19.053 Message concernant l'approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et la Corée du 20 septembre 2019

Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, Par le présent message, nous vous soumettons le projet d'un arrêté fédéral portant approbation d'un protocole modifiant la convention contre les doubles impositions entre la Suisse et la Corée, en vous priant de l'adopter.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Présidente, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l'assurance de notre haute considération.

20 septembre 2019

Au nom du Conseil fédéral suisse: Le président de la Confédération, Ueli Maurer Le chancelier de la Confédération, Walter Thurnherr

2019-1876

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Condensé Étant donné que la lutte contre l'évasion fiscale injustifiée des sociétés multinationales est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale, l'Organisation de coopération et de développement économiques) a lancé en 2013, en collaboration avec le G20, un projet de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (Base Erosion and Profit Shifting, BEPS).

En 2015, ce projet a abouti à la publication de plusieurs rapports.

Certains de ces rapports contiennent des propositions de dispositions visant à modifier les conventions actuelles contre les doubles impositions (CDI), notamment des dispositions portant sur la mise en oeuvre des standards minimaux contre l'utilisation abusive des conventions fiscales et sur l'amélioration du règlement des différends. Dans le but de mettre en oeuvre ces modifications rapidement et de manière efficiente, un groupe de plus de 100 États et territoires, parmi lesquels la Suisse, a créé un instrument multilatéral (convention BEPS). Près de 70 États et territoires, dont la Suisse, ont signé la convention BEPS le 7 juin 2017.

Les discussions que les représentants de la Suisse et de la Corée (du Sud) ont eues au sujet des conséquences concrètes de la convention BEPS sur la CDI entre les deux pays (CDI-KR) ont révélé qu'ils ne sont pas prêts à s'accorder sur la teneur exacte des modifications que la convention BEPS apporterait à la CDI-KR. C'est pourquoi il a été décidé que la prise en compte dans la CDI-KR des mesures du projet BEPS relatives aux conventions fiscales ne se ferait pas par l'intermédiaire de la convention BEPS, mais par celui d'un protocole de modification bilatéral.

Ce protocole de modification a été signé le 17 mai 2019. Les cantons et associations économiques intéressées ont accueilli favorablement la conclusion du protocole de modification.

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Message 1

Présentation de l'accord

1.1

Contexte, déroulement et résultats des négociations

Il existe entre la Suisse et la Corée (du Sud) une convention en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune1 (CDI-KR).

Elle a été signée le 12 février 1980 et amendée le 28 décembre 2010 une première fois.

Le 7 juin 2017, la Suisse a signé la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir lérosion de la base dimposition et le transfert de bénéfices2 (convention BEPS, aussi appelée instrument multilatéral). La convention BEPS contient une série de dispositions visant à modifier les conventions contre les doubles impositions (CDI) en vigueur. Certaines de ces dispositions servent à mettre en oeuvre les standards minimaux fixés dans le cadre des actions 6 et 14 du projet BEPS.

En vue de signer la convention BEPS, la Suisse et la Corée ont discuté de la mise en oeuvre bilatérale de cette dernière. La Corée n'était pas prête à s'accorder avec la Suisse sur la teneur exacte des modifications que la convention BEPS apporterait à la CDI-KR. Étant donné quil sagit pour la Suisse dune condition nécessaire à lapplication de la convention BEPS, les deux États contractants ont décidé dadapter la CDI-KR aux résultats du plan daction BEPS non pas au moyen de la convention BEPS, mais au moyen dun protocole modifiant la CDI-KR.

Les négociations concernant ce protocole (protocole modifiant la CDI-KR) ont pu être conclues en septembre 2017. Les cantons et associations économiques intéressées ont été consultés en novembre 2017 sur sa conclusion et l'ont accueillie favorablement. Le protocole modifiant la CDI-KR a pu être signé le 17 mai 2019.

