13.426 Initiative parlementaire Renouvellement tacite des contrats de service Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 4 juillet 2019

Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs, Par le présent rapport, nous vous soumettons un projet de modification du code des obligations, que nous transmettons simultanément au Conseil fédéral pour avis.

La commission propose d'adopter le projet d'acte ci-joint. Une minorité (Merlini, Bauer, Geissbühler, Markwalder, Nidegger, Tuena, Vogt, Walliser, Zanetti Claudio) propose de ne pas entrer en matière.

4 juillet 2019

Au nom de la commission: Le président, Pirmin Schwander

2019-2662

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Condensé Le présent projet trouve sa source dans l'initiative parlementaire 13.426, à laquelle les Commissions des affaires juridiques des deux conseils ont donné suite. La Commission des affaires juridiques du Conseil national a élaboré un nouvel article du code des obligations, disposant ce qui suit: si un consommateur est lié par une clause des conditions générales d'un contrat prévoyant que ce dernier se prolongera automatiquement à l'expiration de la durée convenue s'il ne le dénonce pas dans un délai donné, l'autre partie devra aviser ledit consommateur avant la première prolongation de contrat et lui rappeler expressément son droit de résiliation. Si elle omet de l'aviser, le consommateur pourra résilier le contrat en tout temps après l'expiration de la durée convenue. Cette règle s'appliquera à tout type de contrat à l'exclusion du bail à loyer et du bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux.

La commission est convaincue que la norme proposée est propre à empêcher que des contrats soient reconduits au-delà de leur durée initiale sans que les consommateurs le souhaitent et que ces derniers se trouvent pris par des obligations sans le vouloir. L'obligation d'informer imposée aux entreprises concernées, limitée à la première prolongation qui aurait lieu sous le nouveau droit, est une charge si minime qu'il semble raisonnable d'attendre d'eux qu'ils s'y plient.

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Rapport 1

Genèse

1.1

L'initiative parlementaire 13.426

Le 17 avril 2013, Mauro Poggia, alors conseiller national, a déposé une initiative parlementaire ayant la teneur suivante: «La législation est complétée en ce sens qu'une obligation est imposée au prestataire de services, lorsqu'une reconduction tacite du contrat a été convenue, d'informer le client de la possibilité dont il dispose de le dénoncer, et cela au moins un mois avant le terme de la période durant laquelle il peut le faire. À défaut, le contrat doit pouvoir être dénoncé en tout temps par le client, sans pénalité, et le prestataire de services doit rembourser toute somme perçue pour la période contractuelle non écoulée.» Cette initiative parlementaire a été reprise le 26 décembre 2013 par Roger Golay, conseiller national.

Le 11 avril 2014, la Commission des affaires juridiques du Conseil national (commission) a examiné l'initiative et a décidé, par 12 voix contre 10 et 3 abstentions, de lui donner suite conformément à l'art. 109, al. 2, de la loi du 13 décembre 2002 sur le Parlement (LParl)1. La Commission des affaires juridiques du Conseil des États s'est ralliée à cette décision le 10 février 2015, par 8 voix contre 2 et 3 abstentions (art. 109, al. 3, LParl). Le 17 mars 2017, à la demande de sa commission, le Conseil national a prolongé le délai prévu pour élaborer le projet d'acte jusqu'à la session de printemps 2019. Le 22 mars 2019, il a à nouveau prolongé de deux ans le délai de mise en oeuvre de l'initiative, soit jusqu'à la session de printemps 2021.

1.2

Travaux de la commission

La commission a discuté, le 8 avril 2016, de la réalisation de l'initiative parlementaire; elle a confié l'élaboration d'un avant-projet à une sous-commission. Pour préciser le mandat à la sous-commission, elle a procédé à un vote consultatif portant sur l'approche à choisir. Ses membres se sont prononcés, par 13 voix contre 2 et 9 abstentions, pour l'instauration d'une obligation légale d'informer et contre une interdiction générale des renouvellements automatiques de contrat. La sous-commission est également parvenue à la conclusion, le 17 août 2016, que c'était là le meilleur moyen de concrétiser l'initiative. Conformément à son mandat, elle a élaboré un avant-projet détaillé qu'elle a soumis à la commission le 3 février 2017.

La commission a rejeté une proposition de classement, est entrée en matière et a opéré quelques modifications. Elle a approuvé l'avant-projet, après l'avoir adapté et pourvu d'une disposition transitoire, et le rapport explicatif qui l'accompagne lors de sa séance des 11 et 12 mai 2017.

1

RS 171.10

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Cet avant-projet a été soumis à une consultation, conformément à la loi du 8 mars 2005 sur la consultation2, dont les résultats font l'objet d'un rapport3. La consultation a duré du 16 juin au 9 octobre 2017. Lors de sa séance du 6 juillet 2018, la commission a pris acte des avis exprimés et a décidé de modifier l'avant-projet de manière à exclure de son champ d'application les contrats de bail à loyer et de bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux. Elle a également décidé d'insérer la nouvelle disposition dans le code des obligations plutôt que dans la loi fédérale contre la concurrence déloyale, comme le prévoyait l'avant-projet.

Le 15 novembre 2018, la commission a procédé à la discussion par article de l'avant-proiet remanié et l'a rejeté au vote sur l'ensemble, par 12 voix contre 12 et 1 abstention et avec la voix prépondérante de son président. Elle a donc proposé à son conseil de classer l'initiative. Une minorité (Flach, Aebischer Matthias.

