Stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023

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Introduction

1.1

But

Le recours aux technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les activités privées ou professionnelles transforme les modes actuels de fonctionnement et d'interaction: la société et l'économie ne cessent d'évoluer au contact de ces nouvelles formes de communication. L'administration publique est elle aussi touchée par ce processus de transformation. Elle tire parti des avantages offerts par les TIC pour s'acquitter de manière moderne de ses tâches et ainsi mieux servir la population.

Dans notre système fédéraliste, le traitement d'une procédure administrative implique souvent plusieurs services administratifs. En outre, les autorités d'un même échelon institutionnel fournissent souvent des prestations similaires. Si la numérisation des prestations de l'administration requiert un niveau de coordination élevé, elle recèle en retour un vaste potentiel d'échange d'expériences entre les différents services.

Dans ce contexte, la Confédération, les cantons et les communes définissent dans la stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023 les objectifs qu'ils poursuivent conjointement en matière de numérisation ainsi que les champs d'action qui sont prioritaires pour permettre un pilotage efficace de la transformation numérique de l'administration.

L'accent doit porter sur les champs d'action qui exigent une démarche coordonnée de la Confédération, des cantons et de l'échelon communal afin de garantir le succès de la transformation numérique. Ce succès dépendra notamment de la maîtrise, dans le respect des compétences des différents échelons institutionnels, des défis transversaux, tels que la définition d'une politique publique des données.

La présente stratégie suisse de cyberadministration remplace celle de 2016.

1.2

Collaboration actuelle en matière de cyberadministration

En 2008 sont entrées en vigueur la première stratégie suisse de cyberadministration commune à la Confédération, aux cantons et aux communes, et la convention-cadre pour les années 2008 à 2015. Composé de représentants de la Confédération, des cantons et des communes, le comité de pilotage a conduit la mise en oeuvre de la stratégie au moyen d'un catalogue des projets prioritaires. Dans le cadre d'une convention-cadre légèrement modifiée et entrée en vigueur en 2012, la Confédération et les cantons ont commencé à mettre à disposition conjointement des moyens financiers annuels afin de faire avancer plus rapidement certains projets du catalogue. Pendant les huit premières années de la collaboration, des jalons importants ont été posés pour l'administration numérique: la plateforme pour l'échange sécurisé de données (sedex) a été mise en place, et le numéro AVS à treize chiffres (NAVS13) ainsi que le numéro d'identification des entreprises ont été introduits et ont permis de simplifier l'inscription de personnes et d'entreprises dans les registres 8268

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d'autorités. Durant cette période, les particuliers et les entreprises ont bénéficié de nouvelles possibilités pour effectuer leurs démarches administratives par voie électronique, comme transmettre leur déclaration d'impôt, commander des documents officiels, déposer des demandes de permis de construire ou encore signaler des délits mineurs à la police. En 2016 sont entrées en vigueur une nouvelle stratégie et une nouvelle convention-cadre, qui ont mis l'accent sur les activités communes et renforcé le soutien financier. Sur le plan de l'organisation, un organe chargé du pilotage opérationnel a été créé, conférant aux spécialistes de la cyberadministration et de l'informatique des trois niveaux institutionnels une plus grande influence sur la mise en oeuvre de la stratégie. Parmi les résultats de la période stratégique allant de 2016 à 2019, on peut citer par exemple le déploiement d'eDéménagement, le lancement du portail pour les entreprises EasyGov, la mise en place du décompte entièrement électronique de la TVA, la création de la société eOperations Suisse SA pour l'exploitation commune de solutions de cyberadministration ou encore l'adoption de la loi «e-ID».

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La chronologie suivante donne un aperçu partiel des jalons de la collaboration en matière de cyberadministration pour les années 2008 à 2019:

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1.3

État d'avancement de la cyberadministration en Suisse

Aujourd'hui, Internet est accessible presque toujours et partout en Suisse: plus de 90 % des ménages suisses disposent d'un accès Internet et près de 80 % de la population totale possède un smartphone permettant de se connecter à Internet en déplacement1. Au fil du temps, il est devenu toujours plus simple d'accéder au monde virtuel et la population suisse a adopté de nouvelles formes de communication au quotidien. Les messages envoyés par les réseaux sociaux sont en passe de remplacer les SMS, plus des deux tiers de la population font aussi leurs achats sur Internet et les paiements en ligne sont devenus monnaie courante2.