1.2

Appréciation

Le protocole modifiant la CDI-KR contient exclusivement des dispositions qui y auraient été reprises si la Suisse et la Corée avaient décidé que la CDI était couverte par la convention BEPS. Il existe donc un rapport au niveau du contenu entre le protocole et la convention BEPS, mais pas de lien direct.

La CDI-KR, dans sa version modifiée par le protocole, sera conforme aux standards minimaux fixés en matière de conventions contre les doubles impositions dans le cadre du projet BEPS.

1 2

RS 0.672.928.11 www.oecd.org > Fiscalité > Conventions fiscales > Convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir le BEPS.

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Cela vaut également à propos de l'élément 3.3 du standard minimal de l'action 14 du projet BEPS3. Selon cet élément, les pays devraient insérer dans leurs conventions contre les doubles impositions la deuxième phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)4. Cette disposition prévoit que les accords amiables sont appliqués quels que soient les délais prévus par le droit interne des États contractants. Si un État ne peut pas insérer cette disposition dans ses conventions contre les doubles impositions, il doit, pour satisfaire au standard minimal, être prêt à adopter d'autres dispositions conventionnelles dans le cadre de négociations qui limitent le délai pendant lequel les bénéfices d'une entreprise associée et d'un établissement stable peuvent être ajustés. Cette procédure alternative ne peut être conclue au moyen de la convention BEPS.

En principe, la Suisse n'insère pas la deuxième phrase de l'art. 25, par. 2, du modèle de convention de l'OCDE dans ses CDI. Par conséquent, la délégation suisse chargée des négociations qui ont abouti à la conclusion du protocole modifiant la CDIKR a soumis à la délégation de la Corée des propositions dans le but de limiter le délai pendant lequel les bénéfices d'une entreprise associée et d'un établissement stable peuvent être ajustés. La Corée n'était toutefois pas disposée à limiter l'ajustement des bénéfices dans le temps. Aucune disposition à ce sujet ne figure donc dans le protocole. Néanmoins, le fait que la Suisse ait été disposée à insérer une telle disposition suffit pour que les critères de l'élément 3.3 de l'action 14 du projet BEPS soient considérés comme remplis. La Suisse a montré sa bonne volonté.

Par conséquent, la CDI-KR respecte ce standard minimal.

En sa qualité de membre de l'OCDE, la Suisse s'est engagée à reprendre dans ses CDI toutes les dispositions qui constituent un standard minimal du projet BEPS. Elle a franchi un nouveau pas dans cette direction en concluant le protocole modifiant la CDI-KR.

2

Commentaires des dispositions du protocole

Art. I du protocole modifiant la CDI-KR L'art. I complète le préambule de la CDI-KR par deux nouvelles dispositions.

Celles-ci ont été élaborées dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS et sont inscrites à l'art. 6 de la convention BEPS.

La première disposition additionnelle (art. 6, par. 3, de la convention BEPS) ajoute un autre motif à la CDI-KR, à savoir promouvoir les relations économiques entre les États contractants et améliorer leur coopération en matière fiscale.

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4

OCDE (2016), Accroître l'efficacité des mécanismes de règlement des différends, Action 14 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris.

OCDE (2018), Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune : Version abrégée 2017, Éditions OCDE, Paris.

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La seconde disposition nouvelle (art. 6, par. 1, de la convention BEPS) établit clairement que la Suisse et la Corée n'avaient pas l'intention, en concluant la CDI, de créer des possibilités de non-imposition ou d'imposition réduite par la fraude ou l'évasion fiscales. En d'autres termes, la CDI-KR vise également à éliminer la double non-imposition. Cette règle n'a pas une portée générale mais s'applique uniquement si la double non-imposition résulte de la fraude ou de l'évasion fiscales. De cette manière, on tient compte du fait qu'il existe des situations de double nonimposition voulues, par exemple des dividendes distribués à des sociétés du même groupe. En pareil cas, la double non-imposition permet d'éviter des charges économiques multiples indésirables.

