armes biologiques ou à toxines (FF 1973 I 2903).

Règle 73 de l'étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier: Jean-Marie Henckaerts/Louise Doswald-Beck/CICR (éd.), Droit international humanitaire coutumier. Volume I: Règles (2005) Message du 23 avril 2008 relatif à la modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (FF 2008 3461 3538 3554)

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Le fait d'utiliser des armes ayant comme principal effet de blesser par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X dans le corps humain (art. 8, al. 2, let. b, ch. xxviii, et e, ch. xvii) L'utilisation de ces armes est proscrite par la Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination20, et en particulier par son protocole I relatif aux éclats non localisables21. Cette convention compte 125 États parties et son protocole I, 118.

Tous deux sont entrés en vigueur pour la Suisse le 2 décembre 1983. La Suisse s'était fortement engagée dans les négociations préalables à l'adoption de cette convention. Le protocole I, en particulier, a vu le jour à son initiative 22. Aujourd'hui, l'interdiction en question a également valeur de droit international coutumier 23.

En Suisse, l'utilisation d'armes blessant par des éclats dans les conflits armés internationaux et non internationaux est explicitement érigée en crime depuis 2011, dans le code pénal (art. 264h, al. 1, let. b) tout comme dans le code pénal militaire (art. 112d, al. 1, let. b). Pour des explications détaillées sur cet état de fait, on se référera au message correspondant24.

Le fait d'utiliser des armes à laser spécifiquement conçues de telle façon que leur seule fonction de combat ou une de leurs fonctions de combat fût de provoquer la cécité permanente chez des personnes dont la vision est non améliorée, c'est-à-dire qui regardent à l'oeil nu ou qui portent des dispositifs de correction de la vue (art. 8, al. 2, let. b, ch. xxix, et e, ch. xviii) L'utilisation de ces armes est également proscrite par la Convention du 10 octobre 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Concrètement, son protocole IV relatif aux armes à laser aveuglantes interdit explicitement l'emploi des armes à laser «spécifiquement conçues de telle façon que leur seule fonction de combat ou une de leurs fonctions de combat soit de provoquer la cécité permanente chez des personnes dont la vision est non améliorée, c'est-à-dire qui regardent à l'oeil nu ou qui portent des verres correcteurs». Le protocole IV, qui compte 108 États parties, est entré en

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RS 0.515.091 L'unique article du protocole I prévoit qu'«il est interdit d'employer toute arme dont l'effet principal est de blesser par des éclats qui ne sont pas localisables par rayons X dans le corps humain».

Message du 16 septembre 1981 concernant la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, ainsi que les Protocoles y annexés (FF 1981 III 273 275 à 278 283) Règle 79 de l'étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier: Jean-Marie Henckaerts/Louise Doswald-Beck/CICR (éd.), Droit international humanitaire coutumier. Volume I: Règles (2005) Message du 23 avril 2008 relatif à la modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (FF 2008 3461 3539 3554)

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vigueur pour la Suisse le 24 septembre 199825. En 1986 déjà, la Suisse avait exigé, de concert avec la Suède, un protocole additionnel limitant l'utilisation des armes à laser. Pour des considérations humanitaires, la Suisse s'est engagée en faveur de directives aussi strictes et complètes que possible durant les négociations, déclarant lors de l'adoption de l'instrument qu'elle en «appliquera[it] en tout temps» les dispositions26. Aujourd'hui, l'interdiction en question a également valeur de droit international coutumier27.

En Suisse, l'utilisation de ces armes à laser aveuglantes dans les conflits armés internationaux et non internationaux est explicitement érigée en crime depuis 2011, dans le code pénal (art. 264h, al. 1, let. e) tout comme dans le code pénal militaire (art. 112d, al. 1, let. e). Pour des explications détaillées sur cet état de fait, on se référera au message correspondant28.

5

Conséquences

5.1

Conséquences pour la Confédération

Les principales conséquences sur les finances et sur l'état du personnel ont découlé de l'adhésion de la Suisse au Statut de Rome en 2001 et, dans une moindre mesure, des modifications apportées à plusieurs lois fédérales en 2009 pour mettre en oeuvre ledit statut (on se reportera aux explications données à ce sujet dans les messages correspondants)29. La ratification des présents amendements relatifs aux crimes de guerre ne devrait donc pas avoir de conséquences directes.

La cour pénale peut intervenir uniquement dans les cas où les autorités nationales compétentes n'ont pas la volonté ou les moyens de véritablement poursuivre en justice les auteurs de crimes de guerre commis sur le territoire national ou perpétrés par leurs ressortissants (art. 17 du Statut de Rome). Il est donc possible que les présents compléments à l'art. 8 du Statut de Rome accroissent le nombre d'affaires devant la cour pénale, ce qui pourrait entraîner des coûts dont la Suisse aurait à prendre en charge une quote-part au titre de contribution obligatoire au budget global. La Suisse pourrait toutefois être amenée à supporter ces coûts même sans