Prestations de cyberadministration L'interaction électronique avec les autorités s'est elle aussi imposée en Suisse. C'est particulièrement vrai pour la prise de contact avec des autorités ou la recherche d'informations, pour laquelle trois quarts des particuliers optent pour le canal électronique3. Le recours aux services en ligne des autorités est toutefois un peu moins répandu en Suisse (un peu plus de la moitié de la population). Ce résultat s'explique notamment par les obstacles en lien avec ce type de transaction, soit que les offres existantes ne soient pas trouvées, soit qu'elles ne soient pas comprises. Il arrive aussi que des processus soient initiés par voie électronique, mais menés à terme en personne ou par correspondance. En effet, de nombreux processus ne sont pas encore disponibles sous une forme entièrement électronique. Dans les sondages à ce sujet, la population et les entreprises déclarent cependant être disposées à utiliser davantage les services en ligne des autorités. Il est donc important que l'administration continue de développer au cours des prochaines années son offre de services en ligne et la possibilité de participer à la vie publique au moyen des canaux électroniques, tout en améliorant leur convivialité.

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www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > Culture, médias, société de l'information, sport > Société de l'information > Ensemble des indicateurs > Ménages et population > Accès des ménages à internet; www.comparis.ch > Médias > Archives > Domaine: Télécommunications > «Trois Suisses sur quatre ont adopté le smartphone» du 22 février 2016 www.nau.ch > Rechercher: «Social-Media-Nutzung in der Schweiz und weltweit»; www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > Culture, médias, société de l'information, sport > Société de l'information > Ensemble des indicateurs > Ménages et population > E-commerce et e-banking www.bfs.admin.ch > Trouver des statistiques > Culture, médias, société de l'information, sport > Société de l'information > Ensemble des indicateurs > Administration publique > Interactions avec l'administration

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Services de base La Suisse possède le réseau de téléphonie mobile le plus étendu au monde ainsi que la densité la plus élevée de raccordements à large bande4. Ces infrastructures sont essentielles pour la diffusion et l'utilisation des prestations de cyberadministration.

Notre pays a déjà mis en place des services de base indispensables pour la cyberadministration comme la plateforme pour l'échange sécurisé de données (sedex). Le recours aux services en ligne des autorités serait simplifié si d'autres services de base étaient disponibles, comme l'identité électronique reconnue par l'État pour une identification sécurisée, la réception et l'envoi électroniques de documents ou des fichiers de données conjoints pour le remplissage automatique au moyen d'informations existantes. Ces services de base sont actuellement en phase d'élaboration ou même déjà disponibles au sein de l'administration fédérale, dans certains cantons et certaines villes, mais la Suisse dans son ensemble est ici en retard. Des études internationales montrent que les États disposant de services de base bien conçus sont à la pointe en termes de cyberadministration. L'efficacité de la cyberadministration dépend également de structures assurant la transmission sécurisée des données entre autorités. La Suisse recèle dans ce domaine un fort potentiel de progression de la transformation numérique de l'administration.