Amherd. Arslan. Gmür-Schönenberger, Guhl, Marti Min Li, Mazzone, Naef, Vogler, Wasserfallen Flavia) a proposé de ne pas classer l'initiative et de prolonger de deux ans, soit jusqu'à la session de printemps 2021, le délai imparti pour sa mise en oeuvre. Le Conseil national ayant décidé le 22 mars 2019, par 102 voix contre 90 et 2 abstentions, de se rallier à la proposition de la minorité, la commission a repris ses travaux et a, lors de sa séance du 4 juillet 2019, adopté le présent projet par 11 voix contre 10. Une minorité (Merlini, Bauer, Geissbühler, Markwalder, Nidegger, Tuena, Vogt, Walliser, Zanetti Claudio) propose de ne pas entrer en matière. Elle est d'avis que le devoir d'information prévu constitue une ingérence dans la liberté contractuelle et génère trop de bureaucratie.

La commission a été soutenue dans ses travaux par le Département fédéral de justice et police, conformément à l'art. 112, al. 1, LParl.

2

Le renouvellement automatique des contrats

2.1

Contexte

Les clauses de renouvellement (ou reconduction) automatique (ou tacite) des contrats sont des clauses par lesquelles un contrat, en principe de durée limitée, est automatiquement prolongé à son échéance, à moins d'une déclaration contraire faite avant une certaine date. La clause de renouvellement et les modalités de cette déclaration (forme et délai) se trouvent généralement dans les conditions générales. Ce mécanisme de prolongation des contrats se trouve dans un certain rapport de contradiction avec la notion même de contrat de durée limitée. De fait, il transforme le contrat de durée limitée en contrat de durée illimitée avec une durée minimale et une possibilité récurrente de résiliation.

2 3

RS 172.061 Le rapport est disponible sur le site Internet des Commissions des affaires juridiques: www.parlament.ch > Organes > Commissions > Commissions thématiques > Commissions des affaires juridiques CAJ > Rapports et procédures de consultation des CAJ > Procédures de consultation > 13.426.

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Il peut certes se justifier dans les cas où l'une des parties, ou les deux, désirent une certaine prévisibilité. Les clauses de renouvellement tacite sont cependant fréquentes dans des cas où la prévisibilité n'est pas un élément important. Leur utilisation est donc vivement critiquée par certains, qui leur reprochent de servir en premier lieu à pousser les clients à conclure des contrats pour une durée plus longue que ce qu'ils souhaitent vraiment4. Selon leurs détracteurs, les utilisateurs de ces clauses escomptent que les clients n'y prennent pas garde ou qu'ils oublient de résilier le contrat à temps5, les délais particulièrement longs ou les exigences de forme pouvant en pratique accroître encore ce risque6.

Ces clauses ont longtemps été la règle dans le secteur des télécommunications. Sous la pression des organisations de protection des consommateurs, les grands fournisseurs de télécommunication mobile ont cependant déclaré, en mars 2014, qu'ils y renonçaient7. Dans le rapport 2014 sur les télécommunications, l'Office fédéral de la communication (OFCOM) annonçait que ces clauses n'étaient plus pratiquées que par quelques petits fournisseurs, notamment les fournisseurs proposant la présélection de l'opérateur (carrier preselection, CPS)8.

Bien que la question soit ainsi en grande partie résolue dans le secteur des télécommunications, d'autres branches utilisent encore les clauses de reconduction tacite. Le cas est particulièrement flagrant pour les contrats des programmes antivirus, des hébergeurs Web, des centres de fitness, des abonnements à des revues, des assurances voyage, des sites de rencontre en ligne et des parutions d'annonces publicitaires.

2.2

Cadre juridique

2.2.1

Appréciation au regard du droit des contrats

Selon la doctrine suisse, la prolongation du contrat aux termes d'une clause de renouvellement tacite se base sur ce que l'on pourrait appeler une déclaration de volonté fictive (Erklärungsfiktion). On part du principe que la modification du contrat ­ plus précisément de sa durée - est convenue dès le début, et qu'elle dépend de la volonté d'une des parties au contrat, qui doit l'approuver définitivement à un moment donné. Cette approbation trouve son expression ­ fictive ­ dans le silence

4 5 6 7

8

Voir Rusch Arnold F./Maissen Eva, Automatische Vertragsverlängerungsklauseln in allgemeinen Geschäftsbedingungen, recht 2010, 95 ss.

Rusch/Maissen (note 4), 97 s.

Rusch/Maissen (note 4), 96.

Voir le communiqué de la Stiftung für Konsumentenschutz du 14 mars 2014: www.konsumentenschutz.ch/themen/allgemeine-geschaeftsbedingungen-agb/orangesunrise-und-swisscom-verbessern-ihre-agb/.

Rapport 2014 sur l'évolution du marché suisse des télécommunications ainsi que sur les enjeux législatifs y afférents, 24 s., consultable à l'adresse: www.bakom.admin.ch > L'OFCOM > Organisation > Bases légales > Dossiers du Conseil fédéral > Evaluation du marché des télécommunications.

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du client9. Ce silence, au moment décisif, vaut déclaration, quelle que soit la volonté réelle de la personne10.

La doctrine considère que la prolongation du contrat ne crée pas une nouvelle relation contractuelle, mais une continuation de l'ancienne11. Le contrat est, pour ce qui est de cette durée supplémentaire, lié à une condition suspensive, qui est que l'approbation de la prolongation ne soit pas révoquée dans les temps12. Lorsque cette condition se réalise, les parties sont liées par le contrat pour une durée supplémentaire. Si le client déclare à temps qu'il ne veut pas renouveler le contrat, il ne s'agit donc pas d'une résiliation à proprement parler, mettant fin à un contrat qui aurait sans cela continué de courir. Il s'agit d'une déclaration de volonté visant à empêcher la réalisation de l'approbation fictive dont nous parlions plus haut et donc la prolongation de la durée du contrat13.

En considération de la liberté contractuelle, ces clauses sont par principe à considérer comme licites au regard du droit des contrats. Comme elles se trouvent la plupart du temps dans les conditions générales, les règles de validité de ces dernières, développées par la doctrine et la jurisprudence, doivent être respectées. Le plus souvent, les clients acceptent les conditions générales sans les lire (acceptation générale).