La première disposition ne constitue pas un standard minimal du projet BEPS. En revanche, il est nécessaire d'inscrire la seconde dans le protocole modifiant la CDI-KR pour respecter le standard minimal fixé par l'action 6 du projet BEPS.

Art. II du protocole modifiant la CDI-KR Cet article prévoit une modification de la première phrase de l'art. 24, par. 1, CDIKR, qui règle la demande d'une procédure amiable. Il porte en particulier sur la question de savoir auprès de laquelle des deux autorités compétentes une demande de procédure amiable doit être présentée.

Selon la disposition en vigueur, lorsqu'une personne estime que les mesures prises par un État contractant ou par les deux États contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme à la CDI-KR, elle peut soumettre son cas à l'autorité compétente de l'État contractant dont elle est un résident. Cette règle ne s'applique pas aux cas qui relèvent de l'art. 24, par. 1, CDI-KR, lequel vise à éviter une discrimination fiscale fondée sur la nationalité. Dans pareille situation, la personne peut soumettre son cas à l'autorité compétente de l'État contractant dont elle possède la nationalité.

La première phrase de l'art. 24, par. 1, CDI-KR est modifiée de telle sorte qu'une personne ne sera plus limitée dans le choix de l'autorité compétente à laquelle elle entend présenter sa demande de procédure amiable. À l'avenir, elle pourra toujours soumettre son cas aux autorités compétentes des deux États contractants ou à celle de l'État contractant de son choix.
Cette modification se fonde sur l'élément 3.1 du standard minimal de l'action 14 du projet BEPS, selon lequel les deux autorités compétentes devraient être informées des demandes de procédures amiables qui ont été présentées et devraient être en mesure de faire connaître leur position sur l'acceptation ou le rejet de chaque demande.

Cette disposition modifiée figure également dans le modèle de convention de l'OCDE (art. 25, par. 1, 1re phrase) et dans la convention BEPS (art. 16, par. 1, 1re phrase).

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Art. III du protocole modifiant la CDI-KR Cet article introduit une clause se référant aux buts principaux d'un montage ou d'une transaction. Selon cette clause, un avantage fondé sur la CDI-KR n'est pas accordé si l'obtention de cet avantage était un des buts principaux d'un montage ou d'une transaction, à moins qu'il soit établi que l'octroi de cet avantage est conforme à l'objet et au but des dispositions correspondantes de la CDI-KR.

Cette clause anti-abus est certes nouvelle, mais elle correspond dans les grandes lignes aux clauses que la Suisse a conclues pour lutter contre les abus dans un grand nombre de CDI ces dernières années. Elle se différencie de ces clauses par le fait qu'elle n'est pas limitée à certains types de revenus, tels que les dividendes, les intérêts ou les redevances de licence. Au contraire, elle s'applique à toutes les dispositions de la convention. Ainsi, les abus sont réservés pour tout avantage fondé sur la convention.

La teneur de cette disposition diffère en outre sur un autre point de celle des clauses anti-abus récemment adoptées par la Suisse dans ses CDI. Elle ne se limite pas aux états de fait dans lesquels le but principal du montage ou de la transaction est de tirer des avantages de la convention; elle englobe également les états de fait dans lesquels l'obtention de ces avantages n'en est qu'un des buts principaux. Cependant, cette différence de terminologie ne devrait pas aboutir à un résultat différent, car la deuxième partie de la clause prévoit que les avantages fondés sur la convention sont quand même accordés s'ils sont conformes à la finalité ou à l'objet des dispositions correspondantes, ce qui devrait en principe être le cas si l'obtention de l'avantage n'était pas l'objet principal du montage ou de la transaction.

Cette clause anti-abus a été élaborée dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS. Elle est inscrite à l'art. 29, par. 9, du modèle de convention de l'OCDE et à l'art. 7, par. 1, de la convention BEPS. Pour respecter le standard minimal fixé dans le cadre de l'action 6 du projet BEPS, il suffit d'inscrire la clause anti-abus dans la CDI.