Bases légales Depuis 2008, Confédération, cantons et communes collaborent de manière institutionnalisée à la mise en oeuvre de la cyberadministration en Suisse en appliquant une stratégie commune en la matière. Dans cette optique, ils ont fondé l'organisation «Cyberadministration suisse» pilotée par des représentants politiques des trois niveaux de l'État. Les compétences de l'organisation «Cyberadministration suisse» sont définies dans la convention-cadre de droit public concernant la collaboration en matière de cyberadministration, dont la première version avait été signée en 2007 par le Conseil fédéral et la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC). La convention-cadre régit également le financement conjoint de projets au moyen d'un budget mis à disposition pour moitié par la Confédération et pour moitié par les cantons. La décision de mise en oeuvre d'un projet ou de l'introduction d'un nouveau service de
cyberadministration incombe cependant à l'autorité concernée: la convention-cadre ne définit aucune obligation en la matière, et l'organisation «Cyberadministration suisse» ne possède aucune compétence décisionnelle vis-à-vis de la Confédération, des cantons ou des communes. Ce mécanisme de mise en oeuvre reposant sur une base volontaire, il empêche une progression rapide du numérique, comme l'ont admis le Conseil fédéral et la CdC. Le grand nombre d'acteurs impliqués actuellement dans les thèmes en lien avec la cyberadministration et le numérique entraîne également des doublons et des incertitudes quant aux compétences.

Aussi l'accélération de la mise en oeuvre de la cyberadministration en Suisse impose-t-elle notamment de revoir l'organisation et les bases légales.

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www.weforum.org > Rechercher: «The Global Information Technology Report 2016»

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Confiance En Suisse, la population et les entreprises font en général largement confiance à l'État et aux instances politiques. Les services en ligne des autorités jouissent à l'heure actuelle d'une grande confiance: environ 66 % de la population et près de 75 % des entreprises font confiance aux services en ligne des autorités en ce qui concerne la protection de la personnalité et des données5. Ces dernières années, le débat public en lien avec le rôle de l'État en matière de transition numérique a pris de l'ampleur. Des rapports sur l'échec de projets informatiques au sein de l'administration ou sur l'existence de failles de sécurité dans certains projets de cyberadministration comme le vote électronique ont amené à porter un regard plus critique sur la numérisation des processus administratifs. Il importe d'autre part que les collaborateurs des services publics aient eux aussi confiance dans le développement du numérique afin que les projets de cyberadministration, souvent synonymes de modification des habitudes de travail, soient soutenus à l'interne. Une politique d'information transparente, adaptée au public cible et combinée à une transmission ciblée des connaissances, est indispensable pour renforcer cette confiance.

Ces quatre éléments ­ prestations de cyberadministration, services de base, bases légales et confiance ­ revêtent une importance capitale pour la poursuite de la transformation numérique des pouvoirs publics aux échelons fédéral, cantonal et communal. Dans cette optique, la présente stratégie suisse de cyberadministration 2020­ 2023 retient les quatre champs d'action suivants comme cadre de référence pour les mesures stratégiques: «interaction et participation», «services de base et infrastructure», «organisation et bases légales» et «confiance et connaissance» (voir chap. 4).

1.4

Élaboration et bases

Le comité de pilotage de la cyberadministration suisse a décidé de revoir la stratégie 2016-2019 au milieu de l'exercice, en raison notamment de l'adoption en octobre 2017 de la déclaration de Tallinn relative à la cyberadministration. En signant ce document, la Suisse et 31 autres pays de l'Union européenne (UE) et de l'Association européenne de libre-échange (AELE) ont réaffirmé leur volonté de poursuivre la transformation numérique de l'administration et d'encadrer le changement de culture que ce processus implique.

En 2017, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral des finances et la Chancellerie fédérale de préparer les éléments de base en vue de l'établissement de la prochaine stratégie de cyberadministration. Dans la foulée du mandat du Conseil fédéral, la CdC a décidé d'édicter des lignes directrices cantonales pour le développement de la cyberadministration. La finalisation de ces deux documents a été coordonnée en 2018 par les instances de «Cyberadministration suisse» et de la CdC avec la participation de spécialistes en cyberadministration de tous les échelons institutionnels. La CdC a adopté les lignes directrices des cantons relatives à l'administration numérique lors de sa séance plénière du 27 septembre 2018, tandis 5

www.egovernment.ch > Plan du site > Documentation > Études > Étude nationale sur la cyberadministration 2019

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que le Conseil fédéral a adopté le 14 novembre 2018 les bases de la stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023, élaborées par le comité de pilotage. Ces bases comprennent l'idée directrice, les sept principes et les quatre champs d'action de la présente stratégie.