Cela ne les invalide pas. Le client doit cependant avoir au moins eu raisonnablement la possibilité, lors de la conclusion du contrat, de prendre connaissance du contenu des conditions générales14. Selon la règle de l'insolite, l'utilisateur des conditions générales doit en outre attirer l'attention du client sur les clauses inhabituelles, faute de quoi elles ne sont pas valables15. Dans le cas qui nous occupe, le caractère insolite peut découler soit du mécanisme de renouvellement du contrat, soit des modalités de la déclaration. Pour ce qui est du mécanisme de renouvellement, il faut noter que les clauses de reconduction tacite sont si courantes, dans certains secteurs, et si connues des consommateurs, qu'on ne pourrait guère soutenir qu'elles sont insolites16. Tel ne serait par contre pas le cas de délais extrêmement longs17 ou de modalités inhabituelles par d'autres aspects.

9

10 11 12 13 14 15 16

17

Explications détaillées sur l'ensemble de la question dans Maissen Eva, Die automatische Vertragsverlängerung unter dem Aspekt der Kontrolle von Allgemeinen Geschäftsbedingungen, Zurich 2012, n° 9 ss., 22; voir aussi Fuhrer Stephan, in: Honsell Heinrich/Vogt Nedim Peter/Schnyder Anton K. (éd.), Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag (VVG), Bâle 2001, ad art. 47 n° 14.

Maissen (note 9), n° 19.

Maissen (note 9), n° 26 ss.

Voir Maissen (note 9), n° 205 s.

Voir Fuhrer (note 9), ad art. 47 LCA n° 14.

Voir par ex. Gauch Peter/Schluep Walter/Schmid Jörg, Schweizerisches Obligationenrecht Allgemeiner Teil: Band 1, 10e éd., Zurich 2014, n° 1134 ss.

Voir ATF 119 II 443 consid. 1; ATF 135 III 1 consid. 2.1.

Voir Maissen Eva, AGB und automatische Vertragsverlängerungen, in: Brunner Alexander/Schnyder Anton K./Eisner-Kiefer Andrea (éd.), Allgemeine Geschäftsbedingungen nach neuem Schweizer Recht, Zurich 2014, 239 ss., 246.

Voir par ex. l'arrêt du Tribunal fédéral 5P.115/2005 du 13 mai 2005 consid. 1.1.: délai de résiliation de deux ans pour un contrat d'une durée de trois ans.

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2.2.2

Appréciation au regard du droit de la concurrence déloyale

L'art. 8 de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD) 18, qui prévoit un contrôle matériel des conditions générales, est entré en vigueur le 1 er juillet 2012.

Selon cette disposition, agit de façon déloyale celui qui, notamment, utilise des conditions générales qui, en contradiction avec les règles de la bonne foi prévoient, au détriment du consommateur, une disproportion notable et injustifiée entre les droits et les obligations découlant du contrat. Selon la doctrine dominante, les clauses qui répondent à cette définition sont nulles19. L'article ne s'applique qu'aux conditions générales de contrats conclus avec des consommateurs 20. La «disproportion notable» entre les droits et les obligations des deux parties est évaluée par comparaison avec la situation qui existerait entre elles sans les conditions générales21. Une clause n'est nulle que si la disproportion est injustifiée et contraire aux règles de la bonne foi. Les intérêts dignes de protection de l'utilisateur des conditions générales et de l'autre partie doivent être appréciés en l'espèce, dans leur globalité22.

Lors des débats parlementaires sur la révision de l'art. 8 LCD, M. Schneider-Ammann a cité le renouvellement automatique de contrats d'abonnements conclus pour une durée limitée comme cas d'application possible d'un contrôle judiciaire des conditions générales23. La position de la doctrine est aussi que la fiction à l'origine de la reconduction tacite d'un contrat n'est pas compatible avec l'art. 8 LCD24. Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a pourtant laissé explicitement ouverte la question de la nullité d'une telle clause d'un contrat avec un centre de fitness au sens de l'art. 8 LCD25. Il a déclaré qu'on ne saurait présumer l'illicéité de toute clause de ce genre, mais que tant la formulation de la loi que les travaux préparatoires laissent penser que ces clauses peuvent créer une disproportion notable et sont donc susceptibles d'être soumises au contrôle judiciaire des conditions générales.

Il règne donc une grande incertitude quant à l'application de la disposition générale de l'art. 8 LCD26.

18 19

20

21 22 23 24 25 26

RS 241 Message du 2 septembre 2009 concernant la modification de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (LCD), FF 2009 5539, 5568; Gauch/Schluep/Schmid (note 14), n° 1155; Thouvenin Florent, in: Hilty Reto M./Arpagaus Reto (éd.), Basler Kommentar Bundesgesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (UWG), Bâle 2013, ad art. 8 LCD n° 144 s.

L'iv. pa. 14.440 Flach («Conditions commerciales abusives»), qui demandait que l'on supprime la restriction aux contrats conclus avec des consommateurs, a été classée le 15 décembre 2017 alors que les deux Commissions des affaires juridiques y avaient donné suite.

Gauch/Schluep/Schmid (note 14), n° 1153a ss.

Message LCD (note 19), FF 2009 5567 s.

BO 2011 N 229.

Maissen (note 9), n° 333.

Voir ATF 140 III 404 consid. 4.5.

Voir Roberto Vito/Walker Marisa, AGB-Kontrolle nach dem revidierten Art. 8 UWG, recht 2014, 49 ss., 54 ss.