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28 29

Protocole additionnel du 13 octobre 1995 à la Convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination; RS 0.515.091.1 Message du 14 mai 1997 concernant le Protocole II révisé et le Protocole IV joints à la Convention de 1980 sur les armes conventionnelles (FF 1997 IV 1 4 s. 19 à 23) Règle 86 de l'étude du CICR sur le droit international humanitaire coutumier: Jean-Marie Henckaerts/Louise Doswald-Beck/CICR (éd.), Droit international humanitaire coutumier. Volume I: Règles (2005) Message du 23 avril 2008 relatif à la modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (FF 2008 3461 3539 3554) Message du 15 novembre 2000 relatif au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, à la loi fédérale sur la coopération avec la Cour pénale internationale ainsi qu'à une révision du droit pénal (FF 2001 359 448 s.) et message du 23 avril 2008 relatif à la modification de lois fédérales en vue de la mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (FF 2008 3461 3558 s.)

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avoir ratifié les amendements, si la cour pénale devait examiner une affaire en relation avec un autre État les ayant ratifiés.

Les ressources humaines actuelles du Service central chargé de la coopération avec la cour pénale à l'Office fédéral de la justice devraient permettre de répondre à d'éventuelles demandes supplémentaires de la cour pénale. Il ne faut donc pas s'attendre à un alourdissement du coût de la coopération de la Suisse avec cette dernière. Là encore, la Suisse pourrait de toute façon avoir à répondre à des demandes supplémentaires même sans avoir ratifié les amendements.

5.2

Conséquences pour la politique étrangère de la Suisse

La ratification des présents amendements au Statut de Rome correspond à des priorités de politique étrangère que la Suisse poursuit de longue date en tant que défenseuse du droit international humanitaire, de la maîtrise des armements et du désarmement. La Suisse lutte contre les armes de destruction massive et pour la répression de l'utilisation des armes qui touchent sans distinction civils et combattants ou qui provoquent des maux superflus ou des souffrances inutiles. Ainsi, elle s'était déjà engagée de façon proactive pour une partie des interdictions concernant les types d'armes en question ici, que la présente pénalisation dans le Statut de Rome vient encore renforcer.

Aux yeux de la Suisse, la lutte contre l'impunité des auteurs des crimes les plus graves à l'échelon international et la justice pour les victimes sont essentielles pour assurer la stabilité et un maintien durable de la paix. Conformément aux objectifs de politique étrangère ancrés dans sa Constitution (Cst.)30, la Suisse apporte ainsi une contribution importante à la coexistence pacifique des peuples, au respect des droits de l'homme, à la lutte contre la pauvreté dans le monde et à soulager des populations dans le besoin (art. 54, al. 2, Cst.).

En ratifiant les présents amendements, la Suisse enverra donc un signal de continuité et renforcera la crédibilité de sa politique étrangère et, partant, la force de réalisation de cette politique dans des domaines prioritaires. On peut en outre s'attendre à ce qu'une ratification par la Suisse pousse d'autres États à lui emboîter le pas, ce qui renforcera encore la position de la Suisse.

5.3

Conséquences dans d'autres domaines

Il est évident que la ratification des amendements au Statut de Rome par la Suisse ne devrait pas avoir de conséquences pour les cantons et les communes ou les centres urbains, les agglomérations et les régions de montagne, ni pour l'économie, l'environnement ou la société. Les questions y relatives n'ont donc pas été examinées.

30

RS 101

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6

Aspects juridiques

6.1

Constitutionnalité

Le projet se fonde sur l'art. 54, al. 1, Cst., qui prévoit que les affaires étrangères relèvent de la compétence de la Confédération. D'autre part, l'art. 184, al. 2, Cst.

confère au Conseil fédéral la compétence de signer des traités internationaux et de les ratifier. Enfin, l'art. 166, al. 2, Cst. donne à l'Assemblée fédérale la compétence de les approuver, à l'exception des traités dont la conclusion relève de la seule compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité international. Dans le cas présent, l'Assemblée fédérale a la compétence d'approuver les amendements apportés à l'art. 8 du Statut de Rome.

6.2

Forme de l'acte à adopter

Les amendements apportés au Statut de Rome étendent la compétence de la cour pénale concernant les crimes de guerre. Après leur ratification, il serait théoriquement possible que la cour pénale exerce un jour sa compétence à l'égard de ces crimes s'ils sont commis sur le territoire suisse ou par un ressortissant suisse (art. 12, par. 2, Statut de Rome) et si la Suisse n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement à bien les poursuites (art. 17, par. 1, let. a, Statut de Rome). Ces amendements constituent donc bien des dispositions générales et abstraites, d'application directe, qui créent des obligations et fixent ainsi des règles de droit conformément à l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement31. Il convient en outre de les qualifier d'importantes, car elles portent sur le droit pénal; les dispositions devraient donc être édictées sous la forme d'une loi fédérale en vertu de l'art. 164, al. 1, Cst.

Ainsi, les compléments apportés à l'art. 8 du Statut de Rome ont valeur de dispositions importantes fixant des règles de droit. L'arrêté fédéral portant approbation des amendements du 14 décembre 2017 au Statut de Rome est donc sujet au référendum au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

31

RS 171.10

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