L'organisation «Cyberadministration suisse» a préparé ces bases en se référant à des études nationales ou internationales et en tenant compte des lignes directrices des cantons relatives à l'administration numérique. Les principes énoncés dans la déclaration de Tallinn et résumés ci-après constituent eux aussi une référence importante.

Les six principes de la déclaration européenne sont ambitieux: le canal électronique passe du statut de simple option à celui de premier canal de fourniture d'informations, de services et de participation aux processus politiques (principe du numérique par défaut, de la participation et de l'accessibilité). Ces principes préconisent l'échange systématique et transfrontalier des données entre services publics afin d'alléger la charge administrative des particuliers et des entreprises en évitant la saisie récurrente de données identiques auprès de diverses autorités (principe once only, soit «une fois seulement»). La sécurité de l'information et la protection de la sphère privée dans le cadre de l'implémentation des services électroniques sont considérées comme prioritaires. À cet égard, il convient d'améliorer l'acceptation des systèmes gouvernementaux d'identification électronique et leur convivialité (principe de fiabilité et de sécurité). La population et les entreprises doivent avoir la possibilité de vérifier et de maîtriser les données personnelles transmises à l'administration publique (principe d'ouverture et de transparence). La mise en place et l'utilisation de services électroniques transfrontaliers jouent un rôle prépondérant.

Dans cette perspective, il convient de coordonner les systèmes techniques, la sémantique des informations destinées à être échangées ainsi que les architectures métier et informatiques (principe de l'interopérabilité par défaut). Finalement, les signataires se sont engagés à améliorer les compétences numériques à tous les niveaux de l'administration publique afin de favoriser la transition numérique des autorités (mesures horizontales de mise en oeuvre).
L'ensemble des principes de Tallinn sont repris dans l'idée directrice de la présente stratégie, dans ses principes et dans ses champs d'action.

La stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023 précise plusieurs champs d'action définis par la stratégie «Suisse numérique» du Conseil fédéral 6.

1.5

Destinataires de la stratégie

La mise en oeuvre de la stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023 incombe à l'organisation «Cyberadministration suisse» qui réunit Confédération, cantons et communes. Cette stratégie s'adresse aux responsables politiques, à la société et aux administrations publiques, en particulier aux services fédéraux, aux administrations cantonales et communales ainsi qu'aux responsables de prestations visés dans le plan de mise en oeuvre de la présente stratégie. Cette stratégie servira aussi de réfé6

www.ofcom.admin.ch > Suisse numérique et internet > Suisse numérique > Stratégie Suisse numérique

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rence aux organisations de droit privé et de droit public qui participent à la mise en oeuvre.

1.6

Cadre légal

La numérisation de l'administration est encadrée juridiquement à plusieurs égards.

Les dispositions qui régissent l'utilisation et le traitement des données ainsi que la fourniture des services électroniques revêtent ici une importance particulière, aussi la bonne mise en oeuvre des projets de cyberadministration suppose-t-elle d'en tenir compte suffisamment tôt, surtout lorsqu'elles touchent à la protection des données et à la sécurité de l'information, à l'archivage ou encore à l'accessibilité.

Dans le cadre de la présente stratégie, l'organisation «Cyberadministration suisse» s'engage en faveur d'une collaboration étroite entre spécialistes de la cyberadministration et experts en matière de protection des données, de sécurité de l'information, d'archivage et d'accessibilité numérique (voir aussi le chap. 3.5, Échanges et collaboration).

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Idée directrice: priorité au numérique

La Confédération, les cantons et les communes travaillent depuis dix ans à la numérisation des services et prestations de l'administration, avec un canal électronique existant en parallèle du canal analogique, à titre d'option. Pour assurer la transition vers la cyberadministration, la Confédération, les cantons et les communes proposeront à l'avenir un canal électronique doté d'avantages tels qu'il deviendra nécessairement le premier choix de la population et des entreprises. Les trois niveaux institutionnels proposent ainsi systématiquement des informations et des services sous forme électronique, en veillant à une compatibilité maximale avec les appareils mobiles. Ils améliorent la diffusion et l'accessibilité de leurs services en ligne et assurent des processus entièrement électroniques, en veillant toutefois à ne pas porter atteinte au droit à l'autodétermination informationnelle.