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2.3

Résultats de la procédure de consultation

L'avant-projet et le rapport explicatif de la Commission des affaires juridiques du Conseil national ont été soumis à une consultation du 16 juin au 9 octobre 2017. Les cantons, les partis politiques représentés à l'Assemblée fédérale, les associations faîtières des communes, des villes, des régions de montagne et de l'économie oeuvrant au niveau national ainsi que d'autres organisations intéressées ont été invités à s'exprimer. Dans ce cadre, 5 cantons, 5 partis politiques et 21 organisations et autres participants se sont prononcés, pour un total de 31 prises de position. La majorité des cantons et des partis ayant participé à la consultation se sont déclarés favorables à l'avant-projet, alors que deux tiers des organisations en ont rejeté l'essentiel voire l'intégralité.

Les participants favorables à l'avant-projet ont jugé que la solution proposée était pragmatique et équilibrée parce qu'elle permettait de protéger les consommateurs contre la prolongation non désirée des contrats tout en limitant la charge de travail imposée aux entreprises concernées. Les opposants ont estimé qu'elle restreignait trop la liberté contractuelle et qu'elle entraînait une charge de travail disproportionnée pour les entreprises concernées. Ils ont par ailleurs exigé que différents types de contrats ne soient pas soumis à la nouvelle réglementation. D'autres participants ont rejeté l'avant-projet parce qu'il n'allait pas assez loin à leurs yeux. Plusieurs variantes ont été proposées pour régler le problème de la prolongation non désirée des contrats.

2.4

Remaniement de l'avant-projet

Après avoir pris connaissance des résultats de la procédure de consultation, la commission a décidé d'exclure les contrats de bail à loyer et de bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux du champ d'application de la nouvelle disposition.

Les clauses de renouvellement sont rares dans ce contexte, vu qu'il s'agit là normalement de contrats de durée indéterminée. Comme les intérêts en jeu dans le cas de contrats de ce genre ne sont pas les mêmes que dans le cas de contrats de consommation typiques contenant des clauses de renouvellement, il est en outre difficile de décider quelle partie devrait informer l'autre.

La commission a par ailleurs décidé d'intégrer la disposition dans le code des obligations et non dans la LCD, comme le prévoyait l'avant-projet. La nouvelle disposition présente certes des liens avec l'art. 8 LCD, vu qu'elle est destinée aux consommateurs et porte sur les conditions générales, mais l'objet de la réglementation et les conséquences juridiques sont différentes. La LCD vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée (art. 1 LCD) et elle contient un catalogue de pratiques et de clauses désignées comme déloyales. Des clauses de ce type sont nulles selon la doctrine dominante.27 La nouvelle disposition quant à elle ne considère pas que les clauses de renouvellement sont déloyales, mais demande que le recours à ces clauses soit subordonné à des obligations. Si ces obligations ne sont pas respectées, les clauses en question ne sont 27

Voir les références dans la note 19.

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pas jugées déloyales, mais le consommateur a alors le droit de résilier le contrat. La nature de la règle est donc par essence contractuelle, raison pour laquelle elle doit être intégrée, du point de vue systématique, dans le code des obligations.

La disposition a également été améliorée sur le plan rédactionnel à la suite de la procédure de consultation.

3

Survol des règlementations actuelles

3.1

Droit suisse

Le droit suisse des contrats ne comporte pas de disposition générale sur le renouvellement tacite des relations contractuelles. À première vue, il n'existe qu'une norme réglant explicitement la reconduction tacite fondée sur une clause contractuelle: Art. 47 LCA28 Renouvellement tacite du contrat Toute clause prévoyant le renouvellement tacite du contrat ne peut avoir d'effet que pour une année au plus.

Cette norme est très certainement adéquate en droit des assurances, en ce sens qu'elle empêche qu'un assuré ne perde sa couverture d'assurance, ce qui pourrait lui causer un grave préjudice.

Il existe par ailleurs plusieurs dispositions évoquant une reconduction tacite des relations contractuelles sans clause expresse dans le contrat: ­

En droit du bail: Art. 266 CO29 Expiration de la durée convenue Lorsque les parties sont convenues expressément ou tacitement d'une durée déterminée, le bail prend fin sans congé à l'expiration de la durée convenue.

1

Si le bail est reconduit tacitement, il devient un contrat de durée indéterminée.

2

­

Une norme similaire se trouve dans le droit du bail à ferme (art. 295 CO): I. Expiration de la durée convenue Lorsque les parties sont convenues expressément ou tacitement d'une durée déterminée, le bail prend fin sans congé à l'expiration de la durée convenue.

1

Si le bail est reconduit tacitement, il se renouvelle d'année en année, aux mêmes conditions, sauf convention contraire.

2

28 29

RS 221.229.1 Code des obligations; RS 220

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Ici, la poursuite des relations contractuelles dépend non seulement de l'accord tacite, mais de l'utilisation continue de l'objet loué ou affermé. Les parties déclarent ainsi implicitement qu'elles veulent maintenir la relation contractuelle. La prolongation de celle-ci ne se fonde pas sur une déclaration fictive mais sur une présomption réfragable, reposant sur un comportement spécifique30.

­

Le droit du travail prévoit aussi une règle de ce type: Art. 334, al. 2, CO Si, après l'expiration de la période convenue, le contrat de durée déterminée est reconduit tacitement, il est réputé être un contrat de durée indéterminée.

Ici encore, il n'y a pas de déclaration fictive; le critère est une présomption réfragable reposant sur un comportement donné. En fournissant encore une prestation de travail, pour l'une, et en continuant de l'accepter, pour l'autre, les parties témoignent de leur volonté de voir se poursuivre la relation contractuelle.

­

Enfin, le contrat d'agence donne également lieu à une disposition sur le renouvellement automatique: Art. 418p, al. 2, CO Si le contrat fait pour une durée déterminée est tacitement prolongé de part et d'autre, il est réputé renouvelé pour le même temps, mais pour une année au plus.

3.2

Droit étranger

3.2.1

Directive de l'UE sur les clauses abusives

La directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs 31 définit certaines clauses comme illicites. La disposition déterminante à cet égard est l'art. 3, par. 1: Une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

30 31

Rusch/Maissen (note 4), 96; Maissen (note 9), n° 70 ss.