Aucune autre disposition anti-abus n'est requise.

Art. IV du protocole modifiant la CDI-KR Les dispositions du protocole modifiant la CDI-KR sappliquent en principe à compter du 1er janvier de lannée
suivant son entrée en vigueur. Une particularité sapplique à la disposition modifiée par l'art. II sur lintroduction de procédures amiables. Cette disposition sapplique pour tous les cas soumis à l'autorité compétente d'un Etat contractant dès la date de l'entrée en vigueur du protocole modifiant la CDI-KR. A ce sujet, il est en outre précisé que cela vaut sans égard à la période fiscale à laquelle se rapporte létat de fait. La disposition peut concerner également des périodes fiscales antérieures à l'entrée en vigueur du protocole modifiant la CDI-KR.

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Conséquences financières

Le protocole modifiant la CDI-KR ne prévoit pas de modification des critères d'attribution du droit d'imposer entre la Suisse et la Corée. Il contient au contraire des dispositions pour empêcher l'utilisation abusive de la CDI-KR et pour améliorer la procédure amiable en tant que moyen de régler les différends en cas de double imposition. Le protocole modifiant la CDI-KR ne devrait donc pas avoir d'effet notable sur les recettes fiscales de la Confédération, des cantons et des communes.

La CDI-KR modifiée peut être mise en oeuvre avec les ressources humaines disponibles.

4

Aspects juridiques

Le protocole modifiant la CDI-KR se fonde sur l'art. 54, al. 1, de la Constitution (Cst.)5, qui attribue à la Confédération la compétence en matière d'affaires étrangères. L'art. 184, al. 2, Cst. autorise le Conseil fédéral à signer et à ratifier les traités.

En vertu de lart. 166, al. 2, Cst., lAssemblée fédérale est compétente pour approuver les traités, à l'exception de ceux dont la conclusion relève de la compétence du Conseil fédéral en vertu d'une loi ou d'un traité (voir également l'art. 7a, al. 1, de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration6).

Dans le cas d'espèce, il n'existe pas de loi ou de traité qui délègue au Conseil fédéral la compétence de conclure un traité tel que le protocole modifiant la CDI-KR. Le Parlement est ainsi compétent pour approuver ce dernier.

L'art. 141, al. 1, let. d, Cst. dispose qu'un traité international est sujet au référendum, entre autres, s'il contient des dispositions importantes fixant des règles de droit. Selon l'art. 22, al. 4, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl) 7, sont réputées fixant des règles de droit les dispositions générales et abstraites d'application directe qui créent des obligations, confèrent des droits ou attribuent des compétences.

Le protocole modifiant la CDI-KR contient des dispositions qui créent des obligations pour les autorités suisses et confèrent des droits à celles-ci et aux personnes privées (physiques et morales).

Le protocole modifiant la CDI-KR contient donc des dispositions importantes fixant des règles de droit au sens des art. 22, al. 4, LParl et 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

L'arrêté fédéral portant approbation du protocole modifiant la CDI-KR est ainsi sujet au référendum en matière de traités internationaux au sens de l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst.

5 6 7

RS 101 RS 172.010 RS 171.10

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Procédure de consultation

Le protocole modifiant la CDI-KR est sujet au référendum, conformément à l'art. 141, al. 1, let. d, ch. 3, Cst. En vertu de l'art. 3a, al. 1, let. c, de la loi du 18 mars 2005 sur la consultation (LCo)8, il était donc en principe soumis à une consultation. Une procédure d'orientation a été organisée en novembre 2017. Dans ce cadre, une note explicative a été adressée aux cantons et aux milieux économiques intéressés à la conclusion des conventions contre les doubles impositions. Le protocole modifiant la CDI-KR a été bien accueilli et n'a pas rencontré d'opposition.

Par conséquent, les positions des milieux intéressés étaient connues et documentées.

En vertu de l'art. 3a, al. 1, let. b, LCo, il était donc possible de renoncer à une consultation.

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RS 172.061

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