Par la présente stratégie, la Confédération, les cantons et les communes poursuivent une idée directrice qui se décline comme suit: a)

La Confédération, les cantons et les communes donnent la priorité à l'interaction numérique sur l'offre analogique lorsqu'ils s'adressent à la population et aux entreprises, augmentant ainsi l'accès aux prestations et la transparence de leur action.

b)

La Confédération, les cantons et les communes misent sur des prestations administratives entièrement numériques pour accomplir leurs tâches, améliorant ainsi l'efficience et la qualité de l'exécution de leurs prestations.

c)

La Confédération, les cantons et les communes veillent à une mise en oeuvre inclusive de façon à prévenir le risque d'une fracture numérique. Ils veillent également à limiter l'impact environnemental de la cyberadministration.

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Principes

Les sept principes exposés ci-après ont été formulés pour guider les projets du futur plan de mise en oeuvre stratégique. Ils fixent le cadre de la mise en oeuvre des mesures à prendre dans les quatre champs d'action définis: «interaction et participation», «services de base et infrastructure», «organisation et bases légales», «confiance et connaissance».

La Confédération, les cantons et les communes sont tenus d'appliquer ces principes dans leurs projets de numérisation des processus, des prestations et des canaux de communication.

3.1

Services et informations adaptés aux publics cibles

La Confédération, les cantons et les communes fournissent à la population et aux entreprises des informations et services numériques conviviaux, adaptés aux publics cibles, standardisés et économes en ressources.

Près des trois quarts de la population sont satisfaits des services électroniques des autorités suisses7. Toutefois, la comparaison sur le long terme montre que le recours aux services en ligne stagne en raison de problèmes persistants d'accessibilité aux prestations de cyberadministration. Si la notoriété a augmenté, près de 45 % de la population déclare néanmoins ne pas connaître les offres en ligne. La continuité ainsi que l'intelligibilité des services électroniques du point de vue du contenu et de la langue font souvent l'objet de critiques. Lorsqu'elles procèdent à la numérisation de leurs services, les administrations doivent donc se concentrer sur les besoins des utilisateurs et respecter les directives relatives à la convivialité et à l'accessibilité.

3.2

Processus automatisés et continus

La Confédération, les cantons et les communes mettent en place pour les entreprises des processus largement automatisés, notamment en ce qui concerne la transmission de données au moyen d'interfaces dans le cadre de processus récurrents. Ils fournissent des services qui ne nécessitent aucune action de la part des personnes ou entreprises concernées (procédures automatiques).

L'automatisation et la continuité des processus accélèrent leur traitement, pour l'administration comme pour les utilisateurs.

Lorsqu'elles procèdent à la numérisation de leurs processus administratifs, les autorités doivent examiner s'il est possible d'automatiser en tout ou partie les processus en question et si cette automatisation apporte une plus-value aux utilisateurs et à l'administration.

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www.egovernment.ch > Documentation > Études > eGovernment Monitor 2018 (en allemand)

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Cette automatisation des processus suppose à la fois une gestion commune des données par les autorités de tous les niveaux institutionnels et l'existence de bases légales qui autorisent une telle gestion commune.

3.3

Gestion commune des données

La Confédération, les cantons et les communes coordonnent leurs registres afin que la population et les entreprises ne doivent saisir leurs données qu'une seule fois, ces données étant stockées à un seul endroit.

La déclaration de Tallinn relative à la cyberadministration, que la Suisse a signée en octobre 2017, demande que la population et les entreprises ne transmettent leurs données aux autorités qu'une seule fois. Ce principe simplifie le traitement des démarches administratives pour les utilisateurs, qui ne doivent plus rechercher ou fournir des données déjà transmises. Une gestion commune des données permet à l'administration d'économiser des ressources et d'améliorer la qualité des données.