JO L 95 du 21.4.1993, p. 29.

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La formulation de l'art. 8 LCD est inspirée de cette disposition (voir plus haut le ch. 2.2.2). Mais au contraire de la loi suisse, la directive contient une annexe énumérant, à titre indicatif et sans prétention à l'exhaustivité, les clauses qui peuvent être déclarées abusives (art. 3, par. 3). Les clauses de renouvellement automatique y sont citées à la let. h: Clauses ayant pour objet ou pour effet de proroger automatiquement un contrat à durée déterminée en l'absence d'expression contraire du consommateur, alors qu'une date excessivement éloignée de la fin du contrat a été fixée comme date limite pour exprimer cette volonté de non-prorogation de la part du consommateur; Ces clauses ne sont donc pas illicites par nature, mais elles peuvent l'être si la date fixée pour la résiliation est excessivement distante de la fin du contrat.

La directive 93/13/CEE a été transposée de manière très diverse par les États membres. Nous présentons ci-après la ligne suivie par les États limitrophes de la Suisse.

3.2.2

France: article L136­1 du code de la consommation

L'auteur de l'initiative parlementaire mentionne, dans le développement, la règlementation française (loi Chatel du 28 janvier 200532).

Les dispositions auxquelles il fait référence33 ont la teneur suivante: Article L136­1 Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite. Cette information, délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de résiliation.

Lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction. Les avances effectuées après la dernière date de reconduction ou, s'agissant des contrats à durée indéterminée, après la date de transformation du contrat initial à durée déterminée, sont dans ce cas remboursées dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation, déduction faite des sommes correspondant, jusqu'à celle-ci, à l'exécution du contrat. À défaut de rem32 33

Loi n° 2005­67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, dite «loi Chatel 1». Pour la «loi Chatel 2», voir note 34.

Article L136­1 et L136­2 du code de la consommation, introduits par l'art. 35 de la loi n°2014­344 relative à la consommation du 17 mars 2014. Elles ont été complétées, au titre de la loi n° 2014­344 relative à la consommation du 17 mars 2014 («loi Hamon») de dispositions sur la manière dont l'information doit avoir lieu.

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boursement dans les conditions prévues ci-dessus, les sommes dues sont productives d'intérêts au taux légal.

Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice de celles qui soumettent légalement certains contrats à des règles particulières en ce qui concerne l'information du consommateur.

Les trois alinéas précédents ne sont pas applicables aux exploitants des services d'eau potable et d'assainissement. Ils sont applicables aux consommateurs et aux non-professionnels.

Article L136­2 L'article L. 136­1 est reproduit intégralement dans les contrats de prestation de services auxquels il s'applique.

Selon son al. 4, l'art. L136­1 s'applique aux consommateurs et aux non-professionnels. Ce dernier terme recouvre les personnes qui concluent un contrat pour leurs besoins professionnels, mais en dehors de leur métier à proprement parler (ce sera par ex. le cas d'une agence de voyage qui conclut un service de maintenance pour une imprimante)34. Les personnes morales peuvent elles aussi se prévaloir de cet article35.

La loi Hamon du 17 mars 2014 a aussi modifié le code des assurances 36. Depuis son entrée en vigueur le 31 décembre 2014, les consommateurs peuvent, après un an, résilier en tout temps notamment leurs assurances véhicule et leurs assurances logement des locataires tacitement reconductibles, sous réserve d'un délai de résiliation d'un mois, et qu'ils aient ou non été informés de la possibilité de résilier.

3.2.3

Allemagne: § 309, ch. 9, BGB

En droit allemand, les clauses de renouvellement sont en principe admises, même si elles figurent dans les conditions générales. Les clauses de reconduction tacite selon lesquelles le contrat se poursuit faute de dénonciation ne sont cependant pas considérées par la doctrine allemande dominante comme reposant sur une déclaration fictive; on estime que la poursuite du contrat en l'absence de dénonciation est déjà convenue lors de la conclusion du contrat (déclaration anticipée)37. Le contrat serait donc lié à une condition résolutoire. Étant donné cette interprétation, le contrôle matériel de ces clauses repose non pas sur le § 308, ch. 5 (déclaration fictive), mais 34

35 36

37

Modification introduite par la loi Chatel 2 du 3 janvier 2008 (loi n° 2008­3 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs), art. 33; cf. Picod Yves, in: Commentaire Dalloz Code de la Consommation, 19 e éd., Paris 2014, 314; CalaisAuloy Jean/Temple Henri, Droit de la consommation, 9e éd., Paris 2015, n° 12 s. et 187.

Cour de cassation civile, Chambre civile 1, 23 juin 2011, n° 10­30.645, Bull. civ. I, n° 122.

Art. L113­15­2 du code des assurances, complété par le décret n° 2014­1685 du 29 décembre 2014 relatif à la résiliation à tout moment de contrats d'assurance et portant application de l'article L. 113­15­2 du code des assurances.

Voir Wurmnest Wolfgang, in: Säcker Franz Jürgen/Rixecker Roland/Oetker Hartmut/Limperg Bettina (éd.), Münchener Kommentar zum Bürgerlichen Gesetzbuch, Bd. 2, Schuldrecht ­ Allgemeiner Teil, 7e éd., Munich 2016, § 308 Nr. 5 BGB n° 6.

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sur le § 309, ch. 9 (durée des contrats de durée) du code civil allemand (BGB). Selon cette dernière disposition, les clauses des conditions générales n'ont pas d'effet si elles ont le contenu suivant: [...] bei einem Vertragsverhältnis, das die regelmässige Lieferung von Waren oder die regelmässige Erbringung von Dienst- oder Werkleistungen durch den Verwender zum Gegenstand hat, a) eine den anderen Vertragsteil länger als zwei Jahre bindende Laufzeit des Vertrags, b) eine den anderen Vertragsteil bindende stillschweigende Verlängerung des Vertragsverhältnisses um jeweils mehr als ein Jahr oder c) zu Lasten des anderen Vertragsteils eine längere Kündigungsfrist als drei Monate vor Ablauf der zunächst vorgesehenen oder stillschweigend verlängerten Vertragsdauer; dies gilt nicht für Verträge über die Lieferung als zusammengehörig verkaufter Sachen, für Versicherungsverträge sowie für Verträge zwischen den Inhabern urheberrechtlicher Rechte und Ansprüche und Verwertungsgesellschaften im Sinne des Gesetzes über die Wahrnehmung von Urheberrechten und verwandten Schutzrechten.

Il est donc possible d'avoir un contrat d'une durée minimale de deux ans avec une reconduction tacite pour un an au plus si le délai de résiliation est d'au moins trois mois. Le champ d'application du § 309, ch. 9, BGB est limité; par exemple, les contrats d'usage, tels que les baux à loyer, n'y sont pas compris. Cela implique que les contrats avec des centres de fitness, dont l'élément principal est l'utilisation d'appareils, ne sont pas concernés38. Il faut enfin noter que le § 309 BGB n'est pas applicable lorsque les conditions générales sont utilisées dans un contrat avec une entreprise (§ 310, ch. 1, BGB).

Outre le § 309, ch. 9, BGB, les clauses de renouvellement automatique des contrats sont aussi soumises aux mécanismes de contrôle généraux des conditions générales.

En particulier, si le client n'avait aucun intérêt à la poursuite des prestations au-delà de la durée originellement prévue, la clause de renouvellement peut être considérée comme «objectivement surprenante» au sens du § 305c, ch. 1, BGB. Une clause peut aussi être considérée comme inappropriée au sens du § 307 BGB39. L'un et l'autre motifs entraînent la nullité de l'accord passé.

La doctrine estime que, suite à la nullité de la clause de renouvellement,
le contrat doit être considéré comme rempli à son échéance initiale. Si les parties poursuivent la relation contractuelle tacitement, on peut présumer que le contrat a été prolongé pour une durée indéterminée et qu'elles peuvent le résilier en tout temps40.

38 39 40

Voir MüKo-Wurmnest (note 37), § 309 Nr 9 BGB n° 8.

Voir MüKo-Wurmnest (note 37), § 309 Nr 9 BGB n° 11, 15.

Voir MüKo-Wurmnest (note 37), § 309 Nr 9 BGB n° 20 avec d'autres références; voir aussi le § 625 BGB (prolongation tacite des contrats de service): «Wird das Dienstverhältnis nach dem Ablauf der Dienstzeit von dem Verpflichteten mit Wissen des anderen Teiles fortgesetzt, so gilt es als auf unbestimmte Zeit verlängert, sofern nicht der andere Teil unverzüglich widerspricht.».

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3.2.4

Autriche: § 6, al. 1, ch. 2, de la loi sur la protection des consommateurs

En Autriche, c'est le § 6, al. 1, ch. 2, du Konsumentenschutzgesetz (KSchG) qui s'applique: ne sont pas contraignantes pour le consommateur les clauses de contrat selon lesquelles [...] ein bestimmtes Verhalten des Verbrauchers als Abgabe oder Nichtabgabe einer Erklärung gilt, es sei denn, der Verbraucher wird bei Beginn der hiefür vorgesehenen Frist auf die Bedeutung seines Verhaltens besonders hingewiesen und hat zur Abgabe einer ausdrücklichen Erklärung eine angemessene Frist.

Contrairement au droit allemand, les clauses de reconduction des contrats sont vues comme des déclarations fictives41. Elles ne peuvent être valablement conclues que si le contrat prévoit un délai pour déclarer expressément renoncer au renouvellement et si cette possibilité est rappelée au consommateur avant que ce délai ne débute42.

Cette disposition s'applique essentiellement aux clauses de reconduction des contrats, mais aussi aux clauses qui prévoient qu'une marchandise est considérée comme acceptée faute d'opposition à la réception (acceptation fictive) 43.

Les clauses qui ne satisfont pas à ces exigences sont, selon le § 6, al. 1, KSchG, «für den Verbraucher [...] im Sinne des § 879 ABGB jedenfalls nicht verbindlich». Le § 879 du code civil autrichien (ABGB) règle la nullité des contrats. Il y a en Autriche une controverse sur le fait que la nullité doive être constatée d'office par un tribunal ou bien invoquée par le consommateur44. Des clauses convenues individuellement peuvent aussi être nulles; il ne doit pas forcément s'agir de conditions générales45.

4

La nouvelle réglementation proposée

4.1

Remarques générales

Tant la commission que la sous-commission ont examiné plusieurs options de concrétisation de l'initiative parlementaire. Conformément au mandat inclus dans cette dernière, la solution proposée s'inspire fortement du droit français: lorsqu'un contrat avec un consommateur contient, dans les conditions générales, une clause de renouvellement, l'autre partie est tenue d'informer le consommateur, avant la date limite pour dénoncer le contrat, de son droit de dénonciation et des modalités à observer. Si elle omet de le faire, ou si l'information ne respecte pas les prescriptions légales, le consommateur peut dénoncer immédiatement le contrat en tout temps, après la durée convenue. La commission est d'avis qu'avertir une seule fois le consommateur, au 41

42 43 44 45

Voir Langer Stefan, in: Kosesnik-Wehrle Anne Marie (éd.), Kurzkommentar Konsumentenschutzgesetz (KSchG) und Fern- und AuswärtsgeschäfteG, 4e éd., Vienne 2015, § 6 KSchG n° 15.

Langer (note 41), § 6 KSchG n° 15.

Langer (note 41), § 6 KSchG n° 15.

Voir Langer (note 41), § 6 KSchG n° 6a.

Langer (note41), § 6 KSchG n° 7.