Pour ce faire, il convient de mettre en place des registres de base consultables par les autorités de tous les niveaux institutionnels pour l'accomplissement des tâches qui leur incombent en vertu de la loi. La mise en place de registres partagés requiert des bases légales.

Pour les projets recourant à des données disponibles, les autorités doivent utiliser les registres existants ou prendre les mesures pour pouvoir les utiliser. Pour autant que cela soit possible et judicieux, elles privilégieront des solutions de mise en réseau par rapport à la création de registres centralisés et uniques.

Tant qu'aucune politique publique des données n'aura été clairement définie, les autorités seront libres de décider des conditions d'accès, de stockage et de réutilisation des données dont elles ont la responsabilité, dans le respect des principes de souveraineté et de sécurité.

3.4

Ouverture et transparence

La Confédération, les cantons et les communes fournissent les données dans des formats lisibles par ordinateur et ouverts en vue d'une libre utilisation, dans la mesure où la loi le permet. Les particuliers et les entreprises peuvent consulter leurs données utilisées par l'administration et les gérer eux-mêmes si cela s'avère judicieux.

Un libre accès aux données administratives favorise la transparence et la participation, renforce le sens des responsabilités et contribue à la création de valeur par la promotion des innovations ou de nouveaux modèles commerciaux. En souscrivant à la déclaration de Tallinn, les États signataires demandent la traçabilité de l'utilisation des données par les autorités.

Dans cette optique, les données doivent être traitées en vue de leur libre utilisation dès le début des projets de numérisation et mises à disposition sur des plateformes prévues à cet effet, par exemple sur le portail Open Government Data ou sur 8277

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l'infrastructure fédérale de données géographiques. Les administrations publiques doivent concevoir leurs services aux particuliers et aux entreprises de façon à leur permettre de suivre l'accès à leurs données par les autorités.

Les données personnelles doivent être préparées de sorte que les personnes concernées puissent y accéder électroniquement, les gérer elles-mêmes et en autoriser ou non la transmission à des tiers. La réutilisation des données doit s'inscrire dans un cadre équitable, proportionné et non discriminatoire.

3.5

Échanges et collaboration

La Confédération, les cantons et les communes favorisent des échanges réguliers et ciblés d'informations et d'expériences afin d'exploiter les synergies et les possibilités de collaboration.

La compétence en matière de numérisation d'un processus administratif incombe à l'autorité qui fournit le service en question. Les processus touchant toutefois souvent plusieurs domaines et niveaux institutionnels, la réussite de la numérisation dans le cadre de projets de cyberadministration dépend étroitement des échanges horizontaux et verticaux. La mise en oeuvre des projets de numérisation comprend toujours son lot de précurseurs et de retardataires. L'autonomie voulue par le fédéralisme helvétique ne se révèle bénéfique que si les administrations publiques partagent leurs bons exemples et leurs expériences.

Il s'avère dès lors indispensable d'élaborer un plan favorisant les échanges réguliers et ciblés d'informations entre administrations dans tout projet de cyberadministration. Les échanges interdisciplinaires sont eux aussi nécessaires au développement de solutions durables: outre les experts en numérisation et les responsables de processus, il convient d'impliquer dans les projets de manière à la fois systématique et précoce des spécialistes du droit, de la protection des données, de la sécurité de l'information et de l'archivage.

3.6

Standardisation et interopérabilité

La Confédération, les cantons et les communes misent sur des solutions standard et des interfaces ouvertes. Ce faisant, ils permettent une numérisation durable et économique des prestations et des processus administratifs, ainsi que la transmission continue des données entre autorités de tous les niveaux institutionnels.

Les États signataires de la déclaration de Tallinn relative à la cyberadministration souhaitent encourager l'utilisation transfrontalière de prestations administratives numériques et de services de base grâce à des systèmes interopérables. Ce principe joue aussi un rôle déterminant en Suisse, puisque des processus efficients et économiques à tous les niveaux institutionnels requièrent de facto l'application de normes reconnues et une garantie d'interopérabilité.