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moment de la première prolongation du contrat, satisfait raisonnablement à son besoin d'information. Une minorité (Flach, Aebischer Matthias, Arslan, Fehlmann Rielle, Kälin, Marti Min Li, Naef, Wasserfallen Flavia) propose au Conseil national de ne pas limiter le devoir d'information à la première prolongation du contrat.

La nouvelle norme est de nature obligatoire; il n'est donc pas possible d'y déroger par le biais d'une clause contractuelle. Cela découle directement du but de la norme.

Il est également interdit de rendre difficile au consommateur l'exercice de son droit, par exemple en convenant de frais à payer pour la dénonciation.

4.2

Champ d'application de la nouvelle norme

4.2.1

Vaste champ d'application dont sont exclus le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux

La commission propose une règlementation applicable à tous les types de contrat à l'exception des contrats de bail à loyer et de bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux. Elle renonce à la limiter aux contrats de service comme le suggère l'initiative parlementaire. Le terme employé dans l'initiative, «contrat de services», n'a pas de définition légale. Sa portée exacte n'est pas claire, et il est sans doute trop étroit: certains types de contrat qui contiennent souvent des clauses de reconduction tacite (abonnements à des revues, certains types de contrats avec des centres de fitness, etc.) ne seraient pas inclus.

Les contrats de bail à loyer ou de bail à ferme sont en général de durée illimitée; à ce titre, ils ne seraient en principe pas touchés par la nouvelle réglementation. Comme les intérêts en jeu dans ce genre de contrats ne sont pas les mêmes que dans le cas de contrats de consommation typiques contenant des clauses de renouvellement, la commission a décidé, suite à la procédure de consultation, de les exclure du champ d'application de la nouvelle disposition (voir ch. 2.4). Seuls doivent être exclus les baux à loyer et les baux à ferme typiques, et non les contrats qui ne contiennent que certains éléments de droit du bail. Cette restriction vise à éviter que la nouvelle disposition ne pose des problèmes de délimitation, comme en a connus l'Allemagne: l'exclusion des contrats d'usage du champ d'application du § 309, ch. 9, du code civil allemand a mené à ce que les contrats les plus usuels avec des centres de fitness échappent à la norme. De l'avis de la commission, les contrats de ce type, qui contiennent des éléments de droit du bail, devraient également être soumis à la nouvelle norme.

4.2.2

Restriction aux contrats conclus avec des consommateurs

La commission s'est penchée par ailleurs sur une question centrale: celle de l'opportunité de limiter la nouvelle disposition aux contrats conclus avec des consommateurs.

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La règle allemande vaut pour tous les partenaires d'utilisateurs de conditions générales (à l'exclusion, en partie, des entrepreneurs)46, la règle autrichienne seulement pour les consommateurs; la France a adopté encore un autre angle de vue avec la catégorie des non-professionnels. Cette dernière solution, qui a soulevé des critiques dans la doctrine française, est cependant susceptible de créer des problèmes de délimitation et des incertitudes juridiques47.

La solution choisie ici a été une restriction de la norme aux contrats conclus avec des consommateurs. L'instauration d'une nouvelle disposition obligatoire est une importante limitation de la liberté contractuelle, si bien qu'une certaine réserve s'impose dans la définition du champ d'application. La commission part du principe que dans les relations commerciales, les entreprises concernées sont en mesure de mettre fin aux contrats sans rappel explicite de l'autre partie, si tel est leur souhait.

De plus, la création d'une nouvelle norme de nature obligatoire pourrait avoir des effets imprévus et indésirables sur les relations contractuelles entre grandes entreprises.

4.2.3

Restriction aux conditions générales

Enfin, la commission a étudié si la nouvelle norme doit s'appliquer uniquement aux clauses de reconduction tacite se trouvant dans les conditions générales. Nos voisins n'ont pas tous choisi la même option. Alors que l'Autriche et la France ont adopté des règles communément applicables à toutes les clauses contractuelles abusives, les §§ 307 à 309 du code civil allemand ne s'appliquent qu'aux conditions générales.

Selon la commission, la protection de la loi est davantage nécessaire lorsque la clause de renouvellement automatique se trouve dans les conditions générales, où elle risque de passer inaperçue. Elle propose donc de limiter l'obligation d'informer à ces cas de figure, en excluant les clauses individuelles, qui sont de toute façon rares.

4.2.4

Relation avec d'autres dispositions

La formulation proposée indique clairement que les clauses de reconduction automatique du contrat sont licites. À l'avenir, il serait donc difficile de faire valoir l'art. 8 LCD pour dénoncer de telles clauses. Bien sûr, il serait toujours possible de qualifier une clause du contrat de déloyale si elle limite indûment l'exercice du droit de dénonciation par des délais extrêmement courts par exemple (voir l'annexe de la directive sur les clauses abusives dans les contrats de l'UE pour la condition inverse48, c'est-à-dire une date excessivement éloignée de la fin du contrat).

46 47 48

Les critères de contrôle sont plus sévères pour les contrats avec des consommateurs (§ 310, ch. 3, BGB).

Voir Picod (note 34), 314; Calais-Auloy/Temple (note 34), n° 12 s.

Let. h de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

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La disposition actuelle sur le renouvellement tacite du contrat à l'art. 47 LCA demeurerait applicable; la nouvelle norme viendrait seulement en complément. Les clauses de contrat d'assurance ne pourraient donc avoir d'effet que pour une année au plus, comme le prévoit déjà la loi actuelle (art. 47 LCA). Le consommateur devrait être informé de son droit de résiliation avant la première prolongation (art.

40g P-CO). Les autres dispositions citées (art. 266, al. 2, 295, 334, al. 2, et 418p, al. 2, CO) ne seraient par contre pas touchées, car elles s'appliquent non pas aux clauses de prolongation mais à la reconduction tacite des contrats.