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Le principe d'interopérabilité recouvre aussi bien la compatibilité technique des systèmes que la conformité matérielle des informations destinées à être échangées et la coordination des objectifs en matière d'architectures métier et informatique.

3.7

Promotion de l'innovation et veille technologique

La Confédération, les cantons et les communes suivent activement les progrès technologiques et examinent leur mise en oeuvre dans le cadre de la numérisation des processus administratifs. Ils encouragent les projets innovants basés sur les nouvelles technologies.

Les nouvelles technologies et les approches innovantes comme l'intelligence artificielle, l'apprentissage automatique ou encore la blockchain améliorent l'attrait et la convivialité des prestations administratives électroniques.

Les autorités doivent examiner les avantages et les risques liés aux nouvelles technologies à petite échelle, dans le cadre de projets pilotes, afin de développer et d'optimiser des solutions innovantes pour la cyberadministration.

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Champs d'action

La stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023 ne commence pas à zéro: la transition numérique bat son plein au sein de l'administration, et les technologies de l'information et de la communication sont déjà monnaie courante pour de nombreux processus et services (voir aussi le chap. 1.3). La plupart des administrations publiques sont expérimentées en matière de cyberespace et fournissent des services électroniques à la satisfaction de la grande majorité de la population et des entreprises en Suisse8. En comparaison internationale toutefois, la Suisse ne se situe que dans la moyenne voire affiche un net retard par rapport à d'autres États dans les différents domaines liés à la cyberadministration, raison pour laquelle il s'avère nécessaire d'agir ces prochaines années. Dans cette optique, la présente stratégie définit quatre champs d'action offrant un cadre pour la réalisation des objectifs stratégiques formulés ci-après au chapitre 5.

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Objectifs stratégiques

5.1

Développer des offres numériques en matière d'interaction et de participation à l'échelle nationale

La cyberadministration ne peut réussir que si les services qu'elle propose sont utilisés. À l'heure actuelle, le principal obstacle au recours accru aux prestations de cyberadministration réside dans leur manque de notoriété, d'intelligibilité ou de continuité. La comparaison internationale montre en outre que la population et les entreprises en Suisse ne disposent pour l'instant que de rares possibilités de participation électronique à la vie publique. Par leurs activités conjointes, la Confédération, les cantons et les communes ont donc pour objectif de poursuivre la numérisation des prestations administratives dans toute la Suisse, d'améliorer leur convivialité et de créer de nouveaux canaux électroniques permettant de participer aux activités politiques et administratives.

Thèmes: Services en ligne, participation, accès

5.2

Mettre en place des services de base nationaux pour la cyberadministration

Les services de base de la cyberadministration sont indispensables au traitement convivial et efficient des processus électroniques. La mise en place de services et d'infrastructures pour la gestion des identités et des accès ainsi que pour l'utilisation et la gestion des données revêt à cet égard une importance capitale. Or, d'après certaines études, la Suisse accuse un certain retard en la matière par rapport à la moyenne européenne. Aussi la Confédération, les cantons et les communes doiventils se donner pour objectif commun d'établir des services de base nationaux et une identité électronique reconnue par l'État, d'élaborer une stratégie de gestion commune des données et de mettre en place des registres conjoints. Des modèles de financement et d'exploitation de solutions bénéficiant à tous doivent être examinés suffisamment tôt (voir aussi le chap. 5.3).

Thèmes: Gestion des identités et des accès, données, normes

5.3

Réglementer de manière contraignante la collaboration nationale en matière de transformation numérique

La cyberadministration est avant tout une question d'organisation, plutôt que de technologie. La définition des processus, la clarification des compétences et des interdépendances ainsi que la création des bases légales s'avèrent prioritaires, notamment dans les projets d'échelle nationale. Il en va de même pour les modèles de financement et d'exploitation qui doivent être établis pour le développement, l'acquisition et l'exploitation de solutions et de systèmes bénéficiant à tous. Les rôles incombant à chaque niveau institutionnel et à leurs autorités respectives dans la 8281

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numérisation de l'administration, tout comme les modalités d'une collaboration plus contraignante pour les divers acteurs, font depuis longtemps l'objet de discussions et s'inscrivent dans un projet commun de la Confédération et des cantons. Par leurs activités conjointes, la Confédération, les cantons et les communes doivent donc poursuivre l'objectif de répondre aux questions portant sur l'organisation et les bases légales générales, et d'adopter à cet égard des solutions contraignantes (voir aussi le chap. 6, Mise en oeuvre).