4.3

Droit transitoire

La commission estime que la nouvelle disposition devrait s'appliquer uniquement aux contrats conclus après l'entrée en vigueur du nouveau droit et propose de le préciser dans une disposition transitoire.

Une minorité (Fehlmann Rielle, Aebischer Matthias, Arslan, Flach, Guhl, Kälin, Marti Min Li, Naef, Wasserfallen Flavia) est d'avis que la nouvelle disposition devrait s'appliquer également aux contrats conclus avant la date de son entrée en vigueur et propose une disposition transitoire allant en ce sens.

5

Commentaire des dispositions proposées

Art. 40g CO (nouveau) Prolongation tacite du contrat La solution proposée est une obligation légale d'informer le consommateur, avant la fin de la durée convenue du contrat et en respectant un délai dans lequel le consommateur pourra faire part de sa décision, en lui indiquant que la relation contractuelle sera prolongée sauf déclaration contraire; cette information n'aura lieu qu'une fois, avant la première prolongation (art. 40g, al. 1, P-CO). Une minorité (Flach, Aebischer Matthias, Arslan, Fehlmann Rielle, Kälin, Marti Min Li, Naef, Wasserfallen Flavia) propose au Conseil national de ne pas limiter ce devoir d'information à la première prolongation du contrat, mais de l'étendre à toutes les prolongations.

L'idée d'une interdiction générale des clauses de renouvellement automatique des contrats n'a pas été retenue: ces clauses sont, dans certains cas, utiles et souhaitées par les parties.

Le projet précise quelles informations relatives au contrat doivent être rappelées spécifiquement au consommateur: la durée de la relation contractuelle qui était convenue initialement (let. a); la nouvelle durée prévue si le consommateur ne s'y oppose pas à temps, le contrat pouvant selon les cas être prolongé pour une durée déterminée ou indéterminée (let. b) et la date jusqu'à laquelle le consommateur peut déclarer qu'il ne souhaite pas prolonger le contrat (let. c). Le projet de loi indique clairement qu'il s'agit d'une déclaration de volonté qui doit parvenir à l'autre partie dans les temps convenus; le simple envoi dans les délais ne suffit pas à ce que ces derniers soient réputés respectés. La loi ne soumet la déclaration du consommateur à aucune condition de forme spécifique; le contrat peut bien sûr en prévoir une en particulier.

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Le projet (art. 40g, al. 2, P-CO) précise la forme sous laquelle le consommateur doit être avisé : l'information peut être communiquée non seulement en la forme écrite selon l'art. 13 CO mais également sous forme de texte (art. 40g, al. 2, P-CO), afin d'autoriser l'envoi d'un e-mail ou d'un SMS. Cela répond à un voeu souvent exprimé pour les obligations d'informer (voir par ex. l'art. 40d, al. 1, CO). La preuve que l'information a été délivrée incombe cependant toujours à l'expéditeur. Le consommateur doit en outre être avisé dans un certain délai, soit au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant la date jusqu'à laquelle sa déclaration doit parvenir à l'autre partie (art. 40g, al. 1, let. c, P-CO).

Pour les cas où le prestataire omet d'informer son client ou ne le fait pas correctement (art. 40g, al. 3, P-CO), la disposition proposée prévoit de donner au consommateur un droit légal de dénonciation. Celle-ci déploie ses effets à partir du moment de sa déclaration (ex nunc). Cette solution constitue un compromis adapté entre les parties concernées. Elle ne prévoit pas de sanction en tant que telle et correspond de ce fait le mieux aux principes fondamentaux du droit civil. Par ailleurs, il sera possible en tout temps de constater si le contrat a effet à telle ou telle date. Le frapper de nullité rétroactivement aurait pour inconvénient de faire planer le doute pendant une longue période. De plus, il peut être compliqué de restituer les prestations déjà fournies.

L'al. 4 précise que la disposition ne s'applique pas aux contrats typiques de bail à loyer ou de bail à ferme portant sur des habitations ou des locaux commerciaux (voir ch. 4.2.1.).

Disposition transitoire de la modification du [...]

La commission propose une disposition transitoire pour clarifier la situation juridique concernant les contrats en cours conclus avant l'entrée en vigueur du nouveau droit : le devoir d'information ne s'appliquerait qu'aux contrats qui ont été conclus le jour de l'entrée en vigueur de la modification ou après et les contrats conclus avant cette date ne seraient pas touchés.

Une minorité (Fehlmann Rielle, Aebischer Matthias, Arslan, Flach, Guhl, Kälin, Marti Min Li, Naef, Wasserfallen Flavia) propose une disposition transitoire qui inclurait les contrats en cours conclus avant l'entrée en vigueur. Le
nouveau devoir d'information impliquerait dans ce cas que les consommateurs soient avisés une seule fois avant toute prolongation de contrat devant intervenir au plus tôt trois mois après l'entrée en vigueur du nouveau droit.

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Conséquences

6.1

Conséquences pour la Confédération, les cantons et les communes

La nouvelle disposition proposée (art. 40g P-CO) ne devrait pas avoir de conséquences notables en matière de finances, de personnel ou autre pour la Confédération, les cantons et les communes.

6.2

Conséquences pour l'économie

Pour l'instant, il n'est pas possible de quantifier les conséquences économiques de la règlementation proposée. Une chose est certaine: le nombre de contrats reconduits tacitement tendra à diminuer, parce qu'on peut supposer que dans un certain nombre de cas, la prolongation n'a lieu que parce que le consommateur a négligé de dénoncer le contrat. On ne saurait toutefois prédire, à l'heure actuelle, comment le secteur privé réagira à la nouvelle règle et si les coûts auront des retombées positives ou négatives au plan macro-économique.

7

Constitutionnalité et légalité

La nouvelle norme proposée repose sur la compétence de la Confédération en matière de droit civil (art. 122, al. 1, Cst.).

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