Thèmes: Organisation, droit, architecture

5.4

Développer la connaissance du numérique par l'administration et renforcer la confiance

La numérisation entraîne de nombreux changements pour la société dans son ensemble. S'ils simplifient le quotidien, ces changements représentent aussi des défis.

En Suisse, l'État n'est pas le moteur de la transformation numérique même s'il y participe activement. L'administration fournit des prestations électroniques fiables auxquelles la population et les entreprises font confiance, raison pour laquelle le canal électronique peut devenir le premier choix pour le traitement d'une procédure administrative. Déjà adoptée par 70 % de la population, la télédéclaration fiscale constitue un exemple réussi de cette évolution. Il importe d'autre part que les collaborateurs des services publics fassent eux aussi confiance au numérique afin que les projets de cyberadministration, souvent synonymes de modification des habitudes de travail, soient soutenus à l'interne. Par leurs activités conjointes, la Confédération, les cantons et les communes ont donc pour objectif de transmettre les connaissances en lien avec la cyberadministration de manière adaptée aux publics cibles, notamment aux utilisateurs au sein de la population et des entreprises, tout comme aux acteurs chargés de la mise en oeuvre parmi les cadres et les collaborateurs des services publics, de manière à renforcer la confiance dans la cyberadministration.

L'administration doit en outre favoriser à l'interne la compréhension des nouvelles technologies et de leurs effets sur l'homme et l'environnement, et développer les connaissances et capacités nécessaires pour permettre le recours aux nouvelles méthodes et formes de travail numériques et rendre possible un changement de culture dans l'administration tout entière.

Thèmes: Confiance, connaissance, changement de culture

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Mise en oeuvre

Dans la stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023, le Conseil fédéral, la CdC ainsi que l'Union des villes suisses et l'Association des communes suisses définissent leurs ambitions en matière de cyberadministration.

Un plan de mise en oeuvre, élaboré conjointement par des spécialistes en cyberadministration de tous les niveaux institutionnels, sert d'instrument pour la mise en oeuvre de la présente stratégie. Ce plan est assorti d'objectifs de mise en oeuvre et de me8282

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sures. Le comité de pilotage l'adoptera après l'entrée en vigueur de la stratégie suisse de cyberadministration 2020­2023 au début de l'année 2020.

En 2008, le Conseil fédéral et les cantons, représentés par la CdC, ont conclu une convention-cadre de droit public afin de définir les compétences et les rôles dans le cadre de la collaboration en matière de cyberadministration. Jusqu'à présent, les cantons s'y sont référés pour assurer la coordination de leurs communes dans ce domaine au moyen de divers modèles de collaboration.

Le Conseil fédéral et la CdC ont décidé de reconduire pour deux ans au plus la convention-cadre de droit public concernant la collaboration en matière de cyberadministration pour les années 2016 à 2019 moyennant de légères modifications. En effet, les deux parties ont annoncé au printemps 2019 vouloir examiner la création de bases légales plus contraignantes dans les domaines du numérique et de la cyberadministration. En consultant les communes, elles ont lancé dans cette optique un projet conjoint portant sur la clarification des aspects tant juridiques qu'organisationnels. Au terme de ce projet, les travaux d'élaboration d'une nouvelle base légale et, partant, de la définition de la future organisation «Cyberadministration suisse» devraient probablement démarrer en 2020 dans le cadre de la présente stratégie. La convention-cadre sera donc valable jusqu'au 31 décembre 2020, puis sa durée d'application sera prolongée d'une année, pour autant qu'aucune des deux parties ne la dénonce.

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